Amphi Droit pénal

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Droit pnalS4 : 26/01/10

IntroductionSi on prend la dfinition du crime dans le dictionnaire Cornu, cest une transgression particulirement grave attentatoire lordre et la scurit, contraire aux valeurs sociales admises, rprouve par la conscience, et punie par la loi . Il y a deux objectifs au droit pnal, que le lgislateur va tenter de concilier, et qui sont tout aussi louables lun que lautre : o une rponse adapte aux ncessits de la rpression : lorsquun crime est commis, on ne doit pas le laisser impuni o la sauvegarde de la libert individuelle : on ne peut pas arrter arbitrairement une personne quon pourrait considrer coupable du crime et dlit, il faut suivre une procdure particulire qui respecte les droits du suspect ou coupable (pas de torture, dcoute sans autorisation) Depuis quelque temps, on considre galement un troisime objectif : que la victime doit prendre part au procs.

1 : Dfinition du droit pnalLe droit pnal gnral est un droit pnal trs original, dans la mesure o il est normatif : cela signifie quil ne se borne pas observer les vnements, mais quil va prescrire ce qui doit tre fait dans lintrt gnral. Ce droit pnal gnral cre galement des notions qui lui sont propres, comme la complicit ou encore la tentative, et qui vont recevoir des dfinitions qui ne vont jouer quen droit pnal. Le droit pnal doit galement faire preuve de ralisme : son rle principal est de combattre la dlinquance, et pour ce faire les concepts vont voluer en fonction de lpoque. Certaines infractions ont t abroges, alors mme que dautres ont t cres pour sadapter une dlinquance nouvelle. Il faut garder lesprit que le droit pnal refuse le mcanisme de la fiction, qui consiste considrer comme vrai quelque chose qui na pas t dmontr. La plupart des auteurs sont trs dfavorables aux recours ces fictions en droit pnal, car ils considrent que 1

ces derniers vont porter atteinte aux droits de la dfense, et notamment la prsomption dinnocence (do linterdiction de filmer ou de photographie un suspect menott sans preuve de sa culpabilit). Le droit pnal doit donc protger la victime, qui peut se constituer partie civile, ce qui signifie quelle va pouvoir avoir un rle actif dans la procdure. Ce nest en ralit que depuis un arrt de 1906 que la victime va pouvoir mettre en mouvement laction publique en se constituant partie civile (si elle ne le fait pas, cest alors le rle du ministre public, qui a le choix de la mettre en mouvement ou pas). Depuis cette priode, on a admis que la victime pouvait se prvaloir dun certain nombre de droits, notamment dtre assiste dun avocat (la victime a le droit de se dfendre) ou dtre effectivement reconnue comme victime (pas de prsomption de tromperie ou de faux tmoignage). Certains auteurs ont galement soulign que la victime avait le droit de rester passive lors de linstance en laissant le ministre public activer le procs, ainsi que celui davoir un rle actif : elle va pouvoir demander des actes dinstruction, des examens mdicaux, psychologiques, ou toute mesure pouvant tre utile la manifestation de la vrit. Le problme est cependant quelle peut demander ces actes, mais que le juge dinstruction peut refuser ces mesures. La loi du 9 septembre 2002 a apport une modification substantielle concernant le droit des victimes, et depuis cette loi, les officier de police judiciaire doivent informer les victimes quelles peuvent se constituer partie civile, demander rparation de prjudice subi, et tre aides par des associations daide aux victimes. Loriginalit du droit pnal tient encore au fait quil doit garantir les droits de certaines personnes, ce quil fait travers le principe de lgalit criminelle. Le droit pnal est autonome par rapport aux autres branches du droit : certains considrent dailleurs quil appartient au droit public, mme sil est rang dans la catgorie des branches du droit priv. Ainsi, le droit pnal peut refuser une interprtation faite daprs des notions dautres branches du droit (exemple : la banqueroute, qui est diffrente en droit commercial et en droit pnal). Ce droit pnal va pouvoir se diviser en plusieurs disciplines, rparties en deux types de branches : o les branches classiques : Droit pnal spcial : son objectif est de fixer la nature des comportements que le lgislateur considre comme tant nocif pour la socit, et de dresser la liste des infractions Droit pnal gnral (objet du cours) : toutes les incriminations pnales vont sappuyer sur des principes communs, et lanalyse de ces principes forme le droit pnal gnral, qui trouve son assise dans les articles 111-1 133-17 du Code pnal. Le droit pnal gnral permet dtablir le portrait des catgories dinfractions, et vise analyser le rgime des peines qui vont leur tre applicables. Il va fixer les rgles qui mritent une 2

protection par le droit pnal : cest la fonction expressive du droit pnal. Le droit pnal gnral comprend tout ce qui a trait la peine et leur attribution aux infractions. La procdure pnale : lapplication du droit pnal ncessite le dclenchement dun procs devant une juridiction pnale. L encore lobjet de la procdure pnale est double : il doit en premier lieu dterminer les rgles de comptence et dorganisation des juridictions rpressives, et dtailler en second lieu les tapes de la dcouverte de linfraction jusquau procs et lpuisement des voies de recours.

o les branches plus modernes, beaucoup plus nombreuses : La science pnitentiaire : elle va analyser les difficults engendres par lexcution des peines Le droit pnal spcial Le droit pnal des affaires : celui-ci comprend de nombreuses autres branches comme le droit pnal de la presse, le droit pnal conomique, le droit pnal de la consommation Le droit pnal international : lorsquune infraction est commise par un franais ltranger, par un tranger en France, ou encore par un tranger sur un franais.

2 : Lvolution du droit pnal gnral A/ Jusqu 1810Cette volution a t marque par plusieurs tapes. La premire fut ce quon appelle le dclin de la justice prive, et deux systmes se sont successivement imposs : la procdure accusatoire et la procdure inquisitoire. Celles-ci vont avoir une rpercussion importante sur la charge de la preuve et la protection des liberts individuelles. Jusquau XIIIe sicle, la procdure tait de type accusatoire : il appartenait laccusateur de prouver la vracit de ses allgations, la dfense tait libre et laudience publique. On considrait lpoque que toute accusation est une atteinte la libert individuelle, do lobligation de laccusateur. Sur le plan des principes, on peut considrer que ce systme tait assez favorable la personne poursuivie dans la mesure o la charge de la preuve incombe laccusation et que la personne accuse est considre comme innocente jusquau procs. Cette image de protection est totalement illusoire : depuis lpoque mrovingienne, certaines preuves taient utilises comme le serment entre parties, ou encore lordalie (principe selon lequel Dieu est toujours du cot des innocents). A partir du XIIIe sicle, on a commenc privilgier la procdure inquisitoire, dans laquelle la procdure tait dclenche par le ministre public ou par le juge : on prsumait la 3

culpabilit de laccus, on essayait donc de transformer cette prsomption en certitude. On va faire prvaloir lordre public sur la libert individuelle. Le systme des ordalies a t abandonn et remplac par ce quon appelle les preuves lgales : sa vocation principale tait dassurer la protection de laccus contre les pouvoirs excessifs dont taient dots les juges, mais ce systme a amplifi larbitraire. En effet, dans le systme des preuves lgales, chaque preuve a une force probante dfinie, et le juge est tenu de tirer les consquences des preuves prsentes (en cas daveux, la personne devait tre condamne mme en cas de preuves contraires). Ainsi, le juge a cherch obtenir des aveux tout prix par la torture, qui a t gnralise lpoque. Cest la raison pour laquelle au XVIIe sicle, les auteurs ont commenc dnoncer les faiblesses du systme inquisitoire et des preuves lgales, et on a commenc considrer quil fallait mieux absoudre 1000 coupables que de condamner un innocent. Cest alors que la prsomption dinnocence a fait son apparition : lorsque linnocence des citoyens nest pas assure, la libert ne lest pas non plus (Montesquieu). Le principe de prsomption dinnocence sera par la suite consacr dans la Dclaration des Droits de lHomme et du Citoyen de 1789, amenant ainsi la charge de la preuve tre incombe la partie poursuivante. Le systme des preuves lgales a t abandonn au profit de la libert de la preuve : tous les moyens de preuve peuvent tre utiliss par le juge, mais aucun na de force probante suprieure. Le Code pnal napolonien a t adopt en 1810. Il faisait preuve dune grande svrit dans la rpression, avec notamment des chtiments corporels, des peines planchers et des peines maximum.

B/ Depuis 1810Un certain nombre dcoles de pense ont pu se crer et avoir une influence sur lvolution du droit pnal gnral : o Lcole no-classique, dont les plus grands reprsentants sont Rossi et Ortolan : punir pas plus quil nest juste et pas plus quil nest ncessaire . Cette cole dnonce la svrit du Code napolonien : ils veulent graduer la peine en fonction de la personnalit du coupable. Ce mouvement a eu pour consquence ladoption de circonstances attnuantes, ladoucissement en 1832 et 1863 du Code pnal napolonien, et la personnalisation de la peine. o Lcole positiviste : le Docteur Lumbroso a pos les bases de cette cole dans Lhomme criminel. Lauteur y parle de dterminisme : le sort de chaque personne est crit lavance, il faut donc remplacer les peines par des mesures de sret fixes non pas en fonction de la personnalit du dlinquant, mais en fonction de son caractre dangereux. Cest en sappuyant sur ces ides que le lgislateur a prvu que les mineurs dlinquants puissent faire lobjet de mesures ducatives. o Lcole de la dfense sociale nouvelle, de Marc Ancel : les principes de cette cole ont t poss dans La dfense sociale nouvelle, en 1954. Selon Ancel, il 4

faut prvenir linfraction et permettre au dlinquant de se rinsrer dans la socit (la rinsertion empche la rcidive). Cest sur cette base que le sursis a t admis.

C/ Ltat actuel de lvolutionLe Code pnal de 1810 a t remplac par le Code pnal entr en vigueur le 1 er mars 1994. Les puristes considrent quil ny a quun seul Code pnal, mais quil faut parler danciennes et de nouvelles dispositions. On a reclassifi et recodifi les infractions, et chaque chiffre de larticle renvoie un lment du Code pnal (larticle 112-1 renvoie au livre 1er, titre 1er, chapitre 2). Sur le fond, le Code pnal de 1994 a apport dimportantes modifications telles que ladmission de la responsabilit pnale des personnes morales, la suppression de toutes les peines planchers, la dlimitation morale de linfraction. Plusieurs lois sont cependant venues modifier le Code pnal 1994 : o la loi du 10 juillet 2000 a redfini la faute pnale dimprudence o la loi Perben II du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux volutions de la criminalit, qui apporte de profondes modifications concernant la criminalit organise, cre une nouvelle peine (le stage de citoyennet), ainsi que la rduction de peine pour les repentis (article 132-78 du Code pnal)

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Premire partie : la loi pnaleLa loi pnale est une condition antrieure et pralable tout acte infractionnel. Elle suppose lincrimination et, selon le vocabulaire juridique Capitan, lincrimination est une mesure de politique criminelle consistant pour lautorit comptente riger un comportement dtermin en infraction en dterminant les lments constitutifs de celle-ci et la peine applicable.

Chapitre I : Lobjet de la loi pnaleEn application de larticle 111-1 du Code pnal, les infractions sont classes suivant leur gravit en crimes, dlits et contraventions. Il est apparu assez logique de classifier les comportements et de les catgoriser.

Section 1 : La distinction fonde sur la gravit de linfractionPlusieurs types de classification ont t envisags par la doctrine : llment intentionnel, moral, etc Mais la plus importante de ces classifications sappuie sur llment lgal, autrement dit le Code pnal a pris en considration les peines qui rgissent les infractions pour les classer. Le lgislateur va prendre en considration la gravit de linfraction en fonction de la valeur mconnue. On peut dduire de la peine applique de quelle infraction il sagit : il faut se rfrer diffrents articles du Code pnal, notamment larticle 131-1, qui dispose que les peines criminelles encourues par les personnes physiques sont la rclusion criminelle ou la dtention criminelle perptuit. Larticle 131-3 du Code pnal ajoute que les peines correctionnelles encourues par les personnes physiques sont lemprisonnement et lamende, et enfin larticle 131-12 relve que les peines contraventionnels encourues par les personnes physiques sont lamende et les peines restrictives ou privatives de droits. Par exemple, le Code pnal dispose que le vol est puni de 3 ans demprisonnement, ainsi on peut en dduire que cest un dlit. Cependant, il ajoute que sil est assorti de la menace dune arme, le coupable encourt 10 ans demprisonnement, ce qui en fait un crime. Ainsi la mme infraction peut avoir des qualifications diffrentes selon les circonstances de cette infraction. Ce critre de classification a des consquences : tout notre systme pnal sest bti autour delle, et les consquences sont relativement importantes. 6

La premire influence se fait ressentir sur llment matriel : en matire criminelle, la tentative est toujours punissable, tandis qune matire dlictuelle, la tentative ne sera sanctionne que si le texte dincrimination le prvoit. Enfin, la tentative nest jamais punissable en matire de contravention. La complicit est toujours possible en matire criminelle et dlictuelle, alors quen matire contraventionnelle, il ny a que certaines hypothses prvues par la loi qui admettent la complicit. La distinction a galement des consquences sur llment moral de linfraction : larticle 121-3 du Code pnal prcise que tous les crimes sont intentionnels, il ajoute que les dlits peuvent tre intentionnels, dimprudence, ou de mise en danger de la vie dautrui. Il nest jamais ncessaire de rapporter la preuve du caractre intentionnel dune contravention, le seul fait suffit caractriser linfraction. La distinction crime/dlit/contravention a galement des consquences sur la peine, plus prcisment sur le quantum (montant) de la peine. Le Code pnal a supprim les peines planchers pour les crimes et les dlits, la dispense de peine ne peut jouer quen matire dlictuelle ou contraventionnelle, le sursis ne peut tre prononc quen matire correctionnelle ou dlictuelle, la prescription de la peine est diffrente (20 ans en matire criminelle, 5 ans en matire dlictuelle, et 2 ans en matire contraventionnelle). On retrouve les consquences de cette distinction en matire procdurale : la procdure va tre lie la nature des infractions en cause. En matire criminelle, linstruction est obligatoire, alors quelle nest que facultative en matire dlictuelle. Si le juge estime que tous les lments de preuve sont runis, il ne va pas ouvrir dinstruction, contrairement au cas o la situation est complexe et ncessite des claircissements. La comparution immdiate est possible pour les crimes et les dlits, et la contravention fait lobjet dune citation directe. Le plaider coupable (procdure et peine amoindries) nest possible que pour les contraventions et dlits. Les contraventions relvent du tribunal de police, les dlits du tribunal correctionnel, et les crimes de la Cour dassise.

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Section 2 : La distinction fonde sur la nature de linfractionIl y a trois types de classification : les infractions politiques, les infractions de terrorisme et les infractions militaires.

1 : Les infractions politiquesIl nexiste pas de critre lgal dfinissant une infraction politique : cest la jurisprudence et la doctrine qui ont dgag deux critres. Selon le critre objectif, on va considrer comme tant des infractions politiques toute infraction portant atteinte lorganisation et au fonctionnement des pouvoirs publics. Selon le critre subjectif (dvelopp par la doctrine), on va prendre en considration le mobile du dlinquant : sil a commis une infraction de droit commun en tant anim dune intention politique (squestrer un homme politique parce que cen est un), alors il est coupable dune infraction politique. Seul le critre objectif est retenu. Les peines politiques sont diffrentes des peines de droit commun lorsquil sagit dun crime. Le Code pnal a tabli une chelle des peines diffrentes de ce quon peut retrouver de faon classique : perptuit, rclusion de 30 ou de 15 ans. En matire dlictuelle, il ny a pas de diffrence, et les peines applicables aux dlits politiques nentranent jamais de dchance, et aucune contrainte par corps ne peut tre demande.

02/02/10Les crimes politiques relvent de la Cour dassise comme les crimes de droit commun, nanmoins le lgislateur a prvu une drogation cette rgle lorsque le crime datteinte aux intrts fondamentaux de la nation est commis en temps de guerre, o il relve de la juridiction des forces armes. Certains crimes politiques commis en temps de paix relvent dune Cour dassise spcifique, qui nest pas compos dun jury populaire mais de sept magistrats professionnels. Lorsquun appel est form, la Cour dassise dappel sera compose de neuf magistrats professionnels. Seuls les crimes de trahison et despionnage sont concerns par cette Cour. Les dlits politiques sont soumis aux juridictions de droit commun, nanmoins on ici encore deux exceptions ce principe : en effet, les infractions prvues aux articles 411-1 411-11 qui sont commises en temps de paix vont relever dun tribunal correctionnel spcialis en matire militaire. Enfin, les dlits contre les intrts fondamentaux de la nation commis en temps de guerre sont soumis la juridiction des forces armes. La comparution immdiate est impossible en matire politique, ainsi que la procdure dextradition. 8

2 : Les infractions militairesCes infractions sont encore plus anecdotiques que les infractions politiques, et la jurisprudence dans ce domaine est quasiment inexistante. Les infractions militaires sont assimiles des infractions disciplinaires : on va donc devoir se rfrer au Code de justice militaire, qui dtermine quelles sont les infractions militaires et va fixer les rgles applicables en la matire. Selon ce dernier, ces infractions sont des manquements au devoir ou la discipline militaire (mutilation volontaire, dsertion, etc.). La jurisprudence a cependant tendu le domaine des infractions militaires : elle a considr quelles concernaient galement les infractions de droit commun commises par des militaires. Pour que cette jurisprudence puisse sappliquer, il faut que linfraction ait t commise loccasion de lexcution de lactivit militaire. Des rgles spcifiques vont tre mises en uvre en ce qui concerne les juridictions comptentes : o En temps de paix, les dlits militaires vont relever de juridictions spcialises en matire militaire, et les crimes relvent de la Cour dassise de droit commun. o En temps de guerre, ce sont les juridictions des forces armes qui vont avoir la comptence. La seule particularit concerne certaines peines complmentaires relatives lactivit militaire (perte de grade, destitution). Lextradition nest possible que lors dun crime de droit commun commis par un militaire, ou encore lors de la dsertion de marins terre.

3 : Les infractions de terrorismeSelon larticle 421-1 du code pnal, constituent des actes de terrorisme lorsquelles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement lordre public, par lintimidation ou la terreur, les infractions suivantes : toutes les atteintes la vie, les vols ou extorsion de fonds, la fabrication dengins meurtriers , etc. Les infractions de terrorisme peuvent tre commises par toute personne, et la particularit est quon va prendre en compte le but poursuivi par le dlinquant. En loccurrence, le mobile va avoir une fonction dterminante sur la qualification juridique de linfraction. La Cour de cassation rappelle rgulirement que les juges du fond vont devoir vrifier ltat desprit du dlinquant pour quon puisse en conclure une infraction de terrorisme. Si tel est le cas, on va l encore avoir des rgles de procdure et de comptence particulires : o En ce qui concerne la procdure, les consquences sont extrmement lourdes : les rgles de garde vue ne sont pas les mmes (4 jours au lieu de 2), lintervention de lavocat nintervient quau bout de 72 heures, le consentement 9

de la personne nest pas ncessaire lors dune perquisition, et les empreintes dauteurs dactes de terrorisme sont centralises dans un fichier o Pour la comptence juridictionnelle, peu importe o linfraction a t commise, seules les juridictions de Paris sont comptentes. Cest une Cour dassise spcifique qui sera comptente en matire de crimes de terrorisme, et qui nest compose que de magistrats professionnels.

Chapitre II : Le principe de la lgalitEn vertu du principe de la lgalit criminelle, il ne peut pas y avoir dinfraction en dehors dun texte lgale (nullum crimen, sine lege), et la loi est ncessaire pour toute incrimination. Ainsi le juge na pas le droit de crer un dlit, ou de dclarer punissable des faits que le lgislateur ou le pouvoir excutif na pas incrimin.

Section 1 : Les origines et les volutions de la rgle lgaliste1 : Les origines et les fondements du principeCe principe de la lgalit, on en retrouve des traces dans le Code qui avait fix une chelle des peines. Au Moyen-ge, le systme des peines a t adopt, mais pendant trs longtemps, le droit pnal a connu des difficults car il tait divers : les rgles pouvaient tre issues de beaucoup de sources. Cela crait un arbitraire pour les justiciables, et cest donc pour combattre cet arbitraire quau XVIIIe, on a considr que ce systme ntait pas juste pour le justiciable : la DDHC a alors pos le principe de la lgalit pnale. En vertu de larticle 5 de la Dclaration : tout ce qui nest pas dfendu par la loi ne peut tre empch . Larticle 8 de la DDHC ajoute que la loi ne peut tablir que des peines strictement et videmment ncessaires, et nul ne peut tre puni quen vertu dune loi tablie et promulgue antrieurement au dlit . Ce principe a valeur constitutionnelle, et a galement t consacr au niveau international et europen : en effet, la Dclaration Universelle des Droits de lHomme du 10 dcembre 1948 affirme en son article 11 que nul ne sera condamn pour des actions ou omissions qui, au moment o elles ont t commises, ne constituaient pas un acte dlictueux daprs le droit national et international.

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Ce principe de la lgalit a t repris par la Convention de Sauvegarde des Droits de lHomme et des Liberts Fondamentales, qui rappelle quil nest inflig aucune peine plus forte que celle qui tait applicable au moment o linfraction a t commise . Le Code pnal a repris ce principe de lgalit larticle 111-3, en vertu duquel nul ne peut tre puni pour un crime ou pour un dlit dont les lments ne sont pas dfinis par la loi ou pour une contravention dont les lments ne sont pas dfinis par un rglement ; nul ne peut tre puni dune peine qui nest pas prvue par la loi si linfraction est un crime ou un dlit, ou par un rglement si linfraction est une contravention.

2 : Lvolution de la rgle de lgalit A/ Laffaiblissement progressif du principe par rapport sa conception originaleCertains auteurs estiment que le principe de lgalit criminelle a connu, depuis sa cration dans la DDHC, un certain affaiblissement. On a pu constater quon pouvait trouver certaines sources de ce dclin dans le domaine lgislatif, mais aussi dans le domaine judiciaire. On notera tout dabord la disparition de lexclusivit lgislative dans la cration des textes caractre rpressif : ce pouvoir lgislatif va accorder au pouvoir excutif le droit de dcrire des incriminations (il reviendra alors au pouvoir lgislatif de fixer des peines associes, sauf en matire contraventionnelle ou lexcutif pourra sen charger). Le pouvoir excutif pourra aussi fixer des peines complmentaires ou restrictives de droits en matire dlictuelle et criminelle. Des auteurs ont galement soulign que la multiplicit des actes rpressifs peut avoir une consquence ngative sur le principe de la lgalit : ils soulignent quon a de plus en plus de textes, qui sont de plus en plus souvent modifis, et parfois assez vagues. Portalis avait soulign quen matire criminelle, o il ny a quun texte formel et prexistant pouvant former laction du juge, il faut des lois prcises, et point de jurisprudence. Cela signifie quen matire pnale, seule la loi doit crer des infractions, dlimiter leur champ dapplication, les textes pnaux ne doivent pas tre incertains, et ainsi la jurisprudence ne devrait avoir quun rle accessoire en appliquant des dispositions pnales claires. Or la jurisprudence a un rle de plus en plus important, en cela on peut considrer quil y a un dclin du principe de lgalit criminelle.

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B/ La transformation du principeCe principe de lgalit a d voluer et se transformer pour sadapter, car l encore on a octroy de nouveaux droits au juge rpressif. En effet, il pourra apprcier la lgalit dun texte lorsquil sera un rglement administratif : cest ce quon appelle lexception dingalit, consacre larticle 111-5 du Code pnal. En effet, les juridictions pnales sont comptentes pour interprter les actes administratifs, rglementaires ou individuels, et pour en apprcier la lgalit. Lorsque de cet examen dpend la solution du procs pnal qui leur est soumis, en vertu de larticle 111-5 du Code pnal, le juge pnal va pouvoir rechercher si lacte administratif nest pas entach dun vice dincomptence de forme, de violation de la loi, ou encore de dtournement de pouvoir. Pour pouvoir exercer ce contrle, il faut ncessairement que lacte administratif mis en cause soit lorigine des poursuites pnales, et que de cette interprtation dpende lissue de ce procs pnal. Dans cette hypothse, le juge va pouvoir vrifier que lacte administratif est conforme toutes les normes suprieures cet acte. Dans ce cas l, la dcision que le juge pnal va prendre ne vaudra que pour le jugement pnal en cause.

Section 2 : La signification du principe de lgalit pnaleLe principe de lgalit suppose quon ait recours la loi rpressive afin de crer des crimes et des dlits, ce qui signifie quon aura recours la loi que pour protger des valeurs sociales fondamentales. Le lgislateur et le juge vont tre tenus de respecter ce principe de lgalit.

1 : La signification du principe lgard du lgislateurLe lgislateur est tenu de respecter un certain nombre dobligations dans llaboration des lois, lorsquil cre une incrimination, mais aussi lorsquil prvoit des sanctions cette incrimination.

A/ Le respect de la hirarchie des normesLe Conseil constitutionnel est selon lexpression le gardien des liberts et droits fondamentaux contenus dans un bloc de constitutionnalit fix par le Conseil lui-mme. A priori, les lois peuvent tre soumises la censure du Conseil constitutionnel. Ce dernier, dans une dcision du 2 mars 2004, a estim qu partir du moment o les dispositions contenues dans la loi Perben II se rfraient des dispositions expresses du Code procdure pnale pour la dlimitation des nouvelles rgles de procdure dans la dlimitation 12

des nouvelles rgles applicables en matire de criminalit organise, cette loi ntait pas illgale. Un arrt de la CEDH du 30 mars 2004 permet dclairer la prcdente dcision. En lespce, la radio France Info a diffus lors dun de ses flashs une information diffamatoire lencontre dun fonctionnaire, qui a t reprise pendant 24 hures, toutes les heures et en direct. En matire dinfraction de presse, cest le directeur de publication qui engage sa responsabilit, mais dans une mission en direct, cest lauteur de la diffamation. Or dans cette affaire, cest le directeur de publication qui a t poursuivi, et qui a donc fait valoir la rgle ci-dessus. Les juridictions franaises ont condamn le directeur de publication en estimant que la ritration du message toutes les heures quivalait une fixation. La CEDH a estim que la Convention Europenne des Droits de lHomme ne proscrit pas la clarification graduelle des rgles de la responsabilit pnale par linterprtation jurisprudentielle dune affaire lautre, condition que le rsultat soit cohrent avec la substance de linfraction et raisonnablement prvisible. La jurisprudence europenne admet dans cet arrt la rtroactivit dune peine plus svre si elle est cohrente avec linfraction.

B/ Les obligations concernant les incriminationsA priori, le lgislateur est tenu de rdiger des textes clairs et prcis, et en vertu de larticle 111-3 du Code pnal, le lgislateur doit dfinir les lments constitutifs des infractions, et a une comptence exclusive en matire dlictuelle et criminelle. Cela signifie que lorsquun acte choquant na pas t envisag par la loi, son auteur ne peut pas tre poursuivi par la loi. Ds lors que la disposition pnale renvoie un rglement afin de dcrire les agissements frauduleux, aucune infraction ne sera caractrise tant que les agissements nauront pas fait lobjet de cette description. Quoi quil en soit, les dispositions pnales qui crent un crime ou un dlit doivent caractriser les lments matriel et moral constitutifs de linfraction.

C/ Les obligations quant aux sanctionsLindividu doit connatre a priori les faits qui sont pnalement sanctionns, ainsi que les peines auxquelles il sexpose. Ainsi sera censur un arrt qui condamne un individu une peine suprieure ce que le Code pnal prvoit au maximum pour linfraction commise, ou si la condamnation comporte une peine complmentaire qui nest pas prvue par le Code pnal.

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2 : La signification du principe lgard du jugeLe juge peut apprcier les dispositions pnales qui lui sont soumises, et ce en respectant le principe de linterprtation stricte des dispositions pnales. Le juge ne peut retenir que les actes qui ont fait lobjet dune incrimination sous forme de crime ou de dlit par la loi ou par un rglement pour une contravention. Cela concerne toutes les infractions, ce qui veut dire que le ministre public, les juridictions dinfraction ainsi que les juridictions de jugement vont devoir rechercher le texte applicable lespce. Ils doivent rechercher si llment lgal est caractris, et vrifier que les lments constitutifs numrs par la loi sont runis. En labsence de texte applicable, le procureur de la Rpublique doit classer laffaire sans suite, le juge de juridiction doit rendre une ordonnance de non-lieu, et la juridiction de jugement doit acquitter sil sagit dun crime. La correctionnalisation judiciaire, trs critique par la doctrine, est une pratique qui va permettre de considrer quun crime est un dlit, et ce pour que laffaire relve dun tribunal correctionnel, qui est souvent plus svre et plus facile runir. Le principe dinterprtation stricte des dispositions pnales est consacr larticle 1114 du code pnal. Il peut tre rattach au principe de la prsomption dinnocence : en effet, on estime que lon doit toujours donn un sens favorable laccus en cas de dispositions peu claires (le doute profite laccus). Les lois doivent donc tre interprtes de faon stricte, ce qui ne soppose pas ce que le juge tienne compte de la volont du lgislateur. Cest dailleurs ce que les juges ont fait lorsquil sest agi de refonder la responsabilit pnale. Ce principe ne soppose pas non plus ce que le juge prennent en considration les volutions techniques ou des comportements nouveaux qui navaient pu tre envisags au moment de ladoption de la loi (exemple : infractions sur internet, rapproches de la lgislation audiovisuelle). Si la loi est obscure, le juge devra linterprter et lui rendre son sens rel. A cet gard, on peut citer larrt de lAssemble plnire de la Cour de cassation du 29 juin 2001. Il sagissait ici de femmes enceintes depuis une longue priode, et qui taient victimes daccidents de la route entranant la mort du ftus. La Cour a rappel que le principe de lgalit des dlits et des peines qui impose une interprtation stricte de la loi pnale soppose ce que lincrimination prvue par larticle 121-6 du Code pnal rprimant lhomicide involontaire dautrui soit tendu au cas de lenfant natre dont le rgime juridique relve de textes particuliers sur lembryon et le ftus. Le principe dinterprtation stricte est parfois mconnu par la Cour de cassation, notamment en cas de prescription des infractions daffaire.

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Chapitre III : Lapplication de la loi pnalePour tre applique, la loi suppose que le juge dtermine celle qui va tre applicable aux faits de lespce, et un certain nombre de difficults vont pouvoir se poser dans la qualification des faits : on va pouvoir avoir des conflits de loi dans le temps ou entre diffrents textes applicables.

Section 1 : La dtermination de la loi pnale applicableCest ce quon appelle la qualification pnale, qui doit respecter certaines rgles strictes.

1 : Les modalits de la qualificationEn application des articles 176 et 215 du Code de procdure pnale, la chambre de linstruction a pour mission de qualifier les faits qui lui sont soumis. Ce Code prvoit galement que la citation doit viser les articles de lois enfreints. Cette qualification prsente un caractre temporaire : en effet, il peut savrer que cette qualification premire doive par la suite tre modifie. Les juridictions de jugement sont saisies in rem, c'est--dire des faits et uniquement des faits, et non pas sur une qualification : on dit quelles sont matres de leur qualification.

09/02/10Si une Cour dassise a connatre dun homicide volontaire, mais se rend compte en cours de procdure quil est involontaire, la Cour dassise pourra requalifier le crime en dlit, mais contrairement ce quil se passe en matire dlictuelle, la Cour dassise pourra quand mme juger le dlit. On ne doit cependant pas, sous prtexte de modifier la qualification, englober de nouveaux faits dont la juridiction navait pas t saisie. La Cour de cassation va ensuite pouvoir contrler la qualification des faits donne par les juridictions infrieures, puisque la qualification est une question de droit. Ce contrle peut se faire doffice : il nest pas ncessaire que le demandeur au pourvoi le demande la Cour. Lerreur de qualification nentrane pas ncessairement la censure de larrt examin par la Cour de cassation : il ny aura cassation que lorsque les droits de la dfense o les intrts du condamn ont t lss. Dans cette hypothse, la Cour de cassation fait application de la thorie de la peine justifie : on considre quon ne peut pas censurer ds lors que la peine encourue par le dlinquant est la mme que sous lancienne qualification. Il nexiste quune seule hypothse o la requalification est interdite : en matire dinfraction de presse, o le rgime applicable diffre.

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2 : Le choix de la qualification en cas de conflit de textesIl est assez frquent quun mme fait puisse tomber sous le coup de plusieurs qualifications pnales : on est alors en prsence de ce quon appelle un conflit de qualifications . Dans ce cas, plusieurs hypothses doivent tre envisages : o Conflit de qualifications inconciliable o Conflit de qualifications successif o Conflit de qualifications simultan

A/ Le conflit de qualifications inconciliableLorsque linfraction en cause est la consquence logique dune autre infraction. Cest lhypothse du vol et du recel : si le voleur est galement receleur, la jurisprudence estime que le recel ne doit pas tre caractris.

B/ Le conflit de qualifications successifCest lhypothse dune personne poursuivie devant le Tribunal correctionnel pour homicide involontaire qui serait condamne six mois demprisonnement. Si des faits nouveaux permettent dtablir que lhomicide est en ralit volontaire, on sest demand si les poursuites pouvaient tre renouveles sur un nouveau fondement. Pendant trs longtemps les auteurs ont mis en avant lautorit de la chose juge, principe en vertu duquel les faits qui ont donn lieu la dcision pnale ne peuvent pas faire lobjet dune condamnation devant une autre juridiction. La jurisprudence a transpos les exigences de la jurisprudence civile en tablissant trois conditions qui justifient de ne pas ritrer les poursuites : o Identit dobjet o Identit de parties o Identit de cause (identit du fait infractionnel qui va justifier les poursuites successives) La jurisprudence estime au contraire que les poursuites sont possibles si les faits diffrent : cest ce que lassemble Plnire a dcid dans un arrt du 3 juin 1994, en tablissant que le renouvellement des poursuites est possible ds lors quon est en prsence de faits nouveaux. Cela a galement t consacr par le lgislateur. La jurisprudence a donc largi la possibilit de renouvellement des poursuites en sappuyant sur llment moral de linfraction : si on a admis que llment intentionnel pouvait tre diffrent, llment matriel est le mme (victime dcde). Pour justifier cette prise de position, la Cour de cassation sest rfre la thorie du cumul idal, qui permet des poursuites simultanes lorsque les qualifications en prsence protgent des valeurs sociales diffrentes. 16

Cette jurisprudence est nanmoins critique par la doctrine : il arrive quelle admette le renouvellement des poursuites alors que les infractions en cause sont assez proches. Par exemple, une personne a t relaxe de poursuites sur fondement dabus de confiance, et la Cour de cassation a admis le renouvellement des poursuites sur le fondement dabus de biens sociaux. En matire criminelle, une personne qui a t acquitte ne peut plus tre poursuivie sous une qualification diffrente pour un mme fait infractionnel, quand bien mme llment intentionnel serait diffrent. Certains auteurs estiment que cette rgle de la non-possibilit de poursuivre devrait tre entendue devant les juridictions correctionnelles : en ralit, la jurisprudence na pas t modifie.

C/ Le conflit de qualifications simultanCe conflit va exister lorsque plusieurs infractions seront commises en mme temps : par exemple, un piratage qui serait assorti dune extorsion de fonds. Dans ce cas l, la jurisprudence considre que ce fait va pouvoir revtir plusieurs qualifications pnales : on parle alors de concours idal dinfractions, o un acte unique va mconnatre plusieurs dispositions lgales. Dans cette hypothse, la jurisprudence estime quon est en prsence dun seul et mme dlit, dont il va falloir trouver la qualification. Pour cela, on va se demander quel tait le but du dlinquant, et quelle est linfraction la plus grave quil ait commise. Toute infraction qui fait lobjet dune poursuite doit tre envisage sous la plus haute expression pnale dont elle est susceptible, ce qui signifie que lorsque le dlinquant a accd frauduleusement au systme (piratage), ce ntait que dans le but dextorquer des fonds : le dlinquant sera donc poursuivi et condamn pour extorsion de fonds (sauf si laccs frauduleux est plus lourdement puni, auquel cas cest sur ce fondement quil sera condamn).

Section 2 : Lapplication de la loi pnale dans le temps17

Le problme de lapplication de la loi pnale dans le temps se pose souvent, car les rformes lgislatives sont nombreuses.

1 : Lapplication dans le temps des lois pnales de fond A/ Le principe de la non-rtroactivit de la loi pnale plus svreAux termes de larticle 112-1 du Code pnal : sont seuls punissables les faits constitutifs dune infraction la date laquelle ils ont t commis ; seules peuvent tre prononces les peines lgalement applicables la mme date . Malgr le principe de lgalit des peines, ds lors quun nouveau texte va entrer en vigueur, certaines difficults vont se poser, et on considre que lorsquon dcide dagir, il faut savoir que nos actions tombent sous le coup de la loi pnale. Selon larrt du 25 mai 1993 de la Cour Europenne des Droits de lHomme, la condition de prvisibilit va tre respecte ds linstant o le justiciable peut savoir partir du libell de la disposition pertinente, et au besoin laide de son interprtation par les tribunaux, quels actes ou omissions engagent sa responsabilit pnale. On va appliquer une rgle qui dcoule directement de ce principe de prvisibilit, selon lequel une loi pnale plus svre ne peut pas rtroagir. En vertu de ce principe, une personne ne peut pas faire lobjet de poursuites pnales ou dune condamnation sur le fondement dune disposition pnale qui est entre en vigueur aprs la commission de lacte litigieux. Le principe de non-rtroactivit de la loi pnale plus svre joue aussi bien pour linfraction elle-mme que pour les sanctions qui lui sont attaches. La question sest pose de savoir comment on devait dfinir lexpression loi pnale . La jurisprudence estime que la non-rtroactivit de la loi pnale concerne tous les textes pnaux, rglementaires ou lgislatifs. Ds lors, une difficult sest pose concernant la jurisprudence : une jurisprudence plus svre peut-elle rtroagir ou non ? En effet, il arrive souvent quun revirement de jurisprudence transforme un fait auparavant non-infractionnel en infraction (notamment le cas du recel, qui est pass de la simple possession dun objet infractionnel au fait den tirer un profit). La CEDH a apport un certain nombre de prcisions cet gard : en effet, elle a indiqu que le terme droit sapplique aussi bien la norme crite qu son interprtation par les tribunaux. Dans un arrt du 22 novembre 1995, les faits taient les suivants : une personne viole son pouse alors que la Common-law ne le rprime pas. Les juridictions ont par la suite lev limmunit dont bnficiaient les poux, et il a t condamn. Il a donc saisi la CEDH pour violation de larticle 7 de la Convention Europenne des Droits de lHomme, mais sa demande a t rejete par la Cour, qui a invoqu le principe de prvisibilit concernant le revirement de jurisprudence : on ne saurait interprter larticle 7 comme proscrivant les rgles de la qualification graduelle des rgles de la responsabilit pnale par linterprtation 18

judiciaire dune affaire lautre, condition que le rsultat soit cohrent avec la substance de linfraction, et raisonnablement prvisible . Dans un autre arrt, rendu cette fois le 14 novembre 2007 par la Chambre criminelle de la Cour de cassation, les faits taient les suivants : une personne est poursuivie pour escroquerie au prjudice de sa belle-mre en 1992, date laquelle lancien article 380, qui prvoyait une immunit invoque par le prvenu, sapplique toujours. Les hritiers de la bellemre soutenaient au contraire que les nouvelles dispositions sappliquaient, plus prcisment larticle 112-2-2. Les juges du fond ont estim que la loi nouvelle, qui exclue le prvenu du bnfice de limmunit, est une loi plus svre, et que cette loi na pas supprim les lments constitutifs de linfraction ni aggrav les peines encourues. Ils ont considr que cette peine tendait le champ dapplication de linfraction une nouvelle catgorie dindividus en rduisant le champ de limmunit dont certaines personnes pouvaient bnficier jusqualors. La Cour de cassation rappelle que larticle 112-1 du Code pnal parle de faits constitutifs dune infraction la date laquelle ils ont t commis. On peut ds lors considrer que le texte est assez clair : la non-rtroactivit ne concerne que les faits constitutifs nouveaux et les nouvelles peines. Ainsi la Cour de cassation a considr dans cet arrt quune loi qui exclue du bnfice de limmunit familiale les soustractions commises par des allis au mme degr constitue une loi pnale plus svre, et nest donc pas applicable aux faits commis antrieurement. La difficult de dtermination prcise de la date des faits va se poser lorsque ces derniers ont une ralisation qui perdure dans le temps (infractions continues, comme par exemple le recel). La jurisprudence estime que dans lhypothse dune infraction continue, la loi appliquer est celle applicable au dernier acte infractionnel. On a aussi quelques difficults concernant la date dentre en vigueur dun texte, lorsque par exemple linfraction est commise le jour mme dentre en vigueur de la loi nouvelle. Dans ce cas, on estime que la loi nouvelle est applicable un jour entier aprs son entre en vigueur. La non-rtroactivit des lois pnales de fond concerne galement les peines : dans cette hypothse, il faut que la loi nouvelle reoive cette qualification. A cet gard, on peut citer un arrt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 31 octobre 2006. On a ici un individu condamn pour agression sexuelle aggrave une peine de sursis. Il est galement inscrit au Fichier Judiciaire National Automatis des Empreintes Gntiques (FJNAEG), et va former un pourvoi contre cette dcision car linscription de la condamnation sest faite en application de la loi du 9 mars 2004 ; or les faits ont t commis en 1997. Pour lui, cette peine complmentaire ne pouvait pas tre applique, car la loi en tait plus svre. La Cour de cassation a cart cet argument en faisant valoir que linscription au FJNAEG ntait pas une peine au sens de larticle 7 de la CEDH : cest une simple mesure ayant pour objet de prvenir le renouvellement des infractions sexuelles, et de faciliter

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lidentification des auteurs. Ainsi, la rtroactivit est possible, car il ne sagit pas dune peine plus svre. Toutes les lois qui modifient le rgime de certaines mesures caractre pnale vont poser difficult : la jurisprudence a estim que le principe de non-rtroactivit ne les englobait pas. Cest notamment le cas des contraintes par corps et de certaines mesures prventives. Le principe de non-rtroactivit de la loi pnale plus svre peut connatre une drogation : cest le cas dune loi interprtative destine prciser des dispositions peu claires de la loi ancienne. Mme si elle est plus svre, elle va rtroagir au jour de la publication de la loi dont elle a prcis le sens.

B/ Le principe de rtroactivit de la loi pnale plus douceLe problme est de dterminer si on est confront des lois de fond plus douces ou plus svres : il appartient alors la Cour de cassation de se prononcer sur ce caractre. En application de larticle 112-1 du code pnal, les dispositions nouvelles sappliquent aux infractions commises avant leur entre en vigueur et nayant pas donn lieu une condamnation passe en force de chose juge lorsquelles sont moins svres que les dispositions anciennes. La Cour rgulatrice applique le principe de la rtroactivit in musius conformment la doctrine du Conseil constitutionnel, c'est--dire quelle va privilgier la loi nouvelle plus douce pour les infractions ralises sous lempire de la loi ancienne plus svre. La rigueur antrieure nest alors plus justifie aprs modification de la loi. On considre la loi comme plus douce lorsquelle : o rduit le champ dapplication dune infraction o ajoute une nouvelle condition la constitution dun crime/dlit o supprime une prsomption de mauvaise foi o abaisse la peine envisage o supprime une sanction o supprime une circonstance aggravante. Lorsque les lois sont quivalentes en termes de svrit, la jurisprudence va faire prvaloir la loi la plus rcente, aprs avoir constat que les faits tombent la fois sous le coup de lancienne et de la nouvelle disposition. La jurisprudence manifeste de plus en plus dhostilit au principe de la loi pnale plus svre : en effet, elle rappelle rgulirement que la loi nouvelle qui modifie une incrimination ne trouve sappliquer aux faits commis avant sone entre en vigueur e non dfinitivement jugs qu la condition que cette loi nait pas prvu de disposition expresse contraire. Il existe une difficult particulire en matire dapplication de la loi pnale dans le temps : elle concerne ce quon appelle la codification droit constant . Cette dernire va intervenir de la faon suivante : on va codifier certains textes, et lors de leur codification, on

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va laisser de cot toutes les dispositions rglementaires au profit des seules dispositions lgislatives. Or les dcrets peuvent contenir les modalits dapplication de ces lois. Pour la doctrine, un dcret pris en application dune loi abroge tant dpourvu de base lgale, la doctrine considre que comme la loi a t abroge, ces dcrets perdraient toute force et leur mconnaissance ne pourrait pas tre lgalement sanctionne. La Cour de cassation a adopt une position beaucoup plus nuance en estimant que labrogation dune loi la suite de sa codification droit constant ne modifie ni la teneur des dispositions transfres, ni leur porte : les arrts ou rglements lgalement pris par lautorit comptente revtent un caractre de permanence qui les fait survivre aux lois dont ils procdent tant quils ne sont pas devenus inconciliables avec les rgles fixes par une lgislation postrieure.

C/ La loi nouvelle complexeUne loi nouvelle est complexe lorsque par certains aspects, elle est plus svre, et par dautres, elle est plus douce. La jurisprudence a opr une distinction selon le caractre divisible ou non des dispositions : si les dispositions apparaissent comme tant divisibles on va alors pouvoir les dissocier, les aspects plus doux vont pouvoir rtroagir, mais pas les aspects plus svres. Lorsque les dispositions paraissent indivisibles, le juge va devoir se rfrer la disposition principale du texte pour procder une apprciation globale.

2 : Lapplication dans le temps des lois pnales de forme A/ Le principe de lapplication immdiate des lois pnales de formeLarticle 112-2 du Code pnal prvoit lapplication immdiate de ces lois pnales de forme. On peut dfinit ces dernires comme toutes les lois relatives la comptence, lorganisation judiciaire, aux modalits de la poursuite, ainsi quaux formes de la procdure. Le principe de lapplication immdiate sappuie sur lide que les lois de procdure ont pour objet damliorer lexercice de la justice. Les lois de procdure sont donc cens tre prises dans lintrt de la personne poursuivie, mai aussi dans lintrt de la justice. Certains auteurs estiment quil ne faut pas considrer que toute nouvelle loi de forme est ncessairement un progrs pour la personne poursuivie, et quil faudrait donc uniformiser les principes dapplication de lois pnales dans le temps, avec une loi pnale de forme plus douce rtroactive, mais non-rtroactive si plus svre. Un arrt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation le 4 janvier 2007 concerne lapplication dans le temps de la loi du 30 dcembre 2004, qui a cr la Haute Autorit de Lutte contre les Discriminations et pour lEgalit (HALDE). 21

On a un juge saisi pour des faits de discrimination dans une banque (en raison dun handicap) commis en fvrier 2004. On a demand la HALDE dmettre un avis sur ces faits prsums de discrimination, quia t transmis au juge et a conduit la mise en examen en mai 2006 de la Caisse dEpargne. Cette dernire a fait valoir quon ne pouvait pas demander davis la HALDE pour des afaits antrieuress sa cration Le juge a estim que la loi qui a cr la HALDE ne contient que des dispositions de procdure ficxant les modalits de poursuite. La Cour de cassation estime donc que cette loi est directement applicable aux infractions commises avant son entre en vigueur.

B/ Les lois de prescription et les lois relatives au rgime dexcution des peinesLes lois relatives au rgime dexcution des peines doivent sappliquer immdiatement aux condamns qui sont en train dexcuter leur peine. Cette application immdiate trouve sa justification dans deux ides : les lois relatives lexcution des peines ne modifient pas la responsabilit pnale du dlinquant, et le rgime nouvellement cr est considr comme meilleur que lancien rgime. Selon larticle 112-2 du Code pnal, une nuance a nanmoins t apporte : en effet, sont applicables immdiatement la rpression des infractions commises avant leur entre en vigueur lorsque les prescriptions ne sont pas acquises les lois relatives au rgime dapplication des peines. Toutefois ces lois, lorsquelles auraient pour rsultat de rendre plus svres les lois prononces lors de la condamnation, ne sont applicables quaux condamnations prononces pour des faits commis postrieurement leur entre en vigueur. Concernant les lois relatives la prescription de laction publique et de la peine, larticle 112-2 du Code pnal prvoit leur application immdiate lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, et sauf quand elles auraient pour rsultat daggraver la situation de lintress. Cela signifie que lon va devoir apprcier le caractre plus doux ou plus svre de la loi par comparaison avec la loi applicable au moment des faits litigieux. La seule drogation ce principe concerne les crimes contre lhumanit, qui sont imprescriptibles.

12/02/10Cass. Crim., 7 novembre 2007 : un moniteur de colonie de vacances a t condamn pour des viols commis en 1981 sur un mineur n en 1975, les poursuites ayant t engages en 2001. Le moniteur a donc invoqu la prescription du crime commis (prescription de 10 ans). On sest alors demand si on pouvait appliquer la loi de 1989, qui a retard le point de dpart du dlai de prescription la majorit de la victime. Laccus a fait valoir quon ne pouvait pas appliquer cette loi des faits commis 8 ans avant son application, dans la mesure o elle est plus svre. La Cour de cassation a pos le principe que la loi de 1989 tait immdiatement applicable, et quelle pouvait sappliquer aux faits commis avant son entre en vigueur, ds lors que la prescription ntait pas encore acquise au moment des poursuites. 22

Section 3 : Lapplication de la loi pnale dans lespaceCette application ne pose bien entendu aucun problme lors dun coupable et dune victime franais, avec une infraction commise sur le territoire franais. En revanche, si lun de ces trois critres nest pas prsent, le problme de lapplication de la loi pnale dans lespace va se poser. Le principe est quen matire pnale, le juge franais a une comptence assez large : larticle 113-2 du Code pnal dispose que la loi pnale franaise est applicable aux infractions commises sur le territoire de la Rpublique. Cela signifie que ds lors quun des lments de linfraction est commis sur le territoire franais, le juge pnal est comptent. La jurisprudence a eu loccasion de dfinir la notion de territoire : il est compos de lespace terrestre, lui-mme compos de tous les dpartements mtropolitains, mais galement tous les dpartements doutre-mer. A cet espace terrestre, on ajoute lespace maritime et lespace arien. La jurisprudence a ainsi considr que la diffusion dimages pdophiles depuis la Sude jusquen France tait du ressort du juge pnal franais. Pour rsoudre la difficult lie internet, la jurisprudence a considr que du moment o le message infractionnel est reu en France, le juge pnal franais est comptent. Larticle 113-5 du Code pnal ajoute que la loi franaise sera applicable quiconque sest rendu coupable sur le territoire de la Rpublique, comme auteur ou comme complice, dun dlit commis ltranger. La jurisprudence, lorsquelle met en uvre ce principe, applique la rgle de la double incrimination : cela signifie que pour que cette rgle joue le fait doit tre puni la fois par la loi franaise et la loi trangre. Il faut galement que le fait qualifi crime ou dlit ait t constat par une dcision de justice trangre. Le droit franais a encore vocation sappliquer lorsquune infraction est commise hors de France, mais par un ressortissant franais : larticle 113-6 du Code pnal dispose que la loi pnale franaise va sappliquer tout ressortissant franais commettant un crime ltranger. En matire dlictuelle, la rgle est lgrement diffrente : lorsque le ressortissant franais commet un dlit ltranger, le juge franais ne sera comptent que si le dlit est galement puni dans le pays dans lequel linfraction a eue lieu : cest le principe de rciprocit dincrimination. La loi du 17 juin 1998 relative la prvention et la rpression des infractions sexuelles ainsi qu la protection des mineurs a modifi cette rgle : en effet, si un Franais commet ltranger u dlit caractre sexuel ou lencontre dun mineur, le juge pnal franais sera comptent, quand bien mme linfraction ne serait pas sanctionne dans le pays o elle a t commise. Larticle 113-7 du Code pnal prvoit enfin que la loi franaise va tre applicable ds lors quun ressortissant franais est victime dun crime commis ltranger par un ressortissant tranger. En matire dlictuelle, il faut galement le respect du principe de rciprocit de lincrimination. 23

Cass. Crim., 11 juin 2008 : des agents de ladministration des douanes visitent un bateau au large du Touquet, bord duquel ils trouvent 10 tonnes de cannabis. Ils apprennent par la suite que ce navire provenant du Maroc devait se rendre aux Pays-Bas pour livrer la marchandise, et quun mcanicien britannique se trouvait dur le bateau. Il est poursuivi pour importation en contrebande de produits stupfiants, et pour association de malfaiteurs. La Cour dappel condamne le prvenu britannique en estimant que la contrebande et lassociation de malfaiteurs ayant t commises en France, le juge pnal est comptent. La Cour de cassation opre une distinction entre les deux dlits : pour la contrebande de produits stupfiants, elle rejette le pourvoi, et en ce qui concerne lassociation de malfaiteurs, la Cour relve que lassociation de malfaiteurs est un dlit qui a t commis au Maroc, par un tranger. Nanmoins, la Cour de cassation va considrer que le dlit dassociation de malfaiteurs est indissociable du dlit de contrebande commis en France, ce qui justifie la comptence des juridictions franaises. Lorsquelle explique le principe dapplication du droit pnal dans lespace, la doctrine parle dimprialisme du droit franais, dans la mesure o il suffit quune partie infime de linfraction ait t commise en France pour justifier la comptence des juridictions pnales franaises. Cass. Crim., 26 septembre 2007 : des uvres dart sont voles en France mais sont achemines vers la Belgique et vendues l-bas. Le problme tait alors de savoir si on pouvait poursuivre les voleurs belges, et la Cour de cassation a considr qu partir du moment o un des lments de linfraction avait eu lieu en France, le droit pnal franais avait vocation sappliquer. Cass. Crim., 29 janvier 2008 : en lespce, on a un ressortissant dorigine algrienne interpel par les services de scurit algriens sur le territoire algrien. Lpouse de cette personne a port plainte pour enlvement, squestration et complicit de ces infractions en dnonant larrestation dont aurait t victime son mari, en impliquant la DST franaise. Le juge dinstruction saisi en France rend une ordonnance de refus dinformer, en estimant quil nest pas comptent, et un pourvoi en cassation a t form. La Cour de cassation affirme que la loi franaise est applicable celui qui se rend complice sur le territoire de la Rpublique dun crime ou dun dlit commis ltranger, condition que cette infraction ait t constate par une dcision dfinitive de la juridiction trangre.

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Deuxime partie : la responsabilit pnaleComme la crit le professeur Fauconnet, la responsabilit est la qualit de ceux qui doivent, lirresponsabilit la qualit de ceux qui ne doivent pas, en vertu dune rgle, tre choisis comme sujets passifs dune sanction . On peut donc dfinir la responsabilit pnale comme lobligation pour une personne physique ou morale qui a t implique dans une infraction den assumer les consquences pnales, autrement dit en subir la sanction qui a t attache lincrimination lse. La responsabilit pnale se distingue de la responsabilit civile : ces deux responsabilits sont autonomes lune par rapport lautre, nanmoins il existe entre elles une relation troite, dans la mesure o un mme fait engage la responsabilit pnale et la responsabilit civile de son auteur. Elles sont diffrentes dans la mesure o la responsabilit civile peut tre recherche mme en labsence de faute, alors que la responsabilit pnale suppose obligatoirement une faute pnale de son auteur dont la sanction est prvue par un texte de loi. On peut galement souligner que le dommage est une pice matresse en matire de responsabilit civile, alors que la responsabilit pnale peut tre engage alors que la victime na pas subi de prjudice : en effet, la tentative est punie pnalement. Il peut arriver quun mme fait engage la responsabilit civile et la responsabilit pnale de son auteur : dans cette hypothse, le lgislateur estime que la seconde pourra avoir des rpercussions sur la premire. En vertu du larticle 3 alina 2 du Code de procdure pnale, la victime dun dommage peut choisir de porter son action civile en rparation devant la juridiction pnale plutt que devant la juridiction civile pour tout chef de dommage aussi bien matriel que corporels ou moraux qui dcoulent des faits objets de la poursuite. Lorsque le juge civil doit se prononcer sur la faute civile, il ne doit pas contredire la dcision prise par le juge pnal relativement la faute pnale : cette rgle a t pose par la jurisprudence, qui considre que le jugement pnal a autorit de la chose juge sur le civil. Nanmoins, cette rgle ne joue que si la chose juge a t ncessairement et certainement dcide par la juge criminel. Par ailleurs, une autre rgle veut que le criminel tienne le civil en ltat, ce qui a pour consquence que la juridiction civile doit se soumettre la juridiction pnale en ce qui concerne lexistence du fait incrimin, sa qualification, la culpabilit ou linnocence de ceux auxquels le fait est imput. En principe, lorsquun accus est acquitt ou lorsquun prvenu est relax, on considre que sa responsabilit pnale est carte et donc que sa responsabilit civile doit tre carte. Nanmoins, le lgislateur a prvu des exceptions au principe, et a autoris le juge rpressif statuer sur laction civile aprs une dcision de relaxe ou dacquittement. Ds lors, la victime dun crime peut demander au juge quil lindemnise du prjudice caus par la faute de laccus, alors mme que cet accus a t acquitt. Pour que le juge rpressif puisse condamner civilement une personne acquitte, plusieurs conditions doivent tre runies : il faut tout dabord que la faute dont se prvaut la victime soit fonde sur des faits qui ont t lobjet de laccusation, ensuite que la faute civile 25

soit compatible avec la dcision de non-culpabilit, et enfin que cette faute soit distincte de celle pour laquelle laccus a t acquitt. La Cour de cassation contrle rigoureusement lexistence de ces trois conditions, et un systme similaire a t organis devant les juridictions correctionnelles : en effet, le tribunal correctionnel a la possibilit daccorder des dommages et intrts ds lors quil na pas ni les faits dlictueux, la participation du prvenu, ou encore son intention frauduleuse. Enfin, la loi du 13 mai 1996 a pos le principe suivant : le tribunal saisi de poursuites exerces pour une infraction non-intentionnelle et qui prononce une relaxe demeure comptent sur la demande de la partie civile pour accorder rparation de tous les dommages rsultant des faits qui on fond la poursuite. Autrement dit, en matire dhomicide ou de blessures involontaires, le tribunal correctionnel reste comptent pour attribuer des dommages et intrts la victime. Un problme sest pos lorsque laction civile tait renvoye devant la juridiction civile : pendant trs longtemps, la jurisprudence a assimil la faute civile la faute pnale. Ds lors, la reconnaissance par le juge pnal dune faute pnale interdisait au juge civil de la nier, et inversement. Le principe de lidentit ou de lunit de la faute pnale a t vigoureusement critique par la doctrine. En effet, cette identit avait des consquences ngative pour le justiciable, les juges tant parfois tents de relever ce que la doctrine a appel une poussire de faute pour permettre une indemnisation civile. Il arrivait que le justiciable soit condamn une trs mince peine pnale pour pouvoir obtenir une indemnisation au civil. Le lgislateur a donc modifi le systme dans une loi du 10 juillet 2000 : dsormais, labsence de toute faute pnale non-intentionnelle ne fait pas obstacle lexercice dune action devant les juridictions civiles afin dobtenir la rparation dun dommage sur le fondement de larticle 1383 du Code civil, ds lors que la faute civile prvue par cet article est tablie. Depuis la loi du 10 juillet 2000, le principe de lunit de la faute pnale dimprudence et de la faute civile a t abandonn : ds lors, lorsquune personne est relaxe dune accusation de blessures ou dhomicide involontaire, les ayants droit pourront saisir la juridiction civile pour obtenir rparation du prjudice. La Cour de cassation a appliqu ces principes dans un arrt du 16 septembre 2003.

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Chapitre I : Le fait gnrateur de la responsabilit pnalePour pouvoir parler de responsabilit pnale, il faut obligatoirement quun acte infractionnel ait t commis : toute infraction suppose un fait matriel prvu et rprim par la loi, commis intentionnellement ou non par une personne physique, mais le lgislateur a galement permis quune personne morale puisse engager sa responsabilit pnale. Ds lors, pour caractriser linfraction, trois lments vont tre ncessaires : o un lment lgal o un lment matriel o un lment moral Certains auteurs estiment nanmoins que llment moral nest pas un lment de linfraction : en ralit, la jurisprudence estime quil ne peut pas y avoir dinfraction si lauteur na pas agi volontairement. Il faut que lauteur du fait litigieux ait fait preuve de certaines aptitudes mentales. Dautres auteurs estiment que llment lgal est extrieur linfraction : pour le professeur Vouin, la loi pnale se prsente plutt comme un agent de la rpression. En ralit, une autre rgle va balayer toutes les difficults : la prsomption dinnocence. La partie poursuivante va devoir dmontrer ces trois lments si elle veut emporter la conviction des juges.

Section 1 : Llment matriel de linfractionOn peut dfinir llment matriel comme le fait ou lacte extrieur par lequel va se rvler lintention criminelle ou la ngligence du dlinquant .

1 : Linfraction consomme A/ Le mode de ralisation de linfractionLe droit pnal ne sanctionne pas la simple pense criminelle : pour quune infraction soit constitue, il faut que la personne poursuivie ait extrioris sa pense. Cet lment matriel comprend plusieurs lments que nous allons distinguer : o les lments intrinsques, qui vont caractriser linfraction proprement dite o les lments extrinsques, qui sont indispensables mais extrieurs lobjet mme de linfraction 1 - Les lments intrinsques Leur inexistence peut faire obstacle une poursuite. Cest galement la matrialit stricto sensu pour tous les crimes ou dlits. 27

a) La matrialit au sens stricte Elle englobe la preuve de la ralisation dun acte frauduleux, qui peut tre soit un acte positif caractrisant ce quon appelle une infraction de commission, soit un acte ngatif, lequel va caractriser une infraction domission. Dans la premire hypothse, la matrialit va rsider dans lacte positif qui consiste raliser un acte interdit par la loi. A loppos, un comportement passif va caractriser une infraction domission : il revient sabstenir dagir, alors que la loi prescrit cette action dans lintrt gnral (par exemple, la non-assistance personne en danger). Au dbut, la plupart des auteurs taient assez dfavorables ladmission de ces infractions domission : on estimait quil tait normal dinterdire des infractions positives, en revanche, sanctionner des infractions passives apparaissait plus difficile la doctrine. Mais progressivement, le lgislateur a incrimin ces comportements ngatifs, et cette politique dincrimination sest acclre dans ces 20 dernires annes : on a multipli les dlits domission dans le Code pnal. En ralit, dmontrer un fait ngatif est assez simple : en effet, la jurisprudence considre quil suffit dtablir la proposition contraire positive, ce qui permet de rapporter la preuve du dlit domission. Cass. Crim., 22 novembre 2005 : les faits concernaient lapplication de larticle 13411 du Code pnal, qui rprime le fait pour quiconque a les preuves de linnocence dune personne de ne pas les apporter lautorit judiciaire. Il sagissait de Jean-Louis Turquin, qui a t accus de tuer son fils, alors g de 10 ans. Son pouse avait enregistr sa confession contre son gr en change de relations sexuelles, et il a t condamn une peine relativement lourde pour le meurtre de son enfant. Un prisonnier est alors poursuivi sur le fondement de larticle 134-11, au motif quil tait enferm avec un dtenu qui lui aurait avou le meurtre du fils Turquin, sans rapporter les faits lautorit judiciaire. La Cour de cassation a cass larrt dappel ayant condamn le prisonnier, au motif que les preuves ntaient que des ou-dire. Dans certains arrts, la Cour de cassation a d trancher la question suivante : est-ce quune omission dans laction peut tre punissable ? Lescroquerie est le fait de tromper une personne afin de conduire cette personne vous remettre un bien quelle ne vous aurait pas remis sil navait pas t tromp. Cest d onc une infraction de commission, mais en matire descroquerie, la jurisprudence a opr une distinction entre labstention pure et simple (non- punissable) et labstention dans laction (pouvant relever du droit pnal). Dans la premire hypothse (laisser sciemment une personne se tromper), on considre que cet acte ne rentre pas dans le champ de lescroquerie. Labstention dans laction est lhypothse suivante : le prvenu va prendre linitiative dune action positive, puis omet de mentionner des lments dont la connaissance aurait dissuad la victime dagir. 28

Le droit franais ne subordonne pas la condamnation la dcouverte du corps du dlit : on peut tre poursuivi et condamn pour un homicide volontaire alors mme quon ne retrouve pas le cadavre de la victime. Les juges sont souvent rticents condamner en labsence de corps du dlit, puisque matriellement on ne sait pas quel moment ou comment la personne est dcde. On ne peut admettre de condamnation sur des probabilits : il faut des certitudes. Dautres lments sont parfois ncessaires la constitution de linfraction, il appartient toujours la partie poursuivant de les apporter. Ainsi la qualit professionnelle de la personne poursuivie peut tre un lment constitutif de linfraction, ds lors il faudra dmontrer que la personne poursuivie avait bien cette qualit professionnelle au moment des faits : en droit pnal, on dit que certaines infractions sont imputables une catgorie particulire dindividus. De la mme faon, certaines qualits de la victime vont tre prises en considration dans la constitution de linfraction : cest le cas notamment sagissant du dlit prvu par larticle 225-13 du Code pnal, qui rprime dhberger ou de faire travailler une personne dans des conditions contraires la dignit humaine si la personne est vulnrable. b) Le lien de causalit)

Lexistence de certaines infractions va tre subordonne lexistence dun lien de causalit entre la faute commise par le prvenu et le dommage caus la victime : on dit que la causalit est un rapport qui unit la cause leffet. En droit pnal, ce lien de causalit va relier un comportement au rsultat que la loi prvoit comme lment de linfraction. La plupart des crimes et dlits vont provoquer un rsultat dommageable. Ce rsultat sera la consquence immdiate et directe du comportement rprhensible. Les infractions classiques datteinte aux biens ont pour consquence une appropriation du bien dautrui : on dit alors que ce sont des infractions matrielles, par opposition aux infractions formelles, pour lesquelles aucun rsultat nest exig. On doit souligner que pendant trs longtemps, la jurisprudence a privilgi une dfinition trs large de la notion de lien de causalit. Cass. Crim., 8 mars 1995 : un voisin accepte daider un particulier couper du bois, et se fait confier une scie sans protection, avec laquelle il se coupe le bras. Une plainte a t dpose pour blessures involontaires, et la Cour de cassation a considr que le lien de causalit tait caractris, mme non exclusif. La Cour de cassation a galement considr que plusieurs personnes pouvaient tre poursuivies pour homicide involontaire : cest le cas dans un arrt de la Chambre criminelle du 23 mars 1994. Il sagissait ici dun accident de la circulation qui va concerner plusieurs vhicules : un vhicule lger est percut par un premier poids lourd, qui va envoyer le vhicule lencontre dun autre poids lourd. 29

Le deuxime poids lourd na t engag dans laction quen raison de la faute du premier poids lourd, mais la Cour de cassation a considr que les deux conducteurs de poids lourd taient coupables dhomicide involontaire : la faute des deux prvenus a contribu, au moins pour partie, au dommage. La Cour de cassation a jug que le lien de causalit ne devait pas tre immdiat. Il suffit dtablir que la faute initiale ait rendu possible la ralisation du dlit, mais il nest pas ncessaire dtablir quelle a matriellement provoqu le dommage. Cest notamment le cas dune socit dont lemployeur ne va pas former les employs au respect des normes de scurit. Enfin, la Chambre criminelle a largi la notion de lien de causalit en retenant quun lien de causalit indirect pouvait tre rattach la faute originelle, et dans ce cas l, la responsabilit pnale de son auteur pourra tre engage. La jurisprudence a consacr ce quon appelle la responsabilit en cascade : la faute du prvenu peut ne pas tre la cause exclusive, directe et immdiate du dommage. La seule exigence concernait la certitude du lien de causalit. La Cour de cassation a sembl admettre un lien de causalit ventuel. Les faits taient les suivants : une victime de 85 ans dcde 5 jours aprs son admission lhpital suite un accident de la route, du fait dun choc septique. Lexpert a estim quil tait possible de rattacher le dcs laccident, la Cour dappel en a dduit la certitude du lien de causalit, et la Cour de cassation a rejet le pourvoi qui avait t form en estimant son tour que le lien de causalit tait certain.

16/02/10) Le dlit de risque caus autrui

Larticle 223-1 du Code pnal, qui reprend le dlit de risque caus autrui, suppose pour tre constitu que la relation manifestement dlibre dune obligation particulire de scurit impose par la loi ou le rglement ait expos directement autrui un risque immdiat de mort ou de blessures. Cest le fait par exemple dtre arrt au volant de sa voiture en tat dbrit, mme sil ny a eu aucun accident. Le ministre public doit prouver le lien de causalit doit exister entre la violation de la rgle et lexposition dun risque. Le lgislateur exige un risque immdiat de mort ou de blessures . Lors de lentre en vigueur du nouveau texte, la doctrine sest demand si on pouvait dduire ce lien de causalit de la simple violation de la rgle de droit. A cet gard, la jurisprudence, dans un arrt de la Cour dappel de Douai du 26 octobre 1994 (lendemain de lentre en vigueur de la loi), a jug que la violation si grave et dlibre des limitations de vitesse ne dispense pas le ministre public de prouver quil en rsulte un risque immdiat de mort ou de blessures. Malgr cela, la plupart des dcisions postrieures ont interprt de faon large la notion de lien de causalit. Dans un arrt de la Chambre criminelle du 11 fvrier 1998, un commandant de bord ayant accueilli trop de passagers par rapport aux places sur les canots de sauvetages : la traverse sest faite sans aucun problme, mais une plainte a t dpose 30

lencontre du capitaine pour mise en danger de la vie dautrui. La Cour dappel la relax en estimant que les conditions mtorologiques tant clmentes, le lien de causalit ntait pas caractris. La Cour de cassation a au contraire jug que le risque immdiat tait de mort ou de blessures, et que rien nempchait un accident hors mto (collision, incendie), ce qui permettait de caractriser le lien de causalit. c) Les apports de la loi du 10 juillet 2000 Cette loi a profondment remani larticle 121-3 du Code pnal : nous avions auparavant une seule faute non-intentionnelle et un lien de causalit ncessaire, dsormais nous avons deux types de faute (faute caractrise et faute lgre), et la certitude du lien de causalit est toujours exige. En revanche, la thorie de lquivalence des conditions ne joue que pour la faute lourde caractrise : elle est exclue pour la faute lgre. Selon cette thorie dquivalence des conditions, toutes les fautes ayant contribu la ralisation du dommage sont considres comme causales, puisque si on retirait une de ces causes, le dommage ne se serait pas produit. La loi du 10 juillet 2000 a donc remis en cause la jurisprudence antrieure, puisquelle diffrencie lauteur direct et lauteur indirect du dommage : lorsque nous sommes confronts lauteur direct, une faute lgre suffit engager sa responsabilit pnale, ce qui nest pas le cas en prsence dun auteur indirect, o une faute lourde est ncessaire. Cass. Crim., 13 novembre 2002 : il sagit de lhypothse dune enfant qui vient au monde la suite dun accouchement difficile, qui est confi un mdecin pdiatre qui va essentiellement soccuper des lsions oculaires dont pouvait souffrir lenfant et non de son hmatome, et ne va pas mettre en place une surveillance particulire de cet enfant. Lenfant est dcd peut de temps aprs des suites de son hmatome, et une plainte a t dpos contre le mdecin pour homicide involontaire. La Cour de cassation retient la responsabilit du pdiatre, en considrant que ses actions sont en relation directe avec le dcs de lenfant, qui aurait pu tre vit si ce dernier avait t transfr temps dans un service spcialis. Cass. Crim., 4 mars 2008 : on a en lespce un homme qui tire la carabine sur ladjoint dun maire, qui va mourir des suites de ses blessures. Le problme est que la procdure est classe sans suite car le tireur souffrait de troubles psychologiques qui ont aboli son discernement au moment des faits. Les ayants droit de la victime vont alors porter plainte contre le tireur, mais galement contre deux fonctionnaires de la direction dpartementale des affaires sanitaires et sociales, pour homicide involontaire. En ce qui concerne le tireur, la Cour dappel va considrer que sa responsabilit pnale ne peut tre utilement invoque, mais elle va condamner les fonctionnaires. Selon elle, ils ont en effet commis une faute caractrise dans la mesure o ils savaient que le tireur souffrait de troubles psychiques, et auraient d demander son internement doffice. Un pourvoi relatif est form contre cette dcision.

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La Cour de cassation va censurer larrt dappel en considrant que la Cour dappel navait pas rapport la preuve que la saisine dun psychiatre aurait forcment conduit linternement du tireur. La loi du 10 juillet 2000 na donc pas remis en cause la ncessit dun lien de causalit certain. Cass. Crim., 9 juin 2009 : en loccurrence, on a des travaux qui se droulent dans une salle de sport municipale. Or, cette salle nest pas ferme durant la rnovation, et des employs communaux ont descell un panneau de 80kg pour pouvoir le dplacer e fonction de lavancement des travaux. Un enfant en train de consulter le panneau daffichage t mortellement bless, et la socit de travaux ainsi que son grant ont t poursuivis pour homicide involontaire. Factuellement, les juges du fond relvent que le grant savait que le chantier ntait pas ferm et quil y avait un passage incessant de personnes se rendant dans une autre salle, et quil avait mis des rserves sans prendre aucune mesure. La Cour dappel a donc condamn le grant et la socit, et un pourvoi a t form. La Cour de cassation a estim que le lien de causalit tait tabli entre les faits des prvenus et le dommage de la victime.

2 Les lments extrinsques Ce sont des lments particuliers dans la mesure o on ne les inclut pas dans les lments constitutifs de linfraction. Les deux lments de cette catgorie sont : o la condition pralable o les circonstances aggravantes a) La condition pralable Pour un grand nombre de crimes ou de dlits, une situation matrielle doit leur prexister : par exemple, en matire de vol, il faut que la chose soustraite appartienne autrui. Cette condition pralable dlimite le domaine dans lequel linfraction peut se commettre : cet vnement nest pas forcment illicite, dans la mesure o il prexiste lacte infractionnel tout en tant indispensable sa constitution. Cela signifie que cet lment doit tre examin par le juge, quand bien mme il nest pas le fait de lauteur poursuivi. Cet lment peut tre de nature pnale, mais galement appartenir une autre branche : le cas chant, en principe, sa preuve doit tre tablie selon les modes admis par la matire dont elle dpend. Cest notamment le cas de labus de confiance, qui suppose lexistence dun environnement contractuel, ce qui sera prouv daprs les rgles civiles ou commerciales selon la nature du contrat.

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TCorr. Paris, 14 janvier 2009 (affaire des hormones de croissance) : le Tribunal a considr quon ne pouvait pas poursuivre les mdecins pour dlit de tromperie puisquil ny avait pas de contrat entre les victimes et les prvenus. Il peut arriver que la preuve puisse se faire indpendamment de la branche du droit dont elle dpend : cest notamment le cas du dlit de banqueroute, dont la condition pralable est lexistence dune cessation des paiements. Cette dernire est dfinie par le Code de commerce comme limpossibilit de faire face au passif exigible avec son actif disponible . En vertu du principe de lautonomie du droit pnal, le juge pnal peut choisir une date de banqueroute diffrente de celle choisie par le tribunal de commerce (Cass. Crim, novembre 1991). Lorsquelle relve du droit pnal, la condition pralable va tre analyse en fonction des dispositions pnales. Par exemple, le recel de chose ne peut exister que si un crime/dlit a t pralablement commis. Dans toutes les poursuites pour recel, les juges vont donc devoir dmontrer quil y a eu une infraction lorigine : si le voleur a t puni, la preuve sera facile apporter, mais en labsence de condamnation, il leur faudra prouver linfraction. Cass. Crim., 3 avril 1995 : le Canard Enchan va publier des feuilles dimposition de Jacques Calvet, alors prsident de Peugeot-PSA, sur son augmentation de revenus. Les journalistes du Canard Enchan ont t poursuivis pour recel de violation du secret fiscal, mais ces derniers ont refus de donner leur source. Or la violation du secret fiscal suppose que linfraction ait t commise par une personne tenue au secret fiscal. Ils ont cependant t condamns : la Cour de cassation a considr que ces documents navaient pu tre obtenus que par une violation du secret fiscal, ce qui a caus une grande polmique. La CEDH a condamn la France en considrant quon ne pouvait pas condamner des journalistes pour recel de documents qui vrifient la vracit de leurs propos. La Cour de cassation a depuis chang sa jurisprudence en allant dans ce sens, permettant ainsi aux journalistes de taire le nom de leurs sources sans tre poursuivis pour recel. Cette conditio pralable est importante car elle va permettre de diffrencier le dlit de risque caus autrui (qui suppose la violation dune obligation lgale ou rglementaire de prudence) du dlit dimprudence (qui suppose la violation dune obligation gnrale de prudence). La Cour de cassation a prcis que la plupart des dispositions du Code de la route taient des dispositions particulires de prudence, dont la mconnaissance permettre des poursuites sur fondement de larticle 223-1 du Code pnal. b) Les circonstances aggravantes Les circonstances aggravantes son des faits exhaustivement noncs par la loi, et qui entranent une aggravation de la peine. Elles se distinguent des lments constitutifs dans la mesure o la non-existence dune de ces circonstances na aucune influence sur la constitution

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du crime ou du dlit. Dans chaque espce, il va appartenir aux juges du fond de caractriser linfraction, puis de Il y a deux catgories de circonstances aggravantes : o les circonstances aggravantes personnelles, qui tiennent la personnalit du dlinquant et comprennent notamment: la rcidive, qui va permettre une personne ayant dj t condamne dtre condamne une peine plus lourde la qualit professionnelle de la personne poursuivie : si un fonctionnaire commet un vol dans lexercice de ses fonctions, la peine encourue est plus lourde la qualit dascendant lgitime, naturel ou adoptif de lauteur, ou le fait davoir autorit sur la victime. La jurisprudence tablit une diffrence entre lautorit lgale (issue de la loi, accorde aux pres, mres et curateurs) et lautorit de fait (issue de la situation de la personne poursuivie, quil faut dmontrer) CA Toulouse, 8 septembre 2008 : la circonstance aggravante dautorit de fait a t tendue lorsque les violences sont commises par un concubin, mais galement par un partenaire pacs. Larticle 132-80 du Code pnal, introduit par la loi de 2006, a tendu le domaine de cette circonstance aggravante aux faits commis par lancien conjoint, lancien concubin ou lancien partenaire de PACS. La mme loi prcise que les dispositions sont applicables ds lors que linfraction a t commise en fonction des relations ayant exist entre lauteur et la victime. o les circonstances aggravantes relles, qui vont tenir soit aux faits, soit la qualit de la victime. Cette dernire peut concerner la vulnrabilit, qui doit tre connue par lauteur des faits ou bien visible, ou bien la qualit professionnelle (magistrat, avocat, personne dpositaire de lautorit publique). Quant aux faits matriels, ils sont numrs par les articles 132-70 132-75 du Cod pnal, et on va dfinir : lusage dune arme leffraction lescalade La distinction entre les deux types de circonstances aggravantes ont des consquences juridiques : les circonstances aggravantes personnelles ne stendent pas aux complices, contrairement aux circonstances aggravantes relles. On dit que le complice encourt la responsabilit de toutes les circonstances qui caractrisent lacte poursuivi, sans quil soit ncessaire que celles-ci aient t connues de lui.

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B/ La dure de ralisation de linfraction1 Linfraction instantane Linfraction va ici se raliser de faon immdiate. Linfraction instantane peut se dfinir comme une infraction dont llment matriel sexcute en un instant, comme par exemple le vol. La dure de lacte dexcution nentre pas dans la dfinition de linfraction : ds lors, peu importe que linfraction se ralise en quelques secondes ou en plusieurs heures. Linfraction instantane est soumise la loi en vigueur au moment de lexcution de linfraction. Son dlai de prescription commence au jour de lacte infractionnel, et la seule juridiction comptente est celle du lieu de commission du fait infractionnel. 2 Le dlit continu Le dlit continu peut se dfinir comme une infraction instantane qui se ritre dans le temps : dans ces cas l on va considrer quil y a unit de but et unit de droits bafous. En revanche, il y a pluralit dactions distinctes dans le temps. Cest par exemple le cas si une personne prend tous les jours une pomme sur un talage. 3 Linfraction permanente Ce sera le cas lorsque le rsultat perdure dans le temps, sans quil y ait ritration de lactivit matrielle. En dautres termes, linfraction entrane un rsultat matriellement durable : cest par exemple le cas de la construction dun immeuble sans permis de construire. 4 Linfraction continue Dans les trois hypothses prcdentes, on considre que linfraction se ralise matriellement en un instant, par opposition linfraction continue. Cette dernire peut se dfinir comme une infraction dont lexcution se prolonge dans le temps : on dit alors quil y a ritration de la volont coupable. On peut notamment citer comme exemple le recel de choses. Comme ces infractions perdurent dans le temps, partir du moment o lacte infractionnel a continu aprs lentre en vigueur du nouveau texte, celui-ci pourra sappliquer. En matire procdurale, le point de dpart du dlai de prescription est fix la date du dernier acte infractionnel.

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C/ Le caractre unique ou plural de linfractionGnralement, lacte punissable par la loi ne contient quun seul acte infractionnel : on parle alors de dlit simple ou doccasion. Il se peut cependant que le dlit englobe diffrents actes matriels : on est alors face soit une infraction complexe, soit une infraction dhabitude. Une infraction complexe suppose laccomplissement de plusieurs actes de nature diffrentes, mais qui participent tous un objectif unique : ces actes doivent tre constitutifs de linfraction en cause. Par exemple, lescroquerie est considre comme une infraction complexe : elle va supposer lemploi de manuvres frauduleuses (faux nom, etc) dans un premier temps, puis la remise du bien convoit lescroc par la victime. Linfraction dhabitude est compose de plusieurs actes identiques qui, analyss sparment, ne seraient pas sanctionnables : on dit que cest la rptition qui va faire linfraction. Cest notamment le cas de lexercice illgal de la mdecine, du recel de dlinquance habituel de mineur. Le caractre complexe ou habituel de linfraction comporte plusieurs intrts : sagissant de la comptence territoriale, ds quun acte a lieu dans un endroit, la juridiction territorialement comptente peut tre saisie. Dautre part, la nature de linfraction va avoir des consquences sur la prescription de laction publique : pour laction complexe, on considre quelle ne sera consomme que dans lhypothse o tous ses actes matriels se seraient raliss, et le point de dpart de la prescription va tre fix au jour du dernier acte constitutif de linfraction. Pour linfraction dhabitude, la prescription commence la commission du deuxime acte.

2 : Linfraction inacheveA partir du moment o le rsultat envisag par le lgislateur nest pas atteint, on parle dinfraction tente : la tentative est une action qui consiste essayer de commettre une infraction. Elle est envisage par larticle 121-4 du Code pnal, qui dispose que celui qui tente de commettre un crime ou, dans les cas prvus par la loi, un dlit, est considr comme auteur de linfraction . Larticle 121-5 du Code pnal ajoute que la tentative est constitue ds lors que, manifeste par un commencement dexcution, elle na t suspendue ou na manqu son effet quen raison de circonstances indpendantes de la volont de son auteur. La tentative pourra donc tre rprime seulement lorsque linfraction envisage tait ralisable : si elle ne ltait pas, on considre que la tentati