Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

  • Upload
    uxesuz

  • View
    155

  • Download
    5

Embed Size (px)

Citation preview

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    1/21

    ----..~. 43 a\'ri11980 - recherches----- 57 r

    Les origines historiquesdes. alitiques sporflvesen France (1870-1930)textes r e nis par lain: hren erg

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    2/21

    Alain EHRENBERG

    AlMEZ.VOUS LES STADES?Architecture de masse et mobilisation

    Un art athletlque . .. jai t pour les grands espaces , quiexige, pour prendre louie sa valeur, Ie plein air desplaces publiques et le tas te chatoyant des grandes assem-blees populaires.J. Benoist-Mechin, Exposition Arno Breker a l'Oran-gerie, Discours et allocutions, Paris. 1942.

    11 fut un temps ou, en matiere de sport. pratiquant et spectateur,c'etait du pareiI au meme, En effet, dans sa premiere periode, entre lafin des annees 1840, l'introduction des exercices anglais de plein-air (sportsathletiques, football-rugby, football-association) et Ie developpement ducycIisme dans les annees 1880. le sport est avant tout un passe-tempsaristocratique. n fait partie de la topographie de l'existence mon-daine D '. E. Chapus, dont l'ouvrage est certainement l'un des tout pre-miers a utiliser Ie terme sport dans son titre, Ie decrit comme un des passe-temps de 1a belle existence II '._ Le culte brillant du sport. ajoute-t-li, implique 1a grande et aristocratique existence dans 1a jouissancepaisible et continue de ses prerogatives D ". Prerogative mondaine, tel estavant tout Ie sport. La pratique de I'exercice physique ne se differenciepas encore clairement de l'assistance a son exhibition. Dans l'ouvrage deChapus, courses de chevaux, veneries imperiales, bals d'ete et d'biver semelent a la boxe et a la natation. Spectateur ou pratiquant ? La question1. E. Chapus, Le sport a Paris, Paris, 1854, 3.2. Ibid., 4.3. lbid., 4.

    25

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    3/21

    AIMEZ-VOUS LES STADES?

    no S C I pose pas . On appartient au monde du sport soit par le gout. soitpar Js fortune. soit pat ramification de parente et d'atfection II'. Le sportcst une reunion mondaine, c'est un salon. Si des differences se font jour,ell:s, ne sont pas l'o~jet d'une attention soutenue. Chapus a beau indiquerqu hippodrome et crrque ne sont pas vraiment du sport, que ceIui-ciimplique rigoureusement trois choses soit simultanees soit separees : le~lein-air, Ie pari et l'application d'une ou plusieurs aptitudes du corps a,il reste que le pari, en tant qu'activite separee, pent etre considere commeun sport. Du plaisir, du monde, de la mondanite, et, par surcroit, del'exercice physique".

    Si l'on jet te un cei l du cote de cert aines pra tiques physiques populaire scomme la soule (jeu de balle pratique dans plusieurs provinces francaises),on s'apercoit qu'il n'existe pas de regles permettant de diff'erencier lesdeux categories. Ainsi, dans des villages normands, mille ou douze cent sacteurs ou spectateurs, [participaient] a cet te lut te violente, sauvage, san-glante souvent O U pleuvaient les coups de baton, ou les vieilles haines sedonnaient rendez-vous et dont Ie denouement etait toujours des bras et desjambes casses D ', On intervient ou on sort du jeu suivant Ie bon vouloirde chacun,

    Pourtant cet amalgame du statut du pratiquant et du spectateur vabient6t se denouer. 11 me semble que c'est dans une progressive differen-ci~tion entre r u n et l'autre que vont a la lois s'elaborer l e schema masse jellte, theme central jusqu'a aujourd'hui de ce qU'OD peut appeler Ia mobi-lisation sportive a, et les deux equipements sportifs types que sont Ie clubathletique et Ie stade olympique. Dans les annees 1880 et surtout dans Iesannees 1890, Ie spectacle sportif avait ete enonce par taus Ies promoteursdu sport comme une technique publicitaire destinee a populariser la pra-

    4, Ibid; 22.5. Ibid . . 170 ..6. e S i nous n'avions adopte Ie mot sport, eerit Chapus, ce serait par la vagueet I ncomplete designation de plaisir qu'il faudrait Ie traduire dans notre langue :

    car Ie spor t, ~ 'e st Ie p~a is ir . l e p la is ir def in i, Ie pla isi r qui , en met tant a contributionune ou plusieurs aptitudes de I'homme, lui devi enIune occasion d'exercice demouvement, de pari, de jeu et exige le concours d'un monde plus ou m'oinsnombreux s (7). Ce theme du plaisir sera extremement redondant chez les pro-moteurs du sport une trentaine d'annees plus tard.

    7. Atmanacli de l'Orme, Alencon, 1867, c it e par D. Denis , Aux chiottes l'arbiire,Nuprle~cnl a Politique Aujourd'hui, no 5, juin 1978, 12. Denis indique en note : ,tl~ smt que la, frontiere entre Ies deux groupes n'etait pas tres sure . .. ce qui,d ailleura, est 10m d'etre un detail .I I. Su~ I 'ecl atement d~ cet te not ion, c f. A . Ehrenberg , De s jardins de bravoureet d es pr scmes robor atr ices s, Temps Modernes, oct . 1979, 704-5 .26

    AIMEZ-VOUS LES STADES?

    t ique des exercices physiques et comme une technique de recrutement. Lesport spectacle devait 8tre J'aperitif de la pratique de masse. II s'agissaitde mobiliser des masses pour les constituer en croyants de la pratiquesportive afin de les transformer en pratiquants. C'est Ie schema massejelite : l'elite attire la masse d'ou sort une nouve ll e eli te , etc . L'espace duspectacle e tai t conditionne par celui de la prat ique des exerc ices physiques.Ce dernier etant considere comme une ecole d'hygiene " et un reservoirde sante, c'est-a-dire de majoration d'energie, D'ou la naissance de deuxeqnipements types: Ie club athletique a l 'americaine (suivant I 'expressionen usage au debut du XX " s iecle) , espace pluridisciplinaire de l 'entraine-ment sportif, et Ie stade olympique, espace de la competition et du spec-tacle. Si Ie premier etait le veritable lieu de I'action sportive, le seconden etait Ie vestibule. Le stade, espace ouvert a la multitude, etait aussi Ielieu d'un ambitieux projet : celui d'une remise a neuf d'un peuple dontIe noyau serait fait aussi bien des croyants que des pratiquants.

    LES MASSES. ORNEMENT DU STADE Je rave. ecrit G. Rozet ", de villes qui, pour l'exemple, pour l'entrai-

    nement de tout un pays, seraient organisees, de parti pris, en ecclesd'hygiene et de sport, de meme que d'autres sont des cites d'art. d'etudesau d'industries. Des hommes choisis et qui deviendraient ensuite desmodeles de bel le humanit e y meneraient pendant quelques mois une viede couvent, y pratiqueraient deliberement cet ascetisme d'un nouveaugenre qu'on appel le I'entra inement , Asce tisme qui a pour but . non d'humi -lier le corps humain, mais de le glorifier ou, tout au moins, de Ie rege-nerer, et qui aboutirait a un bumanisme en action, plus large et plus

    9. E . Weber souligne que la p ratique des spo rts et d e la gymnastique repr esen taitune des rares occasions de se laver a la fin du XJxe siecle. Cf. Gymnastics andsports in f in-de-si ec le F rance: opium of the masses? , American historical Review,fev. 1971, 76. G. Rozet, Lea fetes du muscle. Paris, 1913, s'extaaie devant e l ar6a1ite des merveil les hygieniques (147) de la ville de Stockholm. 11 ajoute : En eIevaot a la hauteur d'une institution l'art de se laver le corps des lapremiere enfance, la Suede a resolu des problemes sociaux qui nous paraissentsi compliques s (148),10. G. Rozet, ibid., 195-196. C' est l a ville de Stockholm, ou se deroulent l esj eux olympiques de 1912, qui inspire a l 'auteur ces pages vigoureuses .27

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    4/21

    A I zvin) 1 , I{ S S 'I 'ADES?. t r o c u r que l'humanisme purement litteraire dont nous nous contentonslrap aouvent, Ces benedictins du pentathlon pourraient etre ... , des etu-dlllnt. ou des jeunes gens de condition Iiberale ; its seraient soumis ... itune rude discipline, mais jouiraient, de la part de tous, d'une considera-tion speciale. IIs donneraient au peuple l'exemple de ces vertus sociales- l'hygiene, la temperance au mains relative. Ie respect du corps humainet de sa dignite - qu'on n 'ose plus guere, chez nous, ordonner au nomd'une religion ou d'une morale philosophique. Ces "briseurs de records"~era~ell t, sans le savoi r, des educateurs, En verite, ilne serait peut -et re pasInut ile en France, a l'heure qu'il est, de songer Ie plus serieusement du~ollde a fonder quelques-uns de ces monas teres d'a thleti sme I)H. Orga-nrser des brigades mobiles de l'energie physique afin de forger un peuplesu~ Ie model~ de l'athlete, tel a et e run des grands themes du sport des sanarssance, L 'a thle te est ce tte figure generique qui cris ta lli se a Ia Iois Iapuissance et l'obeissance, et dont la souverainete n'a d'egale que Ia dod-lite 11l. T' U " bIIc . oujours so icita e. sa regularite est sans commune mesure. nest Ie chronometre parfait ". De la lutte, it ne connai t que la jouissance 13.Epure des scories de la faiblesse, de l'incertitude, de Ia fatigue, il est nuet . .. res te beau a voir. Or, regarder l'athlete combattre dans les stades ae tc longtemps considere, par une large majorite du mouvement sportif,comme une maniere d'insuffler de la vigueur a la multitude. Les foulesqui se pressent dans les stades ne sont en effet pas In pour regarder unspectacle, mais pour etre organisees en masses sportives. Cristaux d'unpeuple athletique, elles viennent se forger en puisant de l'energie. n ne

    11: Ceci n'est pas. sans rappeler la maniere dont se sont constitues les Ormesmendiants au XIII" S J e c 1 7 . lis ?Ilt , et c l'axe ~'une ouverture de l'Eglise vers Iemonde des pauvres, mats ausst dun e q uadrillage s dont la paroisse a servi deItle de pont. Cf. G. Duby, Le t emps des cathedrales - Dart et la societe _980-1420, Paris, 1976 , La cathedrals .. II bis. Ce. theme .de la souverainete, du sport considere comme pedagogicvtsant ~ la fois Ia pUlss~nce. et I'obeissance, la docilite et l 'autonomie du sujet ,11 e te aborde dans Des jardins de bravoure ... " art. cite, passim.. 12. Nous voyons Nurmi sur la piste lever une montre iusqu'a ses yeux,.lire apres chaql:'e tour Ie temps depense, et regler Ia-dessus I'economie de ses pas.IJ chronometrait s?n vouloir si bien qu'il pouvait predire efforts et resultats, etteM jnrrets mesuraient la nuance qui. separe Ie tour acheve en quatre-vingt-dix~~condc~ du tour abattu en quatIe-V1ngt-neuf . J. Prevost, Plaisir des sports _Essa! sur I e corps humain, Paris, 1925, 187.13. t.es sp~r~ ~m'o?t do~ne Ie teint d'UII! homme etIanger a toute nevroseet h toute parisianite ; I a rne joyeuse d'un grimpeur qui se fie a ses jarrets et auJell de ses pOllmOI1S ; I'assiette d 'un caval ier d' autan t p lus hardi qu' il ignore davan-tnge Je~ principes de .I'equitati.on savaate s, G. de Coutanly, p reface a Ph. DarylLa RCfltIIS.I'UIlCI! physique, Pans, 1888, 7. '

    28

    .._-__--------------

    AIMEZ-VOUS LES STADES?

    s'agit pas d'une metaphore : Ie spectateur est l'embryon du sportif. Onattend du spectacle sportif des Iendemains athletiques : Ie deplacementen masse foumit les indices de la sante d'un peuple. A10rs l'utopie dusport devient dicible : c Peut-etre un jour Ie spectacle des championssera-t- il mis au rang des traitements toniques, pour les faibles, les nerveux,et les convalescents; les vieillards iront y reprendre quelque souplesseet quelque elan. Mais qu'alors l'exact sentiment de ce bienfait nous poussea ameliorer ce spectacle rneme : que les entralneurs evitent de forcer et decompromettre leurs athletes: que ceux-ci ne risquent plus d'etre ectasespar leurs concurrents ou par leur tache : que rien ne rappelle sur Ie stadesouffrance ni misere, puisque ces exhibitions font bien plus que d'user unhomme, et decouragent et affaiblissent toute une toule l) . ..

    Un bon spectacle tonifie, majore l'ardeur et I'energie d'un peupleentier : un mauvais spectacle affaiblit, desorganise : il est l'axe d'unedissolution de la sociabilite. Car, dans ce lieu majeur du rassemblementqu'est Ie stade, le spectacle n'a qu'un objet : la multitude elle-rnerne.L'affrontement des equipes sur le terrain. mais aussi - on le verra -l'organisation architecturale de l'espace ne sont pas autre chose qu'unetactique, au sens defini par Guibert, un des grands penseurs l) de 1aguerre au xvm' siecle : un art de faire mouvoir Jes troupes~. La miseen scene n'existe que pour eduquer une masse a parti r d'une multi tudedesordonnee, incontrolee. On entre dans Ie stade comme a la bataille : enmasse. On resserre les rangs, comme lorsque ron se prepare it la guerre.Les energies sont requisitionnees pour etre electrisees, M. Ozouf l'a judi-cieusement indique au sujet de la fete revolutionnaire : ({la fete est unelevee en masse, la levee en masse est une fete}) ". Mais, si la levee enmasse est une fete, cela n'implique pas que Ia guerre soit necessairementla fete, pas plus que Ia competition sportive. mais qu'une msme tactiqueles organise : la mobilisation.

    Le Palais des Machines a ete Ie premier espace construit utilise pourl'exhibition sportive moderne, Il a eM COD9U avant tout pour accueillirdes multitudes IT. Bati en meme temps que Ie Palais des Arts et des

    14. J. Prevost, op. cit., 176-177.is. La tactique ~ enseigne a cons tituer les t roupes, a les ordonner, alesmouvoir , ales faire combattre , J.H.D. de Guibert, Essai 8blt!ral de tactique,Londres, 1772, 4.16 . M. Ozouf , La fete revQIIJtionnaire, 1789-1799, Par is, 1976, 24.17. Les premieres installations sportives parisiennes, comme celles du RacingClub de France, etablies au Pre-Catelan dans les annees 1880, etaient essentiellementdestinees a la pratique des exercices physiques.29

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    5/21

    ttnNI p o u r " Ib .pm l ll tn n universelle de 1 88 9 a fi n de m a gn ifi er I es mer-will. dlun. 1000hnologicriomphante, il illustre, par ses diverses utilisa- .,I. pln.llcltd fonctionnelle de ce type d'architecture. Cette halle deIDA00 0 11 11, J plu! grande de l'Exposition, eta it inseree au Champ de

    I'll, a.plca urbaln remarquable quant a sa situation dans Paris 111. et quiroprdumld pendant longtemps Ie seul espace ouvert it la multitude III.In,dnlcurll et architectes se sont efforces de faire de I'Exposition unOM P 'e grandiose et monumental. sans compromettre Ia circulation dansPari! et en evitant aux visiteurs de sombrer dans une confusion rendueprobable par la proliferation des stands. Des series de passerelles etd'escaliers resolurent Ie premier probleme ; des palais differents, itI' aspect monumental qui De deparait pas de l 'ensemble D '0, Ie second.Cet agencement de l 'espace devait permettre la circulation fluide de lafoule, laquelle exigeait non seulement passerelles, allees, clotures, maisRusside l'air pour eviter toute impression d'entassement : ce fut la fonctiondes jardins. Permettre l'entree en masse, assurer Ie maximum de visibilite,eviler les entassements disgracieux et malsains, garantir la securite de tous,cesthernes polariseront les constructeurs de stades.Le joyau de cette architecture, c'est le Palais des Machines. IIL'execu-tion d'une telIe eeuvre offrait un magnifique champ d'experiences al'industrie metallurgique Irancaise ]11 Le conseil des travaux et la commis-sion de controle de l'Exposition adopterent le projet parce que l'impres-sion produite sur les visiteurs par ce hall gigantesque, rempli de

    18. s Depuia quarante ans, ecrit E. Henard, arcbitecte de Ia Ville de Paris,on travaille tI . Ie rendre plus accessible, plus facilement utilisable, On perce lesavenues Rapp et Bosquet, on cree des services de transport. omnibus, tramways,bateaux parisiens, chemins de fer, gare des Invalides, gare du Champ de Mars,lignes metropolitaines, Aucun endroit, aucun emplacement de Paris n'est mieuxdesservi, ne peut plus etre plus facilement envahi ou evacue. Etudes sur lestransformations de Paris, fascicule 4, Paris, 1904, 119.]9. Cree en 1752, il servait de ter ra in de manreuvre a l 'armee ; c'est 111qu'eutlieu, pour la premiere fois, en 1790, la plus grande fete revolutionnaire, celle de laFtld6ration; il est Ie seul hippodrome jusqu'a la creation d'Auteuil et de Long-champs vers Ie milieu du XIX" siecle ; Ies premiers spectacles gymniques s'ytiennent sous la Revo lu tion; il fournit le seul emplacement envisageable pourh~. Expositions universelles (1869, 1878, 1889) , jusqu'a l 'amenagement du Trocadero(ob se deroulera l'Exposition de 19(0). Pour cell informatioas, cf. E. Maindronet CI. Vir!!, Le Champ de Mars, Paris, Li lle, 1889.20 . A. Alphand, C. Berger et A. Picard, Expositlon universelle de 1889 aParis - Monographies : palais, jardins, constructions diverses, installations diverses,Parle. 1892-1895 , tome I , 22.21 . Ibid . . 391.30

    A1MEZ-VOUS LES STADES?mouvement et de vie, ne pouvait etre que tres profonde 1 1 " '. Une desgrandes innovations fut de permettre une vision panoramique et une uti-lisation tres souple de l'espace due it l 'absence totale de piliers, Seulesdeux gaIeries laterales et deux tribunes emplissaient l'espace vide de ce({vaisseau unique au monde 1 1 '" . S'il fut utilise pour des reunions sportives,tout autant que pour Ies concours gymniques, les spectacles de cirque. lesexpositions de peinture, l 'abri provisoire des troupes de passages, etc. ,c'est que, par son immensite, son amenagement et son succes, il constituaitune boite a tout contenir. C'etait la plus grande salle, Ie plus vasteespace couvert qui soit au monde l> " . Espace sans destination precise 25,sinon de rassembler des masses. Un forum en quelque sorte, Mais aussiun champ d'experiences : H i sont mises au point des tactiques collectives.Consacrer des lieux faciles it envahir et a evacuer, assez vastes pour yfaire maneeuvrer des multitudes, leur ouvrir des espaces ou elles s'agglu-tinent, ou disparaissent les hierarchies, les differences, Ies statuts quiisolent, ou les individualites s 'egalisent pour mieux se coaguler et offrirainsi Ie spectacle d'un enthousiasme unificateur, c 'est ainsi qu'on remerit neuf un peuple. Car cette multi tude enthousiaste, rassemblee par cetteoperation architecturale qu'est Ie stade, est bien la promesse d'un peupleregenere par l'exercice physique. Le stade est le berceau de son epuration,

    La communion athletiqueLe colonel Amoros ecrivait en 1839 : la methode legitime - c'est-a-dire la gymnastique - s'arrete ou Ie funambulisme conunence etcelui-ci commence ou I'utilite d'un exercice cesse : ou Ie noble but de Iagymnastique qui est de faire du bien, est sacrifie au frivole plaisir d'amuser

    22. Ibid., 396 .23. Ibid. , 398.24. E. Henard, op, cit., 112. Aucun mensonge, ecrit-il, dans l'emploi desmateriaux ; aucune rouerie decorative pour masquer une faiblesse de structure;tout est net, franc, loyal. Los lignes de I'edifice sent d'une grande allure et d'unebelle simplicite. II est impossible, lorsqu'on penetre dans la grande nef', d.e ne passe senur impressionne par sa puissante maieste ... Cost une superbe manifestationde l'art modeme du fer. 111-112.25. Qui res s emble fort a la plupart des projets de cirque. elabores dans lesdix demieres annees du xvnr siecle, Cf. Fr. Boudon, K Un projet de stade devantla colonnade du Louvre au debut de I'Empire , Bulle tin de la Societe Francoised'Histoire de l'Art, Paris, 1973 , 245.

    31

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    6/21

    AIMEZ-VOUS LES STADES?

    et de faire des tours de force 1 1 "_ Or, dans Ie choix exclusif entre I 'exercicefroid de la gymnastique et Ie spectacle forain va s'inserer Ie sport. Carcette limite de Ia gymnastique que represente l'amusement du spectacleet Ie plaisir de l'exercice physique est precisement le vestibule du sport.Eduquer en amusant, c'est ce qui est a la fois au principe de la pedagogicsportive et de ses methodes de recrutement ". En effet, construire dess tades, c 'est cer tes reglementer I 'aff rontement des adversaires , mais sur toutmettre en scene une pedagogic destinee aux mul titudes,

    Le spectacle de la competition s'est rapidernent voulu nne le90D de((savoir-combattre J), comme on dit le savoir-vivre : le modele d'une codi-fication des epreuves de forces que chacun rencontre dans sa vie quoti-dienne. Incorporer les foules dans la pratique sportive ne signifiait passeulement forger un peuple physiquement en forme. mais encore develop-per un type de sociabilite combative" dans une societe a u la vie commen-cait a etre concue comme une Iutte, ou I'on repetait sans cesse que iIIetemps est passe des joueurs de flute, des esthetes et des jeunes malades.Les heros qu'admire la jeunesse sont des hommes d'action ". Dans unmonde hante par une decadence qui n'est autre que le spectre de I'impuis-sance ft agir, Ie spectacle de l'affrontement qu'est la competition ferasurgir l'espoir d'un peuple energique, pret it I 'act ion, toujours aux aguets.Car le theme de 1a lutte est ce qui organise Ie sport tant au niveau del'ent ra inement qu'a celui du spectacle de masse.

    Le sport s'est organise historiquement comme nne vaste pedagogic deI 'aff rontement "" .E. Seil liere, dans Ie l ivre qu' il a consacre a P. de Couber-tin, ecrit : a 1 1 [Coubertin] DOUS a montre son jeune sportsman retrouvant,a l'iige d'homme, sur Ie terrain de Ia lutte vitale, toutes les emotions,toutes les peripeties, qu'il a connues, toutes Ies victoires morales qu'il a

    26. Nouveau mOf lue/d '(Jducation physique, gymnast ique e t morale, Paris , 1839,cite par J, Defr ance, ~Esquisse d'une histoire sociale de la gymnastique , Actesde la Recherche en Sciences Soc ia les, no 6, decembre 1976, 34.27. Sur lea rapports entre plaisir et pedagogic sportive, cf, A. Ehrenberg,Archanges, guerr ler s, m il ita ires e t sport if s - Essai sur i 'education de l 'homme fort ,These 3' cycle de sociologie, Paris X, tome I, chap. 7.28, Sociabilite qui depasse Iargement l'ethos du fair-play et de Ia loyaute.Fair-play qu'on peut definir avec P. Bourdieu comme Ia maniere de jouer Ie jeude CCU)( qui ne se laissent pas prendre au jeu au point d'oublier que c'est un jeu,de CCllX qui s avent rna in teni r la tt dist ance de role , comme dit Goffrnan, impliqueedan!! tous l es r31es promis aux futurs d ir igeant s 1I. ePrat iques sport ives et pratiquesaoc la lcs " Colloque HISPA, 1978, 21.2

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    7/21

    A1MEZYOUS LES STADES?

    Le peuple fra~ais t ie/eve contre la tyrannie, elle enonce et verifie quel 'Etat republicain n'existe que dans Ia resolution de ses citoyens M. Carce n'est pas I 'Etat qui, dans la guerre, s 'eleve, mais bien Ie peuple, sourcede toute energie, La relation que la guerre etablit entre l 'Etat et le peuple-la mobilisation generale - permet d'atteindre la forme la plus pure devolonte generate: c 'est la nation en armes. Est ainsi obtenue cette colnci-dence du peuple et de l'Etat qui est au principe du discours politiquedepuis au moins la Revolution francaise.Le projet athletique a I'ceuvre dans la competition n'est pas autrechose qu'une derive pacifique de la mobilisation generale 1 1 6 :L'echelle courante du sport est celie des plus grandes manifestationsde l'activite humaine. La guerre, bien entendu reste hors concours. Etencore. Depuis peu, ce ne sont plus les cohues de spectateurs qui four.nissent les totaux les plus impresslonnants, mais - et cela vaut mieux-celles des pratiquants. A Loccaston d'une jow'nee de propagande, lesAllemands ont reuni, sur l'ensemble des stades du Reich, plusieurs mil-lions d' athletes. On atteint, cette iois, a un etiectti de mobilisation. Descentaines de milliers de curieux, certains spectacles peuvent les deplacer.Ce n'est qu'une question de publicite, de compression et de transport. Maismettre en mouvement un million d'athletes sur 5 000 stades, ceJarepresenteune somme d'energie et d'enthousiasme que seul, a Lheure actuelle, lesport peut susciter. A ce degre d'ampleur, l 'athlet isme devient une egliseet tout un peuple, a la meme heure communie dans le sport, comme il ale marin communis dans la prlere -'8.

    34. Resolution a affermir Ie droit , a dMendre la pat tie, e tc ., peu Importe.35. L'analogie entre le projet athletique et le rusCOUI'S politique revclutionnaireest visible dans de nombreux textes. Par exemple : u Une nation, comme unindividu fatigue est toujours prete It obeir au maitre qui s'impose fortement,brutalement. Ayant le sentiment de sa faiblesse, elle a besoin d'un tuteur; inca-pable d'attention et de volonte progee, elle abdique dans la suggest ibi li te e t lesoobisme. Sans maitrise de soi-msme, pas de Iiberte, La raison doit primer Iapassion, mais la fatigue exacerbe la passion. Ph. Tissie, La fat igue et i 'e ll /rat -nement physique, Paris, 189, 177.38. I. Dauven, Le sport, coll. Que sais-je 1, Paris, 1942, 16-17. En France, unessai du meme style a e t e tente en 1942, mais avec une mise en scene plusmilitaire que sportive, c'est le Serment de I'Athlete. En 1942, c'est Ie meme jour,le dimanche 17 mai que dans tous les chefs-lieux d'Aeademie sera solennellementprllte le ~ serment de l'Athlete . La marche des fantassins avec sa cadence rapide,correspond sans doute au tempo du jeune Francais. C'est a ce rythme, dansnotre pays, qu'on passe de la conscience a Faction collective. n y a Ill, pour unenation, un phenomene d'une importance vitale, et c'est pourquoi Ie passage d'unetroupe francaise, musique eo tete, laisse un accent inoubliable d'allegresse et devlncit!!. Les sportifs se sont complu trap longtemps en France, dans la conscience34

    AIMEZ-YOUS LES STADES?Un peuple entier courant plein d'entrain sur les stades, oil I 'eli te et lamasse se fondent en un meme corps, la democratic n'a pas su Ie produire.P?urtant, transformer des multitudes en une franc-maconnerie du plein-arr 1I 99 en quadrillant un territoire d'espaces destines a la mise en scene deI'exercice physique a ete son objectif ",Le probleme majeur de l'organisation architecturale semble bien etre,

    en cette fin du XIX' siecle, la massification du spectacle sportif. Ainsi, aumoment oil vont etre organises les deuxiemes Jeux Olympiques, en 1900a P~, ~s le cadre de l'Exposition universelle, il n'existe qu'un seulterrain digne de ce nom : celui du Racing au Pre-Catelan, Mais I'ame-nagement est... defectueux, ilest impossible d'y attirer la foule et Ies spec.tateurs ne peuvent pas suivre toutes les peripeties des courses, il seraitmeme impossible a Ia majorite de ceux que nous pourrions recevoir, ecritL.Manaud, de s'interesser aux epreuves qui se disputeraient lin.Le cas des velodromes caracterise parfaitement Ie probleme de 1aconstitution d'une architecture sportive de masse. D'abord, pratique desclasses moyennes dans les annees 1880, la bicyclette devient, dans 13.decennie suivante, un spectacle de masse. Ces annees voient l 'erection de

    ~ leur inutile superiorite, lis se sont trop longtemps contentes d'avoir raison ensilence. lis s~ sont tr?p longtemps bornes a un proselytisme discret et commehonteux. Mamtenant s ils veulent forcer les partes de l'avenir, s'ils veulent pro-cl~er Ia v~rite dont ils sont depositaires, s'ils veulent passer a faction, il fautqu l i s se decident a marcher au pas cadence. Commissariat a l 'Education Gene-rale et !lUX Sports, Le Serment de l'A thiete, s.l .n.d., non pagine,39. Ph. Tiss ie , op. cit., 339..40. Ains i, P . de Coubert in , qui s'est beaucoup interesse au sport ouvrier teri.vatt : Qu:estce que Ia question sociale it bien des egards , sinon Ie produi t' d 'une~gglomeraHon de . ~ ressorts tendus par la colere 1 Cest pourquoi il n'y a paslieu ~e s e rnouvoir parce que des socletes sportives uniquement composees det ra ,, :rul leurs ma '; lu~ ls refusent de laisser leur s membres se mesurer avec des bour-geOIS~. Ce qUI I~porte, ce n'est pas comme on le repete It tort, un contact~aten~] , dont, a l,~eure. actuelle, " ! 1 ' : saurai t resul ter aucun rapprochement mental ;c ~t bien , plutot l 'ident ite ~u plaisi r go11~ .. Que la ic: :unessC;bourgeoise et p role-tanenne s abreuvent a la rneme source de joie musculaire, voila l 'essentiel : qu'elless 'y rencon tr ent , ce n' es t, p resentement, que l 'accesso ire . De cet te source d~couJerapour .l'une co~e pour l'~utre, la bonne humeur socia le D. Pedagogie sportive:op. c~t., 145. L ~portant ill. est pas que bourgeois et proletaires s'affrontent dansdes n.tuels sportifs - cancanire de lutte de classes que seules les RelationsHumames seront . assez ~nalves pour lItilis~r -, mais qu'ils les adoptent, qu'ilsprennent des habi tudes communes afin de eimenter leurs r elations41. L. Mana~d. a~chitec.te. Rapport tl ta section des exercices physiques pourpreparer un protei d organtsanon de concours iruemationaux de courses a piedset de concours athletiques, AN F12 4277, 4.

    35

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    8/21

    AIMBZVOUS LES STADES?v~lodromes dans toute la France "", dont Ie plus fameux sera celui deBuffalo Bill construit sur I'emplacement du cirque portant Ie meme nom.Son proprietaire n'et ait pas un sportif, mais un ecrivain : Tristan Bernard.Un autre proprietaire, et un des premiers cons tructeurs , etait ClovisClerc. patron des Folies Bergeres, En meme temps que les pistes decourse se multiplient, la competition change de fonct ion : de simple moyend'organiser l'affrontement entre les pratiquants, el le devient un spectaclede masse, destine essentiellement aux couches ouvrieres urbaines ". Latransformation de l'architecture des velodromes le montre bien. Celui deVincennes, construit en 1894 pour servir de champ d'entrainement . e strenove pour les Jeux Olympiques de 1900. On agrandit la piste et surtouton installe des tribunes pour les spectateurs. Car, crit n 'existe pas actuel-lement de tribunes autour de la piste de Vincennes, ecrit Felix Roussel.ancien president de l'Union Velocipedique de France. Elle est plutot fai tepour ceux qui en usent que pour ceux qui regardent. Le caractere memede l'Exposition exige l'instaUat ion de tribunes pour le pub~ic ". ~'orga.nisation de l'espace, mais aussi Ia qualite du spectacle doivent aturer lafoule co. Et, celle-ci doit peupler le stade comme son omement. Car.

    42. M. Cherie, Le cyclisrne in Almanaclt des sports, sous la dir. de M. Lendet,Paris, 1899, en denombre 300 sur toute Ia France.43. Cf. R. Holt, Aspects of the social history of sports in France, 18711914,Ph. D., Oxford, 1917, chap. 5.44. Fel ix Roussel Commission des concours d 'exerc ices physiques pour l 'Expo-si ti on de 19fX) , Rapport de la sous -commlss ion ye/ocipediif'. A.N. F 12.4278, .6-7.Sur Ie m8me theme Quentin-Bauchard, conseiller municipal de Pans, ecrit : Depuis Iongtemps, j '~vais . emis da~s dive.rs journaux sport ifs l 'idee de I 'ins tallat ionde gradins autour de la piste, gradms qUI t ransformeraient Ie n~uveau , :el~dromeen de ~ritahies arenes velocipediques, rappelant Ies aren~. antiques, dlssJ?luleesdans la verdure offranr un coup d'ceil chaioyant et artistique ... Construites dela sorte, les nou~elles ~arenes velocipediques presenteraient un vtlodrom~ uni9uedans Ie monde ent ier . E ll es off rirai en t pour 1900 un spec tacle nouveau, qUI devien-drait, POUf le sport velocipedique, le clou veritable d.e l 'Expos!t i0Il :' D Rapp

    AIMEZVOUS LES STADES?

    dans ce lieu majeur du rassemblement qu'est le stade, point n'est besoind'ornement, de faste. Son archi tecture n'exige point de matiere luxurianteparce que tout son faste est dans le rassemblement qu'il attire. Parexemple : ({Elles n'aura ient pas besoin, ces tribunes, d'affecter Ie caracteregrandiose de ces superbes construc tions en fer qui seront en quelque sorte,Ia marque de I'architecture de Ia fin du XIX' siecle ; it ne serait pas nonplus necessaire qu'elles prissent l 'immense espace des tribunes d 'un hippo.drome; il suffirait qu'elles fussent amenagees simplement , mai s commo-dement ", Mais, il ne suffit pas d'omer, i1 faut encore amenager l 'espaceinterieur, organiser I'acces et Ia circulation de telIe sorte que les speeta-teurs puissent investir leur energie dans une participation effective auspectacle et marquer que la foule n'est pas l'int ruse 47. Amenager l'espace,c'est :

    - Se preoccuper du confort des spectateurs : crn est etabli, ecritA. Feuneville, charge des travaux et instal lations pour la 26' fet e federalede gymnast ique au velodrome de Vincennes, des gradins en terre destinesa recevoir des spectateurs debout et sur plusieurs rangs de profondeur.Precisement eette disposition parut ne pas etre convenable pour une fete degymnastique; et il est necessaire de couvrir ces gradins en terre pard'autres en bois. communernent denommes tribunes oil chaque rang despectateurs se trouve en contre-haut du rang precedent. ce qui permet ataus de voir sans peine. Ces tribunes offrent de plus l'avantage d'avoirdes sieges et d'etre couvertes d'un toit leger et closes au fond. On protegeains i Ie spectateur contre la fatigue d'etre debout et contre le soleil et lapluie II'

    - Assurer un spectacle sans reproche : ({La dimension de la pistequi parait Ie mieux avoir satisfait Ia double exigence du sport et du spec-tacle est celle de 500 metres. Plus petite. elle est imparfaite du point devue sportif. Plus grande, l'experience a demontre qu'ell e a I'i nconvenientd'eloigner par trap. a certains moments, Ies coureurs des yeux du publi c.et par consequent de rendre Ia course difficile a suivre pour Ie specta-t eur ]) '9.

    46. Quentin Bauchard, Expose.:: ibid" 23.47. e Ce lieu de reunion dominicale et de collaboration (car les spectateursdu sport sont des . . . col laborateurs) all grand ceuvre de r egeneration physique dupays, ce Slade municipal.: ne sera pas le moindre gage des temps nouveaux,O. Rozet, Le football, sport national et le stade communal, Par is , 1917, 12.48. Rapport adresse a D. MeriIlon, dtIegue general des concours d'exercicesphysiques et de sports a l'Exposition de 1900, A.N. F 12 4277.49. Quentin Bauchard, Expose .. ., op. c it . . 18.37

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    9/21

    AIMEZ-JlOUS LES STADES?_ Repartir les spectateurs de facon a ce que puisse etre organisee'leur surveillance: 1 1 1 1 faut I 'entourer [la piste] de constructions extreme-ment coateuses dont le prix s'eleve chaque annee par la force meme deschases, par Ie succes marne du Grand Prix qui a toujours e te croissant.Ce n'est pas tout . Par suite du caractere provisoire de ces installations.cl les nccessi tent les depenses d 'un service d 'ordre considerable (it necomprend pas mains, le dernier dimanche, de 325 hommes) qui n'a riend 'exagere si l 'on songe que Ia piste n 'a point de cloture exter ieure, et qu'apart Ie service interieur, c'est un treillage de pres de 2 kilometres delongueur dont ilfaut assurer la garde, De plus, i l y a I' impossibi li te mate-rielle a etablir, entre les diverses categories de places, une communicationquelconque, puis a faire, pour les coureurs, un passage autre que celuiqui traverse Ies places reservees au public. d'ou des difficultes de controlequi, malgre toutes les precautions, suscitent des conflits avec Ies specta-teurs , et mettent les organisateurs dans la necessi te de se pourvoir d 'unpersonnel de controle tres nombreux et par suite tres onereux ", Larondeur ou l'ellipse des formes, l 'absence (au moins relative) de cloison-nement, la vision panoramique, tous ces elements favorisent certes la

    coordinat ion des masses et la gestion de leurs emotions. Mais surtout, Iestade apparait comme un II espace panoptique inverse II. Son amenage-ment ne vise pas a organiser un lieu ou taus peuvent etre vus de quelques-uns, mais ou tous peuverit tout voir en meme temps que tous peuventetre vus. L'important c'est le regard sans obstacle: iI est la condit ion del 'edification des masses en meme temps que de leur survei llance.Pourtant, cette rnassification de l'assistance, objectif constant des orga-nisateurs de concours, va etre correlative d 'une transformation du statutdu spcctateur : non plus un amateur de sport, susceptible d'etre transformeen pratiquant, mais un danger pour le sport.Les masses, plaie du sport

    Cette representation d'une masse directement edifiee dans et par lestade en receptacle d'une pedagogic fait rapidement l 'objet d'un conflit destrategies, des l'oree du xx- siecle, En effet, la strategic de popularisationdes sports par la competit ion entre rapidement en contradict ion avec lespreoccupations educatives d'une partie des promoteurs du sport. On50. Ibid . . 23 .

    38

    AIMEZ-VOUS LES STADES rs'apercoit que la popularite du spectacle sportif n'est pas necessairementliee a la diffusion de Ia pratique des exercices physiques. Le stade, organede constitution de masses sportives, devient Ie lieu d'un melange incertain.II n'est plus l'introduction directe a cette discipline qu'est I'entrainementsportif,

    IILes architectes, ecrit P. de Coubertin dans Pedagogic sport ive, . ..s'attachent a concevoir de grandes halles ou ni l 'esthetique ni l 'hygiene niIa technique ne trouvent leur compte. Leur idee sembJe de reunir le plusde sports sous les yeux du plus grand nombre de spectateurs. Mais cen'est Ia qu'une preoccupation de festivaL Ce qu'i l faudrait maintenant ,ce sont., des petites cites d'athletisrne ou bien des pares sportifs ouverts~ tous et destines a Ia population tout entiere 51. Dans ces quelques.l ignes est bien souligne r u n des conflits majeurs qui traverse le sportdepuis Ie debut du xx' s iecle : celui qui oppose l 'assistance au spectaclesportif et Ia pratique des sports.En 1921,au moment ou P. de Coubert in publie sa Pedagogle sportive,les lieux de Ia pratique sportive sont encore rares, si l'on excepte Iesgymnases disperses, souvent diffici les d'acces ". I ls sont, de plus, t ropspecialises ", La seule societe sportive a posseder un equipement omni-51. P. de Coubert in, Pedogogie sportive, Par is , 1972, 148. I l s' ag it d 'une reedi tiond'urr texte paru en 1921.52. I: a gymnast ique se dif fe renc ie du sport a cette epoque tant par Ie type depedagogie lDl.se en ceuvre que par l'appui scientifique utilise (cf. sur ces deuxpomts, G. Vigarello, Le corps redresse, Paris, 1978), Ie type de clientele auquelelle etait destinee et ses r eferents poUtiques (sur ces deux poin ts ct . par exernpleE. Weber, art. c ite, 96 et suivantes), ".53. Au sujet de son projet de Pare des Sports au Champ de Mars Henardecnt.: ~outes Ies societes sportives se plaignent de la difficulte de Ir~uver desterrains d ent ra lnernent e t d 'epreuves s . Op. cit., 124.54 . Que doivent etre Ie gymnase et Ie stade moderne ? On demandait a laConference [du Comite Inte~~on~l Olympique] de Ie determiner ... Il lui a paruque Ie gyrnnase mod~me n avait rien de rrueux a faire que de reproduire, danss~ conceptionsessentielles, Ie gy~ase antique : c'est-a-dire qu'elle a suggere un~ce .groupant autant que possible tous les sports et compose d'espaees de

    plein al~ entoures d'abris , f 'acul~tifs . n est evident que rien n'est plus illogique~ plus in commode que 1eparp illement actuel d es etablissements de cultur e phy-slqu,e.. Maneges, salles d '.armes, p iscines soo t iso les Ies un s des au tres, separ esparto is par, de grandes distances;. une t~lle organisation in cite a la specialisation,arrete Ie developpement de la veritable Idee sportive qui est une idee d'ensembleet augmente ,bea~coup, I es f rais ; elle est dODC tr ip lement defeetu euse ; quad ru-plemen t car I hygiene s e n trouve f ort mal; beaucoup d'exer cices, l'escr ime surtout,se pra~lquent de, l a sor te daJ?-sdes locaux c los e t insuf fi samrnent aeres , a lors qu' onpourra~t fort ~len les pratiquer en plein air. ~ Les decis ions prises , RevueOiympique, mal 1907,86. Le terme gymnase a bien sOr iciune acception beaucoupplus large que celle de lieu ou on pratique la gymnastique.39

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    10/21

    AI ZVOUS 1.11S STADES? 1ft elt Ie Racing-Club de France dont le s instal la tions sont situees auPrt-C'olclnn ; la Revue Olympique, organe du Comite International Olym-pique, pn!side par P. de Coubertin, donne de nombreuses informations(aouvent apologetiques) sur le s manifestations etrangeres, mais n'indiquericn en cc qui concerne la France"; le premier modele francais n'estuHlise qu'en 1913 : c'est Ie College d'Athletes de Reims ". Par contre, lescspaces de spectacle semblent pullu ler : les velodrornes couvrent Ia FranceII l a fin du XIX' siec le ; de grands stades sont eriges dans tout l'Occident" .les hippodromes foisonnent . Le succes du spectacle sporti f semble enorme,mais cette passion ne semble guere se refleter dans In pratique des exer-cices physiques. La competition devait produire une massification del'entrainement, or, si I'on en croit les temoignages apportes surtout parles Coubertiniens, cette massification ne se fait que SUI' Ies gradins. Lestade leur apparait comme nne arene ou le peuple demande des jeux.Les masses qui se fonnent ainsi dans le s stades semblent resister l) a Inregeneration. Entre Ie spectacle et la pratique de l'exercice physique, unIosse se creuse qui inaugure nos debats actuels sur Ie sport de masse et lesport d'6Iite.

    Le changement d'attitude d'une partie des promoteurs du sport mesemble 8tre en grande partie lie tant a Ia transformation du statut desspectateurs qu'a celui de Ia competition. Le sport, en se popularisant,devient, en ce debut du xx' siecle, non pas une pratique populaire (cequ'on peut partiellement expliquer par Ia duree du travail et par Ie typede clientele auqueI Ie sport etait destine a ses debuts : Ia jeunesse bour-geoise et aristocratique), mais un spectacle populaire". Les sports qui sesont diffuses dans la masse, I'ont et6 sous forme d'nn spectacle. Le casde la bicyclette est ici encore exemplaire, En meme temps que l'assistanceaux competitions s'etait massifiee, Ia bicyclette utilisee comme moyen detransport et de loisir se developpait, Mais cette clientele etait differentede cel1e des velodromes, De plus, le comportement de cette derniere n'aplus de rapport avec ce qu'on exige du spectateur : les incidents etaient

    55. On moins jusqu'a 1910. Je n'ai pu trouver les aanees suivantes en France.La collection complete se trouve au siege du C.I.O., en Suisse.51, . Ct. J. Raymond-Guasco, Le Coll~ge d'Athl~tes - Ecole francoise deI'ldu('{l/jon physique et des sports, Paris, 1913. Ecole de renaissance phys ique J( 17 ). e lle a e te Ie premier cen tre nat ional de format ion d' ins tructeurs et d' ent ra i-nernent de champions nationaux.~7. On en a mis partout , s'ecrie un membre du C.I.O.; e Stades ancienset srades modernes s Revue Olympique, avril 1910.58. Cf. R. Holt, op, cit., chap. 5.40

    AIMEZ-VOUS LES STADES rsemble-t-il fort nombreux, la police et Ia troupe etaient souvent appeleespour assurer l'ordre dans les courses les plus importantes. Les organisa-teurs introduisirent meme, pour varier Ie spectacle, des nurneros d'acro-batie sur bicyclette, d'animaux et des representations de musique negre so.Le cyclisme represente certes un cas particulier, dans Ia mesure on ilest Ie premier sport professionnel et le premier sport auquel soient interressees l 'industr ie e t la presse eo . Mais les autres sports, malgre nne popu-larite inferieure et line cliente le appartenant p lutot aux couches moyenneset superieures de la bourgeoisie. connaissent, selon les observateurs del'epoque, les memes problemes ou, tout au moins, sont susceptibles de Iesconnaitre '"b!s. D'ou I'emergence d'une critique de la competition et de sesexces chez une partie des promoteurs du sport. et dont les Coubertinienssont le fer de lance .1 . Elle apparait a leurs yeux non plus comme l'axed'une regeneration, mais comme Ie risque d'une degenerescence de lasociabilite sportive. Ainsi, dans Ia Revue Olympique qui constamment.'Iefait la voix de I'orthodoxie, on trouve Ie texte suivant :~Nous sommes bien obliges de le repeter, le spectateur sportii estdevenu une plaie. II abaisse le niveau moral du sportsman, lui inspire despreoccupations etrangeres a I'acte qu'il accompli! et des ambitions qui nesont point nobles. Or, quand on a construit un stade avec vingt milleplaces dedans, i l [aut bien Tuti liser. Sf un athlete accepte bien de jouerou bien de combattre sans presque de spectateurs, il lui sera ires desa-greable de le loire devant des gnu/ins vides. Alors on s' ingenie a learemplir , ces malheureux gradins. On bat le rappel . On cherche des occa-sions de fetes sportives. Et le sporti! devient peu a peu un acteur grisepar les applaudissements et touiours surexcite par Lasoii qu' i! en eprouve":

    59. Ces in fo rmations sur le cycli sme son t emprun tees a R. Holt, ibid . caap. 5.60. Cas particulier ou sport en avance? Car Ie cyclisme a e tc Ie premier spor ta etre constitue en medium de masse par Ia presse, Ce qu'est devenu aujourd'huile spectacle sportif dans son ensemble.60 bis. Ce sera le cas tres rapidement pour le football et le rugby, ct. R. Holt,op, cit., 89 it 91.61. On trouve des critiques du meme ordre que celles des Coubertiniens chezdes personnages comme G. Hebert, directeur du College d'Athletes et dont lamethode naturelle s sera la doctr ine off icielle sous Vichy, ou Ph. Tissie, quise sont plutOt preoccupes de l'education physique que des sports proprement dits,62. Ce theme de l'athlete transforme en acteur traine un peu partout, PourHebert, L'educat ion physique con tre le sport , Paris, 19, la competition transformeI'athlete en un u cabot sportif puant de vanite (59). Pour Ie baron de Vaux,Le sport en France et il l 'etranger - Silhouettes sportlves, Paris, 1899, e le sporta cesse d'etre une dist ract ion elegante, un hygienique passe-temps, POUl ' deveni r

    41

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    11/21

    AIMEZ-VOUS LES STADES?Leurs crepitements resonnent d'avance dans ses oreilles et, du veritableathlete tel que nous cherchons a Ie [aire revivre pour l'ennoblissement dela civilisation presente, il na bientot plus que le nom 63.

    On percoit, dans ce texte representatif a bien des egards, de la critiqueinterne de la competition, qu'une rupture radicale apparait entre l 'assis-tance au spectacle et l'incorporation a Ia pratique des sports. Mais, plusque Ie statut des spectateurs, c'est celui de la multitude qui est en jeu, Sonelan n'est plus Ia promesse d'un avenir radieux, mais Ie presage du chaos.A la place de I'enthousiasme eclaire par la raison d'un bon spectacle, ontrouve l'instinct qu'il faut dominer. Ce theme, present chez taus ceuxpreoccupes d'eduquer la masse, organise la psychologie des foules. Lafoule, c'est l'ennemi collectif du social. la presence permanente de la bar-barie au milieu de Ia civilisation; c'est une puissance de destruction. EIleest l'ineducable ennemi parce qu'elle est un furieux demultiplie. Sonenergie ne vient pas affermir la sociabili te : eUe est plutot Ie signe de sonepuisement. La psychologic des foules. ecrivai t G. Le Bon, est ( la der-niere ressource de l'homme d'Etat qui espere, non pas Ia gouvemer -ceci est devenu trop difficile -, mais au moin s ne pas se laisser gouverne rpar elle l> G4.L'image de 1assistance, masse molle educable par Ie simple fait qu'elles'est deplacee, se brise, D'ou l'enonce de nouvelles tactiques qui, autravers de l'organisation architecturale des stades, ne sont pas autre choseque Iamaterialisation de deux manieres de forger et de gouvemer desmasses.

    une occupation exclusive, absoroante, lorsqu'elle n'est pas un moyen .de gagnerde I'argent, un vrai metier. De eet abus du sport la. race dc:s profe~swnnels estnee, Elle a grandi rapidement, surtout grice au cyclisme 9l11, env~ss~t toutesle~ classes de la societe, a fait pulluler le snob, cet etre r idicule 9 - U l adm~re sotte-ment ce qui fait tapage ... ~ (tome 1, 134). Cet ouvrage est une defense d un sportpurcmcnt aristocratique.63. Trop d'argent , sept. 1910. Les memes themes sont abordes dans la revueen mai 1' )07 , e Trop de concours ~'. . . . .M. Psychologie des joules, 2' ed., Pans, 1896, 8, CIte par R. Nye, The o_ngmsof crowil psychology - Gustave Le Bon and the crisis of mass democracy III theThird Republic, Londres, Beverly h il ls , 1975, 77 .42

    I

    AIMEZ-VOUS LES STADES ?

    EDUQUER OU MOBILISER?

    On pent done deceler trois etapes dans l'evolution des rapports entrepratique sportive et assistance au spectacle. Tout d'abord, rune et I 'autresont contondues : regarder e t pratiquer, c'es t du pareil au meme. Ensuite,aux alentours des annees 1880, avec l 'introduction des sports anglais etle developpement du cyclisme, Ia norme qui definit le sportif, c'est la pra-tique de l'exercice physique dans un rapport d'affrontement. Le spectateurest alors l 'embryon du sportif et le passage de run a l'autre s'effectue parIe spectacle de la competition. C'est Ie schema elite/masse traditionnel.Construire des stades, garantir Ie confort des spectateurs, assurer unspectacle sans reproche, cela suffit a forger des masses sportives. CommeIe soulignait G. Rozet ss , Ie pratiquant est un benedictin, il est Ie frereprecheur de l'athletisme et Ie stade est son eglise O U viennent se presserIes fideles, Le deplacement des masses, leur communion suffit a leur edifi-cation 6 : Ie contact physique est conducteur de pedagogic. Dans unetroisieme etape, qui nait au toumant du siecle, ce n'est plus la croyanceen une spontaneite qui organise la pedagogic architecturale, mais unschema plus comp lexe , Les multitudes qui se rassemblent, que ron ras-semble, ne sont plus considerees comme reoeptives, par le simple regard,a Ia discipline sportive. II ne suffit plus d'exalter leur ardeur, leur enthou-siasme afin qu'elles basculent dans Ies bienfaits de I'entrainementphysique; la combativite disciplinee des adversaires venanteclairerl 'enthousiasme des foules mobilisees, leur indiquer la voie a suivre. Aucontraire, entre Ie rassemblement et la discipline une cassure s'est pro-duite : la massification du spectacle sportif n'est plus la promesse deIendemains athletiques. Le rapport entre l 'un et l 'autre n'est plus ni trans-parent ni lineaire, mais complexe. Ce basculement du discours va donnerlieu it deux tactiques des masses Iisibles a travers deux manieres deconcevoir l'architecture des stades,

    65. Cf. Supra., 28.66. Les promoteurs du sport ont utilise 11 . leur insu la pedagogie des masses11 . l'oeuvre dans la f~te et le theatre revolutionnaire francais. Pour Ia f~te, cf.M. Ozouf., op. cit., passim.

    43

    ___ _

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    12/21

    AIMI!7.-VOUS LES STADES?

    Une tactique educativeElle se donne pour objectif de restaurer une certaine dignite dans lecomportement des spectateurs, afin de Ie rendre adequat a celui desadversaires qui s'affrontent sur Ie terrain. Au fairplay de ceux-ci doit cor-

    respondre la bonne conduite de ceux-la. On reve ainsi de constituer lespectateur dans ce qui doit etre sa difference radicale par rapport au pra-tiquant : au pice, quelqu'un qui vient gofrter dans Ie calme un pur spectacle.qui va au sport comme 'on va au thMtie ; au mieux, un croyant de lapratique sportive susceptible d'etre transforme en pratiquant (ou encore,un sportif qui vient voir ses camarades s'affronter). On retrouverait ainsil 'exemplarite originaire des premieres competit ions - exemplarite parailleurs toute mythique puisqu'on y pariait et que les vainqueurs recevaientdes prix en espece ".Premiere regle : il [aut que taus puissent tout voir. On evitera lespiliers, ce que permettra dans les annees vingt l'utilisation du cimentarme "';

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    13/21

    AIMEZ-YOUS LES STADES?

    d'un chateau fort de I'energie physique 1 J " , Laaussi, l'aspect austere, gravequi caracterise la monumentalite est souligae, Mais c'est l'aspect aseptiqueplutr,t que la magnificence antique II qui doit ici frapper l'esprit. LeStadion est un temple de I'hygiene qui symbolise la vigueur de tout unpeuple. Il materialise Ie rsve exprime par P. de Coubertin : (I L'humanitequi se trouve libre de s'adonner au luxe de I'esprit ou a celui de Ia chairdoit . sous peine d'une decheance rapide et complete, se creer des jardinsde bravoure et des piscines de rudesse, Libre a eUe de les entourer, cesjardins et ces piscines, de tout ce que l'art et la fortune peuvent y ajouterd'elegance et de raffinement, rnais il faut qu'au centre se retrouvent Ieselements de vigueur et de volonte qui forment notre hygiene morale etque rien ne saurait remplacer ". Le stade devient un espace ou se melentIe regard et l'action, paracheves par nne symbolique sanitaire.Troisieme regle : selectionner et repartir les spectateurs. La grandeuret l'amenagement du stade doivent bien sar tenir compte du nombred'athletes et de la variete des competitions offertes. Mais it doit aussitenir compte du nombre des spectateurs. S'ils representent la plaie dusport, ils lui sont pourtant necessaire : l'assistance massive doit consaererl'austerite grandiose des Jeux Olympiques. Ils ne seront ni trop peu,auquel cas les Jeux perdraient leur majeste intemationale, ni trop nom-breux non seulement pour ne pas (l detruire l'esthetisme du cadre B'\ maissurtout parce que e techniquement l'assistance trop nombreuse et oadomine I 'element non sportif nuit au sport ", Ce calcul doit s 'accompa-gner d'un triage. La norme qui l'organise est la suivante : (t le spectateurideal en matiere de sport, c'est Ie sportsman au repos qui interrompt sonpropre exercice pour suivre les mouvements d'un camarade plus habileou mieux entraine, Voila Ie principe; on ne peut s'y tenir evidemment ;mais it faut s 'en rapprocher, Quant au point de vue artistique, non seule-ment Ia grande foule est Iaide par sa silhouette et sa couleur, mais it n'estpas facile de rendre supportable tout ce que cette foule exige pour etrecontenue : tribunes, enceintes, barrieres, guichets, etc. II'". Comment dones'approcher de ce principe? II serait possible d'utiliscr un systeme d'invi-tation, mais il ne faut pas oublier les contraintes financieres. On envisage7(,. G. Rozet. ibid., 154.77. Revue Olympique, decembre 1910, 180.711 Une Olympie moderne , no S, Les spectateurs , Revue Oiympique,f~v. 1910, 211.71). lbld .. 27.80. Ib id . . 27 .

    46

    AIMEZ-VOUS LES STADES?alors un systeme mixte ou une partie des billets serait vendue tres chere,tandis que l 'autre serait judicieusement distribuee. On obtiendrait ainsinne double clientele: d'une part, une population bourgeoise et aristocra-tique chez Iaquelle on est siir de retrouver les regles de bonne conduiteinherentes aux valeurs sportives; d'autre part, une population selection-nee ((avec tact et intelligence II st. II s 'agit done de selectionner le publicdu sport . Mais cela n'est pas suffisant : ilfaut encore le repartir, en tenantcompte de la contrainte de Ia vision panoramique, de telle sorte qu'il nefasse pas masse: {I it conviendrait d'eviter ees facheux gradins oil l'entas-sement s'opere ... Vous pouvez chercher a embellir nne tribune par tous lesmoyens et In placer au sein du paysage Ie plus avenant, elle dessinerapresque toujours un bloc hideux, Les pelouses et les terrasses permettentd'eviter cet inconvenient. U., les spectateurs ont la possibili te de se mou-voir. S'i ls se groupent, c 'est pour un instant " '. Si les silhouettes de leursgroupements sont vilaines, elles sont du moins changeantes 1 J " , Le publicserieux est un public clairseme, Tactique de decomposition des grossesmasses, qu'on met en mouvement afin de les rendre plus maniables,. Menager un :egard sans obstacle, inspirer Ie respect des Iieux, selec-bonner et repartir les spectateurs sont Ies trois axes de eette architecturee~~cative, de cette {I police disciplinaire ))'" qui decoupe, hierarchise, sta-bilise les toules pour les rendre plus flexibles, On me Ie bon grain del'~vraie : :'est ainsi qu'on forge des masses gouvcrnables. Car it s'agitbien de [aire la part de I'educable et de I'ineducable. La massification duspectacle sportif faisait du stade un melange incertain, parfois detonnant,ou les visees educatives voisinaient dangereusement avec l'exuberancechaotique de la fouIe. Ce qui semblait se marier si bien dans Ie premierprojet competitif devient objet de confli t : l 'enthousiasme produit par Ierassemblement s'oppose aux taetiques educatives. C'est pourquoi l'agence-ment de l'espace vise a degrossir le ~bloc hideux II de la foule it. Ietailler, le debarrasser de toutes ses scories. Elle n'orne plus le stade, Etcelui-ci est plutot concu comme un systeme d'epuration, II recompose ducontact physique, Ie dose afin de reconstituer la sociabili te sportive. Carla foule est sans sociabilite, sans lien : elle est la, pure multi tude rassem-

    81. Ib id. , 28.82. C'est m O L qui souligne,83. Ibid" 28.84. Je reprends iei 11 . d'autres fins une expression que Michel Foucault utilisepour definir la science : nne police disciplinaire des savoirs , cours au Col legede France, 1976.47

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    14/21

    AI' BZ-YOVS LES STADES?

    bl toujours susceptible de faire eclater les normes de bonne conduiteroprc .. 1 8 competition. EIle est une espece desenclavee de toute racineloci Ie. Or. c'est bien des racines sociales, premier temps de mobilisation,ue cette rchitecture tend a mettre en place afin de construire un peuple ap rtlr de la foule, deuxieme temps de la mobilisation. Ces deux temps80nt parfaitement mis en evidence par le docteur G. Danjou :

    Le cadre ici importe beaucoup pour rendre le jeu utile et sain, la joiereconiortante et douce; et c'est hors de la ville, [oumaise de destructionhumaine, loin du cate luxueux et du cabaret sombre et sordide, tous deuxnulsibles par leur atmosphere deMtere et nauseeuse qu'it [aut aller cher-cher ce lieu propice aux ebats. Je n'en connals pas de meilleur que lapelouse, la joli e pe louse verte ... [qui] serait la le grand peler inage annuelavec danses locales et chant s nationaux : la haine ce iour-la cederait enfinle pas a "amour, et, liberis pour quelques heures de leurs logis etroits, lapensee affranchie des souci s de l 'exi st ence quotidienne , l es c itadins gofit e-raient I'illusion de se [ondre dans Lharmonie universe lie ; un peu de vraieIraternite noltrai: entre les hommes 0$.

    - Je ne puis m'empecher de songer avec tristesse que dans cette villefeerique [il s'agit de Nice] ...pas une arne n'a songe a [aire don d'unepelouse pour ramelioration de la race humaine.: Elle cotaerait mainscher d'achat et d' entret ien ee tte pelouse qu'une sal le d'h6pital, des cel lulesd' alienes ou de ioreats, des sanatoria pour tuberculeux, des asiles poureniants arrieres ou idiots, etc., etc., o u nous accumulons a grand iraisce que Paul Robin" appelle non sans raison II, Ie fumier humain II. Est-cesur lui et par lui qu on compte ediiier l'homme de demain; vigoureux,res is tant , equll ibr, genereux et bon, necessaire a fa societe future. Peuimporte, semble-toil. La race ehevaline est en pleine prosperite, grace aune select ion soignee, une hygiene al imentai re eonstante , le t ravail quot i-dien mesure .. notre vieille race gauloise, qui se reproduit et se perpetueau hasard d'une sentimentali te i rrej lechie ou d'une sensualit e maladive,IUchi! maniiestement SOllS Ies coups repeles de fMaux ravageurs, don! unemeil leure sagesse de vivre pourrai t cependant avoir raison Of,

    K5. G. Danjou, QP. clt., 9-10. . ..K6 . P Robin ancien militan t revo lutionnair e converti au neo-malthusian lsmedent il ~ra l'u~ des fer vents pror noteur s en France. Cf. Fr. Ronsin, e Liberte-Nalalil6. Reaction et repression anti-malthusienne s, Lhaleine des faubourgs,Recherches, no 29. decembre 1977.87. O. Danjou, ibid., 11.48

    AIMEZ-VOUS LES STADES?

    Resserrer 1a solidari te pour fabriquer un peuple sain, OU, plus preci-sement , fondre des multi tudes dans le drapeau du stade en les rendant anouveau receptives a la pratique des exercices physiques afin d'extraire unenouvelle race d'hommes plus sages et plus energiques, c'est en cela qu'onmobilise . On ne travai lle la foule, cette II limaille fine peignee et renoueesans cesse par le passage d'invisibles diamants . .,b', que pour forger lepeuple. En faisant la part de I 'educable et de l 'ineducable, cette taet iquearchitecturale consti tue une maniere d 'a limenter la mobil isat ion par deIa discipline. en I'absence de laquelle elle serait sans Iendemain. La disci-pline eclaire de sa raison la mobilisation. Elle en est Ia lumiere, Elle endessine aussi les limites. Le stade n'est pas autre chose que la coagulationd'une mobilisation disciplinaire, Autrement dit, nne ecole du peuple.Une tactique de fa securiteLe stade, ecole du peuple ? Ces mots resonnent mal aujourd'hui. Siles masses font encore recet te dans les stades, c'est surtout d 'un point devue financier. Plus personne n'ose aujourd'hui dire que l'assistance massive

    au spectacle competitif est l'aperitif de la pratique de masse. Bien aucontraire. Les bonnes ames s' indignent des c exces D de Ia competition :chauvinisme; exploi ta tion commerciale, violence. Quand j 'ouvre Iejournal, declare A. Ferrasse, president de la Federation Francaise deRugby, je crams toujours d'y decouvrir qu'on a fait un mauvais sort arun de mes arbitres II ea. Pour J. Ferran, directeur de France-Football, laviolence est la consequence directe de l 'esprit de competit ion et de sesdeviations : chauvinisme et nationalisme 00. Les dignitaires du mouve-ment sportif alimentent une representation commune on le spectaclecornpetitif semble avoir decroche de toute visee educative. Entre l'assis-tance au spectacle et la prat ique des sports, toute connexion a apparem-ment disparu. Le stade est devenu Ie lieu d'un exutoire - msme si celan'est pas vrai de I'ensemble des sports. En Grande-Bretagne, chaque ren-contre de football susci te un mini etat d'alerte : les bagarres entre specta-teurs y sont monnaie courante , meme dans les pet ites vi lles . La barre quisepare Ie sportif du spectateur s'abolit dans une petite guerre de tous

    87 b is, J. Gr acq , Le rivage des Svrtes, Paris , 1951, 282.88. Declaration It l'Association I ntemationale con tre la Violence dans le Spo rt(A.I.C.V.S.), t Malin, 12 oct . 1979.89. Declaration It I 'A.I.C.V.S. retranscrite par Le Malin, 9 oct. 1979.

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    15/21

    AI . ~YOlJ!i I.ES STADES ?cunlrc IOUN, Cette guerre n 'est plus une simple eventualite, elle constitue

    prububi lil~ de la rencontre sportive,II ut-il alors fuir les stades pour s'entrainer dans la nature ou dansc ell p etite s cites d'athletisme II9. qu'appelait de ses voeux un P. deCoubertin ? Faut- il ne construire que des petits terrains de jeux, destinesexclusivcment a Ia pratique sport ive comme le pensaient les hommes duFront Populaire ", rejoignant ainsi Ie projet coubertinien ? Ou ne faut- ilpas plutot mener concurremment nn~ politique. de l'espace c~mpetit~ etune politique de l'espace de Ia pratique physique, comme 1ont fait Iegouvemement de Vicby" et Ies regimes quil'ont suivis ?Cette possibilite de Ia guerre, qui ne date pas d'aujourd'hui dans lesport, a donne lieu a nne polit ique de l'espace competi ti ] e t a nne tact iqnedes masses que j'appellerais de la securite. Un article, paru dans la RevueOlympique en mai 1906 sous Ie titre e emeute sportive D .' en doru:e latonal ite : On se souvient des incidents qui se sont produits sur l'hippo-drome de Longchamp voici quelques semaines, Le public, mecontent d'undepart plus ou moins correctement donne par le starter, exprima brus-quement sa desapprobation et voulut obtenir l'annulat ion de la course.N'y etant point parvenus, les manifestants se ruerent sur les baraquements

    90. Cf . supra, 39. ., 00 000 191. Leo Lagrange refusera le projet de construction d un stade de 1 . . p a~eset donnera la priorite aux terrains de jeux. Cf. C!'. Dardy e! S. DUPUIS, Histoiredes equipemems sport it s e t mi se ell place d'une polit ique sport ive, contrat A.~.E.E.-rninistere de l'Equipement, 1977 , 157-158 . Signalons qu'~ 1932, un~ c~culalre duSous-Secrerariat d'Etat de l'Educatioo physique, datee d oc~obre,exIgela que ." lesroiets [d'amenagernent de terrains] tranSIT11S par les partIes. requerantes [scient]~xaimnes par Ies serv ices techn iques et le~ arcbitectes a~6dites aupres ~u Sous-Secret ar ia t d 'E ta t, qui determinent l es par ti es de ces proje !S non. subventionnablesen raison de leur caractere commercial ou spec~c.u1atre (tribunes, mur~, decloture, buvettes, etc ...) . Le Conseil general de Ia Seine avait pns une deCISIOndu meme ordre Ie let avril 1931. Cf. A. Seguin et M. Aubert, L'amenagemell t desterrains de sport , Paris, Limoges, Nancy, 1934, 8get 87. . .92. En 1941, M, Joffet, Inspecteur general~es servtc~ techniques ? C I,aPrefec ture de Ja Se ine, Di rect eur du Cent re d 'Expenence ,s ~t ~ Informations d Equi-pernen ts Sportifs au Commissariat General aux Sports, ecnva~t.: A Pans, cornm,een ban iieue les stades etalent surtout concus pour Ies competitions ... On y trouvaitrnrernent 1;8 elements necessaires a l 'e ,ducat ion ,physiq~e et 11 . l 'entrainement .desenfants . .. Quoi qu' il en soit , l es inst al la tions sport ives exi stant en 1941 n~ pouva ientsufll re ni 11 . I'education physique des enfants du dtpartement de la S,eme, Dl auxcompetitions sportives dont le nombre. augmen tait. sans cesse ; au ssi des etudesont-elles cit entreprises, tantpar la Ville de Pans et Ie Defart~ment que parles communes de la banlieue, en vue de d~~ un programme d e quipement sp~rti.fdu dipar tcment adapte a Ia nouve ll e pohtique sport ive. Les etu~es et l~s reali-sations sportives de la Ville de Paris et du Departement de 10 Seine, Pans, 1941,non pila inc!.s o

    AIMEZ-VOUS LES STADES?

    et Ies differents services, les [eterent bas et y mirent Ie feu. De nombreusespersonnes prises dans la bagarre furent blessees et iI fallut l'interventionde la troupe pour arreter les violences de cette foule affolee, On prononcaa cette occasion dans les journaux les mots d 'emeute sportive; jamaissans doute les deux termes n'avaient e t e accouples bien que des scenescomparables aient eu l ieu parfois dans les velodromes, mais les chroni-queurs n'y avaient pas pris garde Les insurges de Longchamp etaientdes parieurs et non des sportsmen Ces gens-Ia n'ont rien de communavec les adeptes du sport 93. Des parieurs et non des sportsmen. Dansces quelques mots est clairement consommee Ia deconnexion du statut duspectateur et du pratiquant. Bien sur.Jes insurges designes ici etaient venuspour jouer et gagner ; bien sur , les courses hippiques ne sont pas du sport- quoiqu'elles y soient encore assimilees en ce debut du XX " siecle.Pourtant, cette representation de Ia masse est constitutive d'une tactiquearchitecturale qui vise non seulernent a accueilIi r Ie maximum de spec-tateurs, mais aussi a prevoir leur insubordination. On postule ici l 'inedu-cabilite de la masse. L'architecture ne fonctionne plus comme une mobi-lisation disciplinaire, Elle releve d'un calcul de securite : Ia question n'estplus l 'insert ion des masses mobil isees dans la sociabili te sportive, leureducabilite, mais la gestion circonstanciee de leurs dechainements. Parconsequent, ilne s'agit pas tant d'empecher le chaos que de Ie prevoiret l'organiser, Tactique non plus de redressement, mais de calcul derisques, La surveillance des masses prend Ie pas sur leur edification.Le texte d'un architecte, L. Faure-Dujarric,constructeur du stade deCoIombes pour Ie Raeing en 1923. nous Ioumit un exemple type de cecaleul.La premiere regle est identique a celle de la conception precedente :ilfaut que tous puissent tout voir .D e ux ie me r eg le : eviler aux spectateurs Toccasion de trouver des pro-jectiles. Les sieges sur lesquels sont assis les spectateurs peuvent 8treconstruits de n'importe quelle maniere, mais ilfaut prendre bien gardequ'ils soient attaches solidement a In construct ion, de maniere ace qu'onne puisse les jeter sur la piste 1 1 " , Ce n'est plus tellement Ie contort desmasses qui est en jeu que la solidite des installations. A defaut de pouvoirf ixer Ie spectateur sur son siege. on fixe Ie siege sur Ie ciment ou Ie beton,

    93. 165-166.94. L. Faure -Dujar ri e, Organisa tion mater ie lle d 'une soc ie te spor tive", in.Encyclopedic des sports, sous Ia direction de G. Bourdon, Paris, 1924, 183.51

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    16/21

    A1MEZ-VDUS LES STADES?

    Troisieme regie : Separer les instal lations destinees aux spec tateurs dureate du stade. (jL'experience montre qu'i l est indispensable, dans cer-taines circonstances, d'avoir a proteger soit des arbitres soit des athletes,contre la foule qui peut se trouver momentanement en desaccord aveceux, Par consequent, Ie terrain de jeux doh stre separe des gradins parune grille extremement forte et dangereuse a franchir ; jusqu' ic i on n'arien imagine de mieux que des pointes de fer de 1 m 50 de hauteur. Lesorganisateurs, de leur cote, doivent avoir un local dispose suivant I'impor-tance du stade, d'ou Us peuvent aller soi t directement aux vest ia ires, soi tdirectement au terrain. soit directement a . leurs tribunes, sans passer parles locaux reserves au public D", On isole l 'ennemi en recomposant ladifference actear/spectateur que le public tend a . briser . On prend ainsiIe spectacle sportif pour ce qu'il est : une pure distraction de masse. Onne cherche guere a recreer de Ia sociabilite, mais a cantonner. A une foulequi semble chercher a reagir contre son statut de spectateur par sesdebordements, on repond par une organisation archltecturale qui prendla forme du camp.Ouatr ieme regle : cloi sonner pour desentasser : (jLe gros du publicdoit etre canalise et separe en autant d'enceintes qu'il est possible, demaniere que si du desordre se produisait dans une des enceintes, ilnegagne pas toutes les tribunes ; par exemple, si une partie de la cloture dela piste est rompue et que celle-ci est envahie par mille spectateurs, it nefaut pas que toute l 'organisation ait affaire a 10000. 20000 ou 30000spectateurs ". Apres avoir isole l'ennemi, on divise ses troupes afind'organiser nne surveillance qui prend la forme de la guerre d'escar-mouche. On fera la meme chose pour l 'acees et l 'evacuation de telle sorteque ron n'ai t jamais affaire a de tres grosses masses.La masse n'est plus guere Ie cristal du peuple. EIle en est plutot leIantome, el le ne fait plus part ie de l 'espece humaine : peuple desintegre,degrade par l 'absence de toute relation humaine, simple collection d'indi-vidus sans racines autres que celles etablies par le contact physique.Pourtant, ce contact meme est range. sape par les multiples cloisonne-mcnts du stade, Les foules ((se sont retirees de la contexture de la ville,de ses murs, de ses rues. Pour tout Ie temps de leur sejour dans l'arene,elles ne s'interessent plus a rien de ce qui se passe en ville. Elles y aban-donncnt ce que leur vie comporte de relations, de regles, d'habitudes. Leur

    9,. . Ibid. , 1113-184.96. IMd . 184.52

    AIMEZ-VOUS LES STADES?

    reunion en grand nombre est garantie pour un temps determine. leuremotion leur a ete assuree - mais a une condition determinante : 1amasse devra se decharger vers le dedans .", Le stade forge une masseencerclee : non plus relais d'une pratique massive de l'exereice physique.rnaisespace clos de l'agitation, du chaos toujours possible, attendu meme,Aloes peu importe I'ambiance surchauffee, electrisee, obstacle a touteconduction pedagogique car la fonction du stade est ailleurs . Exutoired'une societe de masse, il est en meme temps construit comme une zonefranche de la sociabilite : on y experimente des situations d'etat d'alene.A la terreur qu'inspire la masse repond nne architecture construite surIe modele du camp retranche : concu sinon pour resister a taus les assauts,du moins amenagee pour que l 'envahisseur soit faci lement isole, Lesfermetures exterieures doivent etre extremement fortes, de maniere a cequ'un stade construi t par exemple pour 100000 personnes ne soit pas prisd 'assaut par 250000 comme cela s 'est vu en Angleterre . On doit donc depreference menager une sorte de chemin de ronde en arriere d 'un mur defaeon a pouvoir, derriere des portes so1ides, def'endre toute l'organisation.Par consequent les billets d'entree doivent etre delivres a l 'exterieur et lesreceveurs doivent disposer de cabines assez solides pour que leur caissene coure aueun danger D", Place-forte, menace, c'est bien l'etat de guerre.Pourtant, Ie danger ne semble pas si reel. (jEn realite, ecrit Faure-Dujar-ric, chaque Iois qu'il y a eu une panique, jamais la caisse n'a ete voleeet Ie public n'a fait de degats que pour voir Ie spectacle; cet empressementest assez comprehensible quand on pense qu'au contraire des theatres quidonnent tous les soirs la meme piece, Ies terrains sportifs ne donnentqu'une unique representation d'un spectacle qu'on ne verra plus II". Cecisemble indiquer que ce n'est pas la realite d'une volonte criminelle quipolarise I'attention, mais Ia virtualite d'un comportement qui, precisement,echappe a toute volonte parce que produit par le fait msme du rassem-blement Comportement, on Ie voit, considere comme naturel ou, plusencore, normal. Or, c'est cette normalite d'un comportement nuisible quiorganise la securite, qui Ia fait fonctionner sous Ie mode de I'etat d'alerte.L 'emergence de ce qu'on appelle la societe de masse a represente pourla sociologie naissante, notamment a travers 1a psychologie des foules II,

    97. E. Canetti, Masse et puissance. Paris, 1966, 26.98. Faure-Dujarric, op, cit., 184.99. tu. 184.5 3

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    17/21

    AIMBZJlOUS LES STADES?I marque d'un dissensus profond dans Ia France du toumant du siecle 10,1 llano qu e Ie chaos percait sous la civilisation, que la guerre de tauscentre tous qu'on croyait enfouie dans un lointain passe pouvait resurgirtout moment. Les rassemblements operes par Ie sport. l'architecture des

    srands stades du type olympique ontete une maniere d'experimenter desreponses a cette situation, Car on peut lire dans cette tactique du gouver-nement des masses qu'est la securite, qu'il est possible de faire fonctionnerune societe sans veritable sociabilite, dans la menace permanente de laguerre, que les rapports sociaux n'ont pas necessairement besom d'8trepacifies, Bref, que Ie dissensus n'est plus la menace du chaos. mais Ianormalite de la relation sociale, La mobilisation, en se denouant de sesrapports avec Ia discipline. oblige a penser Ia societe SOliS Ie mode de Iaguerre, et plus partieulierement de la guerre civile - au sens pro p re duterme, car la violence dans les stades constitue bien un debordement, versles civil s, de l'affrontement sur Ie terra in de jeu, D e s lors, Ie probleme n'estplus d'empecher Ie desordre - toujours endemique - ni msme deretablir l 'ordre, mais de calculer les limites du trouble. d'en indiquer lesdegres de tolerabilite.

    I ()O.Cf. Z . Sternhel l, La droite revolutionnaire - 18851914. Les ongmesfru""aisl',t du [ascisme, Paris, 1878, chap, I. et Y. Michaud, Violence et politique,Paris, 1971\,chap. VIII, et plus particulierernent les pages qu'il consacre a Durkheim.54

    !!i1

    IL EST CRIMINEL DE RESTER. FAIBLEIorsqu'en depensant':2 fro 50

    vous acquercz Ie moyen infaiIJif]Ie de devenlr f9rt.Nalls avons vend pl us de 50000 volumes, ef de toutes parts, dualteslalions. d es s'em ercie ments ch,l1eureux !lOllS arr#ent -'

    DES MALADES ON'r ETE SAUVESLES t;lE;UR~STHENIQUES ont retrouve 1& gaiteLES EPUISES S0tit revenu.s 8..1& vieLES FAIBlES sent d.evenus.: f()rtsLES MALINGRES sent anivsl> a . :mustler laut' corps

    Tout Ie mends vouttra etrepossesseiu: de ce talisman mel'veilleux ~C O M M E N T O N D E V IE N T B E A U E T F O R T

    par, ALBER.T SUl~IER.I,1[a(p~ ijilJ_lleoum'ogfr con(enan l lOs" photo(f l'ophies et- gr'aVlJl'f!$TABLE DES MAT:rE.RES fOLm.~:J p:J.r h CulmrePbyslque. ~:D'" ren~r.~iIl('R

    ~tEH. p:;1r ccr respocdenee . . -~ n~ $ d:l!1ger~ du, ane-U a d im an cb c q -u 'l l p lc uv al t. ~ Q1LI(:5H~ ~\LC'.!;. '\ mCIl;J::;e:R -- L a m o.r al il "e d e I n C ul tu re P hy si qu e, _ __Eul tu rc P hy s. iq ue ( ~~ D~ i cmr .a ln er ne nr t j ~i : ,. ): ;t : le ' . .. r ~ e gL 7 . !1 e - , . A ti r= ' lO : : : 'I . !. ;l .t i. o r. ;, ~ V f l: _ .' g -i .( : U J 1 ' I! I .l .. :o o l i. $ m ot 'J~ L'eru mteemen r set on [1:5 t.:rtlpera:-nertts ..~ :. J i!~ Ia s:Ln.te bumaine ~t 1 : 1 . C111tufs Phys iqu e, - Lt: :t hode dn p ro fe ss -i u r O .ES. llO~~l :. l" . - HyJ :I ( .I ~h~r ~? ~ P eo re ss eu r Dee bc nc ee , - P ropa .g -: al Jd c pm ;.it$;~~ Bj3Illj~Qthh.1pic. - Les plus beJ.u~ a~Hd~$ tem m cs ..Ce livre est envoye Iranc o et par retour du courtier" a toute demal1de' aecorn-p~gnge d'un mandat, postal de 2 fro 50 au nom de I'Administration de LaCulture Physique, 48, faubourg poi'sonniere,

    S T A T U E T T E S A T H l E T 1 Q U E SL'Atbllte mcderne foulant aupiedI e Microbe, ceuvre du sculpteur ::I1."eou.c hamp io n d u mon de ("m~HW"S ); m a!J ll iJ lq u

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    18/21

    AIMEZ-VOUS LES STADES?

    etaient. par consequent. accessibles a plus de gens >8 _ Elles teataient ce queles socie tes de chorale avaient essaye avant el les de faire en abandonnantIe chant a quatre voix, Mais du fait que le chant choral et Ie tir exigeaientmalgre tout lilt certain talent. ces tentatives se solderent par des echecs,et la concurrence pour les prix devint encore plus dure. Ainsi, le publicordina ire en etait toujours exc lu.Les tentatives de popularisation. alors, ne servaient pas a grand-chose.En 1934, les Nazis provoquerent un changement d'organisation dans Iessocietes de tir, en renforcant le controle exerce par la Deutsche Schiitzen-bund. Puis. ils s'emparerent de cette organisation centrale. Comme leschorales d'hommes, les tireurs furent desormais integres a l'E tat nazi.et les trois mille plus grandes organisations locales fluent mises a la dis-position de l'armee ". Leur rtlle dans la celebration des rites nationauxdevint moins important que leur contribution a l'entrainement militaire,Cet asservissement a des fins militaires avait ete concu par les Nazis pourne c1urer que pendant Ie rearmement et la guerre. Martin Bormann .. lesecretaire du Fuhrer, homme alors puissant dans le Reich, songea a inte-g r e r e v ent u el lemen t les t ir eu rs a ux fetes villageoises celebrant l es c o ut um e set les t radi tions locales " . Neanmoins, les adeptes du tir jouerent un ralesecondaire dans la liturgie du Troisieme Reich. lis part icipaient auxdefiles et aux manifestations, mais ne donnaient pas Ie ton. comme leschceurs d'bommes Ie faisaient,

    Cependant, en tant qu'importante associat ion pat riotique, ils repre-sentaient un bon exemple pour l 'organisation des masses. En meme tempsque les gynmastes et les chanteurs, i ls avaient constitue un groupe patrio-tique important. qui avait apporte son soutien et sa participation auxrituel s national ist es pendant plus d'un siecle avant que les Nazis n'arriventau pouvoir. Comme Vischer I'avait fait remarquer, leurs fetes n'avaientri en des tradit ionnel les reunions poli tiques ; eUes consti tuaient des actespolitiques qui ont certainement contribuea elaborer et a conserver l eculte national.

    58. Ibid" 29 avril 1933, p. 1.59. En 1923 existaient 3000 organisations de ce type, Bayrlsche Schiltzenzeitung-Vereinigte Deutsche Schiitzen-Zeitung (6 juil let 1923), vol. XXXI, p, 2. Je n'aipas pu obtenir Ies cbiffres des organisations pour les annees posterieures,60. Oskar S6hngeo, Siikularisiener Kliitus, Gutersloh, 1950, p. 53,74

    Alain EHRENBERG

    NOTE SUR LE SPORT ROUGE (1910.1936)

    Lhistoire des organisations sportives socialistes et communistes n'a.a rna connaissance, fait Lobjet d'aucune etude historique densemble. Jeme ' propose d'evoquer ici rapidement les evenements principaux qu i ontmarque ttl constitution d'un sport rouge D, d'en dessiner les grandesl ignes doctrinales et le s inflexions strategiques aiin d'indiquer dansquelcontexte s insire ce morceau de choix ideologique qu'est le texte deA. Delaune, Les sports en URSS. 19J81

    Les organisations sportives et gymniques ouvrieres ne naissent pas en1908 avec la Federation Sportive Athletique SociaIiste (FSAS), fondeepar des militants de la SFIO. D e s le tout debut du xx' siecle, on trouvequelques clubs ouvriers eparpilles dans les grandes regions sportives etindustrielles (Ia region parisienne, la Gironde et Ie nord de la France).lIs ne sont apparemment pas touches par les questions d'ordre politique,bien qu' ils aient e 1 6 c r e e s sur une base professionnelle.

    Les premiers clubs socialistes apparaissent en 1906-1907, soit aumoment ou Ie sport connait un demarrage certain en France '. La SFIOprend en compte le probleme de la regeneration de la race et du controlede la jeunesse avec quelque retard. En effet, l'Union des Societes deGymnastique de France est creee en 1873. l'Union des Societes Fran-caises de Sports Athletiques en 1889 et Ia Federation Gymnastique etSportive des Pat ronages de France en 1903. Certes, ces organisat ions n'ontpas toutes les memes visees ni les memes clienteles - Jes articles pre-1. Cette note se ronde, pour I'essentiel de ses informations, sur le memoirede maitrise d'histoire de Th. Davet, Du sport rouge au spo rt popu la lre ell France,1919-1939, soutenu en 1972 sous la direction de Madeleine Reberioux a Paris VIII.Je rernercie Madeleine Reberioux d'avoir eu I'amabilite de me le communiquer.2. Cf. les art icles de R. Holt et B. Dubreuil presentes dans ee numero.

    75

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    19/21

    AIMEZ-VOUS LES ST ADES?

    sente,s ici Ie montrent bien. Mais Ie vide de la pratique des exercicesphysiques, hors des limites etroites de Ia jeunesse bourgeoise, commenceA etre comble, L'USGF compte de nombreux ouvriers dans ses associa-tions: et la FGSPF se constitue precisement en direction de Ia jeunesseouvriere. On peut supposer que c'est cette conjoncture de diffusion crois-sante des sports qui conduit Ia SFIO a s'interesser au probleme, L'exercicephysique semblait aussi necessaire a Ia SFIO pour amener la jeunesseouvriere au socialisme, qu'elle l'avait e M a Ia FGSPF pour I 'amener adefendre l'Eglise.

    Un article paru dans L'Humanite du 23 novembre 1907 indique dejal~s gra~ds. themes qui pa~courront toute I'histoire des mouvements spor-t1!s socl.ahs~eet C?~UDlS!e jusqu'a la fin de la Troisieme Republique.L orgarusation socialiste doit se donner les buts suivants : 1. Developperla force musculaire et purifier Ies poumons de Ia jeunesse proletarienne ;2. ~onner ~u~ jeunes gens des distractions saines et agreables, ce quiserart un palliatif a l 'alcoolisme et aux mauvaises frequentations ; 3. Ame-ner au parti des jeunes camarades ; 4. Faire de Ia reclame ( ...) pour Ieparti, en organisant des fetes sportives et en participant aux diversesepreuves athletiques qui se disputent entre les diverses societes ; 5. Deve-lopper parmi les jeunes socialistes I 'esprit d'association et d'organisa-tion D 3. Si I:on excepte les points 3 et 4, il apparait clairement que Iesthemes soulignes ne sont guere differenrs de ceux du mouvement sportifdans son e~se~ble, sinon qu'il s'agit de toucher une clientele bien precise.La specificite du mouvement sport if CI rouge I> est triple :- II se donne pour objectif de forger des militants de choc, des soldatsde la.revolution (< < Si nous voulons faire la Revolution, nous ne pourronsIe faire qu'a condition que Ies militants aient nne raison saine et desmuscles puissants

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    20/21

    AIM8Z-VOUS LES STADES?

    au.,.rl r. Les socialisants adherent a l 'ISL et fondent l 'Union des SocietesSportlves et Gymniques du Travail dont Ie journal sera Sport s et loisl,s.La FST se propose de foumir a la [eunesse ouvriere one educationphysique et sportive et one education morale communiste : INous avonsmis. declare Sport ouvrier, devant nous un principe d'action que symbolisele drapeau ecarlate de l'Intemationale Rouge Sportive. La hampe en esttenue par les sport ifs revolutionnaires cusses dont la marche accelereegravit Ies etapes de I'emancipation : o l i . En application de la doctrine det' IRS, la PST est one ecole physique revolutionnaire du proletar iat quivise a renforcer sa puissance de travai l et de defense (article 1.1. desstatuts),

    LaFST tente plusieurs rapprochements avec I'USSGT qui se solderontpar un echec total en 1927. Elle organise ses propres competit ions (avecdiffi.culte car elles sont souvent interdites), participe nux campagnespoli-tiques du PCF (centre Ia guerre du Maroc, etc.), diffuse sa propagandecontre Ies clubs bourgeois et patronaux (qui sont ses grands concur-rents). .La conception du ,sport est fournie par le modele sovietique, La, Ieproletariat a mis le sport au service de la collectivite : (n [y] est considerecomme faisant partie de I 'activite sociale, comme un delassement et unmoyen de parfaire Ia formation physique, II intervient comme compte.ment it toutes les mesures prises pour le bien-etre general des jeunes pro-ducteurs, espoiret base de l'edification sociale 116,A partir de 1929. deux tendances s'affrontent a la PST. La premierecherche a augmenter I'emprise du Parti sur l 'organisation (qui comprendalors entre 5 a 10 % de communistes) af in de prat iquer un sport prole-tarien regenerant et d'eviter les grandes competit ions-spectacles . Laseconde tente au contraire de degager Ia PST de l'infiuence par trapimportante du PC et de se consacrer uniquement a Ia diffusion du sportdans les masses. Elle sera battue en 1930 bl", La Iignede la FST sera alors :5. Sport Ouvrier , n 3, 10 octobre 1923.6. F.S.T., Bourgeois ie e t prole tariat face au sport, s.d,6 bis, Et sort ira de la F.S.T. P. Vaillant-Couturier Ies averti t du malheurqui lesattend : Ceux qui ont quitte la formation sportive ouvriere en violation de ladiscipline ccnsentie, trouveront leur chatiment dans I 'accuei l meme que leur ferontles milieux et les journaux bourgeois. Flottant entre Ie proletariat et la bourgeoisie,ila ne seront plus pour le capitalisme sportif qu 'un epouvantail a moineaux, Libredu poids mort qu' ils constituaient pour elle, 1a F.S.T., dont la force s'accreltrachaque jour par l'ef fort de nouveaux clubs , pourra s'engager dans la voie que Iesport lui-rneme -_ manifestation de sante - dicte aux masses : la voie revolu-tiormaire s. Sport Ouvrier, Le chAtiment de la scission" 5, 5 octobre 1923.

    78

    , t

    i1II

    NOTE SUR LE SPORT ROUGE

    lutte contre la collaboration avec les clubs bourgeois, c~eatio~ d~ec!~!:d'jndustrie (le congres de mai 1930 fixera comme objectif a c aqde prendre contact avec des entreprises) . developpeme~t de 1~ pro!'a-gande autour du modele du grand frere sovietique, meilleure Jmsertiondans les institutions communistes en renforcant les liens avec les eunessesCommunistes, , . Ie t6legramme

    Cet alignement sur le parti est marque, entre autres, par .de soutien envoy6 par la FST lors des proces de 1930 en URSS :Sport iis rouges de France suivent avec grande attent ion proces. s~~-..( I tionnaires Vous demandeni etre impitoyables vls-a-vlSteurs contre-reVo U.. .... . d b tennemis de la dictature du proletariat, reclarne la mort ~s sa .0 ~urs,

    s'engagent a dejendre Union Sovietique, a =: contre lmpenallsmejranf,ais pa r les soviets et gouvem:ment ouvrters et paysans., Vive la realisation du plan qumquennalVive tarmee rougeVive fa revolution mondiale 7.Au debut des annees trente, les changements de strategies de l'~~~~nationale Communiste aiasi que l'evolution des rapports e?tI~laet le PCF vont favoriser un rapprochement des deu~ organIsatIons spor-

    tives rivales et une serie de glissements dans la dOCtrillfe: es maintesL fusi I la PST et de l'USSGT est chose faite, apresa SIan ue . .{ 1 F' deration Sportiveer i eti es en decembre 1934. Est alors consutuee a ep nGP1.' d Travail (1934) dont l 'organe off iciel est Sport. La,Charteet ymruque u '.' d t a t " ODS inteIVlennentd 'unite des deux organisat ions montre bl :n que :s mu 1, rd. un ro-dans la poli tique du sport menee jusqu a . cette epoque. D abo ., ~mme sportif detaille est place sur Ie meme plan qll:e la parucipa o~gr a 1 Bnsuit la FSGT ne se reclame plus excluSlvement des orgaa~ t.uttestravn:~U:;;ta }'emancipation du proletar iat . El le va peu it peurusa IOns , 1 ' e organisationse vouloir une organisation sportive populaire pus qu uns rtive politique. Plusieurs signes l'attestent. .' .

    POD' 1935 la FSGT intervient dans les luttes des partis .pOlitlques,es . d . rt et en visant it sonmais en se placant exc1usivement sur le terrain u spo . . .elar .ssement a l 'ensemble des couches popul~ires, A la veille d~ scrutmdu ;emier tour, elle ne donnera d'autre CO?Slgne de vote que d appuyerceux qui soutiennent son programme sportlf.

    7. Echo Sporn! du Travail, 7, novembrlHiecembre 1930.79

  • 5/14/2018 Alain Ehrenberg Aimez Vous Les Stades

    21/21

    ,IMZVOUS LES STADES?Apr~s les elect ions. el le decidera de const ituer un Front Populaire_partir. En 1934. elle avait deja pris contact avec l 'Union Francaise des

    (Euvrell Ialques et d'Education Populaire (UFOLEP). emanation de laLlgue de l'Enseignem