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1 UFR SEGMI Département d’Économie Année 2016-2017 L2 Introduction à la politique macroéconomique Travaux Dirigés Document No 4 : Analyse empirique des relations inflation- chômage Professeurs de CM : Mme. Caroline Coudrat Mme. Agnès Labye Chargés de TD : Mme. Lesly Cassin M. Victor Court Mme. Ndèye Penda Sokhna

Analyse empirique des relations inflation- chômage · relation expliquant les variations du taux de salaire nominal à partir du taux de chômage ... Une mesure possible du ralentissement

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UFR SEGMI Département d’Économie

Année 2016-2017

L2 – Introduction à la politique macroéconomique

Travaux Dirigés – Document No 4 :

Analyse empirique des relations inflation- chômage

Professeurs de CM :

Mme. Caroline Coudrat

Mme. Agnès Labye

Chargés de TD :

Mme. Lesly Cassin

M. Victor Court

Mme. Ndèye Penda Sokhna

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Introduction

Dans les dernières décennies, les analyses économiques se sont largement préoccupées

du problème de la recherche du plein-emploi et de la stabilité des prix (absence d’inflation).

Les politiques économiques inspirées du cadre IS-LM ont supposé au départ que les prix

pouvaient être considérés comme fixes, hypothèse qui a été par la suite largement remise en

cause. Le point de départ contemporain de cette réflexion est sans doute la relation de

Phillips. En 1958, l’économiste néo-zélandais A.W. Phillips a proposé une estimation de la

relation expliquant les variations du taux de salaire nominal à partir du taux de chômage

observé en Grande-Bretagne sur la période 1861-1957. Il ressort de ce travail empirique que

le taux de chômage peut être considéré comme le déterminant principal des variations du

salaire nominal. Ce que l’on a appelé depuis lors la courbe de Phillips est une découverte

importante dans la mesure où elle constitue l’équation manquante de la théorie keynésienne et

permet de passer d’une macroéconomie statique à une macroéconomie dynamique. (Source:

V.Mignon, Cours de Dynamique économique).

A partir des textes joints, ce document propose une analyse empirique de la stabilité de

la courbe de Phillips, stabilité qui est remise en cause dans certains travaux. Il en découle des

interrogations sur les stratégies de politique économique à adopter.

Plan du document

1. La stabilité de la relation de Phillips ...................................................................................... 3

2. La remise en cause de la stabilité de la relation de Phillips ................................................. 17

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1. La stabilité de la relation de Phillips

Q1. Quelles sont les relations décrites par la courbe de Phillips pour le marché du travail ?

Q2- Comment passe-t-on de cette relation à celle définissant l’arbitrage de court terme entre

inflation-chômage ?

Questions sur le texte : Chatelais, N., De Gaye, A., Kalantzis, Y., Inflation basse en zone

euro: rôle des prix d’imports et de l’atonie économique, Rue de la Banque, n° 6, Mai 2015.

Q1. Pourquoi est-il important de prendre en compte le prix des biens importés dans le calcul

de l’indice des prix ?

Q2. Quels sont les facteurs qui expliquent en grande partie le ralentissement de l’inflation ces

dernières années dans la zone euro ?

Q3. La courbe de Phillips semble-t-elle vérifiée ces dernières années ?

Questions sur le texte : Rivière P., Une approche de la boucle prix-salaires dans la zone euro

par la courbe de Phillips, Division "Synthèse conjoncturelle", INSEE, Juin 1999.

Q1. Décrire l’étude qui a été réalisée dans ce texte (méthode, pays d’études, principaux

résultats).

Q2. Les relations décrites dans la courbe de Phillips se vérifient-elles ? Pourquoi ?

Q3. Les prédictions de cet article concernant les évolutions de salaires se sont-elles

vérifiées dans la zone euro? Pourquoi ?

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Rue de la BanqueN° 6 ■ Mai 2015

www.banque-france.fr

De 2012 à 2014, le ralentissement de l’inflation dans la zone euro (ZE) a surpris les prévisionnistes de manière récurrente. La ligne bleue du graphique 1

montre l’évolution de l’indice des prix harmonisé à la consommation (IPCH), la principale mesure de l’inflation dans la ZE, en glissement annuel. Son taux de croissance est revenu de près de 3 % à la fin 2011 à presque 0 % au quatrième trimestre 2014. Il est même passé négatif au premier trimestre 2015, date au-delà du champ de cette étude, sous l’effet de la chute du prix du pétrole. Le mandat de l’Eurosystème étant de maintenir le taux d’inflation en dessous mais proche de 2 % sur le moyen terme, il est important d’évaluer les causes de cette baisse. Deux grandes catégories de facteurs peuvent expliquer la dynamique récente de l’inflation. D’une part, le prix du panier de consommation mesuré par l’IPCH dépend du prix des biens importés, à la fois directement dans le cas de biens de consommation importés, et indirectement lorsque les biens et services produits localement incorporent des biens intermédiaires importés. Le glissement annuel du prix relatif des biens importés (par rapport au prix du PIB de la zone euro) est représenté par la ligne orange

Inflation basse en zone euro : rôle des prix d’imports et de l’atonie économique

Nicolas CHATELAIS, Annabelle DE GAYE et Yannick KALANTZISDirection de la Conjoncture et des Prévisions macroéconomiques

L’inflation du prix des biens à la consommation en zone euro a diminué continûment depuis  2012. Fin  2014, elle était proche de  zéro, bien en dessous du niveau de 2 % correspondant à l’objectif de moyen terme de l’Eurosystème. Cette évolution s’est produite en même temps qu’une forte décélération du prix des biens importés et qu’un ralentissement de l’activité économique susceptible de peser sur les prix intérieurs. Cette lettre étudie l’influence sur l’inflation de ces deux  facteurs, prix d’importation et activité économique, afin de quantifier leurs contributions respectives. Notre analyse montre que leur prise en compte permet de reproduire de façon satisfaisante l’évolution observée de l’inflation. Selon nos résultats, l’atonie économique et la décélération du prix des biens importés contribueraient à part égale, à la fin de l’année 2014, à la faiblesse de l’inflation par rapport à la cible de moyen terme.

Cette lettre présente le résultat de travaux de recherche menés à la Banque de France. Les idées exposées dans ce document reflètent l’opinion personnelle de leurs auteurs et n’expriment pas nécessairement la position de la Banque de France. Les éventuelles erreurs ou omissions sont de la responsabilité des auteurs.

G1 IPCH, écart de production et prix relatif d’importation en zone euro(glissement annuel, en %)

2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 20142013

IPCHPrix relatif d’importationÉcart de production

- 12

- 10

- 8

- 6

- 4

- 2

0

2

4

6

8

10

Source : Commission européenne.

sur le graphique 1 : il a fortement décéléré au cours des dernières années, de près de 8 % en 2011 jusqu’à – 4 % en 2013. La forte baisse du prix du pétrole y contribuerait pour 7 points et la composante hors énergie pour 5 points.

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Rue de la BanqueN° 6 ■ Mai 2015

D’autre part, l’inflation dépend aussi des prix intérieurs, qui sont influencés par le niveau de l’activité économique. L’idée d’une corrélation positive entre le niveau d’activité et l’inflation, connue sous le nom de courbe de Phillips est devenue une pierre angulaire de l’analyse macroéconomique (voir encadré). Toutes choses égales par ailleurs, une « surchauffe » de l’économie devrait conduire à une inflation plus élevée alors qu’un ralentissement économique devrait conduire à une inflation plus faible. Une mesure possible du ralentissement économique est l’écart de production (EP), ou « output gap » en anglais, égal à la différence relative entre le PIB observé et son niveau potentiel. La Commission européenne fournit une mesure de cet EP, représentée par la ligne verte sur le graphique 1 : il a également baissé depuis 2011, passant de – 1 % à – 3 %.

Pour évaluer les contributions respectives au ralentissement de l’inflation de ces deux facteurs, à savoir la décélération des prix d’importation et le creusement de l’EP, nous estimons une courbe de Phillips augmentée des prix à l’importation pour prendre en compte explicitement le rôle des facteurs externes dans l’inflation totale.

Une courbe de Phillips augmentée des prix d’importation

Nous utilisons des données trimestrielles du premier trimestre 1997 au quatrième trimestre 2014 dans la zone euro afin d’estimer une courbe de Phillips augmentée des prix d’importation :

πt = c + απt-1 + βxt-1 + γmt + εt

où π est le taux de variation trimestrielle de l’inflation IPCH, x est une mesure de l’écart de production, et m est le taux de croissance trimestrielle du prix relatif des importations (par rapport au déflateur du PIB) 1. Nous utilisons une mesure de l’EP de la Commission européenne, représentée dans le graphique 1.

Cette spécification suppose que les anticipations sont bien ancrées 2. Avec un écart de production nul et des prix relatifs d’importation stables, l’inflation converge vers c/(1– α), correspondant à l’inflation de long terme. Un EP positif (négatif) implique une inflation supérieure (inférieure) sans changer cet ancrage de long terme. Si 0<α<1, l’inflation s’ajuste progressivement aux variations de l’EP. Le coefficient β est la réponse de court terme de l’inflation à une variation de l’EP, mais nous nous intéressons davantage à la réponse après que ce premier ajustement a eu lieu. Cette réponse est donnée par β/(1– α), que nous appelons la pente de la courbe de Phillips de « moyen terme ».

1 L’inflation trimestrielle est calculée en utilisant un indice de prix corrigé des variations saisonnières (par la méthode X-12-ARIMA).

2 Voir la discussion dans Ball et Mazumder (2014) sur cette spécification parfois appelée « courbe de Phillips non-accélérationniste ». La courbe de Phillips accélérationniste impose la restriction α=1, qui implique qu’un EP positif conduit à une accélération de l’inflation au lieu d’un simple changement de niveau. Théoriquement, c’est une description appropriée dans une économie où les agents ajustent leurs anticipations de long terme selon l’inflation observée. Mais des années 1980 à 2014, l’inflation et les anticipations d’inflation à long terme ont été remarquablement stables et la restriction α=1 est clairement rejetée par les données.

La courbe de Phillips

Dans un article célèbre publié en 1958, A.W. Phillips mit en évidence une relation statistique entre le taux de croissance des salaires nominaux et le taux de chômage au Royaume-Uni entre 1861 et 1913. La courbe de Phillips, reliant à l’origine l’inflation des salaires au chômage, est rapidement devenue une relation macroéconomique générale entre des variables nominales telles que la croissance des prix ou des salaires et des variables réelles reflétant le niveau de l’activité économique. Par exemple, les modèles standards actuels portent souvent sur la relation positive entre la croissance des prix et l’écart de production, comme dans le graphique ci-dessous. Des controverses importantes ont concerné sa stabilité dans le temps et entre pays, l’horizon de temps sur lequel la relation est valide, ou encore le rôle des anticipations (voir Le Bihan 2009 pour un aperçu). Malgré tout, la courbe de Phillips est restée un fondement important de l’analyse macroéconomique, en particulier pour l’analyse des effets de la politique monétaire.

Écart de production et inflation (1998-2014)(en abscisses : écart de production ; en ordonnées : IPCH en glissement annuel, en %)

20092014

2013

20122011

2003 2004

1998 1999

20022006

20012000 2007

2005

2008

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

3,0

2,5

3,5

2010

- 4 - 3 - 2 - 1 0 1 2 3

Source : Commission européenne.

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Inflation et écart de production

Le tableau 1 présente les coefficients estimés de ce modèle, ainsi que la pente de moyen terme exprimée en termes annuels, pour l’ensemble de l’échantillon ainsi que pour un sous-échantillon composé des huit dernières années (T1 2007-T4 2014).

Selon nos estimations, la pente de moyen terme de référence de la courbe de Phillips pour la zone euro est proche de 0,3 : une augmentation de 1 point de pourcentage (pp) de l’EP implique une augmentation de l’inflation annuelle de 0,3 pp.

En comparant les résultats de l’estimation sur l’échantillon total et sur les huit dernières années, nous ne trouvons pas de signe d’un changement de la pente de la courbe de Phillips au cours des dernières années. Ceci est confirmé par les estimations de la courbe de Phillips sur des fenêtres glissantes de huit années. La pente de moyen terme (en termes annuels), représentée sur le graphique 2, est restée proche au cours des dernières années de sa valeur estimée sur l’ensemble de l’échantillon.

La réponse de l’inflation aux variations de prix d’importation, donnée par le coefficient γ, étant sensiblement plus élevée dans la dernière partie de l’échantillon, la spécification retenue est celle sur la période récente, T1 2007-T4 2014. Comme le montre le graphique 3, la simulation dynamique 3 pour la période T1 2007-T4 2014 est globalement satisfaisante.

Ce modèle explique l’inflation totale par l’EP et les prix d’importation mais il existe d’autres possibilités en fonction de l’indice de prix considéré et du choix de la

T1 Estimation de référence

Échantillon total

T1 2007- T4 2014

Constante c 0,34 0,38 (4,3) (5,4)

Retard α 0,26 0,23 (0,3) (1,7)

Écart de production β 0,05 0,05 (2,2) (3,6)

Prix relatif d’importation γ 0,07 0,14 (3,3) (4,9)

R2 ajusté 0,47 0,74

Réponse de moyen terme annualisée à l’écart de production a) 0,27 0,26

Note : les t-stat sont reportés entre parenthèses.a) La réponse de moyen terme de l’inflation à l’EP est en termes annuels et calculée comme 4β/(1– α).

3 La simulation dynamique commence au début de l’échantillon de prévision (T1 2007) puis utilise les prévisions récursives de la variable dépendante retardée.

4 Pour être comparés avec notre estimation, ces coefficients sont ajustés des différences entre mesures de l’inflation et de ralentissement économique. Par exemple, la pente du déflateur de la VA par rapport au chômage de court terme est – 0,7. Elle est ajustée à 0,5 x (–  0,7)/(–  2) = 0,2, où 0,5 est l’élasticité de l’inflation (IPCH total) par rapport au déflateur de la VA et – 2 est le coefficient de la loi d’Okun (lien entre le chômage de court terme et l’écart de production). Ces coefficients sont estimés sur notre échantillon de données.

G2 Estimations sur fenêtres glissantes de 8 ans pour la zone euroCoefficient de moyen terme de l’écart de production(en termes annuels)

2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 20142013

Coef�cient écart de production – Fenêtre glissante de 32 trimestres+/- 2 écarts-typeCoef�cient estimé sur échantillon total

- 0,1

0,0

0,1

0,2

0,3

0,4

0,5

0,6

0,7

0,8

G3 Inflation réalisée et estimée en zone euro avec le modèle estimé sur T1 2007-T4 2014(variation trimestrielle, %)

2007 2008 2009 2010 2011 2012 20142013

IPCH (cvs)Simulation dynamique

- 0,6

- 0,4

- 0,2

0,0

0,2

0,4

0,6

0,8

1,0

1,4

1,2

mesure d’activité économique. Le tableau 2 présente des pentes de moyen terme obtenues avec deux mesures alternatives de l’inflation 4 : l’inflation sous-jacente qui exclut l’énergie et l’alimentaire, et le déflateur de la

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valeur ajoutée du secteur privé qui mesure l’inflation provenant des salaires et des profits nationaux ; et une autre mesure d’activité économique : le chômage de court terme (inférieur à 12 mois).

Dans l’ensemble, les différentes estimations sont relativement proches de notre estimation de référence et nous donnent une fourchette de [0,1 ; 0,3] pour la pente de moyen terme.

Contributions des prix d’importation et du ralentissement économique à la faible inflation

Nous utilisons maintenant ce modèle pour décomposer les contributions de la décélération des prix d’importation et de la dégradation de l’EP à la faible inflation constatée ces dernières années.

Ainsi, nous simulons un scénario contrefactuel dans lequel l’EP est supposé se refermer progressivement entre 2012 et 2014, période où l’inflation a fortement diminué. Les résultats sont présentés sur le graphique 4 et dans le tableau 3.

Au quatrième trimestre 2014, l’inflation était de 0,2 % en glissement annuel. L’inflation dans le scénario contrefactuel est de 1,3 %. L’écart entre l’inflation réalisée et l’objectif de 2 %, soit 1,8 point, peut donc être décomposé en 0,7 point dû à la diminution des

T2 Robustesse par rapport à l’indice de prix et à l’activité économique

Mesure du cycle Indice de prix

Zone euro

T2 1996- T4 2014

T1 2007- T4 2014

Écart de production IPCH 0,3 0,3 IPCH sous-jacent 0,1 0,1

Déflateur de la VA 0,2 0,1

Taux de chômage de court terme IPCH 0,3 0,3

IPCH sous-jacent 0,2 0,2Déflateur de la VA 0,2 0,2

Note : Les coefficients sont ajustés afin d’être comparables avec l’élasticité de l’inflation totale (IPCH) vis-à-vis de l’écart de production.L’élasticité de l’inflation totale (IPCH) vis-à-vis de l’inflation sous-jacente : 0.8. L’élasticité de l’inflation totale (IPCH) vis-à-vis du déflateur de la VA : 0,5. Coefficient d’Okun : 2.

G4 Scénario contrefactuel avec un écart de production se refermant à l’horizon fin 2014 en zone euroEstimation sur T1 2007-T4 2014(IPCH en glissement annuel, en %)

2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 20142013

Courbe de PhillipsContrefactuelIPCH

- 1,0

- 0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

2,5

3,0

3,5

4,04,5

T3 Contributions à l’écart de l’inflation à sa cible de 2 % dans la zone euro

Inflation T4 2014 (glissement annuel, en %) 0,17Prévu (glissement annuel, en %) 0,53Contrefactuel (glissement annuel, en %) 1,31

Écart cible 2 % 1,83

Contribution prix import (= 2– contrefactuel) 0,69Contribution écart production (= contrefactuel – prédit) 0,78Contribution résidu (= prédit – réalisé) 0,36

prix relatifs à l’importation et 0,8 point dû à l’output gap, le reste (0,3 point) provenant du résidu inexpliqué entre l’inflation observée et prévue. La conclusion de cet exercice est que le ralentissement des prix d’importation et l’écart de production persistant ont contribué à peu près également à l’écart de l’inflation à la cible.

Dans le graphique 5 l’inflation réalisée (en écart absolu à la moyenne de l’échantillon) est décomposée selon les quatre composantes de la courbe de Phillips estimée : l’état initial, les prix à l’importation, l’EP et un résidu inexpliqué.

Cette décomposition illustre bien que la faiblesse des prix d’importation et l’écart de production ont contribué de manière équivalente à la faible inflation au cours des derniers trimestres.

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G5 Contributions à l’inflation de la zone euro avec ses principales composantes(IPCH : glissement annuel, en %, en écart à sa moyenne)

2007 2008 2009 2010 2011 2012 20142013- 3,0

- 2,5

- 2,0

- 1,5

- 1,0

- 0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

Contribution écart de productionContribution prix d’importationContribution conditions initiales

Contribution résidusIPCH

ÉditeurBanque de France

Directeur de la publicationMarc-Olivier STRAUSS-KAHN

Directeur de la rédactionFrançoise DRUMETZ

RéalisationDirection de la Communication

Mai 2015 www.banque-france.fr

Bibliographie

Ball (L.) et Mazumder (S.) (2014)« A Phillips curve with anchored expectations and short-term unemployment », NBER Working Paper n° 20715.

Le Bihan (H.) (2009)« 1958-2008, avatars et enjeux de la courbe de Phillips », Revue de l’OFCE 111, octobre.

Phillips (A. W.) (1958)« The relation between unemployment and the rate of change of money wages rates in the UK, 1861-1957 », Economica, vol. XXV, novembre.

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L’estimation de relations dePhillips pour la zone europrise dans son ensemble etses principaux États mem-bres conduit à privilégier,pour quelques années en-core, l’utilisation d’outilsnationaux dans l’analyse dessalaires européens. En effet,la courbe de Phillips estiméepour l’ensemble de la zonen’apparaît pas robuste éco-nométriquement. Lesestimations ne semblent pasnon plus satisfaisantes en Ita-lie où la désinflationmarquée, observée sur la pé-riode récente, rend délicatel’estimation d’un coefficientd’indexation des salaires surles prix. Dans l’ensemble, lestravaux présentés ici confir-ment la modération salarialeactuelle dans la zone.

Une convergence de fait dessalaires dans la zone euro

Les salaires ont connu une progres-sion globalement toujours plus mo-dérée depuis une quinzaine d’an-nées. Le phénomène dedésinflation, enregistré dans lespays de l’OCDE, depuis le milieudes années 80, le sentiment accrude précarité de l’emploi et la réces-sion du début des années 90, alliésaux mesures d’assouplissement enmatière de revalorisation salarialeprises par certains gouvernements(réforme des ordenanzas espagnolsen 1994, modifications des règlesd’indexation des salaires sur lesprix en Italie et en Belgique en1993, suspension de l’indexationautomatique du salaire minimumaux Pays-Bas), ont contribué à cerésultat au sein de la zone euro.

Le graphique 1 présente l’évolutiondes salaires dans le secteur privépour les principaux pays de la zoneeuro. En Allemagne, la réunifica-

tion induit une accélération des sa-laires pour la période allant de lami-91 à la mi-93 ; le rythme deprogression des salaires se modèreensuite pour devenir comparable àcelui des salaires en France, où lamodération salariale est effectivedepuis 1986. En Espagne, la ré-forme de 1994 contribue à la trèsnette modération des salaires. EnItalie, l’année 1995 connaît un phé-nomène de rattrapage des salairessur l’inflation qui vient atténuerl’effort quasi-constant consenti au-paravant en matière de modérationsalariale ; on note depuis la fin de1996 un mouvement de baisse duglissement annuel des salaires ita-liens. Début 1998, le rythme annuelmoyen de progression des salairesétait tombé à 2% dans la zone euro.

Ce rapprochement des évolutionsdes salaires au sein de la zone euros’inscrit dans le cadre de la conver-gence nominale des économies despays signataires du Traité de Maas-tricht. Dans une zone économiqueencore plus intégrée, et donc plus

Une approche de la boucleprix-salaires dans la zone europar la courbe de Phillips

Pascal RIVIERE

Division "Synthèse conjoncturelle"

GLISSEMENTS ANNUELS DES SALAIRESSecteur privé

en %

86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98source : OCDE

0

2

4

6

8

10

12

0

2

4

6

8

10

12

FranceAllemagneItalieEspagne

22 Note de conjoncture

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ouverte à la concurrence des paysmembres, la modération des reva-lorisations salariales constitue toutnaturellement un objectif permet-tant d’améliorer la compétitivitédes entreprises.

Par ailleurs, l’instauration de lamonnaie unique induit des change-ments structurels qui laissent pen-ser que les politiques économiquesnationales tendront nécessairementà assurer une relative cohérence desévolutions salariales, d’autant plusque la fixité des taux de changeinterdit à un pays de recourir à unedévaluation pour compenser unehausse comparativement élevéedes salaires.

Différents éléments nous empê-chent cependant de considérer lemarché du travail comme étant ho-mogène au niveau de la zone euro.

Ainsi, d’un point de vue institution-nel, le processus de négociation estsensiblement différent suivant lespays : décentralisé en France et enItalie, il se fait au niveau des bran-ches dans les autres pays.

Par ailleurs, le mode de fixation dusalaire minimum, les mesures spé-cifiques en faveur des jeunes(contrats spécifiques) et des moinsqualifiés (réductions des chargessociales), le degré de flexibilité dutemps de travail (qui influe sur lerecours aux heures supplémentai-res, payées plus cher), sont déter-minés différemment suivant lespays. Ces spécificités des politi-ques économiques nationalescontribuent à la disparité du marchédu travail européen.

Enfin, la faible mobilité géographi-que au sein de la zone euro amèneà considérer de fait le marché dutravail européen comme une juxta-position de marchés cloisonnés etnon comme un vaste ensemble uni-forme.

Deux facteurs de progressiondes salaires : l’indexation sur

les prix et la sensibilité autaux de chômage

Un modèle à correction d’erreur àpartir d’une relation de phillips

La courbe de Phillips est la consta-tation empirique de l’existenced’un lien entre la hausse des salai-

res (W.

) et le niveau du taux dechômage (u). On ajoute la hausse

des prix (P.) comme variable expli-

cative. La relation s’écrit sous laforme :

W.

= αP. + f(u) + Cste

La montée régulière du chômage enEurope rend particulièrement déli-cate l’utilisation de cette relationqui suppose implicitement la cons-tance au cours du temps de la fonc-tion f(u).

Dans le cadre restreint de cet exer-cice, on attend deux propriétés :- le taux d’indexation, α , des salai-res sur les prix doit être proche de1, sous-entendant que les salariésobtiennent à long terme un aligne-ment de leurs rémunérations surl’inflation observée,- la fonction, f(u), du taux de chô-mage doit être décroissante avec u ;c’est-à-dire que la hausse négociéedes salaires est d’autant moinsgrande que la situation du marchédu travail se dégrade et affaiblit lepouvoir de négociation des sala-riés.

Outre la proximité des coefficientsestimés des taux de chômage pourchacun des pays, la mise en évi-dence de l’indexation unitaire dessalaires sur les prix au niveau de lazone euro montrerait une relativecohérence du processus de négo-ciations salariales, au-delà des dif-férences structurelles et institution-nelles entre les pays.

Approche de la boucle prix-salaires dans la zone euro par la courbe de Phillips

Des données portant sur l’ensembledu secteur privé

La description de la dynamique salariale au sein de la zone euro suppose dedisposer de données comparables pour tous les pays membres. L’OCDE diffusedes séries trimestrielles harmonisées corrigées des variations saisonnières :- de rémunération par tête pour l’ensemble du secteur privé (1),- de déflateur de la consommation des ménages et de déflateur du PIB (2),- et de taux de chômage.

Ces séries sont malheureusement mises à disposition du public avec un grandretard. Dans le meilleur des cas, les séries de salaires du secteur privé sontdisponibles jusqu’au deuxième trimestre de 1998.

Pour chacune des variables utilisées dans nos estimations, l’agrégation des sériesse fait par moyenne géométrique des indices nationaux. Les pondérations retenuessont l’emploi salarié pour les salaires, le PIB et la consommation des ménagespour les déflateurs du PIB et de la consommation des ménages, et la populationactive pour le taux de chômage.

(1) La définition retenue des salaires peut être différente suivant les pays ; ces rémunéra-tions peuvent ainsi comprendre des primes dans certain cas.(2) L’IPCH (indice harmonisé des prix à la consommation), mensuel, n’existe que depuisjanvier 1995.

Juin 1999 23

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Les variables entrant dans la rela-tion étudiée n’étant pas stationnai-res, le test d’indexation unitaire dessalaires sur les prix (α=1) ne peutpas s’effectuer par les moindrescarrés ordinaires. Une stratégie detest alors possible est décrite enencadré 2.

L’estimation de la relation (1) nousdonne la relation de long terme en-tre les hausses de salaires, l’infla-tion et le taux de chômage. Le caséchéant, l’indexation unitaire dessalaires sur les prix est contrainte.La cible de long terme est ensuiteintégrée dans un modèle à correc-tion d’erreur présenté dans l’enca-dré 3.

Les relations étudiées intègrentsuccessivement, pour chaque payset pour la zone euro, les déflateursde la consommation des ménages etles prix du PIB.

Pour certains pays, les deux varia-bles de prix aboutissent à l’accep-tation de l’indexation unitaire dessalaires sur les prix. Dans la pers-pective d’une utilisation des rela-tions estimées pour la prévision, lavariable de prix utilisée dans lesestimations présentées ici est cellepour laquelle l’adéquation de la si-mulation à la variable observée estla meilleure.

Les estimations portent sur l’Alle-magne, la Belgique, l’Espagne, laFrance, l’Italie et les Pays-Bas quireprésentent ensemble environ90% du PIB de la zone.

Les résultats des estimations de lacible de long terme et du modèle àcorrection d’erreur sont reportésdans les tableaux 1 et 2.

Les salaires seraient plus sensiblesà la situation de l’emploi en Italie

Selon la modélisation proposée,une baisse du taux de chômage pro-cure aux syndicats une force de né-gociation accrue qui se répercutesur les hausses de salaires réels ob-tenues. De manière cohérente aveccette représentation de la boucle

Approche de la boucle prix-salaires dans la zone euro par la courbe de Phillips

Stratégie de test d’indexation unitairedes salaires sur les prix

Les variables utilisées étant non stationnaires, il n’est pas possible de recourir auxstatistiques habituelles sur les coefficients pour tester l’indexation unitaire dessalaires sur les prix.La méthode proposée par Stock et Watson dans ce cas de figure consiste à estimerune relation introduisant les retards et les avances des variables explicativesdifférenciées, soit ∆Pt et ∆ ut (stationnaires en tant que différences de variablesintégrées d’ordre 1) :

W.

= αP. t + βut + Cste + ∑

i=−p

+p

ai ∆P. t−i + ∑

j=−p

+p

bj ∆ut−j + ψt (1)

De cette estimation par les moindres carrés ordinaires, on tire notamment :- α estimateur de α, - Sα , l’écart-type calculé en appliquant la formule relative aux moindres carrésordinaires,- S, l’écart-type estimé de ψt ,- et T, égal au rapport ( α−1) ⁄ Sα .On effectue, le cas échéant, une correction pour tenir compte de l’autocorrélationdu résidu :

ψt=∑

i=1

k

ϕi ψt−i + et

On note S1 l’écart-type estimé de et et ϕi les estimateurs de ϕi.

La statistique T définie ci-dessus est, de fait, celle habituellement retenue pourtester α=1 lorsque les variables sont stationnaires.Ici, cette statistique doit être corrigée pour tenir compte de l’autocorrélation desrésidus estimés. On utilise la statistique ST donnée par la formule :

ST = T∗ SS1

∗ (1−∑

i=1

k

ϕi)

Sous l’hypothèse nulle, ST est distribuée asymptotiquement comme une loinormale.

Un modèle à correction d’erreurà partir de la courbe de Phillips

La relation (1) permet de définir une cible de long terme, Zt :

Zt = W.

t − (αP.

t + βut)

Cette variable est introduite dans l’écriture d’un modèle à correction d’erreur :

∆W.

t = Cste + ∑

i=0

I

ai ∆ P. t−i + ∑bj

j=0

J

∆ ut−j + ∑

l=1

L

al ∆ W.

t−l + c ∗ zt−1 + ηt (2)

Du fait de la simultanéité des variables de prix et de salaires, cette équation estestimée par la méthode des variables instrumentales.

24 Note de conjoncture

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prix-salaires, le coefficient du tauxde chômage dans les équations delong terme (forme Stock-Watson)est négatif pour chacun des paysétudié.

L’impact d’une baisse du taux dechômage(1) sur le rythme trimes-triel de progression des salairesnets est directement donné pourchaque pays par les coefficients βdu tableau 1.

D’après ces résultats, les salairesitaliens seraient plus sensibles queceux des autres pays à une variationdu taux de chômage. Les valeursenregistrées pour les autres payssont relativement proches les unesdes autres, l’Allemagne étant lepays où l’on observe la moindresensibilité des salaires au taux de

chômage ; ce constat empiriquemontre une certaine homogénéitédes comportements au sein desmarchés du travail dans la zoneeuro.

Les économistes s’accordent à esti-mer que le pouvoir revendicatif dessalariés a diminué à la faveur de lacrise du début des années 90. Enparticulier, l’aggravation du chô-mage, parfois alliée à un mouve-ment global de désyndicalisation,suggère une rupture de comporte-ment des agents économiques vis-à-vis du marché du travail que de-vraient traduire ces tests destabilité. Pourtant, les tests statisti-ques ne rejettent pas l’hypothèseselon laquelle les coefficients esti-més des équations seraient globale-ment stables sur la période étudiée.

L’hypothèse de cohérence desmarchés du travail au sein de lazone euro serait rejetée

On remarquera que la variable deprix retenue est le déflateur de laconsommation des ménages pour laFrance et pour l’Italie, alors que lesestimations pour les autres pays uti-lisent le déflateur du PIB. Ainsi, lessalaires en France et en Italie se-raient plus sensibles à l’évolutiondes prix à la consommation, tandisque les salaires dans les autres paysprendraient plus en compte les

Approche de la boucle prix-salaires dans la zone euro par la courbe de Phillips

TABLEAU 2 : ESTIMATIONS DU MODÈLE À CORRECTION D’ERREUR

France Allemagne Italie Espagne Pays-Bas Belgique Zone euro Zone euro

∆ W.

(1) 0,57(6)

Zt-1(cible de longterme)

-0,55(-3,2)

-0,91(-3,5)

-1,15(-6,8)

-0,67(-3,8)

-0,14(-3,4)

-0,26(-6)

-0,69(-2,5)

-0,78(-3)

Constante 0,85(3,1)

0,88(3,3)

3,33(6,6)

1,27(3,6)

0,16(2,6)

0,53(5,5)

2,19(2,5)

0,81(3)

SEDV (a) 1,03% 1,14% 1,52% 1,16% 0,16% 0,31% 0,54% 0,54%

SEE (b) 0,56% 0,85% 1,20% 1,00% 0,16% 0,23% 0,42% 0,41%

D-W 2,45 2,24 1,53 2,01 1,07 1,64 2,39 2,29

Période d’estimation 65T1-97T4 60T1-98T2 60T1-97T4 65T1-97T4 70T1-96T4 70T1-96T4 70T1-96T4 70T1-96T4

La variable expliquée dans le modèle à correction d’erreur est ∆W.Écarts-types de la variable dépendante (a) et des résidus (b)

P.

désigne ici, suivant les cas, le taux de croissance de l’indice de prix de la consommation des ménages ou du PIB, u désignant le logarithme du taux de chômage

et W.

les hausses de salaires.X(n) figure la variable X retardée de n trimestres ; le symbole ∆ figure l’opération différence appliquée à la variable qui le suit (∆X(n)=X(n)-X(n-1)).

La variable Zt représente la cible de long terme de notre modèle à correction d’erreur. Elle est de la forme Zt = W.

t − (αP.

+ βut). Elle est numériquement reportéedans le tableau 1.Source : OCDE, calculs INSEE

TABLEAU 1 : ESTIMATIONS DE LA CIBLE DE LONG TERME

France Allemagne Italie Espagne Pays-Bas Belgique Zone euro Zone euro

Variable de prix utilisée Conso PIB Conso PIB PIB PIB Conso PIBet Conso

Significativité du test d’in-dexation unitaire 82,7% 20,8% 2% 24,4% 75,1% 13,1% 0% 2%

α(prix)

1 1 1 1 1 1 0,61(4)

0,79(9,2)

β(chômage)

-0,56(-5,4)

-0,36(-3,1)

-1,24(-6,5)

-0,59(-8,5)

-0,68(-17)

-0,76(-6)

-1,15(-4,8)

-0,86(-7,8)

Les t de student sont entre parenthèses. Lorsque la contrainte est imposée (α est égal à 1), le t de Student associé est sans objet.Source : OCDE, calculs INSEE

(1) Une baisse exprimée en termes relatifs,dans la mesure où la variable utilisée dans nosestimations est le logarithme du taux de chô-mage.

Juin 1999 25

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chocs sur les termes de l’échange,comme les évolutions des cours dupétrole ou des matières premières.

L’hypothèse d’indexation unitairedes salaires sur les prix est large-ment acceptée dans chacun despays, en dehors de l’Italie où lasignificativité du test est de l’ordrede 2%. Dans ce pays, la désinfla-tion marquée est un phénomène as-sez récent. Il est possible que lescomportements des agents s’ajus-tent progressivement au nouveaucontexte de prix. Les prix utilisésdans l’estimation ne sont peut-êtreplus la référence pertinente, les dé-lais d’ajustement ayant pu notam-ment être modifiés par les change-ments récents des processus denégociation salariale. Il apparaît enpratique qu’imposer la contrainted’indexation unitaire des salairessur les prix ne modifie pas sensible-ment les coefficients des autres va-riables pour les évaluations relati-ves à chacun des pays.

En retenant le déflateur de PIBcomme variable de prix, l’hypo-thèse d’indexation unitaire des sa-laires sur les prix n’est acceptéequ’au seuil de 3% au sein de la zoneeuro. De plus, l’estimation d’unmodèle à correction d’erreur avecle déflateur de PIB donne un coef-ficient non significativement diffé-rent de zéro sur la cible de longterme.

L’estimation d’un modèle à correc-tion d’erreur avec le déflateur de laconsommation des ménages fait, enrevanche, apparaître un coefficientsignificativement différent de zéropour la cible de long terme ; elleconduit à rejeter l’hypothèse d’in-dexation unitaire des salaires surles prix. On peut estimer une rela-tion au niveau de la zone euro re-prenant pour chaque pays la varia-ble de prix utilisée dans lesévaluations présentées. L’hypo-thèse d’indexation unitaire des sa-laires sur les prix n’est alors accep-tée qu’au seuil de 2%. Contraindrecette indexation dans notre estima-

tion conduit à modifier sensible-ment les coefficients des autres va-riables.

Quelle que soit la variable agrégéede prix retenue, l’hypothèse d’in-dexation unitaire des salaires surles prix est par conséquent claire-ment rejetée, indiquant les dissem-blances structurelles qui existententre les pays. Ce résultat pourraitprovenir de la difficulté à estimerune relation satisfaisante pour l’Ita-lie.

Simulations et prévisionsdes salaires

Une représentation satisfaisantedes tendances salariales, insuffi-sante pour en refléter les évolu-tions de très court terme

Les estimations précédentes four-nissent une modélisation de l’évo-lution des salaires expliquant unefaible partie de la variance, commeen témoigne, dans le tableau 2, larelative proximité des écarts-typesde la variable modélisée et de l’es-timation.

Les graphiques 2 et 3 des simula-tions dynamiques effectuées pourla France et la zone euro illustrentl’inaptitude à prendre en compte lesphénomènes de très court terme : larelation ne paraît pas à même dereproduire les à-coups trimestrielsenregistrés par les salaires. En par-ticulier, la hausse sensible des sa-laires en France du premier semes-tre de 1997 (due à une importanterevalorisation salariale consentieaprès une année 1996 où le pouvoird’achat des salaires avait été rogné)n’est pas reproduite par cette modé-lisation.

ZONE EURO : HAUSSES TRIMESTRIELLES DES SALAIRES ET SIMULATION en %

70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96source : OCDE, calculs INSEE

-2,0

-1,5

-1,0

-0,5

0,0

0,5

1,0

-2,0

-1,5

-1,0

-0,5

0,0

0,5

1,0

résidus

0

1

2

3

4

5

0

1

2

3

4

5

simulation

observé

Approche de la boucle prix-salaires dans la zone euro par la courbe de Phillips

26 Note de conjoncture

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FRANCE : HAUSSES TRIMESTRIELLES DES SALAIRES ET SIMULATION en %

70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96 98source : OCDE, calculs INSEE

-2,0

-1,5

-1,0

-0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

-2,0

-1,5

-1,0

-0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

résidus

-1

0

1

2

3

4

5

6

-1

0

1

2

3

4

5

6

simulationobservé

Approche de la boucle prix-salaires dans la zone euro par la courbe de Phillips

FRANCE : GLISSEMENTS ANNUELS DES SALAIRES en %

70 72 74 76 78 80 82 84 86 88 90 92 94 96source : OCDE, calculs INSEE

0

5

10

15

20

0

5

10

15

20

simulationobservé

Juin 1999 27

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En revanche, ces simulations retra-cent bien les évolutions de pluslong terme des salaires ; elles ac-compagnent ainsi la désinflationsalariale tendancielle observée du-rant cette période.

Dès lors, il est possible d’utiliser lesséries de prix et de chômage, dispo-nibles de manière plus récente,pour projeter l’évolution tendan-cielle des salaires dans les diffé-rents pays.

Vers la poursuite de la modérationsalariale dans la zone euro

Sur la base de prévisions d’infla-tion et de chômage cohérentes avecle diagnostic conjoncturel présentédans cette Note de conjoncture -redressement progressif de l’infla-tion consécutif à la hausse descours du pétrole, baisse modérée du

chômage dans les trois plus grandspays, plus forte en Espagne et auxPays-Bas - les équations présentéesici permettent d’apprécier la ten-dance actuelle des salaires dans lesprincipaux pays de la zone euro.

Les résultats de ces projections sontprésentés dans les tableaux 3 et 4,où figurent également la contribu-tion de l’évolution des prix et dutaux de chômage. Ils tendent àconfirmer la poursuite de la modé-ration des évolutions salarialesdans la plupart des pays : mis à partaux Pays-Bas, le glissement annueldes salaires resterait partout infé-rieur à 2%.

Spontanément, le modèle condui-rait à une poursuite du ralentisse-ment des salaires nominaux au seinde la zone euro, à l’exception desPays-Bas et de la Belgique.

Concernant l’Allemagne, ce résul-tat n’apparaît pas compatible avecl’accélération attendue des salaires,qui devrait découler des accords derevalorisation dans les principalesbranches signés début 1999. ■

Approche de la boucle prix-salaires dans la zone euro par la courbe de Phillips

TABLEAU 4 : CONTRIBUTIONS A LA VARIATION DU GLISSEMENT ANNUEL DES SALAIRES

France Allemagne Italie Espagne Pays-Bas Belgique Zone euro

Variation du glissement annuel des salaires -0,5 -1,0 -0,3 -0,8 0,6 0,4 -0,1

Contribution des prix -0,6 -1,1 -0,4 -1,2 0,3 0,3 -0,6

Contribution du taux de chômage 0,1 0,1 0,1 0,4 0,3 0,1 0,5

Source : OCDE, calculs INSEE

TABLEAU 3 : GLISSEMENTSANNUELS DES SALAIRES

(en %)

97T4 99T4

France 1,7 1,2

Allemagne 2,3 1,3

Italie 2,0 1,7

Espagne 2,8 2,0

Pays-Bas 2,8 3,4

Belgique 0,4 0,8

Zone euro 2,3 2,2

GLISSEMENTS ANNUELS DES SALAIRESSecteur privé

en %

86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99

prévision au-delà du pointillé sources : OCDE, INSEE et Direction de la Prévision, calculs INSEE

0

2

4

6

8

10

12

0

2

4

6

8

10

12

FranceAllemagneItalie

Zone euro

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Bibliographie

“Time Series Analysis” 1994Hamilton Princeton university Press

“A simple estimator of cointegrated vectors in high order integrated systems” 1993Stock et Watson Econometrica, 61

“Economie du travail” 1996Cahuc et Zylberberg Couvertures économiques De Boeck Université

“Le chômage d’équilibre en France : une évaluation” 1996Cotis, Méary et Sobczak Direction de la Prévision Document de travail N°96-14

“The influence of different specifications of wages prices spiralson the measure of NAIRU” 1996Bonnet et Mahfouz INSEE Document de travail G9611

“Le SMIC : salaires minimum de croissance” 1999Conseil Supérieur de l’Emploi, des Revenus et des Coûts

“Groupe de Paris. Emploi et rémunération. Rapport sur la session 1998” 1999INSEE Division Méthodes comparées

“La mise en oeuvre de la stratégie de l’OCDE pour l’emploi :l’expérience des pays membres” 1997OCDE

“La stratégie de l’OCDE pour l’emploi : valoriser le travail” 1997OCDE

“La stratégie de l’OCDE pour l’emploi : renforcer l’efficacitédes politiques actives du marché du travail” 1997OCDE

“Perspectives de l’Emploi” 1997OCDE

“Perspectives de l’Emploi” 1998OCDE

“The effects of european economic and monetary unionon wage behavior” mars 1999Charlotte Lauer IZA Discussion paper n°36

Approche de la boucle prix-salaires dans la zone euro par la courbe de Phillips

Juin 1999 29

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4

2. La remise en cause de la stabilité de la relation de Phillips

Questions sur le texte : Le Bihan H., 1958-2008, avatars et enjeux de la courbe de Phillips,

Revue de l’OFCE, n°111, 2009.

Q1. Qu’est-ce que le taux de chômage n'accélérant pas l’inflation (Non-Accelerating Inflation

Rate of Unemployment, ou NAIRU en anglais), et quels sont ses déterminants ?

Q2. Quelles sont les critiques faîtes à ce concept ? On différenciera les approches françaises et

américaines de la question.

Q3. Expliquer pourquoi un choc d’offre revient à faire un arbitrage entre inflation et chômage

? Quels éléments permettent de diminuer le recours à d’un tel arbitrage et donc de

conjointement stabiliser l’inflation et l’activité ?

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■ Hervé Le Bihan

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conforme à la dynamique observée de l’inflation, notamment lors des épisodeshistoriques de désinflation. Blanchard et Galí (2007) ont proposé une versionalternative de la nouvelle courbe de Phillips en intégrant des rigidités réelles sur lemarché du travail, i.e. dans la formation des salaires. Cette approche s’inscrit dansun ensemble de travaux de recherche récents qui redonne un rôle au taux dechômage, paradoxalement assez absent des modèles de type nouveau keynésien 12.La présence de rigidités réelles dans l’ajustement des salaires conduit à uneformulation de la nouvelle courbe de Phillips dans laquelle le taux d'inflation estrelié au taux d'inflation anticipé, au taux d’inflation retardé et au taux de chômage.Cette version de la « nouvelle » courbe de Phillips, redonnant un rôle à l’inertie del’inflation et au taux de chômage, se rapproche de la courbe de Phillips augmentée.

Au total, en dépit des controverses, la courbe de Phillips des nouveauxkeynésiens est au cœur de la « nouvelles synthèse» néo-classique (Goodfriend etKing, 1997). Elle est présente dans les modèles macroéconomiques les plus récents,comme le modèle macroéconométrique de la zone euro de Smets et Wouters(2003) : voir Economie et Prévision (2008) pour un tour d’horizon sur ces modèlesdits DSGE. Elle est aussi au cœur de l’analyse de la politique monétaire dans lesannées récentes : voir l’influent ouvrage de Woodford (2003). En dépit de travauxrécents visant à établir la validité des modèles de type Smets et Wouters (2003) pourdes exercices de prévision, il n’est cependant pas clair à ce jour que la NKPC aitsupplanté les approches de type courbe de Phillips augmentée pour la prévision decourt terme.

2. Quelques enjeux de la courbe de Phillips

2.1. Indexation unitaire et arbitrage inflation-chômage

La courbe de Phillips originelle (1) ouvrait la possibilité d’un arbitrage à longterme entre le niveau de l’inflation et celui du taux de chômage. Samuelson et Solow(1960) discutent ainsi quantitativement des termes de cet arbitrage pour l’économieaméricaine. La possibilité d’un tel arbitrage a rapidement été mise en question 13.Sous l’hypothèse de courbe de Phillips augmentée avec indexation unitaire (ou cellede la courbe « accélérationiste »), on peut définir un niveau unique du taux dechômage, le NAIRU, indépendant du niveau d’inflation, pour lequel l’inflation eststable. Le NAIRU (ou taux de chômage n’accélérant pas l’inflation, voir annexe I)est alors le taux de chômage d’équilibre de l’économie. Un assez large consensusexiste sur le schéma d’analyse associé au NAIRU, selon lequel le taux de chômaged’équilibre est déterminé par des facteurs structurels et est indépendant du niveau

12. Ainsi on peut noter qu’une équation analogue à la NKPC mais portant sur les salaires est proposée dans lemodèle nouveau keynésien standard, voir Smets et Wouters (2003) par exemple, mais que ce modèle faisantabstraction du chômage, le salaire y est en fait relié à l’offre de travail.13. Il convient de relever que Samuelson et Solow (1960) mentionnent explicitement que l’arbitrage qu’ilsdiscutent ne persisterait vraisemblablement pas à long terme.

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1958-2008, AVATARS ET ENJEUX DE LA COURBE DE PHILLIPS ■

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d’inflation (les déterminants du NAIRU sont cependant loin de faire consensus).Un autre élément de consensus très large parmi les macroéconomistes est que, si lacourbe de Phillips renseigne sur la dynamique de court-moyen terme de l’inflation,le niveau de l’inflation à long terme est déterminé par la politique monétaire, et nedépend pas des paramètres de la courbe de Phillips.

Toutefois, ce consensus est à nuancer. Lorsque les périodes de basse inflationsont prises en compte, il n’est pas rare que l’hypothèse d’indexation unitaire soitempiriquement rejetée dans une courbe de Phillips augmentée : voir par exempleHeyer, Reynès et Sterdyniak (2007). Il est incertain que l’on puisse conclure de cesestimations à la possibilité d’un arbitrage inflation-chômage. Un article de Sargent(1971), précurseur de la critique de Lucas, illustre qu’un régime d’inflation stableconduit à l’estimation économétrique d’une indexation infra-unitaire, sans que cetapparent arbitrage puisse être exploité. Intuitivement, si la politique économiqueparvient à stabiliser intégralement le taux d’inflation, il devient virtuellementimpossible d’identifier statistiquement le degré d’indexation, alors même que lessalaires sont structurellement liés à l’évolution anticipée des prix. Un modèlethéorique conduisant à un arbitrage inflation-chômage a été proposé par Akerlof,Dickens et Perry (1996). Ce modèle repose sur l’hypothèse, attestée par les étudesmicroéconomiques dans différents pays, que les salaires nominaux sont rigides à labaisse. A l’aide d’un modèle où les entreprises sont hétérogènes en raison des chocsidiosyncratiques qui affectent leur demande ou productivité individuelle, Akerlof,Dickens et Perry montrent qu’un dilemme inflation-chômage apparaît pour lesfaibles niveaux d’inflation. Pour une inflation voisine de zéro, une partie desentreprises, parmi celles subissant un choc défavorable, font face à un salaire réeltrop élevé. Elles baissent l’emploi d’une façon qui n’est pas compensée par lesurcroît d’emploi dans les entreprises bénéficiant d’un choc favorable, ce quientraîne une hausse du chômage d’équilibre. Au-delà d’un certain niveaud’inflation (3 % dans leur calibration), l’inflation érode mécaniquement le salaireréel, la rigidité à la baisse des salaires nominaux n’agit plus comme une contraintesur l’évolution du salaire réel 14.

2.2. L’instabilité du NAIRU

La courbe de Phillips a été utilisée comme instrument pour mesurer le NAIRUet indirectement porter un jugement sur l’état du marché du travail. En pratique, lacourbe de Phillips augmentée conduit à estimer le NAIRU comme un paramètreconstant ou dépendant d’un nombre limité de variables (telles que la croissance de laproductivité dans le modèle de l’annexe I). Ceci est difficile à concilier avec la fortepersistance du chômage, particulièrement en Europe (graphique 2).

Il faut à ce sujet noter une nette divergence entre les problématiques empiriquesrécentes associée à l’évaluation du NAIRU dans le cas américain et français. En

14. Une critique qui a été opposée à l’analyse d’Akerlof et al. (1996) est l’hypothèse que la rigidité à la baissedes salaires nominaux disparaîtrait si l’inflation était durablement voisine de zéro.

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■ Hervé Le Bihan

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France, un débat a porté dans les années récentes sur le rejet de la courbe de Phillipsau profit d’une courbe en niveau (dite courbe WS-PS) inspirée des modèles denégociation salariale. Dans cette approche, un grand nombre de variablesdifférentes (coin fiscal, taux d’intérêt réel,…) ont été utilisées pour expliquer lahausse du chômage : voir, par exemple Le Bihan et Sterdyniak (1997) pour uneprésentation et une discussion critique. Une autre critique de la notion de NAIRUest associée à la théorie de l’hystérèse du taux de chômage (Blanchard et Summers,1986). Reposant sur l’idée que seuls les insiders pèsent sur la négociation salariale,cette théorie prédit que à la suite d’un choc défavorable temporaire se traduisant parune baisse des effectifs, l’emploi ne revient pas à long terme à son niveau initial. Uneformulation alternative des effets d’hystérèse est fondée sur la perte de capitalhumain des salariés en situation de chômage de longue durée. Sous certainesconditions, les modèles de type hystérèse se traduisent par une courbe de Phillipsaugmentée dans laquelle ce n’est pas le niveau mais la variation du taux de chômagequi explique la variation des salaires, par exemple :

(8) .

Lorsque les salaires sont déterminés selon une telle dynamique, il n’existe pas detaux de chômage d’équilibre ou de NAIRU stable.

Aux États-Unis, le concept de NAIRU a été moins controversé. Toutefois, dansles années 1990, le chômage a baissé sans que l’inflation n’augmente (voirgraphique 2). Dans ce contexte, des méthodes économétriques à paramètresvariables (dites Time-Varying NAIRU) permettant de rendre compte de cephénomène par une baisse du NAIRU, ont été utilisées (voir par exemple Gordon,1997). Ce type d’approche a par la suite été également appliqué aux donnéesfrançaises (voir Irac, 2000 et Heyer et Timbeau, 2002). Dans ces travaux lesévolutions du NAIRU ne sont toutefois pas expliquées par des facteurs structurels.

2.3. L’arbitrage de court terme entre inflation et chômage

Dans les versions modernes de la courbe de Phillips augmentée, comme dans lacourbe de Phillips des nouveaux keynésiens, il existe à long terme une dichotomieentre évolutions réelles et nominales. Cependant, dans les deux schémas, en raisondes rigidités de prix, évolutions réelles et nominales sont liées dans le court terme etla banque centrale peut agir sur l’activité. La politique monétaire peut dès lors avoirun rôle de stabilisation de l’inflation et de l’activité.

En l’absence de chocs d’offre (représentés par les termes εt dans les équations ci-dessus), le rôle de stabilisation est assez trivial : stabiliser l’écart de production suffità stabiliser l’inflation. Toutefois, en présence de chocs d’offre, un arbitrage apparaît.Ainsi, face à une hausse du prix des matières premières, la banque centrale estconfrontée au choix entre autoriser une accélération de l’inflation, et la contrer auprix d’une réduction du niveau d’activité. Cet arbitrage se traduit sous la formed’une relation décroissante entre la variance de l’inflation et la variance de laproduction, et non plus entre leurs niveaux respectifs comme dans la courbe de

Δ Δw a b p c U Ut t t t t= + − − +− −1 1( ) ε

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1958-2008, AVATARS ET ENJEUX DE LA COURBE DE PHILLIPS ■

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Phillips initiale. Quantitativement, pour la politique monétaire, les termes de cetarbitrage dépendent de la forme de la courbe de Phillips et du degré de rationalitédes anticipations. La stabilisation jointe de l’inflation et de l’activité sera d’autantplus facile que les prix réagissent à l’activité (par exemple, si les prix sont peu rigides)et que les anticipations jouent un rôle important. Dès lors, les enjeux de politiqueéconomique sont différents selon que le comportement structurel de fixation dessalaires et des prix est mieux décrit par la courbe de Phillips augmentée ou par lacourbe de Phillips des nouveaux keynésiens. Dans le second cas, les anticipationsd’inflation jouent un rôle essentiel, et il y a dans ce cadre un gain important à lacrédibilité. En effet une banque centrale crédible bénéficie du fait que les agentsprivés, s’ils anticipent une stabilité de l’inflation future, vont modérer leurs révisionsde prix, ce qui contribue à stabiliser l’inflation instantanée. C’est ce type deconsidération qui justifie l’attention de plus en plus importante qu’attachent lesbanques centrales à ancrer les anticipations par leur stratégie de communication(voir Loisel, 2006, pour un développement).

2.4. Mondialisation et aplatissement de la courbe de Phillips

Au cours des années récentes, un débat a porté sur l’aplatissement de la courbe dePhillips, du moins dans la version « forme réduite » de cette dernière, c'est-à-dire lacourbe de Phillips augmentée. En effet, un certain nombre de résultats empiriquesont relevé la baisse de la réaction de l’inflation à l’activité dans les équations estiméessur les périodes les plus récentes. Ce débat donne lieu à un nouveau retour dudiagnostic sur la disparition de la courbe de Phillips. Plusieurs interprétations ontété avancées. Une première est que l’aplatissement de la courbe de Phillips est unreflet de la mondialisation. En particulier, certains travaux ont mis à jour un effet del’écart de production mondial sur l’inflation qui se substituerait à l’effet de l’écart deproduction domestique (voir Borio et Filardo, 2007).

Toutefois la robustesse de ces résultats a été contestée (Ball, 2006) à la foisempiriquement (les résultats étant sensibles à la spécification de l’écart deproduction mondiale) et théoriquement (il y a peu de raison que les coûtsmarginaux dépendent du niveau de production étranger). Deux explicationsconcurrentes paraissent plausibles pour expliquer un certain affaiblissement de larelation inflation-écart de production. D’une part, dans un contexte structurel defaible inflation, les entreprises adaptent leur politique de fixation des prix endiminuant la fréquence de révision des prix, ce qui augmente le degré de rigiditéapparent des prix. D’autre part, comme le montre Roberts (2006), en utilisant desmodèles fondés sur une NKPC hybride, une crédibilité accrue de la politiquemonétaire peut conduire à une forme réduite, telle qu’une courbe de Phillips« accélérationiste », où l’inflation réagit plus faiblement à l’activité. Dans ces deuxcas, la perspective de politique économique se distingue de celle associée à la thèse dela globalisation : tout surcroît d’inflation durable tendrait à « repentifier » la courbede Phillips.

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■ Conclusion

À l’issue de cet aperçu, on constate que la relation de Phillips reste un outilindispensable dans la prévision d’inflation de court terme, et que sous une forme ouune autre, des versions de la courbe de Phillips sont au cœur des modèles servant auxanalyses réalisées dans les institutions de politique économique, notamment lesbanques centrales.

Toutefois les débats entourant le choix d’une courbe de Phillips validedemeurent assez vifs. En particulier, la spécification exacte, le poids respectif del’inertie et des anticipations, et la variable la mieux représentative des tensionsinflationnistes restent des points d’achoppement importants.

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