24
UN APERÇU DE LA RECHERCHE À L’OCCASION DE L’ANNÉE MATHÉMATIQUE MONDIALE AN 2000 MATHÉMATIQUES

AN - Accueil

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: AN - Accueil

UN APERÇU DE LA RECHERCHEÀ L’OCCASION DE L’ANNÉE MATHÉMATIQUE MONDIALE

AN 2000MATHÉMATIQUES

Page 2: AN - Accueil

L’ISM est un consortium de six univer-sités québécoises (Concordia, Laval,McGill, Université de Montréal,UQAM et Université de Sherbrooke)qui regroupe environ 125 professeurset 350 étudiants. Il coordonne ungrand ensemble de ressources, aussibien matérielles qu’intellectuelles, pouratteindre la masse critique qui fait deMontréal et du Québec un pôle nord-américain majeur de formation et derecherche en sciences mathématiques.

L’ISM est financé directement par leministère de l’Éducation du Québec etpar les six universités membres, à quois’ajoutent les subventions de recherchedu CRSNG et du FCAR des profes-seurs participants.

Les activités de l’ISM comprennent unprogramme de bourses d’excellencepour les étudiants des cycles supérieurset de bourses postdoctorales, la coordi-nation des cours de maîtrise et dedoctorat et celle d’une dizaine de sémi-naires de recherche hebdomadaires.L’ISM anime un séminaire hebdoma-daire destiné aux étudiants, et organisechaque année le colloque pan-québé-cois des étudiants des cycles supérieursqui attire un grand nombre d’étudiantshors Québec.

En 1998, un projet conjoint « Liaisoncégeps-universités » a été mis sur piedpar l’ISM et l’AMQ pour favoriser lerapprochement entre les chercheursuniversitaires et les professeurs des

collèges. Depuis ce temps, une trentai-ne de conférences ont eu lieu dans lescégeps. En octobre 1999, au congrès del’AMQ, vingt chercheurs ont fait lepoint sur les mathématiques du XXe

siècle dans leur domaine, à l’intentiond’un large public.

WEB

http://www.math.uqam.ca/ISM/

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 2

L’Institut des sciences mathématiques

Page 3: AN - Accueil

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 3

4 Présentation

6 Les mathématiques en Occident, de l’an mil à l’an 2000

10 Taureaux, Internet et quanta : l’arithmétique des très grands nombres

12 Mathématiques et physique: dualités et résonance

14 La complexité apprivoisée : une incursion des mathé-matiques dans les logicielsde l’informatique

18 À l’assaut de l’aléatoire : les prévisions en probabilités et statistique

20 Mathématiques et société

L’AMQ vise à regrouper toutes les personnes intéres-sées par les mathématiques: professeurs de tous lesordres d’enseignement, chercheurs en mathématiquesfondamentales ou appliquées, didacticiens, mathé-maticiens dans l’entreprise ou citoyens amateurs demathématiques.

Depuis sa fondation, l’AMQ s’est intéressée de près àl’enseignement des mathématiques. Elle a produitdivers rapports à l’intention du ministère de l’Édu-cation et d’autres organismes publics, de 1971 à nosjours.

Quatre fois par année paraît le Bulletin AMQ, larevue de l’association. Le Groupe des chercheurs ensciences mathématiques, un groupe d’intérêt del’AMQ, publie les Annales des sciences mathé-matiques du Québec, une revue de recherche àl’intention de la communauté mathématique inter-nationale et la Gazette des sciences mathématiquesdu Québec, un organe de liaison du groupe.

En partenariat avec l’Université de Montréal etl’Université du Québec à Montréal, l’AMQ organisechaque année des concours mathématiques pour lesecondaire et le collégial. Les élèves les mieux classés à ces concours sont invités aux camps mathématiquesde l’AMQ. En 2000, le camp secondaire aura lieu au Collège Jean-de-Brébeuf et le camp collégial àl’Université du Québec à Trois-Rivières.

WEB

http://www.Mlink.NET/~amq/AMQ/

L’Association

mathématique

du Québec (AMQ)

PRODUIT PAR

l’Institut des sciences mathématiques

et l’Association mathématique du

Québec.

COUVERTURE : Alain Mongeau

DESSINS : Tadashi Tokieda

DIRECTION ARTISTIQUE :

· Zack Taylor

· Martine Maksud Graphisme

Mai 2000

Table des matières

Page 4: AN - Accueil

À l’occasion de l’Année mathémati-que mondiale, l’Institut des scien-ces mathématiques (ISM) et l’Asso-ciation mathématique du Québec(AMQ) vous offrent ce document.Il réunit six articles rédigés par huit ma-thématiciens québécois qui vous propo-sent un panorama éclair de la rechercheactuelle en mathématiques, telle qu’elles’insère dans les sciences, les techniqueset la société. À notre connaissance, c’estla première fois qu’un tel document estréalisé au Québec. Nous avons tenu à

éviter toute formule, tout jargon qui re-buterait un lecteur non spécialiste, sanspour autant nous soustraire au défi deprésenter en quelques pages un aperçude quelques-uns des grands courants desmathématiques du XXe siècle. Aprèstout, les mathématiques, nées dans laGrèce antique en même temps quel’idée même de science, sont un élémentde la culture universelle, et c’est à ce ti-tre que nous l’abordons ici.

Que sont les mathématiques ? Ellessont avant tout une science qui a,comme toutes les sciences, ses objetsd’étude, ses méthodes, ses pratiques.Dire que les mathématiques sont unescience n’est pas une évidence pour toutle monde. Un grand nombre de physi-ciens, de chimistes ou de biologistes ontle réflexe de réserver l’usage du mot

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 4

Mathématiques

An 2000

PRÉSENTATION

Page 5: AN - Accueil

« science » aux sciences expérimentaleset plus précisément aux seules sciencesde la nature. Pour eux comme pour biendes gens, les mathématiques constituentune discipline de l’esprit, un langage ouune donnée de notre entendement, maissûrement pas un terrain d’expériences et d’investigation. Or la vigueur et la fécondité des mathématiques du XXe

siècle semblent montrer au contraireque ses objets s’imposent à nous avec la même permanence, la même consis-tance et le même « trouble » que ceux dela physique ou de la chimie. L’émotionsuscitée par les dernières découvertes enmathématiques et l’enjeu qu’elles repré-sentent pour l’avenir de notre sociétémontrent combien nous sommes loind’une conception circulaire ou achevéedes mathématiques.

Depuis plus de 2500 ans, l’humani-té s’intéresse aux phénomènes discrets

— les relations de parenté, par exemple,ou les opérations de calcul qui entrentdans la comptabilité — et aux phéno-mènes continus — comme le mouve-ment des planètes ou des marées. Afinde les étudier, les mathématiciens ontinventé la notion de nombres entierspour compter, la notion de nombres ré-els pour mesurer, les notions d’espace etde structures abstraites pour représenter

et ils ont forgé un langage pour en par-ler, puisque la langue usuelle ne permetpas d’enchaîner de longues suites de rai-sonnements sans confusion. Mais ce quicaractérise la science mathématique, cesont avant tout ses objets d’étude. Onpeut les diviser grossièrement en troisgrandes catégories: l’algèbre, la géomé-trie et l’analyse. Elles correspondent res-pectivement à l’étude des structures, del’espace et du temps. L’algèbre est l’étu-de des opérations sur des objets structu-rés et individualisés, dont l’arithmétiquedes nombres entiers est le prototype; lagéométrie est l’étude des formes des ob-jets continus, dont la géométrie des sur-faces courbes de l’espace est le prototy-pe; enfin, l’analyse est l’étude des pro-priétés de régularité et de convergencedes processus continus au cours dutemps, dont on trouve le prototype dansles phénomènes ondulatoires simples. Àvrai dire, au XXe siècle, toutes les théo-ries importantes ont fait appel à la fois àl’analyse, à l’algèbre et à la géométrie.

Comme les autres sciences, lesmathématiques ont connu au cours dudernier siècle une croissance exponen-tielle, le volume de productions mathé-matiques doublant tous les 10 ansdepuis 50 ans. Il est remarquable quedans la population de tous les mathé-maticiens créateurs depuis plus de deuxmillénaires, il y ait plus de vivants quede morts! Le XXe siècle a vu la créationde nouveaux domaines des mathémati-ques: la topologie, la statistique, larecherche opérationnelle et l’informati-

que. Ces nouvelles sciences sont appa-rues dans la meilleure tradition desdéveloppements des mathématiques quitrouvent presque toujours leur sourcedans les besoins (plus ou moins) prati-ques issus d’autres sciences ou de la viesociale et économique.

Il est en effet tout naturel que lesmathématiques soient à l’écoute des au-tres sciences. Les mathématiques se sont

d’ailleurs introduites dans bien desdomaines hors des « sciences dures », aupoint que plusieurs ont pu y voirl’expression d’un certain « impéria-lisme ». Au congrès de l’Acfas tenu àl’UQAM en 1994, on a vu, par exem-ple, le mathématicien et philosopheaméricain Gian-Carlo Rota parler de« l’influence néfaste des mathématiquessur la philosophie ». Toute théorie a seslimites. Sont-elles inopérantes dans dessituations complexes provenant de labiologie ou des comportements sociaux ?Tenter de répondre à cette questionconstitue une puissante motivationpour l’invention d’outils conceptuelsnouveaux, de théories nouvelles. Il n’estpas interdit de rêver que la biologie etles sciences humaines trouvent leur« Newton » au XXIe siècle!

Nous sommes reconnaissants àl’Acfas pour la supervision de la distri-bution de ce texte et à la Société mathé-matique du Canada pour son soutienfinancier. Nous tenons enfin à remercierAlexandra Haedrich de l’ISM à la foispour son travail de coordination dans laproduction du document et pour sacontribution à la révision en profondeurdes textes.

Bernard Courteauprésident de l’Association mathématique du Québec (AMQ)

et François Lalondedirecteur de l’Institut des sciencesmathématiques (ISM)

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 5

Que sont les mathématiques ? Elles sont avant toutune science qui a, comme toutes les sciences, ses

objets d’étude, ses méthodes, ses pratiques.

Page 6: AN - Accueil

LOUIS CHARBONNEAU

ET JACQUES LEFEBVRE

Le millénaire qui se termine a vu lamontée puis la prépondérance del’Occident, où s’est développée unecivilisation qui aujourd’hui dominele monde, du fait de sa puissancepolitique et militaire, mais surtoutgrâce à son habileté à infléchir lesforces de la nature au profit del’humain. Les mathématiques ont jouéun rôle important dans cette quête pourapprivoiser la nature. Complètementmarginales en Occident il y a mille ans,elles sont maintenant omniprésentes etinterviennent pour ainsi dire danstoutes nos activités.

En l’an mil, l’Occident chrétien secherche encore. Les villes ne sont plusque le souvenir de ce qu’elles ont été audébut du premier millénaire. Les routessont dangereuses, l’arbitraire et la forcerègnent un peu partout. Le savoir estconcentré dans quelques monastères,dont un des rôles consiste à sauvegarderune partie de l’héritage du mondeantique. Toutefois, ailleurs à la mêmeépoque, de grandes civilisations prospè-rent. Le monde arabe est à son zénith.Ses bateaux sillonnent la Méditerranée,ses caravanes partent vers les Indes et laChine raffinée des Song (960-1279). ÀBagdad comme à Cordoue, probable-ment la plus grande ville du mondealors, l’activité intellectuelle se nourritde l’héritage grec, babylonien et indien.

Aux yeux des Arabes, les Européens fontfigure de barbares.

Peu à peu, au cours du millénaire,cette situation évolue. Les Croisades(1095-1291) ouvrent l’Europe au restedu monde et lancent un mouvement in-tellectuel profond qui s’incarne dans lacréation des universités, principalementaux XIIIe et XIVe siècles. L’Europe, plusau fait des connaissances antiques, com-mence à développer une personnalitépropre. La Renaissance, les guerres dereligion au XVIe siècle, les guerresnationales à partir du XVIIe siècle, puisla révolution scientifique du XVIIe

siècle et l’expansion de la colonisation,ainsi que la révolution industrielle (findu XVIIIe et XIXe siècle) marquent laseconde moitié du millénaire.

Signalons quatre moments marquantsde l’histoire des mathématiques aucours de ce millénaire. D’abord, autournant du XVIIe siècle, il y a la miseau point de l’algèbre symbolique, puisl’invention du calcul différentiel et inté-gral à la fin du même siècle. Au XIXe

siècle, les probabilités et les statistiquesprennent un formidable essor. Le XXe

siècle, lui, verra naître l’informatique.La place prise par les mathématiques

et les sciences dans la civilisation occi-dentale fait de celle-ci un cas uniquedans l’histoire de l’humanité. Pour enarriver là, l’Occident est passé par unlent mais profond bouleversement de lavision que les humains ont des relations

entre le monde réel et l’activité intellec-tuelle. La période de 1250 à 1350, pos-térieure aux Croisades, semble unepériode critique1. À cette époque, lemouvement d’urbanisation amène laconstruction des grandes cathédralesgothiques. Les horloges mécaniquescommencent à cadencer la vie urbaine, àpartir des années 1270. La poudre àcanon, en provenance de l’Orient,change la donne des stratèges et desconstructeurs de fortifications. La bous-sole fait aussi son entrée en Occident.Elle suscite le développement de cartes,

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 6

Les mathématiques

en Occident, de l’an

mil à l’an 2000

L’astronome, Johannes Vermeer, Musée du Louvre

1. Les considérations des deux prochains paragraphes s’inspirent de CROSBY, A.W.,The Measure of Reality, Quantification andWestern Society, 1250-1600, Cambridge,Cambridge University Press, 1997.

Page 7: AN - Accueil

dites Portolani, avec lesquelles les navi-gateurs peuvent, pour les mers intérieu-res, déterminer leur route en traçant desdroites sur la carte correspondant à ladirection que doit prendre leur bateaupour atteindre un port donné. La per-spective, encore intuitive chez le peintreet architecte italien Giotto, modifie peuà peu les modes de représentations bidi-mensionnelles de l’espace. La musiquepolyphonique se codifie et est transmisepar une écriture musicale de plus enplus précise et efficace. Enfin, le déve-loppement du commerce, à l’intérieurde l’Europe comme vers d’autres conti-nents, provoque un changement radicalde la comptabilité des entreprises com-merciales, qui adoptent les règles de lacomptabilité à double entrée, comptabi-lité dans laquelle sont mises en regardles entrées du passif et de l’actif, avec, ré-

gulièrement, une opération de « balan-cement » permettant de saisir l’état.

Tous ces événements ont en com-mun l’émergence de représentationsnouvelles, qui concentrent l’informa-tion. D’un seul regard, en silence, onpeut maintenant saisir la structure d’unepièce musicale, la trajectoire à suivrepour atteindre un port donné, l’étatfinancier d’une entreprise. Ces représen-tations posent de nombreux défis et denouvelles problématiques s’élaborentpeu à peu. Par exemple, les composi-teurs de polyphonies développent despièces musicales très complexes quiprennent leur sens principalement parles relations entre les éléments d’écrituremusicale mis en présence. L’expert enmusique devient alors celui qui pousseles possibilités au bout de ce que permetla représentation de la musique. Pensons

à la fugue, encore à venir, dont la beau-té ne réside pas seulement sur le planauditif, puisqu’elle peut être perçue aus-si à l’examen, même sommaire, de lapartition.

Ces types de représentations, qui au-jourd’hui nous semblent si naturelles etsi élémentaires, reposent en bonne par-tie, phénomène alors nouveau, sur desmanipulations d’unités de mesure. Me-sure du temps (par exemple, les heuresde durée uniforme, quel que soit le jouret à n’importe quel moment du jour, ouencore, la notion d’un temps en musi-que). Mesure de l’espace (nouvelles uni-tés de mesure de distance qui n’impli-quent plus la durée du trajet). Mesurede la richesse (la monnaie et une comp-tabilité qui permet de saisir la santéfinancière d’une entreprise). Le nombredevient un outil commun, non seule-ment au dénombrement d’objets, maisaussi au traitement de choses aussiévanescentes que le temps et l’espace.Ainsi se développe l’impression que laquantification peut s’étendre à plusieursdomaines et qu’elle est porteuse de révé-lations nouvelles.

Le commerce s’accentue, les mar-chands s’enrichissent et envoient leursfils dans des écoles qui bourgeonnent iciet là dans les villes d’Italie. L’expert enarithmétique chez les marchands est ce-lui qui résout des problèmes présentantdes difficultés en regard des modes dereprésentation. Les très nombreusesrègles de résolution, que devait connaî-tre un tel expert auparavant, sontsynthétisées en quelques méthodes demanipulation d’inconnues. La nouvelleproblématique commence alors às’exprimer en termes symboliques. C’estlà que naît notre algèbre. La représenta-tion symbolique des problèmes s’accen-tue à mesure qu’on avance dans le XVIe

siècle. Ces avancées, majeures sur le planmathématique, servent encore rarementà résoudre des problèmes réels. Mais parrapport aux mathématiques grecques,développées dans un contexte intellec-tuel essentiellement platonicien, l’algè-bre prend racine dans un domaine terreà terre, le commerce.

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 7

Page 8: AN - Accueil

Mais cette algèbre, tout comme lagéométrie euclidienne, étudie des objetsidéaux, statiques, dans lesquels la notionde temps n’intervient pas. En établissantun pont entre algèbre et géométrie, lagéométrie analytique, nouveau mode dereprésentation, accentue considérable-ment la place du temps en mathémati-ques, avec ses courbes perçues comme la

trace d’un point en mouvement. Cesavancées tombent... à point nommé ! Àla Renaissance, puis au XVIIe siècle,dans un contexte où l’espace astronomi-que devient infini et isotrope, où les ex-plorateurs sillonnent les océans, où l’onaimerait pouvoir prévoir le lieu de chu-te des boulets de canons, la nécessité dese représenter adéquatement le mouve-

ment et de le quantifier débouche surl’invention du calcul différentiel et inté-gral. Le rapport de ce nouveau mode decalcul avec les problèmes concrets à lasource de son développement est étroit.Certes, des problèmes non réalistes,mais intellectuellement intéressants,sont proposés par nombre de mathéma-ticiens, mais pour d’autres, comme

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 8

Page 9: AN - Accueil

Newton, la motivationprend directement sa sour-ce dans la physique, la mé-canique, et s’ancre doncplus intimement dans leconcret que l’algèbre ne lefit à son origine.

La naissance d’unethéorie un tant soit peusubstantielle des probabili-tés a lieu vers 1660. Maiscelles-ci ne portent alors, etpour assez longtemps, quesur des jeux de hasard (car-tes, dés...) aisément mathé-matisables. Les statistiques,elles, consistent surtout endes collections de données,par exemple les naissanceset décès annuels à Londres.On essaie bien, au XVIIIe

siècle, d’appliquer les pro-babilités à des phénomènessociaux comme les modesde scrutin, ou de recueillir,pour l’État, des informa-tions sur de plus en plus dephénomènes. Mais ce n’estqu’aux XIXe et XXe sièclesque probabilités et statisti-ques se développent vrai-ment et, en partie, s’unis-sent.

La constatation qu’uneréalité comme la positiond’une planète ou d’uneétoile puisse donner lieu àdes mesures différentesd’une observation à uneautre est l’occasion de l’éla-boration, vers 1800, de la

loi des erreurs. Cette loi détermine laforme limite commune à de nombreuxphénomènes numériques aléatoires:c’est la distribution dite normale, ou deGauss, ou de Laplace, ou... Cette loi estprogressivement généralisée et est main-tenant connue sous le nom de « théorè-me central limite » : la somme d’ungrand nombre de variables aléatoires

Le prêteur et sa femme, QuentinMetsys, Musée du Louvre

tend vers la normale, sous des condi-tions assez larges. On essaie de l’appli-quer aux taux de criminalité, aux juge-ments en matière criminelle ou civile,etc. L’essentiel des idées relatives à l’esti-mation de paramètres et aux tests d’hy-pothèses est déjà présent. Une autre ap-proche pour développer une physiquesociale recourt plus à des statistiquesdescriptives (tableaux, graphiques,moyennes, etc.) qu’à un traitement pro-babiliste serré. Ces représentations sta-tistiques sont peu à peu normalisées àpartir de 1850, grâce à des congrès tenusen Europe. Plusieurs en viennent deplus à considérer l’étude des variationset, en particulier, des cas extrêmes (can-cres, surdoués) comme aussi, sinon plus,importante que la convergence vers lamoyenne. Ces divers traitements numé-riques de phénomènes humains ou so-ciaux rencontrent, bien sûr, de solidesrésistances, souvent d’ordre idéologique:que veut-on dire par homme moyen ?Comment concilier la liberté indivi-duelle et ce déterminisme social desgrands nombres ? Sur le plan technique,l’abondance des données à traiter favori-se, puis impose, le développement depuissantes machines à compter et à cal-culer. De l’arithmomètre de Thomas en1823 jusqu’à la machine mécanographi-que (à cartes perforées) de Hollerith en1889, le terrain se prépare pour l’arrivéede l’ordinateur au milieu du XXe siècle.

À partir de 1900 environ, un lienplus étroit s’établit entre la collecte et lareprésentation des données empiriques,et un traitement probabiliste rigoureux:la statistique mathématique est née.Parmi les méthodes nouvelles, on voitapparaître l’analyse de la variance, lesschémas expérimentaux et le bon usagede petits échantillons. Les applicationsstatistiques se multiplient et se raffinentdans les sciences sociales (démographie,criminologie), en économie, en méde-cine... Les sciences physiques ne restentpas à l’écart des approches probabilistesou statistiques, comme le montrent, parexemple, le développement de la théoriestatistique de la cinétique des gaz pen-dant la seconde moitié du XIXe siècle,

puis celui de la mécanique quantique auXXe siècle.

Épistémologiquement, le détermi-nisme causal strict a ainsi, depuis troissiècles, cédé beaucoup de place aux cor-rélations statistiques et aux modèlesprobabilistes.

Mathématiques, sciences et sociétéont, au cours du millénaire, multipliéles liens qui aujourd’hui, en Occidentcomme ailleurs, les unissent étroite-ment, parfois de façon presque invisible.Sans les divers modes de représentationinventés au Moyen Âge et à la Renais-sance, il n’y aurait sans doute pas eu desymbolisme algébrique. Or sans algèbre,pas de géométrie analytique, donc pasde calcul différentiel et intégral, donc...pas de mathématiques telles que nousles connaissons. Mais aussi pas de scien-ces telles qu’elles se font aujourd’hui nileurs effets, techniques et autres, sur lasociété. s

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 9

POUR EN SAVOIR PLUSCROSBY, A. W., The Measure of

Reality, Quantification and WesternSociety, 1250-1600, Cambridge,Cambridge University Press, 1997,xii-245 pages.

DAHAN-DALMEDICO, A., PEIFFER, J., Une histoire desmathématiques, Routes et dédales,coll. « Points-Sciences » , Paris,Éditions du Seuil, 1986 (1ère éd.1982), 314 pages.

DAVIS, P. J., HERSH, R., Descartes’Dream, The World According toMathematics, New York, HarcourtBrace Jovanovich, Publishers,1986, xviii-321 pages.

Éléments d’histoire des sciences, sous ladirection de Michel SERRES, coll.« IN EXTENSO » , Paris,Larousse, 1997.

KLINE, Morris, Mathematics inWestern Culture, New York, OxfordUniversity Press, 1961 (1ère éd.1953), 484 pages.

STIGLER, S. M., The History ofStatistics, The Measurement ofUncertainty before 1900, Cam-bridge (Mass.), London, The Bel-knap Press of Harvard UniversityPress, 1986, xvii-410 pages.

Page 10: AN - Accueil

HENRI DARMON

La physique et la cosmologie sontle domaine des nombres gigantes-ques — le diamètre approximatifde notre galaxie (5.6 × 1020 mètres),l’âge de l’univers selon la théorie duBig Bang (1010 années à peu près),ou le nombre d’atomes dans le sys-tème solaire (2 × 1057). À tel pointque l’expression « nombre astronomi-que » est passée dans le langage courantpour désigner ces quantités dont la tailledéfie l’imagination.

Science pure par excellence, l’arith-métique fait parfois intervenir des nom-bres auprès desquels les « milliards demilliards » chers au cosmologue CarlSagan feraient piètre figure. Le problè-me des taureaux d’Archimède, devinetterédigée sous forme d’épigramme, invitele lecteur à calculer le nombre de têtesdans le troupeau du dieu du soleil. Ap-pelons ce nombre x. Avec la notation al-gébrique — dont ne disposaient pas lescontemporains d’Archimède, mais quigagne en efficacité ce qu’elle perd enpoésie — le problème se ramène à ré-soudre l’équation:

x 2 – 410 286 423 278 424 · y 2 = 1

pour des valeurs entières positives desinconnues x et y. Cette équation possè-de une infinité de solutions, mais c’estloin d’être évident: dans la plus petited’entre elles, x est un nombre de206 545 chiffres ! Le cheptel mons-trueux d’Archimède dépasse ainsi cequ’on pourrait rencontrer dans la cos-mologie la plus ambitieuse. Dans les

mots du mathématicien américain Am-thor, qui publia la solution du problèmed’Archimède au début du XXe siècle,« une sphère du diamètre de la Voie lac-tée, que la lumière prend dix mille ans àtraverser, ne contiendrait qu’une partieinfime de ce troupeau, à supposer mêmeque la taille de chaque animal nedépassât point celle de la plus minuscu-le bactérie » .

Les théoriciens des nombres se pas-sionnent aussi pour l’étude des nombrespremiers — nombres qui ne peuvents’écrire comme produits de nombresplus petits — et pour la factorisation degrands nombres en produits de nombrespremiers. Pierre de Fermat, juriste tou-lousain du XVIIe siècle et mathémati-cien amateur de grand talent, avança laconjecture — aussi ambitieuse que faus-se — que 22n

+ 1 est toujours un nom-bre premier. C’est le cas quand n estplus petit que 5, puisque 3, 5, 17, 257et 65 537 sont premiers, mais cela cessedéjà d’être vrai pour 225

+ 1, comme ledémontra Euler en 1732: 225

+ 1 =4 294 967 297 = 641 × 6 700 417.

Les nombres de Fermat croissentd’ailleurs très rapidement, et ce n’est

qu’en 1990 que le neuvième d’entreeux, 229

+ 1, un nombre de 154 chiffres,fut factorisé au terme d’un calcul auquelcontribuèrent plus de 700 ordinateurs àtravers le monde, travaillant en parallèleet sans arrêt pendant près de quatremois. Aujourd’hui encore, les algorith-mes les plus avancés arrivent difficile-ment à bout des nombres de plus de150 ou 200 chiffres, même avec les or-dinateurs les plus puissants.

Absorbés dans la contemplation denombres dont la taille dépasse de loin cequi peut se rencontrer en physique, lesarithméticiens ont-ils perdu tout con-tact avec le monde pratique ? Les con-sidérations esthétiques comptent certespour beaucoup dans leurs recherches.Mais l’expérience enseigne que les bellesmathématiques, d’où naissent des struc-tures à la fois riches et élégantes, ont tôtfait de trouver des applications à des finsplus utilitaires.

Le problème de la factorisation estainsi à la base d’un procédé de cryptageemployé couramment pour protéger lestransactions par Internet: le fameuxcryptosystème RSA à « clé publique ».C’est un entier N de plusieurs centainesde chiffres qui fournit la clé permettantde composer et de transmettre des mes-sages secrets. Mais pour décoder cesmessages, il faut détenir la factorisationde N. En effet, bien qu’il existe des mé-thodes pour déterminer si un nombrede quelques centaines de chiffres est pre-mier, il est par ailleurs énormément pluslong de trouver une factorisation d’ungrand entier N en produits de deuxnombres premiers. Si N possède deuxou trois centaines de chiffres, par exem-ple, une telle factorisation prendraitquelques siècles. Le processus de codagefournit donc peu de renseignements surle processus de décodage, et c’est pour-quoi le premier peut être rendu publicet accessible à tous, sans compromettrela sécurité du second.

Tout comme leurs collègues infor-maticiens ou cryptologues, les physi-ciens ont désormais de bonnes raisonspour ne plus confiner leur attention àdes nombres de la taille de la constante

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 1 0

Taureaux, Internet et quanta

L’ARITHMÉTIQUE DES TRÈS GRANDS NOMBRES

Page 11: AN - Accueil

d’Avogadro. En effet, la mécaniquequantique, théorie fondamentale quidécrit le comportement de la matière etdes particules élémentaires, et qui setrouve donc à mille lieues en apparencedu problème de la factorisation, vient dejeter sur ce problème une lumière sur-prenante. Le célèbre physicien améri-cain Richard Feynman a proposé deconstruire un ordinateur qui exploite-rait les propriétés des particules élémen-taires, telles que décrites par le modèlequantique, pour effectuer certains cal-culs avec une rapidité prodigieuse. Ré-ussite la plus spectaculaire de la nouvel-le science de l’informatique quantique,l’algorithme de Peter Shor permettrait lafactorisation — impossible dans la pra-tique par des méthodes classiques — denombres de plusieurs centaines de chif-fres, en admettant qu’un ordinateurquantique puisse un jour être construit,ce qui pour l’instant semble présenter

plus de barrières pratiques que théori-ques. L’ordinateur quantique ferait lebonheur des disciples de Fermat etd’Euler, et provoquerait une révolutionen informatique et en physique théori-que, tout en plongeant la cryptographiedans le désarroi en rendant obsolète lecryptosystème RSA. (On peut s’attendred’ailleurs à ce que ce désarroi ne soit quetemporaire, grâce aux cryptosystèmesquantiques dont le mathématicien qué-

bécois Gilles Brassard fut un des pion-niers.) Le développement de l’informa-tique quantique représente certes unbeau défi pour le nouveau millénaire.Gageons que les cryptologues, les infor-maticiens, les physiciens et les arithmé-ticiens sauront s’unir pour le relever ! s

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 1 1

Phot

odis

c

POUR EN SAVOIR PLUSBENNETT, C. H., BRASSARD, G. et EKERT, A. K., « Quantum cryptography » ,

Scientific American, octobre 1992, p. 50-57.

HELLMAN, Martin, Les mathématiques de la cryptographie à clef révelée, coll. « Les ma-thématiques aujourd’hui » . Éditions pour la science S.A.R.L., Paris, 1984, p. 119-128.

La Recherche, « L’Univers des nombres » , hors série no. 2, août 1999.

POMERANCE, Carl. La recherche des nombres premiers, coll. « Les mathématiquesaujourd’hui » . Éditions pour la science S.A.R.L., Paris, 1984, p. 85-96.

VARDI, Ilan, « Archimedes’ Cattle Problem » , American Math. Monthly, vol. 105, no.4, 1998, p. 305-319.

Des profondeurs des cavernes aux espacessidéraux, les jeux de la représentation fascinentl’humanité depuis toujours. Ici Taureau de Lascauxet la nébuleuse de la Tête de cheval.

Page 12: AN - Accueil

FRANÇOIS LALONDE

La relation qui s’est bâtie au coursdes siècles entre les mathématiqueset la physique est l’un des événe-ments les plus significatifs de l’his-toire des sciences. C’est cet ensemblequi s’est imposé comme modèle dessciences, jusqu’à devenir un paradigmede toute science, à tort ou à raison.

Cette relation a été et continued’être d’une fécondité inouïe. Elle estmutuellement profitable: elle apporte àla physique un cadre conceptuel qui suitune démarche a priori indépendante del’expérience, démarche dont les princi-pes sont de nature mathématique. Si,pour faire image, on envisage la physi-que comme le résultat du va-et-vient in-cessant entre théorie et expérience, lavaleur de la physique se mesure à la ri-chesse de chacun de ces pôles et à la vi-gueur de leur rapport. Or, ce qui sembleêtre la grande force de la physique, c’estque ces deux pôles reposent sur des ba-ses solides et pourtant très différentes:

l’expérimentation suit, depuis les pre-mières lunettes de Galilée, une traditionde génie technologique, alors que laphysique théorique suit, depuis les loisde Newton, un esprit qui est très prochedes mathématiques pures. La tensionentre ces pôles est complexe, elle faitintervenir aujourd’hui de plus en plusles mathématiques appliquées et l’infor-matique.

Du point de vue des mathématiques,cette relation est tout aussi féconde. Lesmathématiques constituent une sciencequi a ses objets, ses méthodes, ses grandsproblèmes, bref elles sont animées d’unevie et d’un dynamisme propres; or la re-lation avec la physique ouvre aux ma-thématiques des champs entiers juste-ment et précisément parce que « la réali-té dépasse la fiction » . C’est en étantforcée par le réel à envisager des théoriesa priori farfelues (relativité, mécaniquequantique, etc.) que la physique faitémerger de nouvelles mathématiques,qui apparaissent bientôt aux mathéma-ticiens comme des objets sensés, sou-

vent plus riches qu’on ne le pensait.Ainsi s’offrent aux mathématiciens desmondes nouveaux qui leur sont donnésavec des cartes provenant des explora-teurs physiciens, marquées des lieux quirecèlent les plus grandes richesses etd’indications plus ou moins précisespour y accéder. Si cela a tant d’intérêtpour nous, mathématiciens, c’est queces nouveaux mondes s’intègrent sou-vent parfaitement dans l’univers mathé-matique et fournissent quelquefois leschaînons manquants dans la résolutionde problèmes qui existent indépendam-ment de la physique.

Le paradigme de la relation mathé-matiques-physique: les équationsdifférentielles Jusqu’à la fin du XIXe

siècle, la relation entre mathématiqueset physique s’élabore autour d’un objetmathématique qui joue un rôlefondamental dans les deux disciplines:les équations différentielles. En gros, lesdeux tiers de l’activité des mathémati-ciens, du XVIIIe jusqu’au milieu du XXe

siècle, sont absorbés dans la résolutionde ces équations. En physique, les équa-tions différentielles occupent une placeprépondérante puisqu’elles expriment ladynamique des phénomènes physiquesd’une manière qui permet de faire desprédictions.

Les équations différentielles consti-tuent le grand travail de Newton, touteson œuvre peut être interprétée de cepoint de vue. Alors qu’est-ce que c’est,et pourquoi est-ce important ? La chosecapitale est qu’il n’y a pas en physiqued’action instantanée à distance. Autre-ment dit, tout ce qui se transmet dans lemonde d’un lieu à un autre — bref toutce qui bouge ! — doit se propager deproche en proche suivant des lois localesqui ne font intervenir que la variationd’une quantité et ce, en fonction de lavariation d’autres quantités au coursd’un instant aussi bref que l’on veut etdans un lieu aussi petit que l’on veut.

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 1 2

Deux surfaces dans un espace quadri-dimensionelreprésentant un système dynamique. On les voitici après projection dans l’espace usuel à troisdimensions. Image fournie gracieusement par leGeometry Center, University of Minnesota.

Mathématique

et physique: DUALITÉ ET RÉSONANCES

Page 13: AN - Accueil

En conséquence, pour comprendre cesphénomènes, il suffit de comprendre lesrelations entre ces variations infinitési-males (en jargon mathématique, ces va-riations sont des différentielles, d’où lenom d’équation différentielle pour dési-gner ces relations) et puis de compren-dre comment résoudre ces équations, cequi signifie trouver l’allure générale duphénomène considéré au cours dutemps et dans tout l’espace. Cette secon-de étape, celle de la résolution, est pure-ment mathématique, à condition biensûr de connaître la géométrie de l’espacedans lequel le phénomène a lieu.

Donc, se donner une équation diffé-rentielle, c’est se donner un phénomènedynamique qui se déploie dans unespace et dont on comprend générale-ment la nature localement. Il peut s’agirdu mouvement que suivront deux planè-tes ou plus qui se frôlent sans se toucher(en supposant connues leur positions,vitesses et masses au départ de l’action),ou du mouvement que suit une corde vi-brante dont les extrémités sont fixées, ouencore, de la façon dont se diffusera lachaleur à partir d’une source sur uneplaque métallique dont on connaît laconductivité, l’épaisseur, etc. Dans tousles cas, il faut d’abord caractériser lephénomène à l’aide d’une fonction: parexemple, dans le cas d’une corde vibrantdans un plan avec les bouts fixés àgauche et à droite de l’observateur, lafonction recherchée est la hauteur de la

corde, en chaque temps, au-dessus dechaque point d’une ligne horizontale fic-tive et fixe. L’étude du phénomène con-duit alors à lier entre elles les variationsinfinitésimales de la fonction au coursdu temps ou de l’espace. Toujours dansle cas de la corde vibrante, il se trouveque l’équation différentielle exprime quel’accélération verticale de chaque pointde la corde est proportionnelle au degréde concavité de la corde en ce point. Dupoint de vue du calcul différentiel, cecisignifie que la dérivée seconde de lafonction par rapport au temps doit êtreproportionnelle à la dérivée seconde decette même fonction par rapport cette

fois à l’espace. Voilà exactement ce quesont les équations différentielles: l’art dedéduire le phénomène général à partir deson comportement local.

Les équations différentielles consti-tuent ainsi l’essence de la prédiction: ré-soudre une telle équation, c’est pouvoirprédire pour n’importe quel temps futurtoutes les caractéristiques intéressantesd’un phénomène physique, par exemplela position et la vitesse d’une comète.Elles sont donc fondamentales en physi-que (d’ailleurs aussi bien en mécaniquequantique que classique), comme elles lesont en économie ou en biologie.

Mais elles sont également fonda-mentales en mathématiques pour desraisons moins évidentes. Il se trouve eneffet qu’il existe une magnifique relation,étroite et profonde, entre la forme géné-rale d’un espace (qu’on appelle souvent

sa topologie) et les solutions des équa-tions différentielles. C’est, par exemple,le cas de l’équation des ondes à la surfa-ce de l’eau, qui est l’analogue bidimen-sionnel de l’équation de la corde vibran-te. Un exemple simple de cette relationnous est donné en considérant unemembrane plane dont le contour a uneforme quelconque, qui n’est pas néces-sairement un cercle. Utilisant cette mem-brane comme tambour, les sons pro-duits refléteront les modes de vibrationde la membrane. Or ceux-ci sont les so-lutions d’équations différentielles quidépendent seulement de la géométrie del’espace considéré, c’est-à-dire de la for-

me du contour de la membrane. Ontrouve donc une relation entre les har-moniques produites par un espace,d’une part, et la géométrie de cet espace,d’autre part (relation bien connue puis-qu’elle est à la base de la diversité desinstruments de musique...). Le lecteurpeut se plaire à imaginer combien cetterelation devient plus intéressante quandl’espace cesse d’être lié aux contraintesde notre monde sensible, et que l’on ex-plore des espaces de dimension plusélevée qui présentent de riches struc-tures géométriques: la musique que lesmathématiciens entendent est sublime !Il est bien dommage que seuls lesmathématiciens puissent assister à cesconcerts.

Un coup d’œil sur le XXe siècleL’étude des harmoniques correspondant

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 1 3

Page 14: AN - Accueil

à un espace géométrique s’est poursuivietout au cours du XXe siècle. Elle a don-né lieu à de grandes découvertes parcequ’elle met en correspondance deuxmondes mathématiques bien différents:celui de la géométrie différentielle et ce-lui de l’analyse pure. Le premier s’occu-pe de la forme générale des espacescourbes de dimension quelconque et setrouve en fait proche de la physiqueclassique et relativiste. Le second estintimement lié aux problèmes de lamécanique quantique. La toute dernièredécouverte dans cette direction date dequelques années à peine: on vient eneffet de s’apercevoir que la physiquequantique des noyaux lourds des atomesfait apparaître des énergies dont lespatterns ressemblent en tous points àceux de la fonction zeta de Riemann,bien connue des mathématiciens depuis150 ans. Cette fonction fait l’objet de laplus ancienne des grandes conjecturesdes mathématiques, dont la résolutiondonnerait enfin la clé du problème de ladistribution des très grands nombrespremiers (voir l’article de HenriDarmon). Grâce à cette relation quitombe du ciel, les mathématiciens espè-rent parvenir à réaliser un pas décisifvers la solution de cette conjecture,prévue pour la première décennie dunouveau millénaire. s

PIERRE MCKENZIE

La révolution informatique consti-tue probablement le plus grandévénement technologique du XXe

siècle. Elle n’est pas terminée: les possi-bilités théoriques de progrès sont encoreloin d’être épuisées, et on peut s’atten-dre à ce que l’informatique modifieencore profondément notre mode de vieau cours des vingt ou trente prochainesannées.

Bien que l’aspect technologique del’informatique, le hardware, soit bien

connu et immédiatement visible, sesaspects mathématiques le sont moins.La logique, la combinatoire, les proba-bilités ou l’algèbre sous-tendent pour-tant le développement, entre autres, del’intelligence artificielle et de l’algorith-mique, dont l’objet est la réalisation delogiciels qui permettent de résoudre desproblèmes complexes en suivant ladémarche mathématique la plus efficacepossible. La recherche opérationnelle,domaine auquel s’intéressent les mathé-maticiens, les ingénieurs et les informa-ticiens, se définit ainsi comme l’applica-

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 1 4

La complexité apprivoisée

In memoriam Dr Léon L’Heureux, Ph. D. Eng. (Johns Hopkins), décédé à Ottawa le 23 novembre 1999, à l’âge de 80 ans. Originaire de Gravelbourg en Saskatchewan,le docteur L’Heureux, alias Happy, a travaillé de 1949 à 1977 au sein du ministèrecanadien de la Défense, occupant de 1969 à 1977 la présidence de son Conseil derecherches. Il fut président de l’Acfas en 1969, après plusieurs années de dévouementau sein de l’Association.

UNE INCURSION DES MATHÉMATIQUES DANS LES

LOGICIELS DE L’INFORMATIQUE

POUR EN SAVOIR PLUSCIPRA, Barry, « A Tale of Two

Theories » , What’s Happening inthe Mathematical Sciences ? , vol.3, American Mathematical Society,1996, 14-25.

CIPRA, Barry, « You Can’t AlwaysHear the Shape of a Drum » ,What’s Happening in the Mathe-matical Sciences ?, vol. 1, AmericanMathematical Society, 1993, 13-16.

EKELAND, Ivar, Le calcul, l’imprévu,Paris, Éditions du Seuil, 1984.

Les deux articles de la série What’sHappening in the Mathematical Sci-ences ? seront disponibles en français àl’Institut des sciences mathématiquesà partir de septembre 2000.

Page 15: AN - Accueil

tion de techniques mathématiques à larésolution de problèmes présentés à l’or-dinateur.

L’une des questions les plus passion-nantes du XXe siècle est la détermina-tion du degré de complexité d’unproblème. Ceci permet de classifier lesproblèmes de calcul les plus divers enfonction de la lourdeur des algorithmes

nécessaires à leur résolution. Ainsi, onpeut prévoir le temps de calcul, laquantité de mémoire, le nombre deprocesseurs, etc., nécessaires pour résou-dre un problème. Dans tous les cas, ledéfi ultime est le même: démontrermathématiquement qu’aucune méthodene peut utiliser moins de ressources quela meilleure méthode connue.

Voici de quoi il s’agit. Exemple: Afinde réclamer l’ordinateur que vous venezde gagner à l’occasion d’un tirage ausort, vous devez répondre sans aide àune question d’ordre mathématique.On vous demande de calculer, au choix,le produit ou la somme des deux nom-bres suivants: 7 292 et 6 723. Évidem-ment, la somme est bien plus facile àcalculer. 7 292 + 6 723 donne 14 015.

Mais était-ce réellement moins com-pliqué de calculer le total des deux nom-bres plutôt que de les multiplier ? Etpeut-on quantifier la difficulté relativede ces deux opérations ? La somme, lacomparaison et le produit de simpleschiffres de 0 à 9 peuvent être considéréscomme des opérations élémentaires.Dans l’exemple précédent, chacun desnombres comptait quatre chiffres. Pourles additionner, on a dû calculer d’abord 2 + 3, puis 2 + 9, 2 + 7 et 7 + 6, et fairequelques opérations supplémentairespour tenir compte des retenues. Au to-tal, ce calcul représente environ huitopérations. On constate alors qu’envi-ron 2 × n opérations élémentaires sontrequises pour effectuer la somme dedeux nombres entiers de n chiffressimples. Pour sa part, la méthodehabituelle de multiplication de deuxnombres entiers de n chiffres requiertun nombre d’opérations élémentairesbeaucoup plus grand, soit un nombreau moins proportionnel à n × n, c’est-à-dire le carré de n, noté n 2. Par exemple,pour multiplier 7292 par 6723, on de-vrait déjà multiplier chacun des chiffresde 7292 par 3, puis par 2, puis 7, puis 6et finalement additionner tous les nom-bres obtenus.

Si nous adoptons comme mesure dedifficulté du calcul à réaliser le nombred’opérations élémentaires requises, leproduit est-il plus compliqué que la

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 1 5

---t(n) taille 25 taille 50 taille 100 taille 200

n 0,025 microseconde 0,05 microseconde 0,1 microseconde 0,2 microseconden2 0,625 microseconde 2,5 microsecondes 10 microsecondes 40 microsecondesn5 9,7 millisecondes 0,3 seconde 10 secondes 5 minutes2

n33 millisecondes 13 jours 4 x 1011 siècles 5 x 1041 siècles

Ici la taille représente le nombre de symboles (par exemple, des chiffres de 0 à 9) requispour présenter un problème à l’ordinateur. Horizontalement, on donne la complexité de

l’algorithme résolvant ce type de problème. À une taille et une complexité donnéescorrespond dans le tableau le temps de calcul que prendra un ordinateur réalisant unmilliard d’opérations à la seconde. Ainsi, par exemple, le produit de deux nombres de100 chiffres selon la méthode habituelle de multiplication requiert 10 microsecondes.

La gestion optimale des flottes d’avion desgrandes lignes aériennes fait intervenir un trèsgrand nombre de paramètres. On doit tenircompte de l’ordre des destinations à desservir, des multiples règlements de sécurité aérienne, des conventions collectives des employés, etc.Avec le nombre de pilotes, d’avions et dedestinations en jeu, on imagine aisément la taille des problèmes de NP qu’il faut traiter. Image fournie gracieusement par Bombardier.

é apprivoisée

Page 16: AN - Accueil

somme ? Certes, n 2 est plus grand que2n dès que n dépasse 2. Mais si uneméthode de multiplication requiert n2

étapes, cela ne prouve pas qu’aucuneautre méthode ne fasse mieux. Uneconclusion définitive quant à la diffi-culté relative de la somme et du produitn’est donc possible que si l’on réussit àdémontrer, par un raisonnement mathé-matique, qu’aucune méthode imagi-nable n’est capable d’effectuer le produitde deux nombres entiers de n chiffres àl’aide de seulement 2n opérationsélémentaires.

De telles questions sont fort délica-tes. Elles font aujourd’hui l’objet d’unebranche de l’informatique, la théorie dela complexité. Cette théorie prend sasource dans les avancées spectaculairesde la logique au cours de la premièremoitié du XXe siècle. Dans les années30, on a découvert que certains pro-blèmes sont tout simplement « indéci-dables » , c’est-à-dire qu’on ne peut pasles résoudre par le calcul. Cette décou-verte offrait une première grande classi-fication des problèmes du calcul, selonqu’ils sont décidables ou non. L’avène-

ment de l’ordinateur vers le milieu dusiècle a ensuite précipité le développe-ment de la théorie de la complexité:parmi les problèmes décidables, lesquelsle sont efficacement ?

Ce n’est qu’en 1965 qu’on a claire-ment défini cette notion d’efficacité: uneméthode résout efficacement un problè-me si elle effectue moins d’un nombrepolynomial d’étapes, par exemple n 2 oun 5, où n est le nombre de symboles re-quis pour préciser la question à l’ordina-teur1. Par exemple, la somme et leproduit de deux nombres peuvent êtrerésolus efficacement, puisque 2n et n 2

suffisent respectivement à les calculer, n étant le nombre de symboles des entiers fournis. En comparaison, aucuneméthode efficace ne résout le problème

suivant, qui semble pourtant anodin.Supposons qu’un voyageur de commercedoive visiter n villes l’une après l’autre,sans repasser deux fois par la même ville,en partant de sa ville d’attache et en yretournant à la fin du voyage. Supposonsde plus que son budget en essence lecontraigne à ne pas dépasser une certainedistance totale, par example 100 kilo-mètres en moyenne entre chaque ville.La question est: peut-il faire le voyage ?Autrement dit, peut-il trouver un ordre de visite des villes pour que la distance du périple ne dépasse pas n × 100 km ? La meilleure méthode

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 1 6

Phot

odis

c

Page 17: AN - Accueil

propre des problèmes de la classe NPdits NP-ardus.

Tout problème de la classe NP peut-il être résolu efficacement ? C’est là unedes grandes questions auxquelles l’in-formatique et les mathématiques duXXe siècle n’ont pas su répondre . Uneréponse affirmative, bien que très sur-prenante, aurait des conséquences phé-noménales car la classe de complexitéNP contient des centaines de problèmesd’intérêt pratique, allant de la planifica-tion optimale d’horaires d’autobus etdes itinéraires de flottes d’avions jus-qu’au bris de sécurité des protocolesd’échanges de données financières par

Internet! À l’heure actuelle, la réalisa-tion de ces tâches nécessite un tempsexponentiel, ce qui restreint radicale-ment la taille des exemplaires traitablesen un temps réaliste. s

1. Rappelons que le nombre d’étapes croît defaçon polynomiale s’il croît comme l’une desfonctions n, n2, n3 ... tandis qu’il croît defaçon exponentielle s’il croît comme 2n. Lacroissance exponentielle est bien plus rapideque la croissance polynomiale.

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 1 7

Vous disposez de bleu, de vert et de rouge, et l’on vous présente un diagramme tel que celui-cicomportant n cercles et des segments reliant certains cercles entre eux. Pouvez-vous attribuer une descouleurs à chaque cercle, en prenant soin de colorier différemment deux cercles s'ils sont reliés ? Vousdevez tatonner pour trouver la réponse ? C’est normal puisqu’il s’agit d’un problème NP-ardu. S’il existaitune méthode efficace pour résoudre rapidement ce type de problème, cela voudrait dire que tous lesproblèmes de la classe NP pourraient aussi être résolus efficacement.

POUR EN SAVOIR PLUSDELAHAYE, Paul, Logique, informa-

tique et paradoxes, Bibliothèque« Pour la science » , Paris, Diffusion Belin, 1995.

GAREY, M. et JOHNSON, D.,Computers and Intractability: aGuide to the Theory of NP-completeness, San Francisco, Freeman, 1979.

PAPADIMITRIOU, C., Computational complexity, Addison-Wesley, 1994.

PIPPENGER, N., La théorie de la complexité, L’intelligence de l’informatique, Bibliothèque « Pour la science » , Paris, Diffusion Belin, p. 118-127.

connue pour résoudre ce problèmerequiert un nombre d’étapes élémentai-res exponentiel: si n est plus grand que500, ce problème simple suffirait à occu-per l’ordinateur actuel le plus rapidependant plus de dix ans de calcul inin-terrompu!

En 1970, l’informaticien canadienCook et le russe Levin ont découvertchacun de leur côté la classe de com-plexité NP, qui regroupe des problèmesprésentant tous un même type de com-plexité. Par définition, un problèmeexprimé sous la forme d’une questiondont la réponse est oui ou non appar-tient à la classe NP s’il existe une preuvecourte capable de convaincre efficace-ment un interlocuteur lorsque la répon-se est oui. Par exemple, notre problèmeanodin du voyageur de commerce ap-partient à NP car, lorsqu’un cheminexiste, il suffit de fournir ce chemin à uninterlocuteur connaissant la carte desdistances entre les villes: les sommes etles produits étant calculables efficace-ment, notre interlocuteur peut alorscalculer la distance totale efficacementet ainsi parvenir à vérifier qu’elle esteffectivement inférieure ou égale àn ×100 km.

Bien qu’il soit facile et rapide devérifier si une solution qui nous estproposée est bonne ou non, il se trouveque pour plusieurs problèmes de laclasse NP, les seuls algorithmes connusnécessitent un nombre d’étapes quicroît vertigineusement (exponentielle-ment) en fonction du nombre de don-nées. Cette situation paradoxale est le

Page 18: AN - Accueil

BRUNO RÉMILLARD

Quel temps fera-t-il demain ? Lecours de vos actions en bourse va-t-ilmonter ? De combien doit-on augmen-ter les contributions au Régime de ren-tes du Québec afin de ne pas manquerde fonds en 2020 ? Grâce aux probabili-tés et à la statistique, on peut bâtir desmodèles théoriques, que ce soit enfinance, en météorologie ou en physi-que, modèles qui servent par la suite àfaire des prévisions. Mais le futur ne selaisse pas facilement apprivoiser.

Notre capacité de faire des prévisionsexactes dépend de plusieurs facteurs.Prenons, par exemple, le jeu de billard.Un joueur de billard peut prévoir assezbien où la boule se déplacera s’il ne lafrappe pas trop fort. Par contre, plus ilfrappe fort, plus l’emplacement futur dela boule blanche et des autres boulessera difficile à prévoir. D’autre part, s’il

remet les boules aux mêmes endroits etqu’il essaie de rejouer le même coup, ilne réussira pas parce qu’il ne frappera laboule blanche ni précisément au mêmeendroit ni avec exactement la même for-ce. Pour se convaincre de la difficulté dereproduire un coup, il suffit de penser àl’emplacement des boules après le coupd’ouverture. Cet exemple illustre biendeux notions importantes en prévision:la fiabilité relative des prévisions à court,à moyen et à long terme, et la sensibilitédes prévisions aux conditions initiales.

Le jeu de billard est un système dé-terministe, c’est-à-dire un système oùtous les états futurs sont déterminés parl’état présent. En principe, la connais-sance parfaite de l’état d’un systèmephysique (la position des boules, lavitesse initiale de la boule blanche, etc.)à un instant donné permettrait la déter-mination de son état à tout instantfutur. Cependant, comme le démontre

l’exemple du jeu de billard, lorsqu’unsystème déterministe est très sensibleaux conditions initiales, il peut êtredifficile d’établir des prévisions. Pourcomprendre pourquoi, prenons l’exem-ple de la fameuse fonction triangulaire(tent map). On commence par choisirune valeur initiale comprise entre 0 et 1,disons 0,583, et l’on construit une suitede 100 nombres de la façon suivante: onmultiplie le nombre par 2; si celui-ci estplus petit ou égal à 1, on le garde, sinonon le retranche de 2. En partant de lavaleur initiale 0,583, on trouve donc lesnombres suivants: 0,834, 0,332, 0,664,0,672, 0,656, etc. En effet, comme0,583 multiplié par 2 donne 1,166 etque ce nombre est plus grand que 1, onle retranche de 2, ce qui donne2 – 1,166 = 0,834. Ensuite on multiplie0,834 par 2, ce qui donne 1,668;comme ce nombre est plus grand que 1,on le retranche de 2, ce qui donne le

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 1 8

À l’assaut de l’aléatoireLES PRÉVISIONS EN PROBABILITÉ ET STATISTIQUE

PhotoDisc

Page 19: AN - Accueil

deuxième terme 0,332. Supposonsmaintenant qu’un scientifique veuilleprévoir les points suivants, en se basantsur ces 100 premiers points. Il pourraitcommencer par tracer les points déter-minés par les paires d’éléments consécu-tifs de la suite, comme dans la figure 1.Il obtiendrait un triangle, ce quidémontre qu’il y a bel et bien un lienentre les données successives.Imaginons donc qu’il découvrela façon dont les nombres ontété générés.

Si le centième terme de lasuite était arrondi à deux dé-cimales, et que la dernièrevaleur de la suite était 0,21, ilconstruirait alors les intervallesselon la recette suivante:l’intervalle pour la 101e valeurde la suite serait déterminé par une application de la fonc-tion triangulaire à l’intervalle[0,205, 0,215] car la valeur0,21 est donnée avec deuxchiffres significatifs, ce quiveut dire en fait que la valeurréelle du centième terme de la suite peut être n’importequel nombre dans l’intervalle[0,205, 0,215]. L’intervalle deprévision serait donc [0,41,0,43]. Les intervalles successifsseraient construits en utilisantl’image des intervalles précé-dents à partir de la fonctiontriangulaire. Le deuxième intervalle deprévision serait donc [0,82, 0,86], letroisième serait [0,28, 0,36], suivi de[0,56, 0,72], [0,56, 0,88], [0,24, 0,88],

[0,24, 1], et [0, 1] pour tous les autres.Les prévisions seraient bonnes mais seu-lement à court terme! Ceci est dû au faitque la fonction triangulaire est chaoti-que, c’est-à-dire que deux séries géné-rées avec des valeurs de départ très pro-ches l’une de l’autre donneront des va-leurs éloignées peu de temps après. Lemême principe fait que les prévisionsmétéorologiques ne valent presque rienau delà de trois jours. C’est aussi cettemême propriété qui fait que la suite,même si elle est déterministe, ressembleà s’y méprendre à une suite de nombresgénérée au hasard.

Pour illustrer le tout, prenons la 100e

donnée disponible arrondie à deux déci-males, qui est 0,21. Si l’on construittrois séries, l’une en partant du point0,215, l’autre en partant du point0,213, et la dernière en partant du point0,205, on voit, d’après la figure 2, que

des différences marquantes apparaissentau bout de six itérations seulement. Ledéterminisme de la série procure doncun léger avantage qui s’évanouit toute-fois à moyen terme. Cet avantage àcourt terme est quand même suffisantlorsque l’on investit dans les marchésfinanciers, par exemple. Deux pionniers

de la recherche dans ce do-maine, D. Farmer et N. Pac-kard, ont d’ailleurs créé leurpropre entreprise nommée àjuste titre Prediction Compa-ny (http://www.predict.com).Ils travaillent conjointementavec des probabilistes et statis-ticiens afin de trouver des mé-thodes efficaces pour extraireles composantes déterministesdes séries d’observations etainsi améliorer les prévisions àtrès court terme.

L’exemple précédent dé-montre bien que même desséries déterministes se com-portent comme des sériesaléatoires s’il existe de l’incer-titude au départ. Le calcul desprobabilités était selon le ma-thématicien Laplace un outilpour corriger et quantifierl’incertitude. L’approche mo-derne des prévisions en pro-babilités et statistique consisteà détecter les parties aléatoires

et déterministes dans des séries de don-nées et à les utiliser afin d’améliorer lesprévisions à court terme. Pour le moyenou long terme, il faut s’en remettre en

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 1 9

Figure 2 : Les trois courbes illustrent les 10itérations successives de la fonction triangulairef(x) = 1 – | 2x – 1 | à partir des points 0.21 (———), 0.215 (———) et 0.205 (———).

Figure 1 : Les points formés des paires de valeursconsécutives de la suite : (0.834, 0.332), (0.332,0.664), (0.664, 0.672), (0.672, 0.656), etc.

Bourse de Montréal

Le prix de certains produits financiers peut êtremodélisé grâce à la théorie des probabilités et àcelle des équations différentielles reliées à laphysique.

Page 20: AN - Accueil

général à des modèles totalement aléa-toires, les systèmes chaotiques étant plu-tôt la règle que l’exception. Il y a aussi lefait qu’en général les modèles ne peu-vent représenter correctement la réalité.Certains sont excellents dans des situa-tions normales mais totalement invali-des pour des cas anormaux. Par exem-ple, la plupart des modèles utilisés pourles données boursières ne valent plusrien s’il y a une forte baisse ou une fortehausse. Par contre, si l’on veut un mo-dèle pouvant prévoir ces changementsbrusques, il faut sacrifier la précisiondans le cas normal. À lui seul, le domai-ne de la prévision d’événements extrêmescomme les krachs boursiers et les inon-dations est un domaine de recherche en-core très florissant.

De tous les domaines où les probabi-lités et la statistique sont utilisées pourfaire des prévisions, le plus médiatisé estle marché boursier et plus particulière-ment l’évaluation de produits dérivés,dont les options. Dans ce domaine, sil’on réussit à faire une meilleure prévi-sion qu’un compétiteur, on peut réaliserdes profits mirobolants. Le prix Nobeld’économie de 1997 a d’ailleurs étédécerné à Black et Merton pour leurscontributions dans ce domaine.L’évaluation d’options et d’autres pro-duits dérivés fait appel à plusieurs do-maines des mathématiques: en premierlieu les probabilités, ensuite les équa-tions différentielles et les méthodesd’optimisation. s

BERNARD COURTEAU

ET BERNARD R. HODGSON

Les sociétés occidentales actuelless’inspirent des idéaux démocrati-ques de la Grèce antique. Elles sontcependant beaucoup plus complexesque les sociétés de l’Antiquité et ellessont en train de vivre, après l’écriture,l’imprimerie et le formidable développe-ment scientifique et technique des troisderniers siècles, l’une des plus profondesrévolutions du support de l’informa-tion, la numérisation. Quelle est la pla-ce des mathématiques dans les sociétésactuelles ? Quel est leur rôle social ?

Nous proposons ici quelques élé-ments de réflexion. D’abord, les mathé-matiques jouent un rôle particulier dansle développement d’une attitude ration-nelle chez le citoyen. Ensuite, en tantque langue des sciences, les mathémati-ques, avec leur arsenal de méthodes nu-mériques, symboliques et graphiques,fournissent aux autres sciences et auxtechniques un outillage théorique effica-ce. Enfin, en tant que science de pleindroit, les mathématiques ont développédes applications directes qui sont appe-lées à jouer un rôle croissant dans unmonde technologique qui semble vou-loir poursuivre la transformation radica-le de la société amorcée au XXe siècle.

Une nécessité actuelle: poser et ré-soudre des problèmes Il va de soi quele citoyen des sociétés actuelles doit pos-séder des outils mathématiques de basepour bien fonctionner au quotidien entant que consommateur avisé, ou pourapprécier à sa juste valeur l’informationquantitative qu’il reçoit sous diversesformes: tableaux numériques, graphi-ques, résultats de sondages, etc. Il lui est

aussi de plus en plus utile de savoir ma-nier l’ordinateur et de naviguer sur laToile, ce qui exige une bonne capacitéde structuration de données et de visua-lisation d’une telle structure. Mais sur-tout, face à toutes sortes de situationsplus ou moins complexes, il lui fautpouvoir analyser, comprendre, prendredes décisions, ce qui nécessite des habi-letés à poser et résoudre des problèmes.Considérant, avec le mathématicienaméricain Henry O. Pollack, que « ré-soudre un problème, c’est réduire quel-que chose qu’on ne sait pas faire à quel-que chose qu’on sait déjà faire », on voitqu’il faut aussi et surtout des habiletésplus abstraites pour faire une telle ré-duction. En ce sens, ce n’est pas l’ordi-nateur qui résout seul les problèmes.Son rôle consiste plutôt à expliciter desréponses à des problèmes déjà résoluspar ailleurs au moyen de méthodes gé-nérales ou d’algorithmes, eux-mêmesprécédés de résultats théoriques.

Le rôle de la réflexion théorique, enplus de satisfaire la curiosité intellectuel-le et le sens esthétique, consiste à four-nir des outils efficaces pour résoudre des

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 2 0

Mathématiques

et société

Cette image a été produite à partir d’un signalrelevé sur un certain nombre de sujets en train deréaliser une suite de mouvements. On a eu recoursici aux techniques de l’imagerie médicale. Imagefournie gracieusement par le Centre d’imagerie ducerveau McConnell, Institut Neurologique deMontréal.

POUR EN SAVOIR PLUSGLEICK, James, La théorie du chaos,

collection « Champs » , Paris,Flammarion, 1991.

MANDELBROT, Benoît, Fractales,hasard et finance, collection« Champs » , Paris, Flammarion,1997.

STEWART, Ian, Dieu joue-t-il aux dés ? Les nouvelles mathématiques duchaos, Paris, Flammarion, 1992.

Page 21: AN - Accueil

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 2 1

problèmes en cherchant à trouver lesrègles générales sous-tendant les phéno-mènes en cause. Sans théorie, on en estréduit à son intuition ou au hasard, ouencore, à l’essai de tous les cas possibles,ce qui est impraticable pour les problè-mes d’une certaine envergure mêmeavec les ordinateurs les plus puissants.En fait, les nouvelles technologies del’information et des communicationsvalorisent encore plus la logique de ré-solution de problèmes dans tous lesdomaines.

Vers une attitude rationnelle L’ap-prentissage des mathématiques fournitaux étudiants des situations contrôléesdans lesquelles ils peuvent s’exercer àcette logique. Par exemple, la résolutiond’un problème de géométrie donne àl’élève l’occasion de se poser des ques-tions de base comme: Qu’est-ce que jecherche ? Qu’est-ce qui est donné ? Y a-t-il quelque chose que je connais déjà etqui pourrait être pertinent au problè-me ? En supposant le problème résolu,puis-je établir une relation entre ce quiest inconnu et ce qui est connu ? Quelsoutils, raisonnements, analogies, cal-culs, graphiques, etc. puis-je utiliser

pour tirer de cette relation assez d’infor-mation en vue de résoudre le problème ?La solution obtenue est-elle unique oumultiple ? Comment vérifier si le pro-blème est bien résolu ? L’intérêt de cesquestions réside dans leur universalité:face à tout problème, elles se posent na-turellement et on pourrait dire, en sim-plifiant, que les poser et tenter d’y ré-pondre est le propre d’une attitude ra-tionnelle.

L’adage du philosophe des sciencesKarl Popper, « Ce qu’on lègue en scien-ces, ce n’est pas simplement une listed’énoncés valides mais aussi les moyensde les critiquer », s’applique aux mathé-matiques d’une façon exemplaire, puis-que la conviction y est obtenue par unesuite d’étapes parfaitement justifiées oùl’on parvient à déduire la conclusionque l’on souhaite établir à partir des hy-pothèses et du savoir antérieur. Cettenécessité de la rigueur en mathémati-ques est un ferment de créativité. Eneffet, si on est contraint de justifierrigoureusement ce qu’on avance, oncherche plus longtemps et différem-

ment, et on trouve souvent des chosesnouvelles que notre intuition immédia-te ne nous aurait pas données sans ceteffort. Les cours de mathématiques àl’école pourraient devenir de véritableslaboratoires d’une culture du condition-nel. La démonstration d’un énoncé detype « p implique q », où p et q sont desénoncés, est une façon articulée d’abor-der la question « Pourquoi q est-ilvrai ? » ou plus précisément « Dans quelsens, dans quel cadre, sous quelles con-ditions peut-on considérer q commevrai ? ». On ne peut sous-estimer l’im-portance d’une telle attitude de critiquepositive. En dégageant les hypothèsessous-jacentes, on combat la confusion etla rhétorique qui pourraient s’y nourrir,on clarifie les choses et on met l’accentsur les véritables enjeux.

Mathématiques et méthode scienti-fique Mais il y a plus. Les mathémati-ques sont un instrument pour dépasserles limites de nos sens, pour rendreaccessible ce qui est hors de portée denotre intuition spontanée. Les mathé-

Phot

oDis

c

C’est de la lumière cohérente qui circule dans la fibre optique. Il suffit de quatorze lasers pourtransmettre 40 millions de conversations simultanées dans un câble transatlantique. Comment cemiracle est-il possible? La physique contribue au hardware mais ce sont les mathematiques quipermettent le traitement d’un nombre aussi grand de communications.

Page 22: AN - Accueil

matiques permettent de développer unesorte d’intuition seconde donnant accèsà un monde nouveau qui permet enquelque sorte de rêver rationnellementla réalité. Comme le dit le mathémati-cien français René Thom, « La théorisa-tion est liée à la possibilité de plonger leréel dans un virtuel imaginaire doté depropriétés génératives qui permettent defaire des prédictions. » Quand Thalès,par exemple, veut connaître la hauteurde la pyramide de Chéops, une verticaleinaccessible, il la ramène à son ombrequi est accessible à la mesure, le lien en-tre les deux se trouvant dans sa théorie

des triangles semblables. Quand New-ton veut décrire d’une façon générale lemouvement des corps matériels, il créede toute pièce un outil mathématiquenouveau: le calcul infinitésimal. Plusprès de nous, quand Einstein veut expri-mer son intuition physique du temps,de l’espace et de la matière dans sa théo-rie de la relativité, il fait appel à une géo-métrie non euclidienne développée plusde cinquante ans auparavant par Rie-mann. Depuis leurs origines, les mathé-matiques n’ont cessé de permettre auxscientifiques de concevoir et d’exprimerdes modèles du monde et d’en tirer lo-giquement des conséquences vérifiablessur le plan expérimental.

Enfin, en plus d’être une disciplineau service de la formation du citoyen etau service des autres sciences, en plusd’être elles-mêmes une science fonda-mentale, les mathématiques ont déve-loppé des applications plus directes dansdes domaines comme l’économie et lafinance, les télécommunications ou larecherche biomédicale. À titre d’exem-ple, la transmission d’images de planè-

tes, la télévision numérique, l’enregistre-ment sur disque numérique utilisent descodes correcteurs d’erreurs, une autreapplication surprenante de mathémati-ques considérées jusqu’à récemmentcomme très abstraites et « inutiles »,mais qui sont maintenant le pain quoti-dien des ingénieurs en électricité; lesproblèmes d’organisation du travail, degestion de réseaux complexes de trans-port seraient insolubles sans l’apport deméthodes mathématiques nouvelles dé-veloppées depuis une cinquantained’années; l’imagerie médicale, la tomo-graphie ou la modélisation du systèmecardiaque profitent des avancées de lathéorie des systèmes dynamiques et dela topologie, deux domaines mathéma-tiques en plein essor. Dans toutes cesapplications, l’ordinateur joue un rôletrès visible mais qui n’est que la pointede l’iceberg: il y a toujours en dessousdes méthodes et des résultats mathéma-tiques indispensables. Comme le disaitJean-Jacques Duby, directeur scientifi-que d’IBM Europe, « il n’y a plus defrontière entre maths pures et maths ap-pliquées. Il n’y a que celles qui sont déjàappliquées et celles qui ne le sont pasencore ». Les mathématiques mènentune vie multiple et participent aux re-cherches tant appliquées que théoriquesdans presque tous les domaines. Ellesont beaucoup à offrir au monde quivient. s

Aux sources

de la science

mathématique

— M. Ruche, pourquoi les mathé-matiques sont-elles nées en Grèce etpas ailleurs, au VIe siècle et pas à uneautre époque ?

— Parce que les Grecs adorent discuter,répond monsieur Ruche à sa jeune amieLéa. Parce qu’au contraire des mathéma-ticiens-calculateurs babyloniens ou égyp-tiens qui appartenaient à la caste des scri-bes ou à celle des prêtres, les penseursgrecs qui ont fondé la science mathémati-que, Thalès, Pythagore et les autres, nesont ni esclaves ni fonctionnaires d’État,ils sont des hommes libres. Les mathéma-tiques et la philosophie grecques sont en-fants de la liberté, du jeu que permet cet-te liberté, jeux du corps dans les stades oùles athlètes s’affrontent, jeux de l’esprit surles places publiques où l’on combat par laparole. Et dans ces discussions, les indivi-dus sont responsables des thèses qu’ilsavancent non pas devant une autoritéparticulière, mais devant chaque interlo-cuteur qui peut à son tour user de sa liber-té pour les critiquer, les contester, les con-tredire. Pour régler les conflits et les con-tradictions qui ne manquaient pas de sur-gir, les mathématiciens grecs en sont ve-nus à exiger plus que l’intuition ou lespreuves numériques pour établir des faitsmathématiques et convaincre leurs inter-locuteurs, ils ont exigé la démonstration,ils ont inventé la méthode déductive...

C’est ainsi qu’en substance l’historien dessciences, professeur et romancier DenisGuedj relate, dans son roman Le théorèmedu perroquet, les origines de la sciencemathématique. s

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 2 2

POUR EN SAVOIR PLUSGUEDJ, Denis, Le théorème du

perroquet, roman, Paris, Éditionsdu Seuil, 1998.

GUEDJ, Denis, La gratuité ne vautplus rien, Paris, Éditions du Seuil,Paris, 1997.

SERRES, Michel, Les origines de lagéométrie, Paris, Flammarion,1993.

STEEN, Lynn Arthur (éd.), WhyNumbers Count, New York,College Entrance ExaminationBoard, 1997.

THOM, René, Prédire n’est pasexpliquer, Paris, Flammarion, 1991.

Page 23: AN - Accueil

Jacques Lefebvre Professeur au Départe-ment de mathématiquesde l’UQAM depuis 1969,Jacques Lefebvre a été

président du syndicat des professeurs,vice-doyen de la Faculté des sciences etdoyen des études de premier cycle. Ils’intéresse à l’histoire de l’algèbre jus-que vers 1700, à celle du calcul diffé-rentiel et intégral, et aux liens entremathématiques, philosophie, société etlittérature dans une perspective histori-que. Il a publié une quarantaine d’arti-cles au cours des dix dernières années.http://www.math.uqam.ca/_lefebvre/

Pierre McKenzie Depuis l’obtentionde son doctorat de l’Uni-versité de Toronto en1984, Pierre McKenzieest professeur au Dépar-

tement d’informatique et de rechercheopérationnelle à l’Université de Mont-réal, où il reçut en 1996 le Prix d’excel-lence en enseignement du secteurscience de la Faculté des arts et des sciences. Son principal champd’intérêt en recherche est la théorie de la complexité.http://www.fas.umontreal.ca/

IRO/employes/MCKENZIEPierre.html

Bruno Rémillard étudia à l’Universi-té de Carleton où ilreçut le prix Pierre-Ro-billard pour la meilleu-re thèse de doctorat enprobabilités et statisti-

que au Canada. Avant de devenirprofesseur à l’UQTR en 1988, il passaun an à Cornell où il fut stagiairepostdoctoral sous la direction de RickDurrett. Il est membre coopté del’International Statistics Institute. Seschamps d’intérêt en recherche com-prennent les processus stochastiques etleurs applications en statistique et enfinance, les prévisions et le filtrage nonlinéaire, et les séries chronologiques.http://www.uqtr.uquebec.ca/~remillar

Bernard R. Hodgson est professeurtitulaire au Départe-ment de mathémati-ques et de statistiquede l’Université Laval.Ses travaux portent

sur la logique mathématique (Ph. D.,Université de Montréal, 1976) et l’en-seignement des mathématiques. Confé-rencier invité à deux reprises lors duCongrès international des mathémati-ciens (Kyoto, 1990 et Berlin, 1998), ila reçu les prix Roland-Brossard (1987)et Abel-Gauthier (1991) de l’Associa-tion mathématique du Québec et leprix Adrien-Pouliot (1998) de la Socié-té mathématique du Canada. Il est pré-sentement le secrétaire de la Commis-sion internationale de l’enseignementmathématique.

François Lalonde Après un baccalau-réat en physique etune maîtrise en mathé-matiques (théorie de lacomplexité) à l’Univer-sité de Montréal, Fran-

çois Lalonde obtint un doctorat d’Étaten topologie différentielle à Orsay. Ilfut stagiaire postdoctoral au Centrenational de la recherche scientifique(Paris) et à l’Institut des Hautes Étudesscientifiques (Paris). Il est professeur àl’UQAM depuis 1985 et directeur duCentre de recherche en géométrie dif-férentielle et topologie depuis 1998.Membre de la Société royale, il a étéégalement le directeur de l’Institut dessciences mathématiques de 1996 à l’été2000.http://www.math.uqam.ca/_lalonde/

Louis Charbonneau Professeur auDépartement de mathé-matiques de l’UQAM,Louis Charbonneau a ob-tenu son doctorat en his-

toire des mathématiques en 1976 àl’école des Hautes Études en sciencessociales à Paris. Ses publications por-tent principalement sur les travaux dumathématicien français Joseph Fourierainsi que sur le développement del’algèbre à la Renaissance. Il a aussipublié des textes sur l’histoire desmathématiques au Canada et sur l’utili-sation de l’histoire dans l’enseignementdes mathématiques.http://www.math.uqam.ca/_charbonneau/

Bernard Courteau, professeur demathématiques àl’Université de Sher-brooke, est devenuprésident de l’Associa-tion mathématique du

Québec en 1993. Depuis vingt ans, sesrecherches ont porté sur les codescorrecteurs d’erreurs, un domained’application de l’algèbre et de la géo-métrie finie aux télécommunications. Ila participé à de nombreuses activités devulgarisation mathématique: exposi-tions, présentations dans les centrescommerciaux, Quinzaines des sciences,etc. En 1997, il a été président d’hon-neur de la Quinzaine des sciences pourla région de l’Estrie.

Henri Darmon Professeur à l’Uni-versité McGill, HenriDarmon obtint son doc-torat de l’Université Har-vard en 1991. Il est spécia-

liste en théorie des nombres, en parti-culier des courbes elliptiques et desformes modulaires.http://www.math.mcgill.ca/darmon/

M AT H É M AT I Q U E S A N 2 0 0 0 2 3

Les auteurs

Page 24: AN - Accueil

1. EXPOSITION SUR LES MATHÉMATIQUES« 1, 2, 3,... maths ! » , une expositionitinérante, interactive et animée surles mathématiques, circulera duranttrois à cinq ans au Québec et dansquelques provinces canadiennes.Elle débutera au Petit Séminaire deQuébec pendant les mois de mai etjuin 2000 et se poursuivra auCentre d’exposition de l’Universitéde Montréal du 3 octobre au 9novembre, puis au Musée duSéminaire de Sherbrooke en janvier2001. Cette exposition est produitepar le Musée du Séminaire deSherbrooke, le Centre d’expositionde l’Université de Montréal etl’Association mathématique duQuébec.

2. AFFICHES DANS LE MÉTRO DE MONTRÉALPendant tout le mois de janvier2000, des affiches dans 17 stationsdu métro de Montréal et à l’inté-rieur des wagons. Un des concep-teurs de ces affiches, StéphaneDurand, du CRM, a gagné lepremier prix au Concours inter-national d’affiches de la Sociétémathématique européenne.

3. SÉRIE DE TÉLÉVISION « C’EST MATHÉMATIQUE ! »Depuis le début de février 2000, lacompagnie Téléfiction produit etdiffuse sur le nouveau canal Z« C’est mathématique ! » , une sériede 16 émissions de 30 minutesanimée par Jean-Marie De Koninck,professeur de mathématiques àl’Université Laval.

4. QUÉBEC SCIENCEUn supplément de la revue QuébecScience consacré aux mathématiquesparaît dans le numéro d’avril 2000.Il s’agit d’un projet conjoint duCRM et de Québec Science.

5. MÉGA-CONGRÈS À QUÉBEC Les 5, 6 et 7 mai 2000 à l’Univer-sité Laval aura lieu un congrèsextraordinaire réunissant lesmembres de sept associations ougroupes voués à la promotion desmathématiques au Québec.

6. OUVRAGE DE VULGARISATION SCIENTIFIQUEUn ouvrage collectif de vulgarisationmathématique, Les mathématiquesd’hier et d’aujourd’hui sera publiépar la maison d’édition Modulo etlancé au méga-congrès. Les auteursde ce collectif, une trentaine demathématiciens québécois, ontaccepté de verser tous leurs droits auFonds Maurice-L’Abbé pour lescamps mathématiques de l’AMQ.

7. PIÈCE DE THÉÂTRE POUR ENFANTS SUR LES MATHÉMATIQUES En collaboration avec l’AMQ etl’Acfas, la troupe « Le petitChaplin » prévoit monter à l’été2001 une pièce de théâtre sur lesmathématiques et la vie quotidienneà l’intention des enfants de 6 à 12ans. Cette pièce sera présentée enplein air au Vieux-Port de Montréaldans le cadre des activités du muséescientifique iSci et fera partie par lasuite de la programmation du Jardinspectaculaire au Jardin botanique deMontréal.

Activités au Québec pour

l’Année mathématique mondiale

Cette réimpression a été rendue possible grâce au soutien financier du

Ministère de la Recherche, de la Science

et de la Technologie

Ministère de la Culture et des Communications