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AÏKIDO AÏKIDO m a g a z i n e FÉDÉRATION FRANÇAISE D’AIKIDO AIKIBUDO ET AFFINITAIRES ENTRETIEN AVEC SILVA TSCHARNER RENCONTRE AVEC LOUIS CLÉRIOT LE TOUCHER LIBÉRATEUR DE PHILIPPE GOUTTARD TOUS LES STAGES DE L’ÉTÉ

AIKI MAG 10 - CID Aquitaine FFAAA - Accueil...AÏKIDO MAGAZINE juin 2002 est édité par FFAAA, 11 rue Jules Vallès - Tél: 01 43 48 22 22 - Fax: 01 43 48 87 91. - Email : [email protected]

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AÏKIDOAÏKIDOm a g a z i n e

F É D É R A T I O N F R A N Ç A I S E D ’ A I K I D O A I K I B U D O E T A F F I N I T A I R E S

ENTRETIEN AVECSILVA TSCHARNER

RENCONTRE AVECLOUIS CLÉRIOT

LE TOUCHER LIBÉRATEURDE PHILIPPE GOUTTARD

TOUS LES STAGES DE L’ÉTÉ

UN BRAVE PETIT SOLDAT

De curieux évènements dans notre société désemparée, ou simple-ment changeante, ont conduit nos concitoyens et surtout les plusjeunes à s’exprimer à nouveau en termes politiques.

Et comme les termes de ce débat sont l’autorité et la sécurité, l’affirmationet la peur, ils sont en résonance avec tout ce qui constitue les arts martiaux.Par exemple le succès toujours réédité des films où la justice revient parcelui qui, grâce à son art, peut mettre fin à une situation tyrannique rap-pelle le fond légendaire de toutes les disciplines, en même temps qu’ellesont toujours trouvé un vivier d’experts leur assurant continuité au sein desforces de l’ordre.Expression collective et individuelle, aspiration de contrôle et de libération,les deux éléments ne peuvent être ici contradictoires.Mais si dans la plupart des arts martiaux ces deux éléments se conjuguenten devant s’équilibrer, l’Aïkido a la particularité d’obliger à aller plus loin.Pas seulement par son moteur esthétique mais par le fait qu’il oblige impé-rativement et à tous les stades à une joie qu’avec pudeur nos professeursévoquent sous le terme d’harmonie.C’est la joie du geste juste, non pas naturel mais redécouvert après unapprentissage que l’on parvient à oublier, et par lequel tout se mêle enfin.Ce geste juste englobe tout, ne rejette rien, pas plus l’agressivité que lereste mais en dispose sans vraiment avoir besoin d’y commander.C’est surtout ce plaisir qui fait que nous pouvons toute notrevie durant être attachés à notre pratique et liés à celle desautres.Mais il me semble opportun de rappeler que cette joie estaussi composée d’un rire, fût-il muet, qui remet tout le mondeà sa place.Et si j’ai parlé de politique c’est pour dire que dans cet art dedéfense je pense souvent au soldat Chveik poussant l’applica-tion des ordres qu’il subit, sans jamais s’y opposer, jusqu’audegré où ils deviennent une gêne extrême pour celui qui avoulu imposer sa force.C’est de la même façon qui doit rester malicieuse que nousapprenons en Aïkido que la sécurité ne s’obtient qu’en ren-dant la violence absurde.Une dernière précision toutefois utile aux ambitieux : l’inénar-rable Chveik n’est jamais devenu Général ni même Caporal.

Maxime DelhommePrésident de la FFAAA

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éDITO par maxime delhomme

AÏKIDO MAGAZINE juin 2002 est édité par FFAAA, 11 rue Jules Vallès - Tél: 01 43 48 22 22 - Fax: 01 43 48 87 91.www.aikido.com.fr - Email : [email protected]

Directeur de la publication: Maxime Delhomme. Directeur administratif: Sylvette Douche.Photographe: Jean Paoli. Illustrateur: Claude Seyfried - stix. Toutes reproductions interdites sans autorisation préalable. Réalisation: Ciné Horizon

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infos-stagesSTAGES FÉDÉRAUX

◆ Antibesstage national de préparation auxBrevets d’État d’Éducateur sportif1er et 2e degrés, dirigé par PaulMuller 6e dan, Gilles Rettel etGilbert Maillot 4e dan du 3 au 7juillet. Stage gratuit, pris en chargepar la fédération. Hébergement etpension à la charge des partici-pants soit 153€ les 5 jours.FFAAA, 11 rue J. Vallès 75011 Paris.Tèl: 0143482222Email: [email protected]

◆ Dinardstage national enseignants et futursenseignants dirigé par Franck Noël6e dan et Bernard Palmier 6e dan, du 26 au 30 août. FFAAA, 11 rue J. Vallès 75011 Paris.Tèl: 0143482222Email: [email protected]

STAGES DESTECHNICIENS

◆ Le temple sur Lotstage adultes et enfants dirigé parJ.M. Mérit, 5ème dan, DTR Poitou-Charentes du 12 au 17 août.Renseignements au 0553405050 etFax: 0553405051.

◆ Gujan-Mestrasstage dirigé par J.M. Mérit, 5ème danDTR poitou-Charentes, du7 au 12 juillet.Renseignements au 0546963161.

◆ Lons le Saunierstage dirigé par Michel Erb, 4èmedan DE, du 23 au 25 août au dojode la piscine.

◆ Saint Pierre d’Oléronstage dirigé par Franck Noël, 6ème dan, du 15 au 27 juillet.Renseignements au 0563335170.Email: [email protected].

◆ Estavarstage dirigé par Franck Noël, 6ème dan, du 10 au 17 août.

Salle polyvalente d’Estavar.Renseignements au 0468731334.

◆ Autransstage dirigé par Bernard Palmier,6ème dan, du 20 au 27 juillet.Venir avec Ken, Jo et Tanto.Dojo Centre JMP “Le Cochet”Renseignements au 0476953055.

◆ Biscarossestage d’été dirigé par Alain Verdier,5ème dan, du 3 au 8 août.Dojo stade Ducom.Prévoir tanto, jo et bokken.Renseignements au 0556120794ou 0556070737 et 0558787121.

◆ La Plaine Toniguestage dirigé par Patrick Bénézi,6ème dan, du 14 au 26 juillet àMontrevel.Renseignements au 0148086442 et0611401931.Email: [email protected]

◆ Le Viganstage international dirigé parSaotome sensei, du 17 au 25 août.Apporter jo, bokken, shoto bok-ken, tanto. Renseignements au 0299688248ou 0687428828.Email: [email protected]

◆ Porto Vecchiostage dirigé par Christian Mouza,4ème dan, du 22 au 27 juillet.Dojo Ste Lucie de Porto-Vecchio.Apporter jo et ken.Hébergements au 0608162488.Email: [email protected]

◆ Andernos les bainsstage dirigé par Philippe Léon,5ème dan, du 13 au 18 juillet.Dojo du Diapason.Renseignements au 0611149091.

◆ Paris Vincennesstage dirigé par Christian TissierShihan, du 3 au 7 juillet.Cercle Tissier, 108 rue de Fontenay,Vincennes. Renseignements au0143282990 et 0494816157.

◆ Evianstage dirigé par Gilbert Maillot,4ème dan, du 4 au 10 août.Renseignements au 0615200696Email: [email protected]

◆ Saint Flourstage dirigé par Gilbert Maillot,4ème dan, du 11 au 16 août.Renseignements au 0683304922Email: [email protected]

◆ Fréjusstage dirigé par Alain Guerrier,6ème dan, du 20 au 23 juillet. Rens. au : 0494531400.

◆ Annecystage dirigé par Alain Tendron,4ème dan, du 27 au 30 juillet.Judo Club d’Annecy.Rens au : 0450462715.

◆ Soulac sur merstage dirigé par Christian TissierShihan, du 28 juillet au 2 août etdu 4 au 9 août. Renseignements au 0143282990 et 0494816157.

◆ Antibesstage dirigé par Paul Muller, 6ème dan, du 19 au 25 août.Renseignements au 0388840134ou 0686570166.

◆ Wattens en Autrichestage dirigé par Paul Muller, 6ème dan, du 10 au 16 août.Renseignements au 0512/560928.Email: [email protected]

◆ Dublin en Irlandestage dirigé par Philippe Gouttard5ème dan, du 16 au 18 août. 6ème dan, du 19 au 25 août.Renseignements auprès de CyrilLagrasta au 00353(1)8749595.Email: [email protected]

◆ Chateau de Wegimont en Belgiquestage dirigé par Christian TissierShihan du 10 au 18 août.Renseignements aux Fax :003243772507 ou 003242648782et 003287316485.

◆ Berlinstage d’été dirigé par Michel Erb,4ème dan, du 15 au 20 juillet.Renseignements au 0389077203.

En Europecomme danstoute laFrance, denombreuxstages d’étéouverts àtous les pratiquants,souventaccompagnésd’activités deplein air, sontproposés parla fédrationet par vosmaîtres préférés endes lieux devillégiaturebien particu-lièrementbien inspirés.

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aïkido

L'ESSENCE DE LA TECHNIQUE

Le principe de l'unification de l'esprit et du corpsL'approche de "l'autre" peut êtreconsidérée comme une occa-sion de tester la sincérité denotre entraînement mental etphysique, de voir si noussommes capables d'une répon-se effective, en accord avec laloi divine. Quand le fil mortel deson sabre nous ouvre le royau-me où il faut choisir entre la Vieet la Mort, il nous faut être fer-mement établis dans notreesprit et dans notre corps, pourne sentir aucune crainte. Sanslui offrir la moindre ouverture,contrôler son esprit dans l'ins-tant et déplacez-vous commevous l'entendez : tout droit, enbiais ou dans n'importe quelledirection appropriée.Engouffrez-vous profondément,mentalement et physiquement,transformez votre corps toutentier en une véritable lame etbalayez l'ennemi. Ceci est leyamato-damashi, le principe

qui se cache derrière le sabredivin et qui constitue l'âme dupeuple japonais.Par essence, le sabre est l'âmedu guerrier, une manifestationde la véritable nature de l'uni-vers. Ainsi quand vous dégai-nez le sabre, c'est votre âmeque vous tenez dans vos mains.Sachez-le, deux guerriers qui sefont face en brandissant leursabre, sont comme des flam-beaux, ils entrent ensemble,corps et esprit mêlés, dans unmonde qu'il faut débarrasser dumensonge et du mal. Celui quivient pour s'opposer à lui sur leGrand Chemin de la maîtrise dusabre permet au guerrier que ladivinité inspire, de faire agir lesPrincipes Universels. Il favorisel'harmonisation de tous les élé-ments du ciel et de la terre, ducorps et de l'esprit, éternellessplendeurs.Les maîtres du passé quiavaient perçu le budo véritable,fondèrent leur pratique sur unidéal d'humanité, d'amour et desincérité. Le cœur de ce budoest fait de sincérité : sincérité

Les enseignements du Fondateur de l’Aïkido n’ontpas fait l’objet de nombreux écrits de sa propremain. C’est principalement dans la période del’avant guerre que Morihei Ueshiba a écrit lestextes fondateurs de son art, encore appelé Aïki-budo. On peut ressentir dans ses premierstextes un ton guerrier qui va laisser place à unevoie plus pacifique dans les années qui suivront. Voici comment il décrivait, concernant la technique,le fond de son art.

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dans le courage, sincérité dansla sagesse, sincérité dansl'amour, sincérité dans l'harmo-nie avec l'autre. Ce cœur avecses quatre aspirations spiri-tuelles doit être amené dans lesabre modeste d'un simpleentraînement assidu. Trempezlonguement l'esprit et le corpset permettez ainsi à l'éclat dusabre transformé de pénétrerentièrement tout votre être.Aujourd'hui, les sports sont lar-gement pratiqués et sont excel-lents pour la forme physique.Les guerriers, eux aussi, entraî-nent leur corps, mais ils utili-sent cet entraînement de leurcorps pour affermir leurs facul-tés mentales, trouver la paixintérieure et découvrir ce qui estbon et ce qui est beau, toutesdimensions que le sport n'envi-sage pas. L'entraînement dansle budo éveille le sens du coura-ge, de la sincérité, de la fidélité,du beau et du bon, aussi bienqu'il permet au corps de devenirfort et sain.L'ampleur de la Voie nousdépasse. Des temps anciensjusqu'à nos jours, même lesplus sages furent incapables depercevoir et de posséder l'entiè-re vérité ; les explications, lesenseignements des Maîtres etdes Sages n'expriment seule-ment qu'une partie du tout. Ilest impossible, à qui que cesoit, d'aborder un pareil sujetdans toute sa dimension. Il nereste qu'à tourner son visagevers la lumière et la chaleur,tâchez d'apprendre des Dieuxet parvenir enfin à se lier audivin, par une pratique constan-te, absolue, et l'exercice sincèrede la vertu. C'est sur le fil aigui-sé que vous pouvez trouverl'Eveil.

Méthodes d'entraînementLa meilleure des stratégies c'estde pouvoir bénéficier pourchaque cas d'un nombre illimitéde réponses. Suivez la VoieImpériale : habituez-vous àcombattre seul la multitude etseul, vous vous ouvrirez le che-

min de dix mille principesessentiels ; forgez dix millesabres alors, prenez le contrôle,atteignez l'absolu. Gardez tou-jours l'esprit aussi lumineux etclair que le ciel immense, legrand océan, les montagnes les plus hautes, vides de toutepensée.

IrimiSi vous avez le pied gauche enavant lorsque le sabre de votreadversaire s'abat, appliquez leprincipe du kokyu pour vousdéplacer vers son flanc droitsans heurt ; soyez toujours prêtà frapper un autre adversaireéventuel du bras droit pour ledéséquilibrer sur l'arrière.Avancez alors largement votrepied gauche jusque derrière luitout en conservant votre piedsolidement ancré au sol et dansle même temps frappez son dosavec le tranchant de la maingauche, puis avancez le pied

droit au-delà de sa positiond'équilibre sans modifier votreposture et projetez-le sur le dosavec les deux mains. Lorsquec'est votre pied droit qui estavancé au départ de l'action,l’enchaînement sera inversé etvous devez entrer vers lagauche de votre adversaire.

Tai-no-henka vers la gauche et la droiteSelon les circonstances, il fautparfois faire évoluer ce mouve-ment de base. Entrez de côté dela façon décrite ci-dessus maispivotez alors sur le pied avancéaussi vite que la foudre. Lancezla jambe arrière circulairementvers la droite (dans le cas où lepied gauche est avancé).Ecartez-vous d'un pas vers lagauche et projetez ainsi tous lesadversaires qui se présententface à vous, derrière vous, survotre gauche ou sur votre droi-te. Quelque soit la direction

«Les maîtresdu passé qui

avaient perçule budo

véritable,fondèrent

leur pratiquesur un idéald'humanité,d'amour et

de sincérité.Le cœur dece budo est

fait de sincérité :

sincérité dansle courage,

sincérité dansla sagesse,

sincérité dansl'amour,

sincérité dansl'harmonie

avecl'autre.»

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aïkido

vers laquelle vous vous dépla-cez, ne modifiez pas votre pos-ture pendant la rotation. Lemouvement doit figurer uncercle de 360° autour d'uncentre fixe.

Irimi-tenkanFaites face à votre adversaire etentrez de la même façon quepour faire irimi ; une fois quevous êtes parvenu à vous placersur son côté et à le contrôler,appliquez le principe du déplace-ment avec la plus grande sou-plesse pour obtenir son déséqui-libre : pivotez sur votre piedavancé et tournez librement dansla direction appropriée. Projetezde même tous les assaillants quivous entourent.La Voie Impériale oblige à descombats constants. Entraînez-vous à mobiliser le flux puissantd'un ki guerrier, donnez à votredéplacement l'énergie d'un traitde lumière. Pour les techniqueselles-mêmes en effet, il est ditdepuis toujours qu'elles doiventvoler comme la lumière, frappercomme le tonnerre. Et s'il est tou-jours possible d'apprécier toutcela avec les yeux, au-delà il

vous sera nécessaire de vousentraîner sans concession, d'allersincèrement vers le divin, et demaîtriser ces principes qui, eux,sont cachés à tout regard : le jeuuniversel de l'eau et du feu.

Techniques de mainsLes mains, les pieds, leshanches doivent être centrés etfonctionner comme un seul élé-ment. En premier lieu, et afin deprotéger votre esprit et votrecorps, il est primordial de guiderles autres, de les diriger avecvos mains. Vous devezapprendre à amener votreassaillant dans une directiondonnée jusqu'à la chute. Quandun opposant veut vous tirer àlui, vous devez avoir appris àanticiper et à diriger une telletraction. Lorsque vous réussis-sez un bon entraînement enbujutsu, c'est que vous sentezimmédiatement que votreadversaire manque d'à proposet que vous êtes capable derépondre à cela ; c'est-à-direque vous arrivez à percevoir lesopportunités, ce qui manque, et

à appliquer alors la techniqueappropriée. Percevoir la faibles-se d'un adversaire de cettefaçon fait aussi partie du budo.Mais le budo authentique ne sepropose pas simplement dedétruire l'opposition. Il est infi-niment plus juste de défairel'esprit de l'ennemi (en lui fai-sant comprendre la folie de sesactes) pour qu'il abandonnevolontairement ses attaques, etqu'il les abandonne avec plaisir.Le vrai budo veut établirl'Harmonie. Le mental et lecorps sont les formes de l'eau etdu feu, réalisées dans cemonde. L'ensemble une foisunifié dans une démarche versl'esprit, il faut alors continuelle-ment s'entraîner aux techniquesd'harmonisation. Si l'adversairesaisit votre poignet, reculez lajambe gauche, dirigez-le danscette direction, tenez son brastout en le frappant à la face etfaites-le tomber.Tous les bujutsu du Japon révè-lent les enseignements du ciel etde la terre.Apprenez la dimension exacte(de la vérité), refusez d'avancerdans la voie du faux-semblantet du mensonge, ne bafouez pasla responsabilité sacrée quevous recevez des Dieux: chaquehomme est un univers enminiature.L'ampleur de la voie nousdépasse, elle qui reflète tous lesgrands secrets du visible et del'invisible. Un guerrier est unautel vivant élevé vers le divin,qui ne peut se dédier qu'à sonbut ultime. Imaginez-vous tou-jours comme sur un champ debataille sous un déluge de feu ;ne perdez jamais cette sensa-tion, cruciale pour la qualité devotre entraînement. Purifiez-vous entièrement pour créer unmonde sans tache, un mondeimmaculé.

Morihei Ueshiba

À lire:

BUDO

Morihei Ueshiba

Budo Éditions

Morihei Ueshiba aimait aller à la rencontre des pratiquants pour évoquer les grands principes de son art.

«L'ampleurde la voienous dépasse,elle quireflète tousles grandssecrets duvisible et del'invisible. Unguerrier estun autelvivant élevévers le divin,qui ne peutse dédierqu'à son butultime.»

CRÉATION PAR L'AÏKIKAÏ D'UN DIPLÔME DE SHIHAN

CHRISTIAN TISSIER SHIHAN

Le terme senseï, qui en japonais veut dire le profes-seur, est utilisé comme une marque de respect vis-à-vis de celui qui enseigne, pas seulement dans les Arts

Martiaux mais également dans beaucoup de situations de lavie courante. Ainsi au Japon un instituteur sera senseï, de

même qu'un professeur demusique, un médecin ouencore une personnalité.Shihan, en revanche, est unedistinction. C'est le graded'instructeur le plus élevédans le domaine des ArtsMartiaux. Son sens étymo-logique est : modèle.Jusqu'à maintenant enAïkido et certainementen raison du petitnombre de hauts gra-

dés, l'attribution de cettequalification n'était pas claire. On appelait

Shihan, en général, les experts de l'Aïkikaï ainsi que lesanciens Uchi-dechi résidants à l'étranger. À la suite d'unepolémique qui avait fait s'interroger dans Aïkido TodayMagazine, les plus éminents senseï résidents aux États-unisqui reconnaissaient unanimement que cette distinctionétait floue, l'Aïkikaï de Tokyo a décidé de créer un diplômede Shihan directement décerné et sous son contrôle par leDôshu. Ce diplôme créé en décembre dernier a été décer-né à seulement sept senseï non-japonais dans le mondeentier dont Christian Tissier, le seul français.La distinction de Shihan a été officiellement attribué à :- Christian Tissier 7e dan (FFAAA), 52 ans, de 1968 à 1976au Japon.- Jan Hermansson 6e dan (Swedish Budo Federarion AikidoSection), 60 ans, 1965 à 1979 au Japon.- Robert Nadeau 7e dan (California Aikido Association), 65 ans, débute en 1960, année 1962 au Japon.- Wiliam Witt (Takemusu Aikido Association USA), 65 ans, de1960 à 1970 au Japon.- Kenneth E. Cottier 6e dan (British Aikido association), 68 ans, membre du Conseil Supérieur de l'Aïkido F.I.A., de1967 à 1970 au Japon.- Franck Doran 7e dan (California Aikido Association), 69 ans, débute en 1958, année 1962 au Japon.- Paul C.N. Lee 7e dan (Republic of China AikidoAssociation), 81 ans, année1965 au japon.

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infos

MES CHOIX POURL’ÉTUDE DU KENPar Christian Tissier Dans cette K7 vous décou-vrirez les frappes de basedu Bokken. Plus de 40 tech-niques d’Aïkiken. Une pré-sentation détaillée desKihon-dachi. Les 5 katas debases du Ken-jutsu del’école Kashima-shin ryu.VHS,couleur durée 65 mm. 38,11€ - fax:0494816451.

COMPRENDREL’AÏKIDOPar Olivier GaurinQu’est-ce que l’Aïkido ? Pourquoi l’Aïkido ?L’auteur qui a passé 12 années àl’Aïkikaï fait part de son expé-rience. Ni ouvrage purementtechnique, ni non plus livre mys-tique ou purement philoso-phique, ce livre contient à foisondes réponses aux doutes, à tant

de questions que se posent lespratiquants occidentaux. Sarichesse est le reflet d’une expé-rience humble, mais ouverte etsincère.22,95€ - Budo Éditions.

“AÏKIDO, LA RÉFÉRENCE DES MOUVEMENTSDE BASE”.Dans cette K7 réalisée lors deses séjours au Japon par AlainGuerrier 6e dan de l’Aïkikaï, vouspourrez voir O senseï MoriheiUeshiba montrant des tech-niques de base avec ses uchi-dechi de l’époque, T. Abé, K.Tohei, K. Ueshiba entre autres,mais également les plus grandsmaîtres de l’Aïkikaï, K. Osawa, S.Yamagushi, M. Saotome, M.Hikitsuchi etc., dans leursdémonstrations respectives.L’intention du réalisateur est decréer une référence didactique,en montrant les mouvements parO senseï puis tels qu’ils sontenseignés par ses élèves directs.VHS, PAL, durée 35 mm. 38 €. - Fax : 0494531400

EN KIOSQUE :Le dernier Hors Série Aïkido-Aïkibudo est disponible. De nombreux articles, des entretiens avec des maîtres deréférence.

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Depuis près de trente ansl'Aïkido m'a permisd'évoluer et d'avancerdans la vie. Au commen-cement, je considérais la

pratique comme un besoin cor-porel, physique, étant habitué àune pratique de sports collec-tifs. Je ne me sentais pas prêt àrépondre aux besoins d'unepratique individuelle mettant lecorps dans des situations qui lefaisaient terriblement souffrir.La position seiza, les chutes, lesimmobilisations. Après plu-sieurs années de difficultés etblessures, le corps a pris l'habi-tude de répondre aux diffé-

rentes sollicitations et prismême du plaisir à bouger avecun partenaire. Au cours de ceparcours j'ai rencontré bien desprofesseurs qui ont su mefaçonner et avec leur aide jesuis parvenu à la situation quiest la mienne actuellement. Jedois remercier ici tous les pro-fesseurs qui m'ont aidé, avecune attention toute particulièrepour Christian Tissier qui m'aconseillé dans ma recherched'une vision nouvelle de la pra-tique et qui m'a permis de partirau Japon et comprendre cetAïkido nouveau pour moi.Cependant, il m'est très vite

apparu que pour comprendreun professeur et l'apprécier ilfallait en rencontrer biend'autres. J'avais choisi de suivreChristian Tissier, il me parais-sait important que ma pratiques'enrichisse aussi au contactd'autres maîtres. Ne résidantpas à Paris, j'ai du apprendre àmémoriser ce que je voyais aucours des différents stages.

ffoorrtt pphhyyssiiqquueemmeennttCe fut une chance, car cela m'aaidé à travailler la mémoirepour reproduire au contact departenaires neufs ce que j'avaisvu lors des différents stages. Au

cours de différents séjours auJapon j'ai pu enrichir cette pra-tique et continuer d'apprendreavant de revenir et mettre enforme cette somme de donnéesque j'avais pu engranger.Pouvoir garder en soi l'image laplus belle des professeurs,essayer de la communiquer enla déformant le moins possible.Mais il m'est vite apparu que leseul côté sportif de ma pratiqueétait vite limité. Il y eu long-temps en moi un conflit poursavoir quel était le plus impor-tant : dominer un partenaire ouapprendre de lui. Pendant long-temps seule la pensée d'être trèsfort physiquement me satisfai-sait, puis corrigé physiquementet verbalement par différentsprofesseurs, une nouvelle imagede l'Aïkido m'apparu : commentfaire pour que le partenaireprenne de moi mes qualités etsurtout comment faire pour quelui me transmette les siennes ?À partir de ce moment là, toutce que j'estimais négatif dansl'Aïkido, je le rejetais, tout ceque j'estimais positif j'essayaisde le faire passer dans la pra-tique : ne pas parler au parte-naire, ne pas communiquer ver-balement, le laisser s'exprimer,lui laisser faire sa propre expé-rience. Le fait était : commentme battre contre moi-même,dans mes peurs, mes angoisses,mes frustrations ? Et non pasprouver à un partenaire queseul être le plus fort était le plusimportant. L'Aïkido devenaitalors : comment apprendre à

LE TOUCHER LIBÉRATEUR Plus de vingt séjours au Japon, une expérience exceptionnelle auprès des plus grandsmaîtres, une sensibilité très réactive, font de Philippe Gouttard, 5ème dan, l’un des techniciens les plus recherchés pour ce regard très personnel qu’il porte sur la pratique de cet Aïkido qu’il vit comme un véritable art de communication.

philippe gouttard

point de vue

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être touché, comment toucherun partenaire, comment utiliserson propre corps pour commu-niquer avec un partenaire etcomment laisser libre ce parte-naire d'aller voir d'autres parte-naires sans en ressentir de frus-tration ? L'Aïkido devenait unexercice d'apprentissage de laliberté. Respecter les choix etles directions de chacun. Je merends compte maintenant lenombre important de parte-naires que ma pratique a puchoquer, ennuyer, car en étantsourd à leur pratique, je croyaisalors que dominer était la seulevoie. À travers la saisie, nousapprenons à utiliser la paumede la main, à travers ce que l'onappelle atémi, nous apprenonsle reste de la main. Un atémipour moi, c'est comment tou-cher un partenaire, comment luidonner une information. Etre"durement" touché par son par-tenaire, cela ne me semble pasgrave. C'est être "mal touché"qui me gêne. De ressentir "la

colère" ou "l'inattention" decelui qui touche, voila la vraiedouleur. C'est la raison pourlaquelle, sur les tatamis, tousces atémis qui n'arrivent pas,ou quand ils arrivent, l'excusequi s'en suit me gêne beaucoup.C'est je crois notre problème enAïkido, nous le rêvons, nousn'osons pas aller jusqu'au boutde nos désirs.

ddééccoouuvveerrttee ddee ll''aauuttrreeSur le tatami, il y a conflit ; com-ment faire avec un inconnu, ouquelqu'un avec qui on aime pastravailler comme s'il était unami, un partenaire avec qui onaime bien pratiquer. Tout le pro-blème est là, sur le tapis on secomplimente, en dehors on cri-tique. Alors je crois que seule lapratique est importante, après,tout ce que l'on peut dire sonnefaux, comme dans le quotidiende la vie finalement. Cette vieprivée je pourrais parfois enavoir un peu honte, elle n'estpas forcément celle que j'avais

révée. Trop d'égarements etdans notre discipline, le privé etle professionnel s'entremêlenttrop. Les "amis" des débuts sesont éloignés, d'autres sontapparus mais avec le temps, larelation amicale évolue versune "relation professionnelle".Si j'aime beaucoup l'Aïkido,notamment par cette découver-te possible de l'autre, comment-va-t-il s'épanouir dans lesefforts demandés ? Cela rejaillitsur moi-même et ma pratique.Pour moi, la technique c'est êtredroit, droit physiquement etmentalement. Les moyens poury arriver s'appellent Ikkyo,Shiho-nage, Kokkyu-nage etc.Mais ne nous trompons pas, cestechniques sont notre langagecommun (d'où l’expression:technique de base = grammaire)sur lequel on greffe les senti-ments que l'on a à ce momentprécis et que l'on transmet ànotre partenaire. Lorsqu'on pro-jette un partenaire, on ne le pro-jette pas que physiquementmais il prend aussi toutes lesbonnes et mauvaises sensationsqu'on y met. Encore une foisprojeter fort, faire une immobili-sation douloureuse, ce n'est pastrop grave si le sentiment que

«L'Aïkido devenait alors:

commentapprendre àêtre touché,

comment toucher unpartenaire,

comment utiliser son

propre corpspour commu-

niquer avec unpartenaire et

comment laisser libre ce

partenaire d'aller voir

d'autres parte-naires sans en

ressentir defrustration ?»

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l'on y met est bon, c'est lecontraire qui me gêne et quidétruit la pratique. Je neconnais pas un seul élève quiait abandonné l'Aïkido pour unKote-gaeshi mal fait mais plutôtpour cause de mauvaises sensa-tions sur le tatami. Nousvenons là au dojo pour devenirplus fort et nous pouvons trèsbien accepter cette souffrance sielle est justifiée. La questiondoit être sans cesse posée:pourquoi sommes-nous là?Pourquoi restons-nous sur letatami après 20 ans d'efforts quine mènent nulle part si ce n'està nous construire et com-prendre un peu mieux la vie ?Pour les élèves aussi cette sen-sation d'indépendance ou deliberté est très importante.Comment la leur faire passer ?Faire en sorte qu'ils soient libresd'aller s'enrichir ailleurs. Pourma part si je suis arrivé à monniveau, c'est en suivant la voiequi me convenait mais avec leresponsable de cette voie qui luim'a laissé cette liberté d'allerm'ouvrir ailleurs. C'est cettesensation que j'ai envie detransmettre. Ne pas donner auxélèves cette idée d'indépendan-ce, c'est la raison qui fait que jene crois plus au dojo danslequel seul un professeurenseigne, mais plutôt un dojooù l'enseignement est pluriel.

«En effet, lorsqu'on est

élève, le professeur est

l'unique clef dela réussite.Lorsqu'on

enseigne, laréponse vient

le plus souventdes élèves, ils

sont notremiroir, notre

parfum, ils ontpris, ils ont

amplifiés nosqualités mais

aussi nosdéfauts.»

point de vue

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C'est au cours de l'évolutiondans sa pratique que le choixde restreindre les enseignantsse fait.

lliibbeerrttéé eett iinntteelllliiggeenncceePour moi, d'aller enseigner dansplusieurs dojos, de le faire dansplusieurs langues, c'est le vraiAïkido. Donner tout ce que l'onsait aux gens qui sont venuspour cela m'a donné cetterichesse que je ne retrouve paspartout. L'Aïkido appartient àceux qui le font mais égalementà ceux dont la pratique nouschoque. Je ne suis pas sûr quesi les maîtres hélas disparusrevenaient, ils seraient d'accordavec la pratique telle que nousla faisons aujourd'hui. Maislorsque l'on donne de la tech-nique, on transmet également laliberté et l'intelligence et c'estpour cela que je trouve juste etnormal que les élèves formésaient une pratique et un modede réflexion à l'opposé de cequ'on croyait leur avoir donné.Apprendre à donner la libertédans le respect voilà ce que j'es-saye de transmettre à ceux quiviennent me voir. C'est ce que

j'essaye de comprendre desgens qui me donnent leur tempset leur énergie.L'Aïkido m'a appris la solitude,mais une solitude qui laisse laliberté : faire ou ne pas faire,dire ou ne pas dire. Cependantnous n'avons jamais la réponse.Dans la pratique j'ai toujoursenvie de dire oui tout de suite,que je peux regretter par lasuite. Mais l'Aïkido m'a donnécela aussi : "attaquer" quel-qu'un veut dire que l’on aconfiance en lui, on ne projettepersonne, on accepte d'être pro-jeté. Je crois qu'il nous fautchanger de vocabulaire:prendre le centre, utiliser laforce sont pour moi desconcepts de domination et defrustration. C'est uké qui offreson corps, c'est uké qui acceptede chuter pour moi. Pour moi,après la pratique, uké et toridoivent avoir échangé leursqualités et les rôles se sontinversés, le plus faible est deve-nu plus fort et le plus fort acompris le plus faible. Il nousfaut réduire les différences entrenous. On saisit, on attaque unpartenaire parce 0qu'il nousplaît, on le projette car on sait

qu'il reviendra. Il faut que l'ondéveloppe nos sens. La saisie sefait avec les yeux, les oreilles, lenez, c'est cela qui nous attirechez le partenaire et pour le sai-sir il me faut utiliser les genouxet les coudes, la main elle, vaconfirmer ou non la sensationque j'ai eue de mon partenaire àtravers les yeux, les oreilles, lenez. Notre main a une connais-sance de l'autre, elle est notrefutur avec lui, nous, nous dou-tons sans arrêt. Dans larecherche aussi, les réponsespour moi, ne viennent plus tou-jours de l'autre. En effet, lors-qu'on est élève, le professeur estl'unique clef de la réussite.Lorsqu'on enseigne, la réponsevient le plus souvent des élèves,ils sont notre miroir, notre par-fum, ils ont pris, ils ont amplifiénos qualités mais aussi nosdéfauts. C'est pourquoi il nefaut jamais préjuger d'un élève,mais le laisser libre, laisser laporte du dojo toujours ouvertepour qu'il parte si le besoin sefait sentir, mais surtout pourqu'il revienne et que l'on soitcapable d'apprécier les progrèsaccomplis au contact d'autresprofesseurs. C'est cela que j'es-saye de mettre et de recevoirdans ma pratique quotidienne.

Philippe Gouttard

L’échange, lepartage en

Aïkido passepar un contact

fort et francpour que

s’établisse une relation

sincère entreUké et Tori.

rencontre avec

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unir l’espritet l’action

silva tschaner

La Pratique de l’harmonie, Silva Tscharner 3ème dan, Présidentede la ligue Languedoc-Roussillon, la vit quotidiennement aucontact de ses élèves comme dans ses rapports environementaux.Rencontre avec une inconditionnelle du partage et de l’échange.

L’AIKIDO REQUIERT UN ENGAGE-MENT PERSONNEL EXIGEANT.COMMENT ARRIVEZ-VOUS ÀCONCILIER À LA FOIS VOTREPROPRE PROGRESSION ET L’ENSEI-GNEMENT DE L’AÏKIDO ?Après un premier temps dedécouverte, tout pratiquantd'Aïkido ou d’autres Arts mar-tiaux, se rend compte que sansengagement il risque fort depasser à coté du véritable butde la pratique. Après avoiracquis une base technique plusou moins complexe, nous nousforgeons une identité psycho-motrice qui nous amène à pous-ser la porte d’une démarche glo-bale ; développer notre capacitéde maintenir l’équilibre et l’har-monie entre nous et notre envi-ronnement. Nous comprenonsdonc facilement que cette étudepeut durer toute la vie… Alorspeu importe si l’on enseigne oul’on s’entraîne. En ce qui meconcerne, il n y a pas de sépa-ration entre le fait d’enseigner etle fait d’étudier, c’est plutôt laforme de travail qui change. Laprogression se réalise en toutescirconstances, si on est capabled’enregistrer un résultat on pro-gresse. Si on se considère étu-diant de sa vie, on progressechaque matin en se réveillant !

COMMENT S’ORGANISE VOTREENSEIGNEMENT ?Habitant à la campagne, les che-

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mins qui mènent au dojo sontquelquefois longs et sinueux, Ilm’est arrivé de me retrouversans enseignant à proximité etpour pratiquer régulièrement j’aidû au début remplacer l’ensei-gnant. La richesse de cette expé-rience m’a conduite à l’école descadres pour passer le monitoratet le brevet d’état… Les nom-breux échanges avec des ensei-gnants confirmés et des exami-nateurs compétents m’ont moti-vé pour poursuivre une tâchepas toujours facile ! Ensuite c’estle retour des élèves qui prend lerelais ; en pouvant pratiquer lesdeux rôles, le partage est réci-proque, une sorte d’union… L’enseignement est un engage-ment plus profond dans la pra-tique, on ne manque plus lecours pour un dîner entre amisou un retard quelconque.Nombreux sont les enseignantsqui parcourent les routes, impo-sant à leurs proches une vie defamille irrégulière avec deshoraires en décalage avec lemonde du travail classique. Lavie du sensei reste un combatentre le don de soi et sa sauve-garde.En commençant par l’assistan-nat dans un cours jeune au clubqui m’a fait découvrir l’Aikido,ma première motivation fut depratiquer d’avantage. J’ai décou-vert le sens du Reishiki, en lan-gage jeune "les règles du jeu", et

j’ai compris qu’il contenait deséléments fondamentaux pourenseigner dans un esprit éduca-tif ! Fidèle à ce concept, j’en-seigne encore d’avantage auxjeunes : une journée par semai-ne, un cours adulte, et un coursjeune précédent mon entraîne-ment hebdomadaire. À l’occa-sion j’enseigne sur demandeentre amis enseignants !

QUEL EST LE PRINCIPE MAJEUR DEVOTRE VOIE ?L’Aikido bien sûr, un principepar excellence. L’union et lacompréhension de l’inutilité del’opposition, donc du combat,un paradoxe comme beaucoupd’autres rencontré pendant l’ap-prentissage des techniques etleurs applications. Au début ilsemble paradoxal d’étudier lerôle de Uke en même temps quecelui de Tori, ne faire qu’unavec l’ennemi, le paradoxeomote / ura, je me souviens quedurant mes premières annéesde pratique je ne pouvais pascomprendre l’union avec monpartenaire parce que mes mou-vements dissociés dans l’exécu-tion d’une technique devaientd’abord passer par un appren-tissage de l’union de moi-mêmependant un mouvement centré !

L’UNION ENTRE LES HOMMES VOU-LUE PAR O SENSEI MORIHEI UESHI-BA VOUS SEMBLE- T-ELLE SE RÉA-

LISER DANS LA PRATIQUE DEL’AIKIDO ?L’idée de l’union est la base del’Aikido ! Je n’enseigne pas pro-fessionnellement, ce qui m’im-plique dans la vie associative.Après avoir traversé toutessortes de fonctions administra-tives dans les clubs, les comitésdépartementaux, la ligue etleurs commissions, j’ai comprisque l’union entre les hommesvoulue par O Sensei peut seréaliser dans la pratique biensûr, mais pour la réaliser dansune association il faut plus quede la pratique physique… sansparler de l’union entres leshommes dans la société toutcourt !

PRÉCONISEZ-VOUS UNE PRATIQUESPÉCIFIQUE DES ARMES ?La pratique des armes est engénéral une corvée pour les

Les techniquesd’Aïkido sont

chez SilvaTscharner un

espace decréation auservice du

respect de sonpartenaire.

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débutants. Elle nécessite unegrande autodiscipline dansl’étude de la posture. Elle solli-cite la concentration et la ges-tion de la peur ! Je souhaite àtout pratiquant de découvrirl’essentiel dans le travail desarmes. Beaucoup de mouve-ments et d’attitude ont leur rai-son martiale d’être. Le travaildes armes nous rend la compré-hension d’une situation decombat plus facile. Le dangerimmédiat fait appel aux capaci-tés de maîtrise mentale, à laconcentration ainsi qu’à l’endu-rance de la matière grise...

EST-IL ENVISAGEABLE D’UTILISERLES TECHNIQUES D'AÏKIDO SURTOUTES LES FORMES D’AT-TAQUES?Considérant que l’Aikido est unprincipe, je ne vois pas de limi-

te. Bien entendu, sur uneattaque au bazooka le problèmese pose différemment, etl’Aikido peut apporter beau-coup sous un autre aspect quiserait plutôt d’ordre préventif…Les techniques d'Aïkido peu-vent s’inventer dans toutes lessituations, mais avant d’avoirune pratique créative il faut étu-dier les principes de bases avecprécision et se limiter à unapprentissage progressif.

A QUOI PARTICULIÈREMENT FAU-DRAIT-IL ATTACHER LE PLUS D’IM-PORTANCE ?À la disponibilité de pouvoirchanger toute forme acquise.

ETES-VOUS ATTENTIVE AUX ÉVO-LUTIONS QUE L’ON PEUT OBSER-VER ?Toute observation d’évolutionnous fait progresser, elle est lamémoire vive dans la pratique.

À QUEL SENSEI VOUS RÉFÉREZ-VOUS PARTICULIÈREMENT,QUELLES SONT LES PARTICULARI-TÉS DE LEUR ENSEIGNEMENT ?Merci la chance ! Ma voie enAïkido a commencé quandl’Aikido en France était ensei-gné par de nombreux grandssenseis. Je ne pourrais tous lesciter, mais tous ont en communune grande générosité et leursparticularités sont leur manièrepropre de créer l’Aikido dans lesupport qui leur est personnel.

Ma reconnaissance est infinie…au revoir !

CONSIDÉREZ-VOUS QUE L’AIKIDOMÈNE RÉELLEMENT AU RESPECTDE SON ADVERSAIRE ?Oui absolument, sinon on n’ajamais la possibilité de progres-ser, c’est l’autre qui vous faitprogresser !

Y-A-T’IL POUR VOUS UNE DOMINA-TION MASCULINE EN AÏKIDO ?Question à zapper… en touscas en ces termes. Parlez-vousen nombre licenciés ou de pré-sence assidue aux cours quoti-diens ?

VOUS INTÉRESSEZ-VOUS ÀD’AUTRES PRATIQUES ?Oui, je m’intéresse à pratiquerla vie…

SUR QUELS PROJETS TRAVAILLEZ-VOUS ?Actuellement j’aimerais faireconnaître l’Aikido aux jeunes etaux ados, de quoi les ressourcerpour se faire une place dignedans une société qui respectel’individu. Continuer à prati-quer et à échanger, que ce soiten m’entraînant ou en ensei-gnant reste un projet constantsur ma voie. ❁

rencontre avec

Aux armescomme àmains nues,Silva Tscharnerfait passer unmessaged’harmonie etde partgedans l’échange.

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kyudo

MYSTÈRE DE L’ESSENCE DU BUDOET DES ARTS JAPONAIS

P our un Occidental, pratiquerle Budo japonais a souvent,hors l’attrait vers l’orientalis-

me et le besoin de trouver ce qu’ilpense ne pas avoir chez lui, ledésir de s’identifier à une cultureoù le mystère se réserve une gran-de place. C’est du moins ce qu’ilcroit. La réalité est que, l’apparen-ce japonaise occidentalisée dansses habitudes totalementcontraires aux nôtres, fausses leraisonnement. Ceci provient d’uneéducation ancestrale toujours pré-sente de nos jours. Quand on veut échapper à cesidées pacotilles de Geisha ou deHara-kiri, en un mot, à ce fatras dejaponiaiseries qui ne recouvrentaucune réalité, ni présente, ni pas-sée, la tâche n’est assurément pasfacile, et l’Occidental qui prétendaprès quelques vacances au Japonde quelques semaines, cerner lecaractère et les habitudes japo-

naises, fait fausses route et seheurter à un mur, sans le voir.Première erreur, donner une défini-tion du Japon et des Arts japonais.Comme l’acteur du théâtre Nô, leJapon dissimule ses visages sousson masque laqué.Futuriste, le Japonais s’occidentali-se et devient un des maîtres du jeuoccidental. Bien sûr l’insularitéétouffante, a développé chez cer-tains la volonté de gommer leurvraie nature pour ne conserver quenos tics, notre boulimie deconsommation, nos extérieurs de

puissance moderne.Cependant le pays des métamor-phoses sait de quel poids pèsentles valeurs anciennes et semblepressentir le danger de la croissan-ce tout en s’engageant dans lacourse effrénée du jeu industriel etéconomique de la civilisation occi-dentale.De l’Art du Thé à la conceptiond’un bouquet à la flèche quiéchappe à l’arc, on passe par legeste le plus simple pour parvenirjusqu’à sublimer ce que nous quali-fions quelquefois de dérisoire.Le mystère s’il y en a un, estd’avoir su conserver un passé char-gé de tradition et les disciplinesdu Budo japonais qui ont acquisleur expérience dans la voie duBushi, sont les seules garantes dece passé dont la présence dansnotre monde actuel, est de plus enplus nécessaire.Même s’il n’est pas de notre inten-tion de nous approprier l’âme duJapon, il faudrait de toute façonpour le moins, abandonner nosstructures mentales et vivre surl’archipel du soleil, si nous voulionsvraiment entrer la le Temple duBudo.Il faut se rendre à l’évidence, lemystère du Budo tel qu’il est danssa dimension originelle, c’estd’être Japonais, et très peud’Européens (les cinq doigts de lamain sont de trop) dans le Kyudol’ont compris, mais peut-êtred’autres viendront au prix d’unelongue, très longue patience, àpercer le mystère de l’Essence duBudo.

Jacques Normand

SOSM section Kyudo

14, rue senseier

75005 Paris

01 69 40 91 41

Sous la directiontechnique deShigeru Normand, l’enseignement duKyudo est adapté àchaque générationd’élèves.

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entretien avec

D’une discrétion remarquable érigée en principe, Louis Clériot 6ème dan, estde ceux qui donnent sans rien demander en retour. Son engagement pourl’Aïkido a été déterminant pour notre fédération qu’il a portée sur les fontsbaptismaux, et à laquelle il continue de consacrer un temps précieux. Entretien avec un pratiquant qui a joint les actes aux principes fondamentauxde l’Aïkido.

METTRE LES PRINCIPES EN CONFORMITÉ…

louis clériot

Vous êtes l'auteurd'une histoire del'Aïkido en France, sarédaction a dû ranimerbien des souvenirsenfouis ?Je suis effectivement co-auteuravec mon ami Guy Bonnefondaujourd'hui à la FFAB de 50 ansd'Aïkido en France, un historique,édité chez Budo Éditions que nousavons fait bénévolement. Nousavons décidé de ne pas touchernos droits d'auteurs, les bénéficesdes ventes sont distribués à partségales entre nos deux fédérations.Ça nous a rappelé pas mal de sou-venirs bien sûr… Quand j'ai com-mencé à m'occuper d'Aïkido, quiétait au sein de la FFJDA à cetteépoque, nous n'étions qu'environ

600 licenciés, c'est-à-dire unique-ment le groupe Mochizuki, connualors sous l'appellation AïkidoMochizuki. Petit-à-petit d'autressont venus se joindre à nous,André Nocquet d'abord, puis laFFATK de Jim Alcheik sous la direc-tion de Charles Sebban avantd'être dirigé par Émile Clément.D'autres ensuite, et plus tard, l'arri-vée de l'ACFA de Guy Bonnefond.

L'ACFA était le deuxième groupe d'importance à cemoment-là.L'ACFA, c'était la tendance quivenait directement du Japon, c'est-à-dire de l'Aïkikaï de Tokyo.Tamura Nobuyoshi en était leConseiller Technique et Guy

Bonnefond le Président. Tous ainsiregroupés, nous nous sommes misd'accord sous l'impulsion de laFFJDA pour travailler ensemble etmettre au point un enseignementunique, la Méthode Nationaled'Aïkido, c'était à 99% ce que fai-sait Tamura sensei, c'est-à-direl'ACFA. J'étais à ce moment-là chezMochizuki Minoru comme assis-tant, j'ai dû m'adapter, remettretout d'aplomb pour pouvoir ensei-gner. Ce que faisait MinoruMochizuki, c'était ce que faisaitMorihei Ueshiba quand il avaitquarante ans, c'est-à-dire unAïkido assez dur, avec sutemi,défense sur coup de pieds, coup depoings, etc.

Vous êtes à l'origine desDiplômes d'État, maisc'est vous qui avez également déposé lesstatuts de la FFAAA.En 1973, j'ai effectivement faitmettre en place un D.E. pour assu-rer une garantie aux futurs prati-quants qui nous rejoignaient.C'était plus que nécessaire comptetenu de la diversité des ensei-gnants. Les premiers D.E. ont étéattribués par équivalence à ceuxqui remplissaient certaines condi-tions. D'autres ont reçu un diplômede moniteur pour enseigner,valable cinq ans, le temps pour euxde se préparer pour se présenter auD.E. En 1983, j'ai déposé les sta-

tuts de la FFAAA à la préfecture etnous nous sommes installés dansnos propres locaux au 72, rue desGrands-Champs à Paris. Notrefédération était née, Jacques Abelen était le Président et moi leSecrétaire Général. La FFAAA a étécréée un an après la FFLAB, lafédération de Judo ayant autoriséle groupe de Tamura senseï à partirvivre son indépendance.

Comment cela s'est-ilorganisé ?Très naturellement, nous noussommes réunis chez ChristianTissier avec Jacques Abel etquelques amis pour mettre quelquechose au point. Une fois d'accordentre nous, nous avons officieuse-ment déterminé les tâches, j'ai étéconfirmé comme SecrétaireGénéral de la fédération et c'est àce titre que j'ai participé à la créa-tion de la FFAAA.

Avant tout ça, à quelmoment de votre pratique êtes-vous venuà l'Aïkido ?Ce qui m'a fait connaître l'Aïkido,ce sont les premiers Championnatsde Judo à Coubertin en 1951. J'aiassisté à ce moment-là à la premiè-re démonstration par MinoruMochizuki. Il était venu accompa-gné du fils de Jigoro Kano et a faitune démonstration de cette pra-tique nouvelle, inconnue pour

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nous en France. Ça m'a tout desuite plu, comme à un grandnombre de professeurs de Judo, etc'est par eux par la suite quel'Aïkido a commencé à se dévelop-per en France. J'avais regardé cettedémonstration avec un grand inté-rêt, je me disais c'est bien ça, maisà cette époque je faisais de la com-pétition, j'avais d'autres centresd'intérêt. Disons que j'ai réelle-ment commencé la pratique en1958, à aller dans des stages, àl'Alhambra notamment où il y avaitNakazono senseï qui donnait descours, c'est là que j'ai connuChristian Tissier qui devait avoir16 ou 17 ans, quelque chosecomme ça. Je n'étais pas vraimentinscrit, je participais encore demanière irrégulière. Mais très viteje m'y suis mis sérieusement parl'intermédiaire de Charles Sebbandont le club d'arts martiaux setrouvait à Montparnasse, les pro-fesseurs étaient Daniel Breton etMichel Berreur. En 1965 j'ai passémon premier dan.

Quels maîtres vous ontle plus influencé ?Celui qui m'a le plus accroché,

c'est Hiroo Mochizuki, le fils dumaître Minoru Mochizuki qui futun des élèves favoris de MoriheiUeshiba. C'était assez facile pourmoi de travailler avec lui, c'était unami. Je pratiquais au moins troisheures avec lui tous les deux jours.Je lui servais de uké. C'est égale-ment lui qui m'a véritablementmontré la pratique des armes, c'estun grand expert. Au moment de laMéthode Nationale, j'ai surtouttravaillé avec Maître Tamura, jeparticipais à tous les stages selonmes possibilités.

Le Judo-jujitsu vous a-t-il servi pour l’Aïkido ?Le Judo m'a plutôt handicapéqu'autre chose, parce que faisantde la compétition au niveau natio-nal je faisais de la musculation pourdévelopper la force physique. Parcontre, l'Aïkido est une excellentediscipline pour préparer au Judoparce qu'on y travaille en déplace-ment, tout en souplesse. En fait leJudo n'apporte véritablement qu'unpoint positif, ce sont les chutes. Unjudoka sait chuter, on ne peut pasdire ça de tous les aïkidokas.

Esquiver, ddéséquilibrer, ppour LLouis CClériot, lles techniques lles pplus ssimples ppeuvent êêtre lles pplusefficaces. ÀÀ ggauche, LLouis CClériot llors dd’une sséancede ttravail aavec KKisshomaru UUeshiba lle ppremier DDoshu.

UNE INDÉFECTIBLE AMITIÉ

Voila près de trente ans maintenant que sa présence amicale,désintéressée et précieuse balise ma pratique. Au regard intriguéet prudent qu'il a posé sur moi à mon retour du Japon a succédétrès rapidement une adhésion sans réserve. Entier, fidèle, passion-né, Louis n'est pas l'homme des demi-mesures. Si sa rigueur, sa droiture, son sens du devoir et de l'applicationstricte de la règle le font souvent passer pour un entêté, sa probi-té, ses connaissances, son ardeur au travail, son honnêteté intel-lectuelle forcent le respect et ont fortement contribué à l'essor del'Aïkido en France. Qu'il me soit permis de le remercier pour sonaccueil chaleureux, ses précieux conseils, sa compétence et sa pré-sence permanente à mes côtés. Louis, ton amitié paternelle m'esttrès chère, merci pour ce que tu as fait, merci d'être ce que tu es. Merci aussi à Jacqueline ta compagne et ma grande sœur que j'em-brasse tendrement. Christian Tissier.

Chacun sait que vousêtes pratiquant et professeur, mais quellessont vos fonctions à lafédération ?C'est vrai que j'ai fait un travailassez conséquent pour le dévelop-pement de l'Aïkido en France, avecl'aide de Messieurs Bonnefond etLasselin, notamment à l'époque oùj'étais Secrétaire général.Aujourd'hui je suis membre duComité Directeur de la FFAAA etde l'UFA. J'avais préconisé, il y abien des années maintenant uneCommission de Discipline et deDistinctions, on m'a dit que cen'était pas une mauvaise idée,alors j'ai pris les textes de la com-mission similaire du Judo que j'aiadaptés et mis en conformité et enapplication. Et maintenant mevoilà responsable de cette com-mission.

De toutes ces fonctions,laquelle vous semble pri-mordiale ?Je n'en sais rien vraiment, maispour moi, mes deux principalesfonctions ont été Secrétaire généralde la fédération, dont j'ai été le pre-mier, à l'époque comme je vous l'aidit il n'y avait que six cents licen-ciés, mais également mon travailau sein de la Commission desGrades me semble de toute pre-mière importance.

Le professeur, le prati-quant et le dirigeant nese retrouvent-ils pas enopposition quelquefois ?Non pas particulièrement, quandje m'engage dans une voie, c'estque j'y crois totalement.

Comment appréhendiez-vous l'Aïkido à cemoment là ?À l'époque, la forme d'Aïkido àlaquelle j'adhérais était celle deTamura senseï, telle qu'il l'ensei-gnait dans les années 70. QuandChristian Tissier est revenu duJapon en 1976 il a rapporté uneautre forme, très souple, l'Aïkidode Yamagushi senseï. Christian jel'avais connu tout jeune avant sondépart pour le Japon, à son retour,quand je l'ai vu pratiquer, roulercomme il le faisait, tout en finesse,j'avais le sentiment de voir unefeuille tombant d'un arbre et seposant délicatement à terre. C'étaitnouveau et parfait. Pourquoi,parce qu'il avait beaucoup travailléchez Yamagushi senseï où il n'y apas toujours de tapis mais un par-quet. J'en ai fait l'expérience plustard, on ne se laisse pas tombercomme sur un tapis, il faut tra-vailler les chutes. À ce moment-là,je me suis orienté dans cette voieque je n'ai plus quittée, l'Aïkidodéveloppé par Christian Tissier estune forme très souple, assez diffici-

1818

entretien avec

«Je n'ai qu'un motdans la vie : RESPECT.Respect des lieux, respect des gens, deshoraires. Respect desprincipes d'une manière générale. S'il n'y a pas de res-pect, il n'y a pas de vieen société possible.»

le à faire, très fluide, qui me réussitparfaitement puisque aujourd'hui àsoixante-dix-huit ans je pratique etenseigne encore, bien que n'ayantplus la force que j'avais quand jefaisais du Judo. J'ai beaucoupappris par cette voie.

La pratique des armesvous semble-elle indis-pensable ?J'ai beaucoup travaillé le couteauquand je faisais du Ju-jitsu. Maisnon, ça ne me paraît pas vraimentindispensable, mais absolumentnécessaire pour les enseignants, àla rigueur la pratique du bokken etdu baton peuvent apporterquelque chose, sachant que laquasi-totalité des techniques vien-nent de là. J'ai travaillé le sabre, leKatana, avec Hiroo Mochizukicomme je vous l'ai dit, le Ken et leBokken avec Christian Tissier, maisje ne peux pas dire que cela a ététrès profitable pour moi. Je n'aimepas les armes, je trouve ça lâche.

Privilégiez-vous certainestechniques ?

Je ne peux pas dire ça, ou alorsdes techniques simples dansleurs formes comme irimi-nagepar exemple qui enseigne à lafois le déplacement et le posi-tionnement par rapport à l'atta-quant. Je crois plutôt qu'il fautadapter son enseignement àchaque personne, en favorisantles techniques simples surtoutau début de la pratique.

Faites-vous respecterun comportement spé-cifique dans le dojo ?Oui bien sûr, mais je ne suis pasorienté vers une pratique spiri-tuelle, et il faut bien reconnaîtreque le cérémonial peut avoir uncaractère religieux. Alors j'airéorienté le principe vers le respect.Je n'ai qu'un mot dans la vie : RES-PECT. Respect des lieux, respectdes gens, des horaires. Respect desprincipes d'une manière générale.S'il n'y a pas de respect, il n'y a pasde vie en société possible. Dans lesalut on respecte son partenaire. Legradé inférieur doit saluer le gradésupérieur pour travailler avec lui,

celui-ci ne peut pas refuser de tra-vailler avec lui. Sans respect réci-proque, on n’arrive à rien.

Qu'est-ce qui vous plaîtle plus dans l'étude del'Aïkido ?C'est la perfection, on ne l'atteintjamais mais c'est le but. C'est cequ'il faut chercher à réaliser. Laperfection c'est pouvoir répondre àune attaque quelle qu'elle soit en

emmenant l'autre dans un déséqui-libre pour pouvoir le maîtriser et leneutraliser sans lui faire mal.Quand j'ai commencé le Judo, il yavait des techniques en vigueur,interdites maintenant, qui étaienttrès dangereuses. C'est tout l'art del'Aïkido de parvenir à maîtriser sonadversaire souvent plus fort physi-quement, par un moyen pratique,une forme non agressive, comme ledéséquilibre. C'est ce qui me plaîtdans l'Aïki.

Après toutes ces années,quelle évolution majeureressentez-vous dans lapratique de l'Aïkido?Je ne ressens pas vraiment d'évolu-tion. L'Aïkido que j'ai appris demaître Yamagushi reste pour moi laforme de référence. Il y a eu der-nièrement un congrès de laFédération Internationale au Japonoù se sont rendus entre autres, lePrésident Maxime Delhomme ainsique Christian Tissier. Lors de cecongrès, Christian Tissier a été leseul représentant non japonaisappelé à faire une démonstrationdevant l'ensemble des congres-sistes, témoignage de la qualité del'Aïkido enseigné en France. ❁

1919

Louis CClériot aalors éélèvede sson ppremier ssensei lle

grand mmaître MMinoruMochizuki, een ccompagnie

de sson ffils HHirooMochizuki ((ci-dessus).

Ci-contre, aavec sson aamieSylvette DDouche,

Directeur aadministratifde lla FFFAAA.

UNE FIDELITÉ EXEMPLAIRE

«Je n’étais pas d’accord pour que l’on vous engage, mais puisque vous êtes là… !». C’est par ces mots debienvenue, prononcés par le Secrétaire Général de la Fédération, et cet accueil empli d’aménité que je fismon entrée au secrétariat fédéral le 12 septembre 1983. L’œil bleu et pétillant, légèrement suspicieux, il medévisageait, songeant certainement à deviner ce qui pouvait motiver mon arrivée dans les locaux car je devaissûrement être atteinte d’un double handicap : celui de rentrer du Japon après quelques années passées àl’AïKIKAï et surtout d’être l’épouse d’un professeur d’Aïkido.Voilà mon premier contact avec Louis Clériot au milieu d’un minuscule local de 60 m2dans le 20ème arrondisse-ment de Paris d’où émergeaient deux minuscules bureaux cachés sous un empilement de caisses, cartons,archives, dossiers de toutes sortes. La FÉDERATION FRANCAISE D’AÏKIDO venait de voir le jour après avoir étélongtemps une discipline relevant de la Fédération de Judo !L’ampleur de la tâche était d’importance, pas de place pour un round d’observation supplémentaire : trop àfaire, trop à gérer, trop de trop pour savourer nos longs tête à tête, le nez dans les dossiers.Louis a été ensuite appelé à assurer d’autres responsabilités, d’autres fonctions : Secrétaire de la Commissiondes Grades, par exemple, ou aujourd’hui, à la demande de notre Président Fédéral, Président de la

Commission Distinctions. Il a même trouvé le tempsd’écrire un manuel sur le Brevet d’Etat et dernièrementl’HISTOIRE DES 50 ANNEES DE L’AIKIDO en France.Louis a participé à tout, infatigable, toujours disponibleaussi bien sur les tapis, dans toutes les instances fédé-rales que dans l’ombre. Il répond toujours présent si ona besoin de lui, d’un « coup de main », comme il le dit.Rien ne le rebute.Derrière cet air bourru de « vieux » ronchon (là je saisqu’il ne va pas aimer !) se cachent un cœur en or, un êtrehonnête et généreux et j’ai la chance d’être son amie.Pour tout cela, merci Loulou. Sylvette Douche

2020

Pour Maître Alain Floquet,l’art martial n’a de sens réelque s’il conduit à une vie jus-

qu’à son achèvement dans laconnaissance, le partage, la sincéri-té et la paix. L’Aïkibudo signifievoie de l’harmonie par la pratiquemartiale ou utilisation du principeAïki (union des énergies) dans lavoie martiale. Maître Alain Floquet,son fondateur, a voulu souligner lesliens qui l’unissent, lui et son Art,avec l’authentique tradition martia-le japonaise. Ainsi, l’héritage desécoles historiques que sont leDaitoryu aikijujutsu, le Tenshinshoden katori shinto ryu et le

Yoseikan shinto ryu permet auxpratiquants d’Aïkibudo de se res-sourcer continuellement auxvaleurs et traditions du Bushidôqui ont contribué à la création deces écoles de vies, si éloignées desimples systèmes de combat

Dans le Japon médiéval, l’espéran-ce de vie n’était pas toujours trèsimportante, compte tenu des aléasde l’histoire japonaise, plus parti-culièrement avant l’ère Tokugawa.C’est pourquoi les personnes âgéesétaient particulièrement respectées,

pour des raisons spirituelles, reli-gieuses, et au regard de leurs expé-riences cumulées au cours de leurlongue vie. Dans les écoles ances-trales de Budo, l’âge était tenu enhaute estime, et l‘occasion de prati-quer et de bénéficier de l’enseigne-ment de vieux senseï était spéciale-ment honorée.

La place des personnes âgées n’acessé de grandir dans nos civilisa-tions contemporaines, et cette affir-mation se vérifie également dans lapratique des Budo japonais, et doncnaturellement au sein del’Aïkibudo. Il reste toutefois évident

que leurs différences morpholo-giques et mentales se traduisentdans leur approche technique : si laforce physique pure ne saurait leurêtre utile, il apparaît que ce «handi-cap» physiologique constitue leurplus sûr allié dans la pratique, car

elles sont obligées de compenserleur «faiblesse» constitutionnellepar un sens aigu du déplacement etde la précision technique qui leurpermet de toucher potentiellementplus facilement du doigt la quintes-sence de la pratique martiale. Et quimieux qu’un ancien peut com-prendre la notion créee par MaîtreAlain Floquet de Te no michi bikiou de main guide ; cette idée cen-trale de main guidant l’ensembledes mouvements permet l’évolutionautant de la technique que des pro-tagonistes de l’action sur le cheminrigoureux de la Voie…Nous avons choisi, pour illustrer

notre propos, d’interroger trois pra-tiquants d’Aïkibudo âgés, élèves deMaître Alain Floquet depuis de«très» nombreuses années : AndréSaque (77 ans) qui a commencé sapratique en 1981, Charles Arnault(76 ans) qui a commencé sa pra-

LES DOYENS DEL’AÏKIBUDO

aïkibudo

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TTOOUUTTEE UUNNEE VVIIEE..»

Techniques à mains nues par André Saque.

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tique en 1986 et Paul Harmant (73ans) qui a commencé sa pratiqueen 1973.

QUELLES MOTIVATIONS VOUS ONTPOUSSÉ À VOUS ENGAGER DANSL’ÉTUDE ET LA PRATIQUE DEL’AÏKIBUDO ? POURQUOI SE DIRI-GER VERS LA PRATIQUE DEL’AÏKIBUDO À L’ÂGE AUQUELVOUS AVEZ COMMENCÉ ?L’ASPECT MARTIAL EST – IL IMPOR-TANT EN TANT QU’ANCIEN ?André : J’ai commencé le sport trèsjeune, par de la lutte gréco-romaineentre 1940 et 1942. J’ai continuéaprès guerre par une pratiqueintensive de la natation, qui m’aconduit à enseigner après avoirobtenu avec succès mon diplômede maître-nageur sauveteur. Je n’aicommencé l’Aïkibudo (AïkidoYoseikan à l’époque) qu’à l’âge de57 ans, une fois à la retraite. C’estpar hasard que j’ai pénétré dans ledojo de l’A.S.P.P. et me suis présen-té devant Maître Alain Floquet.Mes débuts ont été difficiles, carj’avais du mal à mémoriser toutesces techniques et je ne tenais pastout à fait le rythme des entraîne-ments. Maître Alain Floquet m’aencouragé et m’a fait comprendreque l’intensité n’était en rien syno-nyme de force ou de vitesse, maisde rigueur dans le placement et latechnique. L’adaptation aux situa-tions et aux autres est un pan fon-damental de notre pratique martia-le qui se traduit par la nécessaireharmonie (WA) qui doit émaner denos agissements. En cela le côtémartial de notre Art est fondamen-tal, car il permet de mieux seconnaître, de mieux connaître lesautres, de se bonifier et de mieuxsupporter la Vie et ses aléas.

Charles : J’ai commencé la pra-tique martiale dans les années 60avec la famille Pariset. Mes débutsen Judo et Ju-Jitsu ont été difficiles,mais m’ont ouvert des horizonsnouveaux, insoupçonnés. Après 14ans de Judo, j’ai profité de l’occa-sion d’une mutation professionnel-le pour commencer l’Aïkido et par-ticiper aux stages de MaîtreTamura. Lors de mon départ à laretraite en 1986, j’ai changé de dojoet suis entré à l’A.S.P.P., au sein des

sections Judo et Ju-Jitsu avant d’in-tégrer celles d’Aïkibudo et deKobudo avec Maître Alain Floquet;nouveaux horizons, nouvellesapproches martiales, et découverted’une nouvelle composante leKobudo de l’Ecole Katori ShintoRyu. Les années qui passent m’ontconduit à privilégier le Kobudo et àquitter, avec combien de regrets, lapratique manuelle. Je profite toute-fois de l’expérience et de l’occasionde côtoyer les policiers de nos sec-tions pour participer aux cours plusorientés vers les applications pro-fessionnelles où je retrouve despratiques débutées il y a si long-temps, avec Tonfa, Tanto, Tambo…En ces premiers jours de 2002,avec 15 ans d’A.S.P.P., doyen d’âgede la section, c’est avec une joietoujours renouvelée que j’essaie detransmettre aux jeunes mesquelques connaissances de l’ArtMartial, avant de les avoiroubliées, mais surtout de leur fairepartager le plaisir que j’éprouvetoujours sur le tapis au dojo avectous mes excellents camarades….

Paul : J’ai toujours été intéressépar les activités sportives que j’aicommencé à pratiquer durant laguerre en 1942 à l’âge de 12 ans.Depuis, je n’ai eu de cesse de m’in-vestir, tant pour ma pratique per-sonnelle que pour permettre à mesdeux fils, Daniel et Paul-Patrick, des’épanouir dans ces pratiques spor-tives puis martiales dans lesquellesje les ai précédés ou parfois suivis.Mon engagement a toujours étéindéfectible pour leur permettre dese réaliser pleinement. S’ils m’ontsuivi dans la gymnastique, j’aiemboîté le pas pour la pratiqueAïkibudo. Mon engagement s’esttraduit par la prise de responsabili-tés d’enseignement puis fédéralesafin de faire vivre et développer cetArt dans nos régions. Je rested’ailleurs particulièrement impli-qué au plan local en ma qualité deprofesseur du Club de Jœuf et dePrésident du ComitéDépartemental de la F.F.A.A.A. deMeurthe et Moselle depuis 1989 etVice-Président du Comité RégionalLorraine F.F.A.A.A. Pour ma part,mon engagement est à l’image decelui des Bushi dans les antiques

ryu (écoles) japonaises de Budo. Al’instar du Keppan que chacundevait signer de son sang, je consi-dère mon engagement dansl’Aïkibudo comme un investisse-ment de tous les instants, qui m’ontpermis de parvenir à une meilleureconnaissance de moi-même et desautres, au travers des trois compo-santes qui font l’Aïkibudo ! MaîtreAlain Floquet nous offre, au traversde son expérience personnelle,l’opportunité extraordinaire denous former sur les plans tech-nique, physique et surtout mental,en adéquation avec les principesancestraux représentés par le portsymbolique de la ceinture noire etdu hakama. Ces principes attachésà la pratique d’un Budo, directe-ment inspirés des impératifs de sur-vie du Japon féodal, permettent dese connaître et de se conduire enHomme dans l’ensemble des activi-tés humaines. Pour ne donnerqu’un exemple, je me suis mis à lapratique du billard français depuisdeux années, et je parviens à«battre» des «adversaires» beau-coup plus jeunes que moi à l’occa-sion de compétitions officielles,non pas parce que ma techniqueest supérieure, mais seulement parl’application des principes ances-traux en question qui m’offrent unemeilleure maîtrise de mes gestes,de ma respiration et en définitivede l’ensemble de la «pression» liéeà ces évènements ! Je retrouve etcomprends mieux ici le message deMaître Alain Floquet qui précisetoujours que l’Aïkibudo doit êtreune authentique École de Vie.

LA PRATIQUE DANS LA MIXITÉ DEL’AÏKIBUDO VOUS SEMBLE-T-ELLECONVENIR À L’ÉTUDE D’UN ARTMARTIAL ? LES PERSONNES D’ÂGESDIFFÉRENTS N’ONT-ELLES PAS UNEINTERPRÉTATION SPÉCIFIQUE DE LADÉMARCHE PROFONDÉMENTHUMAINE DE L’AÏKIBUDO ?André : Pour moi, la mixité estfondamentale, mixité tant en ce quiconcerne le sexe que l’âge. Ellen’est que l’illustration de la Vie, etje la ressens avec une acuité d’au-tant plus grande que j’ai vécu lapremière partie de ma vie avec unecertaine barrière entre les sexes : j’aigrandi dans une école de garçons,

Travail auxarmes par

CharlesArnault.

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ce qui induisait alors une certaineincompréhension avec les filles,laquelle se retrouvait dans les rap-ports humains. L’échange des expé-riences et des connaissances per-met de dédramatiser les relationshumaines, ce que je ressens d’au-tant plus au regard de l’expériencedramatique que j’ai vécu durantma déportation de 1943 à 1945,qui m’a fait toucher du doigt lavacuité qui existe dans l’intoléran-ce, le mépris de l’autre et la bêtise

humaine… Il est évident que cetépisode difficile de ma vie m’aouvert les yeux sur la richessehumaine et sur moi-même, mais jepréciserai que la découverte del’Aïkibudo m’a encore enrichi etm’a permis de me connaître encoremieux. Le Budo permet au prati-quant de se placer dans le monde,parmi les humains, à sa juste placeet en pleine conscience de savaleur et de celle de l’autre. J’aid’ailleurs complété cette recherche,

notamment par la pratique du TaïChi Chan. L’approche profondé-ment humaine de l’Aïkibudo trans-paraît dans la double notion demain-guide (Te no michi biki) et derespect de son partenaire, dontl’harmonie reste le fil conducteur.Cet échange se doit de transpa-raître dans le rôle d’enseignementque tout Yudansha doit avoir vis àvis des plus jeunes. C’est peut-êtrema carrière d’enseignant en nata-tion qui rejaillit sur ma pratiqueAïkibudo et m‘a toujours poussévers la retransmission des acquisque je possédais, notamment enAïkibudo. Je recherche plus parti-culièrement à parvenir à améliorerma pédagogie, avec toute la diffi-culté de devoir se mettre à la portéedu débutant.

Charles : La pratique dans la mixi-té me paraît indispensable, et jepréciserai une double mixité d’âgeet de sexe. Côtoyer des personnesdifférentes permet d’enrichir nosapproches et de bénéficier de l’ou-verture d’esprit de nos partenairesen échangeant nos expériencesAinsi les jeunes et les moins jeunespeuvent découvrir ensemble l’évo-lution de l’individu au fil des ans,évolution tant physique que psy-chique, dans une activité commu-ne, et à des niveaux très différents.Elle nous permet de mieux appré-cier la différence de force physiqueet de tonicité et nous oblige aussi àaccepter et à affirmer notre spécifi-cité en exigeant de nos camaradesplus jeunes qu’ils s’adaptent ànotre différence morphologique. Lamixité dans la pratique oblige àdavantage d’efforts pour percevoirdes caractéristiques physiques dif-férentes et ne peut donc que contri-buer à améliorer la perception sen-sorielle des pratiquants. En cela lespratiquants de mon âge ont uneposition quelque peu privilégiée,car ils s’orientent naturellementplus vers la maîtrise techniquedans l’harmonie et la canalisationsouple plutôt que vers l’utilisationde la force physique pure. Je rejoinsla remarque d’André au sujet de lanécessité de transmettre sesconnaissances, à quelque niveauque ce soit. Je prends un plaisirparticulier à m’occuper de prati-

quants débutants, pour leurapprendre les bases de la pratiquedu Kobudo. Et je suis toujours enadmiration devant la patience demes professeurs lorsqu’ils me fonttravailler les kata supérieurs denotre Ecole, malgré ma mémoiredéfaillante... Et que dire de lapatience et de l’aide particulièreque j’ai eues à l’occasion de mondernier passage de grade de la partde mon jury !

Paul : La mixité dans la pratiquemartiale me semble une réalitéincontestable et incontestée, à par-tir du moment où aucune compéti-tion n’est possible en Aïkibudo. Lapratique dans un Dojo ne fait quereproduire, à son échelle, les réali-tés de la Vie, avec toute sa diversi-té. C’est d’ailleurs cette diversitéqui permet d’ouvrir les horizons denos pratiquants, au travers de laconnaissance profonde de leur réa-lité propre et celles de leur homo-logues… L’échange entre des per-sonnes de sexe ou d’âge différentsest fondamental pour une meilleu-re compréhension de l’étude et destechniques. Les spécificités physio-logiques permettent d’expérimentercelles-ci et de ne pas être surprislorsqu’une personne présente descaractéristiques physiques diffé-rentes des nôtres, qu’il s’agissed’un homme ou d’une femme(hyper laxité ligamentaire parexemple), d’un jeune (plus fou-gueux) ou d’un «vieux» (plus fragi-le physiquement). De plus, il fautaffirmer que la pratique del’Aïkibudo reste centrée sur lesnotions d’harmonie, d’adaptationet de tolérance vis à vis de ses par-tenaires, quels que soient le sexeou l’âge, l’origine sociale ou la cou-leur de peau ou encore un éventuelhandicap. Seul doit compter la per-sonne dans sa réalité profonde et ledésir impérieux de travailler en har-monie (WA) avec celle-ci, en tenantcompte également des critères detemps, de lieux et d’opportunités.On retrouve ici la notion deZanshin (vigilance) si importantedans la pratique d’un Budo. Il fautalors que les plus jeunes s’adaptentaux pratiquants de nos âges pourpermettre cet échange qui est à labase de notre Art. Il n’est toutefois

aïkibudo

Entraînement intensif avec le maître Alain Floquet pourPaul Harmant.

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pas toujours si facile pour les plusjeunes d’adapter leur pratique etpour les plus âgés d’admettre leslimites à la pratique que nousimposent le temps…Mais quellerichesse tirée de l’échange et del’expérience !

LA FORCE DE L’AÏKIBUDO NE RÉSIDE PAS DANS LA PUISSANCEMUSCULAIRE MAIS PLUTÔT DANSLA SOUPLESSE, LA CANALISATIONDE L’ÉNERGIE, LA MAÎTRISE DEL’EGO ET DE LA MODESTIE, EST-CEEN CELA UNE FORME QUICONVIENT MIEUX AUX PER-SONNES ÂGÉES ? L’ÂGE ET LABAISSE DES PERFORMANCES PHYSIQUES AIDENT-ELLES POSITI-VEMENT À LA COMPRÉHENSIONPROFONDE DE L’ART ?André : La souplesse, la canalisa-tion de l’énergie, la maîtrise del’ego et de la modestie sont effecti-vement des facettes importantesde notre Art. Cette logique profon-de de notre discipline permet uneapproche réaliste et humaniste denos rapports avec les autres. Il estévident qu’avec l’avancée dansl’âge, corrélativement avec celledans la pratique, la compréhensiondu principe Aïkibudo augmente, etque la forme de pratique évolue : lajeunesse permet de compenser unmanque de rigueur technique et deréussir une projection ou un osae-waza en «trichant» ; l’avancée enâge nous oblige à une rigueur etune honnêteté totale qui conduit,car l’on ne peut faire autrement àune pleine connaissance et com-préhension du message du Maître.Il ne faut pas oublier que l’âge estle corollaire de l’expérience, à justetitre prisée et reconnue par toutesles civilisations.

Charles : L’importance de l’avan-cée en âge et la baisse corrélativedes performances physiques appa-raît avec une acuité particulièreaprès un certain âge. Lors de notreexamen de 2ème dan de Kobudo(janvier 1999) par exemple, il yavait trois tranches d’âge : unemoyenne de 30 ans, un quinquagé-naire et un septuagénaire. Pour unprogramme commun, et dans unmême esprit, se sont jouées troisprestations bien différentes carac-

térisées par des niveaux de sou-plesse, de tonus et de mémoire trèsdifférents. Ce fait m’a profondé-ment impressionné et je m’interro-ge encore : compréhension plusprofonde de notre Art , ou connais-sance plus claire de l’évolution del’individu, ou les deux ? Il est trèscertain que l’avancée en âge impo-se de modifier notre approche à latechnique, pour épurer nos mouve-ments en limitant de plus en plus lerecours à la simple force physique.La baisse des capacités physiquesinduit alors une recherche plusprofonde de l’Art et une optimisa-tion précise des principes del’Aïkibudo. De plus notre expérien-ce de pratiquant et d’Homme nousaide à mettre à profit cette baissede nos capacités physiques pourfinalement mieux appréhender lefond de notre pratique ;.

Paul : Le symbole du CERA, leCercle d’Etude et de Recherche enAïki et Kobudo, est une garde desabre japonais ; cette tsuba repré-sente de manière stylisée, en ferdécoupé en positif, une Tsuru(cigogne) aux ailes déployées,tête tournée vers la droite. Cetoiseau est, au Japon, le symbole dela longévité. Et cette notion de lon-gévité est pour Maître AlainFloquet une vertu fondamentale dela pratique martiale et à fortiori del’Aïkibudo : «-L’essentiel n’est pas de brillermais de durer ; -Briller est l’effort d’un moment ;-Durer est l’effort de toute une vie.»Pour Maître Alain Floquet, l’artmartial n’a de sens réel que s’ilconduit à une vie jusqu’à son achè-vement dans la connaissance, lepartage, la sincérité et la paix.Cette notion de durée et de persé-vérance avec courage et détermina-tion rejoint l’ensemble des prin-cipes et des valeurs qui sous-ten-dent notre pratique Aïkibudo. Cetteauthenticité doit se retrouver dansnotre vie d’homme parmi d’autreshommes. C’est pourquoi nous pou-vons en quelque sorte bénéficierd’une certaine chance d’être arrivéà nos âges, poursuivre notrerecherche et surtout transmettrenotre expérience aux plus jeunes,et notamment aux très jeunes.

Notre rôle d’ancien transparaît iciavec une importance cruciale,parce que nous sommes ou nousnous sentons plus proches d’eux.Peut-être les joies d’être grand-pèreapportent-elles, après celles de Pèreune clairvoyance particulière…

QUEL BILAN FAITES-VOUS DE VOSANNÉES DE PRATIQUE ? QUELLES SONT VOS ATTENTES OUVOS OBJECTIFS À MOYEN TERMEDANS L’AÏKIBUDO ? André : J’ai depuis cette annéearrêter la pratique régulière del’Aïkibudo, pour des raisons desanté, mais je poursuis chaque jourcelle de la gymnastique et du TaïChi Chuan. Je me rend ponctuelle-ment au Dojo pour retrouver mesamis pratiquants et baigner dansce creuset que j’assimilerai auliquide amniotique du nouveau-né: utile, nécessaire, bienveillant,fondamental pour cette Vie offertepar mon second Père, mon Maître.

Charles : L’Aïkibudo et le Kobudom’ont permis de poursuivre unerecherche sur moi-même et de meréaliser pleinement. Je désire pour-suivre encore un temps ma pra-tique, peut-être par habitude,accoutumance ou peu de goût pourle changement. Peut-être aussiparce que chaque séance, je disbien chaque séance, amène à desdécouvertes sur soi, sur les autres,

sur les matières enseignées pourun enrichissement continuel. Ensachant qu’un jour veste et haka-ma iront rejoindre dans le placardles ceintures blanches, colorées etnoires qui auront jalonné ma car-rière sportive. S’ouvrira alors unautre chapitre…Paul : Poursuivre mes efforts afinde progresser dans ma pratiquepersonnelle et retransmettre, àl’image de nos maîtres, mon expé-rience aux autres pratiquants. Monrôle de professeur au Dojo de Jœufm’accapare et m’enrichit pleine-ment. Je suis fier d’être un exemplepour les jeunes et je leur montreque l’âge n’est pas une limite pourle plaisir.

Textes et Propos

recueillis par

Paul-Patrick HARMANT et

Jean-Pierre VALLE

Sur les Photographies :

Paul HARMANT, 3e DAN

Aïkibudo, 2e DAN Katori

Shinto Ryu,

André SAQUE,2eDAN

Aïkibudo, 1erDAN Katori

Shinto Ryu,

Charles ARNAULT,1er DAN

Aïkibudo, 2eDAN Katori

Shinto Ryu,

copyright méthode et

techniques Aïkibudo Alain

FLOQUET.

"LE SYMBOLE DU CERA, LE CERCLE

D’ETUDE ET DE RECHERCHE EN AÏKI ET

KOBUDO, EST UNE GARDE DE SABRE

JAPONAIS ; CETTE TSUBA REPRÉSENTE

DE MANIÈRE STYLISÉE, EN FER

DÉCOUPÉ EN POSITIF, UNE TSURU

(CIGOGNE) AUX AILES DÉPLOYÉES,

TÊTE TOURNÉE VERS LA DROITE. CET

OISEAU EST, AU JAPON, LE SYMBOLE

DE LA LONGÉVITÉ. ET CETTE NOTION

DE LONGÉVITÉ EST POUR MAÎTRE

ALAIN FLOQUET UNE VERTU FONDAMEN-

TALE DE LA PRATIQUE MARTIALE ET À

FORTIORI DE L’AÏKIBUDO ."

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