10
Colloque « Aires linguistiques / aires culturelles », CRBC, Brest, 9-10 juin 2011 La Question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire Steve Hewitt [email protected] UNESCO Résumé L’hypothèse d’un substrat chamito-sémitique (afro-asiatique) dans les langues celtiques insulaires, élaborée successivement par Morris Jones, Pokorny et Wagner afin d’expliquer des ressemblances frappantes entre le celtique insulaire (ces ressemblances ne concernent pas du tout l’ancien celtique continental) et le chamito-sémitique, a trouvé un nouveau souffle. La plupart des linguistes ont en général supposé que ces parallèles surprenants sont à expliquer par le biais d’une typologie greenberguienne (toutes des langues du type VSO – verbe-sujet-objet). Cependant, les récents travaux de Gensler ainsi que de Jongeling et Vennemann nous obligent à revisiter l’hypothèse du substrat. Cette communication présente les principales contributions sur la question, fournit un tableau détaillant les principaux points de similitude, classés par auteur et par langue, commente brièvement chacun de ces points, et, regrettant la réticence des substratistes à envisager des explications d’ordre typologique, met en garde contre ce qu’on pourrait appeler la « frénésie du substrat ». 1. Introduction Des ressemblances frappantes sont notées depuis fort longtemps entre les langues celtiques insulaires (divisées entre langues goïdéliques – gaélique d’Irlande, gaélique d’Écosse, mannois ; et langues brittoniques – gallois, breton, cornique) et diverses langues chamito-sémitiques (ou plus largement, afro-asiatiques). Peu de ces traits semblent avoir été caractéristiques des langues celtiques continentales, désormais éteintes (gaulois, celtibère, lépontique, galate), et on ne les retrouve pas non plus dans les autres langues indo-européennes. Ce fait a conduit certains à soulever la possibilité d’un substrat chamito-sémitique dans les îles britanniques afin d’en expliquer l’origine. Parmi les traits communs les plus saillants, l’on retrouve : l’ordre VSO ; le marquage verbal singulier (apersonnel) avec un sujet lexical post-verbal au pluriel ; l’« état construit » des sémitisants – une construction génitive [DÉTERMINÉ [article-DÉTERMINANT]] ; les prépositions « conjuguées » ; et les relatives obliques avec des pronoms rétrocifs. Chacun de ces traits est illustré ci-après en breton et en arabe : breton arabe ordre VSO …e skrivas Yann ul lizher AFF écrivit.PRÉTº Jean une lettre kataba Yayā risāla écrivit.PRÉT.Mº Jean lettre ‘Jean a écrit une lettre’ Marquage verbal au singulier (apersonnel) avec un sujet lexical post-verbal pluriel …e skrivas ar merc’hed AFF écrivit.PRÉTº les filles katabat al-banāt écrivit.PRÉT.Fº les-filles ‘Les filles ont écrit’ Steve Hewitt - La question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2 « État construit » – construction génitive [DÉTERMINÉ [article-DÉTERMINANT]] ti ar roue maison le roi bait al-malik maison le-roi ‘La maison du roi’ « Prépositions conjuguées » gant, ganin, ganit, gantañ, ganti, ganeomp, ganeoc’h, gante ma‘, maʻī, maʻak, maʻik, maʻuh, maʻhā maʻnā, maʻkum, maʻhum ‘avec, avec moi, avec toi, avec lui, avec elle avec nous, avec vous, avec eux/elles’ ‘avec, avec moi, avec toi-M, avec toi-F avec lui, avec elle avec nous, avec vous, avec eux/elles’ Relatives obliques avec pronom rétrocif ar gwele a meus kousked ennañ le lit.M AFF j’ai dormi.PP dans.lui.M as-sarīr al-laðī nimt fīh le-lit.M lequel.M j’ai.dormi dans.lui.M ‘Le lit dans lequel j’ai dormi’ 2. Auteurs principaux Et Gensler, dans sa thèse (1993:57-191), et Jongeling (2000:6-64) donnent des résumés détaillés des auteurs précédents sur la question celtique insulaire / chamito-sémitique. La première mention des ressemblances structurales entre le celtique insulaire et le chamito-sémitique fut chez Davies (1621), qui nota plusieurs similitudes entre le gallois et l’hébreu. John Rhŷs (1877:189 sq) et dans d’ouvrages postérieurs évoque la possibilité que des langues pré-aryennes aient pu exercer une influence structurale sur les langues celtiques insulaires. Morris Jones (1900) détaille des ressemblances surprenantes entre le gallois et l’égyptien, y compris (1900:625-6) la conjugaison périphrastique être + préposition + nom verbal: « In Welsh and Irish, although these languages retain many of the Aryan tenses, this construction is extremely common ... The three prepositions commonly used for this purpose in Egyptian are em ‘in’, er ‘to, for’, er ‘above’ [= Loprieno (1995:80) m ‘in’, r ‘towards’, r ‘on’] indicating the present, future, and perfect respectively. These correspond in use with the Welsh prepositions yn ‘in’, am ‘for’, wedi ‘after’. » Il note également des parallèles étonnants entre le gallois yn et l’égyptien em: 1) préposition ‘dans’, 2) ‘dans’ + nom verbal = progressif, et 3) ‘dans’ prédicatif ou adverbial. D’autres similitudes sont notées avec le berbère, mais aucune langue sémitique n’est étudiée. En conclusion (1900:639) il propose que la ressemblance seems to involve an intimate connection of some kind between the two families of speech in the prehistoric period, though they are probably not actually cognate. It is with Hamitic, however, rather than Semitic, that Celtic syntax is in agreement; for, as we have seen, it agrees with Berber where the latter differs markedly from Arabic, as, for instance, in the shifting of the pronominal suffix from the verb to a preceding particle ... Is the influence of a Hamitic substratum to be discovered in the simultaneous development on the same analytic lines of French, Spanish, and Italian in their use of infixed and postfixed pronouns? Le magnum opus de Pokorny sur ce sujet (1927-1930) a été convenablement réduit à une liste de 64 caractéristiques par Vennemann (2002:324-6). Le texte discursif de Pokorny est souvent impressionniste, contenant de nombreux exemples (jamais glosés, au mieux paraphrasés) de langues chamito-sémitiques, ainsi que de langues couchitiques, bantoues (avec des allusions peu séantes (1927:137) aux « Negersprachen » jugées « ungemein primitiv »), du basque, de langues finno-ougriennes, causcasiques, etc., toutes apportant de l’eau à

ALAC Hewitt Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2011-12-15.pdf

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire

Citation preview

Page 1: ALAC Hewitt Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2011-12-15.pdf

Colloque « Aires linguistiques / aires culturelles », CRBC, Brest, 9-10 juin 2011

La Question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire

Steve Hewitt [email protected]

UNESCO

Résumé

L’hypothèse d’un substrat chamito-sémitique (afro-asiatique) dans les langues celtiques insulaires, élaborée successivement par Morris Jones, Pokorny et Wagner afin d’expliquer des ressemblances frappantes entre le celtique insulaire (ces ressemblances ne concernent pas du tout l’ancien celtique continental) et le chamito-sémitique, a trouvé un nouveau souffle. La plupart des linguistes ont en général supposé que ces parallèles surprenants sont à expliquer par le biais d’une typologie greenberguienne (toutes des langues du type VSO – verbe-sujet-objet). Cependant, les récents travaux de Gensler ainsi que de Jongeling et Vennemann nous obligent à revisiter l’hypothèse du substrat. Cette communication présente les principales contributions sur la question, fournit un tableau détaillant les principaux points de similitude, classés par auteur et par langue, commente brièvement chacun de ces points, et, regrettant la réticence des substratistes à envisager des explications d’ordre typologique, met en garde contre ce qu’on pourrait appeler la « frénésie du substrat ».

1. Introduction

Des ressemblances frappantes sont notées depuis fort longtemps entre les langues celtiques insulaires (divisées entre langues goïdéliques – gaélique d’Irlande, gaélique d’Écosse, mannois ; et langues brittoniques – gallois, breton, cornique) et diverses langues chamito-sémitiques (ou plus largement, afro-asiatiques). Peu de ces traits semblent avoir été caractéristiques des langues celtiques continentales, désormais éteintes (gaulois, celtibère, lépontique, galate), et on ne les retrouve pas non plus dans les autres langues indo-européennes. Ce fait a conduit certains à soulever la possibilité d’un substrat chamito-sémitique dans les îles britanniques afin d’en expliquer l’origine. Parmi les traits communs les plus saillants, l’on retrouve : l’ordre VSO ; le marquage verbal singulier (apersonnel) avec un sujet lexical post-verbal au pluriel ; l’« état construit » des sémitisants – une construction génitive [DÉTERMINÉ [article-DÉTERMINANT]] ; les prépositions « conjuguées » ; et les relatives obliques avec des pronoms rétrocifs. Chacun de ces traits est illustré ci-après en breton et en arabe :

breton arabe ordre VSO

…e skrivas Yann ul lizher …AFF écrivit.PRÉTº Jean une lettre

kataba Yaḥyā risāla écrivit.PRÉT.Mº Jean lettre

‘Jean a écrit une lettre’

Marquage verbal au singulier (apersonnel) avec un sujet lexical post-verbal pluriel

…e skrivas ar merc’hed …AFF écrivit.PRÉTº les filles

katabat al-banāt écrivit.PRÉT.Fº les-filles

‘Les filles ont écrit’

Steve Hewitt - La question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2

« État construit » – construction génitive [DÉTERMINÉ [article-DÉTERMINANT]]

ti ar roue maison le roi

bait al-malik maison le-roi

‘La maison du roi’

« Prépositions conjuguées »

gant, ganin, ganit, gantañ, ganti, ganeomp, ganeoc’h, gante

ma‘, maʻī, maʻak, maʻik, maʻuh, maʻhā maʻnā, maʻkum, maʻhum

‘avec, avec moi, avec toi, avec lui, avec elle avec nous, avec vous, avec eux/elles’

‘avec, avec moi, avec toi-M, avec toi-F avec lui, avec elle avec nous, avec vous, avec eux/elles’

Relatives obliques avec pronom rétrocif

ar gwele a meus kousked ennañ le lit.M AFF j’ai dormi.PP dans.lui.M

as-sarīr al-laðī nimt fīh le-lit.M lequel.M j’ai.dormi dans.lui.M

‘Le lit dans lequel j’ai dormi’

2. Auteurs principaux

Et Gensler, dans sa thèse (1993:57-191), et Jongeling (2000:6-64) donnent des résumés détaillés des auteurs précédents sur la question celtique insulaire / chamito-sémitique. La première mention des ressemblances structurales entre le celtique insulaire et le chamito-sémitique fut chez Davies (1621), qui nota plusieurs similitudes entre le gallois et l’hébreu. John Rhŷs (1877:189 sq) et dans d’ouvrages postérieurs évoque la possibilité que des langues pré-aryennes aient pu exercer une influence structurale sur les langues celtiques insulaires. Morris Jones (1900) détaille des ressemblances surprenantes entre le gallois et l’égyptien, y compris (1900:625-6) la conjugaison périphrastique être + préposition + nom verbal: « In Welsh and Irish, although these languages retain many of the Aryan tenses, this construction is extremely common ... The three prepositions commonly used for this purpose in Egyptian are em ‘in’, er ‘to, for’, ḥer ‘above’ [= Loprieno (1995:80) m ‘in’, r ‘towards’, ḥr ‘on’] indicating the present, future, and perfect respectively. These correspond in use with the Welsh prepositions yn ‘in’, am ‘for’, wedi ‘after’. » Il note également des parallèles étonnants entre le gallois yn et l’égyptien em: 1) préposition ‘dans’, 2) ‘dans’ + nom verbal = progressif, et 3) ‘dans’ prédicatif ou adverbial. D’autres similitudes sont notées avec le berbère, mais aucune langue sémitique n’est étudiée. En conclusion (1900:639) il propose que la ressemblance

seems to involve an intimate connection of some kind between the two families of speech in the prehistoric period, though they are probably not actually cognate. It is with Hamitic, however, rather than Semitic, that Celtic syntax is in agreement; for, as we have seen, it agrees with Berber where the latter differs markedly from Arabic, as, for instance, in the shifting of the pronominal suffix from the verb to a preceding particle ... Is the influence of a Hamitic substratum to be discovered in the simultaneous development on the same analytic lines of French, Spanish, and Italian in their use of infixed and postfixed pronouns?

Le magnum opus de Pokorny sur ce sujet (1927-1930) a été convenablement réduit à une liste de 64 caractéristiques par Vennemann (2002:324-6). Le texte discursif de Pokorny est souvent impressionniste, contenant de nombreux exemples (jamais glosés, au mieux paraphrasés) de langues chamito-sémitiques, ainsi que de langues couchitiques, bantoues (avec des allusions peu séantes (1927:137) aux « Negersprachen » jugées « ungemein primitiv »), du basque, de langues finno-ougriennes, causcasiques, etc., toutes apportant de l’eau à

Page 2: ALAC Hewitt Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2011-12-15.pdf

3 Groupe Linguistique d’Études Chamito-Sémitiques (GLECS), Paris, 30 juin 2011

son moulin substratique. Il propose (1927:100sq) que dans une langue à forte tradition littéraire aristocratique comme l’irlandais, l’influence substratique peut mettre longtemps avant de se faire sentir dans la langue écrite. Pokorny a continué d’écrire à ce sujet pendant toute sa vie ; sa formulation la plus concise des caractéristiques partagées par le celtique insulaire et le chamito-sémitique est Pokorny (1959), où il identifie une liste plus gérable de 20 traits partagés, dont la plupart est inclue dans le tableau de traits partagés ci-après. Voir également Pokorny (1960). L’ouvrage principal de Wagner sur la question celtique insulaire / chamito-sémitique (résumé de façon très utile par Gagnepain (1961)) est Wagner (1959), surtout la troisième partie, intitulée « The linguistic geography position of the Brittonic verb », avec des sections sur le « Celtic, Berber, Basque, English and French as representatives of a North African – Western European linguistic stratum, exemplified by the structure of the verb », « The Berber verb system » et « Remarks on the Semitic verb system ». Il décrit sa position de base (voir également Wagner 1981) comme suit (1987:19-20) :

Between the fourth and sixth centuries A.D. Insular Celtic suffered revolutionary changes … As a result of it Insular Celtic developed features and grammatical categories hardly found in other Indo-European languages. They have, however, close parallels in Berber and Egyptian, the Hamitic languages of Northern Africa, as well as in Basque … The linguistic structure of Insular Celtic compels me to assume that, long before the arrival of Celtic or Belgic tribes, these islands were populated by people, who spoke languages or dialects which, from the point of view of E. Lewy’s typology could be described as Hamito-Semitic, languages not necessarily connected with but of a similar type as Berber and Egyptian and, somewhat more distantly Hebrew and Arabic. For my latest position on this subject, cf. my articles of 1976 and 1982. When Celtic was adopted by pre-Celtic populations, the structure of their original language(s) began to impose itself on the language of the Celtic invaders. The result was a linguistic revolution which led to the making of the mediaeval and modern Celtic languages.

Hewitt (1985) fut écrit avant que je ne prenne conscience de la tradition Pokorny-Wagner ; j’ai donc supposé que les ressemblances entre le breton et l’arabe ne pouvaient être que d’ordre typologique. Les caractéristiques similaires détaillées dans mon article comprennent la typologie déterminé-déterminant, l’ordre de base VSO∼SVO (principales et subordonnées), l’accord/non accord verbe-sujet, le collectif/singulatif, les prépositions « conjuguées », l’expression d’« avoir », l’état construit génitif, les adjectifs composés en « état construit », les énoncés à double « topique ≠ sujet », les relatives (restrictive, non restrictive, sur les compléments de préposition, sur les possessifs), le pronom énonciatif postiche, et et circonstanciel subordonnant. La principale caractéristique partagée qui fut omise était le nom verbal, d’un point de vue historique presque certainement un nom verbal en breton, mais en breton moderne il se comporte plutôt comme un infinitif (prenant des pronoms compléments à l’accusatif plutôt que des pronoms possessifs). Gensler (1993) étudie 12 langues celtiques insulaires ou chamito-sémitiques et puis un échantillon choisi au hasard de 58 autres langues de partout dans le monde. Il identifie un ensemble de 17 traits structuraux « exotiques » partagés par le celtique insulaire et le chamito-sémitique, mais peu fréquents à travers les langues à l’échelle globale. Attribuant une note à chaque trait pour chacune des 70 langues, il conclut (1993:426) :

On the basis of the sample used in this study, nothing remotely close to the full-blown Celtic/Hamito-Semitic [CHS] linguistic type recurs anywhere else in the world. The relatively few languages which are ‘best matches’ – actually rather poor matches – are scattered all over the globe, from the West Coast of North America to the Caucasus and New Guinea. However, the continental average score for Africa is higher than for any other continent, and drops only slightly when the CHS languages Egyptian and Berber are omitted; West Africa scores especially well, and appears especially hospitable to several of the CHS features (adpositional periphrastic, word-initial change, kin terms, inter alia). Conversely, Europe has one of the lowest average scores, and when Welsh and Irish are excluded its score drops far below that of any other continent. Celtic is thus radically out of place in a European landscape, whereas the Hamito-Semitic languages simply intensify a structural trend seen over much of Africa. A weak form of the CHS type, then, would appear to have a natural home in Africa, in particular Northwest Africa. Within Afroasiatic, the highest-scoring languages are on the Mediterranean; scores fall away in every direction, but the Chadic language Hausa (in West Africa) scores much higher than Cushitic Afar (in East Africa). The diachronic evidence, too, argues that the (weak) CHS type is something quite old in Africa: the African and Arabian case studies all show stronger CHS-ness further back in time. All this, in conjunction with the blood-type agreement between the British Isles and Northwest Africa, argues for some sort of prehistoric scenario specifically linking these two regions.

Quoique Gensler ne prétend pas avoir prouvé l’hypothèse du substrat chamito-sémitique pour le celtique insulaire, il paraît néanmoins dire : « à la lumière de tels résultats statistiques, qu’en pourrait-il être autrement ? » Il prend grand soin avec la pondération (0, ±½, ±1, etc.) des notes pour les traits individuels ; en revanche il ne tient aucun compte de la centralité ou la fréquence de chaque trait à l’intérieur d’une langue donnée, de sorte que des traits hyper-présents tels la construction génitive (le trait 8) ont le même poids que des

Steve Hewitt - La question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 4

traits bien plus marginaux, comme les constructions génitives idiomatiques de parenté (le trait 17). En outre, les langues qui ont les scores les plus élevés dans le tableau de Gensler, et donc qui exemplifient le mieux ce qu’il appelle le « type celtique/chamito-sémitique », sont les langues celtiques insulaires plutôt que les langues chamito-sémitiques, à savoir les langues qui sont censées avoir été influencées par le substrat chamito-sémitique qui serait à l’origine du type. Autre inconvénient : les explications typologiques potentielles pour certains des traits (se reporter aux remarques concernant la construction génitive ci-après) ne sont ni envisagées ni étudiées. Cependant, avec son analyse détaillée et la masse de données linguistiques citées en évidence, Gensler a certainement remis l’hypothèse du substrat chamito-sémitique sur le tapis ; tous les auteurs abordant le sujet devront désormais prendre dûment en compte ses arguments. Jongeling (2000) offre une excellente introduction détaillée à l’histoire de la question. Les traits dont il rend compte comprennent l’ordre dominant VSO, l’ordre déterminé-déterminant, les chiffres, les énoncés nominaux, et circonstantiel subordonnant, les relatives, le nom verbal, les prépositions conjuguées, et l’absence d’un verbe « avoir ». Il propose (2000:149-50) une variante intéressante de l’hypothèse du substrat :

Supposing that the explanation of certain peculiarities of Insular Celtic are due to substratum influence, one might suppose that the same or a similar substratum has influenced some subgroupings of Afro-Asiatic [Hamito-Semitic] … In short, this scenario would mean that we should consider Western Europe and North Africa as an old coherent area of VSO-character. The influence on the three northern Afro-Asiatic groups, Semitic, Egyptian and Berber is comparable to the influence on the Celtic sub-grouping of Indo-European ... one might suppose that Western Europe and Northern Africa once formed one great contiguous VSO area. This area was split by the incoming Indo-Europeans. The proportion of Indo-Europeans on the continent was so great that any influence of a pre-existing language was blotted out, while the number of pre-Indo-European inhabitants on the British Isles was such that their influence there was felt long after they were gone from memory.

This scenario not only explains the congruity in syntax of Welsh and Hebrew but at the same time gives a reason for the lack of lexical correspondences not only between Welsh and Hebrew, but in general between Afro-Asiatic and Insular Celtic.

Vennemann suppose un substrat chamito-sémitique qui aurait influencé le celtique insulaire, et à travers le celtique, l’anglais. Dans Vennemann (2001:351) il maintient que « The European Atlantic Littoral was, at the dawn of history, explored and colonized by Mediterranean, probably Palaeo-Phoenician seafarers. » Les principaux traits examinés dans cet article comprennent le nom verbal et la construction progressive l’utilisant, la « Northern Subject Rule » de l’anglais dialectal du nord, qui rappelle l’absence d’accord verbe-sujet pour le nombre à la troisième personne en sémitique et en celtique, et le « replacement of the sympathetic dative by the internal possessor construction » (Jean s’est cassé le bras vs John broke his arm, voir le trait 22 ci-après). Afin d’expliquer pourquoi ce qu’il appelle l’« Atlantic type » n’apparaît qu’en moyen anglais, il reprend (2001:364) un argument de Pokorny et de Wagner : « substratal influence originates in the lower strata of a society and usually takes centuries to reach the written language, and regularly only after a period of social upheaval. » Dans (2002), dans lequel il attire l’attention sur et circonstantiel subordonnant, et la fréquence des verbes/auxiliaires responsifs en celtique et en anglais, Vennemann déclare :

In my view the case is closed, the thesis of a Hamito-Semitic substratum underlying Insular Celtic being one of the most reliably established pieces of scientific knowledge there is in any empirical discipline. As Gensler has shown, the substratum really was not simply Hamito-Semitic, which is a huge family including hundreds of languages in Africa and Asia (which is why it is also called Afro-Asiatic or Afrasian), but more specifically Hamito-Semitic of the Mediterranean type, which includes Libyco-Berber, Ancient Egyptian, and Semitic. In order to stress the similarity of the substratum to this particular manifestation of Hamito-Semitic, I sometimes refer to it as Semitidic or simply Semitic.

L’influence celtique sur l’anglais. L’idée que certains traits de l’anglais pourraient être attribués au celtique insulaire est particulièrement en vogue chez des chercheurs finlandais et allemands, cf. de nombreux articles par Filppula, Klemola, Vennemann, et en particulier Filppula, Klemola, Pitkänen (réd.) (2002) et Tristram (réd.) Celtic Englishes I, II, III, IV (1997-2006). Cette théorie suppose que les Anglo-Saxons auraient été superposés (de façon clairsemée) sur une population de langue brittonique qui serait passée à terme à l’anglo-saxon, ce qui aurait laissé des traces structurales substratiques en anglais. Cependant, une étude récente de Capelli et al. (2003) a trouvé des données génétiques qui soutiennent une vision plus traditionnelle de bouleversements massifs de populations (2003:979) : « By analyzing 1772 Y chromosomes from 25 predominantly small urban locations, we found that different parts of the British Isles have sharply different paternal histories. » Coates (2004) met en doute l’influence du celtique brittonique sur l’anglo-saxon.

Page 3: ALAC Hewitt Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2011-12-15.pdf

5 Groupe Linguistique d’Études Chamito-Sémitiques (GLECS), Paris, 30 juin 2011

Les approches typologiques. Tous les auteurs relevant les ressemblances entre les langues celtiques insulaires et chamito-sémitiques ne soutiennent pas l’hypothèse du substrat. Des travaux récents adoptant une position purement typologique sont par exemple Borsley (1995), Isaac (2004), Roberts (2004) et Longobardi & Roberts (2011). Une critique méthodologique importante de l’approche substratique se trouve dans Isaac (2008).

3. Les traits partagés

Le tableau ci-après (pp. 7-8) montre les principaux traits partagés par le celtique insulaire et le chamito-sémitique, selon les auteurs et les langues. Les premiers 17 traits correspondent aux traits partagés de Gensler (1993). Ceux-ci sont suivis de traits supplémentaires identifiés par Morris Jones (1900), Pokorny (1927-1930, 1959), Wagner (1959), Hewitt (1985) et Jongeling (2000). Les traits marqués d’un ( ) dans la colonne de Gensler sont mentionnés par lui, mais ne sont pas essentiels pour sa thèse ; les traits 35-39 tirés de Hewitt (1985) ne sont donnés par aucun autre auteur ; ils sont de nature purement typologique. 1. Prépositions conjuguées. Des deux côtés, celtique insulaire et chamito-sémitique, cela ressemble historiquement beaucoup à un processus d’incorporation pronominale dans la préposition, procédé courant ; en chamito-sémitique il y a un seul jeu de terminaisons pour les prépositions, les possessifs et les objets des verbes. 2. Ordre des mots: VSO, déterminé-déterminant, prépositions. La typologie « ordinale » (ordre des mots) des deux familles est foncièrement verbe-sujet-objet (VSO), avec un ordre déterminé-déterminant (Dé-Dt) et des prépositions. Cependant, il faudrait faire état de quelques réserves. Comme il est suggéré dans Hewitt (2002b), le VSO et V2 simultané du breton serait mieux décrit comme étant PSO (prédicat-sujet-objet) et T2 (temps en deuxième position). L’irlandais et le gallois sont généralement considérés comme fournissant des examples classiques de l’ordre VSO, et (mis à part une période nettement V2 en moyen-gallois, voir Willis (1998)) ne montrent aucun signe d’une tendance d’évolution vers SVO. Cependant, Jones & Thomas (1977) ont analysé le gallois essentiellement comme TSPO, le T s’attachant soit à un auxiliaire ou, s’il n’y en a pas, au verbe principal. Lequel serait alors le gallois dans le cas de Mae Mair yn dysgu Cymraeg [estº Mair dans apprendre.NV gallois] ‘Mair apprend le gallois’, SVO ou VSO? Cela dépend: si pour V on prend comme primaire T, la fonction du marquage du temps (> VSO), ou bien P, la fonction prédicative (> SVO). La plupart des langues chamito-sémitiques sont considérées comme étant VSO, à l’exception de l’amharique et de l’akkadien (tous les deux SOV). L’hébreu montre une progression constante d’un ordre bien VSO dans la période biblique vers SVO dans les périodes massorétique et moderne. De même, l’arabe est normalement considéré comme étant VSO, même si, comme en breton, SVO fournit un ordre alternatif courant, et cela depuis la période coranique ; SVO a gagné du terrain dans la période moderne ; certains styles d’arabe journalistique sont plutôt SVO que VSO, et certains dialectes, en particulier l’égyptien, sont considérés comme étant foncièrement SVO, avec seulement quelques effets VSO résiduels. Alors que le World Atlas of Language Structures Online (Feature 81: Order of Subject, Object and Verb) donne effectivement VSO pour les langues celtiques et sémitiques (l’hébreu moderne et l’arabe syrien étant « neutres », et d’autres dialectes arabes étant principalement SVO), les autres concentrations de VSO se trouvent dans la Vallée du Rift en Afrique orientale, la région Sumatra – Philippines, l’Amérique centrale, et la côte nord-ouest de l’Amérique du nord ; l’Afrique sub-saharienne centrale, où sont fortement concentrés les pronoms rétrocifs avec des relatives obliques, comme dans les langues celtiques (voir le trait 4, infra), est fortement SVO plutôt que VSO. Cependant, dans le cas de l’arabe VSO, une autre analyse est possible, avec des conséquences considérables pour la typologie « ordinale » en général (cf. Hewitt 2002a, 2006) : dans les propositions à verbe initial en arabe, on trouve des violations nombreuses et régulières de l’ordre canonique VSO, tels VOS, VoS (o = objet pronominal), VPRÉPOS (PRÉP = préposition), VPRÉPoSO, VPRÉPoOS, et VoOS. Un principe de la « saillance informationnelle » croissante des constituants post-verbaux paraît rendre compte de façon unitaire de tous les ordres observés, VSO inclus. L’ordre stricte syntaxique SO est ainsi remis en question pour l’arabe, étant remplacé par un ordre stricte informationnel DN (donné-nouveau). Des langues traditionnellement décrites comme étant VSO (cependant, le principe d’un ordre des mots régi par la saillance informationnelle ne paraît s’appliquer à aucune des langues celtiques) ou bien SOV (par ex. le turc, l’hindi/ourdou, le tibétain) devraient donc éventuellement être revisitées afin de déterminer si VDN ou DNV ne rend pas mieux compte de leur fonctionnement que VSO ou SOV. Le World Atlas of Language Structures Online suppose que l’ordre des mots régissant le prédicat et ses arguments ne peut être basé que sur la fonction syntaxique – sujet, objet, en dépit de l’universalité douteuse de ces concepts – et n’envisage nullement la possibilité que pour certaines

Steve Hewitt - La question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 6

langues le facteur primordial pourrait être, à sa place, la saillance informationnelle. Toute la question de VSO est donc plus complexe que l’on pourrait penser au premier abord. 3. Connecteur de relatives invariable, pas pronom relatif. Le statut syntaxique exacte du relativiseur celtique, par ex. en breton la particule « directe » (après sujet, objet) a, ou « indirecte » (oblique, après d’autres éléments) e est discutable, étant analysée soit comme une particule de temps ou comme une espèce de pronom relatif. Le ăšɛr de l’hébreu a été analysé soit comme un rélativiseur soit comme un pronom relatif. Le pronom relatif arabe al-laðī M, al-latī F, al-laðīna M.PL, etc. s’accorde en genre et en nombre avec son antécédent. 4. Trace pronominale de l’élément relativisé: le lit que j’ai dormi dans lui. Oui, breton ar gwele a meus kousked ennañ [le lit.M AFF j’ai dormi dans.lui.M] ; arabe as-sarīr al-laðī nimt fī-h [le-lit.M REL.M je.dormis dans-lui.M] ‘le lit dans lequel j’ai dormi’. Le World Atlas of Language Structures Online (Feature/Chapter 123: Relativization on Obliques) montre effectivement une forte concentration de cette stratégie, à part en gaélique d’Irlande et d’Écosse, en sémitique (hébreu et arabe) et dans de nombreuses langues d’Afrique sub-saharienne centrale, mais également en persan, en kayah li oriental (Thaïlande, Myanmar), en paamese (Vanuata, Pacifique du Sud), et en guaraní (Paraguay, Brésil). Le berbère n’a jamais de pronoms rétrocifs, seulement déplacement de la préposition nue ; le vieil-irlandais est semblable, mais l’ordre du rélateur et de la préposition est inversé : berbère REL+PRÉP ; vieil-irlandais PRÉP+REL. 5. Désinence verbale relative spéciale. Ceci se trouve en irlandais (-as vs. -aidh, -ann, etc.) et apparemment en égyptien et berbère ; en brittonique, la seule trace moderne en est la forme relative au présent de la copule, gallois sy(dd), breton so (breton moderne standard zo) ; à part en akkadien, ceci est inconnu en sémitique ; la « forme relative » berbère s’appelle communément un « participe ». 6. Marquage du sujet et de l’objet dans le verbe. Oui, et en celtique insulaire et en sémitique ; ceci concerne surtout le vieil-irlandais, le berbère et l’égyptien. Les pronoms objet sont traditionnellement proclitiques en celtique, mais postclitiques en sémitique ; cela n’est cependant pas la même chose que la morphologie verbale du géorgien, qui marque et le sujet et l’objet dans les désinences verbales. La cliticisation des pronoms objet sur le verbe n’est guère une caractéristique rare. 7. Marqueur objet : préverbe-infixe-V/V-suffixe. Ceci concerne spécialement le vieil-irlandais et le berbère. De façon plus générale, à noter que la cliticisation des pronoms objet concerne de nombreuses langues, par ex., les langues romanes, le serbo-croate, etc. 8. Construction génitive : art. déf. sur le déterminant seulement : maison l’-homme. Breton ti ar roue [maison le roi], arabe bait al-malik [maison le-roi] ‘la maison du roi’. Connu sous le nom d’ « état construit » chez les sémitisants, ceci n’est pas forcément le résultat d’une influence substratique. Dans la typologie des constructions génitives, il y a un nombre limité de paramètres : 1) l’ordre du déterminé et du déterminant : Dé Dt ou bien Dt Dé (VSO implique normalement l’ordre Dé Dt) , 2) la présence ou l’absence d’un article (sur le Dt seulement ; sur le Dé et le Dt tous les deux ; pas d’exemples d’article sur le Dé seulement ; toutes les langues celtiques insulaires et la plupart, mais pas toutes, des langues chamito-sémitiques ont un article défini) ; 3) le marquage de la relation peut se trouver soit sur le Dé soit sur le Dt ; et finalement 4) un nombre limité de mécanismes relateurs (un ou plusieurs sont possibles) : a) simple contigüité (adjonction, Dé Dt, comme dans toutes les langues celtiques insulaires et chamito-sémitiques, à l’exception de l’amharique, ou bien Dt Dé) ; b) modification phonétique soit du Dé soit du Dt : marquage phonétique ÉC du Dé en hébreu : bayit ‘maison’, mais bēt ham-mɛlɛk [maison.ÉC le-moi] ; dābār ‘parole’, mais dә̆bar ham-mɛlɛk ‘la parole du roi’ ; ou bien modification phonétique du Dt en berbère : agellid ‘roi’, mais axxam (n) ugellid [maison (de) roi.ÉC] ; c) cas : GÉN, DAT, OBL, etc. ; d) possessif POSS: Turkish Dt-GÉN + Dé-POSS: kral-ın ev-i [roi-GÉN maison-sa] ; e) particule lien LN : en hindi-ourdou et en swahili, le lien s’accorde avec le Dé : hindi-ourdou laṛkā ‘garçon.NOM’, laṛkē kā ghar [garçon.OBL LNx maisonx] ‘la maison du garçon’ ; swahili : nyumba ya mfalme [maison.CL9 LN.CL9 roi.CL1] ‘la maison du roi’ ; f) adposition: préposition, postposition, cf. anglais the door of the house ; français la porte de la maison. Dans les langues celtiques insulaires et chamito-sémitiques qui n’ont plus de cas, l’état construit est défini uniquement par la contigüité (l’adjonction) du déterminé et du déterminant, et la restriction de l’article au déterminant. Cependant, dans les deux familles ceci est probablement le résultat d’une évolution indépendante. Alors que le breton, le gallois, l’hébreu et l’arabe dialectal n’ont plus de cas : breton dor an ti, gallois drŵs y tŷ, hébreu dɛlɛt hab-bayit, arabe dialectal bāb al-bait [porte la-maison] ‘la porte de la maison’, l’arabe classique, l’arabe standard moderne et l’irlandais (pour certains substantifs au moins) préservent les désinences casuelles : arabe bāb-u l-bait-i ; irlandais doras an tí [porte.NOM la-maison.GÉN], et celles-ci aident à définir la relation génitive. C’est seulement avec la perte des désinences casuelles que la structure [Dé [art.-Dt]] devient essentielle pour définir la construction génitive.

Page 4: ALAC Hewitt Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2011-12-15.pdf

7 Groupe Linguistique d’Études Chamito-Sémitiques (GLECS), Paris, 30 juin 2011

Les traits similaires en celtique insulaire et en chamito-sémitique selon les auteurs

Trait

Mor

ris

Jone

s (1

900)

gal.,

(ir

l.); a

ng.,

berb

.

Poko

rny

(192

7-30

, 195

9)

irl.,

cha

m.-

sém

.

Wag

ner

(195

9)

celt.

-ins

., ch

am.-

sém

.

Hew

itt (

1985

)

bret

on, a

rabe

Gen

sler

(19

93)

celt.

-ins

., ch

am.-

sém

.

Jong

elin

g (2

000)

gal.,

héb

.

1. Prépositions conjuguées

2. Ordre des mots : VSO, déterminé-déterminant, prépositions

3. Connecteur de relatives invariable, pas pronom relatif ~

4. Trace pronominale de l’élément relativisé : le lit que j’ai dormi dans lui

5. Désinence verbale relative spéciale

6. Marquage du sujet et de l’objet dans le verbe

7. Marqueur objet : préverbe-infixe-V/V-suffixe

8. Construction génitive: art. déf. sur le déterminant seulem.: maison l’-homme

9. Non accord du verbe avec sujet nominal pluriel

10. Nom verbal, pas infinitif (objet au génitif, pas à l’accusatif)

11. Particule predicative : il est dans un paysan

12. Périphrase prépositionnelle : il est à chanter

13. FAIRE périphrastique : il fait chanter

14. Locution circonstantielle et S PRÉD (et de subordination)

15. Verbe non fini possible au lieu d’un verbe fini en proposition principale

16. Modifications phonétiques initiales (mutations), diverses fonctions syntax.

17. Constructions génitives idiomatiques de parenté: fils de X

18. Proposition nominale (absence de copule) ( )

19. Amplification du négatif par substantif post-verbal: français pas ( )

20. Chiffres suivis du singulier

21. Expression prépositionnelle d’avoir ( )

22. Il a cassé son bras possessif plutôt que il s’est cassé le bras datif ( )

23. Préférence pour la parataxe (Pokorny: anreihend ‘alignant’) ( )

24. Unité de base groupe de mots plutôt que mot simple ( )

25. Énoncés sans sujet (constructions impersonnelles) ( )

26. Pas de participe présent/actif ( )

27. Distinction entre ÊTRE essentiel et contingent (is/tá) ( )

28. États/relations exprimés avec N (PRÉP-O) PREP-S Tá scilling agam ort ( )

29. Gallois yn, égyptien m ‘dans’: prédicatif, locatif, progressif ( )

30. Pronom infixe vieil irlandais –d- identique au berbère –d- ( )

31. Comparatifs (et superlatifs) prédicatif seulement, pas attributif ( )

32. Énoncés clivés avec focus intial ( )

33. Responsifs oui/non avec auxiliaire/verbe/proposition entière ( )

34. Relatives obliques : antéposition de la préposition seule le lit dans j’ai dormi ( )

35. Collectif non marqué, singulatif dérivé

36. Compétive virtuelle VSO; complétive factuelle SVO~VSO

37. Adjectifs bahuvrīhi en état construit (ar. “annexion impropre”)

38. Topique ≠ sujet (énoncés à “double sujet”)

39. Pronom phrastique postiche oui/non: je ne sais pas et lui ils sont venus

Steve Hewitt - La question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 8

Les traits similaires en celtique insulaire et en chamito-sémitique selon les langues

Tra

it

irla

ndai

s

gallo

is

bret

on

arab

e

hébr

eu

égyp

tien

berb

ère

1.

2. , AUX S V PSO~SPO +SVO >SVO +SVO

3. ~ gen.nom. accord

4.

5. ~ sydd, sy ~ so (zo)

6. OI ~ ~ ~ ~

7. OI ~ ~ br. trad.

8.

9. ~ VS, SV aff. VSO ~ VSO

10. ~ trad. ? ~

11. dans son ~ adv. ~ ~

12.

13. ~ ~ ~ , ?

14. < ar.

15. ~

16. ~ phon. ~ réd. voc.

17. ~ ~ ~ < Ar.

18. ~ ~ gnom. ~ gnom.

19. ~ ~ (dial.) (copt.)

20. ~ (20, x) (11+) (11+) ME> (11+)

21.

22.

23. ~ ~ ? ? ??

24. ~ ?

25. ~

26.

27.

28.

29. ~ ~ ~ ?

30.

31.

32.

33. ?

34.

35. ? ?

36. ~ ?

37. + poss. + poss. + poss.

38. ?

39. ég. ar.

Page 5: ALAC Hewitt Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2011-12-15.pdf

9 Groupe Linguistique d’Études Chamito-Sémitiques (GLECS), Paris, 30 juin 2011

Le germanique possède à la fois une construction génitive compacte the king’s house, avec un cas génitif et un seul article possible, sur le Dt, et une construction périphrastique the house of the king, avec deux articles et la relation génitive exprimée par la préposition of. S’il n’est pas évident pour les anglophones ordinaires à quel élément l’article the s’applique dans la construction the king’s house, les autres langues germaniques fournissent une indication : allemand des Königs Haus [le.GÉN roi.GÉN maison.NOM] ou bien suédois : kungens hus [roi.le.GEN maison]. Il semblerait donc logique d’appliquer le parenthésage suivant : [[the king’s] house], qui est tout simplement l’inverse de l’ordre des deux constituents majeurs Dé et Dt en breton [ti [ar roue]] ou en arabe [bait [al-malik]]. Voire, dans une langue germanique qui a perdu tout marquage génitif, c’est effectivement l’ordre [[art-Dt] Dé] qui définit la relation génitive : la forme très évoluée de l’anglais que constitue le créole jamaïcain : [[di king] hoos]. Vue dans cette perspective, la structure génitive du celtique insulaire s’avère moins exotique que l’on pourrait croire au premier abord ; il n’y a guère besoin de faire appel au chamito-sémitique pour en trouver la source. Le celtique insulaire et le chamito-sémitique diffèrent quant au placement des adjectifs dans les constructions génitives. Alors que ni le celtique ni le germanique n’éprouvent le moindre problème à attacher des adjectifs soit au Dt soit au Dé soit aux deux : breton ti bihan ar roue bras [maison petit le roi grand] ‘la petite maison du grand roi’, le sémitique ne peut faire cela ; tout adjectif est obligatoirement placé après la construction génitive, qui est donc plus apparentée à un substantif composé ‘maison-roi’ ; ainsi bait al-malik al-kabīr [maison le-roi le-grand] peut en principe signifier soit ‘la grande maison du roi’ soit ‘la maison du grand roi’. Seulement en arabe formel peut-on deviner auquel des deux substantifs l’adjectif s’applique, à partir du marquage de cas : bait.u l-malik.i l-kabīr.u [maison.NOM le-roi.GÉN le-grand.NOM] ‘la grande maison du roi’ ou bien bait.u l-malik.i l-kabīr.i [maison.NOM le-roi.GÉN le-grand.GÉN] ‘la maison du grand roi’. Mais ce marquage n’apparaît pas dans l’écriture normale non vocalisée, et à l’oral, le fait de prononcer soigneusement ces voyelles est perçu plutôt comme précieux ; il y a une infime minorité d’arabophones qui sont en mesure de le faire spontanément sans se tromper. La manière courante d’appliquer des adjectifs au Dé et au Dt tous les deux consiste à faire appel à une construction plus longue avec deux articles et une préposition, structuralement analogue à la construction périphrastique the house of the king: al-bait aṣ-ṣaɣīr li-l-malik al-kabīr [la-maison la-petite à-le-roi le-grand] ‘la petite maison du grand roi’. Si la construction génitive du celtique insulaire avait vraiment ses origines dans un substrat chamito-sémitique, il est difficile de comprendre pourquoi cette contrainte structurale majeure interdisant l’insertion d’adjectifs entre le Dé et le Dt ne s’appliquerait pas également en celtique. 9. Non accord du verbe avec sujet nominal pluriel. C’est un parallèle frappant ; le non accord est le plus fort en gallois, breton, égyptien, arabe classique et partiellement en hébreu biblique, dans ces deux derniers seulement avec l’ordre VSO ; en breton également avec l’ordre SVO à l’affirmatif, mais pas au négatif ; pas en berbère. Le non accord est assez courant avec l’ordre VS à travers le monde, cf. Greenberg (1966), Universal 33: « When number agreement between the noun and verb is suspended and the rule is based on order, the case is always one in which the verb precedes and the verb is in the singular. » Le non accord en nombre avec des sujets post-verbaux est perdu en arabe parlé, et en hébreu à partir de la période michnaïque – ces deux langues se sont donc éloignées du non accord. Il y avait normalement accord avec les sujets pluriels post-verbaux en vieux-gallois et en vieux-breton ; le non accord serait donc intervenu postérieurement. Le non accord paraît être encore plus récent en gaélique ; voire, dans certains dialectes, comme celui du Munster, il y a souvent toujours accord. Ce sont là des périodes extrêmement longues pour une percée putative d’un non accord substratique. 10. Nom verbal, pas infinitif (objet au génitif, pas à l’accusatif). Il semblerait y avoir un gradient plutôt qu’une distinction nette entre le nom verbal abstrait (maṣdar arabe, géorgien) et l’infinitif. Le critère principal pour les distinguer c’est le cas de l’objet du verbe : génitif (nom verbal) ou accusatif (infinitif). Avec l’apparition en breton depuis le 18e siècle (à l’exception du dialecte de Vannes/Gwened au SE) de véritables pronoms objet « accusatifs » (étymologiquement ‘de + pronom’) : ma gweled [ma vue] > gweled ahanon [voir.INF/VN moi.OBJ (de.moi)] ‘me voir’, peu distingue désormais le « nom verbal » du breton de l’infinitif du français. En celtique insulaire, seul le nom verbal de l’irlandais ressemble véritablement à un maṣdar.

Steve Hewitt - La question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 10

Nom verbal ou infinitif ?

Traits nominaux

irla

ndai

s

gallo

is

bret

on

berb

ère

égyp

tien

arab

e

hébr

eu

Genre ‒ ? Article possible ‒ ‒ ? Objet pronom.: possessif > ? Objet lexical : génitif ( ) ( )> ? ( ) ( )

11. Particule prédicative : il est dans un paysan. Surtout en gallois et en égyptien, si le yn prédicatif du gallois est vraiment ‘dans’, ce qui a été mis en doute by Gensler (2002). La construction est ‘dans son paysan’ en irlandais. Ce trait est très limité en breton, et il est marginal en hébreu et en arabe. 12. Périphrase prépositionnelle : il est à chanter. Comme l’indique Comrie (1976:100-102), à part les langues celtiques insulaires, on retrouve des locutions copulaires situatives exprimant un progressif dans de nombreuses autres langues : chinois, géorgien, yorouba, shona, igbo, kpelle, d’autres langues nigéro-congolaises, hindi/ourdou, panjabi, des langues indiennes d’Amérique du nord, etc. pour ne pas parler de l’islandais, divers dialectes allemands, et du scandinave continental. Cependant, aucune langue sémitique ne le fait, quoiqu’on puisse constater une utilisation croissante de participes actifs. En égyptien ḥr ‘sur’, r ‘vers’, and m ‘dans’ sont tous utilisés avec des noms verbaux pour exprimer le progressif. Paradoxalement, le progressif breton est bien plus proche du progressif anglais que les constructions périphrastiques du gallois ou du gaélique d’Écosse, qui sont devenues un cursif (imperfectif) général qui admet librement des verbes statifs (cf. Hewitt 1986, 1990). Effectivement, il paraît y avoir une tendance générale dans de nombreuses langues d’une évolution parallèle : temps simples > emplois spécialisés ; progressif > imperfectif général. 13. FAIRE périphrastique : il fait changer. Ceci confond au moins trois emplois distinctes : 1) FAIRE-activité avec des groupes verbaux dynamiques (non statifs) : (moyen-) gallois, breton ; 2) FAIRE avec un groupe nominal pour exprimer un concept verbal : de nombreuses langues ; 3) FAIRE comme auxiliaire vide : gallois du nord ; breton RA pour éviter V-1 à l’affirmatif (également anglais do au négatif, à l’interrogatif). Ce n’est pas typique du sémitique. 14. Locution circonstantielle et S PRÉD (et de subordination). Ce trait est typique du celtique insulaire comme du chamito-sémitique (en berbère, c’est éventuellement un emprunt à l’arabe) : breton Breton gweled neus ahanon ha me o tond er-maes [vu il.a moi.OBJ et moi PROG venir.INF dehors], arabe laqad ra’ā-nī wa-’anā ṭāli‘ [PF il.vit-moi.OBJ et moi sortant] ‘il m’a vu lorsque je sortais’. La construction est coordonnée syntaxiquement (en celtique comme en sémitique, l’ordre après ‘et’ est toujours SVO), mais subordonnée sémantiquement ; une connotation adversive ‘quoique’ est possible. 15. Verbe non fini possible au lieu d’un verbe fini en proposition principale. Ceci est particulièrement courant en gallois, suivi de l’hébreu (« infinitif absolu »), mais pas en arabe. Il y a des exemples sporadiques en irlandais et en breton. 16. Modifications phonétiques initiales (mutations), diverses fonctions syntaxiques. Les mutations consonantiques initiales du celtique insulaire, hautement grammaticalisées, ne sont guère comparables aux modifications initiales de l’« état construit » du berbère argaz > urgaz (wərgaz) ‘homme’, tamɣart > tmɣart ‘ville’, que ressemblent plutôt à la contraction vocalique, cf. les formes de l’état construit hébreu déjà décrites pour le trait 8. Tel que formulé, ce trait semble être trop abstrait pour que l’on puisse l’attribuer avec confiance à une influence substratique ; en outre, il y a de nombreuses instances à travers le monde de résultats de modifications phonétiques qui acquièrent une fonction grammaticale. 17. Constructions génitives idiomatiques de parenté : fils de X. Ceci est très productif en sémitique, cf. arabe irakien abu čegāyir [père.ÉC cigarettes] ‘marchand (ambulant) de cigarettes’. Ce n’est pas typique du brittonique ; les quelques exemples en celtique insulaire se trouvent en irlandais : mac tíre [fils terre.GÉN] ‘loup’. 18. Proposition nominale (absence de copule). Il n’y a pas de copule au présent en sémitique, seulement aux temps non présents (futur, passé). Ce n’est pas la même chose que l’ellipse de la copule en celtique insulaire, surtout en gallois, et dans une moindre mesure en breton, dans les expressions « gnomiques ». 19. Amplification du négatif par substantif post-verbal : français pas. Certains dialectes arabes (palestinien et vers l’ouest) ont développé un circonfixe sembable à celui du négatif français : mā V-š (< ši

Page 6: ALAC Hewitt Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2011-12-15.pdf

11 Groupe Linguistique d’Études Chamito-Sémitiques (GLECS), Paris, 30 juin 2011

‘chose’); gallois (ni) V S ddim, breton (ne) V ked S. Ceci relève certainement d’une tendance linguistique générale vers l’amplification de mots fonctionnels qui risquent autrement d’être perdus complètement. 20. Chiffres suivis du singulier. Oui, en brittonique ; en irlandais à l’origine, des substanstifs suivant 20 et des multiples plus élevés de 10 étaient au GÉN.PL, qui, étant souvent identique au NOM.SG, au moins dans certains classes de déclinaison, fut réinterprété comme étant un singulier. En sémitique, oui, pour 11 et au delà ; 3-10 sont suivis de substantifs au pluriel. Les chiffres sont suivis de substantifs au singulier dans de nombreuses langues, par exemple le persan, le basque, le hongrois, le géorgien, le tibétain… 21. Expression prépositionnelle d’avoir. Oui, le breton est la seule langue celtique à avoir développé un verbe ‘avoir’ : m-eus, étymologiquement [à.moi-il.y.a] ‘j’ai’, qui est utilisé à la fois comme auxiliaire servant à former les temps parfaits et comme verbe lexical ‘posséder’ ; la possession d’entités définies est exprimée au moyen d’une périphrase prépositionnelle an arc’hant so ganin [l’ argent estº avec.moi] ‘j’ai l’argent’, comme dans les autres langues celtiques, le chamito-sémitique et bien d’autres langues à travers le monde. 22. Il a cassé son bras possessif plutôt que il s’est cassé le bras datif. Oui, ceci est vrai et du celtique insulaire et du chamito-sémitique ; la possession « interne » avec un possessif plutôt que la possession « externe » avec un datif est rare parmi les langues européennes, à l’exception du celtique et de l’anglais, cf. Payne & Barshi (1999). Il n’est pas clair laquelle des deux constructions est la plus courante à travers le monde. À noter que le breton requiert une combinaison des deux types (possessif + datif) quand le possesseur de l’objet n’est pas le sujet (possible, mais pas obligatoire en français) :

Mae Ieuan wedi torri ’i fraich Mae Ieuan wedi torri braich Pedr (gallois) estº Ieuan après casser.VN son bras estº Ieuan après casser.VN bras Pedr ‘Ieuan s’est cassé le bras’ ‘Ieuan (lui) a cassé le bras à Pedr’

Jean s’est cassé le bras Jean (lui) a cassé le bras à Pierre (français)

Yann neus torred e vrec’h Yann neus torred e vrec’h da Ber (breton) Yann il.a cassé.PP son bras Yann il.a cassé.PP son bras à Per ‘Yann s’est cassé le bras’ ‘Yann (lui) a cassé le bras à Per’

Deus ’ta heol benniged da dommañ o revrioù d’ ar ffiliped (breton) viens donc soleil béni à chauffer.INF leur culs à les moineaux ‘Viens donc, soleil béni, chauffer leurs culs aux moineaux’

23. Préférence pour la parataxe (Pokorny: anreihend ‘alignant’). Il n’est pas clair comment un tel trait, identifié par Pokorny, pourrait se mesurer, et s’il était démontré, dans quelle mesure il serait unique au celtique insulaire et au chamito-sémitique. 24. Unité de base groupe de mots plutôt que mot simple. Encore là, il n’est pas clair comment un tel trait pourrait se mesurer, et dans quelle mesure il serait unique au celtique insulaire et au chamito-sémitique. 25. Énoncés sans sujet (constructions impersonnelles) Ceci est signalé par Pokorny et Wagner tous les deux comme étant un trait partagé. Cela recouvre probablement un certain nombre de phénomènes distinctes qui ont besoin d’une définition plus exacte ; en tout cas, cela n’est guère unique au celtique insulaire et au chamito-sémitique. 26. Pas de participe présent/actif. Oui pour le celtique insulaire, mais pas du tout pour le chamito-sémitique. 27. Distinction entre ÊTRE essentiel et contingent (is/tá). Oui, en irlandais (is/tá) et en breton (eo/emañ), mais pas en gallois ou en sémitique. Encore une fois, une telle distinction est assez courante à travers le monde. 28. États/relations exprimés avec N (PRÉP-O) PRÉP-S Tá scilling agam ort. Oui, cf. irlandais Tá scilling agam ort [est.SITº shilling avec.moi sur.toi] ‘tu me dois un shilling’, tá tart orm [est.SITº soif sur.moi] ‘j’ai soif’. Perçu comme étant très typique du celtique insulaire ; pas particulièrement typique du sémitique (mais arabe l.ī ‘alai.k dīnār [à.moi sur.toi.M dinar] ‘tu me dois un dinar’). 29. Gallois yn, égyptien m ‘dans’ : prédicatif, locatif, progressif. L’attention fut attirée sur cette coïncidence étonnante par Morris Jones, et si elle est vraie, elle est carrément mirobolante. Cependant, l’identité des trois yn en gallois a été mise en question, cf. Isaac (1994), qui propose que yn progressif est dérivé de wnc ‘près, serré’, et Gensler (2992), qui maintient que yn prédicatif en gallois est dérivé d’un déictique int. 30. Pronom infixe vieil irlandais -d- identique au berbère –d-. Pokorny a attiré l’attention là-dessus, par exemple dans (1959:157). Sa signification n’est pas claire.

Steve Hewitt - La question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 12

31. Comparatifs (et superlatifs) prédicatif seulement, pas attributif. Ceci est vrai surtout de l’irlandais, mais ce n’est vrai ni du brittonique ni du sémitique. 32. Énoncés clivés avec focus initial. De telles structures sont courantes dans de nombreuses langues. 33. Responsifs oui/non avec auxiliaire/verbe/proposition entière. Ceci est considéré comme étant particulièrement typique du celtique insulaire (ce qui, pour certains, serait à l’origine des tags anglais yes, it is; no, I don’t, etc.), mais ce n’est pas spécialement caractéristique du sémitique. 34. Relatives obliques : antéposition de la préposition seule le lit dans j’ai dormi. Seuls l’irlandais et le berbère font ceci. 35. Collectif non marqué, singulatif dérivé. Ceci est particulièrement productif en breton blew/blewenn et en arabe ša‘r/ša‘ra ‘cheveux/cheveu’, cf. Hewitt (1985); c’est moins productif en gallois et en hébreu, et tout-à-fait marginal en irlandais. On le trouve également dans d’autres langues, comme le swahili nywele/unywele ‘cheveux/cheveu’. 36. Complétive virtuelle VSO ; complétive factuelle SVO ~ VSO. Des complétives « virtuelles » du type ‘je veux que Jean vienne’ sont obligatoirement VSO et en arabe et en breton, tandis que des complétives « factuelles » du type ‘je pense que Jean viendra’ sont obligatoirement SVO en arabe ; traditionnellement elles sont VSO en breton, mais depuis le 18e siècle, un ordre alternatif SVO devient de plus en plus fréquent. Il est peu probable que ceci soit dû à l’influence française parce que le breton n’a jamais l’ordre SVO dans le type ‘je veux que Jean vienne’, cf. Hewitt (1985). Cette ressemblance a beaucoup plus de chances d’être d’origine typologique plutôt que substratique.

arabe breton ’urīd ’an yajī’ Zaid Me meus c’hẘant e teuffe Yann je.veux que vienne.SUBJ.Mº Zaid moi j’ai désire AFF vienne.CONDº Yann ‘Je veux que Zaid vienne’ ‘Je veux que Yann vienne’

’aẓunn ’anna Zaid sa-yajī’ Me a soñj din e teuo Yann je.pense que Zaid viendra.3.SG moi AFF penseº à.moi AFF viendraº Yann

Me a soñj din (penaos) Yann a deuo moi AFF penseº à.moi (comment) Yann AFF viendraº ‘Je pense que Zaid viendra’ ‘Je pense que Yann viendra’

37. Adjectifs bahuvrīhi en état construit (arabe « annexion impropre »). Beaucoup de langues possèdent de tels composés associant un substantif à l’adjectif, l’anglais inclus, cf. pure-hearted, great-winged ci-après (en français, cela donne régulièrement des locutions avec à : au cœur pur, aux ailes grandes). Le composé à l’état construit est formé avec un possessif en celtique, tandis qu’il a la forme d’un état construit classique en sémitique ; noter la différence du traitement de l’article entre l’hébreu et l’arabe : en arabe, le substantif déterminant prend toujours l’article défini, même si le composé entier est indéfini ; quand le composé est défini, l’état construit entier est préfixé, de façon tout-à-fait exceptionnelle, d’un article défini ; en hébreu, c’est la présence ou l’absence d’un article défini sur le substantif déterminant qui détermine, de façon bien plus orthodoxe, la définitude du composé entier.

un den ledan e chouk (breton) un homme large sa nuque ‘un homme aisé’ (qui peut supporter une charge [financière] lourde)

rajul ṭāhir al-qalb (arabe) homme pur le-cœur ‘un homme au cœur pur’

ar-rajul aṭ-ṭāhir al-qalb (arabe) l’-homme le-pur le-cœur ‘l’homme au cœur pur’

nɛšɛr gə̆ḏōl kə̆nāayim (hébreu, Ézéch. 17:7) aigle grand ailes ‘un aigle aux ailes grandes’

Page 7: ALAC Hewitt Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2011-12-15.pdf

13 Groupe Linguistique d’Études Chamito-Sémitiques (GLECS), Paris, 30 juin 2011

han-nɛšɛr hag-gāḏōl, gə̆ḏōl hak-kə̆nāayim (hébreu, Ézéch. 17:3) l’-aigle le-grand grand les-ailes ‘l’aigle aux ailes grandes’

38. Topique ≠ sujet (énoncés à « double sujet »). Ceci est extrêment courant et en breton Per eo klañv e vab [Per estº malade son fils] et en arabe Zaid marīḍ ibn-uh [Zaid malade fils-son] ‘Le fils de Per/Zaid est malade’ (ou en français populaire : ‘Per, il y a son fils qui est malade’) ; breton Chirac a dalc’h e fri da voanâd : c’hwessa a ra partoud! [Chirac AFF continueº son nez de s’amincir.INF : renifler.INF AFF il.fait partout] ‘Le nez à Chirac n’arrête pas de s’amincir : il renifle [des voix] partout’ (ou bien ‘Chirac, il y a son nez qui n’arrête pas de s’amincir…’). Là encore, ceci est sûrement d’ordre typologique ; on le retrouve dans de nombreuses langues. 39. Pronom phrastique postiche oui/non : je ne sais pas et lui ils sont venus. Ceci concerne une ressemblance partielle entre le breton et l’arabe égyptien, cf. Hewitt (1985) ; la différence principale c’est qu’en breton, le pronom postiche est invariable, 3M.SG, tandis qu’en arabe égyptien, il doit s’accorder en nombre et en genre avec le sujet : breton n-onn ked hag-eñv e oa aed ar baotred [NÉG-je.sais pas et-lui AFF étaitº allé les gars] ‘je ne sais pas si les gars étaient allés’ ; arabe égyptien sa’al-ni humma r-riggāla mishyu [il.demander-moi.OBJ eux les-hommes ils.allèrent] ‘il m’a demandé si les hommes étaient allés’. Il est peu probable que ceci soit d’origine substratique.

4. En guise de conclusion

Les traits partagés par les langues celtiques insulaires et les langues chamito-sémitiques les plus frappants, à la fréquence la plus élevée, sont probablement les suivants : L’ordre VSO (trait 2). Ceci concerne apparemment les deux familles, mais il y a de nombreuses autres langues VSO dans le monde, même si la proportion de langues VSO est peu élevée (aux alentours de 15%). En outre, on peut constater une dérive d’intensité variable vers SVO en hébreu et en arabe, et également en breton. Le gallois (et dans une certain mesure même l’irlandais) pourraient être analysés comme SVO si l’on prend pour la catégorie V la fonction prédicative comme étant plus importante que la fonction de porteur du temps. Dans le World Atlas of Language Structures Online, l’ordre VSO ne va pas bien de pair avec le trait 4 (trace pronominale d’un élément oblique relativisé), puisque beaucoup d’autres langues qui affectent cette stratégie sont fortement SVO. Finalement, l’analyse de l’arabe suggère que pour cette langue, au moins, et éventuellement pour d’autres langues chamito-sémitiques, mais en revanche pour aucune langue celtique insulaire, l’ordre de base du verbe et de ses arguments n’est pas basé sur le statut syntaxique des arguments (sujet, objet : VSO), mais plutôt sur leur saillance informationnelle (donné, nouveau : VDN), le principe VDG rendant compte de façon bien plus économe de tous les ordres que l’on peut observer, inclus l’ordre le plus fréquent après un verbe initial, VSO. L’état construit (trait 8). La structure [maison [le-roi]] ‘la maison du roi’ [DÉTERMINÉ [art.-DÉTERMINANT]] est certainement l’un des traits les plus frappants parmi les traits partagés entre les deux familles. Elle implique : l’ordre déterminé-déterminant ; la disponibilité d’un article défini ; le marquage de relation sur le déterminé uniquement ; un mécanisme relateur consistant en une simple contigüité (adjonction). Historiquement, dans les deux familles, la relation était marquée sur le déterminant par le génitif, et dans une certaine mesure, cela continue d’être le cas en arabe et en gaélique irlandais et écossais. La structure [DÉTERMINÉ [art.-DÉTERMINANT]] devient cruciale pour définir la construction génitive seulement avec la perte des cas (arabe dialectal, hébreu, gallois, breton). Finalement le chamito-sémitique ne permet le placement d’absolument aucun adjectif entre le déterminé et le déterminant, tandis que les langues celtiques font cela librement. Les deux familles semblent être arrivées tout-à-fait indépendamment à cette construction, que n’est pas aussi exotique que l’on pourrait croire : le créole jamaïcain, qui a perdu tout marquage de cas, a [[di-king] hoos], qui est tout simplement l’inverse, déterminant-déterminé, du type [maison [le-roi]]. Non accord du verbe avec sujet nominal pluriel (trait 9). L’universelle Nº 33 de Greenberg (1966) prévoit : « When number agreement between the noun and verb is suspended and the rule is based on order, the case is always one in which the verb precedes and the verb is in the singular. » La tendance en sémitique (arabe et hébreu) a été de relâcher ou carrément de perdre le non accord avec un sujet nominal pluriel post-verbal ; dans les périodes plus anciennes des langues celtiques (vieux-gallois, vieux-breton, vieil-irlandais) c’était l’accord en nombre qui était général ; le non accord s’est introduit depuis les périodes anciennes, et en irlandais, par exemple, il ne s’est toujours pas imposé complètement, puisque l’accord est toujours courant dans les dialectes du sud-ouest (Munster). Les tendances paraissent donc aller dans des sens opposés dans les deux

Steve Hewitt - La question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 14

familles. Au négatif, le breton fonctionne exactement comme l’arabe littéral fonctionne et à l’affirmatif et au négatif : accord en nombre avec un sujet pré-verbal ; non accord avec un sujet nominal post-verbal. Prépositions conjuguées (trait 1). Les soi-disantes « conjugaisons » sont probablement, dans les deux familles, historiquement tout simplement le résultat d’un processus morphologique d’incorporation de pronominaux post-prépositionnels. Trace pronominale de l’élément relativisé (trait 4). En outre le celtique insulaire et le chamito-sémitique, le World Atlas of Language Structures Online donne cette stratégie comme étant courante dans de nombreuses langues d’Afrique centrale sub-saharienne, mais également en persan, en kayah li oriental (Thaïlande, Myanmar), en paamese (Vanuatu, Pacifique du sud) et en guaraní (Paraguay, Brésil). Nom verbal, pas infinitif (objet au génitif, pas à l’accusatif) (trait 10). La distinction entre le nom verbal et l’infinitif est une question de degré ; les principaux traits polaires sont : genre – oui/non ; article défini possible – oui/non ; objet pronominal – possessif/accusatif ; objet lexical – génitif/accusatif. Seuls l’irlandais et l’arabe ont la première option (nom verbal) pour les quatres traits ; les autres langues sont moins tranchées. Le breton (dialectes dominants KLT) et le gallois parlé moderne ont atteint un point où peu de chose distingue la forme de citation non tensée du verbe de l’infinitif du français ou de l’anglais. L’arabe ne va pas du tout dans cette direction ; comme en géorgien, par exemple, son maṣdar est pleinement nominal. Locution circonstantielle et S PRÉD (et de subordination) (trait 14). Je n’ai pas connaissance d’autres langues à part le chamito-sémitique et le celtique insulaire qui auraient ce trait. La correspondance apparente entre l’égyptien m ‘dans’, r ‘vers’, ḥr ‘sur’ et le gallois yn ‘dans’, am ‘pour, vers’, wedi ‘après’ exprimant, respectivement, prédicatif/situatif/progressif, futur, parfait (Morris-Jones et le trait 29) est captivante, mais à ce niveau de détail ne concerne que ces deux langues ; cette correspondance n’est pas largement partagée par le reste des langues celtiques insulaires ou chamito-sémitiques (tar éis ‘après’ avec un nom verbal peut exprimer le parfait en irlandais, et war ‘sur’ avec un nom verbal/infinitif peut être utilisé pour le prospectif en breton). Une explication substratique n’est manifestement davantage plausible qu’une explication typologique ou bien une pure coïncidence pour aucun de ces traits saillants partagés.

L’existence de similitudes structurales frappantes entre les langues celtiques insulaires et les langues chamito-sémitiques ne fait aucun doute. En revanche, reste à trancher la question de savoir si ceci est à mettre sur le compte d’une influence substratique à travers un contact préhistorique ou bien sur celui des tendances et des corrélations typologiques. L’approche statistique de Gensler (la probabilité peu élevée d’un tel amoncellement de traits « exotiques » partagés par deux familles linguistiques non apparentées génétiquement) est en elle même biaisée : en se focalisant sur les traits partagés, Gensler perd une certaine vue d’ensemble, qui devrait également inclure tous les traits qui ne sont pas partagés par les deux familles. En outre, il n’a aucun moyen de rendre compte de la fréquence relative ou de la centralité des divers traits dans les langues en question. Les auteurs qui sont enclins à une explication substratique pour les traits partagés semblent être saisis par une espèce de « frénésie du substrat », comme si le contact préhistorique était la seule explication possible pour des traits « non indo-européens » dans une langue indo-européenne. Ils ne prêtent guère attention à la possibilité d’explications d’ordre typologique, quand bien même de telles explications, comme nous l’avons vu, sont parfaitement plausibles pour bien des traits partagés. Avec des entités lexicales, le nombre de séquences phonétiques possibles est tellement vaste que toute accumulation de similitudes lexicales entre deux langues non apparentées génétiquement ne peut guère être autre chose qu’un indice certain de contact et d’emprunts. Quand il s’agit, en revanche, de structures, l’éventail de possibilités est énormément plus restreint – il n’y a, comme nous l’avons vu, qu’un certain nombre de façons de rendre la relation génitive –, et dans ce cas, il est moins étonnant de trouver des langues non apparentées qui possèdent des structures analogues. Il est donc important de toujours garder à l’esprit et d’investiguer soigneusement la possibilité d’une explication typologique. Une difficulté majeure avec l’explication substratique concerne l’identité précise du substrat. Un puzzle supplémentaire est constitué par les affinités particulières notées entre le gallois et l’hébreu (plusieurs auteurs, le plus récemment Jongeling), le gallois et l’égyptien (Morris Jones), l’irlandais et le berbère (Morris Jones, Pokorny et Wagner), et le breton et l’arabe (Hewitt – probablement de nature typologique : tous les deux sont des langues VSO~SVO à saillance du topique) ; dans chaque cas, cependant, le nombre de traits concernés est suffisamment bas pour que l’« affinité spéciale » puisse être considérée comme une coïncidence.

Page 8: ALAC Hewitt Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2011-12-15.pdf

15 Groupe Linguistique d’Études Chamito-Sémitiques (GLECS), Paris, 30 juin 2011

Chose étonnante, les scores de Gensler suggèrent que ce sont les langues celtiques insulaires qui sont les plus charactéristiques du « type celtique/chamito-sémitique » plutôt que les langues chamito-sémitiques, et ceci se confirme dans notre tableau des traits partagés selon les auteurs et les différentes langues, où les divers traits sont plus régulièrement présents en celtique insulaire qu’en chamito-sémitique. Cela est le contraire de ce qu’on attendrait si les traits partagés avaient réellement leur origine en chamito-sémitique. Plutôt que de postuler un quelconque Urvolk berbère, ou bien des colons-fantômes phéniciens (qui d’une façon ou d’une autre auraient réussi l’exploit de ne laisser aucune trace archéologique), les substratistes (et il devrait être clair à ce stade que je suis personnellement plutôt sceptique) pourraient bien s’inspirer de Jongeling (2000), qui soulève la possibilité d’un unique substrat préhistorique soutendant et le chamito-sémitique et le celtique insulaire. Un tel substrat aurait pu être centré sur l’Europe du nord-ouest ou même les îles britanniques, où il aurait pu affecter fortement les langues celtiques arrivantes, mais les langues chamito-sémitiques et nord-africaines plus distantes dans un degré moindre. Néanmoins, l’identité d’un tel substrat serait forcément tellement voilée par les brumes de la préhistoire à ce qu’elle soit parfaitement inconnaissable. Manifestement, il faut travailler davantage les approches et substratique et typologique de cette question fascinante.

Tibétain khyi /¯kʰi/ ‘chien’, cf. gallois ci, breton ki, irlandais cú.

Steve Hewitt - La question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 16

Abréviations

ADV adverbe, adverbial AFF particule de temps

affirmative aff. affirmatif ar. arabe AUX auxiliaire berb. berbère br. breton CI celtique insulaire CL classe COND conditionnel CS chamito-sémitique D donné DAT datif Dé déterminé dial. dialecte, dialectal Dt déterminant ÉC état construit ég. égyptien F féminin gal. gallois GÉN génitif gen. genre INF infinitif

irl. irlandais LN particule lien M masculin MA moyen-angalis N nouveau NÉG particule de temps

négative NOM nominatif nom. nombre NV nom verbal O objet o objet pronominal OBJ objet OBL oblique P prédicat PF perfectif phon. phonetique PL pluriel POSS possessif PP participe passé PRÉP préposition PRÉT préterit PROG progressif réd. réduction

REL relateur RFL reflexif S sujet SG singulier SIT situatif SUBJ subjonctif T temps trad. tradition, traditionnel V verbe v-irl. vieil-irlandais voc. vocalique X élément initiql: P, S, O,

ADV, etc. º forme verbale

apersonnelle : pas de marquage de personne

x accord, marqué sur les deux termes

~ partiellement présent pas présent

? incertain, sujet à question

Page 9: ALAC Hewitt Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2011-12-15.pdf

17 Groupe Linguistique d’Études Chamito-Sémitiques (GLECS), Paris, 30 juin 2011

Références et bibliographie sommaire

BORSLEY Robert D. 1995. On some similarities and differences between Welsh and Syrian Arabic. Linguistics 33:99-122.

CAPELLI Cristian et al. 2003. A Y chromosome census of the British Isles. Current Biology 13:979-84, (disponible en-ligne : www.sciencedirect.com).

COATES Richard. 2004. Invisible Britons: The view from linguistics. Communication lue au colloque “Britons and Angles in Anglo-Saxon England”, Manchester, 14-16 avril 2004.

COMRIE Bernard. 1976. Aspect. Cambridge University Press. CUNLIFFE Barry. 2004. Facing the Ocean: The Atlantic and its peoples 8000 BC – AD 1500. Oxford University

Press. CUNLIFFE Barry. 2008. Europe between the Ocans: 9000 BC – AD 1000. Yale University Press. CUNLIFFE Barry & John T. KOCH (réd.) 2010. Celtic from the West: Alternative perspectives from archaeology,

genetics, language and literature. Oxford: Oxbow Books. DAVIES John. 1621. Antiquae Linguae Britannicae, nunc communiter dictae Cambro-Britannicae, a suis

Cymraecae, vel Cambricae, ab aliis Wallicae, Rudimenta. London; réédité à Oxford, 1809. FILPPULA Markku, Juhani KLEMOLA, Heli PITKÄNEN. 2002. Early contacts between English and the Celtic

languages. FILPPULA, KLEMOLA, PITKÄNEN (réd.). The Celtic Roots of English. 1-26. FILPPULA Markku, Juhani KLEMOLA, Heli PITKÄNEN (réd.). 2002. The Celtic Roots of English. Proceedings of

the International Colloquium on Early Contacts between English and the Celtic Languages, University of Joensuu, Finland, 24-26 August, 2001. Joensuu, Finland: University Press.

FILPPULA Markku & Juhani KLEMOLA. English and Celtic in contact: Bibliography. Bibliographie en-ligne recherchable, www.joensuu.fi/fld/ecc/bibliography.

GAGNEPAIN Jean. 1961. A propos du ‘verbe celtique’ [Compte rendu de WAGNER, Das Verbum...], Etudes celtiques 9:309-26.

GENSLER Orin David. 1993. A typological evaluation of Celtic/Hamito-Semitic syntactic parallels, unpublished Ph.D. dissertation, University of California, Berkeley, disponible chez University Microfilms International, Ann Arbor, Michigan, No. 9407967. Extraits reproduits in KARL & STIFTER (réd.). 2007. The Celtic World, Vol. IV, Celtic Linguistics. 151-229.

GENSLER Orin. 2002. Why should a demonstrative turn into a preposition: The evolution of Welsh predicative yn, Language 78/4:710-64.

GREENBERG Joseph H. 1966. Some universals of grammar with particular reference to the order of meaningful elements. Joseph H. GREENBERG (réd.), Universals of Grammar, Cambridge, Mass. / London: MIT Press. 77-113

HEWITT Steve. 1985. Quelques ressemblances structurales entre le breton et l’arabe: Conséquence d’une typologie ordinale commune? La Bretagne Linguistique 1:223-262. Brest: Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC).

HEWITT Steve. 1986. Le progressif en breton à la lumière du progressif anglais. La Bretagne Linguistique 2:132-48. Brest: Centre de recherche bretonne et celtique (CRBC).

HEWITT Steve. 1990. The progressive in Breton in the light of the English progressive. Martin BALL, James FIFE, Erich POPPE, Jenny ROWLAND (réd.), Celtic Linguistics: Readings in the Brythonic languages. Festschrift for T. Arwyn Watkins. Amsterdam: John Benjamins. 167-88.

HEWITT Steve. 2002a. L’arabe – VSO ou VDN (verbe-sujet-objet ou verbe-donné-nouveau)? Cahiers de linguistique de l’INALCO 3/2000:211-21, Ordre des mots et typologie linguistique. Paris: INALCO.

HEWITT Steve. 2002b. The impersonal in Breton. Journal of Celtic Linguistics 7:1-39. HEWITT Steve. 2006. Arabic: verb-subject-object or verb-given-new? Implications for word order typology.

Version anglaise élaborée de HEWITT (2002a). Communication lue à la Conference on Communication and Information Structure in Spoken Arabic, University of Maryland, 16-18 juin 2006.

HEWITT Steve. 2007. Remarks on the Insular Celtic / Hamito-Semitic question. KARL & STIFTER (réd.), The Celtic World, Vol. IV, Celtic Linguistics. 230-68. (Contient une bibliographie détaillée).

HEWITT Steve. 2009. The question of a Hamito-Semitic substratum in Insular Celtic. Language and Linguistics Compass, revue en-ligne, Blackwell Publishing, juin 2009 (version légèrement remaniée de HEWITT 2007).

ISAAC Graham R. 1994. The progressive aspect marker: W. yn/OIr. oc. Journal of Celtic Linguistics 3:33-9. ISAAC Graham R. 2004. The nature and origins of the Celtic languages: Atlantic seaways, Italo-Celtic and other

paralinguistic misapprehensions. Studia Celtica 38:49-58.

Steve Hewitt - La question d’un substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 18

ISAAC Graham R. 2008. Celtic and Afro-Asiatic. Hildegard TRISTRAM (réd.), The Celtic Languages in Contact: Papers from the workshop within the framework of the XIII International Congress of Celtic Studies, Bonn, 26-27 July 2007. Universität Potsdam. 25-80.

JONES Morris & Alan R. THOMAS. 1977. The Welsh Language: Studies in its syntax and semantics. Cardiff: University of Wales Press.

JONGELING Karel. 1995. Afro-Asiatic and Insular Celtic. DS-NELL [Near Eastern Languages and Literatures Foundation] 1:135-65.

JONGELING Karel. 1996. The nominal clause in Hebrew and Welsh: Some remarks. Zeitschrift für celtische Philologie 68:259-86.

JONGELING Karel. 2000. Comparing Welsh and Hebrew. Leiden: CNWS Publications. KARL Raimund & David STIFTER (réd.). 2007. The Celtic World: Critical concepts in historical studies, Vol. IV,

Celtic Linguistics. London & New York: Routledge. KOCH John T. 2009. Tartessian: Celtic in the south-west at the dawn of History. Aberystwyth: Celtic Studies

Publications. KOCH John T. 2010. Paradigm shift? Interpreting Tartessian as Celtic. in CUNLIFFE & KOCH (réd.). Celtic from

the West. 185-301. KOCH John T. 2011. Tartessian 2: The inscription of Mesas do Castelinho, ro and the verbal complex –

Preliminaries to historical phonology. Aberystwyth: Celtic Studies Publications. LONGOBARDI Giuseppe & Ian ROBERTS. 2011. The parametric comparison method and the Celto-Semitic

puzzle. Communication lue au 37e Incontro di Grammatica Generativa, Facoltà di Scienze Politiche, Sociologia, Comunicazione, Sapienza – Università di Roma, 24-26 février 2011.

LOPRIENO Antonio. 1995. Ancient Egyptian: A linguistic introduction. Cambridge University Press. MORRIS JONES John. 1900. Pre-Aryan syntax in Insular Celtic. Appendix B. J. RHYS and D. BRYNMOR-JONES,

The Welsh people, London: T. Fisher Unwin. 617-41. Reproduit in KARL & STIFTER (réd.). 2007. The Celtic World, Vol. IV, Celtic Linguistics. 103-21.

OPPENHEIMER Stephen. 2007. The Origins of the British: A genetic detective story. London: Robinson. PAYNE Doris & Immanuel BARSHI (réd.). 1999. External Possession. Amsterdam: John Benjamins. POKORNY Julius. 1927-30. Das nicht-indogermanische Substrat im Irischen. Zeitschrift für celtische Philologie

16:95-144, 231-66, 363-94; 17:373-88; 18:233-48. POKORNY Julius. 1949. Zum nichtindogermanischen Substrat im Inselkeltischen. Die Sprache 1:235-45. POKORNY Julius. 1951. Sprachliche Beziehungen zwischen dem alten Orient und den britischen Inseln, ArOr

19:268-70. POKORNY Julius. 1955. Vorkeltische indogermanische Spuren im Kymrischen. Zeitschrift für celtische

Philologie 25:87. POKORNY Julius. 1959. Keltische Urgeschichte und Sprachwissenschaft. Die Sprache 5:152-164. POKORNY Julius. 1960. The pre-Celtic inhabitants of Ireland, Celtica 5:229-40. Reproduit in KARL & STIFTER

(réd.). 2007. The Celtic World, Vol. IV, Celtic Linguistics. 122-32. POKORNY Julius. 1964. Zur Anfangsstellung des inselkeltischen Verbums. Münchener Studien zur

Sprachwissenschaft 16:75-80. RHŶS John. 1877. Lectures on Welsh Philology. London. RHŶS John. 1882. Early Britain – Celtic Britain. London. RHŶS John. 1890. Traces of a non-Aryan element in the Celtic family, Scottish Review 16:30-47. ROBERTS Ian. 2004. Parametric comparison: Celtic, Semitic and the anti-Babelic principle. Communication lu

au Gregynog Welsh Syntax Seminar, Powys, Wales, 12 juillet 2004, et au Hans Rausch Endangered Languages Project Seminar, School of Oriental and African Studies (SOAS), London, 25 janvier 2005.

SYKES Bryan. 2006. The Blood of the Isles: Exploring the genetic roots of our tribal history. London: Bantam Press. Publié aux États-Unis en 2007 comme: Saxons, Vikings, and Celts: The genetic roots of Britain and Ireland. New York: W.W. Norton.

TRISTRAM Hildegard L.C (réd.). 1997. Celtic Englishes I. Proceedings of the First Colloquium on Celtic Englishes, Potsdam, 28-30 September 1995. Heidelberg: Carl Winter.

TRISTRAM Hildegard L.C (réd.). 2000. Celtic Englishes II. Proceedings of the Second Colloquium on Celtic Englishes, Potsdam, 23-27 September 1998. Heidelberg: Carl Winter.

TRISTRAM Hildegard L.C (réd.). 2003. Celtic Englishes III. Proceedings of the Third Colloquium on Celtic Englishes, Potsdam, 20-23 September 2001. Heidelberg: Carl Winter.

Page 10: ALAC Hewitt Substrat chamito-sémitique en celtique insulaire 2011-12-15.pdf

19 Groupe Linguistique d’Études Chamito-Sémitiques (GLECS), Paris, 30 juin 2011

TRISTRAM Hildegard L.C (réd.). 2006. Celtic Englishes IV. Proceedings of the Fourth Colloquium on Celtic Englishes, Potsdam, 20-26 September 2004. Potsdam: Universitätsverlag.

VENNEMANN Theo. 2001. Atlantis Semitica: Structural contact features in Celtic and English. Laurel BRINTON (réd.). Historical Linguistics 1999: Selected Papers from the 14th International Conference on Historical Linguistics. Amsterdam: John Benjamins. 351-69.

VENNEMANN Theo. 2002. Semitic → Celtic → English: The transivity of language contact. FILPPULA, KLEMOLA, PITKÄNEN (réd.), The Celtic Roots of English. 295-330.

VENNEMANN Theo. 2003. Europa Vasconica, Europa Semitica. Berlin: Walter de Gruyter. WAGNER Heinrich. 1959. Das Verbum in den Sprachen der Britischen Inseln. Tübingen: Max Niemeyer. WAGNER Heinrich. 1969. The origin of the Celts in the light of linguistic geography. Transactions of the

Philological Society. Oxford. 203-50. WAGNER Heinrich. 1970. Studies in the origins of early Celtic civilization. Zeitschrift für celtische Philologie

31:1-58. WAGNER Heinrich. 1971a. Nekrolog Julius Pokorny (1887-1970). Zeitschrift für celtische Philologie 32:313-19. WAGNER Heinrich. 1971b. Studies in the Origins of the Celts and of Early Celtic Civilization [= The origin of

the Celts in the light of linguistic geography + Studies in the origins of early Celtic civilization]. Tübingen: Max Niemeyer.

WAGNER Heinrich. 1976. Common problems concerning early languages of the British Isles and the Iberian peninsula. F. Jordá, J. de Hoz & L. Michelena (réd.), Actas del I coloquio sobre lenguas y culturas prerromanas de le peninsula ibérica (Salamanca, 17-31 mayo 1974), Salamanca: Ediciones Universidad de Salamanca. 388-407.

WAGNER Heinrich. 1977. Worstellung im Keltischen und Indogermanischen. Karl Horst SCHMIDT (réd.), Indogermansich und Keltisch. Wiesbaden: Ludwig Reichert. 204-35.

WAGNER Heinrich. 1981. Near Eastern and African connections with the Celtic world. Robert O’DRISCOLL (réd.), The Celtic Consciousness. New York: George Braziller. 51-76. Reproduit in KARL & STIFTER (réd.). 2007. The Celtic World, Vol. IV, Celtic Linguistics. 133-50.

WAGNER Heinrich. 1982. Near Eastern and African connections with the Celtic world. R. O’Driscoll (réd.), The Celtic Consciousness, Portlaoise: Dolmen Press / Edinburgh: Cannongate Publishing, 51-67.

WAGNER Heinrich. 1987. The Celtic invasions of Ireland and Great Britain: Facts and theories. Zeitschrift für celtische Philologie 42:1-40.

WILLIS David. 1998. Syntactic Change in Welsh: A study of the loss of verb-second. Oxford University Press. World Atlas of Language Structures Online. http://wals.info/ Version en-ligne de Martin HASPELMATH,

Matthew S. DRYER, David GIL & Bernard COMRIE (réd.). 2005. World Atlas of Language Structures. Oxford: Oxford University Press.