Amselle, Ethnies et Espaces

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Jean-Loup Amselle, “Ethnies et Espaces: Pour une Anthropologie Topologique” [Ethnicities and Spaces: For a Topological Anthropology] in Jean-Loup Amselle and Elikia M’Bokolo, Au Coeur de l’ethnie: ethnie, tribalisme et Etat en Afrique (Paris: Découverte, 1985), 11-48.

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  • II a fa.nu d'abord oper~r les. necessaires reclassements concep-tuel~ en mterrogeant systemat1quement Ia notion d'ethnie. Jean B~z~n apropos de~ Bam?ar~ et J~an-Pierre Dozon apropos des ~e.te montrent qu en fall d ethrnes, on est en presence de rea-J1tes mouvantes : ici comme ailleurs, nul n'est exclusivement membre d'une ethnie et les individus comme les groupes sociaux sont ou cessent d'etre selon le lieu et le moment membres de t~ll~ ou tell7 eth~ie ; c: sont en definitive l'ethnologie et le colo-mahsme qui, meconna1ssant et niant l'histoire, presses de classer et de nomm~r, ont fige !es etiquettes ethniques. II ya done lieu,

    ~omme .le demontre Jean-Loup Amselle, de deconstruire l'ob-Jet ~thmque ,.,,, : ur~e fois rehabilitees l 'histoire et une anthropo-

    !og~e ~ynam1que, 11 apparalt que !es groupes ethniques ont ete mtegres dans des ensembles plus larges, des espaces , struc-tures par des facteurs economiques, politiques et/ou culturels qui determinaient !es groupes ethniques et leur donnaient un contenu specifique.

    Les tribalismes >> contemporains ne peuvent des !ors q~'exprimer autre chose que l'ethnie. L'analyse de ces pheno-menes ~u Shaba par Elikia M'Bokolo, au Rwanda et au Burundi par Jean-Pierre Chretien et Claudine Vidal montre qu'ils sont lies.~ certaines phases historiques au cours desquelles les acteurs poht1ques, les categories et !es classes sociales se trou-

    v~nt re9uits a exprimer Jeurs ambitions, leur colere OU leur desarro1 dans un langage tribal, ethnique OU regionaliste. Ainsi dans la plupart des cas, c'est la Jutte pour le pouvoir d'Etat qui se reflete dans ces pratiques.

    Tous ces poin.ts repres~nte~t l~s principaux jalons d'un long pare.ours a la fo1s collectJf et md1V1duel. Gageons qu 'ils seront repns par d'autres et qu'ainsi seront devoiles Jes veritables res-sorts des societes africaines.

    Ethnies et espaces : pour une anthropologie topologique

    Jean-Loup AMSELLE*

    C'est un truisme d'affirmer que la question de I' ethnie est au cceur de I'anthropologie et qu'elle est constitutive de sa demarche. Pourtant, ii est aise de constater que ce theme d'in-vestigation n'a pas suscite, jusqu'a une periode recente, un enthousiasme exagere de Ia part de Ia majorite des anthropo-logues. On a en effet le sentiment, en parcourant Ia litterature, que le traitement du probleme de l'ethnie est considere par les chercheurs de terrain comme une corvee dont il faut se debar-rasser au plus vite pour aborder les vrais domaines : ceux de la parente, de l'economie ou du symbolisme, par exemple. Alers que la definition de l'ethnie etudiee devrait constituer !'in-terrogation epistemologique fondamentale de toute etude mono-graphique et qu'en un sens tous !es autres aspects devraient en decouler, on s'aper~oit qu'il existe souvent un hiatus entre un chapitre liminaire qui, pour peu qu'on s'y attarde, montre le flou relatif de l'objet, et le reste de l'ouvrage, ou les conside-rations sur !'organisation parentale et la structure religieuse font preuve de la plus belle assurance.

    Ce relatif oubli ou ce desinteret de la part des anthropologues est sans doute a rapprocher de l'histoire meme de la discipline et des differentes tendances qui l'ont animee. 11 est de plus en plus evident que l'anthropologie s'est formee sur la base du rejet de l'histoire et que ce rejet s'est depuis main-tenu. Sans pretendre nous livrer a un inventaire classique qui

    Ecole des hautes etudes en sciences sociales, Centre d'etudes africaines.

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  • consiste a passer en revue chaque ecole anthropologique et a examiner la fac;:on dent celle-ci a traite le probleme de I' ethnie , ii suffit de remarquer que Jes courants qui ant mar-que de fac;:on majeure Ia pensee anthropologique - l'evolution-nisme, le fonctionnalisme, le culturalisme et le structuralisme - sont des doctrines essentiellement anhistoriques.

    Si l'on considere, en suivant M. Auge (1979]**, l'espace dans Iequel se deploie la pensee anthropologique contemporaine, on VOit cJairement pourguoi !'interrogation Sur l'ethnie ne peut etre au centre de la reflexion des ethnologues. Selon M. Auge, cet espace anthropologique est partage entre deux grands courants : l'un qui s'interesse au sens et au symbole, l'autre qui traite essentiellement de la fonction. Le premier courant comprend l'ecole de M. Griaule et les structuralistes, le second Jes fonc-tionnalistes et Jes marxistes, que M. Auge range a juste titre dans la meme categorie.

    11 est bien evident, si !'on envisage la premihe tendance, que ni Jes disciples de M. Griaule, qui accordent la priorite ace que Jes societes disent d'elles-memes, ni Jes structuralistes, qui ont besoin de plusieurs societes ou du moins de plusieurs systemes de parente ou de mythes pour penser les possibilites differen-tielles de !'esprit humain et en etablir la transformation au sens mathematique du terme, ne peuvent placer le theme de l'eth-nie au centre de leur demarche.

    En ce qui concerne la deuxieme tendance, celle qui comprend !es fonctionnalistes et !es marxistes, la question est plus complexe. On sait que le pere fondateur de l'ecole fonctionna-liste, B. Malinowski, rejette l'histoire assimilee par lui a l'evo-lutionnisme. Puisqu'il n'existe pas de sequence-type Sauvage, barbare, civilise , ii s'agit de saisir chaque societe dans sa spe-cificite mais sans que soit envisagee du meme coup la possibi-lite d'etablir sa micro-histoire. C'est ainsi qu'a la suite de L. Mair, B. Malinowski (1961 , 27] postule !'existence d'un degre zero du changement correspondant au milieu rural et envisage l'etude du contact culture! a partir de l'etat originaire des

    ~ocietes paysannes africaines. On peut egalement noter, en sens mverse, que S.F. Nadel qui se situe dans la filiation de B. Ma-linowski est un de ceux qui, comme nous le verrons, a donne une des meilleures definitions qui soit de l 'ethnie.

    Les references bibliographiques sont placees en fin de chaque chapit re.

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    Si l'on aborde maintenant les rivages marxistes, la situation est encore plus ambigue. Certes, on pourrait s'attendre que les anthropologues se reclamant de Marx aient particulierement focalise leur approche sur l'ethnie, etant donne leur reference constante a l' histoire . Tel n'est pas le cas : hormis l'etude de M. Godelier [1973, 93-131] sur la notion voisine mais en rea-lite distincte, au moins au premier abord, de tribu , les marxistes n'ont pas particulierement brille par leur reflexion theorique sur ce point. Et l'on comprend aisement pourquoi : assimilant parfois l'histoire a la seule evolution des forces pro-ductives et tout preoccupes qu'ils sont de reperer un ou plusieurs modes de production se combinant a l'interieur d'une forma-tion sociale, ils ont delaisse !'analyse de la production des formes 1 et se sont satisfaits de la saisie empiriste de l'ethnie telle qu 'elle leur avait ete transmise par leurs predecesseurs - bien souvent des administrateurs coloniaux ou des mission-naires 2 - et qui leur fournissait un cadre commode a l'inte-rieur duquel ils pouvaient loger ces concepts [J . Co pans, 1981].

    A cet egard, ii faut noter !'existence d ' un fosse considerable entre !'absence d'une reflexion marxiste d'ordre general sur l'ethnie et la qualite de !'interrogation sur la realite des grou-pes ethniques telle qu'elle apparalt dans les monographies de ces auteurs [C. Meillassoux, 1964; E. Terray, 1969]. On peut se demander, ace sujet, si ces anthropologues n'ont pas ete pri-sonniers d'une problematique exagerement influencee par une lecture neo-positiviste du marxisme (Althusser) et par la condamnation qu'elle impliquait de tout historicisme et si, par ailleurs, n'a pas pese sur eux le poids de !'institution anthro-pologique qui conduit chaque chercheur a identifier son pro-. pre nom avec une ethnie particuliere [C. Meillassoux, 1979). Ce courant marxiste est neanmoins sujet depuis quelque temps a une evolution sensible et !'on peut constater que certains de ses representants sont en train de remettre en question I 'approche mono-ethnique qui etait la leur [C. Meillassoux, 1978) et de se rapprocher du troisieme courant dont ii sera maintenant ques-tion, celui que P. Mercier [1966) a qualifie de dynamiste .

    A cette mouvance se rattachent les noms de M. Gluckman,

    I. Sur ce point, on peut consulter notre article d'ordre general [AMSELLE, 1979 a].

    2. Voir Ace sujet J. P. CHR!:TIEN (1981).

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  • G. Balandier, P. Mercier, J. Lombard, G. Nicolas et J. Copans. Ces auteurs sont assez proches du marxisme, en ce sens qu'ils insistent sur la necessite de proceder a une approche historique de chaque societe ou, plus precisement, du cadre choisi comme lieu d'enquete : village, chefferie, royaume, etc. Cette primaute accordee a l'histoire intervient de la far;on suivante : ii convient de saisir !'ensemble des determinations qui pesent sur un espace social donne et de mettre l'accent sur le reseau de forces a la fois externes et internes qui le structurent, en un mot d'analyser l'efficace d'un' systeme sur un lieu [J .-L. Amselle, 1974, 103]. Cela conduit a mettre en relief le cadre politique , au sens le plus large, de cet espace et a l'inserer dans un ensem-ble qui le depasse. Cette reflexion devrait debaucher, sinon sur une definition operatoire de l'ethnie (en faut-il une ?), du moins sur la deconstruction de l'objet ethnique qui represente toujours un frein pour le progres de la discipline. Mais avant de voir a quoi pourrait aboutir le depassement de la problematique ethnique, il nous faut examiner les diff erentes definitions de l'ethnie qui ont ete proposees par Jes anthropologues.

    Definitions

    Le terme ethnie (du grec ethnos : peuple, nation) est apparu recemment dans la langue franyaise (1896) ; au xvi et au xvu siecle, comme le fait remarquer P. Mercier [1961, 62], le terme nation equivalait a celui de tribu . L'apparition et la specification tardives des termes tribu et ethnie conduisent d'ores et deja a poser un probleme sur lequel nous reviendrons, celui de la congruence entre une periode histori-que (colonialisme et neo-colonialisme) et !'utilisation d'une cer-taine notion.

    Si ces termes ont acquis un usage massif, au detriment d'au-tres mots comme celui de nation , c'est sans doute qu'il s'agissait de classer a part certaines societes en leur deniant une qualite specifique. II convenait de definir les societes amerin-diennes, africaines et asiatiques comme autres et differentes des notres en leur otant ce par quoi elles pouvaient participer d'une commune humanite. Cette qualite qui les rendait dissemblables et inferieures a nos propres societes, c'est bien evidemment l'his-toricite, et en ce sens les notions d' ethnie et de tribu sont

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    liees aux autres distinctions par lesquelles s'oper~. 1~ grand p~rtage entre anthropologie et soci~logie : . soc1ete. :~n~ h1s-toire/societe a histoire, societe premdustnelle/soc1ete mdus-trielle communautelsociete 3

    Les' anthropologues se sont done trouves prisonniers de. cer-taines categories a l'interieur desquelles il leur a fall_u se s1tuer pour etudier les societes relevant de leur competen~e, . au moment meme ou celles-ci etaient figees par la colomsauon [M. Piault, 1970, 23]. Et cela expli~u.e p~ut-et:e 9u'a c~te d'etu-des brillantes sur la parente et la religion Il y a1t s1 peu d analyses sur la categorie d' ethnie .

    Ethnie et tribu

    Des l'abord nous nous trouvons places devant !'existence de , . . . . deux termes dont la signification en franr;a1s est vo1sme r:1a1s dont le second a acquis dans la litterature anthropolog1que anglo-saxonne un sens particulier. Si le tem:ie ~< trib:1 . en_ f :an-r;ais, a a peu pres le meme usage que celm d eth~1e , 11 ~es1~ne chez !es anthropologues anglo-saxons un type d orgamsation sociale propre : celui des societes segmentai ~~s: Celles-ci ~ont definies de far;on classique par la presence d eleme~ts. sociaux de nature identique (lignage, etc.) et provenant .cte.s sc1ss1ons suc-cessives d'une meme cellule initiate et elles se d1stmguent en cela des societes etatiques a pouvoir centralise. C'est ce sens du mot tribu designant a la fois un type de societe et ~n sta~e de !'evolution humaine que M. Godelier [1973] soumet a ~ne inter-rogation epistemologique. Contrairement a cet ~uteur, Je ne pro-pose pas, au moins dans un . p~em1er temps, de me livrer a une reflexion sur les organisations de type segmen-

    3. On peut remarquer que !'usage antique du terme ethnie_ n'est pas sa ~s .lien avec le not re. Les Grecs opposaient en effet ethnos (plur: eth?el et po/1~ ( cne. >~) . Les societes de culiure grecque mais auxquelles manqua1t l organisa11on en c1tes-Etats etaient des e1hne. Le terme est souvent traduit par trib.u ,., (allem~nd : stamm) OU par (( Etal tribal)). Selon v. EHRENBERG [1 97~ .. s.4J . '' 7s.t (( vra1~emblable n que l'ethnos est beaucoup plus proche de la soc1ete pr1m1t1ve >~._Lethnologie, prise au pied de la lettre, est done une science des societes a-poht1ques. et depourvues a ce titre de la possib.ilite d'etre des > ?e 1.eur pr~pre h1s-toire. Une definition negative se perpetue dans la trad11ton eccles 1ast~q.ue qui a~pel~e ethne : !es nations, les gentils, les pa'iens par opposition aux chrettens (Ltttre, au mot ethnique ).

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  • taire mais de presenter !es multiples definitions de l'ethnie ou d~ groupe ethnique envisage comme une societe globale. Cer-tams auteurs tels que E. Gellner [1965) estiment d'ailleurs que cette demarche est sans objet pour !es regions qu'ils etudient. Ils refusent de leur appliquer les termes d' ethnie et de tribu et considerent que les zones rurales d' Afrique du Nord n'abritent que des organisations de type segmentaire. Nous aurons nous-memes a nous demander s'il s'agit veritablement d ' une opposition de type geographique ou culturel ou si les societes segmentaires a(ricaines ne se definissent pas toujours d'une certa~ne fa) mais la replacer dans !'ensemble d'un paysage ethnique regional envisage dans une perspective histo-rique )> [1968, 73-76] .

    Pour G . Nicolas [1973, 103] : Une ethnie, a l'origine, c'est avant tout un ensemble social relativement dos et durable, enra-cine dans un passe de caractere plus ou moins mythique. Ce groupe a un nom, des coutumes, des valeurs, generalement une langue, propres . 11 s'affirme comme different de ses voisins. L'univers ethnique est constitue d'une mosa'ique [ ... ]de ligna-ges. ll existe une profonde parente entre ethnie et lignage ou clan, parente qui se trouve le plus souvent etayee par un voca-bulaire familial , voire un mythe d'origine etablissant la commune descendance des membres du groupe a partir d'un couple initial ou d'un heros mythique. G. Nicolas [19_7? ~04] ajoute que la realite ethnique possecte un flou caractenst1que et que le cadre ethnique ne coYncide que rarement avec la for-mation politique de base : Une ethnic peut ainsi correspon-dre a une ou plusieurs tribus ou nations, comme une culture ou une civilisation. >) Enfin, pour lui, une ethnie n'est ni une culture ni une societe, mais un compose specifique, en equili-bre plus ou moins instable, de culturel et de social )) [1973, 107].

    Pour sa part, J. Honigmann 4 estime qu' en general les anthropologues sont d'accord sur les criteres au moyen desquels une tribu (en tant que systeme d'organisation sociale) peut etre decrite : un territoire commun, une tradition de descendance commune, un langage commun, une culture commune et un nom commun, tous ces criteres formant la base de !'union de

    4. J . HONIGMANN, art. tribe in A Dictionary of the Social Sciences, 1964, p . 729, cite par M. GODELIER [1973, 102).

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  • groupes plus petits tels que des villages, des bandes des districts des lignages . ' ,

    E~fin, selon F. Barth [1969, 10-11] : Le terme groupe ~th~19ue sert en gener.al dans la litterature anthropologique a designer une popl\lat1on qui : 1) a une grande autonomie de reproduction biologique, 2) partage des valeurs culturelles

    f~ndamentales. qui s'actualisent dans des formes culturelles pos-sedant une unite patente, 3) constitue un champ de communi-cation et d'interaction, 4) aun mode d'appartenance qui le dis-

    tingu~ lui-meme et qui est distingue par Jes autres en tant qu'il const1tue une categorie distincte d 'autres categories de meme s~rte .. Pour F. Barth, c'est le quatrieme point, celui de l'at-tnbut10n (ascription) qui est le plus important : Une attribu-tion categorielle est une attribution ethnique si elle classe une personne dans les termes de son identi te la plus fondamentale et la plus generale, identite qu'on peut presumer etre determi-nee par son origine et son environnement. Dans la mesure ou les act_;urs utilisent des identites ethniques pour se categoriser eux-memes et les autres dans des buts d'interaction, ils forment des groupes ethniques au sens organisationnel du terme [1969 13-14]. F. Barth introduit egalement la notion de limites eth~ niques , limites qui sont a la fois maintenues et franchies par les populations.

    Ce rapide inventaire des differentes definitions de I'ethnie tel-les qu'on peut les trouver dans la litterature geographique et amhropologique etait necessaire afin de montrer Ia grande convergence des positions sur ce theme. Son extension n'aurait probablement pas abouti a des resultats radicalement differents tant ii est vrai que si !'ensemble des anthropologues s'accorde en general sur Ia definition de l'ethnie, ils ont souvent bien du mal a indiquer avec precision ce qu'ils mettent sous ce vocable.

    A travers les diff erentes acceptions que nous avons passees en revue apparaissent un certain nombre de criteres communs tels que : la langue, un espace, des coutumes, des valeurs, un nom, une meme descendance et la conscience qu'ont Jes acteurs sociaux d'appartenir a un meme groupe. Le mode d'existence de l'objet ethnique proviendrait done de Ia coi"ncidence de ces differents criteres. Outre la proximite de la notion d'ethnie avec celle de race , on voit combien la definition de ce terme est entachee d'ethnocentrisme et combien elle est tributaire de la

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    conception de l'Etat-nation, telle qu'elle a pu etre elaboree en Europe.

    Sans beaucoup forcer les choses, on pourrait dire que le denominateur commun de toutes ces definitions de l'ethnie correspond en definitive a un Etat-nation a caractere territo-rial au rabais. Distinguer en abaissant etait bien la preoccupa-tion de la pensee coloniale et de meme qu'il etait necessaire de trouver le chef , de meme fallait-il trouver, au sein du magma de populations residant dans les pays conquis, des enti-tes specifiques 3

    Pourtant, tout en etant p risonniers des categories coloniales d'investigation, certains ethnologues ont procede dans le meme temps a une torsion de la notion qui Jes a fait aller au-dela du stereotype auquel ils etaient confrontes. Et a ce sujet, il serait opportun de se demander avec J.-P. Dozon [1981, 63] si ce ne sont pas les meilleurs parmi les anthropologues qui, en partant du cadre ethnique, o nt tente de montrer en quoi celui-ci n'etait pas adequat a leur objet. En ce sens, les entreprises theoriques de Nadel, de Mercier, de Barth, ainsi que les monographies veri-tablement nova trices com me celle de W. Watson [ 1958} ou encore Jes precautions methodologiques de C. Meillassoux [1964] et d'E. Terray [1969] me semblent, dans la mesure ou elles subvertissent les categories coloniales, beaucoup plus auda-cieuses dans leur principe que les tentatives de faire entrer avec beaucoup de peine Jes realites etudiees dans les concepts de mode de production et de formation sociale . Est-ce qu'une telle demarche ne consiste pas souvent a plaquer impru-demment sur une histoire inconnue ou meconnue des notions

    5. Sur le lien entre les attitudes racistes et !'utilisation des notions d' cthnie,. et d' ethnicite , ii n'est peut-etre pas inutile de citer in exrenso ce passage du professeur Montandon nomme par X. Vallat sous !'Occupation allemande au posted' ethnologue du commissariat aux Questions juives : Quand un homme au patronyme de Silberstein a ete baptise chretien, descend de chret iens depuis trois generations, d'apres ses documents, a epouse une femme aryenne et fait baptiser ses enfants, mais se fait arreter au moment de franchir la front iere suisse dans !'apprehension qu'il etait soit d'etre pris pour un aryen astreint au service de la releve comme tant d'autres non infeodes aux puissances juives, nous disons que cet homme a la mentalite juive et que la loi devrait donner la possibilite de le reenre-gistrer comme juif : ce serait le cas si au lieu de parler de race juive et d'expliquer la race par la religion, la loi se contentait de pa~ler tout simplement d'erhnicite juive (souligne par nous J .-L. A.), determinable par !'ensemble des criteres que fournis-sent la biologic, la langue, la religion, fa sociologie et la psychologie. Cite par B. BLUMENl\RANZ (ed.). Histoire des Juifs en France, Privat, Toulouse, 1972, p. 406-407

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  • feti~hes [J .-L. Amselle, 1974} ? Elle n'est peut-etre pas sans ana-log1e avec celle des ethnologues coloniaux distribuant arbitrai-rement entre des ethnonymes des populations dont ils ne savaient presque rien . Parler de la formation sociale X plu-tot que de l'ethnie X ne change a vrai dire pas grand-chose.

    Le courant dynamiste, tel que nous avons pu !'identifier au sein de l'anthropologie, a entame un processus de deconstruc-tion de l'objet ethnique qui doit maintenant etre mene a son terme .. Il est bien evident que cette reflexion ne doit pas etre :onduite dans un but exclusiv.ement critique mais qu'elle doit

    egale:n~n~ contribue_r a devoiler les caracteristiques specifiques des r~ahtes .ethnolog1ques, ~e que jusqu'a present ni les concepts marx1stes m ceux plus class1ques de l'anthropologie ( ethnie clan , lignage , etc.) n'ont reussi a faire. De ce point d; vue, !'interrogation sur ces concepts engage la discipline anthropologique dans son integralite.

    Le coup d'envoi de ce mouvement de de~onstruction a ete do~rn! des 1942 par Nadel [1971, 46} qui montrait dans Byzance noire comment la realite ethnique des Nupe du Nigeria s'im-briquait dans des ensembles de plus en plus vastes : L'unite culturelle est aussi plus vaste que !'unite tribale. L'organisation politique et sociale des Nupe est commune a de nombreuses tri-bus d'Afrique occidentale : ils partagent leur religion tradition-nelle avec des groupes voisins au nord, a !'est, au sud, et Ieur religion moderne, l'islam, avec tout le Soudan. Car, on peut, en effet, parler a juste titre d'une culture d' Afrique occiden-tale, ou d'une culture des groupes vivant dans l'interieur de I' Afrique de l'Ouest (en l'opposant a celle de groupes habitant !a foret subtropicale OU la region cotiere). En fin de compte, il semble que la culture apparaisse comme cristallisee sous forme d'une culture tribale et l'aire de cette unite culturelle apparalt alors, a certains egards, de meme etendue que la tribu.

    , ~ourta~t, cet effort de relat.ivisation du groupe ethnique et d evacuation du terme tnbu au profit de celui de royaume ne sera pas poursuivi par Nadel pour ce qui concerne les Nuba du Soudan. En eff et, la definition donnee par Jui apropos de ces populations( l'identite et !'unite ideo-logiques acceptees comme un dogme ) n'est pas pleinement satisfai;~n~e. Et ce n'est pas faire injure au grand anthropolo-gue qu eta1t Nadel que de penser qu'il n'a pas ete en mesure de saisir les veritables determinations de !'ensemble Nuba,

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    a savoir l'insertion de populations montagnardes tres diverses dans un ensemble politique domine par les Arabes du Soudan.

    On retrouve la meme difficulte avec M. Fortes [1945] qui fait sien ce souci de relativisme ethnique, mais qui n'en tire pas tou-tes les consequences pour ce qu) concerne les Tallensi du Ghana. En effet, comme l'a bien montre E . Skinner [1972, 33-35}, M. Fortes occulte l'insertion de cette societe, a J'epoque pre-coloniale, dans le royaume Mamprusi, pour en faire le modele des societes segmentaires acephales. II faut ensuite attendre P. Mercier, J . Lombard, et F. Barth pour que la percee theo-rique de Nadel soit approfondie. P. Mercier est sans doute celui qui est alle le plus loin dans sa tentative de deconstruction de l'objet ethnique. Dans son livre sur les Somba, ii souligne la necessite de resituer ce groupe dans la geographie et l'histoire et de l'inclure dans des cadres plus larges. II precede egalement, ce qui est capital pour toute tentative de definition d'une unite sociale quelle qu'elle soit, a un inventaire du champ semanti-que du terme Somba, souci qu'on retrouve chez J. Lombard [1964, 42-43] et M. Izard [1977] a propos des societes englobantes 6 Bariba du Benin et Mosi du Burkina Faso. Cependant P . Mercier tient - et la nous retrouvons le poids de l'institution anthropologique - a une certaine specificite de son objet et est conduit, en empruntant a C. Levi-Strauss la notion de seuil , a reintroduire une idee proche de celle de M. Fortes : l'ethnie cesse de fonctionner la oil s'affaiblit la communication entre ses membres. P. Mercier revient done a une conception des societes africaines precoloniales envisa-gees comme des ensembles discontinus [J .-L. Amselle, 1974, 107-108] . F. Barth [1969] place pour sa part, comme nous l'avons vu, la notion de limite 1 au centre de sa demarche. II montre que les separations entre ethnies servent a etablir des schemes d'identification socialement signifiants et que, paral-lelement, il se produit un flux continue! de populations a tra-vers ces limites . II ouvre, ainsi, la voie a une analyse des relations entre ethnies corn;:ues comme des rapports de forces.

    C'est dans certaines monographies que ce processus de dissolution des ethnies specifiques est mene le plus loin. C. Meillassoux [1964, 16] va jusqu'a se demander si !es Gouro de Cote-d'Ivoire existent veritablement en tant qu'ethnie. Les

    6. Pour une explication de cette notion, voir infra.

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  • seules unites sociales pertinentes Iui paraissent etre Ies aires matrimoniales tandis que la conscience d'appartenir a un meme groupe lui semble resulter de l'action du Rassemblement demo-cratique africain.

    E. Terray [1969, 36] est encore plus categorique apropos des Dida de Cote-d'Ivoire. Pour lui, il n'existe pas de point de vue d'ou l'on puisse observer cette societe comme une totalite et, dans une approche qui rappelle celle de Meillassoux, il remarque que, selon les traits retenus, on obtient des aires culturelles soit beaucoup plus grandes, soit beaucoup plus petites que le pays did a [p. 31]. II affirme toutefois, mais sans don-ner beaucoup de precisions, qu'il existe bien un ensemble dicta mais que celui-ci resulte d'une classification elaboree de l'ex-terieur et acceptee par les interesses dans les occasions relati-vement rares ou ils en eprouvent la necessite . En definitive, il fait preuve de scepticisme en estimant que dans l'ouest fores-tier ivoirien, c'est en fait la notion meme d'ethnie qui doit etre contestee [p. 35). Bien que Meillassoux et Terray nous fournissent des indications precieuses qui nous aideront a reconstruire l'objet anthropologique, on peut considerer que c'est avec W. Watson, eleve de M. Gluckman, que s'est pro-duite la veritable rupture avec l'ethnologie coloniale. Dans Tri-bal Cohesion in a Money Economy, ouvrage majeur mais rela-tivement meconnu, surtout en France, Watson montrait des 1958 que la cohesion tribale des Mambwe de Zambie, c'est-a-dire en fait la constitution meme de la tribu, etait la consequence de la colonisation britannique 7 Cette region qui etait organisee en communautes villageoises independantes et ou les hommes se livraient principalement a la guerre a connu de profonds bouleversements avec la conquete anglaise. Liberes des ta ch es defensives par la pax anglica et rem places par Jes fem-mes dans l'agriculture, les hommes ont pu migrer vers les mines du Copperbelt.

    La mise en place de l'administration indirecte et le soutien accorde aux chefs par !es Britanniques ont perm is a ces derniers d'accrottre leur pouvoir sur la terre et de contr6ler la circula-tion des migrants entre les zones rurales et minieres de telle sorte que cette region auparavant segmentee s'est transformee en un ensemble politiquement centralise et dote d'une conscience col-lective. C'est dans ce cadre d'analyse que se situe J .-P. Dozon

    7. Voir egalement E. COLSON [1951, 1953) et M. FRIED [1968).

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    [1981} lorsqu'il nie toute espece de re~lite a ~ne e~ti.te bete pre-coloniale et voit dans }'apparition de l ethme bete une pro-duction et une creation coloniales 8

    La cause para'it done entendue : il n'existait .rien qm resse:11-blftt a une ethnie pendant la periode precolomale. Les ethmes ne precedent que de l'action ~u coloni.sat.eur qu!, da~s sa volonte de territorialiser le continent af nca1~, a ?ecoupe .~es entites ethniques qui ont ete elles-memes ensu1te reappropnees par !es populations. Dans cette perspecti~e . 1: ethnie , .com;ne de nombreuses institutions pretendues pnm1tives, ne ser~1t qu un faux archa"isme de plus. Mais s'il n'existait pas d'ethmes avant Ia colonisation, qu'y avait-il done ? Dans quels cadres les acteurs sociaux s'organisaient-ils ?

    Les espaces precoloniaux

    A l'heure actuelle, un nombre croissant de cherch~urs s'ac-cordent sur le caractere premier, a l'epoque precolomale, ~un espace international [Copans, 1978, 97] , de re}at1ons symplectiques [Meillassoux, 1978, 13~] ou de.

  • developpees ou bien encore des modes de resistance a l'Etat et au capitalisme. II est clair que sont visees ici toutes Ies formes d 'evo.I~t~o.nnisme r_narxiste ou non marxiste (sauvages, barba-res, c1v1hses), Jes demarches typologiqucs (societe a Etat/societe sans Etat) ainsi que la nouvelle anthropologie [Amselle ed. 1979 b J qui, en pretendant nous presenter des societe~ centre l'Etat , ne nous livre en fait que des sous-produits de l'Etat.

    On ~ourra o?je.cter a 1cette position que ce qui est vrai pour

    le continent afncam ne I est peut-etre pas pour Jes societes ame-rindiennes ou asiatiques ou la vie de relations , comme disent les geographes, est moins developpee et ou Ies societes sont mieux preservees des contacts avec l'exterieur. Les continents americain et asiatique manifestent pourtant, comme le montre l'anthropologie, une meme continuite dans le tissu qui unit les differentes societes, chacune d'entre elles devant etre con9ue, en quelque sorte, comme le point ultime de tout un reseau de rapports de forces 10.

    ~ans cette .optique, ii faut definir une serie d'espaces sociaux qui structura1ent le continent africain a l'epoque precoloniale. II s~~git : 1) des e~paces d'echanges ; 2) des espaces etatiques, poht1ques et guemers ; 3) des espaces linguistiques ; 4) des espa-ces culturels et religieux.

    Les espaces d'echange

    Aussi loin que les differentes sources permettent de remon-ter dans l'histoire du continent africain, on trouve des reseaux d'echange entre unites sociales de taille et de structure diver-ses. Qu'il s'agisse de la circulation des femmes, du commerce transsaharien impulse par le Maghreb et le monde arabe, du commerce le long du golfe de Guinee effectue par des Africains bien avant l'arrivee des Portugais au xv siecle ou de la presence seculaire des commer9ants arabes sur les cotes

    IO. Voit ~ar exemple pour l'Asie du Sud-Est, 8. HOURS [I 973, 2-28) qui a pro-pos des Lave du Laos montre commem ces populations ont ete refoulees dans les monragnes par les envahisseurs bouddhistes Lao et sont considerees comme Jes

    ,esclave~ . d.u royaume, _et pour l'Amerique latine l'ouvrage d'Andre Marcel d ANS qui revele que la presence de !'Inca, c'est-a-dire, en fait, de I 'Etat, impre-gne. les mythes des Cashinaua, population de chasseurs-collecteurs (Le Dit des vra1s hommes. Mythes, comes, legendes et traditions des lndiens Cashinaua 10118 UGE. 1978). ' '

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    est-africaines et sans parler de la traite interne et externe des captif s du xv I au XIX siecle, pas un point du continent ne sem-ble avoir ere a l'abri de cette vie de relations tres active. Ces echanges, qu'ils aient ete !'oeuvre de commen;:ants stables o~ itinerants, de groupes echangistes au.de peuples courtiers, mam-festent le caractere premier de l'espace international ou de l' economie-monde [F. Braudel, 1979, 11-34] que constituait l' Afrique avant la colonisation.

    L'existence de ces echanges (marchands ou non) est egalement l'indice du developpement inegal qui affectait l'ensemble du continent africain des cette epoque. C'est ainsi que l'on peut noter une difference de po.tentiel entre le Soudan medieval et le monde arabe, difference de potentiel qui s'exerce par le biais de la traite arabe. On retrouve cette domination arabe dans l'est du continent et ce processus de sous-developpement qui debute bien avant l'arrivee des premiers Europeens [Alpers, 1973]. Ces relations d'echange inegal provoquent egalement une hierarchi-sation et une denivellation qui se traduisent par de nombreuses migrations. Tout d'abord des migrations de peuples qui partent a la recherche de certains biens economiques : l'or, la cola, etc. [Deluz, 1970, 121 ; Lovejoy, 1980 a], ainsi que des migrations de marchands qui interviennent probablement a la suite de la chute des grands empires medievaux et qui constituent ce phe-nomene de reseaux marchands internationaux tel qu'il a pu etre observe par plusieurs auteurs [Cohen, 1969 ; Amselle, 1977 ; Lovejoy, 1980 b]. L'importance de ces echanges repr~sente _done un premier facteur de structuration des espaces p~ecolomau_~ Cette structuration se manifeste elle-meme de plus1eurs mame-res. D'abord, par }'existence d'espaces de production 11 On peut ainsi observer - et contrairement ~ux cliches P~.rt_iculi~rement repandus sur le caractere autosubs1stant des soc1etes af n-caines precoloniales -, une specialisation, une division soci~le du travail et un commerce a longue distance concernant certams biens precieux tels que la cola, le sel, !'or, les textiles, Jes cap-tifs, mais egalement des produits vivriers comme le riz, l'igname et le mil qui servaient bien silr a approvisionner les centres

    I I. 11 peut paraitre curieux, contrairement a la tradition, de placer la pro~uction apres Jes echanges, mais en fait comme l'a bien montre H. DENIS, la

  • urbains mais qui faisaient en outre l'objet d'un trafic entre zones agricoles distinctes [Chauveau et al., 1981]. Ces espaces de production dessinaient ainsi des regions economiques spe-cialisees dans tel OU tel produit. La realisation de la valeur de cette production s'operait elle-meme a l'interieur d'espaces d'echanges qui pouvaient coYncider avec des aires de marches et qui etaient frequentes par les producteurs eux-memes, par des peuples courtiers ou des commer~ants prof essionnels . Ces espaces d'echanges debordaient largement le lieu de production de chaque bien puisque celui-ci pouvait trouver son consommateur final a plusieurs centaines ou milliers de kilo-metres de distance.

    Ce processus de realisation de la valeur s'effectuait essentiel-lement de trois fa~ons : par le transfert (don et contre-don), par le troc et par l'echange monetarise. 11 est bien connu que de veri-tables monnaies - cauris, sompe, gwinzin, manilles, perles d 'ai-gri, etc. - circulaient sur le continent afriCain avant la colo-nisation. L'espace de circulation de ces monnaies, !es differents lieux OU elles avaient cours delimitaient a leur tour de verita-bles zones monetaires qui representaient une autre forme de structuration de l'espace africain precolonial.

    De meme, l'echange restreint et generalise de femmes ou l'achat de captives aboutissait a la definition d'aires matri-moniales qui constituaient bien souvent - notamment dans le cas des Gouro de Cote-d'Ivoire - !es seules unites sociales pertinentes en Afrique precoloniale et qui s'articulaient aux autres aires d'echanges qui viennent d'etre analysees [Couty et al., 1981].

    L'ensemble de ces processus socioeconomiques manifestait l'extraversion des societes africaines precoloniales ainsi que !'existence d'une petite production marchande et d'un secteur capitalistique qui s'appuyait sur un reseau relativement dense de villes - Tombouctou, Djenne, Kong, Kano, etc. - dans lesquelles residaient les differents groupes de commer~ants qu'on rencontrait a cette epoque (Jula, Hausa, Soninke, etc.) [Amselle, 1980 et Amselle et Le Bris, 1981].

    Espaces de production, espaces de circulation et espaces de cons?mmati~n ~epresentaient ainsi un premier quadrillage du comment afncam et marquaient la predominance d'une forme generate englobante sur les diff erentes societes locales conside-rees comme des eff ets .

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    Les espaces etatiques, politiques et guerriers

    Aussi loin que l'on remonte dans l'histoire de l' Afrique, on retrouve des Etats, des royaumes et des empires qui pouvaient regrouper plusieurs milliers ou dizaines de milliers de villages et qui s'etendaient parfois sur des superficies considerables. 11 n'est que de citer les empires m~dievaux du Ghana, du Mali et du Songhay, les royaumes Mosi et Asante, ceux du Daho-mey et du Kongo, etc . , pour s'en convaincre. II est de plus en plus evident pour les anthropologues et les historiens africanistes qu'il ya un lien entre !'apparition des grands empires, l'exis-tence d'un grand commerce international et le developpement de l'esclavage, institution qui forme le substrat economique de ces organisations etatiques. Par ailleurs, !es couches dirigean-tes de ces Etats, notamment celles des empires medievaux, n 'etaient dans bien des cas que !es representantes locales d 'au-tres classes dominantes situees a l'extremite des reseaux mar-chands internationaux, au Maghreb et dans le monde arabe par exemple.

    C'est sans nul doute a l'interieur d'un tel quadrillage etati-que qu'il faut replacer un grand nombre de mouvements de population qui se sont produits en Afrique a l'epoque pr~coloniale. La relation entre ces reseaux etatiques et les migrations precoloniales est complexe ct ne sa~rait. etre envisagee d~ fa~on univoque. On peut noter, en premier heu, que la const1tut1on de l'Etat dans une region donnee est souvent la resultante de la venue d'un groupe de guerriers qui impose sa domination sur une population de premiers occupants. Parfois ce groupe de conquerants est lui-meme issu de ce qu'on pourrait appeler une . dissidence etatique , de sorte que le village OU la chefferie qu'ils creent est en ce sens le fils ou la fille de celui ou de celle dont ils sont originaires 12 Mais, on peut observer en outre qu'une dissidence etatique , le fait qu'un conflit a l'interieur d'un royaume provoque le depart de certains groupes, peuvent ne pas aboutir a la reconstitution d'une organisation politique de nature analogue. :

    Un bon exemple de cette situation est fourni par le cas d'une fraction des Baule qui est originaire du royaume asante et qui

    12. er .. pour les Mosi, IZARD (1975, 219) el (1977) el SKINNER, op. cit. , p. 35 sq.

    27

  • s'est reconstituee en Cote-d'Ivoire sur la base de petites chef-feries OU de systemes regis par des relations de parente 13 Une bonne partie des populations de Cote-d'Ivoire, qualifiees de seg-mentaires, provient d'ailleurs des aires culturelles mande et akan, elles-memes grandes productrices de formes etatiques, ce qui conduit a se demander, en extra pol ant quelque peu, si les chefferies d'une part et les societes lignageres de l'autre ne sont pas, dans bien des cas, des contractions )) de formes eta-tiques 14

    Un autre cas pris au Mali permettra de pousser plus loin la demonstration. C'est ainsi qu'a la suite de la chute de Biton Kulubali, fondateur du royaume de Segu au xvm siecle, un de ses groupes de dependants a fui la region pour aller s'installer trois cents kilometres plus loin au Jitumu ou il est devenu un lignage Kulubali considere comme faisant partie des pre-miers occupants 15.

    De tels exemples d'essaimage, d'edification ou au contraire de contraction etatiques fourmillent en Afrique precoloniale. lls incitent a abandonner une vision evolutionniste de l'histoire et a restreindre }'importance des differentes typologies qui ont cours en anthropologie (societes segmentaires versus societes a Etat), lesquelles tendent a considerer les formes les plus redui-tes comme les ancetres des formes les plus developpees, les socie-tes lignageres comme !es devancieres des societes etatiques et a etablir une coupure radicale entre le lignage et l'Etat.

    Or, s'il est un point qui est relativement acquis pour un cer-tain nombre d'africanistes, c'est que les formes d'organisation sociale que l'on peut reperer en Afrique precoloniale sont le

    13. La litterature sur les Baoule est abondante : P . et M.A. DE SALVERTE MAR'.\11ER, (( Les etapes du peuplement , in Cote-d'Ivoire, ministere du Plan, Elude regionale de Bouake, 1962-1964. l: Le peuplement, Abidjan, 1965, 11-58; P. ETIENNE, ssais de sociologie baoule, these de 3 cycle, Paris, Sorbonne, 1975, multigr. ; T.C. WEISl\EL, French Colonial Rule and the Boule Peoples: Resistance and Collaboration, 1899-1911, Ph . D. thesis. Balliol College, Oxford, 387 p. mul-tigr., 1976; J. -P . CHAUVEAU, Notes d 'hisroire economique et sociale, Kokumbo et sa region, Baoule sud, Travaull et Documents de l'Ors1om, n 104, Paris, 1979.

    14. Cf. DozoN, op. cit. , TERRAY. op. cit., DELUZ, op. cit. La 1hese de l'origine mande de certaines popula1ions comme !es Dan et !es Gouro par exemple est cependanl sujeite a cauiion, dans la mesure ou elle est l'a:uvre de griots malinke habiles a incorporer tous !es peuples oues1-africains dans la matrice mande (DELUZ, ibid. , 140) ou de chercheurs comme Delafosse qui consiituerent des groupes linguistiques lolalement arbitraires (exemple : mande tan/mande fu).

    15. Observa1ion personnelle aupres des Kulibali de Sugula, Mali (18-2-1978).

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    produit de phenomenes de diastole et de systole, . ~e. va-et-vient constants, en un mot de processus de comp?s~~10~'. de decomposition et de recomposition qui se deroulent a l mteneur d'un espace continental. . , . ,

    n n'est pas dans notre intention .ct expliquer l ens:mble des mouvements de population precoloniaux yar les cn~es ou le declin des diff erents Etats ou cheff eries qm ont vu le JOUr dans cette region ; il est bien evident que les SOCiet~S ligna.gere~ OU segmentaires engendrent elles-me~es ~erta_mes m1g'.~tions (cf. les Lobi de Haute-Volta et de Cote-ct lvoire) l'."'.1. Fieloux, 19801. mais force est de constater que tout:s les ~ocietes ne sont pas a mettre sur le meme plan et que certames pesent plus lourd que d'autres. . .. ct

    En ce sens, il serait possible de proceder a une premiere .. 1~-tinction assez grossiere qui consiste a opposer les. , soci,etes englobantes aux societes englobees >>. Les prem~ere~, c est-a-dire les Etats, les empires, les royaumes et les che. fenes sont du cote de la determination : ce sont elles qui possectent la capa-cite maximale de delimitation de l' espace. Ces Etats exe~cent une forte pression sur les societes d'agricu~te~rs et favons~nt les divisions en leur sein, accentuant ams1 leur carac~ere segmentaire . lls font de ces societes de sim~les. appendices et les f eront appara'itre plus tard, sous la colomsanon, con: me de faux archai:smes (Tallensi/Mamprusi, Somba/Ban,ba, Dogon/Mosi, Toucouleur ; Kird~/Fulbe): C'e_st. tout le probl_e,~e des societes enclavees ou interstiuelles qui est ici souleve: societes qui dans bien des cas se sont refugiees dans des massifs mon-tagneux (falaise de Bandiagara, m~n~s du N?rd-Cam~roun, massifs du Nord-Togo et du Nord-Benm) et qm de ce fait pra-tiquaient une agriculture intensive. Ces s,ociete~ ne se repro-duisaient qu'a l' interieur d'un espace qu ont bien v.oulu leur conceder des Etats OU des cheff eries. Lorsque la pre;sio.n de ,ces Etats dispara'it avec la colonisation, elles ~eront l ?bJet d un desserrement et se repandront dans les plames environnantes . (exemple : les Dogon descendant da~s la plaine du Seno~. Cer-taines de ces societes deviennent a l'epoque contemporame des minorites ethniques dans le cas ou le recr~te~e~t du per-sonnel politique actuel est identique au plan hnguisuque_ avec celui des Etats precoloniaux. De la meme fac;on, le village africain qui a ete presente comme une organisation sociale et spatiale intemporelle n'est bien souvent que le resultat d'une

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  • cr~a~ion q~'on peut, dans certains cas, dater de fai;on precise. Ams1,. _les villages b~a de Haute-Volta ne sont-ils apparus qu'au XIX Stec.le, a la SUite de la pression qu'exeri;aient sur cette population les Peul du Macina. Auparavant, il n'existait dans cette zone que des localisations lignageres dispersees [Capron, 1973, ~7-88 ; Savonnet, 1979, 41]. On retrouve ce phenomene dans b1en d'autres regions d'Afrique.

    Pl~~i~urs types_ de relations entre societes englobantes et soc1e~~s _englobees peuvent exister en Afrique precoloniale.

    L~s soc1etes englobees peuvent etre soumises au versement d'un tnbut en nature ou en argent (exemple : or et cauris dans le royau~e de .segu) et ~ans ce cas nous avons affaire a des rap-ports tn~utaires, ou b1en elles sont victimes de razzias de Ia part de ces memes royaumes et alors il s'agit de relations predatrices.

    On aboutit ainsi parfois a !'existence de reseaux de rela-tions m~diatis~es, co~me au Ghana precolonial ou !'empire Asante im~osa1t. un ~tnbut en esclaves au royaume Gonja, qui entreprenalt lm-meme des razzias de captifs Gurunsi Konkomba, Lodaaga et Tallensi, societes qualifiees aujourd'hui de segmentaires 16.

    !=es rel.~tions tributaires ou predatrices provoquaient elles-memes d mtenses mouvements de population servile vers les Etats dont Ia base economique reposait sur l'esclavage et d'actifs courants d'echange quand ces esclaves etaient vendus a des coi:11meri;ants q.ui allaient eux-memes Jes revendre dans d'autres pomts du continent, notamment sur Jes cotes d'ou ils etaient expedies vers I' Ameriq ue.

    , ~'oppo,sition societes englobantes I societes englobees reg1ssa1t egalement les rapports entre Jes agriculteurs sedentai-

    re~ bantu et !es cha~seurs n?mades pygmees de la foret congo-la~se. _D~ns ce dermer cas, ii s'agit de societes qui ne sont pas t~es d1ff.erentes culturellement, sinon genetiquement, des societes sedentaires ; elles ont ete refou!ees dans la foret par !es agri-culteurs bantu et ant ete cantonnees dans la chasse comme

    16. Cf. J. GOODY, Technology, Tradi1ion and 1he S1a1e in Africa, OUP, Lon-dres, 1971. 11 est a no1er que le 1erme Gurunsi serai1 selon Rourn (1956 63-64) un mot dago~ba servant a designer les hommes de brousse parmi fesq~els les Dagomba alla1en1 chass~r leurs esclaves ou bien encore le nom donne par les Mossi aux,~u1ochto~es refoules par eux au-dela de la Voha rouge. Cela est a rapprocher de I e1y!1Jolog_1e du 1erme Somba qui cs1 un mo1 banba c1 qui rffere au i:hamp de rawa occidental de ce royaume, MERCIER (1968, 8).

    30

    unique mode de subsistance [S. Bahuchet et H. Guillaume, 1979] 17

    Les espaces !inguistiques

    S'il est un critere qui a ete souvertt avance a l'appui de l'exis-tence de la notion d' ethnie , c'est bien celui de la langue. Une langue commune semble bien etre l'indice principal sinon determinant de la condition d'existence d'un groupe ethnique : l' ethnie bambara par le bambara, I' ethnie baule parle baule, etc. Or, s'il est un domaine ou la confusion est grande en matiere de recherche africaniste, c'est bien en linguistique. Alors qu'en anthropologie les recherches recentes permettent d'operer chaque jour davantage une deconstruction de l'objet ethnique, grace notamment a l'etude des migrations precolo-niales, de l'histoire du peuplement, des reseaux d'echanges, des formes politiques, la focalisation des etudes linguistiques sur la morphologie et la syntaxe ne permet pas de proceder a une approche convenable des problemes linguistiques envisages dans une perspective geographique et historique.

    Ce qui manque particulierement aux anthropologues, c'est la definition d'aires linguistiques relativement bien delimitees et situees dans le temps. Certes, dans des pays ou la scolarisation est encore faible, ii est plus difficile que dans des regions ou les langues sont massivement enseignees a l'ec~le de .def!nir pre-cisement de telles aires, du fait meme de la d1alect1sation plus grande de ces langues. Mais cette tache reste neanmoins primor-diale, car elle conditionne Jes progres de l'histoire anthropolo-gique africaine.

    Nombre d'anthropologues, en effet, ont insiste sur le peu d'homogeneite linguistique des differentes ethnies dont ils etaient censes rendre compte. Souvent la langue parlee par l'un des segments de l' ethnie a plus d'affinites avec la langue de la societe voisine qu'avec un autre segment du meme groupe ethnique . De tels exemples abondent : Bete plus proches de certains Dida que d'autres Bete ; Dicta linguis-tiquement mains eloignes de certains Gouro que d'autres

    17. Ce processus de refoulement rend con:ipt~ a notre avis ?es ~ontra~ ic 1 ions_d? mythe bantu relatif aux Pygmees Aka et qui fail de ces dermers a la fo1s des CIVl-lisateurs et des sauvages.

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  • .Did~ ; ~ogon qui, originaires de villages situes a dix kilometres de distance, ne se comprennent pas et sent contraints d~ parl.er p~ul 18 Par ailleurs, l'idee selon laquelle la langue de,termme I appartenance a une ethnie laisse entier le pro-~leme de groupes pour lesquels existe une contradiction entre I ethnonyme et la langue eff ectivement parlee. Tel est le cas des gens du Was~lon au Mali qui revendiquent une apparte-nance. peul, ce qui comme nous le verrons a une signification esse?t1ellemcnt politique, et qui parlent une forme de bambara-mah?ke [Amselle et al., 1979 c].

    , I.l 1m~ort~ ct.one d'etablir des sortes de coupes synchroniques ? a~re.s lmgu1s~1q~es. II est probable qu'on parviendra de la sane a d1stmguer d1fferents types d 'aires Jinguistiques en fonction de la pl~ce d~ cha.q~e societe dans !'ensemble africain precolonial : ~~s aJres lmg_u1suq.ues segmentees , c'est-a-dire des aires ou l rntercompreh~ns1on e~~ ?e faible extension geographique et corres~on?ant a ~es s?c1et.es. englobees ou segmentaires , oppo~ees a des. ?1'.es lmgmst1ques de grande etendue correspon-dant a des SO~I~tes eng!obantes , etatiques OU imperiales 19. C~tte oppos1t1on recouvre en partie une autre distinction celle relative .au couple langues vehiculaires/Jangues vernacul~ires. En .Afnq~e, Jes langues vehiculaires comme le bambara-mal~nke-~1o~la ou le hausa sent souvent issues de grandes for-mations etat1ques (empire du Mali, royaume de Segu Samori ou Et~ts h~u~a~. La diffusion de ces langues est 'liee aux conquetes r.eahsees. par ces Etats, mais egalement aux reseaux r;iar~hands .1~ternat1onaux precoloniaux qui en sent issus et dent l action a ete parfois renforcee par le colonisateur 20.

    Les espaces cufturels et refigieux

    Le proc.ess~s. de ?econst.ruction de I' objet ethnique ~o~me. O~Jet 1d~olog1que ex1ge le reperage, au sein de la rea-IJte afncame pr:coloniale, d'un cenain nombre de traits que, faute de m1eux, on peut qualifier de culturels et dent

    18. Observation personnelle. p 19. Voir a Cc sujet P. ALEXANDRE, langues et /angaf!,e en Afrique noire Paris p=~i~ '. ~0f' 1~7 ~:P~t 1~~-l~~~IS, A nthropologie linguistique de l'Afriqu~ noire: a l~oOm. Cb 'esdt nloramlme.nt 1.e cas en Cote-d'Ivoire oil !es dioula Ont prospere

    re e a co onisat1on frarn;a1se.

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    il importe de dresser les cartes. Par trait culturel nous enten-dons aussi bien la vie materielle que Jes structures sociales et religieuses .

    A cote des actes concemant la product ion , la distribution et la consommation, qui ant ete evoques plus haut, il serait neces-saire de connaitre la repartition dans 1'espace d'institutions aussi diverses que !es techniques, les styles d'architecture, les formes artistiques, les manieres de table, les regles de parente et d'al-liance, les cultes religieux, les societes secretes, etc. 21

    De telles cartes auraient le rilerite de delimiter des aires culturelles et des aires de pouvoir n qui ne recouperaient pas celles operees par Jes sempiternelles cartes ethniques de l'Afrique et seraient tres revelatrices des contacts, des liens entre les diff erentes societes , en un mot du poids et du travail de l'histoire sur les differents elements de l'ensemble africain precolonial.

    De meme, il serait precieux de connaitre, pour chaque periode historique, la diffusion des grandes religions universalistes et en particulier de l'islam. Cette etude permettrait notamment d'identifier les vagues successives et les reflux de l'islamisation en Afrique de l'Ouest et de l'Est et de determiner si certaines regions, considerees actuellement comme pa'iennes , ne sent pas en fait des survivances de la phase d'islamisation qui a precede.

    Ainsi, dans la haute vallee du Niger, au Mali, des cultes consi-deres aujourd'hui comme tout a fait animistes sont consacres a des reliques de marabouts ayant vecu il y a des siecles. De meme, la geomancie qui est vue par les musulmans de Bamako comme une institution typiquement polytheiste est sans doute ce qui subsiste d'un processus d'islamisation tres ancien.

    La mise en evidence de l'opposition musulmans-pa'iens, qui jouait et joue encore un role tres important en Afrique, serait enfin le moyen de faire sauter uncertain nombre de pretendus clivages ethniques - Peul/Dogon, Foulbe/ Guiziga, Massa ; Maninka, Jula/Banmana, etc. - et de donner un contenu

    21. Un bon exemple de ce type de synthese est fourni par le travail d'Y. PERSON, Samori, une revolution dyula, t. 2, !FAN, Dakar, 1968, p. 47-88. Vair egalement le tableau indiquant les principales caracteristiques regionales du pays 4< gouro in DELUZ, op. cit., p. 18-19.

    22. Je pense en particulier, ici, aux groupements territoriaux de funcrailles et de poro 11 senufo {C. Fai, communication personnelle).

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  • concret, c'e~t~~-~ire synchronique et spatial, au paradigme sauvages/c1V1hses , lequel a ete totalement obscurci par J'evo-lutionnisme ancien ou moderne 23.

    Paradigmes et mutations ethniques

    Si Pon accorde la primaute a !'ensemble sur les parties et si l'o~ accepte Je caractere logiquement premier d'un espace inter-nauo.nal africain precolonial sur Jes diff erents elements qui le constituent, on est alors conduit a admettre l'existence de chal-nes de societes a l 'interieur desquelles Jes acteurs sociaux se meuvent. .c~s dernier~, en fon~tion de la place qu'ils occupent dans Jes d1ff erents systemes soc1aux, sont a meme de circonscrire dans la Jangue Une Serie d 'elements signifiants OU de semes qui par une somme de transformations successives donnerom nais-sance a un ~ paradigme ethnique .

    On est ainsi confronte aux problemes de I' attribution et de l ' identification ethnique tels que Jes a bien analyses ~ Barth [1969] : un acteur social, en fonction du contexte ou 11.se tr?~ve, operera a l'interieur du corpus categoriel mis a sa d1sposn1on par la langue un choix d 'identification. Ce!ui-ci pourra lui-meme changer et J'on aboutira ainsi a des tableaux de tra?sformation et de conjugaison semblab!es a celui que nous fou.rrnt, par exemple, G. Dieterlen [1955, 42] lorsqu'elle donne la Iiste des correspondances entre les patronymes malinke et un grand nombre d' ethnies d'Afrique de l'Ouest. L'exis-tence de_ tels corpus.~ategoriels, et Jes mutations ethniques [J. Galais, 19_62] qu ds permettent, est done l'indice le plus pro-bant de I? ~resenc~ de ces chalnes de societes et le signe que Jes strategies sociales precoloniales se produisaient souvent a.l'echelle continentale. Plutot que d'envisager Jes frontieres eth-mques .comme des limites geographiques, ii faut considerer celles-c1 comme des barrieres semantiques ou des systemes de cla~sement, c'est-a-dire en definitive comme des categories soc1ales.

    . 23. Je fais allusion ici aussi bien a l'ev?luci?nnisme de ~organ qu'a celui plus recent de G. DELEUZE et F. GUATTARI (1 A nu-(Ed1pe, Paris, Minuit, 1972).

    34

    L' ethnie , creation precoloniale ?

    La prise en compte de tels systen:ies d~ class:~e.nt _conduit ainsi a nuancer quelque peu notre affirmation prehmmaire selon laquelle l' ethnie serait une pure creatio.n coloniale. Certes! il n'est pas question de nier que, dans certams cas, le terme qui a ete isole par le colonisateur et qui a ensuite fourni l'ethnonyme ne designait eff ectivement aucune unite sociale pertinente a l'epoque precoloniale. Ainsi J.-P. Dozen .[1981, 474] a pu montrer a propos des Bete de Cote-d'Ivo~re que le ~er:ne bete , qui signifie pardon et qui re~vo1e _a _Ia so~m1~s1on des populations de cette region aux Fran~a1s.' a _ete apphq_ue pa: ]'administration coloniale a un territoire arb1tra1rement ~ecou~e par elle au sein d 'un continuum c~ltu~el_. Ce~endant, 11 _sera1t tout aussi faux de penser que la notion 1deolog1que de tnbu . de race ou d' ethnie n'avait aucune espece de correspon-dance dans les langues africaines. En bambara-malinke, ~ar exemple, il existe une notion, celle de shiya, q~i correspond b1en a celle de race, d'ethnie, voire de clan ou de hgnage. Dans cette langue et dans cette societe, on trouve en effet comme dans la n6tre des notions ideologiques qui permettent le regroupement d'un certain nombre d'agents sous la fiction d'une apparte~ance ou d'une descendance commune 24 Le cas des Peul r_nan_m~aphones du Wasolon au Mali est de ce point de vue tres reve!a-teur puisque ces populations, dont !'analyse la plus ~ommaire revele des origines tres diverses, pretendent en certames occa-sions descendre des quatre fils d'une meme femme [Amselle et al., 1979 c, 426, n 96]. . ' . ' .

    Dans cette perspective, la mise a la question ep1stemolo.g~que. de la notion d' ethnie )) incite a reexaminer .de ~a~on cnt~que des pans entiers de l'anthropolo~ie, et en ~art1cu}1er les notions de clan et de lignage qui comme I ont b1en vu P. Mer-cier [1961] et G. Nicolas [1973} sont en continuite directe avec celles d' ethnie ou de race 25

    24. Voir egalement Jes not ions de kabila et de bonson it. 25. ~ Le cas des "lignages" et des "clans" est pourtant_assez semblable_ a celu1

    de J"'ethnie". Mais on a eu tendance a voir dans ces notions des expres~ 1ons d_e realites sociales invariables. Pou rt ant ces concepts et surtout les c~n~c ruct!ons fa1-tes a partir de ces concepts sont des i_deologies. Comme toutes Jes 1deolog1es: celle qui se fonde sur le lignage segmentaire ou sur le clan ne _correspo_nd pas ~ I org~nisation sociale vecue, mais elle l'a influencee. Elle expr1me plu1ot ce qui devra1t etre et nonce qui est.,. (J. VANSINA, 1980, 135.)

    35

  • Tou:e.s ces n?tio~s ~u'utilise souvent l'anthropologie de fa~on non crn1que, c est-a-d~re en redoublant l'ideologie de Ia societe dont el.Ies sont extra1tes, ne sont en fait que des formes syrnb?l!ques permettant la reunion de certains effectifs humams sous la banniere d'une communaute imaginaire de sang ou de race, et cela notamment dans le cadre d 'Eta ts 26

    Soit le paradigme b~nmanan fin (bambara . noir) - fula (peul) -.

  • lieux ou des situations sociales : s'attacher a un de ces sens n'est pa~ condamnable.; ce .qui l'est, c'est d'affirmer que ce sens est um9ue ou, ce.qu1.rev1ent au meme, que la serie de sens qu'a revetue la categone est achevee 33.

    Les espaces coloniaux

    Dans cert~i~s cas, .comme nous l'avons vu, I' ethnie est done une creation precoloniale, en ce sens qu'elle est un mode de regroupe~ent ide?lo?i9ue d'un certain nombre d'agents et cela en parfane contmmte avec Jes unites sociales plus petites que sont les ~< clans et les lignages 34. Lorsque les uis-~ances e~ropeennes .s'emparent de I' Afrique, on assiste pa~fois a une simple reprise de certains ethnonymes qui sont employes .dans le meme contexte ou dans des contextes diff e-ren.ts. Mais, dans d'autres cas, on remarque l'affectation d'un le.xeme nouveau, et sans reference a une unite sociale precolo-m,al~ . a ~n espace circonscrit par !'administration coloniale L ut~hs~t~on .recurrente de taxinomies ethniques marque bien l~ con~mu1te ex1st~nt entre la politique de I'Etat precolonial et celle de l Etat colonial. Dans les deux cas, un meme projet preside au pro~e~sus de territoriaHsation : regrouper des populations et les ~designer par des categories communes afin de mieux les controler.

    ~e phenomene maj.eur de la colonisation est ainsi l'instau-ra.t1on de nouv~a~x decoupages territoriaux ( cercles dis-tricts ~ terr.itoires ), c'est-a-dire le fractionneme~t 35 de cette eco~om1e-mon?e que constituait l'Afrique precoloniale en une mynade de petits espaces sociaux que I'on va bientot eri-ger en autant de races, de tribus et d' ethnies 36 ~lor~ q~'ava~t l~ .colonisation, ces differents espaces etaien~ imbnques a l mt:neur de chalnes de societes , on va assis-

    t~r avec la conquete a une entreprise de desarticulation des rela-t10ns entre les societes locales.

    38

    Ce phenomene prendra essentiellement trois formes : la crea-tion ex nihilo d' ethnies com me dans le cas des Bete de Cote-d'Ivoire, la transposition sern:antique d'ethnonymes uti-lises avant la colonisation a des contextes nouveaux ( Bam-bara , Dioula ) ou la transformation d'unites politiques ou de toponymes precoloniaux en ethnies ( Mandenka - Malinke ; Gurma - Gourmantche ). Ce sont ces nouveaux decoupages territoriaux qui seront, dans un premier temps, repris a leur compte par les ethnologues qui traiteront des Dagon , des Senoufo comme autant de sujets ethniques [Dozon, 198 l, 2-5), alors que ces populations etaient divisees en unites de bien plus petite taille (aires matrimoniales, localisations lignageres, tribus, federations de villages, groupe-ments territoriaux de societes secretes, etc.) ou bien etaient englobees, du fait de leur dependance envers des Etats ou des reseaux marchands internationaux, dans des entites beaucoup plus vastes, ou bien encore - ce qui semble etre le cas le plus frequent - combinaient ces deux caracteristiques.

    Dans un deuxieme temps, ces ethnonymes et ces eth-nies crees par le colonisateur seront revendiques par les agents qui en feront un instrument ideologique de determination sociale. Appelees a se situer par rapport a des espaces nouveaux, c'est-a-dire essentiellement par rapport a un espace etatique colonial et postcolonial, les differentes regions revendiqueront comme autant de sign es distincti f s les ethnonymes inven-tes ou transposes par !'administration coloniale.

    La volonte d'affirmation ethnique apparaltra ainsi comme un moyen de resistance a la pression des regions concurrentes et la lutte au sein de l'appareil d'Etat prendra la forme du tri-balisme. Ce phenomene sera d'autant plus patent que la colo-nisation aura accru les migrations vers les villes et que des ori-ginaires d'une meme region seront amenes a se regrouper en milieu urbain en dehors des cadres lignagers et villageois 37

    Le tribalisme moderne

    S'il est un point sur lequel la majorite des anthropolo-gues s'accorde, c'est bien sur celui du pretendu tribalisme actuel en Afrique. P. Mercier [1961], M. Gluckman [1960],

    37. On 1rouve un bon exemple de ce proccssus dans DozoN, op. cir.

    39

  • I. Wallerstein [1960], J. Lombard [1969] et R. Sklar [1981) montrent tous de fa~on convaincante que le tribalisme dont on peut s'abreuver a satiete dans Jes medias lorsqu'ils traitent de l.' Afrique (Za'ire, Tchad, Ethiopie, Nigeria, etc.) est toujours

    I~ s1gne d:autre c~ose, le masque de conf1its d'ordre social, poli-~1que et e~on,om1q~e . Cette analyse est une de celles qui sont a mettre a I acqu1s de l'anthropologie et on souhaiterait la voir repr.ise ~t diffusee dans l'enseignement et les moyens de commurncat1on de masse. Pas un anthropoJogue digne de ce nom n'os~rait analyser aujourd'hui, en Afrique ou ailleurs, quelque revolte, quelque greve ou quelque mouvement social que .ce soit en, t.ermes tribalistes . 11 faut, par consequent, souhgner le mente des ethnologues sur ce point car ii Ieur aurait e,te fa.cile, au cont~aire, de mettre !'accent sur I'etrangete et I exot1sme de certames coutumes barbares et cela en parfaite continuite avec Jes tendances profondes de l'ideologie domi-nante.

    Mais ii est une autre raison pour laquelle }'analyse de ces anthropologues nous est precieuse, c'est celle qui a trait a la tentation tribaliste permanente des Etats africains contem-porains. Ainsi que nous avons pu I' observer a la suite de nom-breux autres chercheurs, le discours du pouvoir lorsqu'il a, a af~ronter ~ne revolte paysanne par exemple [Amselle, 1978] S e~pnme toUJOUrS dans Un langage tribaliste OU regio-naliste . Cette projection de l'Etat neo-colonial sur des mou-vements qui se dressent contre Jui est l'indice d'une faiblesse et d'une absence de contr61e de larges fractions de la population.

    Definir un mouvement social, quelconque, comme triba-liste OU regionaliste , c'est tenter de le disqualifier en lui deniant toute legitimite, laquelle pour les appareils d'Etat afri-cains actuels ne saurait s'exprimer que dans un vocabulaire moderniste. Pourtant, ii est aise de constater que l'Etat est bien souvent le responsable de la forme que prennent !es revoltes pay-

    san~es_ ~u ~ es, greves. Ainsi, le pouvoir socialiste au Mali, apres avo1r elimrne peu de temps apres l'independance un syndicat qui regroup~it un tres grand nombre de paysans 38, a quasi-ment contramt tout es Jes revendications populaires a prendre pour cadre ideologique les anciennes cheff eries debarras-sees de leur contenu hierarchique. Et c'est ainsi que si !'on peut

    . 38_. er. D. NARBEBURU, Syndicalisme agrico(e et cooperatisme hortico(e au Mali d1plome d~ !'Ecole des haute~ etudes en sciences sociales, Paris, 1980. '

    40

    reperer une tongue duree des representations du po~v?ir .e~ Afrique, c'est que celle-ci s'inscrit dans un cadre qui a ete deh-mite par les appareils d'Etat actuels. ,

    Le tribalisme moderne apparalt done comme un systeme d'elements signifiants qui est manipule aussi bien par l~s domi-nants que par les domines a l'interieur d'un esp~c~ ~~t1onal ?u international ; ii est egalement un mo yen de def m1t1on s?~1al et un systeme de classement qui donne a chacun sa pos1t1on a l'interieur d'une structure politique determinee.

    A ce titre et contrairement a beaucoup d'affirmations qui mettent l'ac~ent sur la periodisation de l'histoire de l' Afrique, il semble qu'il n'existe pas de coupure radicale entre le tri-balisme moderne et son homologue ancien.

    Le mouvement de franchissement des barrieres ethniques [Barth, 1969; Lovejoy et Baier, 1975]'. ?e I?igratio~s vers les villes (la detribalisation 39 ) et d'ut1hsat1on _de reseaux ?e natifs comme mode d'organisation econom1que et social ( retribalisation 40 ou supertriba~isat~on 41 ,).a debute bien avant la colonisation comme en temo1gne l existence des cites precoloniales et des reseaux marchands internationaux, jula et hausa notamment.

    C'est ce meme mouvement qui se poursuit aujourd'hui vers les villes et vers les plantations et qui aboutit a regrouper hors des collectifs ruraux et villageois uncertain nombre d'originai-res. Ainsi, plutot qu'un indice de modernite, 1' et.hnici~e pourrait done apparaltre avant tout comme un prodmt de 1 ur-banisation de !'edification etatique et du commerce au sens le plus large' de ce terme, et cela quelle que soit la periode consideree.

    Si l'on accepte ce ~oint de .vue_, il est aise, de co~s.t~ter qu_e rien ne distingue en fart le tnbalisme ou 1 ethmc1te a~ncains de la renaissance du regionalisme a laquelle on ass1ste en Europe. Dans les deux cas, ces mouve~ents de retou~ a~~ sources, d' authenticite s'enracinent b1en dans la reahte

    39. er. A. RICHARDS (1939). G. WILSON (1942].et la critique de cette approche par M. GLUCK:v!AN, in W. WATSON, op. cit., X-XVI, ainsi que notre. an.alyse [AMSELLE ed., 1976, 30-32). On retrouve certe angoisse de la detrib~ilsauon dans un tout autre contexte, celui de I' ethnocide (R. JAULI N, la Pa1x blanche, Paris, Le Seuil, 1970).

    40. Sur !'utilisation de cette notion, voir A. COHEN, op. cit. , 2, et la critique de p. LOVEJOY (1980 b, 45).

    41. er. J . ROUCH, op. cit.

    41

  • urbaine, ils sont une projection citadine sur une realite rurale et passee purement imaginaire. C'est bien I'eloignement social et geographique qui, aussi bien en Europe qu'en Afrique, per-met de donner purete et homogeneite a un milieu heterogene et hierarchise.

    Conclusion : l'Etat, la cite, les echanges

    Tout au long de ce texte, nous n'avons pu eviter une certaine ambiguire, celle de l'utilisarion de notions telles que clans

  • fonction de l'epoque, du lieu et de la situation sociale retenus. Au lieu de partir d'ethnonymes donnes, de notions vides qu'il s.'agit ensuite de remplir avec des structures economiques, poli-tiques et religieuses, il serait preferable de montrer comment un terme situe dans le temps et dans l'espace acquiert progressi-vement une multiplicite de sens, en somme d'etablir la genese ideate des symboles.

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