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ANALYSE FINANCIÈRE DES QUATRE GRANDES PÉTROLIÈRES INTÉGRÉES OPÉRANT AU QUÉBEC : PROVENANCE ET UTILISATION DE LEURS BÉNÉFICES POUR LA PÉRIODE DE HUIT ANS ALLANT DE 1990 À 1997 Léo-Paul Lauzon, M.B.A., Ph. D., C.A., C.M.A. Titulaire de la Chaire d'études socio-économiques et professeur au département des sciences comptables à l'Université du Québec à Montréal Michel Bernard, M.B.A., M.A. (philosophie), C.M.A. Professeur au département des sciences comptables associé à la Chaire d'études socio-économiques JUIN 1998 _______________________________

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ANALYSE FINANCIÈRE DES QUATRE GRANDES PÉTROLIÈRES INTÉGRÉES

OPÉRANT AU QUÉBEC : PROVENANCE ET UTILISATION DE LEURS BÉNÉFICES

POUR LA PÉRIODE DE HUIT ANS ALLANT DE 1990 À 1997

Léo-Paul Lauzon, M.B.A., Ph. D., C.A., C.M.A. Titulaire de la Chaire d'études socio-économiques

et professeur au département des sciences comptables à l'Université du Québec à Montréal

Michel Bernard, M.B.A., M.A. (philosophie), C.M.A. Professeur au département des sciences comptables associé à la

Chaire d'études socio-économiques

JUIN 1998

_______________________________

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TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES TABLEAUX III

1. INTRODUCTION

2. FAITS SAILLANTS GLOBAUX

2.1 Bénéfice net 2.2 Bénéfice d'exploitation - produits pétroliers 2.3 Dividendes et rachats d'actions globaux 2.4 Dividendes et rachats d'actions versés à l'étranger 2.5 Pourcentage de l'actionnariat détenu à l'étranger 2.6 Investissements nets 2.7 Stations service 2.8 Employés

3. COMPAGNIE PÉTROLIÈRE IMPÉRIALE LTÉE

3.1 La compagnie 3.2 Dividendes versés et rachats d'actions 3.3 Résultats d'exploitation 3.4 Immobilisations 3.5 Encaisse et dette à long terme 3.6 Employés 3.7 Stations service 3.8 Actionnaires 3.9 Faits saillants

4. SHELL CANADA LIMITÉE

4.1 La compagnie 4.2 Dividendes versés et rachats d'actions 4.3 Résultats d'exploitation 4.4 Immobilisations 4.5 Encaisse et dette à long terme 4.6 Employés 4.7 Stations service 4.8 Actionnaires 4.9 Faits saillants

5. ULTRAMAR DIAMOND SHAMROCK

5.1 La compagnie 5.2 Résultats d'exploitation globaux 5.3 Résultats d'exploitation sectoriels 5.4 Dividendes 5.5 Charge d'intérêts, dette à long terme et immobilisations 5.6 Faits saillants

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6. PETRO-CANADA

6.1 La compagnie 6.2 La «décanadianisation» de Petro-Canada 6.3 Résultats d'exploitation globaux 6.4 Résultats d'exploitation sectoriels 6.5 Dividendes 6.6 Impôts sur le revenu 6.7 Employés 6.8 Stations service

7. CONCLUSION

-----------------------------

LISTE DES TABLEAUX

SECTION 3

L'IMPÉRIALE ESSO : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUEL 22

L'IMPÉRIALE ESSO : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUEL 23

SECTION 4

SHELL : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUEL 31

SHELL : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUEL 32

SECTION 5

ULTRAMAR DIAMOND SHAMROCK : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS 41

ULTRAMAR DIAMOND SHAMROCK : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS 42

ULTRAMAR DIAMOND SHAMROCK : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS 43

ULTRAMAR DIAMOND SHAMROCK : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS 44

ULTRAMAR DIAMOND SHAMROCK : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS 45

SECTION 6

PETRO-CANADA : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS 54

PETRO-CANADA : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS 55

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INTRODUCTION

Au Québec, le marché de l'essence au détail est contrôlé à environ 75% par les quatre pétrolières suivantes : Impériale-Esso, Shell, Ultramar et Petro-Canada. Avec le regroupement annoncé pour l'année 1998 des opérations au détail pour le Canada de Petro-Canada et d'Ultramar, le Québec sera alors confronté avec seulement trois multinationales qui se partageront à 75% le marché de l'essence à la pompe. Force est d'admettre que nous sommes bel et bien en présence d'un marché oligopolistique dominé par des géants avec tous les effets indésirables que nous devinons pour les régions, les consommateurs, les employés, les gouvernements et la collectivité toute entière.

De plus, les entreprises pétrolières dominantes ont des activités intégrées qui leur permettent de maintenir, pour de longues périodes de temps, des activités commerciales déficitaires liées à la vente au détail des carburants. Dans ces conditions, seules les entreprises intégrées pourront demeurer en selle, éliminant du marché des concurrents potentiellement plus efficaces qui ne peuvent assumer des situations de ventes à pertes. C'est cette caractéristique d'intégration qui donne au secteur pétrolier un caractère particulièrement dangereux pour le maintien de la libre concurrence.

La présente étude démontre clairement que les profits des entreprises intégrées leur permettent de s'adonner aisément aux ventes à pertes dans le secteur du détail. Leur structure financière leur laisse toute latitude pour essouffler les entreprises indépendantes de distribution et de vente au détail de produits pétroliers qui ne peuvent pas avoir accès aux très rentables activités liées au pétrole brut et à sa transformation.

Dans tous les pays et les secteurs d'activités où il y a eu et où il existe des oligopoles, toutes les parties prenantes y perdent au jeu, au manque de jeu devrions-nous plutôt dire. Ce fait est même largement documenté. Récemment encore, le premier ministre de l'Ontario, monsieur Mike Harris, a accusé l'industrie pétrolière de collusion. C'est pourquoi plusieurs États américains ont réglementé le marché de l'essence au détail dans le but de protéger les consommateurs devant une absence de concurrence réelle. L'économie de marché est censée faire l'utilisation optimale des ressources dans un contexte où plusieurs entrepreneurs se livrent une véritable concurrence. Mais, quand un secteur est dominé par seulement une poignée d'agents économiques très puissants, les postulats de base du libéralisme économique ne tiennent plus. C'est à ce moment que l'État se doit d'intervenir pour corriger les lacunes de cette absence de compétition.

Au Québec, deux des trois principaux joueurs du marché de l'essence au détail sont des filiales de puissantes multinationales étrangères. Shell du Canada est une filiale du groupe Royal Dutch/Shell qui, en 1996, a réalisé des ventes de 180$ milliards (6ième au monde) et un bénéfice net de 12.5$ milliards (1er au monde). Quant à l'Impériale-Esso, elle est une filiale de l'américaine Exxon qui a réalisé des ventes de 167$ milliards en 1997 (8ième au monde) et un profit net de 10.5$ milliards (2ième au monde). En 1996, le produit intérieur brut du Québec fut de 175$ milliards. Chacune de ces deux multinationales est donc aussi grande que le Québec tout entier lorsque nous comparons leurs chiffres d'affaires annuels avec le produit intérieur brut de la province.

Ultramar Diamond Shamrock est une société américaine et Petro-Canada est de moins en moins canadienne. En effet, en 1996, la compagnie a procédé à une restructuration de son capital-actions afin d'ouvrir son actionnariat jusqu'à 50% à des intérêts étrangers. Avec la mise sur pied d'une coentreprise avec Ultramar, dont Petro-Canada détiendra 51% des droits de vote et l'américaine Ultramar 49%, Petro-Canada se «décanadianise» à un rythme accéléré, comme ce fut le cas pour le CN qui, comme

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Petro-Canada, fut jadis une société d'État fédérale et qui appartient aujourd'hui à plus de 60% à des intérêts étrangers. Avec ce dernier regroupement de Petro et d'Ultramar, nous pouvons affirmer que le marché de l'essence au détail est pratiquement tombé en quasi-totalité dans les mains d'étrangers.

Dans cette étude, nous observerons, à l'aide de données financières objectives issues des rapports annuels publiés par ces quatre entreprises, leurs profits réalisés ici au Canada et au Québec ainsi que l'utilisation qu'elles en ont faites. Nous étudierons aussi leur comportement en termes d'emplois, d'investissements et de fermetures de stations service. Cette étude constitue la deuxième que la Chaire d'études socio-économiques de l'UQAM a entrepris sur le secteur pétrolier. La première que nous avons réalisée, publiée au mois de septembre 1996, avait une portée beaucoup plus vaste. Elle s'intitulait «Le danger du laisser-faire dans le domaine de la distribution des produits pétroliers». Nous pouvons dire aujourd'hui, face à l'évolution du marché pétrolier du mois de septembre 1996 au mois de juin 1998, le danger du laisser-faire est encore plus grand et plus réel au mois de juin 1998 est encore plus grand et plus réel.

Cette présente étude, plus spécifique, démontrera l'importance de conserver au Québec un secteur privé national dans ce domaine économique aussi névralgique que l'importation et la distribution de produits pétroliers. Sinon, le Québec sera tributaire de puissantes firmes étrangères pour son approvisionnement en essence, un bien essentiel. Sans l'intervention de l'État québécois pour maintenir un certain seuil de concurrence, le Québec pourrait se retrouver sous la gouverne d'un oligopole bien structuré de trois «majors» avec les conséquences désastreuses que nous pouvons escompter : pertes d'emplois, profits qui s'en vont à l'extérieur, impôts sur le revenu payés au gouvernement provincial considérablement réduits, fermetures de stations service en régions et prix de l'essence à la pompe pour le consommateur augmentant substantiellement, comme cela s'est vu ailleurs et ici dans le passé.

2. FAITS SAILLANTS GLOBAUX

.2.1 BÉNÉFICE NET ;

4 dernières années 1994-1997 1997 (En millions de dollars) (En millions de dollars) Impériale-Esso 2506 847 Shell Canada 1961 523 Ultramar (Canada seulement) 255 84 Sous-total des 3 étrangères 4722 1454 Petro-Canada 1011 306 Total des 4 majeures 5733 1760

En 1997, chacune des quatre pétrolières majeures opérant au Québec a réalisé des profits nets records.

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2.2 BÉNÉFICE D'EXPLOITATION - PRODUITS PÉTROLIERS ;

4 dernières années 1994-1997 1997 (En millions de dollars) (En millions de dollars) Impériale-Esso 841 297 Shell Canada 628 252 Ultramar (Canada seulement) 517 167 Sous-total des 3 étrangères 1986 716 Petro-Canada 645 219 Total des 4 majeures 2631 935

En 1997, chacune des quatre pétrolières majeures au Québec a réalisé des profits d'exploitation records au niveau de leur secteur d'aval, soit celui du raffinage et de la commercialisation de l'essence.

2.3 DIVIDENDES ET RACHATS D'ACTIONS GLOBAUX

4 dernières années 1994-1997 1997

(En millions de dollars) (En millions de

dollars)

Montant % du bénéfice net Montant % du bénéfice net

Dividendes et rachats d'actions globaux

Impériale-Esso 4694 187% 1037 122% Shell Canada 1664 85% 1182 226% Ultramar (Canada seulement) 197 77% 49 58%

Sous-total des 3 étrangères 6555 139% 2268 156%

Petro-Canada 222 22% 79 26% Total des 4 majeures 6777 118% 2347 133%

Sur des profits nets de 1.5$ milliards réalisés au Canada en 1997 par les trois majeures étrangères, 2.3$ milliards ou 156% furent distribués à leurs actionnaires à titre de dividendes et de rachats d'actions. Au cours des quatre dernières années (1994-1997), sur des profits nets de 4.7$ milliards générés au Canada, les trois majeures étrangères ont versé à leurs actionnaires 6.6$ milliards ou 139% de leurs profits.

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2.4 DIVIDENDES ET RACHATS D'ACTIONS VERSÉS À L'ÉTRANGER ;

4 dernières années 1994-1997 1997

(En millions de dollars) (En millions de

dollars)

Montant % du bénéfice net Montant % du bénéfice net

Dividendes et rachats d'actions versés à l'étranger

Impériale-Esso 3823 153% 849 100% Shell Canada 1298 66% 922 176% Ultramar (Canada seulement) 197 77% 49 58%

Sous-total des 3 étrangères 5318 113% 1820 125%

Petro-Canada 43 4% 16 5% Total des 4 majeures 5361 94% 1836 104%

Sur des profits nets de 1.5$ milliards réalisés au Canada en 1997 par les trois majeures étrangères, 2.3$ milliards ou 156% furent distribués à leurs actionnaires à titre de dividendes et de rachats d'actions, dont 1.8$ milliards ou 125% à l'étranger. Au cours des quatre dernières années (1994-1997), sur des profits nets de 4.7$ milliards générés au Canada et au Québec, les trois firmes étrangères ont versé à leurs actionnaires 6.6$ milliards ou 139% de leurs profits dont 5.3$ milliards ou 113% à l'étranger.

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2.5 POURCENTAGE DE L'ACTIONNARIAT DÉTENU À L'ÉTRANGER ;

Pourcentage de l'actionnariat détenu à l'étranger

31 décembre 1997 Impériale-Esso 81.9% Shell du Canada 78.0% Ultramar Diamond Shamrock 100.0% Petro-Canada 20.0%

En 1996, Petro-Canada a modifié son capital-actions dans le but de permettre aux étrangers de détenir jusqu'à 50% de ses actions ordinaires. Puis, en 1997, Petro-Canada a créé une coentreprise avec l'américaine Ultramar Diamond Shamrock, dans laquelle le pourcentage des droits de vote sera réparti 51% pour Petro et 49% pour Ultramar. Dans cette nouvelle entreprise, Petro-Canada y versera tous ses actifs et toutes ses opérations canadiennes du secteur du raffinage et de la commercialisation au détail de l'essence. Dans les faits, cela signifie que Petro-Canada sera dans un très proche avenir contrôlé en bonne partie par des étrangers. Cette dernière fusion constitue une façon à peine déguisée de contourner la loi fédérale qui interdit à tout actionnaire individuel de détenir plus de 10% des actions dans Petro-Canada. Il s'agit simplement de vider la compagnie de ses principaux actifs ou divisions en les transférant dans des coentreprises détenues par des étrangers. Ainsi, au fil des ans, Petro-Canada deviendra simplement une compagnie de gestion ou une coquille vide.

2.6 INVESTISSEMENTS NETS ;

4 dernières années (1994 - 1997) (En millions de dollars)

Impériale-Esso

Shell Canada Ultramar Sous-

total Petro-

Canada Total

Investissements nets Investissements - dépenses en capital 2313 1632 353 4298 3563 7861

Moins : désinvestissements-ventes d'actif à long terme 1839 1076 - 2915 591 3506

Moins : amortissements annuels 2916 1470 146 4532 1607 6139 Solde net (2442) (914) 207 (3149) 1365 (1784)

Au cours des quatre dernières années, les trois grandes pétrolières étrangères ont dégagé un solde net négatif de 3.1$ milliards en termes d'investissements, dont 2.4$ milliards pour l'Impériale-Esso et 914$ millions pour Shell Canada.

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Année 1997 (En millions de dollars)

Impériale- Esso

Shell Canada Ultramar Sous-

total Petro-

Canada Total

Investissements nets

Investissements - dépenses en capital 639 520 125 1284 1049 2333

Moins : désinvestissements-ventes d'actif à long terme

968 169 - 1137 201 1338

Moins : amortissements annuels

685 308 45 1038 482 1520

Solde net (1014) (43) 80 (891) 366 (525)

En 1997, les trois grandes pétrolières étrangères ont dégagé un solde net négatif de 891$ millions dont un milliard pour l'Impériale-Esso alors que Shell et Ultramar ont eu un léger solde positif de 43$ et de 80$ millions respectivement.

2.7 STATIONS SERVICE ;

Diminution en 7 ans 1990 1997 Nombre % Impériale-Esso 4300 2623 1677 39% Shell Canada 3450 2053 1397 40% Petro-Canada 3205 1780 1425 44% 10955 6456 4499 41%

En l'espace de seulement sept ans, ces trois pétrolières, tout en réalisant des hausses annuelles régulières de leur bénéfice net, ont fermé au moins 4500 stations service au Canada de 1990 à 1997, ce qui représente 41% de tous leurs points de vente qu'elles détenaient à la fin de 1990.

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2.8 EMPLOYÉS ;

Diminution en 7 ans 1990 1997 Nombre % Impériale-Esso 14702 7096 7606 52% Shell Canada 7108 3593 3515 49% Petro-Canada 9806 5749 4057 41% 31616 16438 15178 48%

Même si les profits de ces trois majeures ont augmenté à un rythme régulier au Canada depuis 1990, pour atteindre même des niveaux records en 1997, elles ont tant «rationalisé» leurs activités qu'elles ont licencié plus de 15000 de leurs travailleurs (48%) en l'espace de sept ans. Ces gros profits ont été canalisés principalement vers les actionnaires (dividendes et rachats d'actions) au détriment bien souvent des consommateurs et des régions (fermetures de stations service), des travailleurs (pertes d'emplois) et de l'investissement au Québec et au Canada.

3. COMPAGNIE PÉTROLIÈRE IMPÉRIALE LTÉE; (ESSO)

3.1 LA COMPAGNIE ;

Tel que signalé dans son rapport annuel 1997, la compagnie Pétrolière Impériale Ltée est le premier producteur de gaz naturel au pays. L'Impériale est aussi au premier rang pour ce qui est du raffinage et de la commercialisation de produits pétroliers, vendus principalement sous la marque Esso, par l'intermédiaire d'un réseau qui s'étend d'une extrémité à l'autre du pays. Elle est également un important fournisseur de produits pétrochimiques. Esso-Impériale est donc une entreprise entièrement intégrée dont les activités s'étendent de l'exploration, à la production, au raffinage et à la commercialisation de produits pétrolièrs. En résumé, l'Impériale exploite trois secteurs d'activités qui sont les ressources naturelles, les produits pétroliers et les produits chimiques. Le secteur «Ressources naturelles» comprend la prospection et la production de pétrole brut et de gaz naturel, le secteur «Produits pétroliers» englobe le raffinage du pétrole brut en produits pétroliers ainsi que la distribution et la commercialisation de ces produits et enfin le secteur «Produits chimiques» qui comprend la fabrication et la commercialisation de divers produits pétrochimiques et chimiques.

La compagnie Pétrolière Impériale Ltée est contrôlée, à hauteur de 69.6%, par la transnationale américaine Exxon Corporation. Depuis l'instauration d'un vaste programme de rachats d'actions, le pourcentage d'actions ordinaires détenues par des canadiens n'a cessé de décroître pour atteindre seulement 18% au 31 décembre 1997 alors qu'il était de 27% en 1992. Esso-Impériale, qui a son siège social à Toronto en Ontario, détenait 622 stations service au Québec en 1997, alors qu'il en possédait 750 en 1995, soit une baisse de 128 stations en deux ans. L'Impériale ne détient aucune raffinerie au Québec. Elle ne compte, tout comme en 1995 d'ailleurs, aucun francophone parmi la haute direction et nous retrouvons la présence d'un seul représentant du Québec à son conseil d'administration. Tout comme Shell Canada, les vérificateurs externes de la firme sont le cabinet international d'experts comptables Price Waterhouse.

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3.2 DIVIDENDES VERSÉS ET RACHATS D’ACTIONS ;

Les données financières publiées par l'Impériale révèlent que son comportement est vraiment axé sur l'enrichissement de ses actionnaires et de sa compagnie-mère, la multinationale américaine Exxon Corporation, qui en tire des avantages financiers colossaux depuis au moins huit ans.

À la lecture de ces faits, extraits des états financiers vérifiés de l'Impériale Esso, nous constatons que c'est la collectivité canadienne et québécoise qui s'appauvrit au profit de cette multinationale.

Disons d'entrée que l'Impériale a réalisé 3.4$ milliards de profits au cours des huit dernières années (1990-1997) et a distribué à ses actionnaires 6.1$ milliards à titre de dividendes (3.4$ milliards) et de rachats d'actions (2.7$ milliards). La société mère américaine Exxon Corporation a, quant à elle, rapatrié aux États-Unis 4.2$ milliards au cours des huit dernières années en dividendes et en rachats d'actions. Au cours des huit dernières années (1990-1997), c'est 179% du bénéfice net qui fut distribué aux actionnaires de la firme dont 143% à l'étranger (4.9$ milliards) incluant 125% à la compagnie mère Exxon (4.2$ milliards). L'effet direct de cette pratique est de provoquer l'affaiblissement de l'économie canadienne par un déplacement massif de capitaux vers l'étranger et d'appauvrir notre collectivité.

Nous pouvons affirmer que c'est en 1994 que la compagnie mère américaine Exxon Corporation a commencé à se servir de sa filiale canadienne l'Impériale comme d'une véritable poule aux oeufs d'or. En effet, en 1994 il y a eu d'abord un dividende vraiment extraordinaire de 930$ millions (4.80$ par action versus 1.80$ par action au cours des quatre années précédentes) puis en 1995 a commencé un vaste programme de rachats d'actions qui a fait que la filiale canadienne en a racheté pour 236$ millions en 1995, 1.777$ millions en 1996 et 694$ millions en 1997, pour un total de 2.702$ millions au cours des trois dernières années. Et le programme de rachats d'actions a été reconduit et se poursuivra durant les prochaines années.

En 1995, nous pouvions lire ce commentaire dans le rapport annuel de l'Impériale : «L'un des faits marquants de l'année aura été le lancement d'un programme de rachats d'actions le 19 juin 1995. Exxon Corporation participe à ce programme afin de maintenir sa part dans l'Impériale à 69.6%, mais elle se réserve le droit de cesser d'y participer à sa convenance. Le programme de rachats d'actions profite à tous les actionnaires. La réduction du nombre d'actions en circulation signifie que chaque action restante représente une part plus importante de l'actif, du bénéfice net et de l'encaisse de la compagnie».

Toute firme qui veut réellement assurer sa croissance à long terme, réinvestit une part significative de ses bénéfices annuels en immobilisations et comble ses besoins financiers en effectuant des emprunts à long terme et des émissions d'actions. L'Impériale Esso fait tout le contraire; elle verse la totalité de ses profits en dividendes, rachète massivement ses propres actions, rembourse ses emprunts à long terme et accuse un important désinvestissement net annuel, occasionné par des amortissements et des ventes d'actif à long terme supérieurs à ses nouveaux investissements.

Depuis l'entrée en vigueur de ce vaste programme de rachats d'actions en 1995, le nombre d'actions ordinaires en circulation est passé de 194 millions au début de 1995 à 149 millions à la fin de 1997, soit une baisse de 50 millions d'actions en circulation (26%) en l'espace de seulement deux ans et demi (juin 1995 à décembre 1997). Ce programme de rachats d'actions jumelé à de plantureux dividendes a vraiment gonflé la valeur au marché de l'action de l'Impériale qui est passé de 49$ l'action à la fin de 1995 à 92$ à la fin de 1997, soit une hausse de 43$ l'action (88%) en deux ans.

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Le nombre d'actionnaires inscrits au Canada qui était de 19903 en 1990 est rendu à seulement 16057 en 1997, une baisse de 3846 actionnaires canadiens. Le pourcentage d'actions ordinaires de l'Impériale du Canada détenues à l'étranger, qui était de 73.5% en 1992, est rendu à 81.9% en 1997, dont 69.6% détenu par la multinationale américaine Exxon Corporation comme nous l'avons mentionné précédemment.

Dans le rapport annuel 1996 de l'Impériale, nous pouvions lire ce commentaire : «Les gains réalisés par les actionnaires ont dépassé 34% quand on tient compte de la plus-value du titre et de la hausse du dividende régulier qui, annuellement, s'établit désormais à 2.20$ par action. Durant l'année, la compagnie a racheté 30 millions d'actions, redistribuant ainsi 1.8$ milliards à ses actionnaires». Puis, en 1997, nous pouvions lire ce qui suit dans le rapport annuel : «Les gains réalisés par les actionnaires pour l'exercice ont progressé de 47% en 1997, après avoir connu une hausse de 34% en 1996. Au cours de l'année, la compagnie a également redistribué près de 700$ millions aux actionnaires par suite du rachat de 9.6 millions d'actions».

Voici pour chacune des huit dernières années le pourcentage du bénéfice net qui fut versé aux actionnaires de l'Impériale à titre de dividendes et de rachats d'actions. Pour chacune de ces huit dernières années, le pourcentage du profit versé aux actionnaires a toujours été supérieur à 116% :

Pourcentage du profit net versé

Année À l'ensemble des actionnaires

Aux actionnaires étrangers

À la société mère Exxon

1990 134% 104% 93% 1991 214% 160% 149% 1992 179% 132% 125% 1993 125% 94% 87% 1994 259% 204% 180% 1995 116% 95% 80% 1996 271% 223% 189% 1997 122% 100% 85%

Moyenne des huit

dernières années 179% 143% 125%

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3.3 RÉSULTATS D’EXPLOITATION ;

Dans le rapport annuel 1997, monsieur R.B. Peterson, le président de l'entreprise signale ce qui suit: «En 1997, le bénéfice a augmenté pour la sixième année de suite, atteignant le chiffre record de 847$ millions, soit 5.50$ par action. Le rendement de l'avoir des actionnaires est passé à 18.9%, ce qui est le meilleur résultat depuis 1980». Et dans le rapport annuel 1996, le président de la firme disait ceci : «En 1996, le bénéfice a progressé pour la cinquième année de suite, atteignant le chiffre record de 786$ millions, soit 4.47$ par action». Chez Esso, il est enregistré des profits records année après année. Voici l'évolution du bénéfice net de l'Impériale au cours des sept dernières années :

Bénéfice net

Année Total (En millions) Par action

1991 162$ 0.84$ 1992 195$ 1.01$ 1993 279$ 1.44$ 1994 359$ 1.85$ 1995 514$ 2.67$ 1996 786$ 4.47$ 1997 847$ 5.50$

En six ans, soit de 1991 à 1997, le profit net a augmenté de 685$ millions ou de 423% et le bénéfice par action de 4.66$ ou de 555%. Au cours des trois dernières années seulement (1994-1997), le bénéfice net a augmenté de 488$ millions ou de 136% et le bénéfice par action de 3.65$ ou de 197%.

Quant au secteur des produits pétroliers, le bénéfice d'exploitation a doublé en 1997, passant de 146$ millions en 1996 à 297$ millions cette année.

Au cours des trois dernières années (1995-1997), le bénéfice net moyen fut de 716$ millions contre 278$ millions pour les trois exercices précédents (1992-1994), soit une augmentation moyenne triennale de 437$ millions, où de 157%. Comme nous sommes à même de le constater, les importants rachats d'actions, qui ont réduit le nombre d'actions ordinaires en circulation, conjugué à des hausses annuelles fulgurantes du bénéfice net de la compagnie ont eu pour conséquence de faire exploser le bénéfice par action qui est passé de 0.84$ en 1991 à 5.50$ en 1997. En poursuivant son programme de rachats d'actions, le bénéfice par action augmentera au fil des ans à un rythme beaucoup plus rapide que le profit net total.

3.4 IMMOBILISATIONS ;

Les biens-fonds et installations de l'Impériale Esso qui totalisaient 11.4$ milliards à la fin de 1990 en sont rendus en 1997 à seulement 7.2$ milliards, une baisse de 4.2$ milliards en sept ans ou de 37%. À chacun des sept derniers exercices annuels, le total des immobilisations a diminué. Au cours des huit dernières années (1990-1997), les dépenses en capital ont totalisé 4.6$ milliards contre des ventes d'actif à long terme de 3.6$ milliards et des amortissements annuels totaux de 6.4$, pour un solde net négatif de 5.4$ milliards des amortissements et des désinvestissements sur les investissements à long

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terme. En 1997 seulement, il y a eu des investissements en immobilisations de 639$ millions contre 968$ millions d'aliénations d'actifs à long terme et de 685$ d'amortissement des immobilisations pour un solde net négatif d'un milliard de dollars. Les nouveaux investissements des huit dernières années de 4.6$ milliards n'ont même pas été suffisants pour compenser les dotations à l'amortissement de 6.4$ milliards pour cette même période de temps.

Nous le voyons bien, en versant des dividendes énormes et en procédant à des rachats d'actions massifs, l'actif à long terme de l'Impériale investi au Canada se réduit lourdement au fil des ans. La maximisation à court terme du bien-être de ses actionnaires locaux et surtout étrangers l'emporte haut la main sur la maximisation à long terme de l'investissement effectué ici même au Canada et dont pourrait profiter la société toute entière. Les faits objectifs parlent d'eux-mêmes.

3.5 ENCAISSE ET DETTE À LONG TERME ;

Au 31 décembre 1997, l'encaisse de l'Impériale Esso se chiffrait à 770$ millions après avoir atteint un solde sans précédent de 1.8$ milliards en 1995, qui en faisait, il faut bien l'admettre, une quasi-banque.

Nous pouvons d'ailleurs nous attendre à d'autres copieux rachats d'actions au cours des prochaines années. La dette à long terme de la firme qui était de 2.6$ milliards au 31 décembre 1990 affiche un solde de 1.5$ milliards en 1997, soit une baisse de 1.1$ milliards. À chacune des années financières depuis 1990, la dette à long terme de l'Impériale a affiché une diminution régulière. Que ce soit en analysant l'évolution des immobilisations, de l'avoir des actionnaires, de la dette à long terme, etc., tous ces postes sans exception diminuent au fil des ans, signe que les profits loin d'être réinvestis massivement dans l'entreprise sont majoritairement sortis de l'entreprise et du pays par voie de forts dividendes et rachats d'actions, surtout versés à la compagnie-mère Exxon Corporation.

3.6 EMPLOYÉS ;

Hausses importantes des ventes, des bénéfices, des flux monétaires générés par l'exploitation et des dividendes conjugués à une baisse de l'emploi, qui représentent une rigidité à l'explosion des profits, constituent le lot de l'Impériale Esso qui, dans les faits, mise sur un contexte économique oligopolistique qui caractérise le secteur pétrolier au Canada et au Québec.

Alors que le profit net de l'Impériale n'a cessé d'augmenter au cours des six dernières années pour atteindre même des chiffres records au cours des deux dernières années, soit 786$ millions en 1996 et 847$ millions en 1997, le nombre d'employés a suivi une trajectoire inversement proportionnelle au bénéfice net passant de 14702 en 1990 à seulement 7096 en 1997, soit une baisse de 48% au cours des sept dernières années.

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Il est bon de mettre en parallèle les chiffres de bénéfice et de l'emploi depuis 1990 :

Bénéfice net Employés Variation Variation Année en millions en millions % nombre nombre % 1990 256$ - - 14702 - - 1991 162$ (94)$ (37%) 11936 (2766) (19%) 1992 195$ 33$ 20% 10152 (1784) 15% 1993 279$ 84$ 43% 9470 (682) (7%) 1994 359$ 80$ 29% 8252 (1218) (13%) 1995 514$ 155$ 43% 7821 (431) (5%) 1996 786$ 272$ 53% 7483 (338) (4%) 1997 847$ 61$ 8% 7096 (387) (5%)

Il est bon de constater que le nombre d'employés a diminué à chacune des sept dernières années alors que le profit net a augmenté considérablement à chacune des six dernières années. Nous le voyons bien, les dividendes et les rachats d'actions aux actionnaires constituent des éléments incompressibles, inéluctables, incontournables, fixes, etc. alors que l'emploi, les salaires, les impôts représentent des charges compressibles, variables et discrétionnaires.

3.7 STATIONS SERVICE ;

En 1990, l'Impériale comptait au Canada 14702 stations service par rapport à 7096 à la fin de 1997, accusant une baisse de 7606 points de vente en l'espace de sept ans seulement, soit 52%. Le nombre de stations a diminué à chacune des sept dernières années comme en fait foi le tableau suivant :

Diminution annuelle Année Nombre de stations Nombre Pourcentage 1990 14702 - - 1991 11936 2766 19% 1992 10152 1784 15% 1993 9470 682 7% 1994 8252 1218 13% 1995 7821 431 5% 1996 7483 338 4% 1997 7096 387 5%

Comme dans l'industrie bancaire, qui oeuvre dans un secteur au nombre de concurrents très restreints, les profits augmentent continuellement et les points de vente aux consommateurs diminuent de façon régulière. Le Québec n'échappe pas à cette stratégie de rationalisation, dont écope bien souvent les régions, puisqu'en 1995, Esso comptait 750 stations alors qu'il n'en restait que 622 à la fin de 1997.

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3.8 ACTIONNAIRES ;

Le 19 juin 1995, l'Impériale a lancé un vaste programme de rachats d'actions. Au cours des deux dernières années et demi, elle a racheté 45 millions actions en circulation pour un coût total de 2.7$ milliards comme le démontre le tableau qui suit:

Année Actions rachetées En millions de dollars 1995 4 830 910 236 1996 30 047 323 1772 1997 9 634 876 694 Total 44 513 109 2702

Le nombre d'actions en circulation qui était de 194 millions au 31 décembre 1994 est ainsi passé à 149 millions à la fin de 1997, soit une baisse de 45 millions actions ou 23% en l'espace de 30 mois seulement. Les actionnaires inscrits au Canada qui étaient de 19903 en 1990 sont rendus à 16057 en 1997, une diminution de 3846 actionnaires canadiens ou 19%. Le pourcentage d'actions détenues par des canadiens qui était de 26.5% en 1992 est rendu à 18.1% en 1997, alors que la part détenue par la multinationale américaine Exxon dans l'Impériale du Canada s'est maintenue à 69.6% depuis 1990.

Les bénéfices nets augmentant à tous les ans depuis 1991, appartenant à un nombre sans cesse réduit d'actionnaires ont fait explosé le bénéfice par action qui est passé de 1.85$ en 1994 (année précédant le lancement de ce vaste et inqualifiable programme de rachats d'actions) à 5.50$ en 1997, pour une hausse de 3.65$ l'action ou 197% en trois ans. De même, il en a résulté une explosion de la valeur au marché de l'action qui est passé de 49$ au 31 décembre 1995 à 92$ au 31 décembre 1997, une augmentation de 43$ ou 88% en deux ans seulement. Vraiment avantageux pour les actionnaires en général et pour la compagnie-mère Exxon en particulier.

3.9 FAITS SAILLANTS ;

• Au cours des huit dernières années (1990-1997), 179% du bénéfice net de l'Impériale fut versé en dividendes (99%) et en rachats d'actions (80%);

• En chiffres absolus, l'Impériale a réalisé 3.4$ milliards de bénéfices durant les huit dernières années (1990-1997) et a versé 3.4$ milliards en dividendes au cours de cette période et a racheté pour 2.7$ milliards d'actions au cours des deux dernières années et demi, pour un total de 6.1$ milliards versés au profit des actionnaires;

• Au cours des huit dernières années (1990-1997), 143% du bénéfice net réalisé ici au Canada fut versé à l'étranger, dont 125% à la société mère, la multinationale américaine Exxon Corporation, à titre de dividendes et de rachats d'actions;

• En chiffres absolus, sur des profits de 3.4$ milliards, c'est 4.9$ milliards qui s'est envolé à l'étranger, dont 4.2$ à Exxon au cours des huit dernières années, sous forme de dividendes et de rachats d'actions;

• Le pourcentage d'actions détenues par des canadiens, qui était de 26.5% en 1992, est rendu à 18.1% au 31 décembre 1997;

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• Les actionnaires inscrits au Canada qui étaient de 19 903 en 1990 sont rendus à 16057 en 1997, une diminution de 3846 actionnaires canadiens ou 19%;

• Ce vaste programme de rachats d'actions instauré au mois de juin 1995 a fait bondir le bénéfice par action de l'Impériale qui est passé de 1.85$ en 1994 à 5.50$ en 1997, soit une hausse de 3.65$ l'action ou 197% au cours des trois dernières années;

• De même, ce programme de rachats d'actions a littéralement fait exploser le cours de l'action qui est passé de 49$ au 31 décembre 1995 à 92$ au 31 décembre 1997, une augmentation de 43$ ou 88% en deux ans seulement;

• Depuis 1991, le profit net de l'Impériale a augmenté à chaque année pour atteindre des niveaux records en 1996 (786$ millions) et en 1997 (847$ millions);

• En 1997, le bénéfice d'exploitation du secteur «produits pétroliers» de l'Impériale a plus que doublé, passant de 146$ millions en 1996 à 297$ millions en 1997;

• Les immobilisations (biens-fonds et installations) de l'Impériale qui étaient de 11.4$ milliards en 1990 sont rendus à 7.2$ au 31 décembre 1997, une baisse de 4.2$ milliards ou 37%;

• Comme la compagnie Impériale a distribué 179% de son profit en dividendes et en rachats d'actions au cours des huit dernières années (1990-1997), elle est obligé de compenser son manque de ressources (79%) non comblé par les profits nets annuels en désinvestissant. Comme nous le constatons, plutôt que de réinvestir ses bénéfices, l'Impériale en distribue 179%;

• Au cours des huit dernières années (1990-1997), l'Impériale a effectué des dépenses en capital (investissements) de 4.6$ milliards contre 3.6$ milliards de ventes d'actif à long terme (désinvestissements) et 6.4 milliards d'amortissements annuels pour un écart négatif de 5.4$ entre les nouveaux investissements et les désinvestissements et les amortissements. Cet état de fait explique en majeure partie la diminution totale de l'actif à long terme de la firme pour cette période de temps;

• Le rendement après impôts de l'avoir des actionnaires de l'Impériale qui était de 2.4% en 1991, a augmenté à 14.9% en 1996 et à 18.9% en 1997;

• De 14702 employés que la compagnie embauchait en 1990 il n'en reste que 7096 à la fin de 1997, soit une baisse de 7606 employés en sept ans ou 52%;

• Le nombre de stations service exploités au Canada est passé de 4300 en 1990 à 2623 au 31 décembre 1997, une baisse de 1677 points de vente en sept ans, ou 39%. Au Québec, l'Impériale comptait 750 stations en 1995 contre 622 à la fin de 1997, un recul de 128 stations en l'espace de deux ans.

L'IMPÉRIALE ESSO : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUEL (En millions de dollars canadiens)

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Total Bénéfices et flux générés par l'exploitation

Revenus bruts totaux 11231 9440 8972 8754 8892 9428 10377 10669 77763

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Revenus bruts - produits pétroliers 9864 8169 7666 7376 7572 7899 8798 8778 66122

Bénéfice (perte) d'exploitation - produits pétroliers

(42) 123 94 238 212 186 146 297 1254

Bénéfice net 256 162 195 279 359 514 786 847 3398 Bénéfice net par action (en dollars) 1.34 0.84 1.01 1.44 1.85 2.67 4.47 5.50

Flux monétaires générés par l'exploitation 1034 1180 1436 1438 783 1642 1736 987 10236

Dividendes et rachats d'actions

Dividendes par action (en dollars) 1.80 1.80 1.80 1.80 4.80 1.90 2.05 2.20

Dividendes totaux 342 347 349 349 930 358 361 343 3379 Rachats d'actions ordinaires - - - - - 236 1772 694 2702 Dividendes et rachats d'actions 342 347 349 349 930 594 2133 1037 6081

Pourcentage du bénéfice net versé en dividendes 134% 214% 179% 125% 259% 70% 46% 40% 99%

Pourcentage du bénéfice net versé en dividendes et rachats d'actions

134% 214% 179% 125% 259% 116% 271% 122% 179%

Pourcentage d'actions détenues à l'étranger, dont 69.6% par Exxon Corporation

77.4% 74.7% 73.5% 75.5% 78.8% 81.8% 82.3% 81.9%

Dividendes et rachats d'actions :

Montants totaux versés à l'étranger 265 259 257 263 733 486 1755 849 4867

Montants versés à la société-mère américaine Exxon Corp. (69.6%)

238 242 243 243 647 413 1485 722 4233

% du bénéfice net versé à l'étranger (dividendes et rachats d'actions)

104% 160% 132% 94% 204% 95% 223% 100% 143%

% du bénéfice net versé à Exxon (dividendes et rachats d'actions)

93% 149% 125% 87% 180% 80% 189% 85% 125%

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L'IMPÉRIALE ESSO : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS (En millions de dollars canadiens)

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Total Postes du bilan :

Encaisse et titres négociables 2 293 1022 1479 1268 1842 582 770

Biens-fonds et installations 11378 10760 9965 9389 8538 8170 7814 7172

Dette à long terme 2563 2356 2222 2030 1977 971 1542 1506

Avoir des actionnaires 6865 6790 6636 6566 5995 5908 4567 4383

Ratios et statistiques:

Nombre d'employés 14702 11936 10152 9470 8252 7821 7483 7096 Stations service Esso 4300 4000 3700 3430 3220 2898 2734 2623 Stations Esso exploitées par des détaillants proprios 1600

Actionnaires inscrits 22908 22468 22010 21388 20778 20181 19095 18459

Actionnaires inscrits au Canada 19903 19648 19290 18805 18253 17505 16627 16057

Cours de l'action à la clôture 59 40 41 45 46 49 65 92 Rendement de l'avoir des actionnaires 3.7% 2.4% 2.9% 4.2% 5.7% 8.6% 14.9% 18.9%

Investissements nets:

Dépenses en capital (investissements) 678 574 467 538 540 570 564 639 4570

Ventes d'actifs à long terme (désinvestissements) 1003 410 245 122 559 135 177 968 (3619)

Amortissements annuels 884 833 894 834 773 755 703 685 (6361)

Écart entre investissements et désinvestissements - amortissements (1209) (669) (672) (418) (792) (320) (316) (1014) (5410)

Dépenses en capital - produits pétroliers 192 152 109 153 226 209 171 168 1380

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4. SHELL CANADA LIMITÉE

4.1 LA COMPAGNIE ;

Shell est une des plus grandes sociétés pétrolières intégrées au Canada. Elle est engagée dans la découverte et la mise en valeur d'hydrocarbures. Son secteur des «Ressources» produit du pétrole brut, du gaz naturel, des liquides extraits de gaz naturel, du bitume et du souffre. Son secteur «Produits Pétroliers» fabrique, distribue et met en marché des produits pétroliers raffinés d'un bout à l'autre du pays. Elle possède une raffinerie dans l'est de Montréal et exploite 2053 stations service au pays dont environ le tiers sont situées au Québec, soit 692. C'est au Québec que Shell détient le plus grand nombre de stations service. Au Québec, elle détenait 754 stations service en 1995.

Au cours des deux dernières années Shell Canada a vendu deux importants secteurs d'activités à des sociétés apparentées. En effet, au 31 décembre 1996, la compagnie a vendu son secteur des «Produits chimiques» à Shell Chimie et en 1995 elle a cédé son secteur du polypropylène à une société qui appartient à 50% à une société qui lui est apparentée réalisant ainsi des gains extraordinaires nets après impôts de 226$ millions et de 95$ millions respectivement. Ces ventes ont été réalisées à la valeurs d'échange.

78% des actions ordinaires votantes de Shell Canada sont détenues par Shell Investment Limited, société canadienne, filiale en propriété exclusive de Shell Petroleum N.V. des Pays-Bas, laquelle appartient à 40% à Shell Transport and Trading Company, une société anglaise, et à 60% à Royal Dutch Petroleum Company, une société néerlandaise. Les 22% des actions ordinaires restantes sont détenues par le public et sont transigées sur les marchés boursiers de Montréal, Toronto et Vancouver.

Le siège social de la compagnie est situé à Calgary. En 1997, tout comme en 1995 d'ailleurs, un seul des membres du conseil d'administration était québécois, alors qu'aucun francophone ne fait partie de la haute direction de la firme qui est localisée à Calgary.

4.2 DIVIDENDES VERSÉS ET RACHATS D’ACTIONS ;

Au cours des huit dernières années, soit de 1990 à 1997 inclusivement, Shell Canada a versé 92% de ses profits nets réalisés au Canada à ses actionnaires, principalement étrangers à au moins 78%, sous forme de dividendes pour un montant de un milliard de dollars et à titre de rachats d'actions pour un autre milliard de dollars. En effet, pour les huit dernières années, Shell a réalisé des bénéfices nets de 2.2$ milliards et a distribué à ses actionnaires 2.1$ milliards sous forme de dividendes et de rachats d'actions dont 1.6$ milliards s'en sont allés en Europe à la compagnie mère détenue par une firme anglaise et l'autre néerlandaise. Le cas de la compagnie Shell est un cas typique de la multinationale qui verse la majorité de ses profits réalisés ici à ses actionnaires étrangers. Verser 92% de ses bénéfices à ses actionnaires à titre de dividendes et de rachats d'actions dépasse tout entendement.

Il n'y a pas de meilleur moyen pour un pays de s'appauvrir à plusieurs points de vue lorsque l'argent réalisé ici sort massivement du pays. En 1997, c'est 226% du bénéfice net qui a été distribué aux

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actionnaires. Au cours des trois dernières années, la compagnie Shell Canada a doublé son dividende par action, lui qui est passé de 0.33$ en 1994 à 0.66$ en 1997.

4.3 RÉSULTATS D’EXPLOITATION ;

Dans son rapport annuel 1997, le président de la société affirme ce qui suit : «Je suis heureux d'annoncer que l'année 1997 a été exceptionnelle pour Shell Canada. La Société affiche un bénéfice d'exploitation record de 523$ millions». Pour le secteur des «produits pétroliers», nous pouvons lire que «Les Produits pétroliers affichent un bénéfice record de 252$ millions pour 1997, comparativement à 75$ millions pour 1996». Toutefois, il est important de signaler que le bénéfice de 75$ millions réalisé en 1996 par le secteur des «produits pétroliers» inclu une dépense inhabituelle de 50$ millions attribuable à l'intégration du réseau de marque des entreprises de distrbution en propriété exclusive de Shell.

Au cours des trois dernières années (1995 à 1997), Shell a généré 1.6$ milliards de profits nets contre seulement 415$ millions pour les trois dernières années antérieures (1992 à 1994), soit une augmentation de 1.2$ milliards ou de 295%. Quant au secteur des «produits pétroliers», il a réalisé 502$ millions en profit d'exploitation pour les trois dernières années (1995 à 1997) contre 159$ millions pour les trois exercices précédents (1992 à 1994), soit une hausse de 343$ millions ou de 216%, même si nous tenons compte de la dépense inhabituelle de 50$ millions imputée à l'exercice financier 1996.

Depuis les trois dernières années, Shell Canada réalise des profits records comme bon nombre de multinationales étrangères installées au Canada en général et au Québec en particulier. La concentration de l'industrie pétrolière au pays et au Québec, où les quatre grandes multinationales contrôlent près de 75% de la vente d'essence au détail au Québec commence à faire son oeuvre. Comme nous l'avons signalé précédemment, sur des profits nets cumulatifs de 2.2$ milliards réalisés au cours des huit dernières années (1990 à 1997), 2.1$ milliards (92% des profits) furent distribués aux actionnaires de la firme, dont 1.6$ aux majoritaires étrangers. Cela signifie qu'un maigre 8% des bénéfices totaux générés durant les huit dernières années fut réinvesti dans l'entreprise.

En 1997, l'exploitation de la compagnie a généré 983$ millions de flux monétaire, soit le deuxième plus haut total des huit dernières années après les 994$ millions tirés de l'exploitation en 1994. Le bénéfice net moyen par action a été de 1.67$ durant les trois dernières années (1995 à 1997) contre 0.41$ par action pour les trois exercices précédents (1992 à 1994), soit une augmentation significative de 307%. Enfin, le taux de rendement après impôts de l'avoir des actionnaires a été de 16.0%, 16.3% et de 14.8% au cours des exercices 1995, 1996 et 1997 pour un taux de rendement moyen d'environ 15.7% pour les trois dernières années, alors qu'il avait été de 2.6%, 0.6% et de 10.7% pour les exercices 1992, 1993 et 1994, soit un taux de rendement moyen d'environ 4.6%.

4.4 IMMOBILISATION ;

Les biens fonds, installations et matériel de Shell Canada, qui totalisaient 4.0$ milliards en 1990 et 4.4$ milliards en 1993, ont chuté à 3.7$ milliards en 1997. Le désinvestissement de la firme dans certains secteurs d'activités et le manque de réinvestissement dans d'autres secteurs, occasionné par les

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montants excessifs versés aux actionnaires, sont responsables de cette situation. Lorsqu'une entreprise consacre près de 1$ milliard en rachats d'actions comme l'a fait Shell Canada en 1997, cela constitue l'antithèse de la firme qui est intéressée à réinvestir massivement ses profits dans de nouveaux investissements productifs afin de soutenir et de contrer la concurrence que pourrait lui livrer d'autres pétrolières majeures. Cela est sans compter les 1.1$ milliards versés en dividendes au cours des huit dernières années. Au cours des huit dernières années (1990-1997), les investissements ont excédé de seulement 18$ millions les désinvestissements et les amortissements. Nous pouvons constater que depuis 1994, les amortissements et les ventes d'actif à long terme ont largement excédé les dépenses en capital pour un montant de 914$ millions (1994-1997). Cela signifie que Shell manque à renouveler ses actifs à long terme ici au Canada. Ses états financiers illustrent qu'elle est plus intéressée à sortir ses billes que de réinvestir ses profits ici même au Canada.

4.5 ENCAISSE ET DETTE À LONG TERME ;

Même après avoir versé 206$ millions en dividendes et racheté pour 976$ millions d'actions ordinaires en 1997, Shell Canada disposait de 619$ millions d'encaisse au 31 décembre 1997, contre 1.2$ milliards au 31 décembre 1996. Les emprunts à long terme qui totalisaient 1.3$ milliards au 31 décembre 1992 se chiffraient à seulement 740$ millions au 31 décembre 1997, soit une baisse de 600$ millions. Habituellement, une firme qui veut vraiment prendre de la croissance accroît ses immobilisations massivement en les finançant par voie d'emprunts à long terme et par émissions d'actions. Shell, quant à elle, fait tout le contraire; ses immobilisations diminuent, elle rachète ses propres actions, verse d'importants dividendes, rembourse ses emprunts à long terme et se retrouve quand même avec un gros solde d'encaisse.

4.6 EMPLOYÉS ;

À tous les ans, le nombre d'employés canadiens de Shell diminue drastiquement, ayant passé de 7108 en 1990 à 3593 en 1997 soit une baisse de 3515 ou de 50%. Même si les profits augmentent régulièrement, le nombre d'employés, quant à lui, diminue radicalement, déjouant encore une fois certaines théories économiques caduques qui postulent, entre autres, que les augmentations soutenues des profits génèrent une hausse substantielle de l'emploi. L'emploi au Canada n'est pas dans les priorités de cette multinationale étrangère. Son objectif premier est de satisfaire les attentes financières sans cesse grandissantes de ses actionnaires étrangers et non de vraiment créer de l'emploi ici même au pays.

Il est décevant de constater un tel comportement corporatiste. Nous parlons bien ici d'une entreprise qui accroît ses profits annuels sur une base régulière tout en coupant drastiquement dans l'emploi et dans ses immobilisations au pays.

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4.7 STATIONS SERVICE ;

Signe de la concentration accrue dans l'industrie pétrolière, les profits augmentent considérablement au fil des ans et l'emploi diminue. Le nombre de stations service suit aussi cette courbe décroissante. Cette «rationalisation» vise à maximiser le rendement sur investissement des actionnaires. Le nombre de stations service Shell au pays qui totalisait 3450 en 1990, était rendu à 2053 en 1997, soit 1397 en moins en l'espace de huit ans. La série de fermetures est loin d'être terminée comme il est écrit dans le rapport annuel 1997 : «La rationalisation des actifs se poursuit dans le secteur de produits pétroliers».

4.8 ACTIONNAIRES ;

Le nombre d'employés et de stations service de Shell au Canada ne sont pas les seuls à avoir diminué, le nombre d'actionnaires canadiens de Shell ayant également beaucoup baissé au cours des huit dernières années, passant de 5559 en 1990 à seulement 3257 en 1997, soit une baisse de 2302 actionnaires ou de 41%. N'oublions pas que Shell Canada a racheté 16$ millions de ses propres actions ordinaires en 1997 au prix de 976$ millions.

4.9 FAITS SAILLANTS ;

• 92% des profits distribués aux actionnaires au cours des huit dernières années (1990-1997) sous forme de dividendes et de rachats d'actions, dont 226% en 1997;

• Sur des bénéfices nets générés de 2.2$ milliards au cours des huit derniers exercices, 2.1$ milliards ont été octroyés aux actionnaires, dont 1.6$ milliards à la compagnie mère étrangère contrôlée par des intérêts anglais et néerlandais. C'est donc dire que 73% des profits de Shell Canada (1.6$ milliards sur 2.2$ milliards) se sont envolés en Europe au cours des huit dernières années;

• Comme 92% des profits furent distribués aux actionnaires durant les huit dernières années, cela signifie qu'un maigre 8% des profits fut réinvesti dans l'entreprise au cours de cette période;

• En 1997, Shell Canada a racheté pour 976$ millions de ses propres actions ordinaires et a versé des dividendes records de 226$ millions;

• Le dividende par action a doublé au cours des trois dernières années passant de 0.33$ en 1994 à 0.66$ en 1997;

• En 1997, Shell Canada a réalisé un bénéfice d'exploitation consolidé record de 523$ millions, de même que son secteur «produits pétroliers» qui a engrangé un profit record de 252$ millions;

• Au cours des trois dernières années (1995 à 1997), le profit net annuel moyen de Shell Canada a été de 547$ millions alors qu'il fut de 138$ millions pour les trois exercices précédents (1992 à 1994), soit une hausse du profit annuel moyen de 409$ millions ou de 296%;

• Au cours des trois dernières années (1995 à 1997), le secteur «produits pétroliers» de Shell Canada a généré un bénéfice d'exploitation moyen de 167$ millions alors qu'il fut de 48$ millions pour les trois exercices précédents (1992 à 1994), soit une hausse du profit annuel moyen de 119$ millions ou de 248%;

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• Par action, le bénéfice net moyen a été de 1.67$ au cours des trois dernières années (1995 à 1997) contre un profit net moyen de 0.41$ pour les trois exercices précédents (1992 à 1994), soit une substantielle augmentation de 307%;

• Le taux de rendement moyen après impôts de l'avoir des actionnaires fut de 15.7% pour les trois dernières années et de 4.6% durant les trois exercices précédents (1992 à 1994);

• Les immobilisations qui totalisaient 4.4$ milliards en 1993 se chiffrent à seulement 3.7$ milliards en 1997;

• Même si les profits annuels de Shell Canada progressent régulièrement depuis huit ans au profit des actionnaires qui furent plus que privilégiés au cours de cette période, ce n'est pas le cas des employés qui au nom d'une «saine rationalisation» sont passés de 7108 en 1990 à 3593 en 1997, soit une baisse de 3515 employés ou de 50%. Et la rationalisation se poursuivra au cours des prochaines années, au profit des actionnaires et au détriment des autres;

• Le nombre de stations service au pays est passé de 3450 en 1990 à 2053 en 1997, une chute de 1397 stations en l'espace de huit ans seulement, ce qui signifie des fermetures qui s'effectuent en moyenne au rythme de 175 l'an;

• Le nombre d'actionnaires de Shell Canada est passé de 5559 en 1990 à 3257 en 1997, soit une baisse de 2302 actionnaires ou de 41% sur un laps de temps de huit ans;

• Au cours des huit dernières années (1990-1997), les investissements de Shell ont excédé les désinvestissements et les amortissements de seulement 18$ millions. Depuis 1994, les amortissements et les ventes d'actifs ont largement excédé les investissements pour un montant de 914$ millions (1994-1997).

SHELL : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS (En millions de dollars canadiens)

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Total

Bénéfices et flux générés par l'exploitation

Revenus bruts totaux 5378 4732 4492 4182 4319 4518 5176 5295 38092

Revenus bruts - produits pétroliers 4108 3674 3440 3642 3671 3895 4425 4610 31465

Bénéfice (perte) d'exploitation - produits pétroliers 153 (62) (8) 41 126 175 75 252 752

Bénéfice (perte) net 309 (126) 79 16 320 523 595 523 2239 Bénéfice d'exploitation (activités maintenues) - - - 0 223 302 326 523 -

Bénéfice (perte) net par action (en dollars) 0.92 (0.37) 0.23 0.05 0.95 1.55 1.77 1.69 -

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Flux monétaires générés par l'exploitation 770 361 494 612 994 708 784 983 5706

Dividendes et rachats d'actions

Dividendes par action (en dollars) 0.30 0.30 0.30 0.30 0.33 0.50 0.60 0,66 -

Dividendes totaux 101 101 101 100 112 168 202 206 1091

Rachats d'actions ordinaires - - - - - - - 976 976

Dividendes et rachats d'actions 101 101 101 100 112 168 202 1182 2067 Montants versés à l'étranger à la société- mère en dividendes et en rachats d'actions (environ 78%)

79 79 79 78 87 131 158 922 1613

% du bénéfice net versé en dividendes 33% N/A 128% 625% 35% 32% 34% 39% 49%

% du bénéfice net versé en dividendes et en rachats d'actions

33% N/A 128% 625% 35% 32% 34% 226% 92%

SHELL : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS (En millions de dollars canadiens)

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Total Postes du bilan :

Encaisse et titres négociables 44 36 128 (107) 256 444 1190 619 -

Biens-fonds et installations 4040 4292 4349 4428 4200 4035 3718 3713 -

Dette à long terme 1112 1162 1334 1064 849 856 716 740 -

Avoir des actionnaires 3211 2985 2964 2880 3091 3448 3851 3200 -

Ratios et statistiques:

Nombre d'employés 7108 6204 5593 4876 4391 3918 3710 3593 - Stations service Shell 3450 3200 3000 2760 2530 2306 2140 2053 - Stations Shell exploitées par des détaillants proprio. 1155 -

Actionnaires inscrits (1986:10931) 5559 5260 4935 4701 4378 3622 3398 3257

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Rendement de l'avoir des actionnaires 10.1% N/A 2.6% 0.6% 10.7% 16.0% 16.3% 14.8%

Investissements nets:

Dépenses en capital (investissements) 575 988 635 645 270 400 442 520 4475

Ventes d'actifs à long terme (désinvestissements) 28 123 257 118 58 257 592 169 1602

Amortissements annuels 331 321 352 381 387 382 393 308 2855

Écart entre investissements et désinvestissements - amortissements

216 544 26 146 (175) (239) (543) 43 18

Dépenses en capital - produits pétroliers 148 227 123 348 63 101 160 150 1320

5. ULTRAMAR DIAMOND SHAMROCK;

5.1 LA COMPAGNIE ;

Ultramar Canada Inc. est une filiale à 100% de la société américaine Ultramar Diamond Shamrock Corporation. La compagnie mère américaine fut créée le 3 décembre 1996 suite à la fusion de Diamond Shamrock, Inc. et de Ultramar Corporation, deux firmes des États-Unis. Avant ce regroupement, Diamond Shamrock comptait 2700 stations service situées aux États-Unis et Ultramar détenait 1760 stations dont 1400 au Canada, toutes localisées au Québec et dans les maritimes. Contrairement à l'Impériale, Shell Canada et Petro-Canada, Ultramar Diamond Shamrock (UDS) se limite au raffinage et à la commercialisation de produits pétroliers n'ayant aucun segment d'activité dans l'exploration et la production de pétrole brut.

Il est bon de souligner que Ultramar Corporation avait été créée au mois d'avril 1992 lors de l'acquisition des filiales canadienne (Ultramar Canada Inc.) et américaine (Ultramar Inc.) de la firme britannique Ultramar PLC., pour une considération de 750$ millions.

UDS détenait, au 31 décembre 1997, 6300 stations service dans 21 états américains et dans six provinces canadiennes ainsi que sept raffineries dont une à St-Romuald au Québec. Au Canada, UDS compte 1274 stations (20% de l'ensemble) et fait principalement affaire au Québec et dans les maritimes. Au 31 décembre 1997, elle comptait 903 stations au Québec (975 en 1995), soit près de 71% de tous ses points de vente canadiens. Ultramar Canada a pris beaucoup d'expansion au Québec au cours des douze dernières années grâce à des échanges de stations avec ses concurrents. En effet, lors de la vente de Gulf Canada, en 1986, Petro-Canada se porta acquéreur des stations de cette compagnie en Ontario et dans l'ouest canadien, alors qu'Ultramar mettait la main sur celles situées

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au Québec et dans les maritimes. Puis, au mois de mars 1996, Ultramar Canada cédait ses 89 stations de l'Ontario à Sunoco contre les 128 stations de cette dernière au Québec. Enfin, en 1994, Ultramar Canada fit l'acquisition des 181 stations de la compagnie québécoise Sergaz, le plus grand détaillant d'essence indépendant au Québec à l'époque, pour un montant de 22$ millions.

Par ces échanges de stations au Canada entre Petro-Canada, Sunoco et Ultramar, nous sommes à même de constater que les grandes pétrolières ont une stratégie commune, soit de se partager entre elles les régions du pays. Cela a pour effet de réduire la concurrence sur ces marchés et ainsi réduire les coûts et augmenter les profits.

Le 25 septembre 1997, UDS a acheté la compagnie américaine Total Petroleum pour un montant de 852$ millions U.S. (environ 1.2$ milliards canadiens). Cette société comptait trois raffineries et environ 2000 points de vente aux États-Unis. Suite à ces nombreux achats et regroupements, UDS est actuellement le plus important distributeur d'essence au Texas, au Nouveau-Mexique, au Colorado et au Québec.

Au mois de janvier 1998, UDS et Petro-Canada se sont entendus pour créer une coentreprise, qui prendra la forme d'une société en nom collectif canadienne (dont le nom reste à déterminer) qui aura un chiffre d'affaires annuel de 8.5$ milliards, 6000 employés et environ 3517 stations au Canada et dans le nord-est des États-Unis. Au sein de cette nouvelle coentreprise, Petro-Canada détiendra 51% des actions à droit de vote ainsi que 64% des intérêts économiques et UDS 49% des actions ordinaires votantes et 36% des intérêts économiques. Petro-Canada y apportera ses 1820 stations service au Canada, ses trois raffineries (Edmonton, Montréal et Oakville) et quelques autres divisions. Quant à UDS, elle y greffera aussi ses éléments d'actif d'aval, dont ses 1697 stations service situées au Canada (1274) et au Michigan (423) et deux raffineries (Saint-Romuald au Québec et Alma au Michigan).

Au Canada, la nouvelle société en nom collectif utilisera la marque Petro-Canada et aux États-Unis c'est la marque Total qui sera en vigueur. Ensemble, les deux pétrolières accapareront près de 43% du marché au Québec et environ 25% du marché canadien. Il est prévu l'obtention des autorisations gouvernementales du Canada et des États-Unis vers le milieu de 1998. Les bénéfices de cette coentreprise seront partagés à raison de 64% à Petro-Canada et 36% à UDS, soit le montant des intérêts économiques respectifs détenu par chacune des deux pétrolières. En termes de stations service, de mazout domestique et de part de marché, la coentreprise se classera au premier rang au Canada.

Par cette fusion des éléments d'actifs du secteur d'aval, nous assisterons à une plus grande concentration de l'industrie pétrolière au Canada et au Québec, secteur qui était déjà fort concentré. Au Québec en particulier, nous passerons de quatre à trois multinationales de la commercialisation de l'essence qui contrôleront ensemble près de 75% du marché, soit Esso, Petro et Shell. Il est important de souligner que Petro-Canada s'américanise d'une façon importante et qu'une partie de ses profits réalisés ici au Canada prendront le chemin des États-Unis à la faveur des actionnaires d'UDS. Enfin, il est à prévoir des fermetures de stations service et des licenciements d'employés au Canada et au Québec puisque les deux partenaires prévoient réaliser des gains de synergie après impôts de 625$ millions l'an suite à une rationalisation en règle de leurs activités.

Tout comme Petro-Canada, les vérificateurs externes de la firme internationale d'experts comptables sont Arthur Andersen alors que ceux de Shell et d'Impériale-Esso sont Price Waterhouse. Soulignons enfin que le siège social d'UDS est situé à San Antonio au Texas (États-Unis).

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Au début de l'année 1995, toutes les stations service d'Ultramar Canada étaient exploitées par des indépendants (propriétaires ou locataires). Environ 630 des 1400 stations étaient alors la propriété de la compagnie et louées à des opérateurs et les 770 autres étaient des franchisés. Afin d'éliminer sur un certain nombre d'années la majeure partie, voire la totalité, de ses propres indépendants, les dirigeants d'Ultramar Canada ont élaboré en 1995 un programme quinquennal visant à éliminer 600 de leurs propres indépendants. Ceci permettra à la compagnie d'exploiter elle-même ses propres stations service avec ses employés et à ses conditions, lui permettant ainsi d'avoir plus de liberté dans ses stratégies de marketing, de rationalisation, de localisation, de gestion, etc. À ces rachats de stations, il faut aussi inclure les stations qui seront tout simplement fermées.

Si Ultramar a, à l'instar des autres pétrolières majeures d'ailleurs, comme stratégie avouée d'éliminer ses propres indépendants qui portent sa bannière, il n'y a qu'un petit pas à faire pour envisager qu'elle souhaite également la disparition des véritables indépendants au Québec qui ne portent pas sa bannière afin d'avoir les coudées plus franches. D'ailleurs, dans le rapport annuel 1997 d'UDS, nous pouvions lire ce qui suit : «En 1997, nous avons consolidé notre position sur le marché du détail au Canada par la conversion d'unités exploitées par des locataires, des détaillants et des agents en des magasins exploités par la Société et en procédant à des réaménagements afin d'ajouter des dépanneurs».

5.2 RÉSULTATS D’EXPLOITATION GLOBAUX ;

En 1997, UDS a atteint ses meilleurs résultats d'exploitation depuis 1992. En effet, le bénéfice d'exploitation de la firme (bénéfice net avant intérêts, impôts et éléments extraordinaires) a atteint 384$ millions U.S., en hausse de 237$ millions U.S. ou de 161% par rapport à 1996. Puis, le bénéfice net de 1997 a totalisé 155$ millions U.S. contre une perte nette de 36$ millions U.S. en 1996, une augmentation de 191$ millions au cours du récent exercice financier. Soulignons qu'en 1996, la compagnie a imputé à ses résultats une charge nette d'impôts de 77$ millions U.S. afin de couvrir les coûts liés à la fusion d'Ultramar et de Diamond Shamrock. Dans le rapport annuel 1997 d'UDS, la direction de la firme a fait les commentaires suivants : «Nos résultats en 1997 témoignent des avantages tirés de nos stratégies ciblées. Pour l'exercice terminé le 31 décembre 1997, le bénéfice net s'est élevé à 154.8$ millions U.S., soit 1.93$ l'action, une hausse considérable en regard d'une perte de 0.54$ l'action en 1996. Les rentrées nettes liées à l'exploitation pour l'exercice complet ont totalisé 496$ millions U.S., un bond de 65% comparativement à 301$ millions U.S. en 1996».

Le rendement net moyen de l'avoir des actionnaires, après impôts, a été de 10.6% en 1997 comparativement à 8.5% en 1995 et un rendement négatif en 1996 en raison de la perte nette de 36$ millions U.S. subie au cours de cet exercice financier.

5.3 RÉSULTATS D’EXPLOITATION SECTORIELS ;

En 1997, UDS comptait deux secteurs géographiques, soit le sud-ouest des États-Unis (Texas, Colorado, Nouveau-Mexique, Oklahoma, Louisiana, Arizona et Californie principalement) et le nord-est qui comprend, entre autres, 423 points de vente dans l'État du Michigan aux États-Unis et 1274 dans l'est du Canada dont 903 au Québec, soit 71% de ses stations au Canada. En 1997, la compagnie américaine Ultramar était celle qui comptait le plus de stations service au Québec avec 903, suivi de Shell avec 692, d'Esso avec 678 et de Petro-Canada avec 501. Dans le rapport annuel 1997 de la firme,

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il est signalé que : «UDS est actuellement le plus important distributeur d'essence au Texas, au Nouveau-Mexique, au Colorado et dans l'est du Canada».

Avant l'acquisition de la compagnie Total le 25 septembre 1997, le secteur nord-est d'UDS ne comprenait pratiquement que des opérations dans l'est du Canada. C'est pourquoi nous avons considéré, dans notre analyse financière des années 1992 à 1997, que le secteur géographique nord-est recoupait les activités canadiennes et le secteur nord-ouest les activités américaines puisque l'achat de Total s'est effectué dans les derniers mois de 1997. Il est à souhaiter que la compagnie UDS nous donnera dans le futur des informations sectorielles géographiques précises pour ses activités spécifiques au Canada, puisque ce pays constitue une région distincte des États-Unis. Le lecteur doit également tenir compte du fait que la présentation d'information financière sectorielle découle d'estimations, de ventilations et de reports très subjectifs effectués par la direction de l'entreprise.

Pour les quatre dernières années (1992-1997), les opérations canadiennes ont généré 49% des profits nets totaux, soit 182$ millions U.S. contre 191$ millions U.S. pour les opérations américaines même si elles comptaient, en moyenne, que pour 21% de l'actif total identifiable pour cette période de temps. C'est donc dire que les activités canadiennes sont très rentables, beaucoup plus que les opérations américaines, si nous tenons compte du rendement de l'actif identifiable. En effet, pour les quatre dernières années (1992-1997), le rendement net de l'actif identifiable a été de 4.9% au Canada et de seulement 1.4% pour les États-Unis. Le secteur nord-est a dégagé un bénéfice net de 60$ millions U.S. en 1997 contre 33$ millions U.S. en 1996, une hausse de 27$ millions U.S. ou de 82%. Au cours des quatre dernières années (1994-1997), même si les opérations canadiennes ont généré 49% du profit net global, elles n'ont reçu toutefois que 14% du total des dépenses en capital de la firme, pourcentage qui est ramené à seulement 9% si nous tenons compte, dans les investissements d'UDS, l'achat de Total en 1997 au coût de 852$ millions U.S.

Durant les quatre dernières années (1992-1997), le secteur géographique constitué de l'est du Canada a réalisé un bénéfice d'exploitation total (bénéfice net avant intérêts, impôts et éléments extraordinaires) de 369$ millions U.S., dont les meilleurs résultats en 1997, soit 119$ millions U.S. Pour cette période, 35% du bénéfice d'exploitation total de la firme est provenu principalement de ses opérations canadiennes.

5.4 DIVIDENDES ;

Comme les autres multinationales Shell et Esso, Ultramar Diamond Shamrock verse une part importante de ses profits en dividendes, ce qui l'oblige à emprunter davantage pour financer ses acquisitions récentes, entre autres celles de National Convenience en 1995 au coût de 280$ millions U.S. (661 points de vente) et de Total en 1997 au coût de 852$ millions U.S. (2000 stations), deux compagnies américaines. En effet, au cours des six dernières années (1992-1997), UDS a versé 70% de ses profits en dividendes, soit 380$ millions U.S. sur des bénéfices nets de 543$ millions U.S. Encore une fois, nous constatons que l'argent réalisé par UDS dans l'est du Canada, principalement au Québec, sort du pays et de la province pour payer des dividendes aux actionnaires étrangers et pour financer en partie l'expansion de la firme aux États-Unis qui se fait par voie d'acquisitions.

Le dividende qui était de 0.55$ U.S. l'action en 1992, est passé à 1.10$ U.S. en 1993, soit une augmentation de 100%. En 1992, les dividendes versés furent de 31$ millions U.S. et sont rendus à 90$ millions U.S. en 1997, soit une hausse de 59$ millions U.S. ou de 190% en l'espace de cinq ans. En

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1996, UDS a subi une perte nette de 36$ millions U.S., ce qui ne l'a pas empêché de verser à ses actionnaires des dividendes de 70$ millions U.S.

Au cours des deux dernières années (1996-1997), le profit net dégagé par les activités américaines (sud-ouest) fut de seulement 26$ millions U.S. alors que les dividendes versés par UDS furent de 160$ millions U.S. D'où provient le manque à gagner? Eh oui! Il provient des opérations canadiennes et québécoises qui ont réalisé pour cette période un bénéfice net de 93$ millions U.S.

5.5 CHARGE D’INTÉRÊTS, DETTE À LONG TERME ET IMMOBILISATIONS ;

Comme nous l'avons mentionné à la section précédente, UDS a procédé à deux importantes acquisitions américaines au cours des trois dernières années, soit National Convenience en 1995 et Total en 1997 pour des montants respectifs de 280$ et 852$ millions U.S. Comme ces achats ont été financés en partie par des emprunts, la dette à long terme d'UDS est passé de 1043$ millions U.S. en 1994 à 1866$ en 1997, pour une augmentation de 823$ millions U.S. ou de 79% en seulement trois ans. La charge annuelle d'intérêts est, quant à elle, passée de 87$ millions U.S. en 1994 à 132$ millions U.S. en 1997, soit une hausse de 45$ millions U.S. ou de 52%.

Cette expansion majeure aux États-Unis a fait bondir les immobilisations nettes de 2.6$ milliards U.S. en 1995 à 3.6$ milliards U.S. en 1997 et l'actif total de 3.1$ milliards U.S. en 1992 à 5.6$ milliards U.S. en 1997. Il semble que la compagnie soit rendu à bout de souffle en 1997 et doive ralentir ses acquisitions puisque ses désinvestissements et sa dotation annuelle à l'amortissement ont excédé ses nouvelles dépenses en capital de 26$ millions U.S.

5.6 FAITS SAILLANTS ;

• En 1997, Ultramar Diamond Shamrock a réalisé ses meilleurs résultats depuis 1992, année où les données financières ont commencé à être disponibles. Le profit d'exploitation dégagé en 1997 fut de 384$ millions U.S. en hausse de 237$ millions U.S. ou de 161% par rapport à 1996;

• Le bénéfice net de 1997 a totalisé 155$ millions U.S. contre une perte nette de 36$ millions U.S. subie en 1996, soit une augmentation des résultats de 191$ millions U.S.;

• En 1997, le bénéfice par action fut de 1.93$ U.S. contre une perte par action de 0.54$ U.S. en 1996;

• Pour les quatre années financières dont les données sont disponibles dans le rapport annuel d'UDS, les opérations canadiennes ont généré 49% des profits nets totaux de la firme, soit 182$ millions U.S. contre 191$ millions U.S. pour les opérations américaines même si le secteur géographique de l'est du Canada, et principalement du Québec, a représenté en moyenne pour seulement 21% de l'actif identifiable pour cette période de temps. Cela démontre éloquemment la très grande rentabilité des activités canadiennes et québécoises;

• Le secteur nord-est (est du Canada) a dégagé un bénéfice net de 60$ millions U.S. en 1997 contre 33$ millions U.S. en 1996, une hausse de 27$ millions U.S. ou de 82%;

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• Au cours des quatre dernières années (1994-1997), même si les opérations canadiennes ont généré 49% du profit net global d'UDS, la division canadienne n'a reçu toutefois que 14% du total des investissements, pourcentage qui est ramené à seulement 9% si nous tenons compte dans les investissements d'UDS l'achat de Total en 1997 au coût de 852$ millions U.S.;

• Comme ses consoeurs pétrolières Shell et Esso, UDS verse une part importante de ses profits en dividendes. En effet, au cours des six dernières années (1992-1997), UDS a versé 70% de ses profits nets, dont 49% furent réalisés au Canada et au Québec, ne l'oublions pas, en dividendes à ses actionnaires américains en vaste majorité;

• Le dividende qui était de 0.55$ U.S. l'action en 1992 est passé à 1.10$ U.S. en 1993, soit un accroissement de 100%;

• En 1992, les dividendes versés furent de 31$ millions U.S. contre 90$ millions U.S. en 1997, soit une hausse de 59$ millions U.S. ou de 190% en l'espace de cinq ans;

• Au cours des deux dernières années (1996-1997), le profit net dégagé par les activités américaines (sud-ouest) fut de seulement 26$ millions U.S. alors que les dividendes versés par UDS furent de 160$ millions U.S.;

• En plus de verser de généreux dividendes à ses actionnaires américains, le gros des investissements et de l'expansion fut réalisé aux États-Unis ces dernières années, dont l'achat de deux firmes américaines, soit National Convenience en 1995 pour un montant de 280$ millions U.S. et de Total en 1997 pour une somme de 852$ millions U.S.;

• Contrairement à Shell Canada et à Impériale-Esso, dont environ 20% chacun de leurs actions sont détenues au Canada, les actionnaires d'Ultramar Diamond Shamrock sont à toutes fins utiles à 100% aux États-Unis ou ailleurs qu'au Canada. Cela signifie que tous les profits générés ici même au Canada et au Québec par UDS appartiennent en totalité à des étrangers.

ULTRAMAR DIAMOND SHAMROCK : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS (En millions de dollars canadiens)

1992 1993 1994 1995 1996 1997 Total Bénéfices et flux générés par l'exploitation

Revenus bruts totaux 4492 4182 4319 4518 5176 5295 38092

Revenus bruts - produits pétroliers 5747 7056 7418 8083 10208 10882 49394

Bénéfice (perte) d'exploitation - produits pétroliers 234 279 299 227 147 384 1570

Bénéfice (perte) net 65 105 137 117 (36) 155 543 Bénéfice (perte) net par action (en dollars) 0.97 1.52 1.95 1.62 (0.54) 1.93 -

Flux monétaires générés par l'exploitation 39 179 163 246 294 235 1156

Dépense d'intérêt - - 87 93 129 132 -

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Dividendes

Dividendes par action (en dollars) 0.55 1.10 1.10 1.10 1.10 1.10 -

Dividendes totaux 31 62 62 65 70 90 380 Nombre d'actions ordinaires en circulation - 68 68 74 75 87 -

% du bénéfice net versé en dividendes 48% 59% 45% 56% - 58% 70%

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ULTRAMAR DIAMOND SHAMROCK : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS (En millions de dollars canadiens)

1992 1993 1994 1995 1996 1997 Total Postes du bilan : Encaisse et titres négociables 152 110 83 176 198 92 -

Biens-fonds et installations - - - 2603 2731 3561 - Actif total 3090 3074 3384 4217 4420 5595 - Dette à long terme 1112 981 1043 1558 1646 1866 - Avoir des actionnaires 949 1069 1122 1328 1240 1687 - Ratios et statistiques: Nombre d'employés - - - - 17000 23000 - Stations service - Canada et États-Unis - - - 4500 4300 6300 -

Stations service - Québec seulement - - - 975 - 903 -

Pourcentage de stations au Canada - - - 31% 31% 20% Pourcentage de stations au Québec vs Canada - - - 70% - 71%

Actionnaires inscrits - - - - 12181 - Cours de l'action à la clôture - - - - 32 34

Rendement de l'avoir des actionnaires - - - 8.5% - 10.6% Investissements nets: Dépenses en capital (investissements) - - 370 639 343 268 1620

Ventes d'actifs à long terme (désinvestissements) - - 17 17 52 94 180

Amortissements annuels - - 112 136 180 200 628

Écart entre investissements et désinvestissements - amortissements - - 241 486 111 (26) 812

Information sectorielle par régions Ventes ou revenus bruts - - 7418 8083 10208 10882 36591

Sud-ouest (USA) - - 4905 5432 7161 7867 25365 Nord-est (Canada) - - 2513 2651 3047 3015 11226

% des ventes effectuées au Canada - - 34% 33% 30% 28% 31% Bénéfice d'exploitation - - 229 227 147 384 1057

Sud-ouest (USA) - - 216 138 69 265 688 Nord-est (Canada) - - 83 89 78 119 369

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% du bénéfice d'exploitation au Canada - - 28% 39% 53% 31% 35%

Bénéfice (perte) net - - 137 117 (36) 155 373 Sud-ouest (USA) - - 106 59 (69) 95 191

Nord-est (Canada) - - 31 58 33 60 182 % du bénéfice net au Canada - - 23% 50% - 39% 49% Actif identifiable - - 3384 4217 4420 5595 -

Sud-ouest (USA) - - 2516 3305 3377 4667 - Nord-est (Canada) - - 868 912 1043 928 -

% Pourcentage de l'actif au Canada - - 26% 22% 24% 17% -

Dépenses en capital - - 367 794 342 268 1771 Sud-ouest (USA) - - 310 771 259 179 1519

Nord-est (Canada) - - 57 23 83 89 252

% de l'investissement au Canada - - 16% 3% 24% 33% 14%

Amortissements - - 112 136 180 200 628 Sud-ouest (USA) - - 91 111 154 168 524

Nord-est (Canada) - - 21 25 26 32 104

% de l'amortissement au Canada - - 19% 18% 14% 16% 17%

Investissements nets - - 255 658 162 68 1143 Sud-ouest (USA) - - 219 660 105 11 995

Nord-est (Canada) - - 36 (2) 57 57 148

% de l'investissement net au Canada - - 14% - 35% 84% 13%

Rendement net de l'actif identifiable Sud-ouest (USA) - - 4.2% 1.8% - 2.0% -

Nord-est (Canada) - - 3.6% 6.4% 3.2% 6.5% -

6. PETRO-CANADA

6.1 LA COMPAGNIE ;

C'est le 20 février 1990 que le gouvernement fédéral a annoncé la privatisation de Petro-Canada et c'est au mois de juin 1991 qu'a été effectué le premier appel public à l'épargne de la nouvelle société ouverte. À cette occasion, plus de 100 000 actionnaires ont acheté 19.5% des actions de la société, le solde, soit 80.5% des actions, étant retenu par le gouvernement du Canada. Déjà en février 1992, environ 16% des actions détenues par le public l'étaient par des intérêts étrangers. Puis, en septembre 1995, le gouvernement du Canada a procédé à la vente de titres représentant 50% des actions ordinaires

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en circulation de Petro-Canada, ramenant alors sa participation à 20%. Elle est rendue à 18% au 31 décembre 1997.

Dans le rapport annuel 1991, nous pouvons lire les commentaires suivants quant au «nouveau» rôle de Petro-Canada :

«Que signifie la privatisation de la Société?

' Petro-Canada ne sera plus obligée d'entreprendre des activités d'intérêt public, comme c'était le cas lorsqu'elle était société d'État.

' Entreprise totalement commerciale, Petro-Canada livre maintenant concurrence sur un pied d'égalité avec les autres sociétés pétrolières.

' La Société peut maintenant se concentrer sur l'accroissement de l'avoir des actionnaires».

Petro-Canada est une importante société pétrolière et gazière canadienne. Il s'agit d'une société intégrée qui poursuit des activités en amont et en aval. Dans le secteur d'amont, Petro-Canada mène des activités d'exploration et de production reliées au pétrole brut et au gaz naturel. Dans le secteur d'aval, elle raffine, commercialise des produits pétroliers. Comme Shell Canada et l'Impériale, Petro-Canada est une entreprise complètement intégrée (amont et aval) contrairement à Ultramar qui poursuit ses activités en aval seulement (raffinage et commercialisation). La compagnie a son siège social à Calgary en Alberta et au 31 décembre 1997 elle ne comptait aucun francophone parmi les membres de sa haute direction et seulement deux francophones sur onze à son conseil d'administration. Les vérificateurs externes de la firme sont, tout comme Ultramar, le cabinet international d'experts comptables Arthur Andersen.

Petro-Canada a acquis le réseau de distribution des pétrolières BP et Pétrofina en 1981 ainsi que leurs raffineries de Montréal. Ces deux raffineries furent fermées en 1982. Petro-Canada a aussi acquis en 1986 le réseau de distribution de la grande pétrolière Gulf en Ontario et dans l'ouest du Canada. Depuis 1980, plusieurs multinationales ont retiré leurs billes du Canada (Gulf, BP, Texaco, Sunoco, etc.) dans le domaine de la vente de l'essence au détail. Petro-Canada a réduit du tiers le nombre de ses stations service au Québec au cours des dernières années, passant d'environ 800 à 500 en 1997. Le 3 avril 1996, Petro-Canada a acquis toutes les actions émises d'Amerada Hess Canada Ltd. au coût de 735$ millions. Disons enfin que Petro détient une raffinerie au Québec. Qu'adviendra-t-il de celle-ci suite à la fusion des activités de raffinage et de commercialisation de l'essence du Canada et du nord-est des États-Unis avec UDS puisque cette dernière détient également une raffinerie à St-Romuald au Québec? C'est un dossier à suivre puisque le but avoué de ce regroupement est de réaliser des économies substantielles de synergie.

6.2 LA «DÉCANADIANISATION» DE PETRO-CANADA ;

Dans notre étude publiée au mois de septembre 1996 et intitulée «Le danger du laisser-faire dans le domaine de la distribution des produits pétroliers», nous débutions la section consacrée à Petro-Canada en ces termes : «Petro-Canada est la plus importante société pétrolière et gazière appartenant à des intérêts canadiens». Et bien, au mois de juin 1998, nous pouvons dire que la société est toujours dans le domaine pétrolier et gazier, mais elle est de moins en moins canadienne et surtout elle le sera encore

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moins dans le futur. Petro-Canada est en train de se «décanadianiser»à un rythme accéléré. Deux faits importants viennent appuyer cette réalité.

Premièrement, au début de 1996, Petro-Canada a, selon ce qui est écrit textuellement dans son rapport annuel 1996, restructuré son capital-actions afin d'accroître la possibilité pour les non-résidents du Canada d'investir dans la société. À cet effet, nous pouvons lire ce qui suit dans le rapport annuel 1996 de Petro-Canada : «En 1996, le capital-actions a été restructuré en deux catégories de titres ordinaires : des actions ordinaires pouvant être détenues uniquement par des résidents du Canada et des actions à droit de vote variable pouvant être détenues uniquement par des non-résidents du Canada». On poursuit en disant que : «En vertu d'une telle structure, les non-résidents du Canada peuvent détenir jusqu'à 50% des actions de la Société en circulation dans le public. Étant donné le niveau de participation actuel des non-résidents, qui est de 16% des actions en circulation dans le public, les occasions d'attirer de nouveaux investisseurs étrangers sont considérables».

Disons qu'à la fin de l'année 1997, les non-résidents détenaient 20% des actions ordinaires en circulation de Petro-Canada. Le jour n'est peut-être pas très loin où Petro-Canada sera détenue majoritairement par des étrangers, tout comme l'est aujourd'hui le Canadien National (CN), une autre société détenue jadis par le gouvernement fédéral au même titre que Petro-Canada. Si cela a été possible pour le CN, pourquoi n'en serait-il pas ainsi pour Petro-Canada?

Deuxièmement, au mois de janvier 1998, Petro-Canada a signé un protocole d'entente avec la firme américaine Ultramar Diamond Shamrock (UDS) visant l'établissement d'une coentreprise de raffinage et de commercialisation de produits pétroliers qui sera exploitée en tant que société en nom collectif. Cette nouvelle société comprendra tous les éléments d'actif d'aval de Petro-Canada, y compris ceux reliés aux lubrifiants, et les activités d'aval d'UDS au Canada, dans le nord-est des États-Unis et au Michigan. Petro-Canada détiendra 51% des droits de vote de la coentreprise et une participation économique (partage des profits) de 64%, cette participation étant fondée sur la valeur relative des activités que chaque partenaire prévoit apporter à la coentreprise. Il est prévu que la transaction soit conclue au milieu de 1998, une fois les procédures réglementaires franchies auprès des gouvernements. À cet effet, il est formulé les commentaires suivants dans le rapport annuel 1997 de Petro-Canada : «La coentreprise proposée permettra à Petro-Canada de réagir à la tendance mondiale au regroupement d'entreprises dans le secteur d'aval, d'obtenir une certaine taille et de renforcer sa position concurrentielle au pays, et de réaliser des économies grâce aux synergies d'exploitation». En somme, il est dit en clair que la concentration dans le domaine pétrolier est de mise même si cela provoque des mises à pied, des fermetures de stations service et une baisse réelle de la concurrence, qui se fait au détriment des consommateurs et de la collectivité. Suite à cette fusion, les trois principales pétrolières (incluant Shell et Esso) contrôleront près de 75% du marché pétrolier au Québec. Cette situation peut être qualifiée d'oligopolistique.

Petro-Canada vient de transférer à la nouvelle coentreprise son secteur d'aval qui était de loin le plus important de la firme en comparaison avec son secteur d'amont (exploration et production de pétrole et de gaz). En 1997, les ventes annuelles du secteur d'aval de Petro-Canada furent de 5$ milliards sur des ventes totales de 6.1$ milliards ou 82% des ventes totales. Le bénéfice net du secteur d'aval fut de 219$ millions contre 186$ millions pour le secteur d'amont.

Voilà donc dans les faits une autre façon, à peine déguisée, de transférer une partie importante du contrôle de Petro-Canada à des intérêts étrangers, en l'occurrence Ultramar Diamond Shamrock, et de contourner la loi fédérale qui stipule qu'aucun particulier ne peut détenir plus de 10% des actions de Petro-Canada. Il s'agit en fait de vider Petro-Canada de ses plus importants actifs et de créer une

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nouvelle entreprise avec une firme étrangère qui pourra détenir alors n'importe quel pourcentage du contrôle de cette nouvelle entité. En effet, UDS, détiendra 49% du contrôle légal de la nouvelle société en nom collectif et aucune action dans Petro-Canada, même s'il a été transféré dans cette nouvelle coentreprise une partie importante des actifs, des ventes et des bénéfices de Petro-Canada.

En somme, une fois cette transaction avalisée par les autorités gouvernementales, les étrangers détiendront directement 20% des actions ordinaires de Petro-Canada, qui pourra atteindre jusqu'à 50% dans un avenir rapproché grâce à la restructuration du capital effectuée en 1996, et 49% des actions ou des droits de vote dans une nouvelle entreprise dans laquelle il sera versé une partie importante des actifs, des ventes et des profits de Petro-Canada.

6.3 RÉSULTATS D’EXPLOITATION GLOBAUX ;

En 1997, Petro-Canada n'a pas fait exception à la règle en vigueur au sein des trois autres pétrolières majeures au Québec et a enregistré des résultats financiers records. Voici ce qui est écrit dans le rapport annuel 1997 de la société : «Petro-Canada a obtenu les meilleurs résultats financiers de son histoire en 1997, affichant un bénéfice net de 306$ millions (1.13$ par action), comparativement à 247$ millions (0.94$ par action) en 1996». Déjà en 1996, le profit net réalisé était à ce moment le deuxième meilleur de son histoire, étant légèrement inférieur à celui dégagé en 1994 au montant de 262$ millions. Force est d'admettre qu'en 1997, les quatre pétrolières majeures contrôlant massivement le marché québécois de l'essence ont toutes réalisé d'excellents résultats d'exploitation.

Ces résultats financiers records ont propulsé, en 1997, la valeur au marché de l'action de Petro-Canada à des niveaux records, soit 26$ au 31 décembre 1997. Dans le rapport annuel 1997 il est dit que : «Le cours des actions de Petro-Canada a augmenté de 34% en 1997 et a affiché un rendement supérieur de 21% à celui de l'indice du TSE 300. Notre capitalisation boursière, c'est-à-dire le nombre d'actions en circulation multiplié par le cours de l'action, s'est accrue de 1.8$ milliards au cours de l'année 1997 et dépassait 7$ milliards à la fin de l'exercice». Il est signalé également dans ce document que : «Les rendements globaux pour les actionnaires se sont établis en moyenne à 33.4% au cours des trois derniers exercices (en incluant le réinvestissement des dividendes)».

6.4 RÉSULTATS D’EXPLOITATION SECTORIELS ;

Le bénéfice net du secteur d'aval (raffinage et vente au détail de l'essence) a aussi atteint des niveaux records en 1997. En effet, le profit net dégagé par ce secteur a atteint 219$ millions en 1997 contre 127$ millions en 1996 pour un accroissement de 92$ millions en 1997 ou de 72%. À cet effet, nous pouvons lire ce qui suit dans le rapport annuel 1997 de la firme : «La production des premiers barils à Hibernia ainsi que le rendement exceptionnel des activités de raffinage et de commercialisation ressortent clairement comme les points saillant de ce qui a été une année historique pour Petro-Canada. En affichant des résultats financiers sans précédent, nous avons établi de nouveaux records pour bon nombre de paramètres qui favorisent la création de valeur à long terme, tant dans le secteur d'amont que dans le secteur d'aval».

Concernant les activités de commercialisation de l'essence seulement (excluant celles liées au raffinage), Petro-Canada a encore vogué dans les records en 1997 comme il est clairement indiqué dans

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son rapport annuel : «Le bénéfice d'exploitation tiré des activités de commercialisation a atteint le chiffre record de 82$ millions en 1997, ce qui représente près du double réalisé au cours de l'exercice précédent».

Enfin, soulignons ce passage intéressant extrait encore une fois du rapport annuel 1997 de la firme: «Le secteur d'aval a affiché des résultats records en 1997 et porté son rendement utilisé à 11.1% comparativement à 6.8% en 1996. Le bénéfice d'exploitation s'est établi à 219$ millions ou à 1.3 cent le litre en 1997, comparativement à 127$ millions ou à 0.8 cent le litre en 1996».

6.5 DIDIVENDES ;

Même si Petro-Canada a versé moins de dividendes que les trois autres pétrolières majeures au cours de ces dernières années, elle a, comparée à la moyenne de l'ensemble des entreprises canadiennes, versé une proportion importante de ses profits en dividendes.

Au cours des huit dernières années (1990-1997), Petro-Canada a versé 50% de ses bénéfices en dividendes à ses actionnaires. En effet, elle a versé 372$ millions en dividendes sur des profits nets de 744$ millions. En 1997, les dividendes ont atteint un niveau record de 79$ millions contre 53$ millions en 1996, en hausse de 26$ millions ou de 49%. À ce sujet, il est signalé ce qui suit dans le rapport annuel 1997 de la firme: «Le dividende trimestriel a augmenté de 60%, passant de 0.05$ à 0.08$ par action en 1997».

C'est donc dire qu'en 1998, le dividende annuel par action sera de 0.32$ (à moins qu'il soit décrété à nouveau une augmentation en 1998, ce qui est fort possible), alors qu'il était de 0.07$ l'action en 1991 et de 0.15$ l'action en 1994.

Avec la restructuration du capital-actions effectuée en 1996 qui permettra aux étrangers de détenir jusqu'à 50% des actions de la firme dans le futur et avec la naissance de la nouvelle coentreprise formée avec l'américaine Ultramar Diamond Shamrock, qui entrera en opération au milieu de l'année 1998, une partie de plus en plus importante des profits de Petro-Canada s'en ira à l'étranger. Déjà en 1997, 16$ des 79$ millions de dividendes versés par Petro-Canada l'ont été à des étrangers. Il serait intéressant de connaître la part d'actionnaires de Petro-Canada venant du Québec, mais la compagnie ne fournit pas ce type d'information dans son rapport annuel.

6.6 IMPÔTS SUR LE REVENU ;

Petro-Canada a réalisé, ne l'oublions pas, des résultats d'exploitation records en 1997. En effet, son bénéfice avant impôts sur le revenu a été de 636$ millions. Qu'à cela ne tienne, la firme a eu droit en 1997 à un remboursement d'impôts de 41$ millions des gouvernements. Il est tout de même surprenant d'avoir droit à un remboursement d'impôts sur le revenu alors que la société génère des profits records. Voilà pourquoi plusieurs pays occidentaux, dont les États-Unis, ont instauré un impôt minimum à payer.

Petro-Canada ironise lorsqu'elle affirme dans son rapport annuel 1997 que son taux d'imposition effectif appliqué au bénéfice avant impôts sur le revenu fut de 51.9% pour l'exercice 1997, contre 50.2% en 1996 et 47.0% en 1995. En effet, sa dépense totale d'impôts en 1997 fut de 330$ millions

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constituée d'un remboursement d'impôts de 41$ millions (impôts négatifs) et d'une charge d'impôts sur le revenu reportés de 371$ millions.

Nous pouvons nous interroger longuement sur cette dite dépense d'impôts reportés de 371$ millions imputée aux résultats de 1997, puisque dans les fait ces impôts reportés peuvent être facilement reportés à perpétuité, n'exigent et n'exigeront jamais de déboursés, ne portent pas intérêt et ne constituent pas une dette légale. Il faut donc prendre avec circonspection le fait que plusieurs entreprises auraient à «supporter» une dépense d'impôts sur le revenu excessive et des taux d'impôts exorbitants qui minent la compétitivité des entreprises canadiennes.

En ne tenant pas compte de cette dépense comptable (impôts reportés) fort discutable portée à l'état des résultats, le profit net de Petro-Canada pour l'exercice 1997 aurait été de 677$ millions en 1997 (bénéfice avant impôts de 636$ millions, plus les impôts remboursables de 41$ millions) au lieu de 306$ millions seulement, soit celui annoncé officiellement par la compagnie au cours de cet exercice financier (bénéfice avant impôts de 636$ millions, plus les impôts remboursables de 41$ millions moins les impôts reportés de 371$ millions).

C'est donc dire qu'en retranchant cette dépense d'impôts reportés des résultats de 1997, le bénéfice net affiché en 1997 aurait été plus élevé de 371$ millions ou de 121%. Concernant la charge annuelle d'impôts sur le revenu, nous pouvons lire le commentaire suivant dans le rapport annuel 1997 de la firme : «Des questions complexes touchant les impôts sur le revenu, nécessitant l'interprétation de règlements en constante évolution, se posent au moment du calcul de la provision pour impôts sur le revenu. La direction estime qu'une provision adéquate a été constituée à l'égard de toutes les questions de cette nature».

Au 31 décembre 1997, l'Impériale, Shell et Petro-Canada indiquaient, dans leur passif au bilan, les soldes cumulatifs d'impôts sur le revenu reportés suivants :

1996 1997 Compagnie L'Impériale-Esso 981 1000 Shell du Canada 762 799 Petro-Canada 793 1165 Total 2536 2964

Ces trois entreprises jouissaient, au 31 décembre 1997, pour près de 3$ milliards d'impôts sur le revenu reportés à très long terme, pour ne pas dire à jamais. Si seulement les particuliers, entre autre la classe moyenne, pouvaient profiter des mêmes dispositions fiscales que les compagnies qui feraient en sorte que leurs impôts seraient reportés dans un futur très lointain au lieu d'être payés dans l'année de la production de leur rapport d'impôt.

L'américaine Ultramar Diamond Shamrock, quant à elle, indiquait un solde de 188$ millions U.S. au passif de son bilan du 31 décembre 1997.

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6.7 EMPLOYÉS ;

En 1990, Petro-Canada comptait 9806 employés contre 5749 en 1997, soit une baisse de 4057 emplois ou 41% en seulement sept ans. Petro-Canada ne fait pas exception à la règle : la maximisation des profits pour les actionnaires passe inévitablement par une rationalisation en règle qui amène de nombreuses coupures de postes et par une concentration de plus en plus poussée dans l'industrie qui aboutit à une baisse marquée de la concurrence.

6.8 STATIONS SERVICE ;

En 1990, Petro-Canada détenait 3205 stations service au Canada par rapport à 1780 en 1997, soit une diminution de 1425 stations ou 44% en moins de sept ans. Avec la fusion envisagée de toutes ses stations service avec celles d'Ultramar Diamond Shamrock, il faut prévoir d'autres fermetures de stations dans un avenir rapproché tant au Québec que dans le reste du Canada, tel que mentionné d'ailleurs par la direction elle-même de chacune de ces deux entreprises.

PETRO-CANADA : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS (En millions de dollars canadiens)

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Total Bénéfices et flux générés par l'exploitation

Revenus bruts totaux 5873 4961 4718 4603 4730 4820 5607 6096 41408 Revenus bruts - produits pétroliers 4934 4174 3979 3760 3803 4029 4551 4971 34201

Bénéfice (perte) produits pétroliers 122 (491) 28 114 138 161 127 219 418

Bénéfice (perte) net 171 (603) 5 160 262 196 247 306 744

Bénéfice net par action (en dollars) - (3.08) 0.02 0.65 1.06 0.79 20.94 1.13 -

Flux monétaires générés par l'exploitation 294 382 556 646 457 640 922 1096 4993

Charges de nature inhabituelle 770 121 - - (51) - - - 840

Dividendes et rachats d'actions

Dividendes par action (en dollars) - 0.07 0.07 0.13 0.13 0.15 0.20 0.20 0.26 -

Dividendes totaux 45 45 28 32 41 49 53 79 372

Dividendes versés à l'étranger - - - - 8 11 8 16 -

% du bénéfice net en dividendes 26% N/A 560% 20% 16% 25% 21% 26% 50%

% d'actions ordinaires détenues par des étrangers - - - - 20% 23% 16% 20% -

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% d'action ordinaires détenues par le gouvernement du Canada 81% 81% 70% 70% 70% 20% 18% 18% -

PETRO-CANADA : RÉSULTATS FINANCIERS ANNUELS

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 Total Postes du bilan :

Encaisse et titres négociables (12) 36 82 129 95 43 32 75 -

Biens-fonds et installations 4778 4084 3865 4027 4379 4829 6014 6441 -

Dette à long terme 1537 1531 868 902 1109 1081 1350 1488 - Avoir des actionnaires 2582 2493 2643 2774 2945 3092 3692 3922 - Impôts sur le revenus reportés 941 564 467 510 575 621 793 1165 -

Ratios et statistiques: Nombre d'employés 9806 9524 8260 7319 6209 5646 5679 5749 -

Stations service Petro au Canada 3205 3150 2630 2220 2029 1871 1765 1780 -

Stations service Petro au Québec - - - - - - - 501 -

Cours de l'action à la clôture - 10 8 12 11 16 19 26 - Rendement de l'avoir des actionnaires 6.7% - 1.1% 5.9% 9.2% 6.5% 7.3% 8.0% -

Investissements nets:

Dépenses en capital (investissements) 643 652 456 609 702 853 959 1049 5923

Ventes d'actifs à long terme (désinvestissements) 256 311 256 88 250 48 92 201 1502

Amortissements annuels 373 407 391 354 347 338 440 482 3132 Écart entre investissements et désinvestissements - amortissements

14 (66) (191) 167 105 467 427 366 1289

Dépenses en capital - produits pétroliers 221 287 109 189 167 254 282 215 1724

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7. CONCLUSION

Les faits sont indéniables. Que nous fassions une analyse théorique ou pragmatique du marché de l'essence au Québec, nous sommes bel et bien confronté à un puissant oligopole. Lorsque la fusion d'Ultramar et de Petro-Canada sera avalisée cette année par les instances gouvernementales, le marché, nous devrions plutôt dire l'absence de marché, de l'essence au Québec sera dominé par trois multinationales qui ensemble contrôleront les activités de raffinage et environ 75% de la distribution et de la vente au détail de ce produit vital pour l'économie du Québec.

Lorsque les mécanismes fondamentaux d'un marché libre et concurrentiel ne sont plus respectés, par exemple lors de la présence d'une forte concentration des agents économiques, l'État a le devoir d'intervenir afin de contrer les effets néfastes de cette situation sur les consommateurs, les travailleurs, les régions, les gouvernements, les fournisseurs, les petites et moyennes entreprises et la collectivité toute entière. En plus d'être soumis à la gouverne d'un oligopole de l'essence au Québec, les quelques firmes dominatrices en présence sont gigantesques et sont détenues par des étrangers (Esso, Shell et Ultramar). Quant à Petro-Canada, elle est de moins en moins canadienne.

Royal Dutch/Shell et Exxon Corporation, les sociétés-mère de Shell du Canada et de l'Impériale ont chacune un chiffre d'affaires annuel qui avoisine le produit intérieur brut du Québec. En 1996, elles se sont classées respectivement première et deuxième au monde pour leur profit net. Au cours des quatre dernières années (1994-1997), l'Impériale-Esso, Shell Canada et Ultramar ont transféré à l'étranger 113% de leur bénéfice net réalisé au Québec et au Canada, soit 5.3$ milliards. À elle seule, l'Impériale-Esso a sorti du pays 3.8$ milliards ou 153% de ses profits. Seulement pour 1997, ces trois multinationales étrangères ont versé à l'étranger 1.8$ milliards ou 125% de leurs bénéfices. Shell Canada a transféré sous d'autres cieux 176% de son profit net ou 922$ millions et l'Impériale-Esso 100% de son bénéfice net ou 849$ millions pour le seul exercice 1997. De plus, elles ont pratiqué au Québec et au Canada un sous-investissement marqué sans compter les nombreuses fermetures de stations service et les millions de pertes d'emplois.

Devant cet état de fait, la Régie de l'énergie du Québec, créée en 1997 par le gouvernement du Québec, doit assumer un rôle essentiel et nécessaire afin de corriger les lacunes causées par cette situation oligopolistique et de sauvegarder les intérêts de toutes les parties prenantes impliquées, dont les distributeurs indépendants qui sont la police d'assurance des Québécois et des Canadiens afin de préserver un seuil minimal de concurrence.

Puisées dans les rapports annuels des quatre pétrolières intégrées, les données financières colligées dans notre étude sont éloquentes. Elles démontrent clairement que les comportement de ces multinationales de l'essence est conditionné par un axe dominant : le profit maximum pour les intérêts de leurs actionnaires étrangers, sans égards aux intérêts supérieurs de la collectivité. Le travail de la Régie de l'énergie est suivi attentivement par l'opinion publique car il indiquera si les distributeurs indépendants ont une chance honnête de participer à l'économie québécoise au profit des consommateurs, des régions, des fournisseurs, des emplois, des gouvernements et de la collectivité d'ici. La présence des distributeurs indépendants est une nécessité. Il ne s'agit pas de leur faire la charité mais de s'assurer que les règles élémentaires de l'économie de marché sont minimalement respectées. Alors, ils pourront livrer bataille aux grandes multinationales étrangères de l'essence comme ils l'ont toujours fait dans le passé. Ceux-ci empêchent que les consommateurs deviennent captifs des

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puissantes firmes intégrées verticalement qui va de l'exploration, à la production, au raffinage et à la commercialisation de l'essence. Enfin, les indépendants réinvestissent au pays, ils contribuent ainsi à dynamiser notre économie.