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Supplément gratuit • Casemate 73, août-septembre 2014. © Casemate 2014. Tous droits de reproduction interdits. , Albert UDERZO

Albert UDERZO - Casemate · 2019. 8. 12. · ment ! C’est Harvey Kurtzman (Little Annie Fanny) qui a traduit nos phy-lactères, s’il vous plaît ! Cela a été pour René et moi

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  • Supplément gratuit • Casemate 73, août-septembre 2014.

    © Casemate 2014. Tous droits de reproduction interdits.

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    Albert UDERZO

  • Années cinquante. Onest en plein boum éco-nomique, plan Marshall,etc. Quelle est la situa-

    tion des auteurs ?Albert Uderzo : En France, elle n’atoujours pas changé. Les auteurs debande dessinée ne sont toujoursreconnus ni par les journaux, ni parles éditeurs, ni par les parents de noslecteurs qui ne voient dans la bande

    dessinée qu’une source de mauxpour leur progéniture. Certains édi-teurs nous paient mal et nous obli-gent à rester anonymes. C’est à ce moment-là que je décide

    avec mon ami Martial de m’inscrire ausyndicat des dessinateurs français.Une association présidée par Saint-Ogan qui nous demande de mettreen valeur le travail des dessinateursfrançais. Nous devons apposer lelabel « dessin français » sur notre tra-vail pour lutter contre l’invasion descomics américains dans cette périoded’après-guerre. Mais cela ne concernepas que la bande dessinée. Nousdevons le plus souvent nous résignerà accepter des travaux proposés pardes marques alimentaires. Nous tra-vaillons bien davantage sur ce qu’onappelait à l’époque des réclames,qu’à la création de personnages deBD. Ce n’est que vers 1954 que leséditeurs de bande dessinée vontémerger. Votre première rencontre avec Char-lier ?

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    Interview

    Des planches estampillées « dessin français »,Jean-Michel Charlier talquant de noir une oreillede Goscinny, Oumpah-Pah boudé par les Belges, les Français et les Américains… Suite et fin de la grande interview accordée ce mois-ci par Albert Uderzo à Casemate, à l’occasion de la sortie de l’intégrale Luc Junior.

    © C

    auvi

    n.

    Extrait de Luc Junior chez les Martiens (et ci-dessus).

    Les belles rencontres d’UDERZO

    « Charlier parsème l’écouteur de Goscinny de poudre de crayon. Le résultat est clownesque »

    Albert UDERZO

  • Lorsqu’Yvan Chéron est venu me cher-cher (voir Casemate 73). Jean-Michelétait un garçon jovial et très coquin.Il aimait faire des plaisanteries à toutle monde. Il avait par exemple par-semé de la poudre de crayon (matièredont on disposait en quantité) surl’écouteur de Goscinny, je vous laisseimaginer la couleur de l’oreille de Renélorsqu’il a porté l’écouteur à sonoreille ! C’était clownesque, nousmourions de rire ! Très vite Charlier estvenu nous rejoindre à Paris et nous nenous sommes plus jamais quittés. Cetauteur hors pair était toujours en retardpour rendre ses scénarii. À l’occasiondes Tanguy et Laverdure, j’ai vécugrâce à lui des moments inoubliablessur les bases aériennes.Votre première rencontre avec Gos-cinny ? Je la raconte souvent. Il vient juste-ment chercher une planche que jedois livrer à World Press pour la sérieBelloy ! Je le prends donc pour uncoursier. Il me répond qu’il est le Gos-cinny dont Troisfontaines m’a parléquelques jours auparavant. Très vite,nous nous rendons compte que nousavons beaucoup de points com-muns : l’humour, les références humo-ristiques, la même vision de la bandedessinée de l’époque. Une amitié devingt-sept ans naît alors. Non, davan-tage, elle dure encore.Les éditeurs refusaient ses dessins.Cela l’a-t-il beaucoup peiné ?Lorsque nous nous rencontrons, trèsvite Goscinny me parle de Dick Dicks,son détective new-yorkais un peu gaf-feur qui court après les voitures sanspouvoir les rattraper simplementparce que René ne sait pas dessinerles voitures !Nous rigolons beaucoup et décidonsde mettre en commun les domainesdans lesquels nous nous nous sen-tons le plus à l’aise. À lui le texte, àmoi le dessin ! Grâce à lui, je démé-

    nage ma table à dessin vers les nou-veaux bureaux de Chéron sur lesChamps-Élysées ! Avec dans l’idéede réveiller la BD, trop désuète à notregoût. Donc il n’a pas plus de peine de sevoir refuser son dessin que j’en ai devoir refuser mes séries du fait de leurscénario ! Nous avons commencé àtravailler ensemble sur des com-mandes, et en même temps déve-loppons nos propres idées.Avec succès ?Entre nous, la première fois que nousavons proposé Oumpah-Pah, dontnous n’étions pas peu fiers, PaulDupuis nous a félicités pour ces pre-

    miers essais et nous a invités… àcontinuer à nous entraîner. Quelledéception ! Mais cela n’a pas empê-ché René de partir aux États-Unis, nosplanches sous le bras, pour les pré-senter là-bas. Nous y croyions telle-ment ! C’est Harvey Kurtzman (LittleAnnie Fanny) qui a traduit nos phy-lactères, s’il vous plaît ! Cela a été pourRené et moi un très beau lot de conso-lation, car les Américains n’ont pasplus voulu davantage Oumpah-Pahque les Belges ou les Français.On parle de l’implantation d’un ParcAstérix en Chine.Il est très possible que ce projetexiste, mais il est beaucoup trop tôtpour que l’on puisse en parleraujourd’hui. Laissons faire les équipeschargées de cela.

    Propos recueillis par Frédéric VIDALet Jean-Pierre FUÉRI

    IIII

    Interview

    Luc Junior – L’Intégrale,Albert Uderzo, René Goscinny,Éditions Albert-René,octobre.

    ArchivesAbandonner Astérix ? Jamais !, Casemate 64,Les trois bonheurs d’Albert, Casemate 53,Ferri, de De Gaulle à Astérix, Casemate 40,etc.

    Yvan Chéron, patron d’International Press, démultiplié dans Luc Junior chez les Martiens.

    « Le héros de René ne rattrape jamais les autos… parce que René ne sait pas les dessiner ! »

    Albert UDERZO

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    2014

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    Extrait de Luc Junior et le fils du Maharadjah.

    Uderzo, L’Intégrale 1951-1953,Philippe Cauvin & Alain Duchêne,Hors Collection,Éditions Albert-René, 69 €,2 octobre.