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3S3 Ann Dermatol Venereol 2007;134:3S3 Éditorial L es causes d’alopécies sont multiples. Le symposium des Laboratoires Bailleul- Biorga, au cours des Journées Dermatologiques de Paris 2006, s’est spécifique- ment intéressé aux alopécies liées à certains facteurs d’environnement (agents iatrogènes ou toxiques dont le tabac). Différents facteurs, rappelés par Pascal Reygagne, permettent d’expliquer la sensibilité du follicule pileux : nombre de mitoses dans la zone germinative de la matrice pilaire, caractère cyclique du renouvellement du cheveu, complexité et fragilité de la vascularisation du cheveu. Les facteurs de régulation du cycle pilaire représentent des cibles d’action potentielles pour les toxiques. Une classification en trois groupes des médicaments s’appuyant sur le risque réel d’alopécie a été proposée. En dehors des antimitotiques, les médicaments sont rarement responsables et ne peuvent être incriminés que sur plusieurs critères : délai d’apparition évocateur, mécanisme compatible avec les données connues du médicament, régression en trois mois à l’arrêt du médicament. L’alopécie induite par la chimiothérapie est redoutée. Il s’agit d’un événement fréquent mais non obligatoire, auquel s’ajoute la susceptibilité individuelle du patient. M Di Palma indique l’évaluation du risque en fonction de la molécule. Il rappelle que la prévention est le seul outil efficace par l’utilisation du casque réfrigéré dont le principe est de provoquer une vaso constriction locale afin de diminuer la quantité de chimiothérapie délivrée au niveau du cuir chevelu. Les modalités strictes d’utilisation en sont rappelées de même que ses indications limitées aux chimiothérapies intra-veineuses de demi-vie courte. Le soutien au patient à travers son information par le « parcours de soin personnalisé » ou les consultations infirmières d’annonce, est très important. La perruque peut être proposée transitoirement. La lutte contre le tabagisme et son interdiction dans les lieux publics ont conduit à la vulgarisation de ses effets toxiques sur le poumon ou l’appareil cardiovasculaire. Philippe Humbert en rappelle les effets néfastes sur la peau, plus particulièrement l’accélération du vieillissement cutané (rides du fumeur et modification de couleur de la peau). Ces conséquences sont liées à plusieurs mécanismes : altération du derme par production de radicaux libres, potentialisation des effets des U.V., troubles de la circulation dermique, affaiblissement des défenses immunitaires et effets anti-œstrogéniques. Les études sur le tabagisme et l’alopécie sont rares. L’alopécie observée se rapprocherait de l’alopécie androgéno-génétique. Des études chez la souris ont évalué la toxicité de la fumée de cigarette sur le follicule pileux en montrant une alopécie dorsale chez les souris exposées. Dans ce même modèle murin, l’administration de L-cystine et de vitamine B6 a montré une prévention de l’alopécie induite par la fumée. La cystine est un acide aminé qui intervient dans la composition du cheveu. Ses effets préventifs seraient liés à ses propriétés anti oxydantes, anti cytotoxiques et de modulation de l’apoptose. Ces résultats chez l’animal devront être confirmés par des études chez l’homme. Pr Béatrice Crickx Rédacteur en chef Alopécies et agents toxiques PR BÉATRICE CRICKX

Alopécies et agents toxiques

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Ann Dermatol Venereol2007;134:3S3

Éditorial

Les causes d’alopécies sont multiples. Le symposium des Laboratoires Bailleul-Biorga, au cours des Journées Dermatologiques de Paris 2006, s’est spécifique-ment intéressé aux alopécies liées à certains facteurs d’environnement (agents

iatrogènes ou toxiques dont le tabac).

Différents facteurs, rappelés par Pascal Reygagne, permettent d’expliquer la sensibilité dufollicule pileux : nombre de mitoses dans la zone germinative de la matrice pilaire, caractèrecyclique du renouvellement du cheveu, complexité et fragilité de la vascularisation du cheveu.Les facteurs de régulation du cycle pilaire représentent des cibles d’action potentielles pourles toxiques. Une classification en trois groupes des médicaments s’appuyant sur le risqueréel d’alopécie a été proposée. En dehors des antimitotiques, les médicaments sont rarement responsables et ne peuvent être incriminés que sur plusieurs critères : délai d’apparition évocateur, mécanisme compatible avec les données connues du médicament,régression en trois mois à l’arrêt du médicament.

L’alopécie induite par la chimiothérapie est redoutée. Il s’agit d’un événement fréquent mais non obligatoire, auquel s’ajoute la susceptibilité individuelle du patient.M Di Palma indique l’évaluation du risque en fonction de la molécule. Il rappelle quela prévention est le seul outil efficace par l’utilisation du casque réfrigéré dont le principe est de provoquer une vaso constriction locale afin de diminuer la quantité dechimiothérapie délivrée au niveau du cuir chevelu. Les modalités strictes d’utilisationen sont rappelées de même que ses indications limitées aux chimiothérapies intra-veineuses dedemi-vie courte. Le soutien au patient à travers son information par le « parcours desoin personnalisé » ou les consultations infirmières d’annonce, est très important. La perruque peut être proposée transitoirement.

La lutte contre le tabagisme et son interdiction dans les lieux publics ont conduit àla vulgarisation de ses effets toxiques sur le poumon ou l’appareil cardiovasculaire.Philippe Humbert en rappelle les effets néfastes sur la peau, plus particulièrementl’accélération du vieillissement cutané (rides du fumeur et modification de couleur de la peau). Ces conséquences sont liées à plusieurs mécanismes : altération du derme par production de radicaux libres, potentialisation des effets des U.V., troublesde la circulation dermique, affaiblissement des défenses immunitaires et effets anti-œstrogéniques. Les études sur le tabagisme et l’alopécie sont rares. L’alopécieobservée se rapprocherait de l’alopécie androgéno-génétique.

Des études chez la souris ont évalué la toxicité de la fumée de cigarette sur le folliculepileux en montrant une alopécie dorsale chez les souris exposées. Dans ce mêmemodèle murin, l’administration de L-cystine et de vitamine B6 a montré une prévention del’alopécie induite par la fumée. La cystine est un acide aminé qui intervient dans lacomposition du cheveu. Ses effets préventifs seraient liés à ses propriétés anti oxydantes, anti cytotoxiques et de modulation de l’apoptose. Ces résultats chez l’animaldevront être confirmés par des études chez l’homme.

Pr Béatrice CrickxRédacteur en chef

Alopécies et agents toxiques

PR BÉATRICE CRICKX