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Alexandre Ier, Chateaubriand, Lamartine et Madame de Krüdener, en 1815

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Page 1: Alexandre Ier, Chateaubriand, Lamartine et Madame de Krüdener, en 1815

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Alexandre Ier, Chateaubriand, Lamartine et Madame de Krüdener, en 1815Author(s): Francis LeySource: Cahiers du Monde russe et soviétique, Vol. 9, No. 1 (Jan. - Mar., 1968), pp. 58-64Published by: EHESSStable URL: http://www.jstor.org/stable/20169480 .

Accessed: 12/06/2014 23:10

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Page 2: Alexandre Ier, Chateaubriand, Lamartine et Madame de Krüdener, en 1815

CHRONIQUE

ALEXANDRE Ier, CHATEAUBRIAND, LAMARTINE ET MADAME DE KR?DENER,

EN 1815

Ce que pr?chait Madame de Kriidener ? l'Europe apr?s Waterloo, c'?tait le salut collectif par la soumission volontaire au Christ. Dans ce but elle uvrait ? des conversions individuelles qui, ? leur tour, devaient faire boule de neige. D?s le 23 juin 1815, elle ?crivait au tsar, son souverain :

? Il s'agit de vous vider de toute la vie d'Adam pour vous remplir de la vie de

Christ* afin que le corps de la R?surrection puisse se former en vous, que Christ

puisse comme un soleil se lever en vous, et que par vous aussi il en ?claire,

allume et r?chauffe d'autres. [...] Votre ?ducation spirituelle tient au c ur de

r?ternel... Votre ?ducation entra?ne celle de milliers d'individus m1.

Et le lendemain, 24 juin, Alexandre ? son tour abordait ce pro bl?me avec Madame de Kriidener :

? ? Ah ! oui, me r?pondit-il, et ce courage de sacrifier notre Isaac.

Je lui ai fait le parall?le du premier Abraham qui porte les grands myst?res en Egypte, et lui qui est le second Abraham et qui doit porter les myst?res de la

croix dans la France qui est la seconde Egypte ?a.

Dans une premi?re r?daction des M?moires d'outre-tombe, Chateau briand tra?ait ce t?moignage :

? Madame de Kriidener, que j'ai beaucoup connue, ?tait ? Paris. Elle avait

pass? du roman au mysticisme ; elle exer?ait un grand empire sur l'esprit de

l'Empereur Alexandre ?3.

En effet, d?s le 17 juillet, Madame de Kriidener s'?tait install?e

? l'h?tel Monchenut, 35, rue du Faubourg-Saint-Honor?, pour prier

* Soulign? par nous, ainsi que tous les autres passages en italiques. [F. L.]

i. Grand Duc Nicolas Mikha?lowitch, L'Empereur Alexandre Ier, Saint

P?tersbourg, 1912, II, pp. 215-221. 2. F. Ley, Madame de Kriidener et son temps, Paris, Pion, 1961, p. 461

(archives de l'auteur). 3. M. Levaillant, Deux livres des M?moires d'outre-tombe, Paris, Delagrave,

II, p. 206.

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ALEXANDRE Ier ET MADAME DE KRUDENER 59

quotidiennement avec Alexandre pour la paix du monde et le salut de la France. A ces pri?res, elle avait ?galement invit? Chateaubriand

qui, retenu par sa pr?sidence du coll?ge ?lectoral du Loiret, lui faisait ? son retour porter le message suivant :

? Paris, ce 31 ao?t 1815.

... J'arrive d'Orl?ans charm? de tout ce que j'ai vu, plein d'espoir pour notre

malheureuse patrie, si un grand prince surtout veut nous aider. Il vient de s'op?rer sur toute la surface de la France une esp?ce de miracle auquel on ne fait pas assez d'attention. Ces m?mes ?lecteurs qui, depuis quinze ans, recherchaient

pour les nommer des hommes ennemis de tous les principes sociaux, moraux

et religieux, viennent de faire, au grand ?tonnement de tout le monde, des choix

pour la plupart excellents. La France va enfin ?tre repr?sent?e par des chr?tiens

et par cette ancienne race de Fran?ais qui jouissait de l'estime de toute l'Europe. N'est-ce pas l? une inspiration particuli?re de la Providence ? Si nous profitons bien de cette derni?re mis?ricorde, nous pouvons ?chapper ? notre ruine. Quelle

gloire pour le prince magnanime que vous n'admirez certainement pas plus

que moi, si apr?s avoir triomph? par les armes, si apr?s avoir d?tr?n? notre

oppresseur, il d?tr?nait encore notre r?volution y>x.

Chateaubriand, restaurateur du tr?ne et de l'autel, allait donc demander l'aide d'Alexandre pour extirper ? notre r?volution ? ou du

moins pour en ?viter le retour. Par crainte d'une flamb?e ? rouge ?

et pour consolider le drapeau blanc, il n'h?sitait pas ? s'appuyer sur

les cosaques ! Il allait donc jouer du c?t? du tsar et de Madame de Kriidener la carte de l'autel, afin d'asseoir solidement le tr?ne de ses

r?ves. Un premier ?cho de son intervention nous est parvenu au travers d'une lettre de Madame de Kriidener ? une amie, ?crite au d?but de

septembre 1815 :

? Hier, la duchesse de Duras et Chateaubriand causaient chez moi. Nous

parlions des ch?timents qui p?sent sur la France, et je leur r?pondais, lorsqu'ils me parlaient du grand pouvoir que j'ai sur quelqu'un :

' Ce quelqu'un n'est

que poussi?re et un bras de chair. Dieu me donne de lui dire la v?rit?. Dieu lui

inspire l'amour de la v?rit?, mais il ne peut rien pour la France. Il n'y a pour ce pays qu'? faire amende honorable, qu'? s'humilier et ? demander gr?ce, au

pied de cette croix d?serte depuis si longtemps, et ? confesser hautement J?sus Christ...

'

... Chateaubriand est de mon avis. Il vient de publier un discours remarquable?2.

Pour Madame de Kriidener, qui n'entendait rien ? la politique et s'?tait enti?rement consacr?e ? la grande uvre de conversion pour

laquelle elle se croyait d?sign?e par le Ciel, l'appel ? ? faire amende honorable ? et ? ? s'humilier ? n'avait rien de blessant ? l'?gard de la

France, puisque c'?tait le message qu'elle adressait ? chacun et ? son

souverain en particulier. Aussi est-ce dans cet esprit que le tsar Alexandre d?clara le 14 sep

i. Ch. Eynard, Vie de Madame de Kr?dener, Paris-Gen?ve, 1849, II, pp. 79-80.

(Original conserv? au Mus?e panukrainien ? Kiev, U.R.S.S.) 2. Ibid., pp. 74-75.

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6o FRANCIS LEY

tembre, en revenant de la grande revue de l'arm?e russe qui avait eu lieu ? Vertus, en Champagne :

? Ce jour [...] a ?t? le plus beau de ma vie, jamais je ne l'oublierai. Mon

c ur ?tait rempli d'amour pour mes ennemis ; j'ai pu prier avec ferveur pour eux tous, et c'est en pleurant au pied de la croix de Christ que j'ai demand?

le salut de la France a1.

Mais si, pleine d'espoir dans la r?g?n?ration par le christianisme, Madame de Kriidener ?crivait au tsar :

? Sire, le mouvement extraordinaire dans Paris, les pri?res de quarante

heures, les je?nes, l'exposition du Saint-Sacrement o? les ?glises pleines voient

les fid?les et les repentants pleurer sur les outrages faits ? la religion, ces pri?res demand?es par le roi ne vous disent-elles pas beaucoup sur ce peuple... ?2

Chateaubriand, de son c?t?, ne croyant pas ?

quoi qu'il ait ?crit ? ? ? une esp?ce de miracle sur toute la surface de la France ?,

priait l'?g?rie du tsar d'obtenir le maintien des cosaques en France afin de soutenir le ? tr?ne et l'autel ? :

? Vendredi 15 septembre 1815 : M. de Bergasse et M. de Chateaubriand

parl?rent ? Maman pour l'avertir qu'il y aurait de grands troubles si Alexandre

retirait ses troupes, qu'il ?tait de la plus grande importance de prendre des

mesures ?3.

Et Chateaubriand de presser la baronne afin qu'elle le pr?sente au

tsar :

? Verrai-je ce matin, Madame, l'homme de nos esp?rances ? Et ? quelle

heure aurai-je l'honneur de lui faire ma cour ?

Agr?ez, Madame la Baronne, l'hommage de tout mon respect.

Le vicomte de Chateaubriand.

Ce jeudi, 8 heures du matin ?*.

Au 16 septembre, dans le ? Journal ? de Juliette de Kriidener, on peut lire :

? Chateaubriand est venu...

Alexandre est venu ; ils ont parl? de la note de Chateaubriand ? laquelle Alexandre a fait attention... ?5

Cette note du vicomte devait tr?s certainement faire allusion ? sa

hantise du moment : ? qu'il y aurait de grands troubles si Alexandre retirait ses troupes ?.

De son c?t?, Madame de Kriidener avait r?dig? ? un morceau

i. H. L. Empaytaz, Notice sur Alexandre, Paris-Gen?ve, 1828, p. 40. 2. Grand Due Nicolas Mikha?lowitch, op. cit., II, pp. 221-223.

3. Juliette de Kriidener, ? Journal de 1815 ?

(archives de l'auteur). 4. F. Ley, op. cit., p. 502, n. 2.

5. Juliette de Kriidener, op. cit.

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superbe et inspir? de la c?r?monie de Vertus ?, comme l'indique sa

fille, dans lequel on peut lire :

? Oh ! qu'avez-vous senti, quand vous les avez vu adorer le Dieu de votre

c ur, J?sus-Christ, et que vous vous ?tes dit : '

Ils osent l'implorer, car l'?van

gile, qui n'ordonne que l'amour et la paix, s'est plac? entre Moscou et la France. '

[...] Vous lui demand?tes de sauver aussi la France, quand sur ces sept autels

le sang de l'Homme-Dieu fut implor? pour tout ce qui respire. Ah ! demandez

qu'elle retourne ? son Dieu, et elle sera r?g?n?r?e... ?x

Pour son action en faveur de la France aupr?s d'Alexandre, Madame de Kriidener recevait alors un t?moignage de gratitude de Chateaubriand :

? ... Je vous remercie mille fois, Madame la Baronne, de tout ce que vous faites

pour ma malheureuse patrie. Veuillez agr?er mes respectueux hommages

Le vicomte de Chateaubriand.

Le porteur de ce billet est mon ami ; il pourra vous dire quelque chose de

notre position. Ce lundi soir ?2.

Mais il revenait ? la charge de la baronne le 23 septembre :

? Chateaubriand vint pour engager Maman ? parler ? Alexandre pour les

conventions si dures pour la France...

... Chateaubriand vint demander d'?tre ministre des Cultes ?3.

Voici donc le point culminant de l'intervention de Chateaubriand ; en faveur de la France, certes, mais aussi en faveur d'un fauteuil de ministre pour lui-m?me ! Et ? quel minist?re ? Celui des Cultes ! Il savait fort bien ? qui il s'adressait pour demander celui-l? plut?t qu'un autre ! Ce ne sera pas ce minist?re-l? qu'il se fera offrir pour ?craser l'insurrection lib?rale en Espagne quelques ann?es plus tard.

Doit-on voir d?cid?ment en Chateaubriand le pr?curseur d'une lign?e qui craignit avant tout les cons?quences d'un soul?vement ? rouge ?, et qui par la suite compta Thiers et Weygand ?

*

En septembre 1815, Lamartine allait avoir vingt-cinq ans et ?tait aux prises avec des probl?mes de carri?re. Apr?s Waterloo il avait

regagn? sans enthousiasme les gardes du corps de Louis XVIII, tout en essayant de trouver la bonne porte pour entrer dans la diplomatie.

Attentif aux ?v?nements politiques, il avait beaucoup entendu parler du tsar Alexandre, de sa g?n?rosit?, de ses sentiments nobles et pieux.

i. P. Lacroix, Madame de Kriidener, ses lettres et ouvrages in?dits, Ollendorf, Paris, 1880, pp. 141-148.

2. F. Ley, op. cit., p. 491.

3. Juliette de Kriidener, op. cit.

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Bien que le texte de la Sainte-Alliance ne soit pas encore paru, il connaissait les dispositions chr?tiennes de l'empereur de Russie, et c'est en ces termes qu'il s'en souvint plus tard :

? ... La prosp?rit?, au lieu de corrompre son ?me, l'avait purifi?e et divinis?e.

Il voulut faire de cette puissance un sacerdoce des peuples ; il con?ut non plus le r?ve, mais le type d'un gouvernement de raison et de pi?t? universelles, dont

toutes les puissances, grandes ou secondaires, seraient les membres, et dont il

serait lui-m?me, non le dominateur, mais l'arbitre : la solidarit? morale des

rois, des tr?nes, des peuples et des cabinets.

Telle fut l'id?e de la Sainte-Alliance, id?e qu'on a calomni?e dans son ?me

en la pr?sentant comme une ambitieuse hypocrisie, et comme un trait? de

garantie mutuelle pour l'oppression du genre humain. L'histoire doit lui rendre

son v?ritable caract?re. La Sainte-Alliance, inspir?e ? Alexandre par une femme

romanesque et mystique, Madame de Kriidener, sorte de sibylle chr?tienne de

la Livonie, naquit dans un c?nacle et non dans un conseil a1.

Ainsi Lamartine voulut, lui aussi, ? faire sa cour ? au tsar. Dans ce but et ?galement pour se faire remarquer d'un certain public, il

composa ? l'adresse de l'empereur de Russie un po?me qu'il fit ins?rer dans la presse :

? ?p?tre ? l'Empereur Alexandre

Oui, toujours les h?ros ont aim? les beaux vers :

La lyre du po?te a l'accent de la gloire, Pour l'oreille des Rois, ses sublimes concerts

Sont un pr?lude de l'histoire.

Mais toi, qui pour marcher ? l'immortalit?

N'as besoin que du temps et de la v?rit? ;

Qui, d?daignant les sons d'une lyre asservie,

Ne veux d'autres flatteurs que ton si?cle et ta vie ;

Je ne viens point t'offrir ce doux poison des Rois,

Que souvent de nos mains leur majest? respire, Ni comme chaque ?cho de ton immense empire, Te r?p?ter de loin le bruit de tes exploits. Ton c ur repousserait cet impuissant hommage :

Qu'importe ? la vertu la voix du genre humain ?

Ton juge est dans le Ciel, ta gloire est dans ta main.

L'avenir d'un grand homme est encor son ouvrage.

Je viens te consacrer les modestes accens

D'une muse aux cours ?trang?re,

Qui ne vendit jamais aux ma?tres de la terre

Ni sa candeur, ni son encens.

?prise d'une chaste et modeste harmonie,

Elle aime ? murmurer le nom du Roi des Rois.

Elle chante l'amour, la vertu, le g?nie, Et tu reconna?tras ton ?me dans sa voix.

Ah ! puisse-t-elle au moins, le soir, quand tu d?poses Ce sceptre qui brisa le joug de l'Univers,

Te suivant en secret dans tes berceaux de roses,

i. Lamartine, Histoire de la Russie, Paris, 1855, pp. 321-322.

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Endormir tes ennuis au bruit de ses concerts.

Si ton front fatigu? du poids de la couronne, Un moment sur ton sein s'?panche et s'abandonne,

Puissent des chants m?lodieux

Appeler sur ce front, que la gloire environne, Ces songes de Platon qui descendent des cieux, Et puisse-t-elle alors, avec gr?ce, te dire

Qu'il est loin du climat que le Ciel t'a donn? Un il qui te contemple, une ?me qui t'admire, Un c ur qui t'aimerait si... Mais ce mot expire

Devant un sage couronn? w1.

Madame de Kriidener, ?chaud?e par Chateaubriand qui, par son

entremise, avait essay? d'atteindre un poste de ministre, morig?na avec v?h?mence le jeune Lamartine courtisan :

? Vers en r?ponse ? ceux qui sont dans le Journal ' Pour Alexandre le b?ni

'

Vous qui flattez les Rois tout en les m?prisant D'un monde corrompu les corrupteurs habiles,

?coutez, entendez tonner le Jugement !

Et courbez, s'il se peut, vos fronts fort indociles.

Ne faites pas rougir celui qui doit r?gner Au nom de l'?ternel sur la race b?nie.

C'est au pied de la Croix qu'il trouve le laurier

Que la Foi lui valut et non pas le g?nie !

C'est en s'humiliant qu'il apprit ? prier ;

En voyant son n?ant il obtint la puissance, Et le front prostern? il trouva le levier

Qui devait rehausser sa modeste existence.

En demandant l'oubli, il obtint le pouvoir, Et lorsqu'il fut instruit de sagesse profonde,

L'?vangile ? la main il tra?a le devoir

Qui ennoblit les Rois et qui soumet le monde*.

En devenant sujet du Roi des Univers, On le vit tour ? tour et vainqueur et victime.

Ses Empires soumis n'?taient que des d?serts

O? r?gnaient l?chement et Terreur et le crime.

Ce Dieu qu'il adorait y ?tait ?tranger Et le grand ?tendard de la Croix ador?e

Apr?s tant de m?faits ne pouvait que ch?tier

Si de pleurs p?nitents elle n'e?t ?t? baign?e.

i. Ch. Eynard, op. cit., II, pp. 83-84. 2. Allusion ? l'Acte de la Sainte-Alliance chr?tienne des rois, sign?e le

26 septembre 1815.

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C'est ainsi qu'? genoux, aux plaines de Vertus1, Ce grand c ur sut gagner, pour les simples d'Asie, Le plus beau des succ?s : la palme des ?lus !

Tout en disant aux peuples : ' Heureux qui s'humilie !

' ?2

Comme on le voit, au travers de vers m?diocres (et souvent d?fec

tueux), Madame de Kriidener s'?levait contre tous les flatteurs ou ? corrupteurs ?, c'est-?-dire contre tous ceux qui luttent pour la posses sion des biens de ce monde seulement. Une fois de plus elle faisait

appel ? la p?nitence au pied de la Croix et s'exclamait : ? Heureux

qui s'humilie ! ?, seule fa?on d'arriver au salut collectif, d'abandonner

l'?go?sme individuel, le ? vieil Adam ?, au profit de la vraie vie qui est donn?e par la pr?sence en soi de l'esprit du Christ. Curieux abou tissement d'une m?thode ?prouv?e et mill?naire : l'abn?gation person nelle pour le triomphe d'un id?al collectif. Vouloir ? changer le c ur de l'homme ? ?tait peut-?tre comprendre le fond du probl?me... Et

s'engager sur la voie des grandes illusions ?

Paris, 1967. Francis Ley.

i. Allusion ? la messe solennelle c?l?br?e au Camp de Vertus en Champagne par toute l'arm?e russe ? genoux, y compris le tsar, le n septembre 1815.

2. Po?me in?dit, ms. original dans les archives de l'auteur.

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