Analyse de Productions Ecrites d Eleves Et de Ses Usages Potentiels Pour La Formation Des Enseignants Du Secondaire en Grammaire

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didactique de l'écrit

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  • Lidil47 (2013)Le verbe pour exprimer le temps

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    Roxane Gagnon

    De lanalyse de productions critesdlves et de ses usages potentielspour la formation des enseignants dusecondaire en grammaire................................................................................................................................................................................................................................................................................................

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    Rfrence lectroniqueRoxane Gagnon, De lanalyse de productions crites dlves et de ses usages potentiels pour la formation desenseignants du secondaire en grammaire, Lidil [En ligne], 47|2013, mis en ligne le 01 dcembre 2014, consultle 01 dcembre 2014. URL: http://lidil.revues.org/3261

    diteur : ELLUGhttp://lidil.revues.orghttp://www.revues.org

    Document accessible en ligne sur : http://lidil.revues.org/3261Ce document est le fac-simil de l'dition papier. Lidil

  • De lanalyse de productions crites dlves et de ses usages potentiels pour la formation des enseignants

    du secondaire en grammaire

    Roxane Gagnon *

    RsumCet article prsente une proposition de traitement didactique du fonc-tionnement des temps du verbe qui prend appui sur lanalyse de textes dlves. La dmarche danalyse examine les composantes gnriques du texte, la mise en forme discursive ainsi que les dimensions lies la grammaire de la phrase. Des analyses de textes argumentatifs de corpus contrasts viennent illustrer la dmarche adopte. Enfin, les usages po-tentiels de cette dmarche danalyse dans le contexte de la formation des enseignants du secondaire sont prsents.

    AbstrActThis paper develops and proposes a didactic treatment of verb tense, based on the analysis of texts produced by students. It examines the generic components of the text, its discursive layout, and dimensions in relation to sentence grammar. The study is illustrated with a com-parative analysis of argumentative texts. Finally, this paper proposes potential uses of this analytical approach in the training of secondary school teachers.

    Anyone writing a book on time in lan-guage has to face two problems which are also found elsewhere, but hardly to the same extent. The first is the amount of research on the subject [] The se- cond problem is what one might call

    * GRAFE, Universit de Genve. Lacronyme GRAFE signifie Groupe de recherche pour lanalyse du fran-ais enseign. Il regroupe principalement des chercheurs de la Facult de psychologie et des sciences de lducation de luniversit de Genve.

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    the ECE-problem of research: every- thing is connected to everything. Temp-orality involves lexical semantics, deixis and context-dependency of meaning, inflectional morphology, problems of quantification, word order and other aspects of syntaxit is connected to everything. But somewhere there must be a limit to the discussion, and the line is often not easily drawn.

    W. Klein (1994),Time in Language, p. xii.

    Sil est un problme persistant de lenseignement de la grammaire, cest sans aucun doute le dcalage existant entre prescriptions officielles et pratiques effectives des enseignants (Schneuwly, Dolz et coll., 2009). Ce dcalage est visible dans les diverses terminologies en usage dans les plans dtude, les moyens denseignement et le discours des ensei-gnants (Chartrand & de Pietro, 2012). En outre, les obstacles observs dans les pratiques langagires des lves sont souvent bien loigns des contenus proposs par les plans dtudes (Marmy Cusin, 2012). Comme ils peinent articuler et intgrer les activits grammaticales lintrieur dactivits de communication, les enseignants prfrent faire de la grammaire de faon dtache, hors contexte.

    Il nen demeure pas moins que ltude de certains phnomnes gram-maticaux demande de sloigner dune grammaire de la phrase pour passer par le texte et lactivit langagire dans sa globalit. Cest le cas de lemploi des temps verbaux. Or, lenseignement des valeurs et du fonctionnement des formes verbales souffre depuis longtemps dun problme de contexte : la plupart des manuels et grammaires scolaires ramnent la question la prsentation de quelques exemples soigneu-sement choisis, limitant au cadre de la phrase une ralit complexe ins-crite dans le texte (Combettes & Fresson, 1975). Et ce, bien quil ait t montr dans de nombreux ouvrages savants que ces notions sana-lysent sur divers plans : morphologique, lexical, syntaxique, textuel et smantique (entre autres Bronckart, 1996 ; Gosselin, 1996 ; Meleuc & Fauchart, 1999).

    Lobjectif de cette contribution est de proposer une dmarche dana-lyse des productions dlves qui puisse outiller lenseignement des phnomnes grammaticaux complexes lis lemploi des temps ver-baux dans les textes. La dmarche propose permet de situer ces ph-

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    nomnes et den donner une explicitation susceptible dtre comprise des lves. Loutil danalyse vise articuler les notions grammaticales et lactivit langagire, en distinguant les diffrents plans danalyse du systme verbal 1. Lexpos de notre argumentaire suivra trois tapes. La premire partie du texte explicite comment nous abordons la ques-tion du fonctionnement des temps du verbe ; nous y exposons les pr-supposs thoriques de la dmarche danalyse des textes dlves. La seconde partie prsente la dmarche danalyse laide dexemples con-crets tirs de deux corpus : des notes critiques dune pice de thtre crites par des lves du secondaire 1 (9e anne Harmos 2) et des lettres de demande, rdiges par des tudiants de niveau B2 dans un cours de franais langue trangre. La troisime partie propose une rflexion sur les usages potentiels de cet outil comme dispositif de formation ; nous y exposons les avantages et les limites de notre dmarche pour le dve-loppement professionnel des enseignants, les apprentissages des lves et le savoir grammatical.

    1. Pourquoi est-il difficile pour les enseignants daborder le fonctionnement des temps du verbe dans les textes ?

    La non-maitrise du systme verbal et des mcanismes de cohsion ver-bale est lorigine de plusieurs types derreurs dans les copies des lves et des tudiants universitaires (Meleuc & Fauchart, 1999). Les lacunes des apprenants dcoulent de plusieurs facteurs. Un premier ensemble de facteurs relve de la description de la langue. Dabord, les lacunes sont dues la mconnaissance des distinctions entre les catgories de mode, daspect, de temps (Leeman-Bouix, 1994 ; Tomassone, 2002). Elles rsultent galement des efforts dabstraction que requiert la mise en relation de trois poques diffrentes (prsent, pass et futur) et des deux autres repres servant les dfinir : le moment de lnonciation et le moment du procs relat (Reichenbach, 1947 ; Moeschler, 1998). Les erreurs proviennent aussi de contraintes grammaticales : on pense

    1. Par systme verbal, nous entendons lensemble organis des catgories gram-maticales lies au verbe (la personne grammaticale, le mode, le temps et las-pect), reprsent par la conjugaison et concernant en particulier les valeurs et lemploi des modes et des temps verbaux (Chartrand, Aubin, Blain & Simard, 1999/2011).

    2. Lquivalent de la classe de sixime en France.

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    par exemple au si hypothtique et la concordance des temps dans lestyle indirect au pass (Gunette, Lpine & Roy, 1995). Certains pro-blmes ont trait au sens : il peut y avoir une incompatibilit smantique entre une expression de temps (organisateurs textuels, acclrateurs de rythme, etc.) et le temps du verbe. Un deuxime ensemble de facteurs se rattache lenseignement de la grammaire. Ltude traditionnelle du verbe a eu tendance tout ramener la chronologie, la datation du procs, ce qui a contribu entretenir les confusions entre moment de lvnement, moment de lnonciation et moment de rfrence (Com-bettes & Fresson, 1975). Les problmes de comprhension du sys-tme verbal et dinterprtation des mcanismes de cohsion verbale des lves proviennent galement dune terminologie traditionnelle qui emploie des tiquettes trompeuses pour nommer les diffrentes formes que peut prendre le verbe (Chartrand, 2011). Cette terminologie contribue obscurcir les distinctions entre les concepts de mode, das-pect, de temps et de personne 3.

    1.1. Genres de textes, types de discours : une slection d enseignables

    Les problmes voqus par Klein (1994) autour de la question du temps dans la langue, savoir la quantit infinie douvrages sur la question et le fait que la temporalit implique une rflexion la fois sur le sens, le lexique, les dictiques, le contexte dnonciation, la morphologie et la syntaxe, exigent de faire des choix au moment daborder la question du fonctionnement des temps du verbe dans les textes. Nous avons donc choisi de consacrer notre attention aux questions dancrage et dorigine temporelle du discours, car selon nous, celles-ci peuvent tre lobjet dun traitement didactique. En effet, les modalits concrtes de ra-lisation des mcanismes de cohsion verbale dpendent fondamentale-ment des types de discours quils traversent (Bronckart, 1996, p. 9). Les types de discours entrent dans la composition dun genre de texte et constituent le produit dune mise en forme discursive particulire. Aussi, dans le prsent texte, nous appelons genres de textes lensemble des conditions de production du discours et des attentes typifiantes qui

    3. On devrait plutt faire observer lapprenant quil y a quatre personnes dsi-gnant les locuteurs et interlocuteurs engags dans la communication (je, tu, nous, vous) et une personne renvoyant un rfrent singulier ou pluriel (il / elle / on ils / elles).

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    caractrisent un ensemble potentiellement illimit dactivits langa-gires attestes dans une collectivit une poque donne, et dsignons par types de discours un nombre fini, stable, rcurrent et clairement identifiable de modalits de mise en texte qui contribuent lorganisa-tion des diffrents segments du texte. Le processus discursif constitue le crateur de concordance et dhomognit ; il est dot de sa propre temporalit (axe de rfrence temporelle) et cest dans le reprage par rapport cette temporalit de lactivit discursive que les procs se trou-vent eux-mmes organiss temporellement (Bronckart, 1996, p. 315).

    Les concepts de genre de texte et de type de discours sont donc la base de notre analyse des productions crites des lves quant la maitrise des phnomnes de cohsion verbale 4 dans les textes.

    1.2. La dmarche danalyse des textes dlves pour situer les capacits et les difficults

    Notre dmarche vise lanalyse de textes dlves en vue de dgager les capacits et les difficults des lves auteurs de ces textes (Dolz, Gagnon & Vuillet, 2011). Cette approche donne un autre statut aux erreurs des lves, en faisant de celles-ci des sources dinformations sur le dveloppement de llve. Dans le cas de lanalyse des erreurs en lien avec la cohsion verbale, nous interprtons celles-ci comme des conflits entre les instructions codes par les diffrents marqueurs de temps dans le texte : verbes, organisateurs textuels, connecteurs, complments de phrase ou modificateurs du verbe (Gosselin, 1996).

    Pour analyser les textes, nous utilisons une grille danalyse consti-tue des composantes du genre textuel ainsi que des dimensions lies au fonctionnement de la langue. La modlisation didactique des deux genres tudis permet une clarification des finalits dapprentissage rela-tives la communication. Les modles didactiques des genres fournis-sent une grille des critres et des indicateurs pour valuer les capacits et les manques des apprenants. Nous analysons les textes des lves sur le plan de la cohrence au genre textuel, sur le plan des modalits de mise en texte spcifiques, sur le plan du fonctionnement de la langue. Aussi, nous portons un intrt aux conditions de production de texte

    4. Par cohsion verbale, nous entendons, linstar de Bronckart, les mca-nismes qui contribuent lexplicitation des relations de continuit et de discontinuit et/ou dopposition existant entre les lments de signification exprims par les syntagmes verbaux (1996, p. 277).

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    (la consigne de production, la reprsentation de la situation de com-munication), nous nous intressons la planification du texte, puis aux units linguistiques en pointant particulirement la base temporelle choisie, les principaux changements temporels lintrieur du texte, les organisateurs textuels et les connecteurs 5. Concernant les items rela-tifs au fonctionnement de la langue, notre regard se porte la fois sur les erreurs dorthographe, en lien avec les constructions syntaxiques. Pour analyser les questions orthographiques, nous reprenons le classe-ment institu par Catach (1980/1986) et distinguons les erreurs de type phonogrammique, logogrammique et morphogrammique. Pour ce qui est des questions syntaxiques, nous nous intressons aux choix dauxi-liaires ou de semi-auxiliaires et la valence syntaxique 6. Le tableau 1 regroupe les items de la grille danalyse en vue de lanalyse de textes argumentatifs.

    2. Du fonctionnement des temps verbaux dans deux corpus de textes argumentatifs

    Les textes rassembls en vue de lanalyse appartiennent lactivit lan-gagire argumenter, cest--dire quils abordent des problmes sociaux controverss et visent ltayage, la rfutation et la ngociation de prises de position. Suivant le modle danalyse des activits langagires pro-pos par Bronckart (1996), cest le type de discours interactif qui y est dominant. Celui-ci se caractrise par un monde rfrent conjoint au monde ordinaire de lagent producteur, monde qui nest ancr au-cune autre origine. Le moment o se droulent les vnements et le moment o ils sont crits sont lis. Le discours interactif implique les paramtres de lacte de production (ou du moins certains dentre eux). Il y a donc prsence de lnonciateur et du destinataire dans le texte. Aussi, pour lanalyse des mcanismes de cohsion verbale, la dure de lacte de production peut constituer un paramtre pertinent. Cette per-tinence nexclut pas cependant que soient crs, dans le cours du pro-cessus expositif-interactif, des axes de rfrence temporelle distincts de

    5. Lorganisateur textuel est une phrase, un groupe ou un mot qui sert le bali-sage des grandes parties du texte, en marquant la valeur des transitions. Le connecteur est une unit qui intervient au niveau microstructurel du texte (Chartrand, 2008).

    6. Par valence syntaxique, nous entendons lensemble des proprits de rection des verbes du point de vue syntaxique.

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    Base dorientation Commentaires

    But(s) : Prendre position par rapport une contro-verse en justifiant son point de vue par un ensemble darguments.

    Paramtres du contexte de communication : prise en compte du lieu social de lnonciation, de lnoncia-teur / argumentateur, du destinataire.

    Contenus thmatiques.

    Planification

    Macro-planification : mise en page, structuration du texte en parties, ordre des parties du texte.

    Micro-planification : cohrence interne de chacun des paragraphes : progression thme / rhme (lois de progression, rptition, non-contradiction).

    Textualisation

    Cohsion verbale : base temporelle maintenue ; les autres temps de verbes utiliss sont appropris.

    Cohsion nominale : phnomnes de reprise. Organisateurs textuels et connecteurs. Lexique / vocabulaire. Marqueurs de modalisation : utilisation du condi-

    tionnel, du subjonctif, des auxiliaires de modalit, des adjectifs et des adverbes.

    Marqueurs de prise en charge nonciative : orchestra-tion des diffrentes instances nonciatives : emploi des dictiques et des pronoms.

    Fonctionnement de la langue

    Erreurs phonogrammiques : erreurs dans lcriture du lexme verbal (radical) ou de la dsinence en lien la phontique.

    Erreurs logogrammiques. Erreurs morphogrammiques lexicales (erreurs dans

    la graphie du radical) et grammaticales (erreurs daccord).

    Erreurs lies la syntaxe : valence du verbe, choix de lauxiliaire ou du semi-auxiliaire.

    Tableau1.Grilledanalysedetextesargumentatifs.

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    cette dure de production. tant donn cette diversit de paramtres de contrle possibles, llaboration de la base temporelle prsente, dans le discours interactif, une complexit suprieure celle des autres types de discours. Le reprage des procs peut seffectuer par rapport la temporalit de lnonciation. Dautres axes de rfrence peuvent cepen-dant tre construits, de faon locale, tout au long du processus expo-sitif-interactif. Dans ces cas de figure, le reprage des procs peut alors seffectuer soit par rapport la dure associe lacte de production, soit par rapport cet axe local.

    Le premier genre de texte analys est la note critique dune sortie au thtre. Les huit exemplaires du genre ont t produits par des lves en premire anne du secondaire (9e anne Harmos). Le second genre de texte analys est la lettre de demande. Nous nous intressons aux lettres rdiges par les tudiants de franais langue trangre du cours Atelier dcriture lcole de langue et de civilisation franaises de luniversit de Genve. Ces deux genres argumentatifs prsentent des caractristiques gnriques qui peuvent tre contrastes.

    Dans les productions recenses, le reprage des procs seffectue par rapport la temporalit de lacte de production. Les tudiants uti-lisent donc tous comme temps de base lindicatif prsent. Les procs relats, celui de la soire au thtre pour la note critique et celui de la rception de la dcision de la suppression du parcours linguistique A pour la lettre de demande (cf. 2.2), sont mis en rapport avec dautres lments. Et cest dans cette mise en rapport du procs avec dautres vnements, de dure variable, antrieurs, simultans ou postrieurs que se situent les principaux obstacles. Voyons de manire plus prcise les productions et les difficults rencontres par les apprenants.

    2.1. Les bijoux de la Castafiore : la note critique de la sortie au thtre

    Les textes du corpus Les bijoux de la Castafiore ont la particularit dappartenir ce que Combettes et Fresson nomment des textes hsi-tants , oscillant entre deux systmes dnonciation (1975). En effet, lnonciateur de la note critique doit dabord raconter la pice quil a vue et relater ses impressions en vue dinciter ou non son destinataire aller voir la pice. Lobjectif denseignement de la note critique est donc dentrainer les lves porter un jugement critique sur un produit culturel et partager leurs avis sur ce produit. Sur le plan de la structure, la note critique comprend une partie informationnelle (les informations sur le spectacle et la bande dessine), une partie narrative (rsum de la

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    pice) et une partie argumentative (valuation et apprciation justifie par des arguments). Lune des principales exigences du travail de ce genre de texte est la prise en compte du destinataire ; cest le destina-taire ignorant, qui il faut fournir suffisamment dinformations et dar-guments, qui conditionne tout le travail dlaboration de la note critique (Dolz, Noverraz & Schneuwly, 2001).

    La consigne de production la base des notes critiques analyses est la suivante : les lves doivent rdiger la note critique de la pice de thtre Les bijoux de la Castafiore, inspire de la bande dessine du mme nom, laquelle ils ont assist le vendredi prcdent au thtre de Carouge.

    la lecture des productions ralises par les lves du secondaire, on est tonn des diffrences de qualit entre celles-ci, surtout consid-rant le fait que les tudiants semblent avoir dj t en contact avec le genre 7. Si certaines notes critiques attestent dune certaine connaissance du genre par les lves, dautres, trs brves, semblent avoir t rapide-ment excutes. De faon gnrale, la difficult principale se situe dans la structuration de la note critique en partie. Les lves prouvent des difficults lier leur valuation-apprciation de la pice et les informa-tions sur celle-ci : larticulation entre les parties argumentative, infor-mationnelle et narrative du texte est difficile. Ils ont notamment de la peine situer lnonc du commentaire critique et les informations sur la pice. Cest le cas notamment de la production de Philippe 8.

    (1) parce que la particularit de cette pice cest que lhistoire est quasiment inexistante jusque au moment o la castafiore se fait vol ses bijoux et cette pice offre la particularit la plus cool est de pouvoir voir une bande dessine je vous conseille de ne pas aller la voir.

    Si nous restreignons lanalyse la progression des informations dans ce segment de texte, nous constatons que la proximit, voire lamalgame,

    7. Les informations contenues sur la feuille-support de la consigne nous pous-sent penser que les lves ont dj rdig des notes critiques. Le support comprend une srie dindications pour guider lcriture des lves ainsi quune grille dautovaluation portant sur quatre points : 1) la prsentation et lorganisation du texte ; 2) les informations sur le spectacle et sur la bande dessine ; 3) les arguments critiques et les procds de persuasion ; 4) lusage de la langue.

    8. Tous les prnoms utiliss sont fictifs. Les extraits des productions des lves sont livrs en ltat, sans correction pralable.

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    des informations sur la pice et de lavis donne une impression de pr-cipitation au lecteur.

    Parfois, cest la mise en scne de lnonciation qui pose problme. Marco, un autre lve du groupe, rencontre une difficult au moment du passage entre le rcit du vendredi soir et le commentaire critique :

    (2) Un vendredi soir on est all au thtre de carouge. On a vu Les bijoux de la Castafiore, jai bien aim. Je trouve quils parlaient trop fort. Les arbres taient trop simple, le reste du dcor tait bien.

    Llve a du mal articuler ces deux segments du texte : le moment de la rception de la pice marqu par le pass compos jai bien aim et celui de lnonciation je trouve quils parlaient trop fort . Ces deux moments sont mis dans un rapport de proximit, sans lien explicite, ce qui nuit la comprhension des propos de llve. Les erreurs dans les reprises anaphoriques pronominales tmoignent dailleurs de ces pro-blmes de reprise et de progression de linformation. Un peu plus loin dans le texte, la jonction entre le rcit des sentiments prouvs et les commentaires sur le jeu des acteurs se fait aussi difficilement :

    (3) Je trouve que les comdiens jouaient bien. Le personnage que jai le plus aim cest Bianca, elle joue bien, jaime bien son rire, elle chante bien.

    Limparfait dans les comdiens jouaient bien sert dcrire les im- pressions ressenties. Or, lirruption du prsent elle joue bien, jaime , elle chante la suite du pass compos que jai le plus aim vient tout dun coup brouiller les repres temporels construits : la focale se dplace de la description des impressions ressenties par lnonciateur le soir de la reprsentation son avis gnral sur le travail de la com-dienne, sans transition.

    Dans certaines copies toutefois, les lves utilisent les ruptures tem-porelles afin de crer des effets de sens pour accrocher le lecteur. Dans les textes de Valrie et de Jeanne, le temps du verbe employ dans lamorce, le futur proche ou le prsent, vise interpeler directement le destinataire :

    (4) Enfin, un vendredi spcial car on va regarder une pice des Bijoux de la Castafiore au thtre. Mais alors, est-ce que, ctait bien ? je vous rponds oui ctait gnial.

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    (5) Tu aime voir des Bande Dessin mais on(au) thtre ? Jai dit oui pour voir les bijoux de la Castafiore on thtre parce que je voulais voir si il fesait la mme chose que la Bande Dessin raconte.

    Nous avons not trs peu derreurs en lien avec lorthographe ou la syntaxe. Un lve, Ovide, semble confondre lcriture des formes ver-bales t et taient :

    (6) Les bijoux de la Castafiore a tait jou la premire fois en 2001 au thtre Amstrancrame, et la pice a tait reprise au thtre de Carouge.

    Lerreur ici nous semble de nature phonogrammique, due une confu-sion du son /e/ ou du son //. Comme autres erreurs en lien avec le fonc- tionnement de la langue parmi les exemples recenss, notons des erreurs morphogrammiques lexicales : lcriture du radical de faire en (5) ; mor-phogrammiques grammaticales : une confusion entre la forme participe et infinitive du verbe voler en (1) ; une erreur dans lcriture de la dsi-nence du verbe aimer la deuxime personne du singulier en (5).

    2.2. La lettre de demande au directeur du programme

    Les textes analyss proviennent dune unit de formation intitule Ate-lier dcriture. Il sagit dtudiants poursuivant un diplme dtudes de franais langue trangre la Facult des lettres de luniversit de Genve, lcole de langue et de civilisation franaises, au cours de lanne universitaire 2011-2012 (dsormais ECLF). Parmi les langues dorigine des tudiants, on trouve le russe, le bulgare, lalbanais, le chinois, le japonais, langlais, lallemand et le tagalog. Les objectifs de latelier sont les suivants : assurer les savoirs et savoir-faire du niveau B2 du Cadre europen de rfrence et exercer ceux du niveau C1 . Cela signifie que les tudiants doivent pouvoir crire des textes clairs et dtaills, de divers genres, en dveloppant un point de vue et en faisant la synthse dinformations empruntes des sources diverses. La diversit des textes doit servir lentrainement de structures linguis-tiques essentielles.

    La consigne de production qui apparait sur la feuille remise aux tu-diants se veut raliste : Vous aviez lintention de suivre le parcours A, avec le renforcement linguistique, mais vous venez dapprendre que la direction de lECLF a dcid de le supprimer pour des raisons bud-gtaires. Les tudiants doivent donc crire au professeur Gajo, vri-table directeur de linstitution, pour lui demander de revenir sur cette

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    dcision. La consigne leur demande dexpliquer brivement leurs moti-vations et leurs besoins. Les tudiants ont donc rdig une lettre de demande dans laquelle ils prennent position par rapport la suppression du parcours A. En accord avec le genre, les productions pousent une mise en page particulire : les textes sont chapeauts par une date, un lieu, le nom du destinataire, ses coordonnes ; ils sont signs par leur nonciateur. La prsence de formules de salutations et de formules de clture atteste du respect des conventions du genre. En tmoigne aussi le corps des lettres rdiges, qui comprennent gnralement une contex-tualisation de la demande, la demande en elle-mme et sa justification.

    Du corpus des 16 textes analyss, nous navons pas relev de pro-blmes rcurrents quant la structure du texte. Les organisateurs tex-tuels se trouvent en nombre limit, sont peu varis, mais leur emploi est pertinent. Comme dans le corpus prcdent, les maladresses les plus frquentes relativement au fonctionnement des temps du verbe dans les textes surviennent au moment des ruptures temporelles. Dans les productions recenses, le reprage des procs seffectue par rapport la temporalit de lacte de production. Les tudiants utilisent donc tous lindicatif prsent comme temps de base. Le procs de la rception de la dcision de la suppression du parcours A est mis en rapport avec dautres lments. Et cest dans cette mise en rapport du procs avec dautres vnements, de dure variable, antrieurs, simultans ou pos-trieurs, que se situent les principaux obstacles.

    Un premier ensemble derreurs relve de la cohsion textuelle. Les erreurs observables en (7) et (8) sont dues au marquage de lantriorit dans la contextualisation de la demande au directeur.

    (7) Je viens dapprendre que le parcours A a t annul. Je le trouve triste surtout pour les tudiants. Jai choisi ce cours la semaine prochaine.

    La prsence du complment la semaine prochaine ne permet pas didentifier leffet de sens du pass compos : le complment temporel futur entre en conflit avec laction ponctuelle passe. Ici, on peine comprendre ce que ltudiant a voulu dire.

    Dans lexemple (8), lusage de limparfait au passif entraine une rupture avec le contexte dnonciation et labsence de lien avec un autre intervalle du contexte nuit la clart du propos :

    (8) jtais tellement due de savoir que le parcours A, avec le ren-forcement linguistique, tait supprim .

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    Dans dautres exemples, le jeu entre les diffrents temps de verbes utiliss nuit la stratgie argumentative employe 9. Dans lexemple (9), le pass compos avez chang , bien que syntaxiquement correct, empche la projection future des effets de la rception de la lettre :

    (9) jespre que vous avez chang davis aprs avoir lu cette ptition .

    Dans lexemple (10), le passage du conditionnel devriez rflchir au prsent peuvent et doit ne permet pas non plus de comprendre quil sagit de lnonc de consquences futures :

    (10) Vous devriez bien rflchir cette dcision car il y a beaucoup dtu-diants qui ne peuvent plus continuer leurs tudes ou leurs carrires et la probabilit de trouver un bon travail doit tre trs difficile.

    Dans lexemple (11), le passage du subjonctif prsent puisse au prsent peut amne une rupture dans lnonc de potentialits :

    (11) Je me propose comme bnvole lUNIGE fin de reunir les fonds montaires qui puisse aider ouvrir ce cours et qui peut bnficier tous les lves.

    Dans lexemple (12), le verbe trouver aurait d tre conjugu au futur.

    (12) Cest vrai que ma situation budgtaire est difficile pour instant. Mais je vous jure que je trouve des moyens pour se sortire cette si- tuations.

    Lerreur peut aussi sinterprter comme un mauvais choix lexical. En effet, laspect lexical du verbe trouver marque lachvement du pro-cs avec un rsultat ; un verbe comme chercher qui prsente le procs comme dynamique et non rsultatif aurait t prfrable.

    Un second ensemble derreurs concerne des aspects propres au fonc- tionnement de la langue. Les tudiants prouvent des difficults res-pecter les rgles de la concordance des temps dans les phrases com-plexes. Dans lexemple (13), cest la formulation dun souhait dans les constructions esprer que qui pose problme :

    (13) jespre que vous pourriez trouver la solution de ce problme budgtaire .

    9. Dans les textes des tudiants, largumentation est souvent pragmatique : la dcision est value en fonction de ses consquences favorables ou dfavo-rables, autrement dit de son utilit (Bellenger, 1996).

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    Les erreurs dans la construction de la phrase complexe surviennent au moment du marquage de lantriorit entre le moment de la rcep-tion de la triste nouvelle et le moment de la nouvelle elle-mme :

    (14) Hier soir, jai reu la nouvelle que vous avez dcid de suprimer le cours DE1 cause des raisons budgtaires.

    (15) Jai entendu que le cours du renforcement linguistique est sup-prim pour des raisons budgtaires.

    Les verbes des deux subordonnes devraient tre, en (14), au plus-que-parfait et, en (15), limparfait au passif afin de marquer que les faits sont antrieurs ceux dsigns par les verbes au pass compos ai reu et ai entendu . Notons que, du point de vue nonciatif, ces deux derniers exemples sont acceptables.

    Dans lexemple (16), cest lemploi du si hypothtique qui pose problme :

    (16) et je vous serai vraiment reconaissant si vous pourriez faire un petit effort .

    Il arrive que les difficults dordre syntaxique sentremlent des difficults de compatibilit smantique et de syntaxe. Dans une copie, cest la valence du verbe croire qui pose problme, mais aussi la com-binaison de croire et de sentiments respectueux sans le passage par en lexpression de :

    (17) Dans lattente de votre dcision, que jespre favorable, je vous prie de croire, Monsieur, mes sentiments respectueux.

    2.3. Deux corpus contrasts

    Lanalyse du contexte de production savre cruciale pour comprendre les textes produits et situer les obstacles des lves. Les deux genres de textes produire, appartenant tous deux laction langagire argu-menter, gnrent des difficults similaires et divergentes.

    La note critique demande llve de maitriser certains contenus, certains procds argumentatifs afin de porter un jugement sur un pro- duit culturel. Peu dlves arrivent les mobiliser, malgr le fait que ce soit l une deuxime production du genre, malgr la prsence dune grille dautovaluation. Le ralisme de la situation de communication scolaire de la lettre de demande, sa proximit avec la ralit des tudiants contribuent leur faire gnrer facilement des arguments. Si certains confondent quelque peu lenjeu fictif de celle-ci (on mle la suppression

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    du parcours avec son renvoi personnel, comme dans lexemple (12)), la plupart se prtent au jeu avec aisance ; en tmoignent la gestion des voix nonciatives (la leur et celle des autres apprenants allophones dans la mme situation) et la formulation explicite dune demande.

    La lettre de demande au directeur et la note critique de la pice de thtre demeurent deux genres scolaires, mais la base dorientation ( qui jcris ? et pour parler de quoi ?) de la lettre de demande semble plus facile se reprsenter pour les tudiants. Pour la note critique, les lves ne connaissent pas assez le genre et ne vont pas assez souvent au thtre pour prendre, par rapport au contenu du texte, la distance ncessaire son laboration.

    La comparaison des difficults montre que les deux groupes par-tagent une mme difficult : la gestion des ruptures temporelles, car, en effet, cest lors de la mise en rapport du procs qui fait lobjet dun commentaire avec dautres vnements de dure variable, antrieurs, simultans ou postrieurs, que se situent les principaux obstacles. Les nombreux axes temporels tmoignent de la complexit de llabora-tion de la base temporelle prsente du discours interactif dans les deux corpus.

    Dautres erreurs sont propres au genre travaill : larticulation des diffrents segments du texte dans la note critique et lexpression des formules de souhait ou de salutations finales dans la lettre de demande.

    Les erreurs dans la construction de phrases complexes semblent tre plus frquentes chez les tudiants de franais langue trangre, mais cela est d au fait que les lves du secondaire emploient gnralement des phrases simples et lient les phrases entre elles par juxtaposition, coordination plutt que par subordination.

    3. Des usages potentiels de notre dmarche danalyse dans la formation des enseignants du secondaire

    En quoi ce travail danalyse pourrait-il servir la formation des ensei-gnants ? Nous voyons deux grands apports : primo, la dmarche permet de slectionner les concepts et notions ncessaires au travail sur le fonc-tionnement des temps du verbe dans les textes, clarifiant la mtalangue ; secundo, en croisant grammaire et production textuelle, elle incite les enseignants adopter une double perspective dans leur pratique : la prise en compte des besoins des lves ou des tudiants et le dploie-ment de lobjet enseigner.

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    3.1. Clarifier la mtalangue

    Un des objectifs dune formation des enseignants pour traiter un ph-nomne complexe comme le fonctionnement des temps du verbe est de rendre compte du discours servant nommer et prsenter les compo-sants de lobjet systme verbal. Lanalyse dirige de ces deux corpus permet deffectuer le tri des concepts et des notions en fonction des ncessits. Les concepts de types de discours et de genres textuels per-mettent de mettre en vidence, en situation de formation, les paramtres du contexte et de la situation de communication (lnonciateur, le desti-nataire et le but), lorganisation du texte et les units linguistiques. Or, si le genre textuel est un concept frquent dans les plans dtudes ou les manuels, celui de type de discours semble appartenir une littra-ture plus savante. Il faudrait alors simplifier et, linstar de Combettes, Fresson & Tomassone (1978) dans leur manuel, reprendre la distinction de Benveniste entre discours et rcit, et recourir des critres simples tels que la correspondance auteur-metteur, linterpellation du destina-taire, les temps utiliss. Les exemples relevs dans lanalyse montrent la difficult mettre en lien les diffrents temps du texte : le moment o lon argumente (nonciation), le procs relat (lvnement principal, mais aussi les autres procs qui sy adjoignent) et le moment de rf-rence (le moment dont je parle). En effet, cest au moment o survient une rupture par rapport au temps de base que les difficults apparais-sent. Il peut tre intressant de faire travailler les apprenants, partir de leurs propres crits ou de ceux de leurs pairs, la mise en relation de ces trois moments, de dure variable. On les amne ainsi distinguer expression du temps et temps verbaux. En amont, on peut prolonger la rflexion en leur faisant identifier le temps absolu, cest--dire la struc-turation du temps opre par le calendrier, le temps anaphorique, li au moment de rfrence, et le temps dictique, propre lnonciation (Barcelo & Bres, 2006).

    Lanalyse a aussi permis de mettre en vidence des indicateurs propres au texte et dautres relatifs au fonctionnement de la langue. La sparation entre ce qui relve dune grammaire de la phrase ou de ce que nous avons appel le fonctionnement de la langue et dune gram-maire pour ltude du texte demeure assez complexe, mme pour des tudiants en formation lenseignement. Or, dans ltude des phno-mnes de cohsion temporelle, ces deux plans danalyse doivent tre distingus. Par exemple, le form doit pouvoir diffrencier lorganisa-teur textuel du connecteur. De mme, lapprenant doit reconnaitre les

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    situations o sappliquent les rgles de la concordance des temps, de manire ne pas confondre les notions de cohrence temporelle et de concordance des temps.

    3.2. Aider lingnierie didactique en dcryptant les contextes communicatifs dans lesquels on fait rdiger les lves

    Un dispositif de formation bas sur une dmarche danalyse de textes dlves incite la prise en compte des capacits prsentes et des be-soins des lves ou des tudiants. Il permet une premire identification de problmes rcurrents dans lapprentissage des phnomnes de coh-sion temporelle et de situer ceux-ci dans lensemble des composantes de lobjet enseigner. Il vise faire entrer lapprenant en formation dans des cadres dexplicitation multiples : celui du dploiement de lobjet de savoir, celui de lapprentissage des lves, en fonction de leur ge, de leur langue premire, de leurs capacits. La cration dun outil pour guider les enseignants forms la lecture et lanalyse des textes fait valoir lide quun des objectifs de lenseignement grammatical est daider les lves produire et comprendre divers genres de textes. Lusage de textes dlves en formation contribue articuler davan-tage le terrain au savoir grammatical. Enfin, comme il sagit de montrer lusage des notions en contexte, nous contribuons doter les forms dune certaine lucidit didactique 10 devant ce phnomne grammatical complexe.

    Comme la dmarche danalyse permet la mise distance de situa-tions dcriture, dans des contextes diffrents, elle expose le contexte communicatif dans lequel on fait crire les lves et le met en dbat. Du coup, les enseignants en formation sont amens revoir certains gestes : la formulation de consignes, la conception de supports (moyens matriels) pour faire crire, la fictionnalisation de la situation de com-munication (le comment on va faire comme si), la prise en compte des capacits initiales des apprenants. Qui plus est, le contraste de produc-tions dlves francophones et allophones apporte quelques pistes en vue dun enseignement grammatical tenant compte du contexte franco-phone plurilingue suisse.

    Dans le contexte de la formation, une telle dmarche permet dla-borer un cadre de rflexion sur le genre produit par llve, mais aussi sur le dispositif denseignement (supports matriels et discours) qui a

    10. Nous empruntons lexpression Jean-Louis Chiss.

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    men la production du texte. La distinction de ces diffrentes compo-santes permet de mieux dcouper les objets enseignables et de penser les liens entre, dune part, les diffrents concepts que lenseignant doit mai-triser pour enseigner et, dautre part, les notions quil doit enseigner 11 aux lves. Enfin, la dmarche facilite le relai des outils et des contenus de la formation la classe de deux manires diffrentes. Comme elle prend appui sur des activits menes en classe, nous supposons quelle gnrera de lintrt au moment de sa rception en formation. Mais, surtout, cet appui sur le terrain donne de la rsonance la dmarche et aux contenus prsents dans les pratiques existantes des enseignants (Gagnon, 2010).

    3.3. Tester la dmarche dans le contexte de la formation

    La reconnaissance pleine et entire de la fonction mtalinguistique et la construction en classe des objets grammaticaux [] fonde sur la description et lexplicitation des fonctionnements (Chiss, 2005, p. 84) dpendent en grande partie du traitement de ces objets dans la formation des enseignants. Il sagit de penser des ponts entre forma-tion et enseignement pour quun concept grammatical complexe tel que le systme verbal devienne objet de formation et puisse tre ensuite reformul dans les pratiques enseignantes. Ce concept complexe peut permettre de mener en formation une vraie rflexion sur lenseignable et les degrs denseignabilit (Chiss, 2011, p. 26). Ltude dun ph-nomne grammatical complexe, tel que le fonctionnement des temps verbaux dans les textes, requiert donc la mise en place de dispositifs de formation axs sur une dmarche active de dcouverte o les futurs enseignants observent, manipulent, formulent des hypothses pour d-velopper des concepts et notions (Chartrand, 1996). Cest dailleurs lexprimentation concrte de notre dispositif sur le terrain que nous consacrerons les prochaines tapes de ce projet.

    11. Nous distinguons donc les concepts, produits par le monde scientifique et savant, des notions, lesquelles correspondent des connaissances gnrales de sens commun ou dexprience construites, entre autres, dans une disci-pline scolaire en classe (Chartrand & De Koninck, 2009).

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