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Master de fin d'études présenté par Claire BRANDELEER en vue de l'obtention du diplome de Master en politique économique et sociale.
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UNIVERSITE CATHOLIQUE DE LOUVAIN Faculté Ouverte de Politique Economique et Sociale
ANALYSE DES CONCEPTIONS DE L’ENTREPRISE SOCIALE EN BELGIQUE FRANCOPHONE
ETUDE EXPLORATOIRE
Promotrice : Marthe NYSSENS
Accompagnateurs : Romeo SHARRA
Pierre van STEENBERGHE
Mémoire de fin d’études présenté en
vue de l’obtention du diplôme de
Master en politique économique et
sociale
Par Claire BRANDELEER
Septembre 2010
2
Je tiens à remercier ma commission d’accompagnement, pour nos
échanges intéressants qui m’ont poussée à approfondir ma réflexion.
Merci à Romeo Sharra et à Pierre van Steenberghe pour le temps qu’ils
m’ont consacré et leurs remarques constructives. Je remercie tout
particulièrement Marthe Nyssens pour ses suggestions et conseils
judicieux, sa très grande disponibilité et l’enthousiasme qu’elle a
manifesté tout au long de ma démarche.
3
Table des matières
Introduction 5
I. Conceptualisations de l’entreprise sociale, de l’entrepreneuriat social et de l’entrepreneur
social. Présentation de trois écoles de pensée
1. Introduction 7
2. L’approche du réseau européen EMES 7
2.1. A propos du réseau EMES 7
2.2. Ancrage dans l’économie sociale 8
2.2.1. Le secteur de l’économie sociale 8
2.2.2. Limites du concept de l’économie sociale 9
2.2.3. L’innovation au sein des organisations du secteur de l’économie sociale 9
2.3. Définition de l’entreprise sociale 10
2.4. Théorie de l’entreprise sociale à ressources, objectifs et parties prenantes
multiples 13
2.5. Lien entre l’approche EMES et l’économie sociale 15
3. L’approche américaine de l’innovation sociale 16
3.1. Introduction 16
3.2. L’entrepreneur social innovant 16
3.3. Focus sur l’innovation sociale 20
4. L’approche américaine de l’entreprise sociale 22
4.1. Introduction 22
4.2. Le secteur nonprofit 23
4.2.1. Définition 23
4.2.2. Evolution 24
4.3. The social enterprise school of thought 25
5. Convergences et divergences 28
5.1. La mission sociale 29
5.2. L’entreprise sociale, le risque économique et les ressources 29
5.3. Le lien entre l’activité de production et la mission sociale 30
5.4. L’entrepreneuriat social 30
5.5. Le mode de gouvernance 30
5.6. Tableau récapitulatif 32
4
II. Analyse des conceptions de l’entreprise sociale, de l’entrepreneuriat social ou de
l’entrepreneur social en Belgique francophone
1. Introduction 33
2. Cartographie des acteurs en Belgique francophone 34
2.1. Les fédérations 34
2.2. Les organismes « ressource » 35
2.3. Les acteurs politiques 35
2.4. Les instituts d’enseignement et de recherche 35
2.5. Tableaux récapitulatifs des acteurs 36
3. Hypothèses 37
4. Méthodologie 38
4.1. Echantillon 38
4.2. Méthodes de récolte des données 39
5. Présentation et analyse des données 40
5.1. ConcertES 41
5.2. AtoutEI 44
5.3. Crédal 48
5.4. Triodos 51
5.5. Réseau des entreprises sociales 54
5.6. Sowecsom 57
5.7. Centre d’économie sociale (Ulg) 60
5.8. The Hub 64
5.9. Fondation Philippson 67
5.10. CRECIS (LSM-UCL) 70
5.11. Positionnement des acteurs: synthèse 73
6. Vérification des hypothèses 77
Conclusion 78
Bibliographie 80
Annexe A: Script des interviews 83
Annexe B: Questionnaire 97
Annexe C: Résultats du questionnaire 100
5
Introduction
Parallèlement au secteur privé lucratif et au secteur public, existe également un troisième
secteur, qu’en Belgique l’on nomme généralement économie sociale. Durant les deux
dernières décennies, ce tiers-secteur a connu des évolutions importantes, résultant d’un
dynamisme nouveau. En témoigne, la création de nouveaux statuts légaux dans plusieurs pays
européens dans l’objectif de soutenir ce secteur de l’économie sociale, tels que le statut de
« coopérative sociale » introduit en 1991 en Italie, celui de « société à finalité sociale » (SFS)
adopté en Belgique en 1995 ou encore celui de « société coopérative d’intérêt collectif » créé
en 2002 en France. En témoigne également, l’usage de plus en plus fréquent des vocables
d’entreprise sociale, d’entrepreneuriat social ou encore d’entrepreneur social. Le
développement du tiers-secteur a suscité un vif intérêt, notamment au sein des universités.
Des deux côtés de l’Atlantique, différents cadres théoriques ont été élaborés par des
chercheurs, afin de rendre compte de la réalité changeante du tiers-secteur1. Ainsi, plusieurs
écoles de pensée coexistent, chacune conceptualisant l’entreprise sociale, l’entrepreneuriat
social ou l’entrepreneur social de manière différente. En suivant Defourny et Nyssens (2009),
nous en présentons trois dans le cadre de ce mémoire: (1) l’approche européenne de
l’entreprise sociale développée par le réseau de recherche EMES, (2) l’approche américaine
de l’innovation sociale et (3) l’approche américaine de l’entreprise sociale2. Outre les
scientifiques, d’autres types d’acteurs se sont emparés de ces trois vocables, notamment les
porteurs de projet d’économie sociale, les fédérations d’organisations de l’économie sociale,
les acteurs politiques, etc. Si ces notions suscitent un engouement de leur part, il n’existe
cependant pas de définitions fédératrices autour desquelles tous les types d’acteurs
s’accordent. Pour la reconnaissance et le développement du tiers-secteur, il serait pourtant
utile que les différents acteurs trouvent un langage commun, d’autant plus qu’au débat
s’ajoutent des intervenants promouvant des démarches de type RSE (responsabilité sociale
des entreprises) avec lesquels les acteurs se revendiquant de l’entrepreneuriat social ou de
l’entreprise sociale sont appelés à dialoguer.
1 Les notions d’entreprise sociale, d’entrepreneuriat social et d’entrepreneur social sont aussi objet de débats
ailleurs sur le globe, mais dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons plus particulièrement à l’Europe et
aux Etats-Unis. 2 Ce sont Dees et Anderson qui utilisent cette typologie pour faire la distinction entre ces deux dernières écoles
de pensée présentes aux Etats-Unis (Dees & Anderson, 2006, cités dans Defourny & Nyssens, 2009: 6).
6
Ces constats étant posés, viennent alors les questions suivantes: quelles représentations se font
les acteurs de l’économie sociale des concepts d’entreprise sociale, d’entrepreneuriat social et
d’entrepreneur social ? Dans quelle mesure les cadres théoriques existants offrent-ils un
espace dans lequel leurs représentations pourraient être situées ? Dans le cadre de ce mémoire,
il est nécessaire de préciser davantage ces questions, ce qui nous mène à notre question de
départ:
Quel cadre théorique, parmi les trois que nous présentons, correspond le mieux aux
représentations de l’entreprise sociale, de l’entrepreneuriat social et/ou de
l’entrepreneur social que se font les acteurs revendiquant ces vocables en Belgique
francophone?
Nous insistons sur le fait qu’il s’agit d’une part de cadres théoriques, c’est-à-dire de
manières de conceptualiser les notions dont il est question, et d’autre part de
représentations, c’est-à-dire de discours à propos de ces mêmes notions.
Ce mémoire présente un double intérêt. D’une part, il a une pertinence scientifique: les
concepts d’entreprise sociale, d’entrepreneuriat social et d’entrepreneur social sont élaborés
par les chercheurs au sein des universités; il est intéressant d’étudier comment les autres
acteurs se positionnent par rapport à ceux-ci. D’autre part, il a une pertinence sociale: ces
nouvelles notions animent le secteur de l’économie sociale et font débat parmi les différents
acteurs; il est donc intéressant de voir s’il y a convergence dans les représentations qu’ils se
font des notions dont il est question.
Ce mémoire est structuré en deux chapitres. Le premier est théorique et est consacré à la
présentation des trois écoles de pensée. Ce chapitre conclut en soulignant les points de
convergence et de divergence entre les trois cadres théoriques. Le deuxième chapitre est
dévolu à la partie empirique. Tout d’abord, nous présentons notre population à l’aide d’une
cartographie des acteurs en Belgique francophone revendiquant les vocables d’entreprise
sociale, d’entrepreneuriat social et/ou d’entrepreneur social. Cette cartographie nous a
également permis de poser nos hypothèses de travail. Ensuite, nous avons construit un
échantillon de dix acteurs que nous avons interviewés et auxquels nous avons soumis un
questionnaire. La partie principale de ce deuxième chapitre comporte la présentation et
l’analyse des données récoltées. Enfin viennent la vérification des hypothèses et notre
conclusion.
7
I. Conceptualisations de l’entreprise sociale, de l’entrepreneuriat social et de l’entrepreneur social. Présentation de trois écoles de pensée
1. Introduction
Les trois écoles de pensée que nous présentons dans ce premier chapitre ne sont pas les seules
approches rendant compte des évolutions du tiers-secteurs ou conceptualisant l’entreprise
sociale ou l’entrepreneuriat social. En Europe, il existe effectivement l’approche italienne des
coopératives sociales (Defourny, 2004: 2; Defourny & Nyssens, 2009: 8) et l’approche
britannique de l’entreprise sociale (Defourny, 2004: 14-15). Aux Etats-Unis, les stratégies de
type RSE (responsabilité sociale des entreprises) sont souvent associées à de l’entrepreneuriat
social (Defourny & Mertens, 2008: 13). Nous choisissons d’exclure de notre recherche ces
approches, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, l’approche italienne des coopératives
sociales et l’approche britannique de l’entreprise sociale ont été élaborées dans un territoire
déterminé et en fonction d’un contexte particulier. Il ne nous semble donc pas opportun de les
prendre en considération pour répondre à la question qui nous occupe. Pourquoi dès lors se
tourner vers des approches américaines ? Nous suivons Defourny et Nyssens qui affirment
qu’il y a des influences américaines sur les discours européens (Defourny & Nyssens, 2009:
20). Il nous paraît donc pertinent de les prendre en compte. Nous suivons Dees et Anderson
(cités dans Defourny & Nyssens, 2009: 6) qui distinguent deux écoles de pensée principales
aux Etats-Unis, et laissons donc de côté des approches centrées sur les stratégies de type RSE.
2. L’approche du réseau européen EMES
2.1. A propos du réseau EMES
Depuis 1996, le réseau EMES3 regroupe des chercheurs européens de disciplines et
d’horizons divers autour de la question de l’entreprise sociale en Europe. Ces chercheurs ont
travaillé à l’élaboration d’une approche propre et d’un cadre théorique commun (Defourny,
3 EMES est l’acronyme d’Emergence des entreprises sociales en Europe, titre de la première étude du réseau
européen de recherche du même nom. Il s’agit d’une étude commanditée par la Commission européenne et
menée de 1996 à 1999 dans les quinze pays que l’Union européenne comptait à ce moment-là. Par la suite, le
réseau EMES a mené d’autres projets à propos des entreprises sociales et de l’économie sociale. Actuellement, il
rassemble onze centres de recherche universitaires, ainsi que des chercheurs individuels spécialisés dans ces
sujets. Voir www.emes.net.
8
2004: 10; Defourny & Mertens, 2008: 4; Defourny & Nyssens, 2006: 4-5). Les différentes
traditions académiques présentes en Europe pour analyser le tiers-secteur ont été prises en
considération, de même que les contextes sociaux, politiques et économiques hétérogènes
(Defourny & Nyssens, 2008: 5 & 2009: 11). En conséquence, l’approche EMES est issue non
seulement d’une collaboration interdisciplinaire mais aussi d’un enrichissement mutuel entre
les chercheurs de réalités et de sensibilités différentes.
2.2. Ancrage dans l’économie sociale
2.2.1. Le secteur de l’économie sociale
Le cadre conceptuel de l’entreprise sociale développé par le réseau EMES s’ancre dans la
théorie de l’économie sociale. Nous suivons Defourny (2001: 4-7) pour donner quelques
repères à propos du secteur de l’économie sociale, qu’en Europe l’on identifie au troisième
secteur (Laville & Nyssens, 2001: 312), qui se distingue des secteurs public et privé à but
lucratif. Le secteur de l’économie sociale peut être appréhendé de deux manières
complémentaires: soit par une approche légale ou institutionnelle, soit par une approche
normative. La première se base sur les caractéristiques légales des entités du troisième
secteur. Ainsi, en font partie les coopératives, les mutuelles et les associations (les fondations
étant inclues dans ces dernières). A cela peuvent également s’ajouter des initiatives plus
informelles (e.g. les associations de fait). La deuxième manière de considérer les entités de
l’économie sociale revient à mettre en exergue leurs points de convergence d’un point de vue
normatif, c’est-à-dire leurs principes communs (Defourny, 2001: 4-7). La définition du
Conseil wallon de l’économie sociale (CWES), reprise dans plusieurs pays, est celle-ci: « Par
économie sociale, […], on entend les activités économiques productrices de biens ou de
services, exercées par des sociétés, principalement coopératives et/ou à finalité sociale, des
associations, des mutuelles ou des fondations, dont l’éthique se traduit par l’ensemble des
principes suivants:
finalité de service aux membres ou à la collectivité plutôt que finalité de profit;
autonomie de gestion;
processus de décision démocratique;
primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus. »4
4 Voir http://www.concertes.be/joomla/images/documents/decretes_20081120_moniteur20081231.pdf, en ligne,
consulté le 09.03.2010.
9
2.2.2. Limites du concept de l’économie sociale
Selon Defourny (2001: 10-11), le concept d’économie sociale n’est pas à même de rendre
compte de la multiplicité des réalités du troisième secteur, et cela pour deux raisons.
Premièrement, en se reposant sur une définition dont le but est de saisir l’entièreté du tiers-
secteur, il n’est pas possible, selon Defourny, de tenir compte de structures qui ne satisfont
pas entièrement à la définition, ni de prendre en considération des caractéristiques que seules
certaines organisations remplissent, ni d’inclure des organisations se situant aux frontières du
troisième secteur (Defourny, 2001: 10). Deuxièmement, la notion d’économie sociale est
statique et ne peut dès lors pas prendre la mesure du dynamisme à l’œuvre dans le tiers-
secteur. Ainsi, le concept d’économie sociale ne rend pas compte de dynamiques
entrepreneuriales ni de la prise de risque économique que l’on peut observer dans des entités
du secteur (Defourny, 2001: 10). Or, en analysant l’évolution du tiers-secteur, le réseau
EMES décèle un nouveau type d’entrepreneuriat social émergeant depuis une vingtaine
d’années (Defourny, 2001: 11-14 & 2004: 11-14; Defourny & Mertens, 2008: 4-7).
2.2.3. L’innovation au sein des organisations du secteur de l’économie sociale
Bien souvent, le secteur de l’économie sociale s’est développé pour répondre à des besoins
non ou mal satisfaits par les secteurs public et privé lucratif (Defourny & Mertens, 2008: 5).
L’innovation constitue donc la matrice de l’économie sociale. Si c’est le propre de l’économie
sociale d’innover, les chercheurs du réseau EMES mettent cependant en lumière un nouvel
entrepreneuriat social actif au sein du tiers-secteur depuis les années 1990. Pour cela,
l’approche EMES s’appuie sur la théorie de l’entrepreneuriat de Schumpeter, selon laquelle il
y a plusieurs possibilités pour l’entrepreneur d’innover: « (1) [la] fabrication d’un bien
nouveau (…), ou d’une qualité nouvelle d’un bien, (2) [l’]introduction d’une méthode de
production nouvelle (…), (3) [l’]ouverture d’un débouché nouveau, c’est-à-dire d’un marché
(…), (4) [la] conquête d’une source nouvelle de matières premières (…), (5) [la] réalisation
d’une nouvelle organisation (…) » (Schumpeter, 1935: 319). Il n’est donc pas forcément
question d’invention en tant que telle: il peut aussi s’agir de « nouvelles combinaisons »
(Schumpeter, 1935: 319). L’approche EMES, qui suit une version adaptée (par Young et
Badelt) de cette théorie pour bien cerner la réalité de ce nouvel entrepreneuriat dont il est
question ici, met en évidence cinq indicateurs:
10
Nouveaux produits ou nouvelles qualités de produit
Nouvelles méthodes d’organisation et/ou de production
Nouveaux facteurs de production
Nouveaux rapports au marché
Nouvelles formes d’entreprises
Source: Defourny & Mertens, 2008: 4-7
Defourny et Mertens mettent en relief des pratiques innovantes à l’œuvre au sein du troisième
secteur depuis une vingtaine d’années et faisant référence à ces cinq indicateurs. Ainsi, ils
remarquent le développement d’activités nouvelles (telles que les nouvelles formes d’épargne,
le commerce équitable, etc.), de même que l’amélioration de certains services aux personnes
(tels que l’insertion socioprofessionnelle, les services aux personnes âgées, etc.) (Defourny &
Mertens, 2008: 5). Ils relèvent également l’existence de méthodes d’organisation nouvelles,
mobilisant des parties prenantes de bords divers (Defourny & Mertens, 2008: 5). Au niveau
des facteurs de production, Defourny et Mertens notent que le travail bénévole et le travail
rémunéré ont évolué. Une logique plus pragmatique sous-tend le premier et une logique de
professionnalisation sous-tend le second (Defourny & Mertens, 2008: 6). Concernant les
rapports au marché, ils mettent en lumière la culture entrepreneuriale inspirée du monde du
business vers laquelle les organisations de l’économie sociale sont poussées dès lors qu’elles
sont placées dans une logique de concurrence avec d’autres entités privées à but lucratif pour
obtenir des appels d’offre lancés par les pouvoirs publics désireux de déléguer certains
services (Defourny & Mertens, 2008: 6-7). Defourny et Mertens soulignent également
l’élaboration de statuts juridiques nouveaux dans plusieurs pays européens (Defourny &
Mertens, 2008: 7).
2.3. Définition de l’entreprise sociale
Considérant la réalité de ce nouvel entrepreneuriat social, le réseau EMES a développé son
approche afin d’étudier ces phénomènes nouveaux (Defourny, 2001: 16). Dans l’approche
EMES, la notion d’entreprise sociale est centrale. Celle-ci est conceptualisée à l’aide de
différents indicateurs de nature économique et sociale (voir encadré ci-dessous). Une
organisation ne doit pas nécessairement répondre à tous ces indicateurs afin d’être considérée
comme une entreprise sociale. La notion d’entreprise sociale, concrétisée par l’ensemble de
11
ces indicateurs, n’est donc pas une définition mais un idéal-type5 qui permet aux chercheurs
de s’y retrouver dans l’ensemble des entreprises sociales et de les situer les unes par rapport
aux autres (Defourny & Nyssens, 2006: 7, 2008: 5 & 2009: 11; Defourny & Mertens, 2008:
8). Notons qu’au départ, cette série d’indicateurs était de l’ordre de l’hypothèse. L’empirie a
cependant montré qu’il s’agissait effectivement d’un outil fécond pour comprendre la réalité
des entreprises sociales (Defourny, 2004: 15-16). Soulignons également qu’il est possible, à
l’aide de ces indicateurs, de situer dans le paysage des entreprises sociales de nouvelles
organisations, tout comme de plus anciennes entités du troisième secteur qui sont travaillées
par de nouvelles dynamiques et s’en trouvent refaçonnées (Defourny, 2004: 17; Defourny &
Nyssens, 2009: 12).
Pour attester le caractère économique et entrepreneurial des initiatives envisagées, quatre
éléments ont été retenus:
Une activité continue de production de biens et/ou de services
Les entreprises sociales, à l’inverse de certaines organisations non-profit traditionnelles,
n’ont normalement pas comme activité principale la défense d’intérêts, ni la redistribution
d’argent (comme c’est le cas, par exemple, de beaucoup de fondations), mais elles sont
directement impliquées, d’une manière continue, dans la production de biens et/ou l’offre de
services aux personnes. L’activité productive représente donc la raison d’être – ou l’une des
principales raisons d’être – des entreprises sociales.
Un degré élevé d’autonomie
Les entreprises sociales sont créées par un groupe de personnes sur base d’un projet propre et
elles sont contrôlées par celles-ci. Elles peuvent dépendre de subsides publics mais ne sont
pas dirigées, que ce soit directement ou indirectement, par des autorités publiques ou d’autres
organisations (fédérations, entreprises privées…). Elles ont le droit tant de faire entendre leur
voix (« voice ») que de mettre un terme à leurs activités (« exit »).
Un niveau significatif de prise de risque économique
Les créateurs d’une entreprise sociale assument totalement ou partiellement le risque qui y
est inhérent. A l’inverse de la plupart des institutions publiques, leur viabilité financière
dépend des efforts consentis par leurs membres et par leurs travailleurs pour assurer à
l’entreprise des ressources suffisantes.
5 L’idéal-type est une notion développée par Max Weber. Il ne s’agit pas d’un idéal qui sous-entendrait l’idée de
perfection à atteindre, mais d’un « outil méthodologique destiné à faire ressortir la spécificité d'un phénomène.
La construction d'un type idéal s'opère en trois temps: sélection de traits pertinents, accentuation de ces traits,
articulation de ces traits pour former un tableau de pensée cohérent et homogène (d'après Weber) » (Van
Campenhoudt, 2001: 254).
12
Un niveau minimum d’emploi rémunéré
Tout comme les organisations « non-profit » traditionnelles, les entreprises sociales peuvent
faire appel à des ressources tant monétaires que non monétaires, et à des travailleurs
rémunérés comme à des volontaires. Cependant, l’activité de l’entreprise sociale requiert un
niveau minimum d’emploi rémunéré.
Pour identifier la dimension sociale des initiatives, cinq indicateurs ont été privilégiés:
Un objectif explicite de service à la communauté
L’un des principaux objectifs des entreprises sociales est le service à la communauté ou à un
groupe spécifique de personnes. Dans la même perspective, une caractéristique des
entreprises sociales est constituée par leur volonté de promouvoir le sens de la responsabilité
sociale au niveau local.
Une initiative émanant d’un groupe de citoyens
Les entreprises sociales résultent d’une dynamique collective impliquant des personnes qui
appartiennent à une communauté ou à un groupe qui partage un besoin ou un objectif défini;
cette dimension est maintenue dans le temps d’une manière ou d’une autre, même s’il ne faut
pas négliger l’importance d’un leadership souvent exercé par une personne ou un noyau
restreint de dirigeants.
Un pouvoir de décision non basé sur la détention de capital
Ce critère renvoie généralement au principe « un membre, une voix », ou tout au moins à un
processus de décision dans lequel les droits de vote au sein de l’assemblée détenant le
pouvoir de décision ultime ne sont pas répartis en fonction d’éventuelles participations au
capital. En outre, si les propriétaires du capital social sont importants, le pouvoir de décision
est généralement partagé avec d’autres acteurs.
Une dynamique participative, impliquant différentes parties concernées par l’activité
La représentation et la participation des usagers ou des clients, l’exercice d’un pouvoir de
décision par diverses parties prenantes au projet et une gestion participative constituent
souvent des caractéristiques importantes des entreprises sociales. Dans bon nombre de cas,
l’un des objectifs des entreprises sociales est de promouvoir la démocratie au niveau local
par le biais de l’activité économique.
Une limitation de la distribution des bénéfices
Si les entreprises sociales peuvent être des organisations caractérisées par une obligation
absolue de non-distribution des bénéfices, elles peuvent aussi être des organisations qui,
comme les coopératives dans beaucoup de pays, ont le droit de distribuer des bénéfices, mais
13
de manière limitée – ce qui permet d’éviter un comportement visant à la maximisation du
profit.
Source: Defourny, 2004: 16-17
Bien que les entreprises sociales soient de préférence conceptualisées à l’aide de ces neuf
indicateurs (Defourny & Nyssens, 2009: 11), le réseau EMES en donne également une
définition brève: « not-for-profit private organizations providing goods or services directly
related to their explicit aim to benefit the community. They generally rely on a collective
dynamics involving various types of stakeholders in their governing bodies, they place a high
value on their autonomy and they bear economic risks related to their activity » (Defourny &
Nyssens, 2009: 12).
2.4. Théorie de l’entreprise sociale à ressources, objectifs et parties prenantes multiples
Le premier projet de recherche mené par le réseau EMES à propos de l’émergence des
entreprises sociales a proposé, en plus des indicateurs, une première esquisse d’une théorie de
l’entreprise sociale, cherchant à expliquer le fonctionnement d’une entreprise sociale. Cette
théorie pose comme hypothèse qu’une entreprise sociale idéale-typique a de multiples
ressources, objectifs et parties prenantes (Defourny & Nyssens, 2006: 9). Cette hypothèse a
été testée lors du projet de recherche PERSE6. Ce projet cherchait à analyser la performance
socio-économique des entreprises sociales dans le domaine de l’insertion professionnelle
(Lemaître, Nyssens & Platteau, 2005: 135), l’un des principaux domaines d’activité des
entreprises sociales. Notons que les entreprises sociales sont également actives dans des
domaines aussi variés que les services aux personnes, le développement local, la protection de
l’environnement et la production de biens publics ou l’offre de services publics (Borzaga &
Defourny, 2001: 351-352; Defourny & Nyssens, 2006: 13 & 2009: 12).
Des ressources multiples
Suite au travail de recherche PERSE, l’approche EMES situe les entreprises sociales au
carrefour du marché, des politiques publiques et de la société civile (Nyssens, 2006). Cela
pointe le caractère hybride de leurs ressources: les entreprises sociales combinent, le plus
souvent, les ressources issues de la vente de biens et/ou de services sur le marché avec les
6 PERSE est l’acronyme de Performance socio-économique des entreprises sociales. Il s’agit du deuxième projet
de recherche mené par le réseau EMES de 2001 à 2004. Voir www.emes.net.
14
subsides publics, le travail bénévole ou les donations (Defourny & Nyssens, 2009: 17). Il est
important pour une entreprise sociale de trouver un équilibre entre ces trois types de
ressources afin de servir l’objectif poursuivi. La capacité d’une entreprise sociale à mobiliser
ces trois pôles économiques influencerait sa pérennité (Laville & Nyssens, 2001: 325).
Des objectifs multiples
Le réseau EMES souligne également la diversité des objectifs poursuivis par les entreprises
sociales: ils sont sociaux, économiques et sociopolitiques. Les objectifs sociaux sont liés à la
mission même des entreprises, à savoir de servir la communauté. Cette mission de service à la
communauté peut être déclinée en plusieurs objectifs plus spécifiques (e.g. offrir un emploi à
des personnes fragilisées sur le marché de l’emploi). Les objectifs économiques sont liés à
l’activité entrepreneuriale de l’entreprise, à savoir la production continue de biens ou services,
la viabilité financière, etc. Les objectifs sociopolitiques sont, quant à eux, liés à un souci de
susciter plus de démocratie dans la sphère économique, de promouvoir l’intégration de
personnes marginalisées, etc. (Campi, Defourny & Grégoire, 2006: 30).
Des parties prenantes multiples
En outre, selon cette approche, les entreprises sociales idéales-typiques sont caractérisées par
la présence d’une pluralité de parties prenantes au sein des organes de décision de l’entreprise.
Une partie prenante (stakeholder) se définit comme « toute partie pour laquelle les objectifs et
la production de l’organisation constituent un enjeu et qui, pour cette raison, contribue à
l’apport en ressources » (Ben-Ner & Van Hoomissen, 1991, cités dans Grégoire, 2004: 74).
Dès lors, peuvent être considérés comme parties prenantes, les travailleurs, les usagers, les
bénévoles, les donateurs, tout comme les investisseurs privés ou les financeurs publics (ces
derniers ne pouvant pas être majoritaires) (Mertens, 2002, citée dans Grégoire, 2004: 74). Les
résultats de l’étude PERSE montrent qu’une majorité des entreprises sociales d’insertion
combinent effectivement diverses parties prenantes dans la composition de leur conseil
d’administration (Campi, Defourny & Grégoire, 2006: 39-40). Par ailleurs, l’étude montre
aussi que les entreprises sociales entretiennent des relations informelles avec des parties
prenantes externes telles que les clients ou usagers, les autorités publiques, etc. (Nyssens,
2006: 317). La multiplicité des parties prenantes n’est pas sans lien avec la pluralité des
objectifs des entreprises sociales: la présence de divers acteurs « permet de mieux défricher
15
des demandes collectives bien souvent latentes » (Lemaître, Nyssens & Platteau, 2005: 131).
L’interaction entre ces différentes parties prenantes, notamment entre prestataires et usagers,
peut dès lors être considérée comme une « construction conjointe de l’offre et de la
demande » (Laville, 1992, cité dans Lemaître, Nyssens & Platteau, 2005: 131).
2.5. Lien entre l’approche EMES et l’économie sociale
Pour terminer, et afin de bien comprendre l’approche de l’entreprise sociale développée par le
réseau EMES, il est nécessaire de la situer par rapport à la notion d’économie sociale. En
confrontant les neuf critères du réseau EMES distinguant les entreprises sociales et les quatre
principes de l’économie sociale, nous constatons que les entreprises sociales peuvent être
intégrées au concept d’économie sociale, même si aucune des composantes traditionnelles du
secteur de l’économie sociale (coopératives, associations, mutuelles et fondations) ne coïncide
tout à fait avec la notion d’entreprise sociale (Defourny, 2001: 11). Ainsi, les entreprises
sociales se distinguent des coopératives traditionnelles par le fait qu’elles sont créées par un
groupe de citoyens qui veut offrir des services plus variés et qui est à la recherche de plus de
liens avec la communauté locale. De même, les entreprises sociales se différencient des
mutuelles et des associations traditionnelles par l’importance qu’elles accordent à leur
autonomie et à leur prise de risque économique (Laville & Nyssens, 2001: 312). Malgré ces
divergences, beaucoup d’entreprises sociales rapprochent le monde des coopératives et celui
des associations en combinant des caractéristiques des unes et des autres (Defourny &
Nyssens, 2006: 7-9). Si les entreprises sociales peuvent être considérées comme des
organisations s’inscrivant dans l’économie sociale, elles sont néanmoins travaillées par un
processus innovant modifiant les formes traditionnelles du troisième secteur (Laville &
Nyssens, 2001: 312). En d’autres mots, elles constituent un nouveau sous-ensemble du
troisième secteur, quoique simultanément des initiatives traditionnelles se trouvent
remodelées (Defourny, 2004: 10; Defourny & Nyssens, 2006: 9). Notons que des entreprises
sociales peuvent exister en dehors de ce troisième secteur et prendre une forme autre que
celles de coopérative ou d’association. La création de nouveaux cadres légaux dans certains
pays en témoigne (e.g. le statut de SFS -société à finalité sociale- en Belgique) (Defourny,
2004: 21; Defourny & Nyssens, 2006: 9; Defourny & Mertens, 2008: 12-13).
16
3. L’approche américaine de l’innovation sociale
3.1. Introduction
L’approche que Dees et Anderson (2006, cités dans Defourny & Nyssens, 2009: 14) nomment
the social innovation school of thought n’est pas une école de pensée à proprement parler. Il
ne s’agit effectivement pas d’un réseau de chercheurs rassemblés afin d’élaborer un cadre
théorique et une terminologie commune, contrairement au réseau EMES. En conséquence, les
auteurs de cette « école » approchent leur sujet différemment, bien que l’innovation sociale
reste toujours au cœur de leur réflexion. Commençons par un exemple d’innovation sociale
souvent cité par ces auteurs, celui de Muhammad Yunus. En effet, cet exemple illustre bien
comment les accents peuvent être différents. Rappelons que Muhammad Yunus est le créateur
de la Grameen Bank (Bangladesh), pionnière en matière de micro-finance. Certains auteurs,
comme Dees (1998a; 2003) ou Bornstein (2004), mettront l’accent sur les qualités et
compétences de Muhammad Yunus, qui lui ont permis d’atteindre un réel impact social. La
notion d’entrepreneur social comme individu est dès lors centrale. D’autres, comme Alvord,
Brown & Letts (2002), Mulgan (2006 & 2007) et Phills, Deiglmeier & Miller (2008), vont un
pas plus loin. Ils se focalisent sur la micro-finance comme outil d’une réelle transformation
sociale durable, c’est-à-dire l’innovation sociale en tant que telle, sans s’intéresser à la
personne ou l’organisation qui la met en œuvre.
La visibilité et le développement du courant de cette « école » mettant l’accent sur la figure de
l’entrepreneur comme le font Dees ou Bornstein sont essentiellement dus à l’organisation
Ashoka7. L’objectif de cette organisation, fondée par Bill Drayton en 1980, est de soutenir des
entrepreneurs sociaux qui sortent de l’ordinaire, en les soutenant financièrement et en les
aidant à développer leurs stratégies (Bornstein, 2004: 19-20).
3.2. L’entrepreneur social innovant
Pour comprendre en quoi Dees enrichit notre compréhension de l’innovation sociale, nous
nous focalisons sur sa définition de l’entrepreneur social. Pour arriver à cette définition
idéale-typique, Dees emprunte certaines notions à d’autres auteurs: celle de création de valeur
à Say, celle d’innovation et celle d’agents de changement à Schumpeter, celle de recherche
7 Voir le site www.ashoka.org
17
d’opportunité à Drucker et celle de resourcefulness (ingéniosité dans la manière de gérer ses
ressources) à Stevenson (Dees, 1998a: 4). Il met ainsi en évidence les qualités et compétences
de l’entrepreneur social, comme nous l’avons déjà souligné dans l’introduction:
« Social entrepreneurs play the role of change agents in the social sector, by adopting
a mission to create and sustain social value (not just private value), recognizing and
relentlessly pursuing new opportunities to serve that mission, engaging in a process
of continuous innovation, adapting and learning, acting boldly without being limited
by resources currently in hand, and exhibiting heightened accountability to the
constituencies served and for the outcomes created » (Dees, 1998a: 4).
Dees approfondit la plupart des éléments de cette définition, mais il n’explicite pas ce qu’il
entend par « secteur social ». Cependant, à la lecture d’Enterprising Nonprofits (Dees,
1998b), nous pouvons supposer qu’il utilise ce terme comme synonyme de nonprofit sector8,
terme le plus répandu aux Etats-Unis et dont les notions équivalentes sont multiples9. Il nous
semble que Dees n’a pas choisi le terme « secteur social » par hasard. D’une part, il évite de la
sorte la confusion induite par le terme nonprofit, qui semble suggérer une interdiction de faire
du profit. Une nonprofit organization peut effectivement faire un surplus (i.e. générer plus de
revenus que ce qu’elle ne dépense en une année donnée), même si elle ne peut pas le
distribuer à ses membres10
(Salamon & Anheier, 1997: 13). D’autre part, en utilisant le terme
« secteur social », Dees met l’accent sur les problèmes ou défis sociaux dont les organisations
(ou entreprises) auxquelles il fait référence s’occupent (la faim, l’éducation, la santé, etc.).
Développons les notions auxquelles il se réfère:
Change agents (Schumpeter)
Dans leur façon d’aborder le secteur social, les entrepreneurs sociaux apportent des
changements essentiels: au lieu de s’attaquer aux conséquences des problèmes sociaux, ils
cherchent effectivement à en résoudre les causes et au lieu de satisfaire les besoins, ils
cherchent à les réduire. En outre, même si leur terrain d’action est local, leur visée est
d’atteindre des changements systémiques (Dees, 1998a: 4).
8 Dees écrit: « Nonprofit organizations have traditionally operated in the so-called social sector to solve or
ameliorate such problems as hunger, homelessness, environmental pollution, drug abuse, and domestic violence.
They have also provided certain basic social goods – such as education, the arts, and health care – that society
believes the marketplace by itself will not adequately supply » (Dees, 1998b: 56). 9 Les termes « charitable sector », « independent sector », « voluntary sector », « tax-exempt sector »,
« nongovernmental organizations », « associational sector », « civil society », « third sector » et « économie
sociale » sont autant de terminologies utilisées pour désigner cet ensemble d’entités qui n’appartiennent ni au
secteur public, ni au secteur privé à but de lucre (Salamon & Anheier, 1997: 12; Salamon, Sokolowski & List,
2004: 3). Notons que ni Salamon & Anheier, ni Salamon, Sokolowski & List ne proposent « social sector »
comme équivalent de « nonprofit sector ». Phills et al., quant à eux, notent: « Most people use the term social
sector to mean nonprofits and international nongovernmental organizations (NGOs) » (Phills, Deiglmeier &
Miller, 2008: 38). 10 Certains utilisent le terme not-for-profit et évitent ainsi cette confusion: « not-for-profit ventures », « not-for-
profit organization » (Dees, 1998a: 1), « not-for-profit private organizations » (Defourny & Nyssens, 2009: 12).
18
L’innovation (Schumpeter)
Comme le souligne Schumpeter, l’innovation n’est pas nécessairement synonyme d’invention
(Dees, 1998a, 4). Les entrepreneurs sociaux peuvent en effet innover en étant créatifs dans la
manière de mettre en œuvre ce que d’autres ont inventé ou dans leur façon de trouver des
ressources. La recherche d’innovation, qui ne va pas sans risque, est une attitude
fondamentale et constante des entrepreneurs sociaux. Leur capacité à gérer et supporter ce
risque les caractérise (Dees, 1998a: 4-5).
La création de valeur (Say)
La création de valeur sociale est au cœur de l’action des entrepreneurs sociaux (Dees, 1998a:
4). Pour Say, un entrepreneur classique crée de la valeur en déplaçant des ressources
économiques d’un domaine à faible productivité vers un domaine à plus forte productivité
(Dees, 1998a: 1). Ainsi, la création de richesse est un indicateur de la création de valeur et se
mesure sur le marché: si des clients sont prêts à payer un bien ou un service plus que ce que
cela n’a coûté à l’entrepreneur pour le produire, il y a création de valeur. Pour Dees, par
contre, de la valeur sociale est créée par un entrepreneur social quand ce dernier atteint un
impact social, c’est-à-dire quand il répond à un problème social et y apporte une amélioration
(Dees, 1998a: 3). La valeur sociale bénéficie à la collectivité et/ou au public visé (e.g. des
clients désavantagés) et se distingue de la valeur privée qui ne bénéficie qu’aux entrepreneurs,
actionnaires et clients (Phills, Deiglmeier & Miller, 2008: 39). Dees ajoute quelques
remarques importantes concernant la valeur sociale. Premièrement, il admet qu’il est difficile
de mesurer l’impact social et donc la création de valeur sociale (Dees, 1998a: 3). Ensuite, si la
création de valeur sociale est primordiale pour les entrepreneurs sociaux, faire du profit est
néanmoins un moyen au service de leur mission sociale (Dees, 1998a: 4). Enfin, les
entrepreneurs sociaux sont enclins à vérifier auprès des intéressés s’ils leur ont procuré une
réelle amélioration. Ils cherchent également à satisfaire les investisseurs par un retour
financier et/ou social attractif (Dees, 1998a: 5).
La recherche d’opportunités (Drucker)
Pour Dees, la notion de recherche d’opportunités fait référence à la qualité des entrepreneurs
sociaux de voir des opportunités là où d’autres voient des problèmes. Concrètement, quand un
besoin social se fait sentir, les entrepreneurs sociaux voient rapidement comment y apporter
une amélioration. De plus, leur ténacité leur permet d’aller jusqu’au bout de leurs projets et ils
adaptent, si nécessaire, leurs approches en apprenant de leurs erreurs (Dees, 1998a: 4).
19
Resourcefulness (Stevenson)
Les entrepreneurs sociaux sont soucieux d’utiliser au mieux leurs ressources, souvent
limitées, et cherchent à les allouer avec ingéniosité. En outre, ils ont la capacité de créer des
partenariats et des collaborations afin de mobiliser des ressources supplémentaires (Dees,
1998a: 5).
Dans un article de 2003, Dees insiste sur le fait que l’entrepreneuriat social n’est pas limité au
seul secteur nonprofit. Nous comprenons dès lors pourquoi il préfère le terme « secteur
social » au terme « secteur nonprofit » dans le contexte de l’entrepreneuriat social. Même s’il
ne le dit pas clairement, il élargit de cette façon l’ensemble des organisations formant le
secteur nonprofit à toutes les autres entités s’attelant à la résolution de défis sociaux11
.
L’innovation sociale peut donc, selon Dees, se développer dans le secteur privé à but lucratif.
Ce qui rend l’entrepreneuriat social, c’est l’innovation déployée et l’impact social atteint, peu
importe si les profits générés par l’activité sont distribués aux actionnaires ou entièrement
réinvestis dans l’activité de l’organisation ou de l’entreprise. En conséquence, une entreprise
ou une organisation qui génère du profit afin de financer une mission sociale ne relève pas
forcément de l’entrepreneuriat social, à moins qu’elle ne mette en œuvre une innovation
sociale dans le but d’atteindre un impact social (Dees, 1998a). Dees résume: « any form of
social entrepreneurship that is worth promoting broadly must be about establishing new and
better ways to improve the world. Social entrepreneurs implement innovative programs,
organizational structures, or resource strategies that increase their chances of achieving deep,
broad, lasting, and cost-effective social impact » (Dees, 2003: 2). L’innovation sociale et
l’impact social sont donc les deux éléments majeurs de l’entrepreneuriat social. Pour Dees,
ces deux éléments sont liés: une innovation est sociale lorsqu’elle génère un impact social
(Dees, 1998; 2003). En proposant sa définition d’entrepreneur social, Dees souligne que
différents degrés d’innovation sociale peuvent être distingués suivant l’intensité de l’impact
social réellement atteint par l’entrepreneur social (Dees, 1998a: 4). Dees comprend la notion
d’impact social dans le sens d’une amélioration profonde et durable du monde. Il n’élabore
néanmoins pas davantage cette notion d’impact social qui reste donc vague.
Bornstein, un journaliste américain, se focalise lui aussi sur la figure de l’entrepreneur social,
dont il loue les qualités: leur vision, leur passion, leur détermination et leur sens éthique
(Bornstein, 2004: 130). Son livre, structuré autour de la présentation d’entrepreneurs sociaux
11 Dees dit que le langage récent de l’entrepreneuriat social va de pair avec « a blurring of sector boundaries »
(Dees, 1998a: 1).
20
soutenus par l’organisation Ashoka, retrace l’histoire de cette dernière. La vision de
l’entrepreneur social innovant telle qu’Ashoka la promeut n’est cependant pas l’unique façon
de parler de l’innovation sociale. Les auteurs que nous présentons dans la section suivante,
tout en voulant s’en distinguer, ont toutefois un point commun avec Ashoka et des auteurs
comme Dees ou Bornstein: la notion de transformation sociale durable.
3.3. Focus sur l’innovation sociale
Nous prenons comme point de départ l’article de Phills, Deiglmeier et Miller de 2008, et
ensuite nous complétons leur approche grâce à d’autres auteurs qui ajoutent quelques
distinctions qu’il est utile de relever pour alimenter notre compréhension de l’innovation
sociale.
Pour Phills, Deiglmeier et Miller (2008), la notion d’innovation sociale permet d’éclairer au
mieux les mécanismes qui mènent à un changement social positif et durable. Tout comme
Dees, ces auteurs insistent sur le fait que l’innovation sociale peut émerger dans n’importe
quel secteur. Dès lors, plutôt que d’analyser l’organisation ou l’entrepreneur, ils mettent en
évidence l’innovation sociale en tant que telle, les notions d’entrepreneur social et
d’entreprise sociale étant liées au secteur nonprofit avec une volonté de distinguer le débat sur
l’entrepreneuriat social de celui sur l’innovation sociale (Phills, Deiglmeier & Miller, 2008:
36-37). La définition qu’ils donnent de l’innovation sociale est la suivante: « A novel solution
to a social problem that is more effective, efficient, sustainable, or just than existing solutions
and for which the value created accrues primarily to society as a whole rather than private
individuals » (Phills, Deiglmeier & Miller, 2008: 36). Phills, Deiglmeier et Miller vont plus
loin dans leur explication en distinguant quatre aspects dans l’innovation: (1) le processus de
production, (2) le produit innovant, (3) la diffusion du produit et (4) la valeur créée. Pour
qu’une innovation soit sociale, le processus et/ou le produit doivent être une nouveauté et
présenter une amélioration par rapport aux alternatives déjà existantes. Ensuite, l’innovation
doit être diffusée et utilisée largement, plutôt que de rester une exception. Enfin, l’innovation
doit être orientée vers la création de valeur pour la société dans son ensemble, c’est-à-dire
vers la création de valeur sociale bénéficiant non pas aux actionnaires ou entrepreneurs, ni à
des consommateurs non défavorisés, mais à la société dans son ensemble ou à des individus
défavorisés (Phills, Deiglmeier & Miller, 2008: 38-39). Notons que pour ces auteurs, une
innovation sociale peut également être un principe, une idée, une législation, un mouvement
21
social, une intervention ou une combinaison de ces éléments (Phills, Deiglmeier & Miller,
2008: 39). Phills, Deiglmeier et Miller ajoutent que pour répondre aux problèmes sociaux les
plus difficiles, la dynamique entre les différents secteurs (nonprofit, privé à but lucratif et
public) doit être accentuée: en échangeant des idées et des valeurs, en faisant évoluer les rôles
et les relations entre les secteurs et en hybridant les ressources, des innovations sociales
jailliront de leur collaboration (Phills, Deiglmeier & Miller, 2008: 40-43).
Pour Mulgan, l’innovation sociale n’est pas forcément un produit totalement nouveau: il peut
s’agir d’une combinaison d’éléments déjà existants mais n’ayant jamais été associés
auparavant (Mulgan, 2006: 151; 2007: 22). L’innovation sociale peut être initiée par un
individu mais également par un mouvement bien plus large (tel que l’écologie) ou par une
organisation ancienne renouvelée par une dynamique innovante (Mulgan, 2007: 13-17). Selon
Mulgan, et comme pour Phills, Deiglmeier et Miller (2008), l’innovation sociale est favorisée
par des alliances entre secteurs. Les porteurs d’idées (individus, groupes, petites
organisations) ont effectivement besoin d’organisations plus larges (gouvernements,
entreprises, grandes ONG) pour réaliser leurs projets et les implémenter à grande échelle
(Mulgan, 2007: 20). Mulgan développe les différentes étapes qui mènent à un réel
changement durable. Nous nous contentons de les mentionner: tout d’abord, l’entrepreneur
social prend la mesure d’un besoin social et trouve une solution potentielle; ensuite, il
développe cette idée et la diffuse, après l’avoir testée, pour qu’elle puisse être implémentée à
grande échelle; enfin, il apprend et évolue à partir de ses expériences (Mulgan, 2006: 149-
155; Mulgan, 2007: 21-25).
A l’aide de quelques études de cas, Alvord, Brown et Letts (2002) identifient les
caractéristiques qui favorisent le succès des initiatives visant une transformation sociale et
durable. Nous ne les mentionnons pas ici. Nous retenons seulement l’essentiel de leur
compréhension de l’innovation sociale. Pour ces auteurs, l’entrepreneur social est celui qui
crée des solutions innovantes répondant à des problèmes sociaux immédiats et qui mobilise
également des idées, des compétences et des ressources pour atteindre une transformation de
long terme. L’entrepreneuriat social est compris comme le catalyseur de ces transformations
(Alvord, Brown & Letts, 2002: 4).
En faisant une claire distinction entre l’entrepreneuriat social, les services sociaux et
l’activisme social, Martin et Osberg (2007) mettent en lumière d’autres aspects de la
22
transformation sociale que la durabilité. L’entrepreneuriat social se différencie des services
sociaux parce que ces derniers ne visent que la population locale, leur impact restant dès lors
limité. Or, pour relever de l’entrepreneuriat social, une initiative doit pouvoir être reproduite
et être adoptée largement. L’entrepreneuriat social se différencie également de l’activisme
social car les activistes sociaux agissent indirectement, en essayant d’influencer les autres
(gouvernements, ONG, consommateurs, etc.), tandis que l’entrepreneur social agit de manière
directe sur le problème social (Martin & Osberg, 2007: 36-38).
Pour terminer cette partie, nous prenons un auteur qui met l’accent sur les acteurs de
l’innovation sociale, mais d’une manière beaucoup plus large que Dees et Bornstein. La
définition que Light (2005) propose de l’entrepreneur social englobe la plupart des éléments
avancés par les auteurs présentés précédemment. Elle est à la fois large et simple et nous sert
de résumé pour l’approche proposée par l’école de l’innovation sociale: « A social
entrepreneur is an individual, group, network, organization, or alliance of organizations that
seeks sustainable, large-scale change through pattern-breaking ideas in what and/or how
governments, nonprofits, and businesses do to address significant social problems. » (Light,
2005: 17).
Si nous essayons de résumer ce que nous comprenons de l’idée de transformation sociale
durable, nous pourrions dire qu’elle est atteinte lorsque l’innovation sociale devient en
quelque sorte la norme. Considérons à nouveau l’exemple de Muhammad Yunus. L’initiative
qu’il a créée a dépassé les frontières du Bangladesh et a été imitée un peu partout dans le
monde. La micro-finance n’est dès lors plus quelque chose d’exceptionnel mais est devenue
habituelle.
4. L’approche américaine de l’entreprise sociale
4.1. Introduction
Cette approche est nommée the social enterprise school of thought par Dees et Anderson
(2006, cités dans Defourny & Nyssens, 2009: 14). De la même manière que la théorie de
l’entreprise sociale du réseau européen EMES s’ancre dans la théorie de l’économie sociale,
l’approche américaine de l’entreprise sociale s’enracine dans la théorie du secteur nonprofit.
23
Le secteur nonprofit correspond plus ou moins à ce que nous appelons en Europe le secteur
associatif ou secteur sans but lucratif (Mertens, 2007: 21). Aux Etats-Unis, le concept
d’entreprise sociale s’est développé du fait de l’évolution de ce secteur, et ce depuis les
années 1980. Cette approche-ci, tout comme l’approche de l’innovation sociale, n’est pas le
résultat d’une concertation entre chercheurs rassemblés en un même réseau. Avant de
présenter la manière dont certains auteurs de cette école de pensée conceptualisent l’entreprise
sociale, nous définissons le secteur nonprofit et retraçons son évolution afin de bien cerner le
sens donné par cette approche américaine à la notion d’entreprise sociale, ainsi que les enjeux
auxquels les entreprises sociales sont confrontées.
4.2. Le secteur nonprofit
4.2.1. Définition
Aux Etats-Unis, le secteur nonprofit regroupe une multitude d’organisations actives dans des
domaines très variés: l’éducation, la recherche, la santé, la culture, les services sociaux,
l’environnement, le développement local, etc. (Anheier, 2005: 55; Salamon & Anheier, 1997:
70-74). En font ainsi partie la plupart des hôpitaux, écoles, universités, églises, théâtres et
musées, un nombre considérable d’agences de services sociaux, d’organisations de protection
de l’environnement, d’organisations de défense des droits civils, d’organisations actives dans
la lutte contre la pauvreté, etc., ainsi que les fondations et autres organismes de soutien aux
diverses entités du secteur nonprofit (Salamon, 2002: 6-7). Il peut donc tout aussi bien s’agir
d’organismes de bienfaisance (charities) visant un service à la collectivité que d’entités
servant les intérêts privés de membres (Weisbrod, 1988: 67). Une manière simple de
déterminer si telle ou telle organisation fait partie du secteur nonprofit est son statut légal. Si
elle bénéficie de la tax-exemption selon le code des impôts, c’est-à-dire si elle ne doit pas
payer d’impôts sur les revenus ni d’autres formes de taxes, elle est considérée comme
nonprofit (Anheier, 2005: 40; Salamon, 2002: 7). Salamon et Anheier (1997) définissent les
organisations nonprofit en en donnant les caractéristiques suivantes: « organized, i.e.
institutionalized to some extent, private, i.e. institutionally separate from government, self-
governing, i.e. equipped to control their own activities, non-profit distributing, i.e. not
returning profits generated to their owners or directors, voluntary, i.e. involving some
meaningful degree of voluntary participation » (Salamon & Anheier, 1997: 33-34). Ainsi, une
organisation nonprofit a une identité institutionnelle indépendante de l’Etat (même si elle en
24
dépend pour les subsides), et est caractérisée par un degré élevé d’autonomie (c’est-à-dire par
la possession d’instances de décision propres), par une interdiction de distribuer son profit aux
directeurs ou membres, par un niveau significatif de volontariat et de dons financiers, et enfin
par l’adhésion volontaire de ses membres (Anheier, 2005: 47-49; Salamon & Anheier, 1997:
33-34).
4.2.2. Evolution
A partir des années 1960, les organisations nonprofit ont bénéficié d’un soutien financier de la
part du secteur public, aux Etats-Unis, grâce au projet appelé « The Great Society Programs ».
Concrètement, le gouvernement fédéral a investi de l’argent par l’intermédiaire des
organisations nonprofit (NPO), dans des domaines aussi variés que les soins de santé,
l’éducation, la lutte contre la pauvreté, l’environnement, les services aux personnes, le
développement local, l’emploi, l’art, etc. Le nombre de NPO a alors fortement augmenté. A
l’aube des années 1980, du fait de la récession économique de la fin des années 1970, cette
aide financière a largement diminué. Cette réduction du soutien fédéral de plus ou moins 25%
n’a pas pu être compensée par les subventions des gouvernements locaux, bien que ceux-ci
aient été revus à la hausse. Ce n’est qu’à la fin des années 1990 que le soutien venant du
gouvernement fédéral a retrouvé son niveau de 1980 (Salamon, 2002: 12-13; Young &
Salamon, 2002: 425; Kerlin, 2006: 251). De plus, la forme du soutien du secteur public vers le
secteur nonprofit a également changé à partir des années 1980. Au lieu de subventions et de
contrats accordés aux NPO, l’aide a été accordée directement aux usagers ou consommateurs
sous forme de bons (vouchers) et de déductions d’impôts (tax expenditures) (Salamon, 2002:
13; Young & Salamon, 2002: 425). En outre, la récession étant doublée d’une forte inflation,
les réserves monétaires des NPO ont drastiquement baissé et leurs dépenses ont augmenté
(Boschee, 2006: 357; Skloot, 1987: 380). Les dons provenant d’entreprises privées lucratives
ont également diminué et ont été largement remplacés par du cause-related marketing12
(Boschee, 1998: 2) ou par la création de partenariats et de collaborations, les entreprises
privées étant stratégiquement intéressées d’améliorer leur image de marque (Young &
Salamon, 2002: 428-429). Parallèlement à cette importante diminution des ressources
financières des NPO, les Etats-Unis ont connu une forte augmentation des besoins sociaux
(Boschee, 1998 & 2006; Young & Salamon, 2002: 425-426; Boschee & McClurg 2003). Dès
lors, étant de plus en plus nombreuses à se partager des subsides de moins en moins généreux,
12 Illustrons ce terme par un exemple: quand Ikea vend des ours en peluche à 7 euro et communique qu’un euro
est reversé à l’organisation Unicef pour chaque unité achetée, il s’agit de cause-related marketing.
25
une compétition est née entre les NPO, mais également avec les entreprises du secteur privé
lucratif qui elles aussi se lancent de plus en plus dans des activités qui traditionnellement
relevaient du secteur nonprofit (Weisbrod, 1998: 5; Young & Salamon, 2002: 426-428). Les
NPO sont de ce fait appelées à se professionnaliser, à accroître leur impact social et à rendre
des comptes quant à leurs résultats (Young & Salamon, 2002: 429; Alter, 2006: 206).
4.3. The social enterprise school of thought
Pour faire face à ce manque de ressources financières, à ce besoin de professionnalisation et à
cette compétition, de nombreuses NPO se sont engagées dans des activités marchandes afin
d'accroître leurs ressources (Dees, 1998b: 55; Salamon, 2002: 36; Young & Salamon, 2002:
429-430) et ont adopté des méthodes provenant du monde du business (Young & Salamon,
2002: 436-437; Alter, 2006: 206). C’est cette dynamique de commercialisation au sein des
NPO que les auteurs de la social enterprise school of thought nomment entreprise sociale ou
entrepreneuriat social13
. C’est dans cette ligne de pensée que The Social Enterprise Alliance,
une organisation de soutien aux entreprises sociales et un acteur important dans le domaine,
définit une entreprise sociale comme « an organization or venture that achieves its primary
social or environmental mission using business methods »14
. Plusieurs auteurs développent
cette approche, mais chacun met des accents différents. Nous commençons par présenter
Boschee & McClurg et ensuite, nous complétons ou nuançons leur approche grâce à l’apport
d’autres auteurs.
Boschee et McClurg insistent sur le fait que l’innovation sociale, même si elle est louable et
souhaitable, ne peut être assimilée à de l’entrepreneuriat social (Boschee & McClurg, 2003: 1;
Boschee, 2006: 359). Pour eux, ce qui permet d’affirmer qu’une NPO relève de
l’entrepreneuriat social, c’est sa capacité à s’autofinancer en générant des revenus par ses
activités, afin de ne plus dépendre entièrement des subventions publiques et/ou des dons
(Boschee & McClurg, 2003: 1-2; Boschee, 2006: 359). Ainsi, ils définissent l’entrepreneur
social comme « any person, in any sector, who uses earned income strategies to pursue a
social objective » (Boschee & McClurg, 2003: 3; Boschee, 2006: 360). L’intérêt de telles
13 Skloot (1987) était un des premiers auteurs à analyser ce mouvement des NPO vers la commercialisation, mais
il ne nomme pas encore entreprise sociale mais entreprise ce comportement entrepreneurial qu’il définit de la
sorte: « it is sustained activity, related but not customary to the organization, designed to earn money » (Skloot,
1987: 381). 14 Voir www.se-alliance.org en ligne, consulté le 15.02.2010. Il y a quelques années, cette organisation
définissait les entreprises sociales comme « any earned income business or strategy undertaken by a nonprofit to
generate revenue in support of its charitable mission » (cité dans Kerlin, 2006: 248).
26
stratégies d’autofinancement (earned income strategies) réside dans le fait qu’en les mettant
en place, une NPO jouit d’une plus grande liberté quant à la gestion de l’argent ainsi généré et
n’est plus victime des aléas politiques (Boschee, 2006: 362-363). Faire du profit devient donc
un objectif supplémentaire à l’objectif social, mais ce profit, au lieu d’être distribué aux
dirigeants, est réinvesti dans la mission de la NPO (Boschee, 2006: 361). Le développement
de telles stratégies génératrices de revenus constitue la condition sans laquelle il n’est pas
possible pour une NPO d’être pérenne (sustainable). Il lui faut effectivement à tout le moins
hybrider ses ressources, et au mieux être entièrement autosuffisante en couvrant tous ses
besoins grâce aux revenus qu’elle génère (Boschee & McClurg, 2003: 3). Pour Boschee, un
facteur clé de succès est le lien direct entre la mission sociale et les stratégies
d’autofinancement (Boschee, 2006: 381). Cependant, il a une large acception de ce qu’est le
lien direct. D’une part, il affirme un lien étroit soit parce que la NPO est active dans
l’insertion socio-professionnelle, soit parce qu’elle développe des biens ou services ayant un
lien direct avec le problème social au centre de sa mission (Boschee & McClurg, 2003: 3;
Boschee, 2006: 361). D’autre part, il se contredit en donnant des exemples où le lien entre les
stratégies d’autofinancement et la mission sociale est loin d’être direct15
(Boschee, 1998: 4).
En d’autres termes, s’il présente le lien direct comme un facteur de succès, il n’y a néanmoins
pas de contrainte concernant ce lien. Enfin, il est important de noter qu’il y a quelques
subtilités au niveau du vocabulaire employé par Boschee et McClurg. Ces deux auteurs font la
différence entre une NPO qui crée des stratégies d’autofinancement et une NPO qui met sur
pied une entreprise à finalité sociale (social purpose business venture). Si ces deux types
d’initiatives relèvent de l’entrepreneuriat social, seules les stratégies d’autofinancement sont
accessibles à toutes les NPO. En revanche, lancer une entreprise auxiliaire à finalité sociale
nécessite la mise en œuvre de stratégies tout à fait différentes et n’a de sens que s’il y a la
potentialité de croître et la perspective de faire du profit (Boschee & McClurg, 2003: 4;
Boschee, 2006: 361-362). Boschee et McClurg semblent ici à nouveau mettre entre
parenthèses le lien direct entre mission sociale et activités génératrices de revenus: ils écrivent
en effet qu’une entreprise à finalité sociale a plus de chances de réussite si elle est entièrement
séparée de la NPO qui la crée, et est ainsi isolée de ses activités (Boschee & McClurg, 2003:
4; Boschee, 2006: 362).
15 « Simply put, earned income implies a quid pro quo arrangement in which there is a direct exchange of service
or product for monetary value. This definition includes such things as fee-for-service payments (either directly
from clients or indirectly from a third party such as Medicaid or an insurance program), revenue from product
sales, consulting contracts, tuition, rent or lease payments, and may also include traditional forms of revenue-
generation from book publishing and conferences » (Boschee, 1998: 4).
27
Là où Boschee et McClurg parlent de NPO relevant d’entrepreneuriat social par la création de
stratégies d’autofinancement, Alter (2006) utilise les termes d’entreprise sociale. Elle
différencie les entreprises sociales entre elles selon que leurs stratégies génératrices de
revenus sont en lien ou non avec leur mission sociale et selon la manière dont les deux sont
articulées. Ainsi, Alter distingue trois types d’entreprises sociales: celles dont l’activité
marchande est la mission de la NPO (mission-centric), celles dont l’activité est en lien avec la
mission (mission-related) et celles dont l’activité n’est pas en lien avec la mission (unrelated
to mission) (Alter, 2006: 208-211). Les activités d’une entreprise sociale peuvent dès lors être
« encastrées » (embedded) ou intégrées (integrated) à l’objectif social de la NPO, soit en être
déconnectées (external) (Alter, 2006: 211). La différence entre les deux premiers cas peut
sembler mince au vu des termes employés (mission-centric et mission-related), mais elle est
en réalité significative: dans le premier cas, la NPO accomplit sa mission par son activité
marchande, tandis que dans le deuxième cas, l’activité marchande, qui est en lien avec la
mission, sert de stratégie génératrice de revenus en support de la mission (Alter, 2006: 207).
Quelques illustrations peuvent aider à la compréhension: une entreprise sociale de commerce
équitable ou une entreprise sociale faisant de l’insertion socio-professionnelle sont deux
exemples du premier cas (mission-centric); une NPO active dans la fourniture de services
sociaux et vendant des produits ayant un lien avec sa mission illustre le deuxième (mission-
related); une NPO active dans la fourniture de services sociaux et vendant des produits
n’ayant aucun lien avec sa mission est une illustration du troisième cas (unrelated to mission).
Alter présente également toute une série de modèles hybrides d’entreprises sociales
combinant les différents modèles entre eux.
Nicholls a un pied dans the social enterprise school of thought, mais ne s’y restreint pas. Il est
un des seuls auteurs à faire une claire distinction entre l’entrepreneuriat social et les
entreprises sociales. Il regrette que les deux notions soient souvent considérées sans
distinction aux Etats-Unis (Nicholls, 2006: 11). Pour lui, la notion d’entreprise sociale est un
sous-ensemble du concept d’entrepreneuriat social (Nicholls, 2006: 11). Nicholls et Cho
(2006) distinguent trois éléments constitutifs de l’entrepreneuriat social: la dimension sociale,
l’orientation vers le marché et l’innovation (Nicholls & Cho, 2006: 101-103). Nous
retrouvons ici la notion d’une innovation qui vise un changement systémique (Nicholls &
Cho, 2006: 102). Notons que l’innovation est ici comprise dans le sens donné par Schumpeter
(voir supra) (Nicholls & Cho, 2006: 101, 109). Selon Nicholls, l’entrepreneuriat social peut
être initié dans n’importe quel secteur (public, privé lucratif et nonprofit) et au sein d’entités
28
dont les formes organisationnelles peuvent varier (forme privée lucrative, NPO, forme
combinée de ces deux dernières, organismes de bienfaisance, coopératives, etc.). Ainsi, une
entreprise privée lucrative qui met sur pied une social venture (une entreprise à finalité
sociale), relève de l’entrepreneuriat social. En revanche, il situe les entreprises sociales dans
le seul secteur nonprofit. Ce qui fait d’une NPO une entreprise sociale, c’est la façon dont elle
est financée: si elle tend vers l’autosuffisance afin de ne plus dépendre des subsides et des
dons, elle est considérée comme entreprise sociale. Dès lors, la dynamique au sein d’une NPO
peut relever de l’entrepreneuriat social, mais la NPO en question peut ne pas être considérée
comme entreprise sociale si elle est financée uniquement par des subsides ou des dons
(Nicholls, 2006: 12). Ainsi, nous pourrions dire que Nicholls, en distinguant l’entrepreneuriat
social et l’entreprise sociale, rejoint Boschee et McClurg: la définition de l’entreprise sociale
du premier correspond à la définition de l’entrepreneuriat social des seconds.
Nous constatons donc que cette approche ne constitue pas à proprement parler une école de
pensée, tant certaines terminologies sont utilisées dans des sens différents. Appréhendée de
l’extérieur, cette approche peut être divisée en deux courants, comme le suggèrent Defourny
et Nyssens (2009). Ces derniers distinguent effectivement un courant initial, qu’ils appellent
the commercial non-profit approach, et un autre, plus récent, englobant le premier mais
l’élargissant, qu’ils nomment the social-purpose business approach (Defourny & Nyssens,
2009: 14). Le premier ne s’intéresse qu’aux NPO. Le deuxième, quant à lui, ne s’y limite pas
et analyse les dynamiques d’entrepreneuriat social au sein des différents secteurs. La
distinction de ces deux courants correspond à la distinction que fait Nicholls (2006) de
l’entreprise sociale (que l’on peut faire correspondre au premier courant) et de
l’entrepreneuriat social (correspondant au deuxième courant). Defourny et Nyssens proposent
en outre de nommer cette école de pensée the earned income school of thought (Defourny &
Nyssens, 2009: 14), évitant ainsi la confusion avec l’approche de l’entreprise sociale du
réseau européen EMES dont ils sont les promoteurs.
5. Convergences et divergences
Les trois écoles de pensée que nous venons de présenter ne sont pas diamétralement opposées.
Cependant, si les trois approches présentent des points de convergence, elles n’en sont pas
moins distinctes, chacune ayant ses particularités. L’objectif est donc ici de mettre en avant
29
tant leurs points de convergence que de divergence. Pour cela, nous suivons la typologie de
Defourny et Nyssens (2009: 15-21) qui proposent cinq thématiques: la mission sociale, la
production de biens et de services et leur relation avec la mission sociale, le risque
économique, le mode de gouvernance et enfin les canaux de diffusion de l’innovation sociale.
Nous adaptons quelque peu cette typologie et présentons les convergences et divergences en
cinq points: (1) la mission sociale, (2) l’entreprise sociale, le risque économique et les
ressources (3) le lien entre l’activité de production et la mission sociale, (4) l’entrepreneuriat
social et (5) le mode de gouvernance. Ensuite, un tableau récapitulatif met en relief ces points
de convergence et de divergence, reprenant ainsi l’essentiel du contenu de chaque approche.
5.1. La mission sociale
Un point de convergence entre les trois approches est la centralité de la mission sociale.
Qu’elle s’exprime comme service à la collectivité ou comme création de valeur sociale, voire
comme transformation sociale durable, elle prime toujours sur la recherche de profits à
distribuer aux actionnaires ou membres (Defourny & Nyssens, 2009: 15-16).
5.2. L’entreprise sociale, le risque économique et les ressources
La notion d’entreprise renvoie à la production continue de biens et/ou à la fourniture continue
de services (Defourny & Nyssens, 2009: 16). Les trois approches s’accordent pour dire que le
risque économique est une caractéristique des entreprises sociales, comme pour toute
entreprise. En revanche, la manière de répondre à ce risque varie selon les approches. Pour
l’approche américaine de l’entreprise sociale, le risque économique doit être assumé par des
stratégies d’autofinancement, c’est-à-dire par des ressources provenant du marché. Pour
l’école de l’innovation sociale, un entrepreneur social peut faire appel aux trois pôles
économiques: les ressources marchandes, volontaires et publiques. Si pour cette dernière
approche, le choix du type de ressources n’a pas d’importance, pour l’approche EMES, par
contre, l’important est d’hybrider, selon les besoins, les différents types de ressources
(Defourny & Nyssens, 2009: 17-18).
Notons que l’école de l’innovation sociale n’utilise pas l’entreprise sociale comme grille de
lecture; celle-ci privilégie l’entrepreneur social, voir l’innovation sociale en tant que telle.
Pour EMES, par contre, l’entreprise est bien l’angle par lequel les chercheurs approchent la
30
réalité qu’ils étudient. Cela est aussi valable pour le courant initial de l’approche américaine
de l’entreprise sociale (commercial nonprofit approach), bien que le sens donné aux
terminologies est parfois différent.
5.3. Le lien entre l’activité de production et la mission sociale
Le lien entre l’activité de production et la mission sociale est un point de divergence entre
l’approche américaine de l’entreprise sociale et les deux autres. Pour la première, il n’y a pas
de contrainte de lien direct entre les deux: l’activité de production d’une entreprise sociale
peut être une source de revenus sans être en lien avec la mission de la NPO qu’elle finance. A
l’inverse, pour les deux autres approches, le lien doit être direct. EMES développe ce point et
précise que l’activité de production constitue en soi le moyen par lequel une entreprise sociale
remplit sa mission (Defourny & Nyssens, 2009: 16-17).
5.4. L’entrepreneuriat social
Pour l’école de l’innovation sociale, la notion d’entrepreneuriat social implique la mise en
œuvre d’une innovation sociale. Selon l’approche EMES, par contre, l’innovation n’est pas un
critère pour être qualifiée d’entreprise sociale; cet aspect d’innovation n’en est pas moins
présent dans sa littérature16
. The social-purpose business approach, un des courants de l’école
américaine de l’entreprise sociale, développe aussi cet aspect d’innovation sociale. Pour ce
courant, tout comme pour the commercial nonprofit approach, l’orientation vers le marché est
ce qui fait qu’une NPO relève de l’entrepreneuriat social. L’école américaine de l’entreprise
sociale (dans ses deux courants) prône également l’utilisation de méthodes du monde
marchand dans un objectif de professionnalisation.
5.5. Le mode de gouvernance
A propos de la question du mode de gouvernance, l’approche EMES se distingue de façon
claire des deux autres approches. Tout d’abord, il y a des dimensions propres à EMES que les
deux autres approches ne partagent pas: gestion participative, implication d’une pluralité de
parties prenantes au sein des instances de décision, dynamique collective et processus de
décision non lié à la détention de capital (Defourny & Nyssens, 2009: 18-19). Par ailleurs,
16 Voir la partie 2.2.3. « L’innovation au sein des organisations du secteur de l’économie sociale » dans le
premier chapitre de ce mémoire.
31
selon EMES, les entreprises sociales sont créées et gérées de manière autonome par un groupe
de personnes. A cette dynamique collective s’oppose la centralité de l’entrepreneur social
dans l’école de l’innovation sociale (Defourny & Nyssens, 2009: 19), dans son courant proche
d’Ashoka. L’autonomie par rapport aux pouvoirs publics est un point commun entre EMES et
l’approche américaine de l’entreprise sociale, bien que cette dernière considère les subsides
publics comme une sorte de dépendance dont il faut se défaire. Cette dimension d’autonomie
n’est pas pertinente aux yeux de l’approche de l’innovation sociale. Un autre point de
divergence entre les trois écoles est la dimension de l’allocation des profits, et lié à cela, le
statut juridique. Pour l’école de l’innovation sociale, il n’y a aucune contrainte concernant le
choix du statut légal, de même que pour the social-purpose business approach, le courant le
plus récent de l’école américaine de l’entreprise sociale. Les dirigeants disposent donc d’une
liberté quant à l’allocation des profits, pour autant que la mission sociale reste première. Par
contre, the commercial non-profit approach situe les entreprises sociales dans le seul secteur
nonprofit. Pour EMES, enfin, une entreprise sociale doit adopter un statut juridique qui limite
(voir interdit) la distribution des profits aux actionnaires ou membres et qui implique une
démocratie économique (Defourny & Nyssens, 2009: 19-20).
32
5.6. Tableau récapitulatif
Indicateurs Approche EMES Social innovation school of
thought
Social enterprise/earned
income school of thought
commercial
nonprofit
approach
social-purpose
business
approach
Angle d’approche Entreprise sociale Entrepreneur social innovant
(Ashoka)/ innovation sociale
Entreprise/
Entrepreneuriat
social(e)
Entrepre-
neuriat social
Mission sociale
Centralité de la mission sociale
Objectifs sociaux (service à la
collectivité ou à un groupe)
Objectifs économiques (production
B/S, viabilité financière, etc.)
Objectifs sociopolitiques (recherche
de plus de démocratie dans la sphère
économique)
Création de valeur sociale = impact
social
Impact systémique,
« transformation sociale durable »
Financer la
mission sociale
d’une NPO
(production de
B/S pour
collectivité ou
membres)
« dimension
sociale »
Entreprise sociale
Risque écon.
Ressources
Production de biens et/ou fourniture de services
OUI
Pluralité de ressources: ressources marchandes, publiques et volontaires Ressources marchandes pour tendre
vers l’autofinancement
Il faut se détacher au maximum des
autres types de ressources
Hybridation pérennité
-équilibre à trouver en f° besoins
-niveau min. d’emploi rémunéré
Peu importe l’origine des
ressources
Resourcefulness
Lien entre activité de
production et
mission sociale
Contrainte de lien direct
Pas de contrainte
(3 possibilités: mission centric,
mission related, unrelated to
mission)
Entrepreneuriat
social
Nouveaux/nouvelles produits,
qualités de produits, méthodes
d’organisation/production, facteurs
de production, rapports au marché,
formes d’entreprises (= innovation,
mais pas forcément invention)
Innovation (pas forcément
invention), créativité
Agents de changement (causes)
Opportunités (vision)
Capacité d’une
NPO à s’auto-
financer
Orientation
vers le
marché
Innovation
Professionnalisation (méthodes du
monde marchand)
Mode de
gouvernance
Entrepreneur
social/
Initiateur(s)
Relations avec
pouvoirs publics
Allocation des
profits
Gestion participative, implication
parties prenantes multiples au sein
des instances de gouvernance de
l’entreprise, dynamique collective
Processus de décision non lié à la
détention de capital (une personne,
une voix)
Dimensions non pertinentes
Groupe de personnes d’une même
communauté ou cherchant à
satisfaire un même besoin ou
poursuivant un même objectif
leadership pas exclu (une
personne ou petit groupe), mais
dynamique collective
Individu (qualités et compétences)
(Ashoka) leadership
OU groupe, organisation, réseau,
mouvement, réseau d’organisations
Initiateur: NPO
Initiateur:
entreprise
privée
lucrative, NPO,
etc.
Entrepreneur: personne qui utilise
des stratégies d’autofinancement
Indépendance
Subsides + Rôle éventuel dans
l’institutionnalisation
Dimension non pertinente NPO indépendante
Subsides mais à éviter
Tax-exemption
Distribution limitée voir contrainte
de non-redistribution
Pas de contrainte, mais priorité à la
mission sociale
Contrainte de
non-
redistribution
Pas de
contrainte
Statut juridique/
Secteur(s)
Contrainte: statut qui limite la
redistribution des profits et qui
implique une démocratie
économique: associations,
coopératives, mutuelles, fondations
et autres entités à finalité sociale
Pas de contrainte
Partenariat, alliances entre secteurs:
favorisent l’innovation
NPO Pas de
contrainte +
collaboration
entre secteurs
Lien avec d’autres
théories
Economie sociale Indicateur non pertinent Secteur nonprofit
33
II. Analyse des conceptions de l’entreprise sociale, de l’entrepreneuriat social ou de l’entrepreneur social en Belgique francophone
1. Introduction
Après la présentation de trois grandes approches théoriques conceptualisant l’entreprise
sociale, l’entrepreneuriat social ou l’entrepreneur social, nous nous attelons à la partie
empirique de ce mémoire. Nous commençons par un recensement des acteurs de terrain en
Belgique francophone qui se revendiquent des vocables utilisés par ces trois approches.
D’emblée, nous faisons le choix de nous limiter aux acteurs institutionnels, à savoir les
acteurs politiques, les instituts d’enseignement et de recherche, ainsi que les organismes
« ressource », parmi lesquels on compte notamment les agences conseil et les organismes de
financement. Nous laissons consciemment de côté les entreprises sociales, trop nombreuses
pour être citées dans le cadre de ce travail, mais nous incluons dans la cartographie leurs
fédérations comme quatrième type d’acteur institutionnel. Ce dernier choix induit une
première limite puisque toute entreprise sociale n’est pas nécessairement membre d’une
fédération.
D’un point de vue méthodologique, nous avons repéré les institutions sur le net en nous
reposant, d’une part sur notre connaissance du secteur et, d’autre part, en suivant aussi les
références données sur les sites visités dans les pages telles que « Liens utiles ». Cette
méthode a des limites évidentes mais inévitables: d’une part, il n’est pas sûr que tous les
acteurs aient un site internet et d’autre part, il est difficile voire impossible d’être exhaustif.
Soulignons qu’il s’agit d’une cartographie des acteurs qui se réclament, dans leur présentation
sur le web, d’au moins un des cinq principaux vocables utilisés par les trois approches que
nous avons étudiées: entreprise sociale, économie sociale, entrepreneur social, entrepreneuriat
social et innovation sociale17
.
La cartographie est une première étape de repérage de notre population avant de choisir notre
échantillon. Elle nous permet de constater la diversité des types d’acteurs de terrain existant
ainsi que leur grand nombre. L’étape suivante est la classification de ces acteurs selon la
présence ou l’absence de certains termes sur leur site internet.
17 De la sorte, des acteurs de l’économie sociale comme, par exemple, Febrap et Aleap (fédérations d’entreprises
de travail adapté ou d’organismes d’insertion socioprofessionnelle) ne sont pas répertoriés dans la cartographie.
34
Après la formulation des hypothèses, vient une partie consacrée à la méthodologie déployée
afin de présenter les méthodes de recherche privilégiées et le choix de l’échantillon. Ensuite,
nous présentons les données récoltées et enfin, nous nous attelons à leur analyse.
2. Cartographie des acteurs en Belgique francophone
Plusieurs types d’acteurs revendiquent les vocables « économie sociale », « entreprise
sociale », « entrepreneuriat social », « entrepreneur social » ou « innovation sociale » en
Belgique francophone. Nous avons choisi de classer ces acteurs en quatre catégories: les
fédérations, les organismes « ressource », les acteurs politiques et enfin les instituts
d’enseignement et de recherche.
2.1. Les fédérations
Il existe diverses fédérations regroupant des membres actifs dans le champ de l’économie
sociale. Les missions des fédérations sont multiples, chacune ayant bien sûr ses
caractéristiques spécifiques. Leurs responsabilités s’articulent autour de la plupart des
activités suivantes: promouvoir le secteur de l’économie sociale, en assurer la visibilité et la
représentation, défendre les intérêts de leurs membres, organiser un réseau d’entreprises
sociales et favoriser la création de partenariats, jouer un rôle de relais entre les entreprises
sociales et les acteurs publics et privés, analyser et diffuser l’information susceptible
d’intéresser leurs membres, produire des études concernant l’économie sociale, proposer des
formations dans le but d’encourager la professionnalisation du secteur de l’économie sociale,
organiser des événements en lien avec le secteur, etc. Deux types de fédérations existent: les
fédérations transversales, regroupant des entreprises actives dans des domaines variés, et les
fédérations sectorielles, rassemblant des entreprises actives dans un champ d’activité
particulier (les fédérations d’entreprises d’insertion socioprofessionnelle et d’entreprises de
formation par le travail, les fédérations d’entreprises de travail adapté et les autres
fédérations).
35
2.2. Les organismes « ressource »
Parmi les organismes « ressource », nous distinguons les agences conseil en économie
sociale, les organismes de financement soutenant le secteur de l’économie sociale
(coopératives financières ou banques commerciales) et les autres organismes « ressource ».
Un décret du gouvernement wallon datant du 27 mai 2004 définit l’agence conseil comme un
organisme « qui a pour objet social principal le conseil à la création et à l’accompagnement
d’entreprises d’économie sociale dont la moitié au moins sont des entreprises d’économie
sociale marchande »18
. Une agence conseil peut avoir un statut juridique d’ASBL, de
fondation, de société à finalité sociale ou de coopérative. Si une agence conseil est agréée, des
subsides lui sont accordés. Actuellement19
, dix agences conseil20
sont agréées par la Région
wallonne (certaines sont aussi actives à Bruxelles).
2.3. Les acteurs politiques
Le soutien au secteur de l’économie sociale a fait et fait l’objet d’actions publiques tant au
niveau fédéral que régional (en Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne). Cet
appui se réalise également à un niveau plus local (niveaux communal et provincial).
2.4. Les instituts d’enseignement et de recherche
Parmi les instituts d’enseignement et de recherche, nous distinguons les universités des autres
lieux de formation. Dans les universités, nous distinguons les centres de recherche
universitaires, les facultés universitaires en sciences humaines et les business schools.
18 Voir http://emploi.wallonie.be/THEMES/ECO_SOCIALE/Agences_Conseil.htm consulté le 12.04.2010. 19 Chiffre de janvier 2010. Voir http://emploi.wallonie.be/THEMES/ECO_SOCIALE/Agences_Conseil.htm
consulté le 12.04.2010. 20 Une d’entre elles est située dans la partie germanophone du pays. Elle ne se trouve donc pas dans notre liste.
36
2.5. Tableaux récapitulatifs des acteurs
FÉDÉRATIONS
Transversales Sectorielles
Secteur ISP Secteur ETA Autres
-SAW-B
-FEBECOOP
-Syneco
-Atout EI
-FeBISP
-Interfédé
-CAIPS
-ACFI
-AID
-EWETA
-FETAL
-Ressources
-Enercoop
ORGANISMES « RESSOURCE »
Agences conseil en économie sociale Organismes de
financement
Autres
Agréées Non agréées
Région wallonne Région de
Bruxelles-Capitale
-Agès (Econosoc)
-Boutique de gestion
-Crédal conseil
- Progress
-FEBECOOP
-NGE 2000
-SAW-B
-Syneco
-Propage-S
-FEBECOOP
-FeBISP
-Associatif financier
-FAR
-Crédal
-Cera
-Groupe Arco
-Triodos
-ConcertES
-RES
-Réseau équilibre
-Connexio-NS
-The Hub
-AlteR&I
-Pour la Solidarité
-Fond. Philippson
-Fond. Devenir
Solidaire
ACTEURS POLITIQUES
Niveau fédéral Niveau régional Niveaux provincial et
communal Région wallonne Région de Bruxelles-
Capitale
-Cellule fédérale ES
-Ministre wallon de
l’Economie
-Administration wallonne de
l’ES
-Sowecsom
-Cwes
-Direction de la Pol. de
l’Emploi et de l’Economie
plurielle
- Plate-forme de
concertation de l’ES
-Brusoc
-Luxembourg 2010
-Maison de l’ES (Charleroi)
INSTITUTS D’ENSEIGNEMENT ET DE RECHERCHE
Universités Autres
Centres de recherche
universitaires
Facultés universitaires
en sciences humaines
Business schools
-Cericis (UCL)
-Cirtes (UCL)
-CES (ULg – HEC)
-CIRIEC (ULg)
-UCL
-CES (ULg – HEC)
-ULB
-FUNDP
-Crecis (LSM, UCL)
-Solvay (ULB)
-EPFC
-IDEES
37
Rappelons que le critère pour constituer la cartographie était la présence, dans la présentation
des acteurs sur le web, d’au moins un des cinq principaux vocables utilisés par les trois
approches présentées dans le premier chapitre de ce mémoire: entreprise sociale, économie
sociale, entrepreneur social, entrepreneuriat social ou innovation sociale. Il ne s’agit donc pas
d’une cartographie présentant les acteurs de l’économie sociale: les acteurs s’inscrivant dans
le champ de l’économie sociale mais n’utilisant pas au moins un de ces termes sur leur site
internet ne se retrouvent pas dans notre cartographie. Cependant, nous constatons qu’une très
large majorité des acteurs utilisent le terme « économie sociale » sur leur site internet, souvent
en combinaison avec un ou plusieurs des quatre autres termes. Cela n’est pas surprenant, vu la
longue tradition de l’économie sociale en Belgique francophone. Seuls quatre acteurs
n’utilisent pas le vocable « économie sociale » sur leur site internet. Dans le tableau
récapitulatif, nous les avons mis en italique. Regardons-les de plus près. Le Crecis et Solvay
font usage du vocable « entrepreneuriat social ». Il n’est pas anodin qu’il s’agisse de deux
écoles de business: c’est en effet dans des business schools que les deux écoles de pensée
américaines se sont développées. La Fondation Philippson a recours au terme « entrepreneur
social ». A nouveau, il nous semble significatif que cette fondation ait pour mission de faire
connaître l’organisation Ashoka (à l’origine de l’école de l’innovation sociale) en Belgique.
The Hub, nouvel acteur dans le domaine, emploie quant à lui le terme « innovation sociale ».
3. Hypothèses
La cartographie constitue un premier travail empirique. Il en émerge l’hypothèse suivante:
Les représentations de l’entreprise sociale ou de l’entrepreneuriat social que se font les
acteurs dont le site internet utilise le terme « économie sociale » pourront être situées
dans le cadre théorique EMES, compte tenu de l’ancrage du cadre EMES dans la
théorie de l’économie sociale.
Etant donné que l’approche EMES est beaucoup plus récente que la théorie de l’économie
sociale, nous formulons également l’hypothèse suivante pour les acteurs dont le site internet
utilise le terme « économie sociale »: questionnés sur ce qu’ils entendent par entreprise
sociale (à travers une question ouverte), les 4 critères définissant l’économie sociale (telle que
définie par le CWES) apparaîtront clairement dans la réponse à la question ouverte. Les autres
38
critères propres à EMES se vérifieront aussi, mais plutôt à travers le questionnaire (les 28
questions fermées).
Une deuxième hypothèse découle de l’hypothèse principale: les représentations de l’entreprise
sociale ou de l’entrepreneuriat social que se font les acteurs dont le site internet n’utilise pas
le terme « économie sociale » ne pourront pas être situées dans le cadre théorique EMES,
mais pourront par contre être situées soit dans le cadre théorique de l’innovation sociale, soit
dans celui de l’école américaine de l’entreprise sociale.
4. Méthodologie
4.1. Echantillon
Nous allons tester nos hypothèses sur un échantillon de choix raisonné de dix acteurs. Voici la
manière dont nous avons constitué l’échantillon:
Parmi les acteurs utilisant le terme « économie sociale » sur leur site internet, nous avons
sélectionné 7 acteurs de différents types:
- ConcertES, plate-forme de concertation de l’économie sociale, dont le conseil
d’administration regroupe les trois fédérations transversales (SAW-B, FEBECOOP et
Syneco) ainsi qu’une fédération sectorielle, EWETA.
- Atout EI, fédération des entreprises d’insertion, ces dernière jouant un rôle central
dans le champ de l’économie sociale.
- deux organismes de financement: Triodos et Crédal, pour voir si la vision d’une
banque commerciale contraste avec celle d’une coopérative financière. Crédal
présente aussi l’avantage d’être agréée comme agence conseil en économie sociale.
- un organisme « ressource »: le réseau des entreprises sociales (RES) car c’est le seul
acteur utilisant le terme « entreprise sociale » dans sa dénomination.
- un acteur politique: la société wallonne d’économie sociale marchande
(SOWECSOM), acteur qui participe au financement des entreprises d’économie
sociale marchande.
- un institut d’enseignement et de recherche: le Centre d’économie sociale (HEC-ULg)
car il est à la fois centre de recherche et d’enseignement.
39
Parmi les acteurs n’utilisant pas le terme « économie sociale » sur leur site internet, nous
avons sélectionné 3 acteurs:
- les deux organismes « ressource », à savoir The Hub, qui est le seul à utiliser le terme
« innovation sociale », et la Fondation Philippson, étant donné son objectif de faire
connaître l’organisation Ashoka.
- des deux écoles de business, nous préférons le Crecis (LSM-UCL) à Solvay, le
premier présentant l’avantage d’être en même temps un centre de recherche.
4.2. Méthodes de récolte des données
Afin de tester nos hypothèses sur l’échantillon sélectionné, nous avons mis en œuvre trois
méthodes de collecte des données. Premièrement, nous avons posé aux acteurs une question
ouverte: « Pourriez-vous dire en quelques minutes ce qu’est une entreprise sociale, un
entrepreneur social ou l’entrepreneuriat social à vos yeux, en choisissant le terme le plus
pertinent pour vous ? ». Notons que nous n’avons pas demandé à nos interlocuteurs de donner
un avis institutionnel, mais bien un avis personnel. Nous n’avons donc pas accès aux discours
des institutions elles-mêmes, mais bien aux discours de personnes travaillant dans ces
structures. Pour en faciliter la lecture, nous avons résumé ces entretiens. Nous sommes
consciente que cela constitue déjà une interprétation en soi, même si nous avons voulu rester
le plus fidèle possible. Le script des entretiens se trouve en annexe (annexe A).
Deuxièmement, nous leur avons soumis un questionnaire de 28 propositions (voir annexe B).
Pour construire ce questionnaire, nous nous sommes basée sur les indicateurs que nous avons
retenus de chaque école de pensée. Nous avons fait le choix de ne pas différencier, dans notre
questionnaire, les deux courants de l’école de l’innovation sociale (focus sur l’entrepreneur ou
focus sur l’innovation sociale en tant que telle). Les affirmations correspondant à ces
indicateurs sont mélangées et les répondants ont marqué leur accord ou leur désaccord avec
les « items », en se positionnant sur une échelle en cinq points (1 = pas du tout d’accord et 5 =
tout à fait d’accord). Et troisièmement, les acteurs de notre échantillon ont choisi les cinq
propositions parmi les 28 propositions du questionnaire qui caractérisent au mieux
l’entreprise sociale à leurs yeux et les ont hiérarchisées selon leur ordre d’importance.
Les trois méthodes de récolte de données nous procurent des apports pertinents pour répondre
à notre question de départ, mais elles présentent également des limites. La question ouverte
nous donne une première idée de ce qui est important aux yeux de nos interlocuteurs. A elle
40
seule, la réponse à cette question nous montre parfois (mais pas toujours) à quel cadre
théorique la représentation que se font nos interlocuteurs de l’entreprise sociale correspond le
mieux. Le cas échéant, elle ne nous montre cependant pas toujours si les autres approches
exercent une influence sur leur représentation ou non. Le questionnaire, quant à lui, a
l’avantage de tester les indicateurs des trois écoles de pensée. Cependant, il a des limites,
certaines pouvant être en partie corrigées, d’autres non. Certaines questions sont en effet mal
formulées, soit parce qu’elles sont trop longues, soit parce qu’elles ne sont pas formulées de
manière assez simple ou univoque. Par exemple, les questions 2 et 3 concernent le lien entre
la mission sociale et l’activité de production; elles sont de toute évidence mal formulées,
puisque si l’on est d’accord avec l’une, l’on n’est logiquement pas d’accord avec l’autre, or
cela n’est pas le cas pour les réponses de tous nos interlocuteurs. Une autre limite est la
longueur du questionnaire: toutes les questions ne sont pas nécessaires, principalement celles
testant des indicateurs communs aux trois écoles de pensée. Afin d’obtenir des résultats plus
contrastés, nous les avons ôtées pour le calcul de nos moyennes par approche. Enfin, la
hiérarchisation de cinq propositions du questionnaire est souvent ce qui nous permet de
trancher quant à la position des acteurs vis-à-vis des trois approches, puisqu’ils ont dû faire un
choix de ce qui était essentiel à leurs yeux, parmi les indicateurs que nous avions retenus. La
complémentarité des trois méthodes est précieuse pour notre analyse. Ainsi, si le discours
d’un acteur ne fait en rien référence aux trois écoles de pensée présentées, les deux autres
méthodes peuvent apporter l’éclairage nécessaire. Si, par contre, les moyennes des réponses
aux propositions du questionnaire ne permettent pas de tirer une conclusion quant à la
position d’un acteur vis-à-vis des trois approches, les deux autres méthodes (ou au moins
l’une des deux) nous permettent généralement de trancher. Notons encore que nous avons
rencontré personnellement les différents acteurs. Dans deux cas, nous avons rencontré deux
acteurs travaillant dans la même institution. Nous n’avons tenu compte des données que d’une
seule personne, étant donné que nous avions prévu d’avoir un seul interlocuteur par
institution.
5. Présentation et analyse des données
Pour chaque acteur, nous présentons les données suivantes: un résumé de l’interview, les
moyennes21
des réponses au questionnaire pour chacune des trois approches et les cinq
21 Pour rappel, les acteurs se sont positionnés de la sorte: 1= pas du tout d’accord et 5=tout à fait d’accord.
41
propositions hiérarchisées représentant au mieux l’entreprise sociale. Le script des interviews,
ainsi que le tableau reprenant tous les résultats du questionnaire se trouvent en annexe
(annexes A et C). Ensuite, nous passons à l’analyse de ces données, en abordant pour chaque
acteur les quatre thématiques qui différencient les trois écoles de pensée entre elles: (1) la
mission sociale et l’activité de production, (2) le mode de gouvernance, (3) l’innovation
sociale ou l’entrepreneur social innovant et (4) les ressources. A chaque fois, nous avons
repris les propositions du questionnaire liées à la thématique. En colonne de droite se trouve
le positionnement des acteurs.
5.1. ConcertES
Présentation des données
Résumé de l’interview
Pour Mr Pereau, secrétaire général de ConcertES, le terme « entreprise sociale » est un
synonyme d’« entreprise d’économie sociale ». Ce qui distingue une entreprise sociale d’une
entreprise classique ou d’une entreprise qui fait de la responsabilité sociale des entreprises,
c’est leur point de départ. L’entrepreneur social part d’une problématique sociale ou sociétale
(par exemple la problématique du quartier qui dépérit, des problèmes environnementaux, le
problème du chômage) et y répond en utilisant l’activité économique. Ainsi, confronté à une
problématique sociale ou sociétale, un entrepreneur social va se dire par exemple: « j’ai la
connaissance d’une technologie pour construire des chaises; je vais mettre ça à profit pour
mettre les chômeurs au travail ou pour embellir le quartier grâce aux fonds générés par
l’activité économique ». L’entrepreneur classique, par contre, part de sa connaissance de la
technologie pour construire des chaises, et si son business marche bien, il va peut-être faire
attention à ce que le processus soit écologique ou verser quelques dons à des entrepreneurs du
Sud pour aider au développement. L’optique de départ de l’entrepreneur social est différente:
il développe son activité économique pour faire quelque chose d’autre que seulement sa
propre activité ou rechercher son profit.
Résultats du questionnaire
EMES Innovation sociale Social enterprise
4,2 2,9 3
42
Cinq propositions hiérarchisées
Mr Pereau n’a pas voulu hiérarchiser les cinq propositions caractérisant au mieux l’entreprise
sociale à ses yeux: elles ne sont pas hiérarchisables selon lui. Nous les plaçons néanmoins
dans l’ordre dans lequel il nous les a dites.
La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier (6).
Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou informelle (14).
Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique (16).
Pour être une entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la redistribution des
profits (28).
Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides (17).
Analyse des données
a) La mission sociale et l’activité de production
Selon Mr Pereau, une entreprise sociale déploie une activité économique en réponse à un
problème social ou sociétal. Ce problème détermine sa mission sociale. Les réponses de Mr
Pereau aux propositions 1 et 6 attestent de la centralité de l’activité économique et de la
mission sociale. Si l’activité et la mission peuvent avoir un lien direct selon Mr Pereau, il ne
s’agit cependant pas d’une contrainte, comme nous le constatons dans l’interview et dans ses
réponses aux propositions 2 et 3. Cette façon d’envisager l’entreprise sociale correspond à
l’approche américaine de l’entreprise sociale.
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de
manière continue.
5
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et
peut être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
4
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport
avec sa mission sociale.
2
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier. 4
b) Le mode de gouvernance
Le positionnement de Mr Pereau quant au mode de gouvernance nous permet de situer sa
représentation de l’entreprise sociale dans le cadre conceptuel d’EMES. La question de
l’allocation des profits (propositions 26 à 28) confirme cela, et le met en désaccord avec les
deux autres approches.
43
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique. 5
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique
collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
4
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou
informelle.
5
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de
décision.
4
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique. 4
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides. 4
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres.
2
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit. 2
28. Pour être une entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la
redistribution des profits.
5
c) L’innovation sociale
Même si l’on peut remarquer des influences de l’approche de l’innovation sociale, par
exemple par l’appréciation de la créativité et du leadership de l’entrepreneur (propositions 9,
10 et 12), l’innovation sociale en tant que telle ne constitue pas un enjeu pour Mr Pereau,
comme nous le montre son désaccord avec les propositions 5 et 7.
4. La mission de l’entrepreneur social est de créer de la valeur sociale par le développement d’une
innovation sociale.
4
5. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale. 2
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres
mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux
conséquences de ceux-ci.
2
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux. 4
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social. 4
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur est central. 4
En ce qui concerne la proposition 4, il a tenu à noter qu’il était tout à fait d’accord avec la
première partie de la phrase (création de valeur sociale), mais que le moyen pour cela n’était
pas nécessairement le développement d’une innovation sociale.
d) Les ressources
A propos de la question des ressources, la représentation de l’entreprise sociale de notre
interlocuteur montre une grande proximité avec l’approche EMES, puisqu’il valorise la
pluralité des ressources (propositions 18, 20, 23 et 24), mais également une influence de
l’approche américaine de l’entreprise sociale (proposition 21):
44
18. Trois types de ressources peuvent être importantes pour une entreprise sociale: les ressources
marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
4
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que
d’elle-même.
2
21. Une entreprise vise l’autofinancement par ses activités marchandes. 4
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en
partie.
4
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande. 1
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes. 4
e) Conclusion
L’analyse de ces données nous permet de situer la représentation de l’entreprise sociale de Mr
Pereau dans le cadre théorique d’EMES. Cela se vérifie dans les moyennes par école du
questionnaire. Ce n’est pas surprenant si l’on tient compte de l’ancrage explicite de sa
réflexion dans la théorie de l’économie sociale, qui se remarque non seulement dans
l’interview, mais aussi dans les cinq propositions qu’il choisit pour définir au mieux
l’entreprise sociale. Cependant, quelques points communs avec l’approche américaine de
l’entreprise sociale sont à relever: la volonté d’autofinancement et l’absence de contrainte de
lien direct entre l’activité et la mission. Le reste des indicateurs de cette approche ne remporte
pas son adhésion (professionnalisation par des méthodes du monde marchand, volonté
d’éviter les subsides publics et les dons). L’école de l’innovation sociale, quant à elle, ne
cadre pas avec sa façon d’envisager l’entreprise sociale.
5.2. AtoutEI
Présentation des données
Résumé de l’interview
Mr Borcy a deux casquettes: d’une part, il est président du Conseil d’Administration d’Atout
EI (c’est à ce titre que nous l’avons interviewé), et d’autre part, il est directeur d’une
entreprise d’insertion active dans les services de proximité et utilisant les titres-service. Pour
lui, une entreprise d’insertion à finalité sociale déploie diverses activités pour permettre à des
publics fragilisés d’accéder à l’emploi, et par ce biais-là de retrouver pied dans la vie sociale.
Ce que Mr Borcy met particulièrement en avant, c’est le respect du travail et des travailleurs à
tous les niveaux (travailleurs, personnel d’encadrement, personnel administratif, etc.). Il s’agit
de la mission première d’une entreprise sociale. Cet esprit d’entreprise n’est pas propre au
seul secteur de l’économie sociale: il peut exister dans des entreprises privées à but lucratif.
45
L’enjeu est de trouver un juste équilibre entre ce qui est nécessaire pour que le travail soit
assumé et les clients satisfaits, et le fait d’aider les membres du personnel dans leurs propres
problématiques. Cette mission de respect des travailleurs et du travail demande beaucoup
d’énergie et de temps: essayer ensemble de comprendre ce qui va, et surtout ce qui ne va pas,
organiser des réunions régulières avec le personnel pour expliquer les décisions ou pour faire
des choix ensemble, mais aussi prendre des décisions ensemble dans le quotidien de
l’entreprise. Dans son entreprise d’insertion, 10 travailleurs sur 70 ont pris une part de capital
et sont donc membres de l’AG. La possibilité que tous les travailleurs prennent une part existe
et certains considèrent cela comme un risque, i.c. que les travailleurs prennent le pouvoir dans
l’entreprise, mais lui et les autres membres du CA ne considèrent pas cela de cette façon: s’il
devait y avoir un effet de masse par rapport à quelque chose, c’est qu’il y avait un manque
dans la gestion.
Résultats du questionnaire
EMES Innovation sociale Social enterprise
4 4 3,3
Cinq propositions hiérarchisées
1. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier (6).
2. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres mots, il
cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux conséquences de ceux-ci (7).
3. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique (8).
4. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur social est central (12).
5. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes (24).
Analyse des données
a) La mission sociale et l’activité économique
La mission sociale et l’activité économique sont centrales dans le discours de Mr Borcy, ce
qui se vérifie dans ses réponses au questionnaire (propositions 1 et 6). Ses réponses aux
propositions 2 et 3 semblent suggérer qu’il ne considère pas le lien direct entre les deux
comme une contrainte, ce qui correspond à l’approche américaine de l’entreprise sociale.
Cependant, dans l’interview, il situe les entreprises sociales dans le champ de l’insertion. Pour
lui, cette insertion se fait par le biais de l’activité économique. Nous pouvons en déduire qu’il
considère le lien entre la mission, i.c. l’insertion, et l’activité comme direct.
46
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de
manière continue.
5
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et
peut être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
4
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport
avec sa mission sociale.
3
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier. 5
b) Mode de gouvernance
Dans l’interview, Mr Borcy parle beaucoup, quoique sans les nommer de la sorte, de gestion
participative, et de recherche de démocratie économique. Il mentionne également la présence
de travailleurs à l’Assemblée Générale, où siège donc une pluralité de parties prenantes. Ces
trois indicateurs nous montrent une proximité avec le cadre conceptuel EMES. La
prépondérance de la thématique du mode de gouvernance dans son discours, de même que ses
réponses aux propositions du questionnaire ayant trait au mode de gouvernance nous
permettent de situer sa représentation de l’entreprise sociale proche du cadre théorique EMES.
Sa position en ce qui concerne la distribution des profits (propositions 26 à 28) va dans le
même sens. Seule sa réponse à la proposition 17, traitant de l’indépendance par rapport aux
pouvoirs publics, ne cadre pas avec l’approche EMES.
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique. 5
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique
collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
5
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou
informelle.
5
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de
décision.
4
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique. 5
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides. 2
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres.
1
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit. 2
28. Pour être entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la
redistribution des profits.
5
c) L’innovation sociale
Mr Borcy ne mentionne pas l’innovation sociale dans son discours, mais les indicateurs
propres à l’école de l’innovation sociale remportent son accord dans le questionnaire. La
figure de l’entrepreneur social ne semble toutefois pas centrale pour lui: son point de départ
est l’entreprise et non pas l’entrepreneur.
47
4. L’entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d’une
innovation sociale.
4
5. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale. 5
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres
mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux
conséquences de ceux-ci.
5
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux. 5
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social. 5
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur est central. 5
d) Les ressources
Le positionnement de Mr Borcy par rapport aux ressources n’est pas tranché. Ainsi, s’il
valorise la pluralité des ressources (propositions 18 et 24), ce qui est dans la ligne de
l’approche EMES, ses autres réponses l’éloignent de ce cadre théorique, et traduisent une
influence de l’école américaine de l’entreprise sociale. Néanmoins, c’est la pluralité des
ressources qu’il choisit de mettre en exergue parmi les cinq propositions définissant au mieux
l’entreprise sociale à ses yeux.
18. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise sociale: les ressources
marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
4
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que
d’elle-même.
4
21. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes. 5
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en
partie.
4
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande. 4
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes. 5
e) Conclusion
Les moyennes du questionnaire nous permettent seulement de conclure que l’approche
américaine de l’entreprise sociale ne suscite pas le plein accord de Mr Borcy. Sa position par
rapport aux deux autres approches est par contre difficile à différencier. La plupart des
indicateurs de ces deux cadres conceptuels remportent en effet son adhésion. L’interview, qui
met en relief des dimensions du mode de gouvernance propres à EMES, nous permet
cependant de conclure que son point d’ancrage peut être situé de façon plus assurée dans le
cadre théorique EMES que dans celui de l’innovation sociale.
48
5.3. Crédal
Présentation des données
Résumé de l’interview
Pour Mr Adam, coordinateur de l’agence-conseil de Crédal, l’entrepreneuriat social, ce sont
des entrepreneurs qui décident de créer une entreprise qui a une finalité sociale et dont
l’objectif n’est pas le seul profit ou la seule recherche de gain individuel, mais plutôt une
recherche de gain collectif qui bénéficie non seulement au groupe qui porte le projet mais
aussi plus largement à la collectivité. Pour lui, l’entrepreneuriat social, c’est aussi l’utilisation
de moyens cohérents avec les fins. Ainsi, la recherche de démocratie, la participation, la
réduction des dividendes octroyés aux actionnaires, le respect de toutes les parties
prenantes (travailleurs, concurrents, collègues, fournisseurs, etc.) sont des dimensions
importantes à ses yeux. Sans la réduction des dividendes, les conditions de travail ne sont pas
cohérentes avec la fin, qui est le service à la collectivité ou aux membres. Mr Adam est
conscient qu’il y a un autre courant plus anglo-saxon, qui, dit-il, « privilégie la fin par tous les
moyens et selon lequel des entrepreneurs individuels travaillent dans le jeu du marché et ne
s’embarrassent pas trop d’éthique ». L’entrepreneuriat social, dans ce cas, réside dans le fait
d’avoir une finalité sociale, et s’il y a moyen de faire du profit, tant mieux. Mr Adam fait
référence au trois « P »: Planet, People, Profit. Lui et les acteurs de l’économie sociale
(auxquels il s’identifie) ne souscrivent pas du tout à ce courant. D’après Mr Adam, les
différences entre les deux courants peuvent être expliquées d’un point de vue sociologique:
d’un côté, les entrepreneurs sociaux correspondant au courant anglo-saxon sont issus du
monde de l’entreprise, tandis que ceux du secteur de l’économie sociale sont plutôt issus du
monde socioculturel et s’inscrivent donc plus dans l’aspect social qu’économique.
Résultats du questionnaire
EMES Innovation sociale Social enterprise
4,8 4,3 3,3
Cinq propositions hiérarchisées
1. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres mots, il
cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux conséquences de ceux-ci (7).
2. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou informelle (14).
3. Pour être une entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la redistribution
des profits (28).
49
4. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur social est central (12).
5. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes (21).
Analyse des données
a) La mission sociale et l’activité de production
Une première idée clé de l’interview, confirmée par l’analyse des réponses au questionnaire,
est la centralité de la mission sociale (proposition 6). Pour Mr Adam, cette dernière doit être
directement liée à l’activité de production (propositions 2 et 3).
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de
manière continue.
5
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et
peut être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
1
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport
avec sa mission sociale.
5
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier. 5
Nous pouvons déduire de cela que le cadre théorique de l’approche américaine de l’entreprise
sociale ne constitue pas le cadre de référence de Mr Adam; par contre ce lien entre mission et
activité renvoie à l’approche EMES.
b) Le mode de gouvernance
La deuxième idée clé ressortant de l’interview de Mr Adam a trait au mode de gouvernance.
Les dimensions de démocratie, de participation, de limitation de la distribution des profits et
de pluralité de parties prenantes constituent pour lui de véritables indicateurs pour caractériser
une entreprise sociale. Ses réponses au questionnaire confirment cette inclinaison pour le
cadre théorique d’EMES.
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique. 5
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique
collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
4
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou
informelle.
5
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de
décision.
5
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique. 5
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides. 5
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres.
2
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit. 2
28. Pour être une entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la
redistribution des profits.
5
50
Deux des cinq propositions choisies pour caractériser au mieux l’entreprise sociale par notre
interlocuteur (14 et 28) sont d’ailleurs des affirmations faisant référence au mode de
gouvernance dans la logique de l’approche EMES.
c) L’innovation sociale
Mr Adam ne parle pas d’innovation sociale dans l’interview, ni des qualités ou compétences
de l’entrepreneur. Ce dernier ne semble donc pas central à ses yeux. Les indicateurs propres à
l’école de l’innovation sociale suscitent néanmoins son adhésion dans le questionnaire, ce qui
traduit une influence de cette école.
4. L’entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d’une
innovation sociale.
4
5. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale. 4
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres
mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux
conséquences de ceux-ci.
5
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux. 4
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social. 4
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur est central. 5
d) Les ressources
Son avis quant à la question des ressources n’est pas tranché, comme nous le voyons ici:
18. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise sociale: les ressources
marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
5
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que
d’elle-même.
4
21. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes. 4
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en
partie.
5
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande. 2
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes. 4
Ainsi, ses réponses aux propositions 18, 23 et 24 montrent une proximité avec l’approche
EMES, mais dans le même temps, ses réponses aux propositions 20 et 21 traduisent une
influence de l’approche américaine de l’entreprise sociale.
e) Conclusion
Si le cadre théorique de l’approche EMES remporte le plus l’adhésion de Mr Adam, ce qui se
vérifie à travers l’interview et le questionnaire, nous pouvons voir également des influences
51
des deux autres écoles de pensée sur la manière dont il se représente l’entreprise sociale.
Pourtant, dans l’interview, il dit se distancier de ce qu’il appelle « l’approche anglo-
saxonne ». Ceci peut être interprété par le fait que la représentation des écoles anglo-saxonnes
de Mr Adam ne sont pas celles véhiculées par la littérature, à savoir l’école de l’innovation
sociale et l’école américaine de l’entreprise sociale. Ainsi, l’innovation sociale, la créativité et
le leadership de l’entrepreneur, trois indicateurs de l’école de l’innovation sociale, sont des
aspects qu’il valorise. De même, deux indicateurs testant the social enterprise school of
thought, à savoir le besoin de professionnalisation à l’aide de méthodes du monde marchand
(Mr Adam a tenu à préciser en complétant le questionnaire qu’il faut toutefois les adapter) et
l’objectif d’autofinancement, sont des éléments qui suscitent son accord. Trois des cinq
propositions choisies par Mr Adam pour représenter au mieux l’entreprise sociale font
d’ailleurs référence à l’innovation sociale, au leadership de l’entrepreneur et à
l’autofinancement par les activités marchandes. Notons toutefois qu’en ce qui concerne la
seule interview, nous pouvons situer sa représentation de l’entreprise sociale exclusivement
dans le cadre conceptuel d’EMES.
5.4. Triodos
Présentation des données
Résumé de l’interview
Mr Depoortere est Loan Manager et responsable social profit et économie sociale au sein de
la banque Triodos. Pour lui, une entreprise sociale est une entreprise qui entreprend en tenant
compte des besoins de toutes les parties prenantes. Pour lui, il n’est donc pas nécessaire de
rajouter qu’elle doit être sociale ou respectueuse de l’environnement, puisque parmi les
parties prenantes, il y a notamment l’entrepreneur, l’environnement, les employés et les
syndicats. Mr Depoortere fait référence aux trois « bases » (que nous supposons être les trois
principes du développement durable: l’économique, le social et l’environnement) qu’il ne faut
pas pour autant nommer, puisqu’une entreprise sociale entreprend non pas tant dans l’intérêt,
mais bien dans le respect de toutes ses parties prenantes.
Résultats du questionnaire
EMES Innovation sociale Social enterprise
3,5 3,7 2,5
52
Cinq propositions hiérarchisées
1. Les alliances entre l’entreprise sociale, le secteur privé à but lucratif et/ou le secteur public favorisent
l’innovation sociale (19).
2. Une entreprise sociale doit se professionnaliser en faisant appel à des méthodes du monde marchand (25).
3. Trois types de ressources peuvent être importantes pour une entreprise sociale: les ressources marchandes, les
subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat) (18).
4. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique (16).
5. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur social est central (12).
Analyse des données
a) La mission sociale et l’activité de production
Selon Mr Depoortere, la mission d’une entreprise sociale inclut des objectifs sociaux et (et
non pas ou) environnementaux. La centralité de cette mission, point commun des trois écoles,
ressort de son discours. Son avis quant au lien entre mission et activité n’est pas clair,
puisqu’il est plutôt d’accord avec les propositions 2 et 3 qui sont contradictoires. Mr
Depoortere souligne l’aspect entrepreneurial tant dans l’interview que dans le questionnaire
(proposition 1).
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de
manière continue.
5
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et
peut être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
4
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport
avec sa mission sociale.
4
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier. 4
b) Le mode de gouvernance
La plupart des indicateurs EMES liés au mode de gouvernance sont valorisés par notre
interlocuteur (propositions 8, 11 et 14 à 16). Seules ses réponses aux propositions traitant de
l’allocation des profits (propositions 26 à 28) et de l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs
publics (proposition 17) ne vont pas dans le même sens. La question de la distribution des
profits le rapproche de l’école de l’innovation sociale.
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique. 4
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique
collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
4
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou
informelle.
4
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de
décision.
4
53
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique. 4
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides. 2
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres.
4
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit. 1
28. Pour être une entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la
redistribution des profits.
1
c) L’innovation sociale
Dans l’interview, Mr Depoortere n’a pas mentionné l’innovation sociale comme critère
déterminant pour considérer une organisation comme entreprise sociale, ce qui est confirmé
par ses réponses aux propositions 4, 5 et 7. Notons toutefois qu’en remplissant le
questionnaire, Mr Depoortere a souligné le fait qu’il tenait compte de la réalité, et que son
souhait est que les entreprises sociales soient plus innovantes. Par contre, il valorise les
qualités et compétences de l’entrepreneur social (propositions 9, 10 et 12).
4. L’entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d’une
innovation sociale.
2
5. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale. 2
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres
mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux
conséquences de ceux-ci.
3
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux. 4
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social. 4
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur est central. 5
d) Les ressources
Le positionnement de Mr Depoortere par rapport à la question des ressources est clair: une
entreprise sociale fait appel à une pluralité de ressources pour faire face au risque économique
qu’elle prend (propositions 18 et 20 à 24). Cela renvoie au cadre théorique EMES et traduit un
net désaccord avec l’approche américaine de l’entreprise sociale, qui prône l’autofinancement
par des ressources marchandes (propositions 20 et 21).
18. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise sociale: les ressources
marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
4
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que
d’elle-même.
1
21. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes. 2
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en
partie.
4
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande. 2
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes. 4
54
e) Conclusion
Comme nous le montrent les moyennes des scores des différentes écoles de pensée, la
représentation de l’entreprise sociale de Mr Depoortere rentre partiellement dans le cadre
théorique de l’innovation sociale, de même que dans celui de l’approche EMES. Concernant
l’approche de l’innovation sociale, il s’en éloigne néanmoins de manière significative, dès
lors que l’innovation sociale en tant que telle n’est pas une caractéristique déterminante à ses
yeux pour être caractérisée d’entreprise sociale. Par contre, à propos du cadre théorique
EMES, il souscrit à des éléments essentiels: plusieurs dimensions du mode de gouvernance et
pluralité des ressources. Finalement, l’approche américaine de l’entreprise sociale ne suscite
pas son adhésion. Un indicateur de cette école retient toutefois particulièrement son attention:
le besoin de professionnalisation par des méthodes du monde marchand (proposition 25),
indicateur qu’il choisit comme deuxième proposition caractérisant au mieux l’entreprise
sociale.
5.5. Réseau des entreprises sociales
Présentation des données
Résumé de l’interview
Pour Mme Heusy, coordinatrice du RES, une entreprise sociale est une entreprise axée sur
l’humain, qui fait passer l’homme avant l’argent et non l’inverse. Dès lors, le côté ressources
humaines est privilégié, et non le côté ressources financières. L’objectif est de permettre à des
personnes d’avoir un travail et de faire valoir leurs compétences intrinsèques, sans viser le
profit à tout prix. Le côté financier n’est pas absent. Le mot « entreprise » sous-entend une
gestion entrepreneuriale, mais le mot « social » dit qu’il y a toujours un souci social dans la
balance. Il faut un équilibre entre les deux.
Résultats du questionnaire
EMES Innovation sociale Social enterprise
3,9 3,7 3,5
Cinq propositions hiérarchisées
1. Une entreprise sociale a un objectif de développement de a démocratie dans la sphère économique (8).
2. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique (16).
55
3. Une entreprise sociale doit se professionnaliser en faisant appel à des méthodes du monde marchand (25).
4. Quand on parle d’entrepreneuriat social, cela peut impliquer un individu en particulier mais aussi un groupe,
une organisation, un réseau, un mouvement ou une alliance d’organisations (13).
5. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres mots, il
cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux conséquences de ceux-ci (7).
Analyse des données
a) La mission sociale et l’activité de production
Pour Mme Heusy, le terme « entreprise sociale » réfère à deux réalités: l’activité de
production et la mission sociale. Dans l’interview, Mme Heusy situe les entreprises sociales
dans le champ de l’insertion. Le lien entre mission sociale et activité de production est dès
lors direct. Notre interlocutrice semble considérer ce lien direct comme une contrainte
(propositions 2 et 3), ce qui est contraire à l’approche américaine de l’entreprise sociale.
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de
manière continue.
4
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et
peut être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
3
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport
avec sa mission sociale.
4
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier. 4
b) Le mode de gouvernance
Mme Heusy adhère à l’approche EMES en ce qui concerne le mode de gouvernance, comme
le montrent ses réponses aux propositions 8, 11 et 14 à 17.
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique. 5
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique
collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
4
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou
informelle.
4
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de
décision.
4
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique. 5
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides. 4
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres.
4
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit. 1
28. Pour être une entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la
redistribution des profits.
3
56
En ce qui concerne la distribution des profits, le positionnement de Mme Heusy traduit une
plus grande proximité avec l’école de l’innovation sociale. Bien qu’elle ait mis en évidence
lors de l’interview que la mission sociale passait avant la recherche de profits, elle ne voit pas
d’objection au fait que les profits soient distribués entièrement aux actionnaires ou membres
(proposition 26).
c) L’innovation sociale
L’innovation sociale est un aspect important selon Mme Heusy, comme le montrent ses
réponses aux propositions 4, 5 et 7. Cependant, elle ne met pas en avant l’entrepreneur social,
sa grille de lecture étant l’organisation. La proposition 12 liée au leadership de l’entrepreneur
est d’ailleurs une des cinq propositions ne suscitant pas son accord.
4. L’entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d’une
innovation sociale.
5
5. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale. 4
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres
mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux
conséquences de ceux-ci.
5
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux. 4
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social. 4
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur est central. 2
d) Les ressources
Le positionnement de Mme Heusy quant à la question des ressources n’est pas tranché: d’une
part, elle est en accord avec EMES qui dit qu’une entreprise sociale doit hybrider ses
ressources (propositions 18 et 24), et d’autre part, elle se rapproche de l’école américaine de
l’entreprise sociale qui privilégie l’autofinancement d’une entreprise sociale par ses activités
marchandes (propositions 20 et 21).
18. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise sociale: les ressources
marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
4
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que
d’elle-même.
4
21. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes. 4
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en
partie.
5
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande. 4
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes. 4
57
e) Conclusion
Les moyennes des scores ne nous permettent pas de différencier de façon nette la position de
Mme Heusy par rapport aux trois écoles. La moyenne légèrement plus élevée de l’école
EMES, de même que la valorisation de deux dimensions du mode de gouvernance propres à
EMES en premier et deuxième lieux dans les cinq propositions hiérarchisées nous montrent
une proximité un peu plus grande avec ce cadre théorique. Néanmoins, le cadre théorique
proposé par l’école de l’innovation sociale suscite en grande partie son accord, ainsi qu’une
partie de l’approche américaine de l’entreprise sociale (notamment le besoin de
professionnalisation par des méthodes du monde marchand).
5.6. Sowecsom
Présentation des données
Résumé de l’interview
Si la Sowecsom s’adresse uniquement au secteur de l’économie sociale (répondant aux 4
critères fixés par le CWES), pour Mr Colpé, son directeur, la définition d’une entreprise
sociale est plus large. Il y a les sociétés à finalité sociale répondant aux critères du CWES.
Mais pour lui le terme « entreprise sociale » ne s’arrête pas aux seules SFS. Le terme peut
aussi être appliqué à une entreprise classique ayant une démarche sociale dans ses modes de
fonctionnement. Les sociétés peuvent donc être socialement responsables par certaines
démarches qu’elles font, tant dans la gestion du personnel que dans les relations avec ses
fournisseurs, ou dans le respect de la législation sociale ou fiscale, ou encore par des
démarches tendant vers l’économie durable. Pour lui, toutes ces démarches « jouent un peu
dans la même cour » que les SFS. Pour Mr Colpé, une entreprise sociale peut avoir un but de
lucre normal mais n’utilisera pas tous les moyens pour atteindre cet objectif et son objectif
n’est pas que celui-là.
Résultats du questionnaire
EMES Innovation sociale Social enterprise
4,1 3,4 3,7
58
Cinq propositions hiérarchisées
1. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier (6).
2. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de manière
continue (1).
3. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique (8).
4. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique (16).
5. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes (21).
Analyse des données
a) La mission sociale et l’activité de production
La centralité de la mission sociale ressort du fait que Mr Colpé fait référence à la définition du
CWES. Cependant, pour être qualifiée d’entreprise sociale, Mr Colpé dit qu’il suffit de
beaucoup moins que cela. Comme le suggèrent ses réponses aux propositions 2 et 3, le lien
direct entre mission et activité économique ne semble pas être une contrainte selon notre
interlocuteur, ce qui est en phase avec l’école américaine de l’entreprise sociale.
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de
manière continue.
5
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et
peut être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
4
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport
avec sa mission sociale.
3
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier. 4
b) Le mode de gouvernance
Ses réponses aux propositions liées aux dimensions du mode de gouvernance montrent une
proximité avec l’approche EMES.
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique. 5
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique
collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
5
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou
informelle.
4
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de
décision.
4
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique. 4
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides. 4
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres.
1
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit. 2
28. Pour être une entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la
redistribution des profits.
5
59
c) L’innovation sociale
Dans l’interview, Mr Colpé ne mentionne pas l’innovation sociale en tant que telle, et sa
« porte d’entrée » semble bien être l’organisation puisqu’il parle de sociétés, et non
d’entrepreneur. Toutefois, il est en accord avec les propositions propres à l’école de
l’innovation sociale:
4. L’entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d’une
innovation sociale.
4
5. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale. 4
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres
mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux
conséquences de ceux-ci.
4
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux. 4
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social. 4
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur est central. 4
Notons néanmoins qu’en complétant le questionnaire, il a dit « avoir du mal avec ce concept »
(l’innovation sociale).
d) Les ressources
Le positionnement de Mr Colpé concernant la question des ressources d’une entreprise sociale
n’est pas tranché. Ses réponses aux questions suivantes nous montrent une plus grande
proximité avec l’approche EMES, même si nous relevons une influence de l’école américaine
de l’entreprise sociale dans sa réponse à la proposition 21 (qui est aussi la cinquième
proposition qu’il choisit parmi les cinq propositions caractérisant au mieux l’entreprise
sociale).
18. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise sociale: les ressources
marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
4
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que
d’elle-même.
3
21. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes. 4
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en
partie.
5
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande. 3
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes. 4
e) Conclusion
La représentation de l’entreprise sociale de Mr Colpé peut être placée dans le cadre
conceptuel d’EMES, et cela pour plusieurs raisons. Tout d’abord, son point de départ lors de
60
l’interview est la référence au secteur de l’économie sociale et aux critères du CWES.
Ensuite, les moyennes des scores de chaque école de pensée nous montrent une plus grande
adhésion à cette école. Enfin, quatre des cinq propositions qu’il choisit pour caractériser au
mieux l’entreprise sociale sont des indicateurs EMES. Néanmoins, sa définition de
l’entreprise sociale est plus large, comme il le souligne dans l’interview. D’ailleurs, beaucoup
d’éléments des deux autres approches suscitent son adhésion; pour l’école de l’innovation
sociale: innovation sociale, qualités et leadership de l’entrepreneur; pour l’école américaine
de l’entreprise sociale: besoin de professionnalisation par des méthodes du monde marchand,
volonté de s’autofinancer par ses activités marchandes, absence de contrainte de lien direct
entre mission et activité.
5.7. Centre d’économie sociale (Ulg)
Présentation des données
Résumé de l’interview
Mme Mertens est professeur et directrice des recherches au CES de l’ULg (HEC). Elle utilise
la grille de lecture de l’organisation et parle donc d’entreprise sociale. Pour elle, une
entreprise sociale, c’est toute organisation qui appartient à l’économie sociale et qui peut être
utilement regardée comme une entreprise. A ses yeux, appartient à l’économie sociale toute
organisation productrice de biens et de services, entendus au sens très large, qui a une finalité
première qui n’est pas la recherche du profit pour les actionnaires et qui met en œuvre un
processus de gestion démocratique. Une organisation peut être utilement regardée comme une
entreprise s’il y a une prise de risque et la continuité d’un projet, ce qui, en principe, nécessite
d’avoir de l’emploi rémunéré. Ce qui intéresse Mme Mertens, ce sont donc des organisations
qui sont des ASBL, des sociétés à finalité sociale, des sociétés coopératives reconnues par le
CNC, des mutualités et des fondations, qui créent de l’emploi rémunéré, qui répondent à des
besoins pas bien satisfaits pas les autres acteurs et qui innovent socialement. Pour Mme
Mertens, le critère pour être appelée entreprise sociale reste l’appartenance à l’économie
sociale, mais elle reconnaît qu’il y a du flou et qu’il existe d’autres types d’entreprises, en
particulier des PME, qui ont parfois des pratiques de gestion très similaires à ce qu’on observe
en entreprise sociale. Mais la distinction est claire et se résume dans la question suivante:
quelle est la finalité première et quel est le mode d’organisation ? Sous-tendant cela, il y a le
choix de la forme juridique qui n’est pas anodin: choisir le statut d’ASBL ou de SFS ou de
61
société coopérative reconnue, est un choix d’afficher des valeurs. La forme juridique reste
donc sa grille d’analyse, mais cela ne l’empêche pas de reconnaître de la proximité avec du
développement local, des petites PME, et même parfois avec des structures publiques, qui ont
quand-même une autonomie importante et qui se rapprochent aussi de l’entreprise sociale. Si
le terme « entreprise sociale » est le plus pertinent pour Mme Mertens et reste la « porte
d’entrée », elle reconnaît qu’il y a à mettre en lumière, plus que ce ne l’était jusqu’à présent,
l’entrepreneur, ou en tout cas le processus d’entrepreneuriat, pour connaître les freins et les
éléments qui soutiennent la création d’entreprises sociales, afin de soutenir ce secteur.
Résultats du questionnaire
EMES Innovation sociale Social enterprise
3,7 4,1 2,3
Cinq propositions hiérarchisées
1. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier (6).
2. L’innovation sociale est un aspect essentiel (5).
3. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en partie (22).
4. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de manière
continue (1).
5. Pour être une entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la redistribution
des profits (28).
Analyse des données
a) La mission sociale et l’activité de production
Pour Mme Mertens, un aspect important définissant une entreprise sociale est son activité de
production de services ou de biens qui doit être continue et nécessite donc de l’emploi
rémunéré. Elle estime que le lien entre la mission sociale et l’activité de production ne doit
pas être direct, comme nous le montrent ses réponses aux propositions 2 et 3. Il s’agit du seul
élément qui la rapproche de l’école américaine de l’entreprise sociale.
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de
manière continue.
5
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et
peut être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
4
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport
avec sa mission sociale.
2
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier. 5
62
b) Le mode de gouvernance
Dans l’interview, Mme Mertens parle du processus de gestion démocratique comme d’un
élément constitutif des entreprises sociales. Cette vision s’inscrit dans le cadre théorique
d’EMES. Cependant, son positionnement « sans avis » par rapport à certaines propositions
liées au mode de gouvernance (propositions 8, 11, 14 et 15) ne vont pas dans le même sens.
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique. 3
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique
collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
3
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou
informelle.
3
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de
décision.
3
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique. 4
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides. 5
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres.
5
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit. 1
28. Pour être une entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la
redistribution des profits.
5
En ce qui concerne la distribution des profits, si Mme Mertens choisit la proposition 28 parmi
les cinq propositions définissant au mieux l’entreprise sociale à ses yeux, elle est néanmoins
« tout à fait d’accord » avec la proposition 26 liée à l’école de l’innovation sociale, même si
elle a tenu à noter qu’il y avait des limites dans la manière de distribuer les profits aux
membres (elle a également barré « actionnaires »). Selon elle, une entreprise sociale n’est pas
limitée au secteur associatif, ce qui l’éloigne davantage de l’approche américaine de
l’entreprise sociale.
c) L’innovation sociale
Mme Mertens mentionne dans l’interview l’innovation sociale comme un élément important à
ses yeux. Ses réponses aux propositions 4 et 5 nous montrent également qu’elle souscrit tout à
fait à l’importance de l’innovation sociale, ce qui place sa représentation de l’entreprise
sociale à proximité de l’approche de l’innovation sociale. Toutefois, elle n’est pas d’accord
avec un de ses indicateurs (proposition 7).
4. L’entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d’une
innovation sociale.
5
5. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale. 5
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres 2
63
mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux
conséquences de ceux-ci.
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux. 5
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social. 5
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur est central. 5
Mme Mertens admet qu’il faudrait davantage mettre en lumière l’entrepreneur social.
Cependant, sa « porte d’entrée » reste celle de l’organisation. On ne peut donc pas dire que sa
clé de lecture soit « l’entrepreneur social innovant », même si elle valorise son leadership et sa
créativité (propositions 9, 10 et 12).
d) Les ressources
Selon Mme Mertens, le risque économique est un aspect essentiel pour être qualifiée
d’entreprise sociale. Pour faire face à ce risque économique, la position de Mme Mertens est
très claire et rentre dans le cadre théorique d’EMES: il faut hybrider ses ressources.
18. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise sociale: les ressources
marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
5
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que
d’elle-même.
1
21. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes. 1
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en
partie.
5
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande. 2
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes. 5
e) Conclusion
Si les moyennes des scores traduisent une plus grande proximité de la représentation de
l’entreprise sociale de Mme Mertens avec l’école de l’innovation sociale, il n’en est pas de
même quant à l’interview qui montre une forte inclinaison pour le cadre théorique d’EMES.
Nous pouvons en conclure que sa représentation de l’entreprise sociale rentre dans le cadre
conceptuel d’EMES, ce qui est logique étant donné son ancrage dans la théorie de l’économie
sociale. Cependant, l’école de l’innovation sociale n’en exerce pas moins une grande
influence sur sa manière de conceptualiser l’entreprise sociale. Comme le montre la moyenne
des scores de l’école américaine de l’entreprise sociale, sa représentation de l’entreprise
sociale en est fort éloignée: la question des ressources suscite son net désaccord avec cette
approche, de même que la professionnalisation par des méthodes du monde marchand (même
si Mme Mertens estime qu’une entreprise sociale doit se professionnaliser).
64
5.8. The Hub
Présentation des données
Résumé de l’interview
Pour Mr Riedl, administrateur et cofondateur du Hub, l’objectif de l’entrepreneuriat social est
la résolution d’un problème sociétal ou social par des moyens innovants. Pour lui,
l’entrepreneuriat social est d’abord l’activité d’un individu ou d’un groupe de personnes qui
remplit les critères de l’entrepreneuriat: pro-activité, relever les défis, prise de risque,
créativité, innovation (c’est-à-dire la création de quelque chose de nouveau), détermination,
etc. Ensuite, pour lui et le Hub, il est important de remettre les choses en question, notamment
certains modes de fonctionnement de l’économie sociale « classique » comme le manque de
dynamisme et le fait de travailler avec des subsides. Mr Riedl préfère limiter les subsides et au
manque de dynamisme, il oppose la prise de risque. Puisque la prise de risque est un aspect
essentiel dans l’approche du Hub, une préoccupation primordiale est la diminution de ce
risque. A cela s’ajoute le fait que souvent, les entrepreneurs sont seuls (comme individu ou
comme groupe) face à toute une série de défis. C’est pourquoi le Hub a été créé: un lieu où les
entrepreneurs sociaux peuvent s’entraider et s’échanger des informations notamment sur les
possibilités de financement.
Résultats du questionnaire
EMES Innovation sociale Social enterprise
3,7 4,4 4
Cinq propositions hiérarchisées
1. L’entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d’une innovation
sociale (4).
2. L’innovation sociale est un aspect essentiel (5).
3. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres mots, il
cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux conséquences de ceux-ci (7).
4. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux (9).
5. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres (26).
65
Analyse des données
a) La mission sociale et l’activité de production
L’importance des deux pôles, la mission sociale et l’activité économique, ressort de
l’interview et du questionnaire (propositions 1 et 6). Il n’est pas clair si notre interlocuteur
considère que le lien entre activité et mission doit être direct ou non, puisqu’il est d’accord
avec les propositions 2 et 3.
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de
manière continue.
5
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et
peut être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
4
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport
avec sa mission sociale.
4
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier. 4
b) Le mode de gouvernance
Concernant le mode de gouvernance, si pour Mr Riedl la recherche de plus de démocratie
économique et la dynamique collective ne constituent pas un enjeu (propositions 8 et 11),
d’autres indicateurs EMES ayant trait au mode de gouvernance emportent son accord
(propositions 14 à 17).
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique. 3
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique
collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
2
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou
informelle.
4
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de
décision.
4
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique. 4
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides. 5
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres.
5
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit. 2
28. Pour être une entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la
redistribution des profits.
4
La question de la distribution des profits rapproche Mr Riedl de l’école de l’innovation
sociale (proposition 26), bien qu’il soit plutôt d’accord avec la proposition 28, un indicateur
EMES qui ne va pas dans le même sens. C’est néanmoins la proposition 26 qu’il valorise le
66
plus et qu’il reprend d’ailleurs dans les cinq propositions hiérarchisées caractérisant au mieux
l’entreprise sociale.
c) L’entrepreneur social innovant
L’entrepreneur social innovant est au cœur de la représentation de l’entrepreneuriat social de
Mr Riedl, ainsi que ses qualités et compétences, ce qui se vérifie également dans ses réponses
au questionnaire.
4. L’entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d’une
innovation sociale.
5
5. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale. 4
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres
mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux
conséquences de ceux-ci.
4
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux. 4
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social. 5
Si dans l’interview, l’entrepreneur comme individu n’est pas mis en exergue, puisqu’il parle
tant d’individu que de groupe d’individus, ses réponses aux deux propositions suivantes nous
montrent qu’il ne valorise pas une dynamique collective.
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique
collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
2
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur social est central. 4
d) Les ressources
Il est difficile de cerner ce que Mr Riedl pense à propos de la question des ressources, au vu
de ses réponses au questionnaire:
18. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise sociale: les ressources
marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
5
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que
d’elle-même.
4
21. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes. 4
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en
partie.
5
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande. 4
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes. 5
D’une part, il valorise la pluralité des ressources (propositions 18 et 24), et d’autre part, il
souscrit au fait qu’une entreprise sociale doit éviter les subsides au maximum et
s’autofinancer par ses activités marchandes (propositions 20 et 21). Ce qui aide à trancher,
67
c’est que dans l’interview, il dévalorise la dépendance vis-à-vis des subsides publics. Cela le
rapproche de l’école américaine de l’entreprise sociale.
e) Conclusion
L’analyse de ces données nous révèle que l’école de l’innovation sociale est le cadre
conceptuel correspondant le mieux à la représentation que se fait Mr Riedl de
l’entrepreneuriat social. Les cinq propositions choisies par notre interlocuteur pour représenter
au mieux l’entreprise sociale font d’ailleurs toutes référence à cette école. Cependant, d’autres
éléments, correspondant à the social enterprise school of thought (la volonté de se détacher
des subsides, la nécessité de se professionnaliser par des méthodes du monde marchand) et au
cadre théorique d’EMES (certaines dimensions du mode de gouvernance), remportent son
accord.
5.9. Fondation Philippson
Présentation des données
Résumé de l’interview
Mme de le Court, Partner Support Officer à la Fondation Philippson, utilise le terme
entrepreneur social. Par ce terme, elle entend un individu qui a toutes les qualités d’un
entrepreneur classique, à savoir une vision claire d’une solution à apporter à un problème
préalablement identifié et des capacités de leadership et de mobilisation de ressources. Elle
attache donc de l’importance à la personnalité de l’entrepreneur. Contrairement à
l’entrepreneur classique, l’entrepreneur social a un objectif social et est à la tête d’une
organisation ou d’une association. Selon Mme de le Court, l’entrepreneur social veut « faire
bouger les choses », a un objectif de transformation sociale et est enthousiaste, plein
d’ambition et déterminé à améliorer concrètement et durablement la vie de ses compatriotes.
Les organisations dont sont responsables les entrepreneurs sociaux peuvent être totalement
subsidiées, mais l’entrepreneur social mène une réflexion pour essayer de s’autofinancer. En
effet, les entrepreneurs sociaux veulent éviter de rester structurellement dépendants de
subsides. Cette démarche vers l’autofinancement est importante. Cependant, c’est la
personnalité de l’individu qui reste déterminante pour qualifier quelqu’un d’entrepreneur
social.
68
Résultats du questionnaire
EMES Innovation sociale Social enterprise
3 4,4 3,3
Cinq propositions hiérarchisées
1. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur social est central (12).
2. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres mots, il
cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux conséquences de ceux-ci (7).
3. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux (9).
4. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier (6).
5. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides (17).
Analyse des données
a) L’activité de production et la mission sociale
Pour Mme de le Court, la présence d’une mission sociale est ce qui fait la différence entre un
entrepreneur classique et un entrepreneur social. Logiquement, cette mission est valorisée
dans le questionnaire (proposition 6). En ce qui concerne le lien entre la mission et l’activité
de production, il doit être direct selon notre interlocutrice (propositions 2 et 3), ce qui est en
contradiction avec l’approche américaine de l’entreprise sociale.
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de
manière continue.
4
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et
peut-être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
2
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport
avec sa mission sociale.
4
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier. 5
b) Le mode de gouvernance
La recherche de plus de démocratie dans la sphère économique ne constitue pas un enjeu pour
Mme de le Court, ce qui la distancie fortement de l’approche EMES (propositions 8, 11, 14 à
16). Seule l’importance qu’elle accorde à l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics
rapproche sa représentation du cadre théorique EMES (proposition 17). La question de la
distribution des profits nous indique une proximité avec l’école de l’innovation sociale
(propositions 26 à 28).
69
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique. 2
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique
collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
1
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou
informelle.
2
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de
décision.
2
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique. 3
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides 5
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres.
5
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit. 2
28. Pour être entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la
redistribution des profits.
2
c) L’entrepreneur social innovant
Les deux éléments au centre du discours de Mme de le Court, l’entrepreneur et la
transformation sociale, sont également valorisés par ses réponses au questionnaire et font
référence à l’école de l’innovation sociale.
4. L'entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d'une
innovation sociale.
4
L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale. 2
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres
mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux
conséquences de ceux-ci.
5
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux. 5
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social. 5
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur social est central. 5
Les cinq propositions choisies par Mme de le Court pour représenter au mieux une entreprise
sociale nous confirment cette analyse: les trois premières font référence à cette approche.
Pourquoi notre interlocutrice ne met-elle pas en avant l’innovation sociale en tant que
telle (proposition 5)? Après avoir rempli le questionnaire, Mme de le Court a tenu à rajouter
que l’innovation sociale ne constituait pas en soi un critère de sélection pour accorder un
soutien à un entrepreneur social. Cela explique le fait qu’elle est « plutôt pas d’accord » avec
la proposition 5. Cependant, selon elle, un entrepreneur social ayant toutes les qualités
requises met de facto une innovation sociale en œuvre.
70
d) Les ressources
Pour Mme de le Court, une entreprise sociale peut avoir recours à une pluralité de ressources
(proposition 18), ce qui est contradictoire avec l’école américaine de l’entreprise sociale.
Cette dernière a néanmoins une influence sur sa représentation puisque Mme de le Court est
d’accord qu’il faut éviter au maximum les subsides et les dons (proposition 20). Cependant,
cette influence est limitée puisque l’autofinancement n’est pas un objectif en soi à ses yeux
(proposition 21).
18. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise sociale: les ressources
marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
5
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que
d’elle-même.
4
21. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes. 2
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en
partie.
2
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande. 2
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes. 2
e) Conclusion
Nous pouvons conclure de cette analyse que la représentation de l’entrepreneuriat social de
Mme de le Court correspond au cadre conceptuel de l’école de l’innovation sociale. Il y a
toutefois certains points communs avec the social enterprise school of thought (notamment le
besoin de professionnalisation par des méthodes du monde marchand). Par contre, sa
représentation est éloignée de l’approche EMES. Cette analyse est confirmée par les
moyennes par école du questionnaire.
5.10. CRECIS (LSM-UCL)
Présentation des données
Résumé de l’interview
Mme Bacq est doctorante et chercheuse. Pour elle, l’entrepreneuriat social est l’ensemble des
individus et des organisations qui allient la conduite d’une mission sociale, c’est-à-dire la
recherche d’une plus–value sociale, avec la réalisation d’un modèle économique viable. Il y a
donc un double objectif, à la fois social et économique. Mme Bacq comprend le mot social
dans le sens sociétal; cela peut donc inclure des objectifs environnementaux, tout comme la
fourniture de services sociaux dans le sens où on l’entend habituellement, à savoir le fait de
71
faire travailler des personnes handicapées, des personnes au chômage, des ex-prisonniers, etc.
Concernant le modèle économique, c’est un modèle qui se base sur des activités marchandes
utilisant les règles du marché pour faire fonctionner l’entreprise. Mme Bacq n’est pas contre
le fait de recourir aux subsides (comme les PME classiques), mais cela doit se limiter à la
phase de start-up.
Résultats du questionnaire
EMES Innovation sociale Social enterprise
1,9 4 3,8
Cinq propositions hiérarchisées
1. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres mots, il
cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux conséquences de ceux-ci (7).
2. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que d’elle-
même (20).
3. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur social est central (12).
4. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en partie (22).
5. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres (26).
Analyse des données
a) La mission sociale et l’activité de production
Pour Mme Bacq, dans l’entrepreneuriat social, il y a une double conduite d’activités: la
mission sociale et l’activité économique. Sans surprise, notre interlocutrice valorise donc les
propositions 1 et 6. Quant au lien entre la mission et l’activité, il doit être direct (propositions
2 et 3), ce qui est en désaccord avec l’approche américaine de l’entreprise sociale.
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de
manière continue.
5
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et
peut être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
2
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport
avec sa mission sociale.
4
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier. 4
b) Le mode de gouvernance
Mme Bacq est en net désaccord avec l’approche EMES à propos du mode de gouvernance
(propositions 8, 11, 14 à 16 et 28).
72
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique. 3
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique
collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
1
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou
informelle.
1
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de
décision.
1
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique. 1
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides. 5
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués
entièrement aux actionnaires ou membres.
5
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit. 1
28. Pour être une entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la
redistribution des profits.
1
L’autonomie vis-à-vis des pouvoirs publics (proposition 17) traduit une proximité avec
l’approche américaine de l’entreprise sociale, même s’il s’agit également d’un indicateur
EMES. La question de l’allocation des profits nous montre qu’elle ne situe pas
l’entrepreneuriat social dans le seul secteur associatif.
c) L’innovation sociale
Bien que Mme Bacq ne mentionne pas l’innovation sociale dans l’interview, ses réponses aux
propositions suivantes nous montrent son accord avec l’école de l’innovation sociale:
4. L’entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d’une
innovation sociale.
4
5. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale. 4
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres
mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux
conséquences de ceux-ci.
5
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux. 4
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social. 5
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur est central. 4
d) Les ressources
Selon Mme Bacq, une entreprise sociale doit viser l’autofinancement par les activités
marchandes et éviter les subsides (propositions 20 et 21), ce qui la met en clair désaccord avec
l’approche EMES. Par contre, cela fait référence à l’approche américaine de l’entreprise
sociale.
18. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise sociale: les ressources
marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
1
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que
d’elle-même.
5
73
21. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes. 5
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en
partie.
5
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande. 5
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes. 5
e) Conclusion
La représentation de l’entrepreneuriat social de Mme Bacq correspond au moins en partie au
cadre conceptuel de l’école de l’innovation sociale. En effet, la création de valeur sociale,
l’innovation sociale, le leadership et la créativité de l’entrepreneur sont autant d’indicateurs
qu’elle valorise. Cependant, sa représentation est plus proche de l’école américaine de
l’entreprise sociale qui met l’accent sur l’autofinancement par les activités marchandes, la
volonté de ne pas fonctionner avec des subsides et le besoin de professionnalisation par des
méthodes du monde marchand. Le fait que, pour Mme Bacq, l’entrepreneuriat social ne se
limite pas au seul secteur nonprofit nous permet de situer sa représentation dans le courant
plus récent de cette approche américaine, que Defourny et Nyssens (2009) nomment the
social-purpose business approach22
. En effet, sa représentation correspond à la grille
d’analyse de l’entrepreneuriat social proposée par des auteurs comme Nicholls.
5.11. Positionnement des acteurs: synthèse
Afin de visualiser notre analyse, nous avons placé les différents acteurs dans un triangle divisé
en trois parties représentant les trois écoles de pensée. L’emplacement concret d’un acteur
dans une des parties dépend d’une part de sa proximité avec tel ou tel cadre conceptuel et
d’autre part des influences des deux autres cadres théoriques.
22 La moyenne des scores de l’école américaine de l’entreprise sociale change si l’on remplace la proposition 27
(interdiction totale de distribuer le profit) par la proposition 26 (pas de contrainte quant à la distribution des
profits) et passe de 3,8 à 4,5.
74
La représentation de l’entrepreneur social ou de l’entrepreneuriat social de deux acteurs, à
savoir nos interlocuteurs au Hub et à la Fondation Philippson, correspond clairement au cadre
conceptuel de l’innovation sociale, raison pour laquelle ils sont placés dans la partie social
innovation school of thought du triangle. Cependant, pour le Hub, une partie des indicateurs
EMES emporte son accord (certaines dimensions du mode de gouvernance: gestion
participative, mode de gouvernance démocratique et indépendance des pouvoirs publics),
ainsi qu’une majorité des indicateurs de l’école américaine de l’entreprise sociale
(dévalorisation des subsides publiques, besoin de professionnalisation par des méthodes du
monde marchand). Pour la Fondation Philippson, par contre, le cadre EMES n’est pas du tout
dans la même ligne de pensée (les dimensions EMES du mode de gouvernance sont toutes
dévalorisées, hormis l’indépendance des pouvoirs publics), et l’approche américaine de
l’entreprise sociale n’exerce que peu d’influence. C’est pourquoi ces deux acteurs sont placés
à deux endroits bien distincts: notre interlocuteur au Hub en grande proximité de la partie
social enterprise school of thought et plus proche également de la partie EMES; notre
interlocutrice à la Fondation Philippson plus proche de l’angle du triangle, marquant ainsi le
peu d’influence des deux autres approches.
75
La représentation de l’entrepreneuriat social de notre interlocutrice au Crecis peut être placée
dans the social-purpose business approach, le courant le plus récent de l’approche américaine
de l’entreprise sociale. Stratégies d’autofinancement, volonté de se détacher des subsides et
besoin de professionnalisation par des méthodes du monde marchand sont en effet autant
d’indicateurs suscitant son accord. Sa représentation est fort éloignée de l’approche EMES
(les dimensions du mode de gouvernance propres à cette approche sont dévalorisées, sauf
l’indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics), mais révèle par contre des influences de
l’école de l’innovation sociale: l’innovation sociale, la créativité et le leadership de
l’entrepreneur et l’absence de contrainte quant à la distribution des profits sont autant
d’indicateurs valorisés. Cela explique son emplacement dans le triangle: éloigné de la partie
EMES mais fort proche de la partie social innovation school of thought.
La représentation de l’entreprise sociale ou de l’entrepreneuriat social de quatre acteurs, à
savoir nos interlocuteurs chez Crédal, à la Sowecsom, au RES et chez AtoutEI, peut être
située dans le cadre théorique EMES. Dans le même temps, ces acteurs sont influencés de
manière plus ou moins marquée par les deux autres écoles. La plupart des indicateurs de
l’école de l’innovation sociale et une partie de ceux de l’école américaine de l’entreprise
sociale ont notamment suscité l’accord de notre interlocuteur chez AtoutEI, d’où sa position à
la limite de la partie social innovation school of thought du triangle, et à relative proximité de
la partie social enterprise school of thought. Notre interlocutrice au RES est placée encore
plus au centre du triangle pour deux raisons: d’une part, son ancrage dans la théorie EMES est
moins marqué et d’autre part, sa représentation de l’entreprise sociale ne contredit pas
spécifiquement les deux autres approches. Par contre, nos interlocuteurs à la Sowecsom et
chez Crédal sont placés plus haut dans le triangle car leur ancrage dans le cadre théorique
EMES peut être affirmé de manière plus assurée. Cela ne veut pour autant pas dire qu’ils ne
sont pas influencés par les deux autres approches: principalement par l’approche américaine
de l’entreprise sociale pour le premier, et principalement par l’approche de l’innovation
sociale pour le second.
Notre interlocutrice au CES a également le cadre conceptuel d’EMES comme cadre de
référence. Cependant, de larges influences de l’école de l’innovation sociale sont à relever
dans sa représentation de l’entreprise sociale. L’approche américaine de l’entreprise sociale,
quant à elle, suscite son net désaccord.
76
Parmi les acteurs dont le point d’ancrage est EMES, ConcertES est placé le plus en proximité
de l’angle du triangle, principalement parce que les influences des deux autres écoles sont
limitées. Les quelques influences qui sont à relever en dehors de l’approche EMES viennent
de l’école américaine de l’entreprise sociale, ce qui explique son emplacement du côté droit
du triangle.
La représentation de notre interlocuteur chez Triodos, quant à elle, est la seule à pouvoir être
située dans deux cadres théoriques, i.c. celui de l’innovation sociale et celui d’EMES. Elle est
par contre en contradiction avec l’approche américaine de l’entreprise sociale. Cela explique
pourquoi nous l’avons placé sur la ligne séparant les parties EMES et social innovation school
of thought du triangle, mais loin de la partie social enterprise school of thought.
Nous constatons que le cadre EMES est celui qui correspond à une majorité des
représentations des acteurs interviewés. Cependant, les sept acteurs qui sont dans la partie
EMES du triangle sont influencés, de manière plus ou moins marquée, par l’une ou les deux
autres écoles de pensée. Afin de visualiser les influences des deux approches américaines sur
les représentations de ces sept acteurs, voici un tableau les synthétisant. Une croix indique
qu’un indicateur est valorisé par un acteur. A l’inverse un tiret montre qu’il ne l’est pas. Un
point d’interrogation indique que la position de l’acteur n’était pas tranchée.
Sowecsom Crédal AtoutEI RES ConcertES CES Triodos
Social
innovation
school of
thought
Innovation sociale
x x x x - x -a
Créativité de l’entrepreneur
x x x x x x x
Leadership de l’entrepreneur
x x x - x x x
Pas de contrainte quant à la
distribution des profits
- - - x - xb x
Social
enterprise
school of
thought
Pas de contrainte de lien direct
entre activité et mission
? - ? ? x x ?
Volonté de se détacher des
subsides
- x x x - - -
Viser l’autofinancement par
activités marchandes
x x x x x - -
Professionnalisation par
méthodes du monde marchand
x xc - x - -d x
a rappelons que notre interlocuteur a dit tenir compte de la réalité pour répondre à cette question.
b notre interlocutrice a insisté sur le fait qu’il y avait des limites dans la manière.
c notre interlocuteur a précisé qu’il fallait les adapter.
d notre interlocutrice a ajouté qu’il fallait tout de même qu’une entreprise sociale se professionnalise.
77
Il ressort de ce tableau que certains indicateurs sont valorisés par une majorité des sept
acteurs, voir par tous: le leadership et la créativité de l’entrepreneur, l’innovation sociale, la
volonté de s’autofinancer par ses activités marchandes et le besoin de professionnalisation
(que ce soit ou non à l’aide de méthodes du monde marchand).
6. Vérification des hypothèses
Après le travail d’analyse, nous pouvons conclure que notre hypothèse principale est validée:
les représentations de l’entreprise sociale ou de l’entrepreneuriat social des sept acteurs dont
le site internet utilise le terme économie sociale peuvent être placées dans le cadre conceptuel
d’EMES. Cependant, de larges influences d’une ou des deux autres écoles de pensée sont à
relever pour la majorité d’entre eux. Notons aussi que la représentation de notre interlocuteur
chez Triodos ne rentre que partiellement dans le cadre théorique d’EMES.
Nous supputions également que les acteurs dont la représentation peut être située dans le
cadre théorique d’EMES auraient fait référence aux quatre critères de l’économie sociale dans
leur réponse à la question ouverte et non aux autres critères EMES, qui eux se vérifieraient
dans leurs réponses au questionnaire. Cette hypothèse ne se vérifie pas. Seul un acteur, à
savoir Mr Colpé (Sowecsom), fait référence à la définition du CWES lors de l’entretien (sans
citer les quatre critères). Mr Adam (Crédal) parle de trois des quatre critères de l’économie
sociale (il ne mentionne pas l’autonomie de gestion) et Mr Borcy (AtoutEI) parle de service à
la collectivité et de processus de décision démocratique, mais sans nommer ces critères de
manière explicite. Mme Heusy (RES) et Mr Pereau (ConcertES) ne font référence qu’à un
seul critère de l’économie sociale. Mr Depoortere (Triodos), quant à lui, ne fait pas référence
aux critères de l’économie sociale en réponse à la question ouverte. Enfin, Mme Mertens
(CES) fait clairement référence à l’économie sociale mais certains critères propres à EMES
sont déjà présents lors de l’interview.
La deuxième hypothèse qui découlait de l’hypothèse principale est validée: la représentation
de l’entrepreneur social de Mme de le Court (Fondation Philippson) et celle de
l’entrepreneuriat de Mr Riedl (The Hub) peuvent effectivement être placées dans le cadre
théorique de l’école de l’innovation sociale; celle de l’entrepreneuriat social de Mme Bacq
(Crecis) fait référence à l’approche américaine de l’entreprise sociale.
78
Conclusion
Arrivée au terme de notre mémoire, nous en rappelons brièvement le parcours et nous
concluons en rassemblant les éléments de réponse à la question de départ qui nous a animée
tout au long de cette recherche. Nous terminons par quelques pistes pour l’action.
Sur le Vieux Continent, tout comme aux Etats-Unis, le débat sur l’entrepreneuriat social est à
l’origine de l’élaboration, par des scientifiques, de nouveaux cadres théoriques. Nous nous
sommes posé la question de savoir quel cadre conceptuel correspondait le mieux aux discours
des acteurs qui s’inscrivent dans ce débat. A la suite de Defourny et Nyssens (2009), nous en
avons présenté trois dans la partie théorique, à savoir (1) l’approche du réseau européen
EMES, (2) l’approche américaine de l’innovation sociale et (3) l’approche américaine de
l’entreprise sociale. Pour la partie empirique, nous avons choisi de nous centrer sur les acteurs
institutionnels, c'est-à-dire ceux qui viennent en soutien des entrepreneurs sociaux. Après
avoir dressé une cartographie de ces acteurs, nous avons récolté nos données sur un
échantillon raisonné de dix acteurs. L’analyse de ces données nous a permis de répondre à
notre question de départ: Quel cadre théorique, parmi les trois que nous avons présentés,
correspond le mieux aux représentations de l’entreprise sociale, de l’entrepreneuriat social
et/ou de l’entrepreneur social que se font les acteurs revendiquant ces vocables en Belgique
francophone ?
Tout d’abord, il ressort de notre recherche que le cadre théorique EMES est celui qui
correspond le mieux aux représentations que se font la majorité des acteurs de notre
échantillon des concepts d’entreprise sociale ou d’entrepreneuriat social. Cependant, pour
élargir cette conclusion à la population, il serait nécessaire de faire la même recherche en
utilisant une méthode d’échantillonnage plus représentative de la population. Notre mémoire
peut toutefois servir de travail exploratoire à ce type de recherche. Ensuite, notre analyse a
mis en relief le fait que certains indicateurs de l’école de l’innovation sociale sont valorisés
par la plupart de nos interlocuteurs, notamment l’innovation sociale, la créativité et le
leadership de l’entrepreneur. De plus, notre étude nous a permis de constater que la majorité
des acteurs ne souscrivent pas à l’approche américaine de l’entreprise sociale comme cadre de
référence, mais que certains de ses indicateurs suscitent néanmoins l’accord de plusieurs
d’entre eux, entre autres le besoin de professionnalisation par des méthodes du monde
79
marchand et la volonté de s’autofinancer par des ressources marchandes. Nous pouvons donc
conclure que les acteurs se réclamant de l’économie sociale sont néanmoins influencés par les
approches américaines, même si certains s’en distancient explicitement. Au-delà des discours
parfois très tranchés entre les différentes approches de l’entrepreneuriat social, il apparaît
donc que les discours des acteurs le sont nettement moins.
En partant de ces constats, nous saisissons l’occasion pour proposer, modestement, quelques
pistes pour l’action. Premièrement, nous pensons qu’il serait intéressant de mener la même
recherche à propos des représentations de l’entreprise sociale que se font les entrepreneurs
sociaux ou porteurs de projets d’économie sociale. Dans le cadre de ce mémoire, nous
n’avons pas pris ces acteurs en considération dans la délimitation de notre population pour des
raisons de faisabilité. Dans la même veine, il serait également pertinent de comparer les
conceptions de l’entreprise sociale d’acteurs institutionnels d’une part, et d’autre part
d’entrepreneurs sociaux soutenus par ces mêmes acteurs institutionnels. Deuxièmement, étant
donné que la représentation de tous les acteurs de notre échantillon se référant à l’économie
sociale peut être située dans le cadre théorique d’EMES, il nous semble que ce cadre pourrait
être l’approche fédératrice dont nous parlions dans l’introduction. Dès lors, il est du ressort
des chercheurs du réseau EMES de se faire connaître des différents types d’acteurs
institutionnels qui peuvent être de formidables relais pour promouvoir leur approche de
l’entreprise sociale. Troisièmement, il s’agit pour le réseau EMES de considérer les
indicateurs des deux autres écoles de pensée autour desquels les différents acteurs s’accordent
(innovation sociale, besoin de professionnalisation, etc.) et d’étudier en quoi ces indicateurs
peuvent enrichir leur théorie de l’entreprise sociale.
80
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83
Annexe A: Script des interviews
Interview de Mr S. Pereau, secrétaire général de ConcertES, le 21 juin 2010
C’est vrai qu’en lisant le questionnaire que vous m’aviez envoyé, je l’ai rempli dans l’idée
entreprise sociale égale entreprise d’économie sociale, donc plutôt dans la lignée du courant
de pensée européen de J. Defourny et tout ça, pour eux, entreprise sociale, ils utilisent le
terme entreprise sociale pour désigner une entreprise d’économie sociale et donc c’est vrai
que ça va orienter les réponses dans un sens ou dans un autre, où au niveau anglo-saxon on est
plutôt comme, je ne vais pas dire charities mais dans un esprit de charité plutôt, avec le
développement d’une activité économique pure et où l’aspect social est finalement une
composante qu’on prend à côté, avec, et qu’on adjoint petit à petit à l’entreprise. Pour moi,
l’entreprise sociale ou une entreprise d’économie sociale, si on doit la définir, comparée à une
entreprise normale ou à une entreprise qui fait de la responsabilité sociale ou sociétale des
entreprises, c’est la suivante: l’entrepreneur ou les entrepreneurs sociaux vont dire « ah ben
voilà, on est confronté à une problématique sociale, sociétale, que ce soit le quartier qui
dépérit, que ce soit l’environnement, des problèmes environnementaux, ou que ce soit le
problème du chômage » et ces entrepreneurs veulent faire quelque chose. Et pour ce faire ils
se disent « qu’est-ce qu’on peut faire pour mettre les gens au travail, pour embellir le quartier,
pour contrer les problèmes environnementaux ? ». Et ils vont réfléchir en termes d’activité
économique. Et dire « ah ben voilà, dans ce cadre-là, on peut, par exemple … ». J’aurais dû
prendre l’exemple inverse. Un entrepreneur, lui, va dire voilà, j’ai la technologie pour
construire des chaises, je vais construire des chaises. Si mon business marche bien, je vais
peut-être faire attention à ce que le processus soit écologique et je vais éventuellement verser
quelques dons à des entrepreneurs du Sud pour les aider au développement. L’entrepreneur
d’économie sociale, lui, il va dire voilà, j’ai ma problématique d’embellissement du quartier,
de mise au travail des personnes au chômage, d’aspect environnemental, et j’ai aussi la
connaissance d’une technologie pour construire des chaises, je vais mettre ça au profit pour
mettre les chômeurs au travail, pour éventuellement embellir le quartier, parce qu’on va ainsi
générer des revenus qui vont permettre de générer des fonds pour embellir le quartier, donc
l’optique, finalement, de départ est différente. D’un côté on a « ah, je peux faire du
business », de l’autre, c’est répondre à des besoins sociétaux en utilisant finalement, l’aspect
ou l’outil, l’activité économique pour le faire. Et c’est ce qui distingue pour moi une
entreprise sociale d’une autre entreprise. Donc, le point de départ est différent, mais on
84
développe pour faire quelque chose d’autre que simplement que sa propre activité ou son
business, ou son profit.
Interview de Mr P. Borcy, président du Conseil d’Administration d’Atout EI, le 28 juin
2010
Une entreprise sociale, c’est quoi ? Je pense que c’est avant tout, en tout cas, nous la mission
qu’on se donne, c’est d’avoir une entreprise très respectueuse du personnel, enfin, de tout qui
compose l’entreprise, que ce soit à tous les niveaux. Je pense qu’on se donne une mission qui
est dans la création d’emplois, qui est de respecter une certaine philosophie, oui, d’abord de
respect des travailleurs, de respect du travail, certainement. Qu’est-ce qu’on peut encore dire
par rapport à ça…, j’essaye de structurer… Et je pense que même, enfin, moi en tout cas,
j’essaye en tout cas de dépasser, oui, c’est ça que je veux dire en disant, on vise un personnel
particulier, mais j’essaie de l’appliquer aussi par rapport au personnel qui est dit
d’encadrement, qui est dit administratif, donc que ça prenne une dimension générale à
l’entreprise, et que ce ne soit pas une équipe qui se dit « on a une mission par rapport à un
type de population », pour moi ça dépasse ça, je pense que chacun doit s’y retrouver dans ça,
et donc qu’on soit secrétaire, directeur, accompagnateur social ou travailleuse, on doit
retrouver cette philosophie d’entreprise. C’est clair que ça demande, je pense, une énergie
particulière, de prendre le temps avec les gens, de prendre le temps de comprendre ce qui fait
que ça va, sûrement, mais aussi pourquoi ça ne va pas. Donc je pense à certaines situations, où
finalement, si on est très terre à terre, on a plein d’arguments pour mettre fin au contrat, et on
résiste très longtemps avant de mettre fin à ce contrat, et finalement, en travaillant avec les
gens, on se rend compte que le problème, il n’est pas du tout lié au travail, il n’est pas lié à ce
qu’ils font, qu’ils aiment ou qu’ils n’aiment pas, mais il est souvent lié à des difficultés
personnelles, familiales, qui nous dépassent complètement, et donc l’enjeu, c’est de trouver le
juste équilibre entre ce qui est quand-même nécessaire à ce que l’entreprise vive
correctement, que le travail soit assumé, que les clients soient satisfaits, mais aussi le fait de
pouvoir aider les membres du personnel à évoluer dans leurs problématiques à eux. Tout ça
c’est je pense, c’est la grosse différence qu’on peut… Alors attention, je ne dis pas du tout que
ça ne se fait pas dans le privé, mais, pas du tout hein, je pense que certains le font aussi, je
pense que c’est plus un esprit finalement, que l’étiquette en tant que telle, comme sans doute
dans l’économie sociale, il y en a qui agissent plus comme l’étiquette privée et pas assez
comme le social. Donc, je crois qu’il faut relativiser finalement, c’est plus un esprit, avant tout
85
du chef d’entreprise, de l’équipe d’encadrement qui la compose, et … Mais c’est clair que
quand-même malgré tout, la différence, c’est que c’est notre mission, je pense qu’il ne faut
pas oublier que c’est notre mission première, et que donc, il faut que nous-mêmes, on trouve
le juste équilibre. Alors, on n’y arrive pas tout le temps. Et alors, mais je pense que ça peut
aussi se faire ailleurs, mais on met aussi quand-même beaucoup d’énergie à ce que les gens
comprennent ce que l’on fait, et pourquoi on le fait. Donc, il y a quand-même des réunions
régulières, on explique au personnel, mais alors, c’est sûr, il y a des choses, ça fait partie
d’une gestion plus macro et donc là ça avance, mais on prend quand-même le temps après de
l’expliquer avec des mots… les différents projets, qui sont liés à nos entreprises. Ou
simplement dans le quotidien de l’entreprise, donc, voilà, des choix de T-shirt, des choix de
vêtements de travail, des aménagements d’horaires, demain, par exemple, on a une réunion
parce que, à la centrale de repassage, on identifie une série de choses qui n’allaient pas. Je
pense qu’on pourrait, assez simplement, mettre un document affiché en disant « mais vous
savez que c’est comme ça comme ça comme ça et je vous rappelle que c’est comme ça et pas
autrement ». Nous, on va prendre le temps à midi, de reconvoquer tout le monde, de voir,
parce que je peux imaginer des choses qui se passent et qui ont une explication, et qu’il ne
suffit peut-être pas de dire « ben non, les fers ils doivent être rangés comme ça et pas
autrement », il y a sans doute une raison, mais alors comment est-ce qu’on peut faire ça
mieux. Et je pense que ça passe mieux à partir du moment où les gens sont acteurs de ça. Et je
pense par exemple à le centrale, on a déjà fait ça voilà quelque temps, et finalement c’est elles
qui sont reparties en disant « on va faire, on va te faire une proposition, de comment on
pourrait nous, nous organiser ». Alors après, je vais dire on prend ou on ne prend pas
l’entièreté, ou on rediscute, mais finalement, on arrive quand-même la plupart du temps
vraiment à trouver un compromis qui convient à tout le monde. Là, donc, alors on en arrive si
on va vraiment dans l’aspect plus législatif, chez nous par exemple, donc là je sors de la fédé,
au niveau de notre entreprise, il y a maintenant une dizaine de travailleurs qui ont pris des
parts dans le capital et qui donc font partie des membres de l’assemblée générale. Alors, ça
reste 10 sur 70, ça reste minime, mais en même temps, nos statuts à l’heure actuelle, si
l’entièreté des travailleurs prennent une part à 25 €, ils prennent le pouvoir dans la gestion de
l’entreprise, donc c’est quand-même assez particulier, donc certains disent « oui, le risque
existe », je ne sais pas si c’est un risque, mais en tout cas, ça a été conçu comme ça, avec un
choix de CA qui s’est dit « mais de toute façon si on en arrive à devoir, enfin vraiment avoir
un effet de masse comme ça par rapport à quelque chose, c’est qu’on a loupé quelque chose
dans la gestion, donc on ne devrait pas en arriver à ça ». Voilà. C’est vrai que c’est un état
86
d’esprit, et que même, moi j’ai le souvenir que quand on est passé chez le notaire, à ce
moment-là, il s’est vraiment arrêté sur différents points, propres à l’économie sociale, en
disant « m’enfin, pourquoi est-ce que vous faites ça ? ». Je pense à un réviseur d’entreprise,
qui révise nos comptes, qui vient les présenter en AG, qui explique, on n’a pas d’obligation en
tant que telle de le faire, mais nous, on souhaite le faire, pour que ce soit clair, donc c’est
encore une personne extérieure qui a une vision de ce qu’on fait et qui vient elle-même à
l’assemblée générale présenter aux travailleurs et qui le fait toujours de manière très
accessible, parce que la compta, c’est jamais très sympa, et c’est vraiment que pour des aides
ménagères ou des repasseuses qui sont pas évidemment habituées avec ce… mais il a une
présentation très didactique et qui donne un petit peu le retour de ce qu’est l’entreprise. Voilà,
je ne sais pas si j’ai brassé dans les grandes lignes tout ce qui correspondait à l’entreprise
d’insertion, en tout cas à finalité sociale. S’il faut résumer, je pense qu’on utilise diverses
activités pour permettre à toutes une série de publics fragilisés d’accéder à l’emploi, et par ce
biais-là de retrouver un peu pied dans la vie sociale, avec certaines personnes qui utilisent ça
comme un tremplin et puis parviennent vraiment à repartir dans le circuit dit classique,
d’autres qui trouvent vraiment leur équilibre dans, ça je pense surtout depuis l’arrivée du titre-
service, mais qui trouve leur équilibre dans la structure telle qu’elle est, donc qui n’envisagent
pas vraiment de faire autre chose, mais qui s’il n’y avait pas eu ça, elles seraient toujours au
chômage, voilà, et puis certaines pour qui c’est une étape, un passage, qui n’est pas
spécialement, le temps de se trouver un nouvel emploi, mais je pense que c’est toujours un
passage positif, de toute façon.
Interview de Mr F. Adam, coordinateur de l’agence conseil de Crédal, le 24 juin 2010
Pour moi l’entrepreneuriat social, ce sont des entrepreneurs qui décident de créer une
entreprise mais qui a vraiment une finalité sociale, dont l’objectif n’est pas le seul profit et la
seule recherche du gain individuel en tout cas, mais plutôt une recherche du gain collectif et
même collectif au sein du groupe qui porte le projet mais aussi plus largement au sein de la
collectivité, la communauté. Moi, l’entrepreneuriat social, moi je le vois aussi comme
l’utilisation de moyens qui soient cohérents avec les fins, donc c’est-à-dire qu’on va
privilégier la dimension démocratique, on va avoir une certaine éthique dans sa manière de
travailler, ce qui n’est pas toujours le cas. Il y a un courant ancien de l’entrepreneuriat social
plus lié à l’économie sociale, des années 70, 80, qui justement est lié à la problématique de
l’insertion sociale, etc. et donc qui veut vraiment privilégier la dimension démocratique, la
87
dimension de participation et les dimensions de réduction des dividendes octroyées aux
actionnaires, parce que si on dit, si on ne va pas vers la réduction de ces dividendes, cela veut
dire qu’on fait cravacher les gens, on les fait travailler très très dur et finalement, les moyens,
la forme de travail, ne respectent plus du tout la fin, qui est le service à la collectivité, le
service aux membres, etc. Il y a ce courant-là, et auquel moi je souscris beaucoup plus, mais
je sens qu’il y a un courant plus anglo-saxon justement, qui privilégie la fin, par tous les
moyens, qui dit « voilà, ce sont des entrepreneurs individuels, qui travaillent de manière
individuelle et qui travaillent pour leur propre chapelle et qui travaillent vraiment dans le jeu
du marché et voilà, c’est un marché, chacun prend son destin en main, quoi qu’il arrive, et
voilà, on s’embarrasse pas trop, même d’éthique, par rapport à la concurrence, par rapport aux
partenariats possibles, etc. non, on est les meilleurs et on veut avancer ». Or moi, je ne
souscris pas du tout à ça. Et dans la dimension de dividendes aussi, où il n’y a pas de
réduction du dividende, où on dit voilà si on veut faire de … Il y a des gens qui disent « on
fait de l’entrepreneuriat social parce qu’on a une finalité sociale, mais si on fait du profit tant
mieux, les 3 P, Planet, People, Profit. Et si on peut faire du 15% de rendement, on le fera ».
Voilà. Moi je souscris pas du tout à ça. Pour moi, justement, c’est l’apogée finalement de tout
un processus, ça fait partie du… La destination, finalement, comment dire, le chemin plutôt
doit être cohérent avec les destinations et pour moi une destination de dire voilà, une finalité
sociale c’est incohérent avec le fait de dire « on fait un rendement de 15%, on a du profit ». Je
sais que pour l’instant il y a ces deux voies-là, et c’est vrai que nous, moi mais nous, au sein
de l’économie sociale, les acteurs qui sont là depuis très longtemps, depuis 20 ans, 25 ans, on
est vraiment plus dans cet esprit participatif, plus que la volonté de gain, en tout cas. Voilà.
Pour moi c’est ça l’entrepreneuriat social. C’est en fait à la fois avoir une finalité sociale
finalement, c’est avoir la dimension, comme je l’ai dit, démocratique, participation
démocratique, mais la dimension de respect finalement, le respect de toutes les parties
prenantes, autant des travailleurs, que des concurrents, des collègues, des fournisseurs, etc. Ce
que je sens moins justement dans ce monde un peu, ce courant anglo-saxon, où finalement, le
fait, le respect des relations de travail, et des conditions de travail, finalement, c’est parfois vu
comme ringard, c’est pas important. Ce qu’ont revendiqué les syndicats et ce qu’ont gagné les
syndicats par une meilleure condition de travail en Europe occidentale, etc. pour ces
entrepreneurs-là, ça passe vraiment au second plan, et moi je trouve pas du tout. Mais c’est
vrai, c’est lié, c’est un peu sociologique, moi je trouve. J’ai eu l’occasion de côtoyer ces
entrepreneurs sociaux, un peu anglo-saxon et un peu… et d’ailleurs ils se baptisent
entrepreneurs sociétaux, justement pour se mettre en retrait par rapport à l’aspect social qui
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est trop, comme trop marqué politiquement, trop syndicaliste, trop… qu’est-ce que j’allais
dire, ah oui, que sociologiquement, je sens que ces gens sont plutôt issus du monde de
l’entreprise, donc ce sont vraiment des gens qui familialement sont des enfants de cadres, des
enfants de dirigeants d’entreprises qui prennent conscience du monde tel qu’il est, qui se
disent « à la fois moi je suis issu du monde de l’entreprise », ils ne le conscientisent pas tout à
fait, mais bon je pense qu’ils le savent d’une certaine manière. Mais en même temps ils voient
que la planète, au niveau environnemental, c’est pas rose, qu’au niveau social, il y a de
grosses difficultés, etc. et donc ils ont envie de faire quelque chose et finalement ils prennent
les deux mais tout en reprenant les outils et les pratiques qu’a développé le monde dans lequel
ils sont et comme je disais tout à l’heure les entrepreneurs sociaux moins récents et plus âgés,
ce sont plus des enfants d’assistants sociaux, des enfants d’enseignants, dans le domaine plus
socioculturel, etc. et qui sont plus, qui vivent beaucoup plus ces valeurs-là au quotidien et qui
sont plus dans l’aspect social finalement qu’entrepreneur, d’ailleurs. L’aspect plus social
qu’économique.
Interview de Mr J. Depoortere, loan manager et responsable social profit et économie
sociale de Triodos, le 12 juillet 2010
Wat is voor mij een sociale onderneming? Eigenlijk, heel kort, een sociale onderneming is
voor mij een onderneming die eigenlijk onderneemt vanuit de behoeften van al de
stakeholders. En daar moet je niet altijd bijzeggen dat het ook moet milieuvriendelijk zijn of
sociaal. Want wat zijn die maatschappij-stakeholders? De ondernemer, het milieu,… soit
iedere onderneming die… Ge kunt eigenlijk niet buiten de stakeholders; ook de werknemers,
de vakbonden en zo. Dus, voor mij, moet je die drie ‘basen’ zo altijd niet gaan opsommen, je
kent die toch, maar gewoon, een onderneming, die dus eigenlijk onderneemt, niet zo zeer in
het belang, maar wel, in respect met al zijn stakeholders.
Interview de Mme L. Heusy, coordinatrice du RES, le 7 juillet 2010
Alors, une entreprise sociale pour moi, c’est principalement une entreprise axée sur l’humain,
donc on va privilégier surtout le côté ressources humaines plutôt que le côté ressources
financières à tout prix. En gros, pour moi, c’est faire passer l’homme avant l’argent et pas
l’argent avant l’homme. C’est vraiment permettre à des personnes d’avoir un travail et de
pouvoir faire valoir leurs compétences intrinsèques sans spécialement viser à tout prix le
89
profit et les bénéfices financiers. Bien sûr, il faut avancer, donc il faut toujours entrevoir le
côté financier évidemment, mais il y a toujours un souci social dans la balance. Pour moi,
c’est ça une entreprise sociale. Le mot « entreprise » sous-entend qu’il y a toute une gestion,
effectivement, entrepreneuriale, et « sociale », ça veut dire ce que ça veut dire, donc vraiment
un équilibre des deux.
Interview de Mr M. Colpé, directeur de la Sowecsom, le 15 juillet 2010
Michel Colpé: Je pense qu’il faut faire une distinction, où ça commence et jusqu’où ça va.
Dans la législation belge, il y a les sociétés à finalité sociale, c’est très clair, il n’y a rien à
dire, c’est très simple, vous avez là (montrant le dos du rapport d’activités, où est inscrit la
définition du CWES de l’économie sociale) vous connaissez probablement, ça ce sont les
règles d’une entreprise à finalité sociale, mais une entreprise sociale peut être beaucoup moins
que cela, je dirais. Peut-être une entreprise classique ayant une démarche sociale, je ne vais
pas dire un but social, parce que le but social d’une entreprise ce n’est pas cela. Une finalité
non plus. Mais qui peut avoir dans ses modes de fonctionnement, une société socialement
responsable, etc., ça ne va pas si loin qu’une entreprise à finalité sociale, donc pour moi la
définition est très large, et nous on s’adresse au petit secteur de l’économie sociale, donc
répondant à ces critères fixés par le CWES. Maintenant, je pense que l’économie sociale,
comment dire ça, le terme entreprise sociale ne s’arrête pas aux sociétés à finalité sociale, ça
peut aller beaucoup plus loin, enfin, beaucoup plus loin ou beaucoup moins loin, suivant le
sens dans lequel on le prend, je veux dire. Les sociétés peuvent être socialement responsables,
c’est le mot qui est employé habituellement, par certaines démarches qu’elles font. Tant vis-à-
vis du personnel que vis-à-vis de l’extérieur, que vis-à-vis aujourd’hui parce que je trouve ce
sont deux termes qu’on mélange ensemble, qu’on mélange régulièrement, que vers
l’économie durable. Des sociétés qui font des compensations carbone, etc. Ca joue un peu
dans la même cour, aussi. Aujourd’hui, économie durable et économie sociale, on a tendance
à, quand même, à les joindre assez près.
(vers sa collègue) As-tu d’autres … ?
Collaboratrice: Non, mais, vous parliez d’entrepreneuriat social. Je dirais que c’est une façon
d’entreprendre qui vise, enfin, qui a d’autres objectifs que ceux uniquement d’objectifs
purement capitalistes, purement remplir la poche des actionnaires. Alors il faut évidemment
rémunérer le capital, ça je suis bien d’accord, mais quand on entreprend de façon sociale,
90
c’est qu’on entreprend avec des objectifs complémentaires à celui-là. C’est comme ça que je
le définirait.
Michel Colpé: Note bien que je trouve qu’il y a des sociétés, je vais dire cotées en Bourse, où
la performance financière est importante, qui malgré tout peuvent être des entreprises…
Collaboratrice: Oui, mais disons l’objectif n’est pas que celui-là.
Michel Colpé: D’accord, oui oui.
Collaboratrice: Elles peuvent avoir cet objectif-là aussi.
Michel Colpé: Oui.
Collaboratrice: D’ailleurs dans notre secteur très limité, c’est permis aussi, le dividende est
permis, s’il est limité. Mais l’objectif de l’entreprise n’est pas que celui-là.
Michel Colpé: Et on ne met pas n’importe quel moyen en œuvre pour atteindre cet objectif, je
crois que la différence, elle est un peu là. Une entreprise, c’est un peu une caricature, mais,
met tous les moyens en œuvre pour gagner du fric, appelons les choses comme ça, alors
qu’une entreprise un peu sociale, aura peut-être un but de lucre, normal, mais n’utilisera pas
n’importe quelle ficelle, je dirais bien, tant au niveau de la gestion du personnel, que de ses
rapports avec ses fournisseurs, au niveau respect de la législation sociale, au niveau respect de
la législation fiscale, etc. Une entreprise peut jouer le jeu honnêtement.
Interview de Mme S. Mertens, professeur et directrice des recherches au CES – HEC-
ULg, le 30 juin 2010
Moi j’ai un background d’économiste, donc je vais plutôt utiliser la grille de lecture
d’organisation. Donc, pour moi, ce qui m’intéresse, en tous cas le regard que je vais porter,
c’est le regard,… quels types d’organisations regardons-nous, et donc je vais plutôt parler
d’entreprise sociale et ma définition de l’entreprise sociale, c’est toute organisation qui
appartient à l’économie sociale et qui peut être utilement regardée comme une entreprise.
Donc, pour moi, appartient à l’économie sociale toute organisation productrice de biens et de
services, entendu au sens très large, donc une école de devoirs produit des services, par
exemple, donc entendu au sens très large, en tout cas en tant que productrice, qui a une
finalité première qui n’est pas la recherche du profit pour les actionnaires et qui met en œuvre
un processus de gestion démocratique. Donc, ça pour moi c’est appartenir à l’économie
sociale. Alors on peut être regardée utilement comme une entreprise si, là je vais plutôt me
relier un peu aux critères d’EMES, de la définition d’EMES, en tous cas ceux qui
m’arrangent, je vais en tout cas dire, on sent une prise de risque, et on sent aussi la continuité
91
d’un projet, et donc ça en principe ça nécessite d’avoir de l’emploi rémunéré. Donc, moi,
aujourd’hui, ce qui m’intéresse dans le paysage, si je dois dire ce sur quoi je vais travailler, ce
sont des organisations qui sont des ASBL, des sociétés à finalité sociale, des sociétés
coopératives reconnues par le CNC, des mutualités et des fondations, qui ont de l’emploi
rémunéré, je reconnais que les autres sont intéressantes mais moi aujourd’hui, j’ai envie de
surtout regarder celles qui ont de l’emploi rémunéré, qui créent de l’emploi, qui répondent à
des besoins pas très bien satisfaits pas les autres acteurs, qui innovent socialement, voilà.
Donc ça, c’est mon champ d’intérêt aujourd’hui. Maintenant, je reconnais que, on crée ici une
nouvelle filière de cours en gestion des entreprises sociales, et on se rend compte que, on va
donner un tas de cours de gestion sur ces types d’organisations, aussi bien en financement,
marketing, en gouvernance et que forcément, tout ce qu’on a à dire là-dessus est aussi en
partie pertinent pour, ce que moi j’appellerais des entreprises classiques qui sont dans une
démarche de RSE. Donc, je veux pas non plus dire « l’entreprise sociale vit en vase clos, et
n’a rien à dire en résonnance avec d’autres types d’entreprises », mais je n’appelle pas ça des
entreprises sociales, vous voyez, pour moi entreprise sociale, je reste dans l’économie sociale,
mais tout ce qu’il y a à dire d’intéressant sur l’entreprise sociale notamment du point de vue
de sa gestion, c’est pertinent également pour d’autres types d’entreprises, en particulier les
PME, qui ont parfois des pratiques de gestion très similaires à ce qu’on observe en entreprise
sociale, elles vont de facto avoir de la démocratie interne, elles ne cherchent pas
nécessairement une finalité de profit des actionnaires, elles vont surtout chercher par exemple
à donner de l’emploi à des gens proches d’elle-même, à bien faire leur métier avec de la
qualité et en ça elles peuvent très fort se rapprocher d’un souci porté par une entreprise
sociale. La distinction pour moi elle est claire, elle est: quelle est ma finalité première et quel
est le mode d’organisation ? Et sous-tendant ça, il y a le choix de la forme juridique, je pense
que le choix de la forme juridique n’est pas anodin, quand on choisit d’être une ASBL, c’est
un choix clair, quand on choisit d’être en SFS ou en société coopérative reconnue, il y a
quand-même le choix d’afficher des valeurs. Maintenant, pour moi, vraiment, il y a des PME
qui sont tellement proches, qu’on pourrait se dire qu’elles n’ont pas choisi la forme de la
société à finalité sociale parce qu’elles ne la connaissent pas, mais dans les faits, quand on va
regarder ce qu’elles font, c’est très proche. Voilà, donc, je reconnais qu’il y du flou, et que
quand je ne connais pas l’organisation, je ne la qualifie pas d’emblée d’entreprise sociale si je
sais qu’elle fait de la RSE, ça ne me suffit pas, mais quand je vais la regarder de près, je dois
reconnaître que parfois elle est très proche, et même parfois elle mettra plus en œuvre des
valeurs d’économie sociale. Donc voilà. Maintenant, pour peut-être donner un éclairage
92
complémentaire, j’ai besoin moi d’une vision quand-même un petit peu tranchée, parce que
mon background aussi, c’est du travail des statistiques sur le secteur de l’économie sociale,
donc pendant 5, 6 ans, pour ma thèse de doctorat, j’ai dû donner les statistiques du secteur,
mais pour faire émerger des statistiques, il faut des critères clairs, une organisation est dedans
ou n’est pas dedans. Donc, j’ai dû utiliser la forme juridique, donc je suis fort marquée par ça,
je le reconnais, mais je me dis, donc ça reste ma grille d’analyse et ça ne m’empêche pas de
reconnaître de la proximité avec du développement local, des petites PME, et même parfois
avec des structures publiques, qui ont quand-même une grosse autonomie et qui se
rapprochent aussi de l’entreprise sociale, mais moi je pense que ça reste focalisé, au départ, en
tout cas, sur le noyau dur de l’appartenance à l’économie sociale. Alors, par rapport à, donc
entreprise sociale qui est pour moi le terme le plus pertinent, je reconnais aussi qu’il y a à
mettre en lumière, plus que ce ne l’était jusqu’à présent, l’entrepreneur, ou en tout cas le
processus d’entrepreneuriat, parce que je crois qu’on l’a pas assez regardé et que donc
aujourd’hui, on a envie de soutenir ce secteur et de faire en sorte que de nouvelles entreprises
sociales se créent, et on ne connaît pas bien les freins à ça, les éléments qui peuvent vraiment
soutenir la création de ce type d’entreprises, et donc je trouve qu’il faut aller voir à quoi
ressemblent les gens qui créent des entreprises sociales et essayer de comprendre les
processus de création ou de développement des entreprises sociales, mais pour moi, on va le
faire à partir de la définition d’entreprise sociale, je vais pas y venir… ma porte d’entrée n’est
pas l’entrepreneur idéaliste.
Interview de Mr A. Riedl, administrateur et cofondateur du Hub, le 17 juin 2010
Tout d’abord, on peut regarder ça de deux manières, au moins. D’abord la question de la
définition de termes bien connus, et par exemple en Belgique, l’économie sociale, c’est bien
défini, qu’est-ce que c’est, il y a tout un historique derrière et des définitions qui se sont
développées par le temps et qui ont aussi un label, une garantie si vous voulez, et
l’entrepreneuriat social, c’est beaucoup moins défini et l’innovation sociale aussi. Ou,
deuxième possibilité, on fait ça d’une manière plutôt associative, donc pour chaque personne,
probablement la définition sera différente. Et est-ce que aussi la question c’est « est-ce que
ces définitions qui seront l’une à côté de l’autre, est-ce qu’il y a des éléments qui vont
ensemble ou est-ce qu’ils ne sont pas vraiment au même niveau ? ». En tant qu’économiste, je
dis toujours les définitions comme ça c’est très difficile à faire. Et peut-être avec une réponse
un peu cruelle, je dirais les entrepreneurs souvent, ils s’en fichent des définitions. Donc, nous,
93
on voit plutôt le côté pratique, si le chat est blanc ou noir, c’est pas grave, du moment qu’il
attrape la souris. Et donc, quel est l’objectif, quelle est la souris, si vous voulez ? C’est de
régler un problème sociétal, pour aboutir à trouver des moyens innovateurs, ou qui n’ont pas
encore été mis en œuvre, par exemple ici en Belgique, pour approcher ce problème sociétal ou
social. Voilà, ça c’est notre objectif, par exemple du Hub et moi-même aussi. Et voilà, comme
résultat, on peut avoir de l’entrepreneuriat sociétal, on peut avoir des entrepreneurs sociétaux,
mais on peut aussi avoir les structures de l’économie sociale, qui s’attaquent à ces défis
sociétaux. Mais le plus important, par exemple pour nous, pour le Hub, c’est vraiment
l’entrepreneuriat, donc l’activité d’une personne ou d’un groupe de personnes, qui ont tous les
critères, qui remplissent tous les critères de l’entrepreneuriat, donc proactivité, défis, prendre
du risque, tout ça, vous pouvez regarder la définition dans le dictionnaire, etc. Et aussi, la
créativité, donc créer quelque chose qui est nouveau, et nouveau ça veut dire innovation par
rapport à ce qui existe déjà. Donc, je pense, ça, si on veut créer une distinction entre, par
exemple, le terme économie sociale et entrepreneuriat social, je pense évidemment, les
facteurs de différenciation, c’est l’entrepreneuriat, la créativité et la création de quelque chose
de nouveau, et aussi le changement d’un statut quo qui est existant, et aussi le challenge du
statut qui existe déjà. Moi, ce n’est pas vraiment dans mon intérêt de dire il y a l’un ou l’autre
ou je préfère l’un à l’autre, mais maintenant, c’est peut-être un point de vue plus personnel, je
trouve les gens qui disent il y a l’économie sociale, et nous on fait partie de l’économie
sociale, souvent, on a l’impression que c’est un peu un monde qui existe mais qui n’est pas
très dynamique et qui est souvent vu un peu comme économie d’insertion, les structures
existantes, travailler avec des subsides, même si c’est seulement une image qu’on a et que
c’est pas du tout vrai, et donc, par exemple, de nouvelles structures comme le Hub, qui
arrivent ici assez récemment, évidemment nous, on n’a pas de problème pour remettre aussi
en question certains modes de fonctionnement de l’économie sociale classique, si on voit qu’il
y a certaines manières où on trouve que ce n’est pas assez dynamique, ou qu’on ne veut pas
travailler avec beaucoup de subsides, ou que entrepreneuriat social, ça veut aussi dire prendre
un risque, même si une entrepreneur peut échouer dans son approche. Voilà, je ne pense pas
avoir tout à fait à 100% répondu à la question jusque maintenant, mais maintenant, mais je
pense c’est plutôt mes associations personnelles par rapport à ça, et je suis … J’ai toujours eu
des problème avec les définitions et les définitions sont très bien, mais il ne faut pas non plus
aller dans une discussion perpétuelle, si on n’est pas d’accord sur certaines choses, il faut les
prendre comme elles sont, mais pour moi, comme entrepreneur social, le plus important, c’est
la résolution des problèmes, et non pas les définitions et les manières, du moment que ça
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respecte le point de vue éthique tout ça, ce qui est tout à fait ce qu’on fait au Hub, dans le
cadre de l’entrepreneuriat social ici en Belgique, voilà. Donc, c’est un individu, un groupe de
personnes qui font des choses ensemble et sont vraiment déterminés d’y arriver, plutôt qu’une
organisation un peu vague avec un certain historique qui est peut-être positif, mais
entrepreneuriat ça veut aussi toujours dire mettre en question beaucoup de choses qui existent,
et essayer de nouvelles pistes pour résoudre ce problème. Et quand on pense entrepreneuriat,
un entrepreneur est toujours confronté au risque, et donc nous on, disons le Hub, une question
primordiale, c’était comment on peut diminuer ce risque ? En les encadrant ici, où ils peuvent
voir d’autres personnes, où ils peuvent s’échanger des informations, les tuyaux, les
possibilités de financement, l’entraide aussi. Entrepreneuriat, ça veut aussi souvent dire être
seul, comme individu ou dans un groupe, et être seul confronté à tous ces défis, et je pense si
on travaille tous pour un meilleur monde, pourquoi ne pas travailler ensemble pour ce
meilleur monde, et l’entraide, être en dehors de cette isolement qui existe souvent.
Interview de Mme A. de le Court, partner support officer à la Fondation Philippson, le
29 juin 2010
Nous, on utilise plutôt le terme d’entrepreneur social, donc nous, on soutient des
entrepreneurs sociaux en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. Et par entrepreneur social,
on entend des gens qui ont toutes les qualités d’un entrepreneur classique, donc une vision
très claire d’une solution à apporter à un problème, des capacités de leadership, des capacités
de mobilisation de ressources, mais qui ont un objectif social, donc les qualités de … oui, de
ce qu’on appelle un entrepreneur qui pourrait lancer une boîte commerciale, mais ici pour
nous, l’entrepreneur social à un objectif social et ce sont, là dans les personnes que nous
soutenons, ce sont des personnes qui sont à la tête d’organisations, d’associations, donc ce ne
sont pas des entreprises en tant que telles, donc ce sont des organisations qui sont à majorité
subsidiées, mais pour nous un entrepreneur social, donc, peut être à la tête d’une organisation
qui est 100% subsidiée, donc pas autofinancée, mais en tout cas, il a l’intention et il mène une
réflexion pour essayer de s’autofinancer. Donc, cette dimension est importante, mais disons
que pour nous c’est vraiment la personnalité, on attache une importance à la personnalité de la
personne, c’est ce qui fait qu’on va qualifier d’entrepreneur social ou pas, et donc, là dans les
personnes que nous soutenons, tous ont une activité génératrice de revenus qui finance en
partie leur organisation mais pas à 100%. Et certains n’ont pas encore cette activité mais sont
dans la réflexion et dans la mise sur pied d’une activité qui permettra de s’autofinancer, donc
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c’est plutôt dans cet objectif d’autonomie. Ce sont des gens aussi qui… pour nous un
entrepreneur social, c’est quelqu’un qui a une certaine indépendance, qui veut faire bouger les
choses, qui ne veut pas être dépendant ad vitam aeternam, donc de subsides, donc voilà, je
sais qu’il y a certaines… enfin si on parle maintenant du social business, ben je pense que
c’est vraiment des entreprises sociales 100% autofinancées, rentables, donc nous, on ne
l’entend pas dans ce sens-là. Ca pourrait, mais voilà, nous, l’entrepreneur social, et… enfin ici
(elle me donne le rapport annuel de la Fondation), on décrit aussi ce qu’on entend par
entrepreneur social, donc (elle lit) « avant tout quelqu’un qui veut faire bouger les choses,
dans son village, sa région, son pays, une personne enthousiaste, expérimentée, déterminée à
améliorer concrètement et durablement la vie de ses compatriotes », donc ce sont vraiment
des gens plein d’ambition, qui ont ça dans les tripes. On fait une différence entre
l’entrepreneur social et le bon gestionnaire entre guillemets, qui est un bon gestionnaire, qui a
son projet, qui le réalise, qui fait ça très bien, mais qui n’a pas d’ambition, qui n’a pas de
vision, pour vraiment transformer les choses et aller plus loin. Pour nous, un entrepreneur
social, c’est quelqu’un qui n’arrête jamais et qui, oui, qui a vraiment beaucoup d’ambition et
un objectif de transformation sociale. Et pour nous une entreprise sociale, ça peut être une
organisation qui est 100% subsidiée.
Interview de Mme S. Bacq, doctorante et chercheuse au CRECIS, Louvain School of
Management (UCL), le 2 juillet 2010
Pour moi, l’entrepreneuriat social, c’est l’ensemble des individus et des organisations qui
allient la conduite d’une mission sociale, la recherche d’une plus–value sociale avec la
réalisation d’un modèle économique viable, pérenne. Je dirais qu’au niveau, donc vraiment un
double objectif, une double conduite d’activités, à la fois sociales et économiques. Au niveau
du social par contre, j’utilise le mot social mais pour moi, ça peut inclure des objectifs
environnementaux, donc plus dans le sens sociétal comme on dirait en français, et ça peut tout
à fait inclure des services, de la fourniture de services sociaux comme on a l’habitude d’en
parler, donc faire travailler des personnes handicapées, au chômage, ex-prisonniers, etc. ou
alors aller vers des buts plus environnementaux, peut-être plus abstraits que la relation directe
qu’avec des personnes défavorisées. Et au niveau du modèle économique, là j’ai pas de
recette miracle, mais quand on dit modèle économique, c’est un modèle qui se base donc sur
des activités marchandes, donc qui utilisent les règles du marché pour faire fonctionner
l’entreprise qui a cette mission sociale. Par contre, je ne suis pas contre, enfin dans mon
96
utopie, contre avoir un minimum de subsides, au début, à la création, c’est vrai que les PME,
en général, elles reçoivent aussi des, les PME classiques, traditionnelles, économiques,
financières, ou en tout cas non sociales ou non sociétales, elles reçoivent aussi pas mal de
subsides, mais pour moi ça doit se limiter à la phase de start-up.
97
Annexe B: Questionnaire
Pour répondre à ce questionnaire, veuillez indiquer dans quelle mesure vous êtes d’accord ou non
avec les propositions énoncées. Pour cela, cochez une seule case par proposition. Si la proposition
correspond tout à fait à ce que vous pensez, cochez la case 5 à la droite du tableau (tout à fait
d’accord). Si la proposition ne correspond pas du tout à ce que vous pensez, cochez la case 1 (pas du
tout d’accord). Les cases 2, 3 et 4 vous permettent de nuancer votre réponse par des positions
intermédiaires (plutôt pas d’accord, sans avis, plutôt d’accord). Il est important que vous répondiez à
toutes les questions, même si certaines d’entre elles vous semblent répétitives. Si pour vous le terme
« entrepreneur social » n’est pas adéquat, considérez-le comme un synonyme de « initiateur » ou
« porteur de projet » d’entreprise sociale. Si pour vous le terme « entreprise sociale » n’est pas
adéquat, considérez ce terme comme l’activité entreprise par un entrepreneur social.
Données personnelles:
Nom et prénom:
Structure dans laquelle vous travaillez:
Votre rôle au sein de cette structure:
Pas du tout
d’accord
Plutôt pas
d’accord
Sans avis
Plutôt
d’accord
Tout à fait
d’accord
Dans quelle mesure êtes-vous d’accord (ou non) avec les affirmations suivantes ?
1 2 3 4 5
1. Une entreprise sociale est active dans la production de biens et/ou la fourniture de services, et cela de manière continue.
2. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien avec sa mission sociale et peut être seulement une source de revenus pour financer celle-ci.
3. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise sociale est directement en rapport avec sa mission sociale.
4. L'entrepreneur remplit sa mission de création de valeur sociale par le développement d'une innovation sociale.
98
Pas du tout
d’accord
Plutôt pas
d’accord
Sans avis
Plutôt
d’accord
Tout à fait
d’accord
Dans quelle mesure êtes-vous d’accord (ou non) avec les affirmations suivantes ?
1 2 3 4 5
5. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale.
6. La mission centrale d’une entreprise sociale est le service à la collectivité ou à un groupe particulier.
7. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de les satisfaire. En d’autres mots, il cherche à résoudre les causes des problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux conséquences de ceux-ci.
8. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie dans la sphère économique.
9. Un entrepreneur social cherche toujours une solution créative aux problèmes sociaux.
10. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social.
11. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est important qu’une dynamique collective perdure au sein de l’entreprise sociale.
12. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur social est central.
13. Quand on parle d’entrepreneuriat social, cela peut impliquer un individu en particulier mais aussi un groupe, une organisation, un réseau, un mouvement ou une alliance d’organisations.
14. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de manière formelle ou informelle.
15. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix » dans ses instances de décision.
16. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de gouvernance démocratique.
17. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si elle reçoit des subsides.
99
Choisissez parmi les 28 propositions les 5 propositions qui représentent pour vous le mieux une entreprise sociale et hiérarchisez-les:
1. Proposition numéro … 2. Proposition numéro … 3. Proposition numéro … 4. Proposition numéro … 5. Proposition numéro …
23 Cette affirmation teste un indicateur EMES. Si quelqu’un n’est pas du tout d’accord avec cette proposition (1),
il/elle est tout à fait en accord avec EMES. C’est pourquoi nous l’avons encodée « à l’envers »: si la réponse est
1, nous avons encodé 5 et inversement. De même si la réponse est 2, nous avons encodé 4 et inversement.
Pas du tout
d’accord
Plutôt pas
d’accord
Sans avis
Plutôt
d’accord
Tout à fait
d’accord
Dans quelle mesure êtes-vous d’accord (ou non) avec les affirmations suivantes ?
1 2 3 4 5
18. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise sociale : les ressources marchandes, les subsides publics et les ressources volontaires (dons, bénévolat).
19. Les alliances entre l’entreprise sociale, le secteur privé à but lucratif et/ou le secteur public favorisent l’innovation sociale.
20. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons afin de ne dépendre que d’elle-même.
21. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités marchandes.
22. Les initiateurs d’une entreprise sociale prennent un risque économique et l’assument au moins en partie.
23. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande23.
24. Pour assumer le risque économique, il faut trouver des ressources marchandes et/ou non marchandes.
25. Une entreprise sociale doit se professionnaliser en faisant appel à des méthodes du monde marchand.
26. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de l’organisation, soit distribués entièrement aux actionnaires ou membres.
27. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de distribuer son profit.
28. Pour être entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut juridique qui limite la redistribution des profits.
100
Annexe C: Résultats du questionnaire
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Approche EMES 1. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise
sociale est directement en rapport avec sa mission sociale. 2 3 5 4 4 3 2 4 4 4
2. Une entreprise sociale a un objectif de développement de la démocratie
dans la sphère économique. 5 5 5 4 5 5 3 3 2 3
3. Une entreprise sociale est créée par un groupe de personnes, et il est
important qu’une dynamique collective perdure au sein de l’entreprise
sociale. 4 5 4 4 4 5 3 2 1 1
4. Une entreprise sociale met en œuvre une gestion participative, et cela de
manière formelle ou informelle. 5 5 5 4 4 4 3 4 2 1
5. Une entreprise sociale met en œuvre le principe « un membre, une voix »
dans ses instances de décision. 4 4 5 4 4 4 3 4 2 1
6. Une entreprise sociale met en œuvre de manière statutaire un mode de
gouvernance démocratique. 4 5 5 4 5 4 4 4 3 1
7. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si
elle reçoit des subsides. 4 2 5 2 4 4 5 5 5 5
8. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise
sociale : les ressources marchandes, les subsides publics et les ressources
volontaires (dons, bénévolat). 4 4 5 4 4 4 5 5 5 1
9. Le risque économique se mesure à l’importance de l’activité marchande. 5 2 4 4 2 3 4 2 4 1
10. Pour être entreprise sociale, une organisation doit adopter un statut
juridique qui limite la redistribution des profits. 5 5 5 1 3 5 5 4 2 1
Total 42 40 48 35 39 41 37 37 30 19
Moyenne 4,2 4 4,8 3,5 3,9 4,1 3,7 3,7 3 1,9
Social innovation school of thought
1. L’activité de production d’un bien ou d’un service d’une entreprise
sociale est directement en rapport avec sa mission sociale. 2 3 5 4 4 3 2 4 4 4
2. L’innovation sociale est un aspect essentiel dans une entreprise sociale. 2 5 4 2 4 4 5 4 2 4
3. Un entrepreneur social cherche à réduire les besoins sociaux plutôt que de
les satisfaire. En d’autres mots, il cherche à résoudre les causes des
problèmes sociaux plutôt que de s’attaquer aux conséquences de ceux-ci. 2 5 5 3 4 4 2 4 5 5
4. La créativité est une des qualités essentielles d’un entrepreneur social. 4 5 4 4 4 4 5 5 5 5
5. Dans une entreprise sociale, le leadership de l’entrepreneur social est
central. 4 5 5 5 2 4 5 4 5 4
6. Trois types de ressources peuvent être importants pour une entreprise
sociale : les ressources marchandes, les subsides publics et les ressources
volontaires (dons, bénévolat). 4 4 5 4 4 4 5 5 5 1
7. Les profits d’une entreprise sociale sont soit réinvestis dans l’activité de
l’organisation, soit distribués entièrement aux actionnaires ou membres. 2 1 2 4 4 1 5 5 5 5
Total 20 28 30 26 26 24 29 31 31 28
Moyenne 2,9 4 4,3 3,7 3,7 3,4 4,1 4,4 4,4 4
Social enterprise school of thought
1. L’activité marchande d’une entreprise sociale n’est pas forcément en lien
avec sa mission sociale et peut être seulement une source de revenus pour
financer 4 4 1 4 3 4 4 4 2 2
2. Une entreprise sociale est indépendante des pouvoirs publics, même si
elle reçoit des subsides. 4 2 5 2 4 4 5 5 5 5
3. Une entreprise sociale évite au maximum les subsides publics et les dons
afin de ne dépendre que d’elle-même. 2 4 4 1 4 3 1 4 4 5
4. Une entreprise sociale vise l’autofinancement par ses activités
marchandes. 4 5 4 2 4 4 1 4 2 5
5. Une entreprise sociale doit se professionnaliser en faisant appel à des
méthodes du monde marchand. 2 3 4 5 5 5 2 5 5 5
6. Une entreprise sociale est caractérisée par une interdiction totale de
distribuer son profit. 2 2 2 1 1 2 1 2 2 1
Total 18 20 20 15 21 22 14 24 20 23
Moyenne 3 3,3 3,3 2,5 3,5 3,7 2,3 4 3,3 3,8