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AÏKIDO AÏKIDO m a g a z i n e FÉDÉRATION FRANÇAISE D’AIKIDO AIKIBUDO ET AFFINITAIRES Philippe Corre en Bretagne Zone Harmonieuse saotome mitsugi l’harmonie dans la pratique ENTRETIEN Anne-Marie Porcino technique alain guerrier AIKI MAG 8 def 28/01/02 17:17 Page 1

Aikido Mag 2001/06

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Le magazine de la Fédération française d'Aïkido, dAïkibudo et Affinitaires. Numéro de juin 2001.

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AÏKIDOAÏKIDOm a g a z i n e

F É D É R A T I O N F R A N Ç A I S E D ’ A I K I D O A I K I B U D O E T A F F I N I T A I R E S

Philippe Correen Bretagne Zone Harmonieuse

saotome mitsugil’harmonie dans la pratique

ENTRETIENAnne-Marie Porcino

techniquealain guerrier

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L’AMBIGUÏTÉ DE L’ART

En ce milieu de saison, je souhaite que la fédération vienne, par ma voix, expri-mer ce que nous entendons faire, non pas en tant qu’administratifs mais entant qu’aïkidokas. Il ne servirait en effet à rien d’avoir une machine qui fonc-

tionnerait sans âme et donc sans raison.Et si notre raison d’être réside dans notre discipline, faut-il encore rappeler cequ’elle signifie véritablement.Ce sens, c’est celui de la vie de tous les jours qui n’est ni la vie, souvent romanti-quement revisitée des samouraïs, ni celle d’individus querelleurs qui croiraientavoir trouvé là une arme.Les techniques martiales font découvrir que le monde réel existe et qu’il peutmême résister à notre volonté que nous devons alors ajuster.Et l’adéquation parfaite avec ce réel est illustrée, guidée, par la totale absence decompétition dans notre art.Nous ne détruisons rien, le gain n’existe pas, il n’y a pas de résultat concret à nosantagonismes, jamais de verdict définitif.Une fois nous projetons, une fois nous chutons.Certains ont même dit que c’était comme cela que nous éludions l’angoisse del’anéantissement.Cela laisse du chemin à parcourir.Et la possibilité de retomber dans le narcissisme, le besoin de supériorité oud’identification au plus beau au plus fort.Voire de refouler une agressivité que nous ne pouvons pas accomplir.Ne cherchez pas les exemples autour de vous car sinon tout le monde va bientôtvous regarder.Il en est ici de la pratique comme des opinions, ceux qui ne supportent pas le

doute, l’ambiguïté des situations qui ne se dénouerontjamais, sont encore loin d’une quelconque quiétude.C’est pourquoi il faut apprendre à aimer l’ambiguïté, savoirla rendre agréable et confortable, la laisser s’imposer auxfâcheux.Non pour le plaisir de meurtrir son propre ego mais pourpouvoir admettre cette subtilité particulière de l’Aikido quiutilisant les instruments de la violence conduit, selon l’ex-pression de O’Sensei, à la victoire par la paix.Je sais cela paraît irréconciliable mais c’est justement celaqui fait l’art.Et que cela soit déstabilisant, n’est-ce pas le meilleur débatpour un mouvement qui doit se continuer après avoir quittéle Dojo ?

Maxime DelhommePrésident de la FFAAA

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éDITO

AÏKIDO MAGAZINE- Juin 2001 - est édité par FFAAA, 11, rue Jules Vallès 75011 Paris - Tél: 01 43 48 22 22 - Fax: 01 43 48 87 91.www.aikido.com.fr - Email: [email protected]

Directeur de la publication: Maxime Delhomme. Directeur administratif: Sylvette Douche. Photographe: Jean Paoli. Illustrateur: Claude Seyfried - stix. Toutes reproductions interdites sans autorisation préalable. Réalisation: Ciné Horizon

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infos stages

STAGES DES TECHNICIENS

◆ Ile Sainte Margueritestage dirigé par Alain Guerrier,6ème dan, du 23 et 24 juin. Renseignements au : 0494531400.Email: [email protected]

◆ Prague Rep. Tchèquestage d’été dirigé par Joel Roche,5ème dan, du 30 juin au 6 juillet.Renseignements au 0224817431.

◆ Paris Dojo PSGDojo d’été avec Gérard Dumont,6ème dan, du 3juillet au 9 aout.Centre Aquaboulevard 75015 paris.Renseignements: 0140279375

◆ Paris Vincennesstage dirigé par Christian Tissier,7ème dan Aïkikaï, du 5 au 8 juillet.Cercle Tissier, 108 rue de Fontenay,Vincennes. Renseignements au0143282990 et 0494816157.

◆ Andernos les bainsstage dirigé par Philippe Léon,5ème dan, du 7 au 12 juillet.Dojo du Diapason.Renseignements au 0611149091.

◆ Lampaul plouarzelstage dirigé par Jean Luc Subileau,6ème dan, du 8 au 14 juillet.Complexe sportif Lampaul Plouarzel.Renseignements au 0549096074.

◆ Autransstage dirigé par Bernard Palmier,6ème dan, du 7 au 14 juillet.Apporter Jo et BokkenDojo Centre JMP “Le Cochet”Renseignements au 0476953055 et0140377474.

◆ Gujan Mestrasstage dirigé par J.M. Mérit, 5ème dan, du 8 au 14 juillet.Gymnase “Chante Cigale”.Renseignements au 0546963161.

◆ Hendayestage dirigé par Philippe Grangé, 4ème dan, du 8 au 14 juillet.Gymnase “Chante Cigale”.Renseignements au 0556808658

◆ Ile de Noirmoutierstage d’été dirigé par Joel Roche,5ème dan, du 9 au 15 juillet. Apporter Jo et BokkenRenseignements au 0241487566.E-mail: joelroche@mageos

◆ Boulourisstage dirigé par Shoji Seki shihan,professeur à l’Aïkikaï de Tokyo,7ème dan, du 14 au 21 juillet auCREPS de BoulourisRenseignements au 0493988313.

◆ Alpes d’Huezstage dirigé par Patrick Bénézi,6ème dan, du 15 au 20 juillet et du 22 au 27 juillet, Palais dessports.Renseignements au 0148086442 etfax: 0143989974.Email: [email protected]

◆ Saint Pierre d’Oléronstage dirigé par Franck Noel, 6ème dan, du 16 au 28 juillet.Renseignements au 0563335170.Email: [email protected]

◆ Fréjusstage dirigé par Alain Guerrier,6ème dan et Philippe Grangé, 4ème dan, du 23 au 29 juillet.Dojo COSEC de Sainte-Croix Renseignements au : 0556808658et 0494531400.Email: [email protected]

◆ Soulac sur merstage dirigé par Christian Tissier,7ème dan Aïkikaï, du 29 juillet au 3aout et du 5 au 10 aout. Apporter Jo et BokkenRenseignements au 0143282990 et 0494816157.

◆ Evianstage dirigé par Gilbert Maillot,4ème dan, du 5 au 11 août.Renseignements au 0468620620et 0615200696Email: [email protected].

◆ Le temple sur Lotstage dirigé par J.M. Mérit, 5ème dan, du 6 au 11 août.Renseignements au 0553405050 et Fax: 0553405051.E-mail: [email protected]

◆ Wattens- Autrichestage dirigé par Paul Muller, 6ème dan, du 11 au 17 août.Apporter Jo et BokkenRenseignements au 0512/560928.Email: [email protected]

◆ Chateau de WegimontBelgiquestage dirigé par Christian Tissier, du 11 au 19 août.Renseignements au Fax:003243772507 ou 003242648782et 003287316485.Cercle Tissier: 0143282990

◆ Estavarstage dirigé par Franck Noel, 6ème dan, du 12 au 18 août.Salle polyvalente d’Estavar.Renseignements au 0468731334.Email: [email protected]

◆ Canal de la Garonnestage dirigé par Gilbert Maillot,4ème dan, du 12 au 18 août.Renseignements au 0468620620et 0615200696Email: [email protected].

◆ Le Viganstage international dirigé parSaotome sensei, du 18 au 26 août.Apporter jo, bokken, shoto bokken, tanto.Renseignements au 0299688248 ou0687428828.Email: [email protected]

◆ Simiane la Rotondestage dirigé par Paul Muller, 6ème dan, du 20 au 26 août.Renseignements au 0492759913.Email: [email protected]

◆ Antibesstage dirigé par Paul Muller, 6ème dan, du 27 août au 2 septembre au CREPS.Renseignements au 0686570166.

◆ Endo senseï, 8ème dan. À toulouse les 29 et 30 septembreet à Paris les 6 et 7 octobre. Renseignements:Franck Noel au 0563335170.Email: [email protected] Tissier au 0143282990 et 0494816157.

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Stage international dirigépar Asaï Katsuaki senseï

les 15 et 16 octobre à ParisRenseignements :

FFAAA 11,rue Jules Vallès75011 Paris

Tèl: 0143482222Email: [email protected]

Pour celles et ceux qui souhaitent poursuivre intensément leurpratique de l’Aïkido, mais également profiter de leurs vacances,des stages d’été, ouverts à tous les pratiquants, sont proposésun peu partout en France et en Europe.

STAGE FÉDÉRAL

◆ Dinardstage national enseignants etfuturs enseignants dirigé parFranck Noel, 6ème dan etBernard Palmier, 6ème dan,du 20 au 24 août. Renseignements :FFAAA 11 rue J. Vallès 75011 Paris.Tèl: 0143482222Email: [email protected]

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aïkido

L'Aïkido est l'étude de la sagesse. Si vous nepouvez ni vous contrôler ni croire en vous-même, si vous ne pouvez pas voir en vousclairement, alors vous ne pourrez jamaisconnaître les autres, et vous ne serez certai-

nement pas capable de les contrôler. Le but del'entraînement en Aïkido n'est pas de former descombattants agressifs, mais de travailler la sagesseet le contrôle de soi. En tant qu'étudiant en Aïkido,vous devez apprendre à vous améliorer et à vouspolir, et non à rentrer en compétition avec lesautres. La clé de ce processus, et le coeur del'Aïkido est le Musubi. Ce mot se traduit facilement par "unité", ou "inter-action harmonieuse". En pratique, le Musubi signi-fie l'habileté à s'harmoniser, tant physiquementque mentalement, avec l'énergie et le mouvementde votre partenaire. Le Musubi est l'étude d'unebonne communication. Dans n'importe quelleinteraction entre les gens, la communication exis-te, même sans connaissance préalable. C'est auxparticipants impliqués dans une interaction dedéterminer si la communication serait productiveou sans efficacité, amicale ou hostile, vraie ouinappropriée. Musubi peut donc signifier la capa-cité à contrôler, à altérer l'interaction, à changerune approche hostile en une rencontre saine, àtransformer une attaque en une poignée de mains.Musubi est à la fois une méthode d'apprentissageet le but de l'étude. Musubi, dans son ultime amé-lioration, relate l'accomplissement d'un sens del'harmonie universelle. Techniquement, Musubi setraduit par l'habileté à contrôler les rencontresdans un sens mutuellement bénéfique. Une tellehabileté peut-elle s'accomplir par la force, par lacontrainte, ou bien en effrayant la personne à quil'on enseigne? Non. Musubi doit être enseigné etétudié en accord avec les principes qui l'illustrent,de telle sorte la conscience des étudiants en Aïkidosoit redéfinie au fur et à mesure qu'évoluent lesmouvements du corps. Musubi doit être enseignéà travers de bonnes interactions, dans une direc-tion ferme, mais bienveillante.Apprendre à répondre aux attaques par le Musubiest un processus long et difficile. On ne peut pas sebattre avec un débutant et lui dire: "Ne te bat pasharmonise, harmonise!" Le débutant ne va pas

harmoniser, mais réagir avec la peur et l'agressivi-té, des réactions instinctives provoquées par toutemenace. Le débutant cherchera à se défendre enétranglant ou frappant l'agresseur.En Aïkido, le but n'est pas d'exciter ces instinctsanimaux, mais de les maîtriser, de les contrôler.C'est pourquoi, et tout particulièrement avec lesdébutants, nous utilisons toutes sortes d'attaquesvariées. L'étudiant débutant n'est pas formé pourgérer dans le calme, ou avec des techniques appro-priées, des attaques réelles comme les coups depoings ou les coups de pieds. Les saisies permet-tent au débutant d'étudier des techniques sansaucune peur, dans une interférence physique saineen apprenant les réponses correctes. Plutôt que des'engager dans le combat ou la compétition, l'étu-diant affine à la fois le mouvement et l'esprit.L'étudiant apprend le contrôle de lui-même, dupartenaire, et de la relation qui les unit. Les saisiesont l'avantage de reposer sur un contact physiqueentre partenaires de telle sorte qu'ils soient toutdeux capables de ressentir un vrai travail sur lemouvement. S'il n'y a pas de contact physique, lesétudiants débutants ne parviendront jamais àexplorer la mécanique de la technique.

L'ÉTUDE DE LA SAGESSELa pratique pour les débutants devrait souventcommencer avec des prises statiques. Ceux-ci per-mettent l'étude d'une posture correcte, le travaildes pieds, et la position du corps. Les étudiantsdevraient alors progresser dans les prises en mou-vement, qui permettent le développement d'unsens du temps et de la distance et l'explorationd'un relationnel spatial entre eux les partenaires.

Les étudiants peuvent commencer a apprendre às'ajuster à des degrés différents de forces, de vites-se et de direction. Ils peuvent commencer à tra-vailler dans la confiance leur capacité à communi-quer avec leurs partenaires, à construire leur sensde l'intuition concernant les mouvement et lesintentions de leurs partenaires.La coopération est toujours primordiale dans l'en-traînement de l'Aïkido. Presque toutes les pra-tiques sont faites avec un partenaire, et la relationavec les partenaires doit être une manifestation duMusubi. Les deux Nage et Uke supportent cetteresponsabilité. Alors que Nage doit s'entraînerpour s'harmoniser avec lui, plutôt que de se battrecontre lui, Uke doit apprendre à attaquer de lafaçon appropriée à la technique étudiée. Cettecoopération établit les bonnes conditions pourapprendre. Par exemple, si l'enseignant a démon-tré une technique incluant une projection frontale,c'est approprié pour Uke de pousser en avant. Siau lieu de cela, Uke tire en arrière, tentant decontrer, ceci réduirait la pratique à un combat, etaucun étudiant ne pourra apprendre commentfonctionne la technique. Les étudiants avancéspeuvent tirer un bénéfice appréciable de cesattaques inattendues, en pratique libre, et tenterde contrer en retour. Mais cela ne peut être accom-pli qu'après des années de pratique, conditionsrequise, pour ces actions.L'étude de l'Aïkido est l'étude de la sagesse, et lasagesse, en large partie, est la possession d'unlarge sens. Un sens commun, malheureusement,est plus rare que son nom pourrait impliquer. En ce sens c'est perdu ou jamais appris.L'entraînement au Musubi et des principes de basede l'Aïkido invoquent le réapprentissage d'un sens

Pour Mitsugi Saotome, 8ème dan, la pratique de l’Aïkido est le chemin qui doit mener à la réalisation de soi. L’acquisition des techniques fondamentales, et les grands principes développés par lefondateur doivent fusionner pour mener à une parfaite harmonie.

MUSUBI, L'HARMONIEDANS LA PRATIQUE

Pour saisir laprofonde harmo-nie de l’Aïkido,un travail minutieux surles enchaîne-ments techniquesest nécessaire.

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commun. nous trouvons cela évident dans lesmouvements de base de défense Irimi et Tekan.Ces deux mouvements peuvent aussi être appelésIrimi-Tenkan, comme le Yin et le Yang sont desparties d'un tout.Irimi et Tenkan sont deux mouvements que lesgens utilisent dans la vie de tous les jours sansaucune pensée. Imaginez que vous êtes en train demarcher dans une rue encombrée par un flot depiétons. Vous voyez quelqu'un venir directementvers vous, marchant dans la direction opposée.Allez-vous reculer brusquement vers les gens quiarrivent derrière vous? Bien sur que non. Vousallez continuer à avancer en pivotant légèrementsur un côté pour laisser le passage à la personnequi vient sur vous. Ceci est un exemple d'Irimi.Maintenant imaginez que cette personne vouspousse tandis que vous vous croisez. Allez vousvous accrocher à lui au risque de perdre votreéquilibre ? Non, vous allez pivoter afin de conser-ver votre équilibre et de continuer à marcher. Ceciest Tenkan. Les deux mouvements sont simples,des exemples naturels du bon sens commun.N'importe qui peut les appliquer, leur extrême sim-

plicité et leur universalité confirment leur vérité.Mais la personne qui n'est pas entraînée enAïkido, voyant quelqu'un venir sur elle pour uneattaque risque de commettre la même erreur que lepiéton dans une rue encombrée: reculer brusque-ment. Lors d'une poussée hostile, la personneagressée tente de bloquer ou de saisir l'assaillantpour garder son équilibre. Dans une rue encom-brée, une personne montrera une compréhensionnaturelle du Musubi. Mais face à une menace,notre esprit régresse sous l'emprise de la peur,notre corps perd son habileté à réagir efficacementen conservant toute son habileté. L'entraînement en Aïkido, au travers d'un proces-sus graduel et coopératif, nous apprend à appli-quer les principes du Musubi dans des situationsdifficiles. Il enseigne à l'esprit la façon de garderson calme, à la vision de rester claire, de façon àce que la peur, la colère, ou le manque de confian-ce n'entravent pas les mouvements du corps. Ilrend notre corps souple et apte à toute réponse. Lapratique permanente procure à notre corps lasagesse de l'expérience. De cette façon, le corpsdevient tout à la fois le reflet et la manifestationphysique de l'esprit. Le corps et l'esprit travaillentensemble, toujours dans cette relation du Musubi,nous permettant de réagir avec efficacité et simpli-cité, à rester attentif sous la pression, plutôt que dese laisser dominer et contrôler par les circons-tances.

L'ÉNERGIE CIRCULAIREOn peut observer qu'arrivés à un haut niveau depratique, les étudiants de l'Aïkido se frappent et seprojettent très durement. Mais ils ont été amenés àce stade de leur entraînement par des étapes suc-cessives qui ont éduqué l’esprit tout autant que lecorps. Ainsi, une attaque brutale devient un défi àrelever et non plus une agression. Le propos desfrappes de la main ou du pied dans la pratiquen'est pas une tentative de détruire un ennemi,mais un moyen de découvrir vos propres capacitésainsi que celles de votre partenaire: force, équi-libre, intuition et stabilité mentale. Au lieu d'agirles uns envers les autres avec suspicion, angoisse,ou esprit de compétition, vous rencontrez votrepartenaire de pratique avec concentration, sincéri-té, et un véritable sens d'épanouissement. Gardez en tête cet exemple de la façon dont Irimi

et Tenkan opèrent automatiquement dans lessituations de votre vie quotidienne. Une autreapplication importante de Musubi se rencontredans cette même rue encombrée. Lorsque vouscroisez le piéton qui avance vers vous, votre réac-tion reflète et répond à l'attitude de l'autre person-ne plutôt que rentrer en conflit avec elle. La ren-contre vous-même et l'autre piéton se fait dans unflux souple et continu, avec un don et une prise deforce et de direction. Ceci est un autre élément duMusubi, et peut-être le plus important: l'apprentis-sage de la sensation et de l'utilisation de l'unité del'énergie.Voila pourquoi Kokyu Tanden Ho, ainsi que ledisait O Senseï, est la base de l'entraînement duMusubi. Kokyu Tanden Ho n'est pas une tech-nique de combat, mais l'étude des relations phy-siques et du mouvement. Dans cet exercice, deuxpartenaires sont assis en Seiza l'un en face del'autre. Uke agrippe Nage. Nage, utilisant tout soncorps dans une unité coordonnée, tente de désé-quilibrer Uke. Le propos de Kokyu Tanden Ho estde découvrir le principe de l'énergie circulaire.Alors que Uke agrippe fermement les poignets deNage et provoque ainsi une résistance, Nage reçoitcette énergie que Uke lui donne, et la retourne versle centre d'équilibre de Uke. Tout le corps de Nagedoit agir dans l'unité. Nage doit porter la prise de

“La coopération esttoujours primordiale

dans l'entraînement del'Aïkido. Presque

toutes les pratiquessont faites avec un

partenaire, et larelation avec les

partenaires doit êtreune manifestation

du Musubi.”

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aïkidoUke en extension, avec ses bras agissant commedes ressorts afin de se replier avant de se détendreà nouveau. Il doit inspirer lorsque Uke l'attrape, etexpirer en renvoyant la force d'Uke. Son esprit doitrester souple et réceptif.Kokyu Tanden Ho n'est pas un exercice réclamantun esprit de compétition entre les partenaires, cen'est pas un concours de force. Uke fournit suffi-samment de force pour solliciter Nage, mais sansaucun excès, car alors l'exécution de l'exercicedeviendrait impossible. Nage ne doit pas chercherà projeter Uke, mais doit se servir de cet exercicepour étudier l'équilibre, la respiration, et l'uniondes énergies physiques et mentales. Ainsi, au fur età mesure de votre progression, vous découvrirezque la force de votre adversaire travaille à votreavantage. Et cela parce que Kokyu Tanden Ho tra-vaille sur le principe du Musubi. En absorbantl'énergie et en la retournant, on aboutit à la com-binaison des énergies de Uke et de Nage. Nagedispose ainsi de sa propre force, mais aussi decelle de Uke. Plus Uke résiste et mobilise sa force,plus l'outil dont dispose Nage sera important.Cette circularité de l'énergie est l'essence duMusubi.Vous devez appliquer les principes du Musubilorsque vous vous entraînez, lors de l'exécution de

Kokyu Tanden Ho, mais également dans chacunede vos techniques d'Aïkido. C'est Musubi qui vouspermettra d'atteindre ce point où votre taille et votreforce ne feront plus la différence dans votre habile-té à exécuter la technique. Si vous échouez dansvotre approche du Musubi, dans son intégrationdans vos techniques, vous resterez toujours à lamerci de la force des autres, vous serez toujours endanger de retomber dans la lutte et la compétition.O Senseï répétait encore et toujours à ses élèvesque les principes qui gouvernent la nature sont lesmêmes que ceux qui gouvernent l'Aïkido. Un petitoiseau peut voler dans un vent léger, mais il nepeut lutter contre son souffle. Il doit se servir de laforce du vent pour aider sa progression. Vous pou-vez piloter avec succès un petit bateau sur une merdémontée, mais uniquement si vous connaissez lafaçon de prendre les vagues. De la même façon,l'étudiant d'Aïkido doit apprendre à recevoir laforce et à la transformer en alliée plutôt que de lacombattre. C'est la sagesse, et c'est la réalité duMusubi.

PRATIQUE ET CONFIANCEAlors que vous continuez à vous entraîner, votrehabileté à utiliser les principes du Musubi doits'accroître. Le débutant a besoin du contact phy-sique pour ressentir le contact physique entre sonpartenaire et lui-même. Le pratiquant avancéapprend à maintenir cette connexion avec demoins en moins de contact physique. Certainestechniques peuvent même être exécutées sans lemoindre contact physique. La pratique quotidien-ne augmente votre capacité à vous relier non seu-lement avec les personnes avec qui vous prati-quez, mais également avec tout le monde, parceque cette pratique élargie votre vision, votre intui-tion et votre sensibilité. Dans votre vie quotidien-ne, il y a moins de contacts physiques avec lesautres, mais les leçons de votre entraînement peu-vent être appliquées de façon profitable dans votrerelation aux autres, et votre relation avec toutel'humanité. Ce processus de vous libérer de vosaveuglements, de permettre à votre conscience des'épanouir, d'inclure tout ce qui se présente, ceprocessus la ne doit jamais prendre fin.Pour conclure, rappelez-vous que pour atteindre leMusubi dans votre pratique, vous devez établirdes relations de confiance avec vos partenairesd'entraînement. Sans confiance, vous ne pouvezpratiquer l'Aïkido. Les Bujutsu anciens formaientdes combattants redoutables, mais ils ne prônaientpas nécessairement l'illumination de l'esprit. Laplupart du temps, les élèves des Bujutsu étaientsévèrement punis, cela développait en eux uneméfiance exacerbée, une conscience paranoïaque,une mentalité de bagarreur de rue. Le propos del'Aïkido, au contraire, est d'élever l'esprit, de l'amé-liorer, de gagner la force à travers la sagesse, et nonà travers la brutalité. C'est pourquoi le processus

de l'entraînement en Aïkido est si important. Parl'éducation graduelle qu'il reçoit, l'étudiant del'Aïkido perfectionne son habileté et en vient àdemander un entraînement plus sévère. La signifi-cation de son entraînement est alors modifiée. Leschutes brutales, les frappes sèches ne sont plusdes instruments de menace, mais des outils quiservent à améliorer l'habileté du pratiquant. La dif-férence entre les Bujutsu anciens et l'Aïkido dansla sévérité de l'entraînement est la même qu'entreun incendie de forêt et un feu de forge contrôlé. Lepremier détruit, déforme et tue. Le second, avecune chaleur et une intensité égale, améliore lemétal brut, le façonne, et le transforme en objet debeauté. Les pratiquants d'Aïkido doivent toujoursse rappeler que le but de leur entraînement ne visepas à intimider le partenaire, ou à masquer leurego par une auto-indulgence lorsque le partenaireprogresse. Il vise à les pousser au dépassement desoi, à une recherche de progression permanente. Si ces qualités de confiance, de coopération, d'ou-verture d'esprit et de générosité dans la pratique del'Aïkido permettent à ses pratiquants de rejeter lapeur qui les limite, qui inhibe leurs capacité à agiravec les autres, si ces qualités les conduisent àgagner la confiance en eux-mêmes, à se mettre encommunication harmonieuse avec les autres, alorsle Musubi est accompli. Sans le Musubi, l'Aïkidon'est plus l'Aïkido, mais une technique de combatcomme n'importe quelle autre.

Mitsugi SAOTOME

The Principles of AïkidoTraduit de l’américain par

Christophe Champclaux

Mitsugi Saotome s’est imprégnédes principes fondamentaux de l’Aïkido comme Uchi deshide Morihei Ueshiba.

“Vous devez appliquerles principes du

Musubi lorsque vousvous entraînez, lors

de l'exécution deKokyu Tanden Ho, maiségalement dans chacune

de vos techniquesd'Aïkido.”

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HISTOIRE DE L’AÏKIDO50 ans de présence enFrancePar Guy Bonnefond et Louis ClériotCet ouvrage extrêmement complet,remarquable de précision, est indispen-sable à tout aïkidoka désireux d’être enharmonie avec l’histoire en France del’Art martial qu’il pratique.

Édité par Budo Éditions, HISTOIRE de L’AÏKIDO, 318 pages, format 215 X 300, est vendu 190 F - 28,95 Euros (broché) ou 240 F - 36,60 Euros (relié), dans toutes les bonnes librairies.

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infos infos

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Ceux qui avait connu Jean Zin l’appelait ainsi car il refusait le titre de maîtrequ’il réservait strictement à Jigoro Kano fondateur du Judo et à MoriheiUeshiba, fondateur de l’Aïkido.

Cet homme remarquable, à qui le Judo provençal et l’Aïkido français ne lui doi-vent rien d’autre que la vie, s’est éteint à l’âge de 86 ans, le 8 février dernier àMarseille.Né à Padoue en 1915, cet émigré italien a servi pendant la deuxième guerre sousle drapeau français et c’est en 1942 que ce grand gaillard (1,85m, 81kg), fit sapremière rencontre avec le Judo. En effet, cette année là on proposait à une lignede sous-officiers désœuvrés de se mesurer à un petit homme aux yeux bridés d’àpeine 1,60 m… Comme tous ses collègues il se retrouva illico au tapis…Convaincu et enthousiasmé il décida de consacrer sa vie à cet art martial.En 1946 il fut ceinture noire de Judo puis sa soif de victoire lui ramènera plus de280 titres et trophées au cours de sa carrière. En 1945 il fit partie d’un petit groupe qui déposa les statuts de la FédérationFrançaise de Judo et Disciplines Associéesqui sera homologuée en 1946.A l’origine de la création de la ligue du Sud-est de Judo, il fonde en 1947 sonpropre club à Marseille : Le Judo Club de Provence.En 1952, il rencontrait un deuxième petit Japonais qui le marqua autant que lepremier, un certain Tadashi Abe, venu du Japon avec une nouvelle discipline, l‘Aïkido. Cela l’emballa autant que le fit le Judo quelques années auparavant, et ildécida “donner sa chance” à cette dernière; il hébergea donc cet expert dans unstudio du rez-de-chaussée de son club où des experts de Judo avaient déjàséjourné (Ichiro Abe, Kenchiro Abe, Fukami). Par la suite d’autres experts japonaisoccuperont ce logement prés du Vieux Port de Marseille, les maîtres Noro,Nakazano, Tamura. Enfin, l’Aïkido français grâce à Jean Zin prenait ses marques

sur le sol français et Marseille étaitaprès Tokyo, la deuxième ville aumonde ou l’on pratiquait l’Aïkido.Detous ces experts, seul Tamura senseiest resté dans la région.En Aïkido, Jean Zin a obtenu le sho-dan, le nidan, ainsi que le sandan(22-04-58) et le yondan (22-04-67)de l’Aïkikaï.En 1973, il est nommé dans l’ordrenational du mérite.Après avoir mis en place plus de 400dojos, et formé plus de 450 ceintures noires, il fêtera le 28 mai 1996, ses 50 ansde ceinture noire de Judo.Jean Zin avait dédié une phrase à ses deux maîtres Shozo Awazu et MikinozukeKawashi : “L’arbre qui a donné toutes ses graines peut disparaître, la forêt le rem-placera…” Cette phrase, l’ensemble du Judo et de l’Aïkido français peut et doitla lui retourner. Nous ne te disons pas Adieu mais simplement Au Revoir, les500000 licenciés de Judo, les 60000 licenciés d’Aïkido, graines issues de tonarbre formeront la forêt que tu as déjà entrevue et essaimeront pour former àleur tour quelques bosquets.Ces pratiquants, tous quelque part tes “enfants” ont perdu un père spirituel.

Suzanne Moustier4ème dan d’Aïkido.Présidente de la Ligue de Provence FFAAA

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plus grands maîtres de l’Aïkikaï, K. Osawa, S. Yamagushi, M. Saotome, M. Hikitsuchi etc. dansleurs démonstrations respectives. L’intention duréalisateur est de créer une référence didactique,en montrant les mouvements par O senseï puistels qu’ils sont enseignés par ses élèves directs :“J'ai pu filmer quatre années consécutives tous lessensei que je désirais. Dans le montage que jeviens de terminer sur ordinateur, j’ai fait précéderles sensei de l’Aïkikaï par O’Sensei lui-même. J’aiégalement filmé les démonstrations qui se dérou-laient lors des Kagami-Biraki (fêtes de tous lesdojos de budo en début d’année)”.

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entretien

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La fidélité à un senseiou à une école vousparaît-elle nécessaire ?Au départ, quand on aborde une nouvelle discipline, il estparfois difficile de trouver le senseï avec qui l'on va prati-quer. L'affinité entre ces 2 personnes est importante, laméthode qu'il va employer pour faire aimer ou découvrirce qu'il enseigne vous conviendra ou non, sa personnalité

vous séduira ou vous repoussera. Mais lorsqu'on a trouvéson senseï, il faut essayer d'y rester fidèle. J'ai eu la chance de commencer avec Lilou Nadenicek ilm'a insufflée sa passion et transmis son savoir pendantdes années. J'ai aussi découvert un autre aspect de l'Aïkidoavec Denis Martin. Tous deux m'ont enseignée un Aïkidoqui appartient à la même école, mais avec une approchedifférente. J'ai également suivi avec beaucoup d’intérêt lesstages internationaux de Christian Tissier. Durant toutes ces années, j'ai suivi une même école, issuede la pensée de Kishomaru Ueshiba et de YamaguchiSeigo. Ces grands maîtres japonais ont légué leur savoir,leur passion à mes senseï et c'est tout naturellement que jesuis restée fidèle à cette école née de la passion et du goûtdu perfectionnement.

Le respect de l’étiquetteest particulièrementimportant en Aïkido,cela doit-il avoir uneinfluence sur le quoti-dien du pratiquant ?Lorsqu'on rentre pour la première fois dans un dojo, onsent immédiatement une ambiance différente de celle desclubs de sport. Puis l'on fait ses premiers pas sur le tatami,

on est un peu perdu avec le regard assez timide. Alorsviennent les anciens qui vous guident et répondent à vosinterrogations muettes et vous parlent des principes, del'étiquette. Comment monter sur le tatami, le salut endébut de cours, comment inviter un partenaire. Enfin tous ces gestes, attitudes et pensées qui nous fontdécouvrir, pas seulement un art martial où la force phy-sique prime, mais aussi une philosophie, une voie où res-

pect, reconnaissance, échange, entraide, tiennent uneplace fondamentale. Cette philosophie imprègne peu à peu notre for intérieur etdérange notre ego, alors bien des questions commencent àse poser. L'orgueil, l'égoïsme, l'égocentrisme font loi dans notremonde moderne, mais ils n'ont pas leur place dans lescours d'Aïkido et ne peuvent que dénaturer la pensée deMaître Ueshiba. Si nous voulons évoluer et progresser etlà, je parle de la technique, il faudra être modeste, accep-ter les corrections de nos anciens et même parfois desdébutants qui, gênés par leur propre corps, se placentcomme ils peuvent et c'est alors qu'on effectue notre mou-vement malgré toutes ces difficultés présentes. Partager notre savoir, mettre en confiance notre partenaireet l'aider à réussir. Toutes ces leçons que nous prenons dans les cours doiventnous servir dans notre vie quotidienne, et c'est de cettefaçon que l'Aïkido passera les limites des dojos pour fairepartie intégrante de notre vie.

La mixité dans la pratique de l’Aïkido surprend bien des observateurs; pour vous

C’est la curiosité qui a poussé “Nanou” Porcino à passerla porte d’un dojo. Le Judo d’abord, la rudesse des combats, convenait parfaitement à son dynamisme sportif. Après quelques années consacrées à la danse elledécouvre l’Aïkido, une voie d’harmonie qu’elle ne quittera plus. Plus de 20 années de pratique, aujourd’hui4ème dan, elle enseigne à Marseille où son enthousiasmene laisse personne indifférent.

anne-marie porcino

LES ARMESNATURELLESDU COEUR

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les femmes ont-ellesleur place sur le tatamiparmi les hommes ?Le temps est bien loin où les arts martiaux n’étaient réser-vés qu’aux hommes. A cela, il y avait une raison : lesguerres féodales. Eux seuls combattaient et sacrifiaientleur vie sur les champs de bataille. Force bestiale et vio-lence faisaient loi. De nos jours les guerres ont bien chan-gé et je vois très mal, même les pratiquants les plus émé-rites se battrent contre des chars et des missiles. Alors l'idée que seuls les hommes ont leur place sur untatami, équivaut à penser que nous en sommes restés àcette époque féodale. De nos jours, les arts martiaux ne sont plus pratiqués dansce but, mais pour suivre une voie, un travail sur le corps etl'esprit, où l'on recherche toujours à entrer en harmonieavec soi-même, dans nos gestes, nos actions, nos penséeset avec les autres pour dépasser ces relations conflictuellesqui ne font que s’intensifier dans notre mode moderne. Laprésence des femmes en constante progression dans lapratique des arts martiaux en est bien la preuve. Il est vraique l'Aïkido de par sa nature spirituelle attire un nombretoujours plus grand de femmes, mais n'est-ce pas à travers

cette échange que l'Aïkido continuera son évolution, laforce intrinsèque de l'homme accouplée à la souplesse, àla non violence de la femme. Force tranquille, non oppo-sition, souplesse, caractéristiques bien féminines, n'est-cepas ça l'Aïkido.

Contrôle,immobilisa-

tion, projec-tion,toutetechnique

demande aupratiquantd’acquérirune bonnestabilité

physique etmentale.

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N'oublions pas pour autant l'entraînement physique. Il estle même pour tous, apprentissage des chutes, répétitionsinlassables des techniques, transpiration, bleus, incompré-hensions, femmes et hommes ont les mêmes difficultés.

Après bien des annéesde pratique, vous avezdécidé d’enseigner votre art, quels sont vos apports spécifiques pour cette transmission ?Je ne pense pas apporter de spécificité particulière dansmon Aïkido, mais par rapport à mon gabarit il y a desaspects que je travaille et enseigne en soulignant fortementla nécessité.Apprendre les techniques et les respecter sans cesse avecun maximum de justesse et sans précipitation. Puis tra-vailler le déséquilibre pendant l'action afin que la puis-sance ou la force qui vous fait face soit déstabilisée. Le Taisasaki permet de maîtriser la distance et d'entraîner Ukédans une dynamique qui l'empêche de reprendre sesappuis. Enfin, maîtriser son placement, pour effectuer lestechniques dans une attitude la plus juste et la plus purepossible. Sans oublier, la bonne com-préhension du rôle de Uké.Après l'apprentissage deschutes, son travail d'atta-quant, qui sans montrer del'agressivité doit donner uncertain moteur à la réalisa-tion des mouvements etrester dans cette dyna-mique jusqu'à la fin de latechnique. Il doit réaliser ledanger potentiel que repré-

sente Tori durant tout le temps de l'action. Tout ceci est biendifficile à réaliser et à transmettre mais avec de la patien-ce et de la volonté…

Faut-il privilégier certaines techniquesplutôt que d’autres ?Ce n'est que mon avis, mais le travail rigoureux de cer-taines techniques permet d'appréhender mieux l'étenduedes techniques, comme Ikkyo, qui est le mouvement fon-damental des techniques de contrôle. Une fois maîtrisée laforme d'entrée de Ikkyo, on pourra aborder les différentscontrôles qui s'en déclinent : Nikyo, Sankyo, Yonkyo,Gokyo.Irimi-nage où la fluidité des mouvements exprime le mieuxle cercle et la spirale. Les déplacements de Tori amènentUké si près de lui qu'ils se confondent et ne forment plusqu'un seul corps. Shiho-nage où le travail de sabre d' O-Senseï s'exprimedans toute sa pureté. Entrer dans la saisie de Uké, pivoter-couper. Le partenaire est constamment déstabilisé et nepeut que suivre le mouvement.

Qu’en est-il des tech-niques d’armes, que

peuvent-ellesapporter ?Morihei Ueshiba consacra une partiede sa vie à étudier les armes, particuliè-rement le sabre. C'est ce qui expliqueque l’on reconnaît certaines similitudesentre l'art du sabre et l'Aïkido : position de garde, déplacements, dis-tance entre les 2 partenaires. Mes maîtres se servaient d'armes(sabre, couteau, jo) pour expliquer cer-taines techniques et l'attitude à adopterpar rapport aux dangers potentielsqu'elles représentent. Suivant l'armeutilisée les techniques étaient abordéessous divers aspects d'où une infinierichesse de forme. Pendant mes cours, lorsque j'utilise untanto, je me rends compte que l'attitudede mes élèves change : plus de réalis-me, de concentration. Uké devient plusvigilant et comprend mieux le sens dela technique et rentre tout naturelle-ment dans la spirale où l'entraîne Tori. Quant au ken, la répétition des coupespermet de travailler les postures tout enprocurant une musculature propre àl'Aïkido. Des exercices simples effec-tués à deux en se déplaçant correspon-dent à certaines techniques et déplace-ment d'Aïkido. A travers ces coupes etces exercices, on apprend aussi à seservir de ses mains comme d'une armeou plutôt comme si on tenait constam-ment le ken entre ses mains. Les mainsévoluent libres, mais respectent les

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Le travaildes place-ments, unenotion dedistance

précise sontdes aspectsfondamentauxde l’effica-

cité destechniquesd’Aïkido.

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formes de coupes et de saisies du ken, dans un but nonpas de destruction, mais pour donner à l'Aïkido une formeépurée où la technique jaillit dans une pureté semblable àla coupe de ken.

Certains affirment quela principale efficacitéen Aïkido se trouve dansson concept de self-défense, plus que dansses formes d’attaque,est-ce votre avis ?De part sa philosophie faite d’échange, d'harmonie etd'amour, l'Aïkido n'attire pas de pratiquants dont les com-bats et la victoire sur un advesaire sont les principalesmotivations, et donc pour la plupart des aïkidoka lesattaques sont reléguées au second plan, ce qui peut êtrecompréhensible au début de l'apprentissage. Mais plus onpratique, plus on s'aperçoit que le moteur de l'action vousest donné par votre Uké. Et là, les attaques prennent leur vraies dimensions. Ellesdoivent donc être travaillées et étudiées, non dans un butdestructeur où il faut absolument montrer sa force, maispour permettre à son partenaire d'évoluer, d'affiner savision, d'avoir une attitude toujours plus correcte, réagir aumoment opportun. Et c'est en progressant ainsi, que les deux partenaires tra-vaillant chacun l'attaque et la défense arriveront auniveau, où leurs rôles deviendront interchangeables dansl'instant, étant à l'écoute l'un de l'autre.

Aujourd’hui, l’Aïkido deMorihei Ueshiba est enconstante évolution,cela vous convient-il ?Pour moi, il ne peut en être autrement. O'Senseï lui mêmen'a pas pratiqué le même Aïkido toute sa vie. À la fin decelle-ci, toutes ces techniques se résumaient à Irimi. Ledeuxième Doshu, Kishomaru Ueshiba, a joué un rôle trèsimportant de catalyseur dans l'évolution de l'Aïkido. Il ena codifié toutes les techniques et c'est cet Aïkido que nousconnaissons aujourd'hui. Je pense aussi que les pratiquants, chacun à son niveau,sont les maillons de cette chaîne de l'évolution de l'Aïkido.De nombreux élèves attirés par cette voie philosophique,d'amour et d'harmonie, ont vu évoluer leur pratique. Aprèsde nombreuses années d'un entraînement sérieux et rigou-reux, l'ouverture du corps et l'union "corps-esprit" se réali-se. C'est à partir de ces sensations nouvelles que les élèvessont partie prenante de cette évolution.

Les enseignements personnels de votre pratique sont-ils transmissibles à vosélèves ?Oui, je pense qu'on peut effectivement transmettre sonapproche personnelle de l'Aïkido. Mais avant d'enseignerle contenu de ses propres recherches, il faut d'abordapprendre à ses élèves les bases techniques, qui, elles,sont immuables.

"Poser les fondations", cette premièreétape est la plus importante, ensuite onpeut se permettre de faire passer les résul-tats de ses recherches. Ce parcours estlong, mais je pense que c'est le bon che-min pour apporter liberté et vie dans lapratique.

L’ art martial seréfère souvent à“l’esprit samou-raï”, est-ce enaccord avec lemessage de paixde l’Aïkido telleque l’a vouluO’Senseï MoriheiUeshiba dans lesdernières annéesde sa vie ?Derrière ce message de paix que nous alégué O sensei, il y a tout un processus de transformationpersonnelle que doit accomplir le pratiquant. Cela passepar un entraînement physique long, répétitif, parfois fasti-dieux, qui pourra mettre le mental à rude épreuve. C’estdurant ce long travail d’apprentissage que l’ élève va seconfronter à lui-même, défier son ego et lors de ces face-à-face ; il découvrira son potentiel, sa force, pourra évaluer savolonté; ainsi se mettra en œuvre son évolution psycholo-gique et spirituelle qui le mènera peu à peu à une plusgrande maîtrise de son corps, de son esprit, vers l’harmonierecherchée, vers une forme de paix intérieure.Il est probable que le samouraï en son temps n’avait decesse d’améliorer sa pratique du sabre comme sa maîtriseintérieure. Les valeurs du Bushido, code de référence dessamouraïs, mises au service des Daimyo, sont aussi cellesdes adeptes de notre pratique : loyauté, fidélité, courageetc. Tous ces points ont en commun, avec nous aïkidoka,la volonté d’élever toujours les conditions morales de notrevie, par la méditation, le travail sur soi, pour établir l’har-monie du corps et de l’esprit. ❁

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itinéraire

AQUEL MOMENT DE VOTRE ITI-NÉRAIRE AVEZ-VOUS DÉCIDÉD’ÉTUDIER L’AÏKIDO ?

CELA CORRESPONDAIT-IL À UNENÉCESSITÉ ABSOLUE, QUELS SOU-VENIRS ET PRINCIPES GARDEZ-VOUS DE CETTE PÉRIODE ?J’ai découvert l’Aïkido à une pério-de de ma vie où certaines grandesquestions existentielles se posaientavec force : la vie, la mort, l’enga-gement, la foi…De cette période, je retiens ladécouverte d’une atmosphère spé-cifique créée par une conjugaisonde paramètres (la pratique, les pra-tiquants, le maître) qui unissaienten un lieu donné, le Dojo, un effort,un savoir et une transmission.Mon rapport à la pratique s’instau-ra sous l’ordre de la fascination:fascination pour le discours d’unami et pour ce qu’il était devenugrâce à son investissement dans lapratique. Sans lui, je n’aurais sansdoute pas mis de mots sur mesactes, je n’aurai pas perçu le sensd’une tradition, l’importance d’unetransmission, le respect d’une filia-tion.Fascination également pour ceDojo que le professeur avait contri-bué à façonner, aboutissementd’une recherche, d’un engagementpersonnel. Son espace de pratiqueavait une âme, il en était l’incarna-tion. Il avait réussi à faire de ceDojo un lieu d’étude, de travail,porteur d’énergie, de convivialité,et mobilisateur de conscience .

Fascination enfin pour l’engage-ment physique et technique quiémanait de la pratique, pour lasobriété, l’élégance et l’aisance quise dégageaient des mouvementsexécutés. Conscient que l’imitation et l’ac-tion pouvaient s’articuler afin dem’aider à appréhender la réalitésous le couvert du geste, je laissaimes interrogations initiales sansréponses, et rentrai dans la pra-tique avec l’enthousiasme de quel-qu’un qui pense avoir trouvé unchemin pour guider ses pas etéclairer son quotidien .

AVEC QUELS MAÎTRES AVEZ-VOUSPRINCIPALEMENT ÉTUDIÉ ?J’ai pratiqué avec Toshiro Sugaavant de découvrir Maître Tamuraque j’ai suivi dans la mesure de madisponibilité aux quatre coins del’hexagone. Ces deux personnagesme paraissaient de par leur origine,les dépositaires de cette traditionmartiale que je souhaitais appré-hender. Je me sentais donc confor-té dans mes choix, malgré les mul-tiples dissensions idéologiques etpolitiques qui émaillaient la vie de la région. Je me sentais confortédans mes choix, parce que mesamis proches semblaient confortéseux aussi dans les leurs et que cetteconvergence d’idées était sourced’exaltation, de confiance et de travail.

PARLEZ-NOUS DES PRINCIPALES

CARACTÉRISTIQUES DE LEURSENSEIGNEMENTS . J’ai pratiqué pendant environ quin-ze ans dans un système de codifi-cation qui faute d’en connaître un autre, me convenait parfaitementet au sein duquel j’ai pu donnerforme à un ensemble de réalisa-tions.La fidélité à des engagements, lesens d’une discipline et le respectd’une filiation équilibraient lecours de ma démarche. Je ne peuxpas dire qu’à un moment précis demon étude, j’ai consciemment ana-lysé les contenus qui m’étaient pro-posés. Le problème ne se posaitpas alors en ces termes.La conscience Aïkido me paraissait

résider dans une mobilisation plusspontanée, plus intuitive que rai-sonnée. Le sens d’un rapport aumaître me paraissait source uniqued’engagement. Cette approche m’ a permis d’êtrenaïf quand il m’était bon d’êtrenaïf, d’être respectueux et tra-vailleur quand il m’était bon d’êtrerespectueux et travailleur, d’êtreactif et engagé quand il m’était bond’être actif et engagé.Elle a alimenté mes réflexions, les aconjuguées à celles de mesproches, et fait naître toutes sortesd’initiatives et de projets qui ontdans le temps trouvé un cadre d’ac-tion et d’expression et favorisé à unmoment donné, l’émergence d’unevision moins idéaliste et plus lucidede la pratique . Je pense avoir alors plus intime-ment reconnu et légitimé, l’idée derechercher avec plus d’intensité etde discernement, les tenants et lesaboutissants de ma propre pra-tique… et à travers elle de mapropre existence .

LA VOIE DU DONC’est à Quimper que Philippe Corre, 4èmedan, se consacre aujourd’hui à la diffusionde l’Aïkido. Fidèle à l’enseignement de sesmaîtres, il développe un art martialemprunt de nuance et d’harmonie veillantscrupuleusement à ne pas s’éloigner dumessage fondamental de Morihei Ueshiba.

philippecorre

Momentmagique enBretagne ou lapratique, avecou sans armes,de l’Aïkido est en phase avecune énergienaturelleremarquable .

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DANS QUEL SENS LES PRINCIPESMAJEURS DE L’AÏKIDO ONT-ILSPRÉVALU DANS VOTRE ORGANISA-TION ACTUELLE ?Le chemin parcouru dans la sphèreAïkido a pris peu à peu pour moivaleur d’enracinement, le temps etles efforts consentis valeur d’enga-gement.Après de multiples expériencesd’enseignement à Quimperlé,Lanester, Lorient, la rénovationavec quelques amis d’un premierDojo à Quimper puis la construc-tion d’un second, je me suis impli-qué avec d’autres enseignants de larégion, dans la mise en œuvre d’uncollectif d’associations: Le DojoCentre Bretagne (regroupant 380licenciés) et la création partagéed’un autre Dojo à Carhaix.Au fil des années, fort de l’expé-rience acquise, ma vision de la pra-tique s’est transformée, m’aidant àapprocher l’existence sous l’angled’une quête, d’une rencontre desoi, de l’autre, de l’exprimable et,ou de l’indicible. L’exaltation des premières années,a laissé la place à une plus granderetenue, une plus grande humilité. Si la terminologie utilisée: sincérité-fidélité- intégrité se veut la mêmequ’aux premiers instants; elle sepréfère pensée d’une manièreéthique et animée d’une foi sanspartage. Soucieux de prolonger la quête,d’appréhender une union plus inti-me de conscience, de décision et

d’action, désireux de découvrir unautre système de codification et deréférence, j’ai un jour franchi laporte du Dojo de Vincennes. La rencontre avec Christian Tissier,renouait avec cette vision intérieu-re et antérieure d’une expériencepersonnelle conjuguée à un lieu,nourri de recherche, de travail etd’accomplissement humain.Je me retrouvais presque 15 ans enarrière, à ma première entrée dansun Dojo. Les jeux étaient faits, uneétape s’était achevée. Une nouvel-le étape pouvait commencer. Je mefaisais une idée du travail. Je pen-sais avoir un sens de la pratique,avoir compris le rôle attribué à touset à chacun. Et je découvrais, unautre regard, un autre langage, uneautre réflexion, une autre construc-tion technique et humaine élaboréeavec intelligence, compétence,rigueur et indépendance.J’éprouve aujourd’hui une grandejoie d’avoir pu pénétrer un jourdans ce Dojo de Vincennes.J’éprouve une profonde gratitudeenvers Christian Tissier qui m’apermis de venir reconsidérer mapratique et découvrir une réalitéque je ne soupçonnais pas réfléchiede la sorte. J’éprouve toutefoisquelques regrets, celui d’une partde ne pas avoir franchi plus tôtcette porte et de n’avoir pu, avecquelques années de moins, appré-hender les exigences et le travail deChristian Tissier, sous le couvertd’une pratique plus régulière et

plus intensive. Mais la vie est ainsifaite, et le chemin de chacunappartient à chacun. Les épreuvessurviennent à des moments où lecours des choses semble pourtantvouloir les ignorer. Il en va demême des rencontres.L’ approche de la pratique propo-sée à Vincennes et la rencontreavec bon nombre de pratiquants degrande valeur, français et étrangers,m’ont tout de suite séduit et inter-pellé. Ils m’ont incité à réorganiserl’étude, à me replonger dans lesfondamentaux, à redéfinir ma pra-tique, à reconsidérer l’idée que jeme faisais de moi- même et de lacompréhension que je pensaisavoir de l’Aïkido.

Je me suis non seulement senti toutde suite concerné par ce qui m’étaitproposé de travailler, mais aussiimmédiatement engagé dans unprocessus de transmission, éma-nant d’une sincérité, témoignaged’un rapport profond et essentiel àla vie . «Il faut persévérer dans son être, sion veut être homme», disaitSpinoza . C’est ce que j’ai l’impres-sion d’entendre quand je rencontreChristian Tissier; c’est ce que j’aienvie de faire dans la mesure demes capacités et de la compréhen-sion que je peux en avoir .Ce précepte me remplit de force, devolonté, mais l’ampleur de la tâchem’anéantit parfois.

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“Après de multiples expé-riences d’enseignement à

Quimperlé, Lanester,Lorient, la rénovation

avec quelques amis d’unpremier Dojo à Quimper

puis la construction d’unsecond, je me suis

impliqué avec d’autresenseignants de la région,

dans la mise en œuvre d’un collectif d’associations…”

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AUJOURD’HUI, QUELS CONSEILSDE TRAVAIL DONNEZ-VOUS À VOSÉLÈVES POUR UNE MEILLEUREPROGRESSION DE LEUR AÏKIDO ?

Cette nouvelle approche n’a pasréellement changé mon rapport àl’enseignement; elle l’a recentré,renforcé, plus particulièrementdans le rapport à l’exigence tech-nique.Il m’a longtemps semblé nécessairede privilégier, au-delà des formes,un état d’esprit, un sens de l’enga-gement, du mouvement, une apti-tude au déplacement, une capaci-té à créer disponibilité et service .

L’étude technique me paraissaitnon pas fondatrice, mais consécu-tive à certains préliminaires. Le travail réalisé, les expériencesvécues, les conseils reçus ,les expli-cations suggérées ou données, unplus grand recul et une autreréflexion, m’ont aidé à changer defocale, de position, m’ont aidé àrepositionner en pensée et en actel’importance à donner à tel ou telparamètre . J’ai le sentiment aujourd’hui d’ap-préhender avec plus de globalité etd’équilibre, même si les résultatsne sont pas toujours à la hauteurde mes attentes, les différentsaspects du problème posé parl’élaboration d’un geste, sans pourautant privilégier, un axe au détri-ment d’un autre.

Une véritable indépendance, unevéritable ouverture à soi, auxautres, me semble toujours résiderdans l’acceptation d’un certainrapport à l’existence.Mais ce rapport ne peut se structu-rer sans des bases techniquessolides, qui portent en elles lesfondements d’une pratique, et quipar le cadre normatif volontaire-ment établi, exclut un univers depensées posé a- priori.Les conseils donnés à mes prochespourraient tenir dans ce célèbreproverbe japonais: «Entre par laforme et sort de la forme».Ils vont à la recherche, à laconstruction, à l’étude, à l’appro-fondissement des principes fonda-teurs de la pratique.Ils vont également à la prise de dis-tance par rapport à sa propre pra-tique, au non–attachement à cer-taines données, attitudes ou certi-

tudes. Ils vont aussi et surtout à la fidéli-té, à l’engagement, à la prise deresponsabilité et à l’honnêtetéenvers eux-mêmes et ceux qui gui-dent leur parcours.Ces conseils ne sont pas réellementformulés, mais plutôt suggérés.

LE TRAVAIL AVEC LES ARMES TRADITIONNELLES DE L’AÏKIDOVOUS SEMBLE-T-IL UNE PRIORITÉ ? Tout phénomène d’apprentissagequ’il soit corporel ou cognitif est lefruit d’un contexte culturel spéci-fique ,déposé sous forme d’expé-rience et conservé sous forme d’ha-bitudes et de savoir-faire.Le travail et l’étude des armess’inscrivent à mon sens dans cetteperspective de recontextualisationde l’Aïkido. Au-delà du langage etde l’activité réflexive propre à notresystème occidental de référence, se

joue l’émergence d’ une intelligen-ce pratique, cette capacité du corpsà invoquer le passé pour produiredes actions nouvelles et desconduites qui échappent directe-ment à l’action logique de l’enten-dement . En un mot, la structuration propo-sée par le travail des armes visel’avènement d’une conscience cor-porelle non pas issue initialementde la pensée, mais point de départfondateur d’une certaine façon depenser le monde en général.Au-delà de la savante combinaisonqui naît de l’approche conjuguéedes armes et des techniques àmains nues, du plaisir et de l’exal-tation qui en résulte, l’originalité decette étude renvoie à l’héritage ines-timable du Budo, inscrit la pratiqueAïkido dans un processus tradition-nel de transmission et l’enracinedans une modernité sans pareille .

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QUELLE TECHNIQUE ENTRETOUTES, VOUS PARAÎT PLUS FON-DAMENTALE ?Plus qu’une technique spécifique,c’est la déclinaison de différentestechniques à partir d’un principede base qui me paraît fondamentalen Aïkido. Cette compréhensioninduit la globalité au détriment dela singularité, centre la gestuelleautour d’un axe fondateur et favo-rise une lecture des réalisationstechniques en termes d’adaptationet de transfert.

EN CES TEMPS DE PARITÉ , QUELLEPLACE FAITES-VOUS À LA PRA-TIQUE FÉMININE ?La pratique de l’Aïkido incorporedans sa conception une dimension«positive» et «négative» du mou-vement, une vision «Yang» et«Yin» de l’énergétique, une «mas-culinité» et une «féminité» descomportements .A ce titre, la question de la pariténe se pose pas comme en politique.Elle existe de fait, par nature. Lasincérité ,la droiture, le courage nesont pas des vertus essentiellementmasculines .Les femmes pratiquentl’Aïkido, et leur engagement qui n’a

rien à envier à celui des hommes,enrichit la pratique.

EST-IL CONCEVABLE DE FAIRE ABS-TRACTION DE SOI-MÊME , DE SONEGO, SUR LE TATAMI COMMEDANS LA VIE QUOTIDIENNE ?Si l’on considère l’étude martialesous l’angle de l’entraînement ducorps et de l’esprit, une pratiquequotidienne oriente l’existencevers une reconnaissance intime dece que l’on est . La présence à ce que l’on fait ici etmaintenant, la conception sous-jacente de l’altérité induite par l’or-ganisation technique, les principeséthiques qui charpentent ladémarche Aïki favorisent l’éléva-tion de la personne humaine dansle champ de ses possibles.La pratique rejoint l’humain et à ladimension physique, s’articulentdans le cours d’une vie, desaspects relationnels et spirituelspour une recherche de sobriété etde simplicité .Cette recherche à travers l’Aïkidoest une ascèse permanente, etcomme toute ascèse qui impliquel’humain dans sa relation aumonde, elle n’échappe pas à cette

constante existentielle qui consisteà triompher de son ego pour faireémerger l’être dans sa plénitude .

L’ÉTUDE D’UN ART MARTIAL TELQUE L’AÏKIDO SE RÉFÈRE SOUVENTÀ «L’ESPRIT GUERRIER DU SAMOU-RAÏ», CELA VOUS SEMBLE-T-IL ENACCORD AVEC LE MESSAGE DEPAIX CONÇU DANS LES DERNIÈRESANNÉES DE SA VIE PAR O SENSEÏMORIHEI UESHIBA ?

On parle souvent de «l’espritsamouraï»; mais qu’est-il vraiment?L’expression d’ une époque oùs’incarnaient au sein d’ un corpsconstitué, un idéal de fidélité, d’ab-

négation et de loyauté ?La qualité de ce corps constitué quiautour d’une représentation socia-le donnée, exaltait courage, sensde l’honneur et du sacrifice ?Le fondement d’une culture mar-tiale qui donne sens à l’engage-ment et qui fait du renoncement unacte d’éternité ?Cet esprit est sans doute tout cela àla fois, mais qu’évoque-t-il réelle-ment aujourd’hui pour un prati-quant qui voit pointer les contoursdu troisième millénaire ? Il est pour moi le miroir d’uneconscience spécifique, le refletd’une foi insatiable qui traverse lessiècles et qui fonde toute démarched’accomplissement humain .Il estcette inspiration, ce rapport intimeà la vie qui oriente et rend possiblecet accomplissement .La création de l’Aïkido s’est nourriede cet «esprit Samouraï» dontMaître Ueshiba était le dépositaire.Mais la foi de ce dernier a trans-mué le renoncement à soi-mêmeen offrande à autrui . Ce que O Senseï a laissé à l’huma-nité à travers la pratique, est unevision d’un monde apaisé en abso-lu de toute situation de conflit.Il nous a laissé les clefs pour traiterces conflits et transformer un sys-tème d’opposition en un monded’échanges et d’unité.Cette approche ou du moins ce queje peux en comprendre me rendbien souvent perplexe quand jeregarde autour de moi, et quandj’analyse mes propres comporte-ments. O Senseï nous a confié les clefs, ilne nous a pas donné le code et lescombinaisons s’avèrent mul-tiples… quand la clef ne casse pas!❁

“Plus qu’une techniquespécifique, c’est la déclinaison de

différentes techniques à partir d’un principe de

base qui me paraît fondamental en Aïkido.”

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Les kihon, que chacun com-mence à effectuer du jouroù il s’inscrit dans un dojo,

sont les techniques incontour-nables de l’Aïkido.Le nombre d’heures qui devien-dront inéluctablement des mois,puis des années passées à lesrépéter vont nous faire entrercorps et âme dans le domainede cette discipline qui va déve-lopper en nous une autre formed’intelligence, affiner notre sen-sibilité et, finalement, nous fairevoir les choses de la vie d’unemanière plus équilibrée, plussage.

MAÎTRE UESHIBA A DIT : L’AÏKIDO C’EST 1

Le but ultime de cette disciplineserait donc, par la pratique assi-due des mouvements de basecomme outils, de recréer cetteunité en nous permettant decomprendre la relation entre lesdifférents principes qu’ils véhi-culent, de les lier entre eux jus-qu’à recréer l’unité corps-->esprit--> mouvement. Il ne restera plus alors que l’éta-pe ultime : réaliser l’unité avec lepartenaire.

La discipline Aïkido, pratiquéedéjà par plus d’un million de

personnes dans le monde, pren-drait alors la dimension d’un sys-tème tendant à réaliser l’harmo-nie universelle dont le maîtreparlait.

TRANSMISSION D’UNE DISCIPLINE UNIQUE… PAR DESMÉTHODES VARIABLES

Dans l’enseignement actuel del’Aïkido l’élève pourra rencon-trer différents types de pédago-gie. Celle-ci sera variable selonle professeur qu’il aura choisi, leniveau technique de celui-ci, savision de l’aïkido et ce qu’il aural’intention de lui faire acquérir.Bien sûr, dans tous les dojos onenseigne Ikkyo, Nikyo, Sankyo,etc… et ceci est un passageobligé.Pourtant, quand bien même ilfaudra toujours y revenir, demême qu’un musicien doit tou-jours revenir aux gammes, il nefaudrait pas que ceux-ci soientenseignés comme une finalité,les Kihon pour les Kihon.Une fois leur mécanisme globa-lement acquis, l’étape suivantedevrait permettre une prise deconscience de ce qui les lie etleur donner déjà ainsi une autredimension.Actuellement on semble en êtreau stade d’une tentative de défi-

nition à tout prix et l’on compa-re souvent l’Aïkido à une métho-de de communication, à unlangage.Nous sommes au pays deDescartes où l'on nous a ensei-gné que l'on pouvait tout com-prendre et expliquer par desmots. Pourtant leur sens est loind’être commun à des individusqui, pour la majorité d’entre eux,comprennent à travers un systè-me logique qui leur est propre.Mais, avec un esprit ainsi "forma-té" depuis notre prime jeunesse,peut être est-ce un mal néces-saire dans le chemin de progres-sion sur lequel on s’est engagé.

POUR UNE APPROCHE DE PRISEDE CONSCIENCE

Ce que nous savons, c'est quel'aïkido est né au Japon. Ce quenous devons comprendre, c'estque c'est l'émanation d'une cul-ture qui nous est vraiment trèsétrangère. C'est donc à nous,puisque nous avons été attiréspar cette discipline, à nousefforcer de l'apprendre commefont les Japonais : à mieuxobserver afin de voir ce qui nenous apparaît généralement passans les belles explicationssavantes qui sont actuellement àla mode mais...… destinées seu-

lement à pallier un "manque" àcomprendre.

A l'Aïkikaï la pratique s'effectuepresque sans aucune explica-tion. Pourtant, les grandsexperts japonais que nousconnaissons l’ont appris ainsi etles Français qui y sont allés etont pratiqué l’aïkido à la japo-naise ont, eux aussi et malgré ladifférence de culture, amélioréleur pratique en apprenant àcomprendre autrement qu'à tra-vers des explications, par eux-mêmes, en observant différem-ment et avec plus d’acuité.Comprendre ce que l’on nousexplique fait appel à notre intel-ligence, comprendre par soi-même ce que l’on ne nousexplique pas développe certai-nement une autre forme, aumoins tout aussi importante, denotre intelligence. L’apprentissage d’une disciplinecomme l’Aïkido ne peut pas sefaire avec nos outils habituelsde réflexion et la compréhen-sion du pratiquant semble jalon-née par des étapes de prises deconscience.Dans le but de développer cetteforme particulière de compré-hension il faudrait essayer, parune observation plus attentive,plus intuitive aussi, de prendre

technique

Pour une prise de consciencedes relations entre les mouvements

TTeecchhnniicciieenn ssccrruuppuulleeuuxx,, AAllaaiinn GGuueerrrriieerr,, 66èèmmee ddaann AAïïkkiikkaaïï,,ss’’eesstt iimmpprrééggnnéé ddeess pprriinncciippeess ffoonnddaammeennttaauuxx ddee ll’’AAïïkkiiddoodduurraanntt sseess nnoommbbrreeuusseess aannnnééeess ppaassssééeess àà ll’’ééttuuddiieerr aauupprrèèssddeess ggrraannddss mmaaîîttrreess ddee ll’’AAïïkkiikkaaïï.. IIll aabboorrddee iiccii uunn tthhèèmmee,,mmaajjeeuurr ppoouurr ttoouutt aaïïkkiiddookkaa ddééssiirreeuuxx ddee pprrooggrreesssseerr ddaannss llaarrééaalliissaattiioonn ddeess tteecchhnniiqquueess ddee bbaasseess..

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conscience des relations parfoistrès étroites qui existent dansun grand nombre de mouve-ments.

C’est dans cette intention que jedésirerais développer deuxtypes de relation qu’il me paraîtutile de faire afin que chacunpuisse, par la suite, devenircapable d’en trouver d’autres :

1) 1 Kihon et «son» kokyu-nage;2) 3 Kihon entre eux.

1) UN KIHON ET "SON" KOKYU-NAGE

Sur Ushiro Ryote-dori, deuxmouvements des plus clas-siques se réaliseront naturelle-ment : Kokyu-nage, celui que lesexaminateurs voient invariable-

ment lors des examens degrades sur cette saisie, et Ikkyo.Là aussi, comme l’illustrent lesphotos, à un moment donné del’action, parce que les deuxmouvements se déroulent selonun principe qui leur est com-mun, la position de A sera lamême.Seules l’intensité et la vitesse del’action, initiée de face, auront

privilégié une immobilisation ouun Kokyu-nage.

Si celle-ci est peu dynamiqueIkkyo pourra être exécuté natu-rellement, si elle l’est plus, leKokyu-nage engendré par cedynamisme se réalisera, sans laparticipation totalement volon-taire de celui qui l’exécute, unmême principe physique régis-

Ikkyo

Ushiro ryote dori

Kokyu nage

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technique

sant le mouvement d’ensemble.

2) RELATION IRIMI-NAGE, KOTE-GAESHI, SOTO KAITEN-NAGE

Pendant mes quelques annéespassées à l’Aïkikaï, maîtreYamaguchi insistait souvent surla relation entre Irimi-nage,Kote-gaeshi et Kaiten-nage,démontrant qu’il s’agissait biend’un seul et même principe qui

régissait ces trois mouvementsde base, ce principe prenantalors le sens de Kihon lui-même.

Le placement du maître étaitbien sûr légèrement différentpuisque les mouvements étaienteux-mêmes différents mais ilnous faisait observer que laposition du Uke, à un momentparticulier du mouvement, étaitexactement la même : le désé-quilibre étant sur son avant,

dans la direction de son attaque(Katate-dori, Shomen ou Tsuki)prolongée et dirigée quelquepeu latéralement, là où se trou-vait de toute évidence sa posi-tion d’instabilité (voir photos).

EXEMPLE AU BOKEN :

De même qu'il existe des rela-tions entre les techniques d'aïki-do, il en existe également entrecelles-ci et les techniques au

Boken. La comparaison la plusévidente se fera lors d'uneattaque Shomen puisque cetteforme particulière d'attaqueprovient directement du sabre.La similitude de position desdeux pratiquants avec armes,que l’on va pouvoir compareraux Kihons qui suivent, devraitillustrer clairement ces explica-tions forcément quelque peuabstraites.

A* vient d'attaquer au Boken enShomen.

B* est sorti de la ligne d'attaqueet va se trouver placé en Irimi,ce qui lui permettra, commel’illustre la photo, de contreattaquer éventuellement enTsuki.Le mouvement s'inscrit dans untriangle dont le plus fermé desangles se trouve derrière A.

EXEMPLE SANS ARME :

Les techniques Kote-gaeshi,Irimi-nage et Soto Kaiten-nages’inscrivent dans la même figure

““C'est pour cela que maître Yamaguchi disait que cette liaison était elle-même unKihon et, de toute évidence, cet enseignement nous avait fait découvrir une base sanslaquelle ces trois mouvements seraient restés, certainement pour longtemps encore, dissociés.””

Sortie de trajectoired’attaque

Kote gaeshi Irimi nage

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géométrique et sur le mêmeschéma dans l’espace, àquelques différences près pour-tant :En effet, lors de l’attaque auboken, B sort de la trajectoirede l’arme en faisant Irimi Henkaet A reste sur sa ligne d’attaque,ce que la photo illustre claire-ment.

Dans les techniques sans armes,par contre, A aura été entraînéet destabilisé sur sa droite parl’action de l’une des techniques.Son attaque aura été prolongéeet dirigée latéralement -ce quilui aura fait faire un pas latéral audébut de l’action pour tenter dereprendre son équilibre- avantle Tenkan et la suite du mouve-ment.Dans Soto Kaïten-nage, l’atémi àla nuque, qui aura impliqué uneentrée Irimi plus profonde quepour les deux autres tech-niques, sera l’équivalent de lacoupe lors de la contre-attaqueau boken. Je crois qu’il serait faux de pen-ser que ce type d’enseignement

ne concerne que les «anciens»,ceux qui ont une longue pra-tique, d’autant plus que chacund’entre nous a certainementappris dès qu’on lui a enseignéIrimi-nage et Kote-gaeshi la pre-mière fois que, lorsque l’entréeIrimi était suffisammentprofonde on faisait Irimi-nage etque, lorsqu’elle l'était moinskote-gaeshi s’effectuait naturel-lement.Cependant c’est souvent là quece préambule s‘arrête.Il semblerait donc souhaitableselon le dicton chinois "uneimage vaut mieux que 10 00mots" de bien faire observer lasimilitude de position de chacundes deux pratiquants. Ceci per-mettrait, même à ceux qui n’ontque quelques mois de pratique,de comprendre plus rapidementles principes mécaniques quirégissent les mouvements puis,peut être, en prenant l’habitudede comprendre par eux-mêmes,de couper petit à petit le cor-don ombilical qui les lie au pro-fesseur car celui-ci, pendant for-cément longtemps encore, sera

leur principale ou unique réfé-rence.Dans la plupart des dojo cestrois kihon-waza sont enseignéscomme éléments distincts lesuns des autres, donc pas systé-matiquement au cours d'unemême séance alors que Shiho-nage sera généralement suivi deUde-kime-nage et Ikkyo de Hiji-kime-osae parce que tous lesenseignants savent que lesecond découle du premier.

En ce qui concerne les troismouvements de base dont ilest question, la compréhensionde leur relation ne sera pas for-cément faite par les élèves si onne leur en a pas enseigné leprincipe. Au professeur defaire en sorte que ceux-ci pren-nent conscience de cette rela-tion car elle est d'une importan-ce primordiale. En effet, si l'onne met pas l'accent sur cepoint, le pratiquant, quandbien même il parviendra à maî-triser chacun de ces trois com-posants, parce qu'ils peuventêtre vus comme bien différents

les uns des autres, aura peu dechances d'en comprendre vrai-ment le sens et d'en détacherle principe.

C'est pour cela que maîtreYamaguchi disait que cette liai-son était elle-même un Kihon et,de toute évidence (une fois qu'ilnous l'avait dit cela devenait,bien entendu, évident), cetenseignement nous avait faitdécouvrir une base sans laquel-le ces trois mouvements seraientrestés, certainement pour long-temps encore, dissociés.

AAllaaiinn GGUUEERRRRIIEERRDDTTRR CCôôttee dd’’AAzzuurr

MMeemmbbrree dduu CCoollllèèggee TTeecchhnniiqquuee

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ccllaarrttéé ppaarr AA eett BB..

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Kaiten nage

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aïkibudo

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P ar son keppan (serment),le budoka s'engage aurespect formel du codemoral lié à l'école, condi-tion essentielle pour

mener à bien l'œuvre qu'il a déci-dée d'entreprendre pour aller aubout de sa quête, avec le soucinécessaire et rigoureux de montrerl'exemple. nous retrouvons ici lesorigines martiales des samouraï,ces guerriers nippons guidés par uncode de l'honneur popularisé par leterme de bushido, pour lesquels lamort était bien souvent la seuleissue honorable pour les fautescommises ; sans être aussi jusqueboutistes, les arts martiaux japo-nais ont conservé ces traditionsancestrales et vitales à leur péren-nité, que l'on retrouve tant dans lecode moral que dans le cérémonialde chaque ryu.

DO ( la Voie) JO (le Lieu)Les Arts Martiaux se pratiquent enun lieu particulier nommé dojo. Cenom d'origine bouddhique désignela salle de lecture et d'étude spiri-tuelle d'uun temple. C'est un lieusacré et y entrer, c'est se sacralisersoi-même. En budo, on utilise cenom pour désigner le lieu où l'onpratique. Un dojo comprend, outre

la salle principale réservée à la pra-tique, des annexes: douches, ves-tiaires…Le dojo proprement dit, où l'aire dela pratique est délimité par quatrecôtés, dont le principal, le kamizaou mur d'honneur, fait face à l'en-trée. C'est traditionnellement sur cemur qu'est installé un petit templeshinto. C'est généralement dos à cemur que se place le professeur, lesélèves étant face à lui, dos à laporte d'entrée au niveau du shimo-za. Les zori (sandales) des prati-quants sont alignés le long du shi-moza, en direction de la sortie. Les assistants éventuels se rangentpour leur part sur le côté gauche duprofesseur.

REISHIKI : le rituel du dojoLe rituel du dojo est simple. On sedoit de le respecter scrupuleuse-ment. A l'entrée, on s'incline en unsalut debout, ritsu rei, en directiondu kamiza. C'est en quelque sortese sacraliser dès l'entrée dans celieu privilégié où l'on étudie laVoie.En Aïkibudo, l'importance du salutest grande. C'est un acte d'engage-ment total envers l'Art, les Maîtresà qui on le doit, les autres prati-quants et soi-même. IL nécessite

une grande rigueur d'exécution quis'accompagne d'intentions pures.Le cours débute officiellement parun salut collectif au shinzen, auprofesseur, et à l'ensemble des pré-sents, sous la conduite du plusancien des élèves qui ordonne lesdifférentes actions :

- SEIZA - "Assis", l'ensemble s'age-nouille et se met en position d'assi-se parfaite sur les talons.

- SHOMEN NI REI - "Saluons enface" ou SHINZEN NI REI - "saluons leshinzen".

- SENSEI NI REI - "Saluons le pro-fesseur", tous les présents saluent.

- OTAGAI NI REI - "Saluons -nous", tous les présents y comprisle professeur saluent.

- KIRITSU - "Levons-nous", ordredonné après que le professeur sesoit relevé seul.

La fin du cours se ponctue par lesmêmes saluts. Le retardataire doiteffectuer seul le shinzen ni rei, etattendre en seiza, après avoir saluéle professeur, que celui-ci l'invite àla pratique. Si l'on souhaite quitterle dojo avant la fin du cours, on nepeut le faire qu'après en avoir for-mulé la demande au professeur etaprès avoir effectuer seul le senseini rei ou le shinzen ni rei.Le salut debout s'effectue chaque

Le DOJO, lieu d'étude,

et d'échanges, nécessite un

empreinte de sérieux et de

Comme toute activité humaine codifiée, les ArtsMartiaux possèdent une organisation et des règlesparticulières : le pratiquant de budo est dépositai-re et garant des traditions héritées de ses ancêtresau travers des écoles (ryu) au sein desquelles il aété admis.

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fois que l'on monte ou descend dutatami, ainsi qu'avant et aprèschaque travail avec un partenaire.Dans la pratique aux armes, unsalut particulier est effectué enfonction de l'arme employée, et del'Ecole pratiquée.

Le dojo, lieu d'étude, de travail etd'échanges, nécessite une attitudeempreinte de sérieux et de respect.Il sera laissé dans le plus grand étatde propreté, y compris les annexes.A cette fin, le port de zori est obli-gatoire et l'on ne doit pas marcheren dehors du tatami sans les porter.Elles sont alignées soigneusementle long du shimoza, en tournant ledos au kamiza. Une hygiène corpo-relle générale s'impose : le corps etles vêtements doivent être propres,les ongles coupés courts, lemaquillage ôté. Cette marque derespect, tant envers soi-mêmequ'envers les autres participe à laformation morale du pratiquant, luioffrant de reprendre sa place plei-nement dans l'Ecole, dans la socié-té, et dans l'ordre profond del'Univers. Le budo prend alors sapleine consistance de disciplinetotalement intégrative.

YUDANSHA,HAKAMA et Code MoralLe Maître et les Yudansha sont lesambassadeurs du budo, respon-sables par leur comportement de laréputation de leur ryu. Le port de laceinture noire et du Hakama sontles symboles visibles de leur avan-cée sur le chemin escarpé qui mèneà la Voie. En budo, le grade repré-sente l'ensemble (ichi) d'une triplevaleur, shin (valeur morale), gi(valeur technique) et tai (valeur

physique) indissociables.Les pratiquants d'Arts Martiaux sedoivent de "polir les sept vertus dubudo, reflets de la vraie nature dubushido, que les sept plis du haka-ma symbolisent". Ces sept vertussont, sans aucune hiérarchie entre-elles :

JIN(Bienveillance,Générosité)La bonté et la bienveillance suppo-sent une attitude pleine d'attentionpour autrui, sans considérationd'origine, de sexe, d'âge ou de han-dicap. Le respect permanent desautres avec le souci de les honorersans jamais leur causer de troublesou de peines inutiles conduit natu-rellement à une concorde sociale.

GI (Honneur,Justice)Le sens de l'honneur passe par lerespect de soi-même, d'autrui, etdes règles que l'on considèrecomme justes. C'est être fidèle àses engagements, à, sa parole, et àl'idéal que l'on s'est choisi.

REI (Etiquette,Courtoisie)La politesse n'est que l'expressionde l'intérêt sincère et authentiqueporté à autrui, quelle que soit saposition sociale, au travers degestes et d'attitude pleins de sollici-tude et de respect. Le Cérémonialet l'Etiquette font partie de l'exté-riorisation de la Politesse.

CHI (Sagesse,Intelligence)Les anciens disaient à juste titrequ'un sage pouvait toujoursapprendre, même d'un fou, alorsqu'un fou ne pourrait jamaisapprendre, même d'un sage. Lasagesse est ici synonyme d'aptitu-de à discerner en tous lieux et entoute chose, le positif et le négatif,à n'accorder aux choses et aux évé-nements que l'importance qu'ilsont, sans se laisser aveugler ni sedépartir de la sérénité si durementacquise sur le tatami.

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de, de travail

e une attitude

de respect

Le salut,par Maître Alain Floquet.

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SHIN (Sincérité)La sincérité est impérative dansl'engagement Martial : sans elle, lapratique n'est que simulation etmensonge, tant pour soi-même quepour autrui; l'engagement se doitd'être total, permanent, sans équi-voque. La sincérité se constate faci-lement, et l'illusion ne peut perdu-rer longtemps devant les exigenceset le réalisme de la Voie.

CHI (Loyauté)Il peut paraître désuet de parler deLoyauté et de Fidélité dans notresociété contemporaine alors mêmeque ces valeurs sont le cimentindéfectible de nos disciplines mar-tiales ; l'Aïkibudoka s'engage,comme le Samouraï envers sonDaimyo, à une fidélité totale, et àun respect loyal des règles internesà son école, et ce sur sa vie même.Ces valeurs sont le reflet de la rec-titude du corps et de l'esprit du pra-tiquant.

KOH (Piété)La piété s'entend ici au sens de res-pect profond et authentique desbases de nos pratiques martiales,bases techniques, spirituelles, his-toriques, philosophiques…

Héritier des valeurs guerrières del'ancien Japon, l'aïkibudokamarche sur les traces de sesancêtres, et se retrouve confrontéaux mêmes interrogations et expé-

riences. Les diverses ryu aux-quelles il adhère, n'apparaissentplus de façon aussi évidentevitales, au sens de survie dans unesociété peu sûre. Elles restent tou-tefois de formidables outils d'inser-tion sociale aux vertus intégrativescertaines : loin de n'être qu'unmoyen de combattre ses ennemispotentiels, elles demeurent le creu-set incomparable d'une formationcomplète de l'Homme tant dans sadimension personnelle et intime,que sociale et relationnelle.Véritable "Ecole de Vie", le budo telque nous le concevons et voulonsle transmettre, embrasse l'en-semble des événements de la vie del'homme et lui apprend à seconnaître lui-même et à réagir de lamanière la plus efficiente possibleaux épreuves auxquelles il se trou-ve confronté. Le budo nippon se rapproche alorsparfaitement des enseignementsoccidentaux de nos antiques sagesdont la devise était parfaitementsymbolisée par l'inscription aufronton du temple de Delphes :"Connais-toi toi-même, et tuconnaîtras les hommes et lesDieux."J'ai choisi comme symbole de mapratique et signe distinctif unegarde de sabre japonais. Cettetsuba représente de manière styli-sée, en fer découpé en positif, unetsuru (Cigogne) aux ailesdéployées, tête tournée vers la droi-te. Cet oiseau est, au Japon, le sym-bole de la longévité. Cette notionde longévité est pour moi une vertu

fondamentale de la pratique mar-tiale et a fortiori de l'Aïkibudo, carcet Art Martial n'a de sens réel ques'il conduit à une vie jusqu'à sonachèvement dans la connaissance,la sincérité et la Paix :"L'Essentiel n'est pas de brillermais de durer,Briller est l'effort d'un moment,Durer est l'effort de toute une Vie."En souhaitant que nous, prati-quants de budo vrai, que l'on ditfait d'Harmonie, d'Unité deMaîtrise et d'Amour fraternel,soyons toujours à même d'en appli-quer les Principes et les Vertus, entout temps et en tout lieu, et de lescommuniquer aux autres par le jeude l'exemple et de la communica-tion des énergies positives et bien-faisantes.

Alain FLOQUET

STAGES D'ÉTÉ

Maître Goro HATAKEYAMA,9ème Dan KATORI

SHINTO RYUet Maître Alain FLOQUET

TEMPLE-sur-LOT (47)

Du 16 au 21 juillet 2001Du 23 au 28 juillet 2001

Renseignements: www.aikibudo.com

Véritable "Écolede Vie", le budotel que nous leconcevons et voulons le transmettre,embrasse l'ensemble desévénements de lavie de l'homme etlui apprend à seconnaître lui-même et àréagir de lamanière la plusefficiente possible auxépreuves auxquelles il setrouve confronté.

aïkibudo

Alain Floquet et Alain Roinel, salut au sabre.

Tsuba représentantde manière stylisée,une tsuru (cigogne)aux ailes déployées.

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On en parle, la plupart du temps beaucoup trop, on ladéfinit, on courtaprès et rien de toutcela, ne ressemblemoins, à la voie et àla maîtrise.

Elle ne s'apprend pas, elle ne s'offre pas,la maîtrise n'est pas un vague titrehonorifique mais un acte d'abnégation

conjugé au quotidien, il ne faut pasconfondre non plus, maîtrise et sainteté. La connaissance de son côté ne s'assimilepas en quelques gestes, en paroles disper-sées, elle implique un engagement de toutl'être. La logique, le raisonnement, qui tiennent leplus souvent la plus grande place, au lieude favoriser le savoir, le desservent, ce sontdes freins qui bloquent la spontanéité.L'intuition première des intelligences, setrouve atrophiée par ce vouloir cérébral etla connaissance déversée sur la disciplereste lettre morte. L'étude partant du point zéro se traduirapar des périodes apparentes de stagnation,en réalité l'évolution est toujours là et l'ex-périence se renforce, les traversées dedésert, sont normales et aussi nécessaires. La vérité est une charpente qui protège laprogression, ceux qui vivent aux frontièresde l'harmonie, refusent la vérité, même si,du plus profond d'eux mêmes, ils la récla-ment. Ce sont le plus souvent, ceux là quifavorisent les climats de conflits. Annuler, absorber, ne pas se refuser, font laforce du calme intérieur. Calme, harmonie,maîtrise, ne sont-ils pas, complémentaireset synonymes de mieux vivre. Les vieux maîtres, savaient quel était lepoids de la tradition. Tout au long de leurvie, ils ont essayé de trouver le ou les dis-ciples, capables de dispenser le savoir.Contrairement à l'image que l'Occident s'enest faîte, le maître est quelqu'un qui partici-pe à la vie, inutile de s'inventer un surhom-me et de l'idéaliser à l'égal d'un demi-dieu.Ce maître là n'existe pas.

La réalité est une spontanéité dechaque instant, on peut toujours, enusant d'un brillant vocabulaire à baseésotérique, donner des résonancesparaissant venir tout droit du petitLarousse philosophique. Partant delà, on peut même paradoxalementdévaloriser la discipline en multi-pliant les grades, ce "système à l'eaude rose". Une idéologie ne s'exprimepas en grades ou dan. Le Grade biensouvent souligne la faiblesse. Un jour, on demandait à un maître,qui ne portait pas de grade, pour-

quoi il était toujours revêtu d'un hakamablanc, signe de pureté, et de haut niveau."La raison est simple, avoua le maître, leblanc est tellement plus facile à laver...". Cette réponse laconique démystifie, à elleseule, toute cette ornementation du costu-me, parodie de la "connaissance".

Essayons de ne pas oublier tout cela, car ily a ceux qui jouent et ceux qui s'assimilentprofondément à leur discipline.

Jacques Normand

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