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L’Allergie aux protéines du lait de vache (APLV) touche 2 à 3 % des nourrissons et apparaît lors du sevrage ou lors des premiers biberons. Les symptômes de l’allergie sont cutanés, digestifs ou plus rarement respiratoires. Leur apparition dépend du mécanisme immunopathologique qui les sous-tend. Ceci permet une classification didactique et une exploration pratique des réactions allergiques. TABLEAUX CLINIQUES 1. Les manifestations immédiates sont Ige médiées Elles sont évidentes, rapides, dans les minutes ou l’heure suivant l’ingestion du biberon. Le tableau associe de façon variable : • vomissements (et non simples régurgitations) rapides qui se répètent si l’ingestion se poursuit • diarrhée explosive • urticaire aigüe, œdème de Quincke (c’est une urticaire profonde du visage) • pâleur, malaise, choc anaphylactique. • rectorragies, rares mais caractéristiques du petit nourrisson • crise d’asthme. 2. Les manifestations non IgE médiées Elles sont de définition plus floue, à déclenchement plus lent, à médiation cellulaire ou à complexes im- muns et correspondent à l’ancienne dénomination d’intolérance au lait (IPLV) : • pour le clinicien la symptomatologie vague peut associer : cris, irritabilité, troubles du sommeil, re- fus alimentaire, vomissements répétées, diarrhées récidivantes parfois sanglantes, ballonnements, constipation, stagnation pondérale. • Le gastro-pédiatre parlera d’entérocolite allergique, d’entéropathie, de rectocolite allergique. 3. Les pathologies mixtes : IgE et non IgE médiées • Les pathologies à éosinophiles (œsophagite, gas- trite, colite) récemment décrites, se traduisent par une symptomatologie de reflux douloureux réagissant mal aux IPP, par une impression de satiété pour des petites doses ingérées, par des coliques persistantes au-delà de 3 mois, par un syndrome de malabsorption avec diarrhée chro- nique. Rien de spécifique, on retrouve les signes décrits dans les manifestations non IgE médiées. Dans ces formes cliniques le gastro- pédiatre pourra proposer fibroscopie et biopsie. • L’association eczéma et APLV donne encore lieu à controverse. Pour rester pratique et consensuel retenons le factuel : - les nourrissons porteurs d’une dermatite atopique (DA) sont plus sujets à développer une allergie alimentaire que les non porteurs de cette affection. - plus la DA est précoce, sévère, difficile à traiter, plus il est licite de rechercher une APLV associée et aggravant les lésions et ce même si la recherche d’IgE spécifiques est négative, puisqu’il ne s’agit pas d’une forme à IgE. - si la DA est associée à des plaintes digestives, à une stagnation pondérale, cette recherche s’impose. La DA « nue » sans signe associé ne nécessite pas de bilan. - il faut des arguments cliniques et para-cliniques documentés pour supprimer le lait de vache à un nourrisson porteur d’un eczéma. On n’arrête pas « pour voir ». ALLERGIE AUX PROTÉINES DU LAIT DE VACHE (APLV) DU NOURRISSON Jacques Robert* FORMAT A4 CYAN MAGENTA YELLOW NOIR *Dr J. Robert - Pédiatre Consultation d’Education Thérapeutique dans la Dermatite Atopique Centre Hospitalier Lyon Sud. Pavillon Dufour 69495 Pierre Bénite Cedex 070149_brochure_JRobert_fab_o12494_u6002.indd 1 16/09/13 14:39

ALLERGIE AUX PROTÉINES DU LAIT DE VACHE (APLV) DU … · L’Allergie aux protéines du lait de vache (APLV) touche 2 à 3 % des nourrissons et apparaît lors du sevrage ou lors

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L’Allergie aux protéines du lait de vache (APLV) touche 2 à 3 % des nourrissons et apparaît lors du sevrage ou lors des premiers biberons. Les symptômes de l’allergie sont cutanés, digestifs ou plus rarement respiratoires. Leur apparition dépend du mécanisme immunopathologique qui les sous-tend. Ceci permet une classification didactique et une exploration pratique des réactions allergiques.

TABLEAUX CLINIQUES1. Les manifestations immédiates

sont Ige médiéesElles sont évidentes, rapides, dans les minutes ou l’heure suivant l’ingestion du biberon. Le tableau associe de façon variable :

• vomissements (et non simples régurgitations) rapides qui se répètent si l’ingestion se poursuit

• diarrhée explosive

• urticaire aigüe, œdème de Quincke (c’est une urticaire profonde du visage)

• pâleur, malaise, choc anaphylactique.

• rectorragies, rares mais caractéristiques du petit nourrisson

• crise d’asthme.

2. Les manifestations non IgE médiées

Elles sont de définition plus floue, à déclenchement plus lent, à médiation cellulaire ou à complexes im-muns et correspondent à l’ancienne dénomination d’intolérance au lait (IPLV) :

• pour le clinicien la symptomatologie vague peut associer : cris, irritabilité, troubles du sommeil, re-fus alimentaire, vomissements répétées, diarrhées récidivantes parfois sanglantes, ballonnements, constipation, stagnation pondérale.

• Le gastro-pédiatre parlera d’entérocolite allergique, d’entéropathie, de rectocolite allergique.

3. Les pathologies mixtes : IgE et non IgE médiées

• Les pathologies à éosinophiles (œsophagite, gas-trite, colite) récemment décrites, se traduisent par une symptomatologie de reflux douloureux réagissant mal aux IPP, par une impression de satiété pour des petites doses ingérées, par des coliques persistantes au-delà de 3 mois, par un syndrome de malabsorption avec diarrhée chro-nique. Rien de spécifique, on retrouve les signes décrits dans les manifestations non IgE médiées. Dans ces formes cliniques le gastro- pédiatre pourra proposer fibroscopie et biopsie.

• L’association eczéma et APLV donne encore lieu à controverse. Pour rester pratique et consensuel retenons le factuel :

- les nourrissons porteurs d’une dermatite atopique (DA) sont plus sujets à développer une allergie alimentaire que les non porteurs de cette affection.

- plus la DA est précoce, sévère, difficile à traiter, plus il est licite de rechercher une APLV associée et aggravant les lésions et ce même si la recherche d’IgE spécifiques est négative, puisqu’il ne s’agit pas d’une forme à IgE.

- si la DA est associée à des plaintes digestives, à une stagnation pondérale, cette recherche s’impose. La DA « nue » sans signe associé ne nécessite pas de bilan.

- il faut des arguments cliniques et para-cliniques documentés pour supprimer le lait de vache à un nourrisson porteur d’un eczéma. On n’arrête pas « pour voir ».

ALLERGIE AUX PROTÉINES DU LAIT DE VACHE (APLV) DU NOURRISSON

Jacques Robert*

FORMAT A4 CYAN MAGENTA YELLOW NOIR

*Dr J. Robert - Pédiatre Consultation d’Education Thérapeutique dans la Dermatite Atopique

Centre Hospitalier Lyon Sud. Pavillon Dufour69495 Pierre Bénite Cedex

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EXAMENS DE PREMIERE INTENTION

En première intention les tests cutanés s’im-posent car ils sont de réalisation facile par tous les médecins, non douloureux, non dangereux.

1. Le prick-test diagnostique les réactions IgE médiées. Réalisable, avec le lait que boit le bébé, dés les premières semaines de vie, âge auquel il est encore peu sensible mais très spécifique. On pique à travers une goutte de lait déposée sur l’avant bras. L’eau du robinet sert de goutte té-moin. La réaction est positive si l’on obtient une papule en 15 minutes d’au moins 3 mm, le témoin étant négatif.

2. Le patch-test étudie les réactions de type retardé. Il consiste à mettre l’allergène (poudre de lait) au contact de la peau pendant 48 heures. Un patch standardisé, prêt à l’emploi (Diallertest®) est disponible en officine. Il contient des peptides de petite taille comme ceux libérés dans l’intestin après digestion. Le patch est laissé 48h. Mais la lecture vs patch témoin doit être faite par le médecin à J3. Dans les formes digestives et dans la dermatite atopique il est conseillé d’associer ces deux types de tests(prick et patch). On peut établir une relation entre DA et APLV si à 72h le médecin lit et touche (avec son doigt) une papule et parfois une vésiculation. Le lait est dans ce cas un facteur aggravant la DA.

3. Les épreuves d’éviction/réintroduction sont la référence. L’éviction peut-être préconisée par le médecin, la réintroduction se fera en milieu hospitalier. L’enfant bénéficiera alors d’un lait hydrolysé dit HE. Les symptômes doivent s’amen-der rapidement en cas de forme aigüe mais en quelques semaines s’il s’agit d’une forme non IgE dépendante. Si il existe dune DA associée, celle-ci va s’améliorer, mais ne va pas obligatoirement disparaître ! Il faudra poursuivre le traitement de la peau…

EXAMENS COMPLEMENTAIRES

Les examens biologiques à la recherche d’IgE spécifiques par la méthode du RAST (Cap system Pharrmacia®) donnent des résultats comparables aux pricks et sont demandés si les tests sont anor-malement négatifs en contradiction avec l’histoire

clinique, s’il n’y a pas d’intervalle de peau saine pour les réaliser, si l’enfant est sous antihistami-nique. Demander : RAST lait de vache (f2) et ca-séine (f78).

L’exploration de la muqueuse intestinale : devant toute lésion inflammatoire (de l’œsophagite à la rectite) un infiltrat éosinophilique est très évocateur d’un mécanisme allergique (recherche à l’hôpital après endoscopie et biopsie).

Le test de provocation orale en double aveugle : est considéré par certains comme le « gold standard » de toute allergie alimentaire. Mais :

• Il ne s’impose pas dans le cadre d’une allergie immédiate, la mère et son nourrisson viennent d’en faire la preuve !

• Il peut se concevoir dans les gastro-entérites à éosinophiles, mais le lait devra être donné pendant plusieurs jours, après éviction, pour déclencher le tableau clinique.

TRAITEMENT

Le traitement repose exclusivement sur le régime d’éviction des protéines du lait de vache et des dérivés. Le lait sera remplacé par un subs-titut à hydrolyse extensive (lait HE) disponible en pharmacie et pris en charge (en grande partie) par l’assurance maladie.

En cas d’allergie aux hydrolysats poussés de protéines (rares) ou si persistance des signes avec eczéma sévère et retard de croissance l’indication est celle d’une formule à base d’acides aminés libres.

Ne sont pas adaptés à la prise en charge d’une APLV : les autres laits d’origine animale (chèvre, brebis, jument, ânesse) en raison des réactions croisées, les formules HA (hydrolyse partielle), les boissons « lactées » d’amande, de soja ou de châtaigne (déficit calcique, protéique et risque de sensibilisation). Cependant un hydrolysat de riz, vendu en officine est une alternative au lait HE, il a montré sa bonne tolérance chez 90% des enfants souffrant d’APLV.

Prévention possible : les probiotiques. Un meilleur résultat serait obtenu dans l’association APLV-DA si on ajoute au régime avec lait HE ou Néocate des lactobacilles (souche GG) ou des bifidus (souche Bb-12).

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QUE RETENIR ?

L’APLV est cliniquement de diagnostic facile s’il s’agit d’une forme aiguë IgE dépendante. Un simple prick à travers une goutte de lait a une bonne valeur confirmative.

L’APLV est de diagnostic plus difficile dans les formes entéropathiques. C’est le test d’éviction qui prime.

C’est dans le groupe des nourrissons por-teurs d’eczéma que l’on va découvrir le plus d’allergique alimentaire, par rapport à un groupe témoin à peau saine.

Mais pour incriminer une allergie au lait de vache dans l’aggravation ou l’éclosion d’un eczéma, il faut des arguments solides :

• La DA n’est alors pas « nue » et résiste à un traitement bien conduit.

• Le patch-test induit à 72h une réaction d’ec-zéma numulaire.

• L’éviction des protéines du lait améliore l’en-fant.

RÉFÉRENCES

Breuer K, Heratizadeh A, Wulf A et al. Late eczematous reaction to food in children with atopic dermatitis. Clin Exp Allergy 2004; 34: 817-824

DUPONT C et al. Prise en charge diététique de l’allergie aux protéines du lait de vache. Arch Pediatr 2011 ;18 : 79-94

DUTAU G. Dictionnaire des allergènes 1vol 2007. Phase 5 Ed.

SAMPSON HA. Update on food allergy. J Allergy Clin Immunol, 2004, 113: 805-819.

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