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Andromaque de Racine, vraie fausse héroïne tragique ?

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Page 1: Andromaque de Racine, vraie fausse héroïne tragique ?

Andromaque de Racine, vraie fausse heroıne tragique ?

Stephane Natan

Published online: 21 March 2013

� Akademiai Kiado, Budapest, Hungary 2013

Abstract This article revisits Racine’s Andromaque by positing that critics have

wrongly portrayed the eponymous main character. They have depicted her as a

flawless and defenseless woman with no ambition who struggles in a pathetic sit-

uation until the final coup de théâtre, in which her status unexpectedly rises from

that of slave to that of queen. It is the purpose of this essay to demonstrate rather

that Andromaque fits Aristotle’s definition of the tragic hero, that is, one perceived

as both imperfect and somehow guilty of his situation. In fact, Andromaque is in

motion to accomplish her duty: saving the future of Troy. To succeed, she does not

hesitate to resort to trickery, to be merciless, and to disregard the concept of honor.

That said, her share of responsibility for the tragedy appears in her refusal to forget

the horrifying fall of Troy and in her willingness to keep the past alive, visualizing

again and again the violence of the Greeks against her people. In so doing, she

refuses to grant forgiveness to Pyrrhus and to exit the cycle of revenge. Caught in an

impossible dilemma—saving her son by wedding her worst enemy or being faithful

to the memory of her dead husband and Troy—she reaches the ultimate tragic

‘‘moment’’ when she finally accepts her tarnished reputation of fidelity by quietly

agreeing to be perceived as the faithful widow of Pyrrhus at the end of the play.

Successful on the political front, she has to sacrifice her inner self, her identity as the

faithful widow of Hector, thus becoming a truly tragic heroine.

Keywords Racine � Andromaque � Tragic � Aristotle � Honor � Dilemma �Cycle of revenge

S. Natan (&)

Fine Arts 366, Rider University, 2083 Lawrenceville Road, Lawrenceville,

NJ 08648, USA

e-mail: [email protected]

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Neohelicon (2013) 40:245–260

DOI 10.1007/s11059-013-0190-0

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Si l’etalon pour mesurer le tragique etait le malheur, Andromaque pourrait tres

certainement pretendre au statut d’imperatrice tant son histoire, telle qu’elle nous est

parvenue du fin fond de l’Antiquite, est emplie de pathetique.1 Homere, dans

l’Iliade, a insiste sur son statut d’orpheline et sur la destruction de sa ville, Thebes,

ravagee par le fils de Tethys.2 Ayant subi son lot d’adversites dans la vie, son

mariage avec Hector aurait du logiquement marquer la fin de cette ere apocalyp-

tique. C’etait sans compter sur l’idee antique de l’instabilite du bonheur3 et de la

conception cyclique du temps. Troie reserve un destin similaire a Andromaque qui

se retrouve au milieu d’une nouvelle guerre, plus destructrice encore, et, de

nouveau, Andromaque est condamnee a perdre tout ce qui la definit et tout ce qui

fait son bonheur : son mari Hector (Iliade, liv. XXII), sa liberte (Euripide,

Andromaque) et son fils Astyanax (Euripide, Les Troyennes). Andromaque devient

alors l’antonomase de la douleur, une victime vivante des mefaits de la guerre,

vouee a descendre inlassablement plus bas dans le malheur, a « decouvr[ir] un

monde toujours plus barbare » (Delbee 1986, p. 9).

Racine conserve plusieurs traits de l’Andromaque antique : son personnage

incarne la fidelite conjugale et l’affliction. Cependant, au contraire d’Euripide,

Racine modifie le mythe antique en choisissant de prolonger la vie d’Astyanax, bien

que la vie de ce dernier ne tienne qu’a un fil (v. 1034), le fil de l’amour que Pyrrhus

ressent pour la veuve d’Hector. En outre, Racine opte pour l’image d’une

Andromaque fidele a son mari non seulement par le cœur mais par la chair. Ce

faisant, Racine attenue considerablement la misere d’Andromaque : elle n’est plus

l’esclave sans defense d’Euripide qui luttait pour conserver la vie au fils de Pyrrhus,

probablement issu d’un viol. En effet, comme nous l’indique Georges Forestier, les

bienseances externes, en conformite avec le gout du Grand Siecle, ne permettaient

pas qu’Andromaque soit releguee hors de son rang. Andromaque « est d’abord

princesse avant d’etre captive, contrairement a la litterature antique ou en devenant

captive elle cesse d’etre princesse », et « dans la tragedie du XVIIe siecle un roi n’a

pas de relation charnelle avec sa captive jusqu’a ce qu’il reussisse a la convaincre de

l’epouser » (1998, p. 49). Si l’Andromaque racinienne sort indubitablement

gagnante sur l’echelle sociale, elle ne perd en rien sur le plan du tragique, loin

s’en faut : prise entre deux feux, elle peut soit accepter de se marier avec l’assassin

des Troyens, Pyrrhus, soit refuser et, par la meme, signer l’arret de mort de son fils,

Astyanax. Ce dilemme, inconnu des sources antiques, est digne de Corneille,4 et il

1 Or, le pathetique differe du tragique. Dans la conception aristotelicienne de la tragedie, « il ne faut pas

que les gens de bien passent du bonheur au malheur », et, si on appliquait sa theorie a Andromaque, cette

derniere, de par son malheur non merite, n’evoquerait pas le tragique mais le pathetique pur, sa condition

n’inspirant pas la pitie mais l’ « horreur » (1883, p. 27).2 D’apres le livre VI de l’Iliade, Achille a tue le pere et les sept freres d’Andromaque lors du sac de

Thebes. Sa mere, apres un certain temps passe en captivite, a succombe sous « les fleches de

Diane » (1843, pp. 144–145).3 Les mythes grecs en sont une parfaite illustration : on pense notamment au destin d’Œdipe,

d’Hippolyte, d’Hecube, pour n’en citer que quelques-uns.4 En ce qui concerne les sources contemporaines de Racine en relation a ce dilemme, voir l’article de

Jean Rohou, « De Pertharite a Andromaque : Les enseignements d’une comparaison historique » (2000).

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permet a Racine d’inventer une intrigue apte a rivaliser avec les plus grandes

tragedies.5

Nonobstant, par un retournement de situation assez invraisemblable, la fin de la

piece donne l’impression d’echapper au tragique : le fils d’Andromaque et d’Hector

est proclame « roi des Troyens » (v. 1512), et, pour Troie, la ville entierement reduite

en cendres, tous les espoirs semblent a nouveau permis. Quant a Andromaque, elle

cesse d’etre esclave pour devenir la reine d’Epire, une souveraine legitime, respectee

et ecoutee de ses sujets (v. 1587–1588). Pour parachever le tableau, tous les opposants

a Andromaque sont neutralises : Pyrrhus est tue, Hermione se suicide, et Oreste

sombre dans la folie. Somme toute, Andromaque paraıt triompher et s’imposer.

Ce coup de theatre de Racine, qui deroge aux preferences d’Aristote qui prefere les

fins au « denouement malheureux » (1883, p. 29), a suscite diverses interpretations

de la piece qui s’expliquent par le fait que « the denouement itself constitutes perhaps

the drama’s most unsettling aspect » pour une tragedie (Muratore 1993, p. 57). Au vu

de cette fin qui rompt avec la tradition antique, certains critiques ont suggere que la

piece n’etait pas une vraie tragedie. C’est le cas de Harriet Stone pour qui « the play’s

resolution is not clearly tragic » (1984, pp. 424–425), et d’Oscar Mandel qui percoit

Andromaque comme « a prevented tragedy » (1961, p. 43), l’heroıne etant sauvee a la

fin de la piece. Albert Gerard va plus loin encore, consacrant tout un article pour mettre

en exergue que la piece pourrait etre rangee dans la categorie des tragi-comedies du

au « triomphe politique d’Andromaque » (1968, p. 36). Sa conclusion est on ne peut

plus limpide : « le destin d’Andromaque, en fin de compte, n’est pas tragique et

conduit a une issue favorable qui rompt la coherence de la piece » (1968, p. 34).6 En

refusant la classification de tragedie a la piece, ces critiques remettent en question le

statut d’heroıne tragique d’Andromaque, car tout un chacun coıncide sur le destin

tragique des trois autres protagonistes. Par son succes final, Andromaque perdrait une

particularite primordiale du heros tragique, a savoir le malheur, a meme d’inspirer « la

terreur et la pitie » (Aristote 1883, p. 27).

Pourtant, Racine, en depit des modifications apportees a sa piece, n’a jamais remis en

question la denomination de tragédie, et c’est la que le bat blesse pour nos critiques. Pour

contourner cette difficulte, d’autres critiques ont elu pour heros tragique, Pyrrhus. Par

exemple, Peter France signale que le caractere de Pyrrhus (« [v]iolent, mais

sincere » [v. 1085]) correspond a la description du heros tragique d’Aristote pour

lequel le heros tragique doit necessairement etre imparfait (1977, p. 32). Han Verhoeff

rencherit en indiquant que Pyrrhus serait fait de la meme etoffe que le heros par

excellence de la tragedie, Œdipe : « […] Andromaque serait tragique dans la rencontre

de la fatalite avec la liberte. Pyrrhus, comme Œdipe, ne fait pas que subir son malheur, il

l’organise lui-meme. Il y met du sien » (1986, p. 250). Pour John Phillips, elever Pyrrhus

au rang de personnage principal est la condition sine qua non pour sauver le

tragique : « One could argue therefore that, if the play is to be considered tragic at all,

5 Elliott Forsyth voit dans le dilemme un element clef et recurrent de la tragedie classique francaise : « […]

this use of the dilemma [dans La Mariane et Le Cid] or inner conflict as a tragic motif is the essential starting-

point of classical tragedy » (1983, p. 54).6 Notons que Gerard prend la definition de tragi-comédie au sens restreint qu’en donne le dictionnaire de

Littre en seconde entree : « Il s’est dit aussi d’une piece a denoument heureux ou il n’y a ni incidents, ni

personnages comiques » (1873, p. 2296).

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the tragedy is that of Pyrrhus […]. Given Hermione’s suicide and the survival of

Andromaque and Oreste, only Pyrrhus is struck down by Fate » (1993, p. 21). Steen

Jansen suit cette logique, si ce n’est qu’au lieu de Pyrrhus, il choisit Hermione pour

heroıne : c’est « Hermione [qui] a le role central » et « Andromaque […] un role

secondaire » (1967, pp. 85–86). S’il est vrai que tant Pyrrhus qu’Hermione presentent

des carrures de heros tragique, il n’en demeure pas moins que Racine avait la double

possibilite d’appeler son texte soit Pyrrhus soit Hermione ou encore d’en changer le

genre, ce qu’il n’a pas voulu faire. Rappelons-nous que sa piece est une tragedie qui a

pour titre… Andromaque. La presente etude entend donc prouver que l’Andromaque de

Racine a droit de cite au rang des heros tragiques et que son soi-disant triomphe du

dernier acte ne fait que maquiller le tragique de sa condition.

Avant toute chose, il nous faut revenir sur le denouement de la piece. La reussite

d’Astyanax y apparaıt incontestable : le dernier acte ne le depeint plus avec une

epee de Damocles au-dessus de sa tete, et il est retabli au rang de ses ancetres,

devenant « le roi des Troyens » (v. 1512). La periphrase lourde de sens reflete le

triomphe eclatant de Troie, l’enfant etant elu roi des Troyens et non des Epirotes :

son identite de fils d’Hector reste donc intacte, et c’est comme si la guerre de Troie

n’avait ete qu’une mauvaise parenthese de l’Histoire qui avait certes change pour

jamais le destin de son pere Hector, mais pas le sien, puisque Troie a la fin de

l’œuvre reunit tous les elements necessaires a son renouveau. La victoire

d’Andromaque aussi donne l’impression d’etre indiscutable :

Aux ordres d’Andromaque ici tout est soumis ;

Ils la traitent en reine, et nous comme ennemis.

Andromaque elle-meme, a Pyrrhus si rebelle,

Lui rend tous les devoirs d’une veuve fidele. (v. 1587–1590 ; nous soulignons)

Andromaque recouvre sa liberte physique. Mieux, elle atteint le sommet de la

hierarchie sociale devenant « reine », une reine qui detient le pouvoir ainsi que le

prouve l’usage de soumettre au passif, verbe qui a pour complement d’agent « aux

ordres d’Andromaque » . Dans ces deux premiers vers, se cree tout un champ lexical

du pouvoir dont Andromaque est clairement la beneficiaire. De surcroıt, elle est veuve,

ce qui ne fait qu’ajouter a sa liberte d’action : plus puissante qu’une reine est une reine

veuve, le veuvage etant synonyme de latitude de mouvements quasi absolue pour une

femme : « Widowhood is the period of a woman’s greatest liberty […]. If she is

childless, or her children are young, she is (temporarily) the oîkodespotès or (tyrannic)

head of the house. She is in control of not only the household finances, but also of her

body, being for the first time legally able to decide for herself whom, indeed, if, she will

(re)marry » (Menke 1997, p. 205). Andromaque devient donc maıtresse de son destin,

et les Grecs defaits n’ont d’autre alternative que la fuite. Ce succes d’Andromaque a

ete clairement mis en avant par la critique : J. D. Hubert (1954, p. 446) et Gerard (1968,

p. 36) parlent de son « triomphe » ; Gaston H. Hall (1974, p. 72), Reinhard Kuhn

(1979, p. 343), Timothy J. Reiss (2002, p. 36) utilisent l’equivalent anglais

de « triumph » pour decrire sa situation finale ; Lucien Goldman (1969, p. 358),

Lorraine K. M. Lawton (1989, p. 44) et Vassiliki Rapti (2003, p. 45) voient dans la fin

de la piece la « victoire » du personnage eponyme. Nous ne contestons ni la victoire

politique d’Andromaque ni celle de Troie qui en decoule. Cependant, pour Racine, le

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triomphe du politique sur les desirs de l’individu ne vaut pas grand-chose.

Andromaque ne deroge pas a cette regle.

D’un point de vue personnel, la fin de la piece comporte un echec retentissant pour

Andromaque. Certes, elle n’est pas controlee par ce desir de possession qui gouverne

les faits et gestes de Pyrrhus, d’Hermione et d’Oreste. Cependant, son bonheur et son

identite consistent a etre la digne veuve d’Hector. Or, les vers 1589–1590 viennent

rompre tout cela en la presentant en « veuve fidele » … de Pyrrhus ! Qu’Androm-

aque soit fidele n’a absolument rien de surprenant : la fidelite est a Andromaque ce

que la vaillance est a Achille. Neanmoins, dans le mythe, la fidelite d’Andromaque

est une fidelite a Hector et a Troie, nullement une fidelite a Pyrrhus. En changeant

d’objet de fidelite, Andromaque en deviendrait correlativement infidele. La question

qui se pose alors est de savoir si ces vers expriment vraiment la nouvelle realite

d’Andromaque. Plusieurs exegetes de Racine ont repondu par l’affirmative, jaugeant

qu’Andromaque etait sincere dans son role de « veuve fidele » de Pyrrhus : c’est la

position de Kuhn (1979, p. 344), d’Albert Cook (1981, p. 52), d’Antoine Soare

(1984, p.165), de Patrick Dandrey (1994, p. 138) et d’Anne M. Menke (1997, p. 212).

Avant eux, Roland Barthes etait alle jusqu’a assurer qu’Andromaque etait tombee

amoureuse de Pyrrhus. Pour lui, « Andromaque prend expressement la releve de

Pyrrhus. Pyrrhus mort, elle decide de vivre et de regner, non comme amante enfin

debarrassee d’un tyran odieux, mais comme veuve veritable, comme heritiere

legitime du trone de Pyrrhus. La mort de Pyrrhus n’a pas libere Andromaque, elle l’a

initiee : Andromaque a fait sa conversion, elle est libre » (1979, p. 80). Pour resorber

la difficulte que pose un tel changement d’attitude au regard de la psychologie

d’Andromaque, Dandrey pretend resoudre l’equation de la maniere suivante : « le

spectateur n’y [v. 1589–1590] lit plus en effet que l’accomplissement d’un devoir

funebre commande par l’exigence qui definit toute la conduite d’Andromaque, celle

de la fidélité aux morts » (1994, p. 138). Si l’on acceptait cette premisse, la situation

d’Andromaque serait moins tragique qu’elle ne l’est, malgre l’assassinat de son

nouvel epoux. Andromaque aurait desormais l’opportunite de realiser pleinement

son essence (« la fidélité aux morts » selon Dandrey) dans de bien meilleures

conditions que lors de son premier veuvage.

En remettant en question la veracite de ces vers ou Andromaque est depeinte

comme la « veuve fidele » de Pyrrhus (v. 1589–1590), nous pretendons modifier en

profondeur toute sa situation tragique. Tout d’abord, ce recit nous est rapporte de

maniere polyphonique par Pylade, et, a aucun moment, Andromaque ne se definit

comme la veuve de Pyrrhus, quoiqu’elle laisse implicitement les Epirotes croire a

sa « conversion » . Racine lui-meme, dans sa seconde preface, recuse cette eventu-

alite : « Andromaque ne connaıt point d’autre mari qu’Hector, ni d’autre fils

qu’Astyanax. J’ai cru en cela me conformer a l’idee que nous avons maintenant de

cette princesse. La plupart de ceux qui ont entendu parler d’Andromaque ne la

connaissaient guere que pour la veuve d’Hector et pour la mere d’Astyanax. On ne

croit point qu’elle doive aimer ni un autre mari, ni un autre fils » (Racine 1986c, p. 20).

Pour Racine, la loyaute d’Andromaque est pour Hector et non pour Pyrrhus. On peut

toujours argumenter qu’il s’agit ici du paratexte et que maintes prefaces ou

avertissements d’auteurs sont connus pour etre fortement sujets a caution (Pensom

2000, p. 415). Cependant, le texte introduit similairement Andromaque avec une

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identite tres forte, condensee a la perfection par la periphrase « la veuve d’Hec-

tor » qui revient plus de six fois dans la piece.7 Quoique Pyrrhus voie Andromaque

avec les yeux de l’amour, Hermione avec ceux de la jalousie, et Oreste avec ceux de

l’indifference, tous, sans exception, concordent sur son identite, en la designant par

la « veuve d’Hector » (Pyrrhus au vers 662, Hermione au vers 1320, et Oreste au vers

600).8 Si, pour des raisons evidentes, cette appellation convient a Hermione qui

cherche a tout prix a rattacher sa rivale a un autre homme, Pyrrhus n’a rien a gagner a la

definir de la sorte, si ce n’est qu’il s’agit ici d’un fait indiscutable.

Du reste, Andromaque ne nous a fourni aucun indice sur une eventuelle

inclination de sa part pour Pyrrhus. A contrario, elle s’est fortement appesantie sur

son amour pour Hector :

Par une main cruelle, helas ! j’ai vu percer

Le seul ou mes regards pretendaient s’adresser.

Ma flamme par Hector fut jadis allumee ;

Avec lui dans la tombe elle s’est enfermee. (v. 863–866)

L’insistance sur l’unicite de cet amour (« le seul ») temoigne qu’Andromaque ne

cherche pas a remplacer un epoux tant regrette (v. 262, 357, 652–654). Elle a

pleinement conscience que personne ne peut a ses yeux rivaliser avec le fils de

Priam, comme l’indique le « quel epoux encore » du vers 359, un epoux qui meme

reduit a l’etat de cendres signifie encore tellement pour elle, lui qu’elle qualifie

de « depouilles si cheres » (v. 946). D’ailleurs, tout son trop plein d’amour se

manifeste concretement dans sa maniere de le designer affectivement (« mon

Hector » [v. 336, 875] ; « Cher Hector » [v. 941]) et dans son farouche desir de

contempler son reflet en Astyanax (v. 279, 652–654). Plus encore, Andromaque

parle souvent d’Hector au present (v. 652–654, 924, 1048, 1098), et elle le designe a

plusieurs reprises par le terme d’époux (v. 654, 924, 1048, 1078, 1096, 1098) au lieu

de défunt époux, tant et si bien qu’Hector semble etre un personnage de la piece, ce

que Maurice Delcroix exprime en ces termes : « Elle [Andromaque] nous a des

longtemps accoutumes a la presence comme vivante d’Hector » (1967, pp. 32–33).

Pour elle, Hector revit non seulement au travers de son fils, mais dans sa propre

personne a elle, la symbiose d’Andromaque avec Hector etant complete (« un epoux

qui croit revivre en elle » [v. 1078]). Sa vision du couple illustre a merveille la

theorie de Platon des deux moities telle qu’il l’a developpee dans Le banquet.9

Face a Hector, Pyrrhus pese bien peu, et Andromaque lui denie jusqu’a la

fonction de comparant. Pour elle, songer a Pyrrhus en tant qu’egal d’Hector est une

7 La « veuve d’Hector » (v. 108, 662, 860, 1320) ; « cette veuve inhumaine » (v. 109) ; « sa ve-

uve » (v. 600).8 « Neither Oreste nor Hermione nor Pyrrhus feels ambiguous about her identity which is initially

defined by Pylade in terms of her past, ‘la veuve d’Hector’ » (Moravcevich 1976, p. 30).9 Racine connaissait bien ce mythe pour avoir partiellement traduit Le banquet de Platon. La citation

suivante est issue de sa propre traduction : « Chacun de nous n’est donc pas un homme parfait, mais

seulement une moitie de ce qu’il etoit originairement […]. Ces moitiez cherchent toujours leurs moitiez

[…]. Toutes les fois que quelqu’un rencontre sa moitie, il demeure saisi & agite d’une ardeur vehemente ;

& la separation d’un objet si cher, quand meme elle ne dureroit qu’un moment, lui est d’une douleur

insupportable » (1732, pp. 67–69).

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offense, comme elle le rappelle vivement a Cephise : « Quoi ? Je lui donnerais

Pyrrhus pour successeur ? » (v. 984). Les questions rhetoriques traduisent la revolte

face a une telle hypothese, releguee ipso facto dans le champ du ridicule et de

l’inconcevable. Cette difference, Andromaque ne la mentionne pas seulement

devant Cephise, mais aussi devant le principal interesse. En effet, en depit de sa

qualite de captive, Andromaque ne craint pas de pointer du doigt a Pyrrhus ses

defaillances qui l’excluent du domaine du heros. Ainsi lui reproche-t-elle, aux vers

306–310, son manque de valeurs chevaleresques et de magnanimite, lui qui refuse

de voler, sans contrepartie, au secours de la veuve et de l’orphelin :

Sauver des malheureux, rendre un fils a sa mere,

De cent peuples pour lui combattre la rigueur,

Sans me faire payer son salut de mon cœur,

Malgre moi, s’il le faut, lui donner un asile :

Seigneur, voila des soins dignes du fils d’Achille.

Pour Andromaque, Pyrrhus devrait tenter d’egaler Achille, faute de pouvoir le surpasser.

Son pere, pour le moins, savait faire preuve de clemence envers les vaincus (« Jadis

Priam soumis fut respecte d’Achille » [v. 938]). Toutefois, que l’on ne s’y trompe guere,

pour Andromaque, quand bien meme Pyrrhus egalerait Achille, il resterait encore

inferieur a Hector : « Sa mort [d’Hector] seule a rendu votre pere [Achille] immortel. / Il

doit au sang d’Hector tout l’eclat de ses armes » (v. 360–361). D’ailleurs, nul ne se paye

le luxe de contester la valeur d’Hector, pas meme ses ennemis : Hector est le seul

personnage de la piece qui ne se voit pas defini par des periphrases negatives. Par

opposition a Hector, Pyrrhus est determine par nombre de periphrases qui mettent en

exergue ses defauts, etant le personnage le plus insulte de l’œuvre. Pour Andromaque, il

est un « roi barbare » (v. 1029), « [v]iolent » (v. 1085), et il est « [l]e cruel » (v.

1034), substantif qui n’est pas a prendre ici dans sa terminologie galante, mais au sens de

cruauté, de personne qui se plaıt a faire souffrir (gratuitement) les autres.10 Selon

Andromaque, il n’est pas digne d’appartenir a l’univers des heros, du monde civilise.11

Dans un tel contexte, on peut affirmer qu’Andromaque ne possede aucun penchant

secret pour Pyrrhus. Qui plus est, d’apres Cleone, confidente d’Hermione, si

Andromaque etait amoureuse de Pyrrhus, elle n’aurait eu aucune raison de s’en cacher :

Et qu’un cœur accable de tant de deplaisirs

De son persecuteur ait brigue les soupirs ?

Voyez si sa douleur en paraıt soulagee.

Pourquoi donc les chagrins ou son ame est plongee ?

Contre un amant qui plaıt pourquoi tant de fierte ? (v. 451–455)

10 « La ‘cruaute’, terme recurrent dans la piece, n’est plus un topos du discours amoureux, mais designe

precisement le desir de faire souffrir l’autre, avoue sans ambages par chacun des trois protagonistes en

proie a la passion : Pyrrhus, Hermione et Oreste » (Henin 2006, p. 80).11 Les propos de R.-L. Etienne Barnett sur l’homme racinien correspondent a la perfection a

Pyrrhus : « L’homme racinien existe, en effet, (sans qu’il n’y puisse rien) entre l’hebetude et le delire

dans un etat curieusement indefinissable : l’etat d’un medium possede par une espece d’esprit malfaisant

qui paraıt s’etre empare de la presque totalite de ses facultes » (1999, p. 158).

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Cleone ridiculise, en quelques mots, toute possibilite d’un interet inavoue

d’Andromaque pour Pyrrhus, si tant est que l’on y croyait encore.

En acceptant qu’on lui assigne, a tort, l’etiquette de « veuve fidele » de Pyrrhus,

Andromaque rentre dans le tragique a grands pas. Dans le dessein de sauver

Astyanax, elle accepte de sacrifier son titre inestimable de « veuve d’Hector » .

Rapti, sur ce point, a cerne avec justesse la situation d’Andromaque : « […] elle

doit sauver les apparences afin de garder comme allies les habitants de l’Epire qui

lui assureront sa victoire » (2003, p. 45). Autrement dit, Andromaque n’est en

mesure de conserver le pouvoir et de se venger des Grecs que sous le nom

de « veuve fidele » de Pyrrhus. Les Epirotes accepteront de l’aider uniquement

pour reparer la mort de leur souverain, certainement pas pour celle d’Hector,

l’ancien ennemi public numero un. Selon Corneille, dans son « Discours de l’utilite

et des parties du poeme dramatique », le tragique provient du conflit entre l’interet

de l’Etat et l’amour, et, pour le canaliser, il faut que l’amour « se contente du

second rang dans le poeme » (1963, p. 824). Dans le cas d’Andromaque, il s’agit de

l’opposition entre l’interet de Troie (le politique) et ses revendications personnelles

(etre fidele a elle-meme), c’est-a-dire conserver son image de veuve d’Hector. Pour

elle, ce nom de « veuve d’Hector » va de pair avec sa fierte (v. 913–914).12 Ayant

tout perdu, sa fierte est son refuge, sa liberte interieure. Cependant, la fierte

d’Andromaque n’est pas l’amour-propre des moralistes francais du XVIIe siecle ou

la « libido dominandi » dont parlait Pascal au fragment 460 des Pensées (1991, p.

368) en paraphrasant saint Augustin. Cette fierte symbolise ce qu’Andromaque doit

a Troie en se comportant en princesse troyenne, fierte plus ferme peut-etre encore

que son amour pour Hector, comme le met en exergue l’ordre de l’enumeration des

vers suivants qui vont du moins important au plus essentiel : « Et, sauvant ma vertu,

rendra ce que je doi / A Pyrrhus, a mon fils, a mon epoux, a moi » (v. 1095–1096).

Avec ces vers, l’Andromaque de Racine se revele paradoxalement tres cornelienne :

de meme qu’une Chimene qui aurait renonce a defendre l’honneur de son pere

n’aurait pas pu etre digne de Rodrigue, de meme Andromaque en echangeant son

titre de veuve d’Hector n’aurait pas ete digne de Troie. Son dilemme est des lors

sans issue, puisque, contrairement a Chimene, l’alternative pour Andromaque n’est

pas seulement entre le devoir et la passion, mais entre deux devoirs.13 Le premier est

d’assurer la survie de Troie a travers Astyanax (v. 1027–1028, 1045–1046) afin de

repondre aux exigences implicites d’Hector et de tous les Troyens. Le second

consiste a etre a la hauteur d’une princesse troyenne (v. 1077–1080) en transmettant

des valeurs exemplaires (et vecues) a Astyanax, a savoir les valeurs du monde

homerique, ou, pour reprendre un contexte plus contemporain de Racine, celles de

l’univers cornelien ou l’honneur vaut autrement plus que la vie.14 Andromaque opte

12 Ronald W. Tobin estime que cette fierte est plus forte que son amour maternel : « […] Racine infuses

into his Andromaque a high sense of self-esteem that conflicts with her maternal obligations. Her choice

of self over son reveals her priorities » (2003, p. 318).13 Gerard a lui aussi attire l’attention sur le caractere cornelien du dilemme auquel Andromaque doit faire

face : « perdre son fils ou trahir la memoire de son epoux » (1968, p. 33).14 Nous partageons ici la conclusion de William A. Mould : « In Andromaque’s eyes, she is not dragging

Astyanax down into ruin with her when she refuses Pyrrhus’ help, but rather pulling him up into a heroic

universe where life and death are of little importance. […] it is because she must be an example that

252 S. Natan

123

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pour la continuation de Troie : « Il est du sang d’Hector, mais il en est le reste ; / Et

pour ce reste enfin j’ai moi-meme en un jour / Sacrifie mon sang, ma haine et mon

amour » (v. 1122–1124). Par ce choix, elle vient de porter atteinte a son essence, et

son pire cauchemar devient realite, ce qu’elle presentait comme une aberration au

vers 1077 : « Andromaque infidele » . La victoire materielle concretise son « tri-

omphe » politique, mais d’un point de vue personnel—le seul qui compte dans

l’univers tragique de Racine—, elle fait son malheur. Racine n’est pas Corneille, et

le devoir (l’interet collectif) n’est aucunement en mesure de compenser les

necessites profondes de l’etre. Nous sommes par consequent en desaccord avec

Goldmann pour qui Andromaque « n’est cependant plus tragique lorsque, decidant

d’accepter, avant de se tuer, le mariage avec Pyrrhus, elle ruse avec le monde pour

transformer sa victoire morale en victoire materielle qui lui survivrait » (1969, p.

358). Pour nous, c’est precisement cette ruse avec le monde qui fait le tragique

d’Andromaque. Nous rejoignons en l’occurrence les propos de Mould pour qui la fin

de la piece reste une tragedie : « […] Andromaque does not survive unscathed ; her

tragedy is perhaps greater than mere death. It is the mother’s sacrifice of her ideal,

her debasement, her compromise which may be viewed as the moral tragedy of

Andromaque » (1975, p. 565). En effet, sans qu’elle n’ait ete—ou n’ait eu

l’intention d’etre—infidele, restent ces vers assassins que nous citons pour la

seconde fois : « Andromaque elle-meme, a Pyrrhus si rebelle, / Lui rend tous les

devoirs d’une veuve fidele » (v. 1589–1590). « Fidele » ici raisonne comme

infidèle a Troie, a Hector, a l’essence d’Andromaque. Aux critiques qui ont

interprete ces deux vers au sens litteral, sans comprendre que la vie de son fils ne

devenait possible que si elle faisait croire, dans une ruse ultime, qu’elle est

desormais la « veuve fidele » de Pyrrhus, elle aurait pu dire ces propos qu’elle

exprimait a Cephise qui s’imaginait qu’elle puisse oublier Hector : « Mais j’ai cru

qu’a mon tour tu me connaissais mieux » (v. 1076). Le tragique d’Andromaque

repose donc sur son acquiescement silencieux a l’idee que le mythe vienne jeter

l’ombre du doute et de la suspicion sur son personnage. De surcroıt, la disparition

sur scene d’Andromaque au dernier acte est lourde de sens : cette absence

concretise sa resolution de s’effacer au profit du maintien de Troie dans l’Histoire,

elle symbolise en quelque sorte son suicide moral.15 Comme le dit justement

Barnett, dans le « [d]enouement doublement tragique : la parole tue, et elle est

tuee » (1999, p. 181). Le tragique pour Andromaque naıt du fait que la fin de la

piece la prive de tout ce qui constituait son moi interieur : une Troyenne fiere qui

refusait d’octroyer une quelconque concession a ses ennemis. Son devouement pour

Hector garantissait l’image de perfection de son mari et amplifiait la force de

l’heritage troyen pour son fils. En privilegiant le pragmatique sur l’absolu,

Andromaque a accepte de « se salir les mains » pour reprendre l’expression de

Sartre (1972, p. 129), et elle a renverse l’ordre des choses, l’ordre d’importance des

Footnote 14 continued

Andromaque may not weaken, may not succumb to Pyrrhus. She equates herself with Hector ; she must

then show herself as noble and heroic as he » (1975, p. 564).15 Notre interpretation de cette absence d’Andromaque au dernier acte differe de celle d’Ian McFarlane.

Pour lui, ce faisant, Racine « had decided to respect the legend that stresses Andromaque’s loyalty to

Hector » (1982, p. 109).

Andromaque de Racine, vraie fausse heroıne tragique ? 253

123

Page 10: Andromaque de Racine, vraie fausse héroïne tragique ?

choses : elle rend (en apparence) ce qu’elle doit a Pyrrhus pour favoriser le triomphe

de son fils, mais elle porte atteinte a la memoire d’Hector en se reniant elle-meme.16

Oreste enoncait au vers 826 que « [c]hacun peut a son choix disposer de son ame »,

phrase qui apparaissait d’une ironie cinglante pour lui-meme, Hermione et Pyrrhus,

bien qu’elle semblat epargner Andromaque. Il n’en est rien. Eux, au moins, avaient

la possibilite de controler leur passion, a defaut de pouvoir decider de qui ils

tombaient amoureux. Andromaque n’a pas eu d’option, et c’est cette impossibilite

de choisir qui fait son tragique, le vrai heros tragique etant par nature voue a l’echec.

Cela etant dit, l’Andromaque de Racine n’est pas l’Andromaque de l’Antiquite

qui de par sa perfection morale et sa misere se retrouvait bannie du tragique pour

envahir le champ du pathetique. Selon Aristote, le heros tragique a necessairement

une part de responsabilite dans son malheur, du a « une certaine erreur qu’il

commet pendant qu’il est en pleine gloire et en pleine prosperite ; tels, par exemple,

Œdipe, Thyeste et d’autres personnages celebres, issus de familles du meme

rang » (1883, p. 28). Pour le disciple de Platon, le heros tragique est humain, c’est-

a-dire imparfait, ce que Racine, paraphrasant Aristote dans sa premiere preface,

resume en des etres qui ne sont « ni tout a fait bons, ni tout a fait

mechants » (1986b, p. 16). Or, precisement, l’Andromaque antique est miserable

sans avoir aucune part dans son infortune. Qui plus est, elle ne peut pas etre accusee

d’hybris ‘demesure’, peche par excellence dans l’univers tragique, elle qui a

toujours conscience de la fragilite du bonheur.17 A contrario, l’Andromaque de

Racine, elle, n’est plus un modele de perfection. Pour Tobin, ses imperfections la

rendent plus humaine (2003, p. 331). Pour nous, comme nous allons le voir, ces

imperfections en font un personnage tragique qui appartient totalement au monde

de « la demolition du heros »18 ou l’honneur passe au second plan.

Bien que l’Andromaque racinienne choisisse de suivre son devoir en assurant la

perennite de Troie, elle ne se laisse pas enfermer pour autant dans la prison de

l’honneur. Cornelienne dans sa volonte de defendre l’interet commun, elle se revele

neanmoins tres proche de Machiavel de par sa facon de mener a terme sa mission.

L’on a vu qu’Andromaque avancait masquee et avait renie sa propre personne pour

assurer le succes de son fils. Toutefois, cela n’est rien en comparaison de ce dont

elle avait deja ete capable auparavant. Pour sauver Astyanax, elle n’a pas beaucoup

tergiverse avant de sacrifier un enfant innocent qui n’etait pas le sien :

J’apprends que pour ravir son enfance au supplice

Andromaque trompa l’ingenieux Ulysse,

Tandis qu’un autre enfant, arrache de ses bras,

Sous le nom de son fils fut conduit au trepas. (v. 73–76)

16 Pour nous, Rapti a mecompris la fin de la piece lorsqu’il ecrit : « Racine fortifie Andromaque en la

montrant doublement veuve : elle reste pure apres son mariage de Pyrrhus, fidele a son premier epoux,

tout en gardant ses avantages. Elle met ses atouts de reine en scene en entreprenant sa vengeance contre

les Grecs. En meme temps, elle rend service a Pyrrhus, puisque ce dernier est devenu son allie, en se

revoltant contre les Grecs » (2003, p. 45).17 Hecube, dans la tragedie du meme nom d’Euripide, nous a deja mis en garde contre l’hybris : « Ceux

qui ont en main le pouvoir, doivent craindre d’en abuser ; s’ils sont heureux, qu’ils ne se flattent pas de

jouir d’une constante prosperite » (1840, p. 25).18 Nous empruntons la formule a Paul Benichou (1976, p. 155).

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Pour etre certain que cette information n’est pas passee inapercue, Racine la repete

aux vers 221–223. Avec cette episode, Racine veut assurement justifier la survie

d’Astyanax, mais il redefinit egalement l’Andromaque antique : de symbole de

fidelite, elle devient un etre humain, prete a tout pour parvenir a ses fins. Stendhal

avait deja mis en evidence le caractere impitoyable de l’Andromaque racinienne qui

n’avait pas recule devant l’idee de faire « tuer un autre enfant pour sauver son

Astyanax. […] Cet autre enfant avait pourtant une mere aussi, qui aura

pleure » (1854, p. 125).

Cette absence de scrupules d’Andromaque ne forme pas un incident singulier.

Acculee a adopter Pyrrhus pour mari ou a laisser mourir Astyanax, Andromaque

trouve une echappatoire par l’intermediaire de ce qu’elle appelle son « innocent

stratageme » (v. 1097) et qui constitue avec raison un oxymoron.19 Par son « inno-

cent stratageme », elle fait preuve d’un sens de l’honneur qui aurait fait rougir de

honte les heros corneliens en offrant a Pyrrhus un marche de dupes, car elle ne pense

aucunement respecter sa part du contrat : pour avoir sauve l’enfant, Pyrrhus n’aura

une epouse que de nom et un cadavre a deposer dans son lit.

En outre, Andromaque, qui se pose en championne des valeurs heroıques devant

Pyrrhus et Hermione auxquels elle donne des lecons,20 se moque bien dans les faits

de la magnanimite qu’elle semblait pourtant tant admirer chez Achille (v. 938).

Ainsi, elle-meme n’est guere disposee a pardonner le sac de Troie a ses ennemis.

Sans prendre le temps de la reflexion, elle rejette l’offre d’un Pyrrhus repenti qui lui

proposait de reparer ses torts au-dela de toute esperance :

Je vous rends votre fils, et je lui sers de pere ;

Je l’instruirai moi-meme a venger les Troyens ;

J’irai punir les Grecs de vos maux et des miens.

Anime d’un regard, je puis tout entreprendre :

Votre Ilion encor peut sortir de sa cendre ;

Je puis, en moins de temps que les Grecs ne l’ont pris,

Dans ses murs releves couronner votre fils. (v. 326–332)

Pour Cephise, le deni d’Andromaque face a une telle volonte de faire amende

honorable est insense, et Hector lui-meme, le chantre de l’heroısme, serait le

premier a revendiquer ce mariage entre Andromaque et Pyrrhus : « Madame, a

votre epoux c’est etre assez fidele : / Trop de vertu pourrait vous rendre criminelle. /

Lui-meme il porterait votre ame a la douceur » (v. 98–983). La proposition de

Pyrrhus irait parfaitement dans le sens d’une heroıne cornelienne qui, pour le bien

19 Le dessein d’Andromaque consiste a epouser Pyrrhus pour assurer la survie de son fils et a se tuer

avant la consommation du mariage, ce qui lui aurait permis de rester loyale a la memoire d’Hector.

Nous ne reviendrons pas sur l’(in)efficacite de cet « innocent stratageme » qui a ete largement

debattue. Le lecteur interesse pourra se referer aux analyses de Mould (1975), d’Hubert (1954, pp. 447–

448), de David Shaw (1975, pp. 210–211) et de Stone (1989, p. 289).20 Aux vers 873–875, Andromaque rememore a Hermione que, dans le monde de l’heroısme homerique,

une dette familiale se paye, et la vie d’une mere vaut bien celle d’un fils : « Helas ! lorsque lasses de dix

ans de misere, / Les Troyens en courroux menacaient votre mere, / J’ai su de mon Hector lui procurer

l’appui. »

Comme nous l’avons deja mentionne plus haut, Andromaque tance aussi Pyrrhus sur ses manquements

a ses devoirs de heros (v. 306–310).

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de l’Etat, renoncerait a ses propres interets et pardonnerait a un ennemi empli de

remords.21 Nonobstant, tout au long de la piece, Andromaque hait et veut continuer

a haır par fidelite au passe. Il est important de relever que parmi les vingt-huit

apparitions du mot haine, sept sont en relation avec Andromaque (v. 110, 663, 694,

921, 1030, 1058, 1124), ce qui represente le plus grand usage parmi tous les

protagonistes.22 A l’interieur des vingt-deux occurrences de haïr, sept sont encore

apparentees avec Andromaque (v. 312, 686, 917, 922, 956, 1030, 1439). Sans

surprise, toutes ces occurrences de haine/haïr ont pour objet Pyrrhus, symbole pour

Andromaque du Grec, de celui qui a contribue au massacre des Troyens et qu’elle

percoit comme « the allegorical embodiment of Hellenic destruction » (Muratore

1993, p. 61). Cette haine, qui ne se manifeste verbalement qu’en presence de

Cephise, Andromaque la porte de maniere expressive sur son visage a un degre tel

que tout un chacun peut la percevoir, et ce, qu’il s’agisse de Pyrrhus (v. 663, 694,

921), de Pylade (v. 110) ou encore de Cephise (v. 1058). En optant pour la haine,

Andromaque n’echappe pas a l’incoherence des heros raciniens. En effet, ces

derniers sont illogiques en ce qu’ils desirent que l’autre les aime alors qu’ils sont,

quant a eux, incapables de controler un tant soit peu leur passion. Andromaque est

pareillement irrationnelle puisqu’elle compte sur les autres protagonistes pour se

conformer aux valeurs homeriques, alors qu’elle-meme les foule aux pieds. Comme

le dit si justement Shaw, « a large proportion of the tragic elements in Andromaquecould be said to stem from undue faith in the heroic tradition : all the characters

assume that the others will observe the heroic conventions whereas, in reality, all

their reactions are more or less self-centred » (1975, p. 210).

Andromaque alimente sa haine par une visualisation constante des souvenirs du

sac de Troie. Cette haine fait d’Andromaque une heroıne tragique en ce qu’elle ne

peut (et ne veut pas) sortir du cercle de la vengeance et de la guerre. Face a une

Cephise pragmatique qui croit que sa maıtresse devrait se marier avec Pyrrhus pour

regagner son lustre d’antan, Andromaque n’a de cesse de se rememorer le passe.

Avec une vivacite frappante et a plusieurs reprises, Andromaque recree par ses

paroles les plus belles hypotyposes de l’histoire du theatre de Racine (v. 928–931,

993–1005). Pour Andromaque, le plus grand crime est l’oubli, oubli qui la revolte et

la scandalise, comme le prouvent les anaphores de « dois-je les oublier » qui

introduisent autant de questions rhetoriques dans les vers suivants :

Dois-je les oublier, s’il ne s’en souvient plus ?

Dois-je oublier Hector prive de funerailles,

Et traıne sans honneur autour de nos murailles ?

Dois-je oublier son pere a mes pieds renverse,

Ensanglantant l’autel qu’il tenait embrasse ? (v. 992–996)

21 «The discourse of wisdom might well, as Cephise argues […], justify Andromaque’s marriage to

Pyrrhus because this would not only spare her, but would also grant Hector the greatest victory under the

circumstances. Nothing in the play suggests that the appropriate behavior for Andromaque would be for

her to sacrifice either her son or herself » (Stone 1989, p. 292).22 Michaela Sambanis a souligne qu’ « Andromaque se distingue des autres tragedies par la frequence

des termes de haine et de haïr qui apparaissent ici, avec 28 et 22 emplois, plus frequemment

qu’ailleurs » (2003, p. 41). Cependant, elle ne mentionne pas qu’Andromaque est celle qui utilise le plus

le mot haine.

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L’oubli, qui pour Andromaque equivaudrait au pardon, est impensable :

Songe, songe, Cephise, a cette nuit cruelle

Qui fut pour tout un peuple une nuit eternelle.

Figure-toi Pyrrhus, les yeux etincelants,

Entrant a la lueur de nos palais brulants,

Sur tous mes freres morts se faisant un passage,

Et de sang tout couvert echauffant le carnage.

Songe aux cris des vainqueurs, songe aux cris des mourants,

Dans la flamme etouffes, sous le fer expirants.

Peins-toi dans ces horreurs Andromaque eperdue. (v. 997–1005)

La rime « cruelle »/« eternelle » (v. 997, 998), precedee de la repetition

de « nuit » (v. 997, 998), demontre que ce souvenir ne peut et ne doit pas s’effacer.

Ce refus de l’oubli prend toute sa force avec le « Songe, songe » du vers

997, modalite imperative a l’adresse non pas tant Cephise que de sa propre

personne. Ce veritable devoir de memoire du passe est energiquement marque par

l’epizeuxe (« Songe, songe » [v. 997]), puis par l’anaphore de « Songe » (v. 997,

1003) et, enfin, par l’epanaphore de nouveau de « songe » au vers 1003. Tragique

dans son refus du compromis, Andromaque embrasse des positions radicales qui la

transportent dans le domaine froid et intransigeant de l’absolu, absolu digne de

l’Antigone d’Anouilh, un univers ou la question que Pyrrhus presente de maniere

oratoire— « Peut-on haır sans cesse ? et punit-on toujours ? » (v. 312)—n’en

semble soudain plus du tout evidente. Refusant de (re)fermer le cycle de la

vengeance, Andromaque ne peut atteindre l’ataraxie, et Racine ne nous a pas

directement eclaires sur le futur d’Andromaque et de son fils a la tombee du rideau.

Astyanax est nomme a la fin par la periphrase « le roi des Troyens » (v. 1512), ce

qui laisse entendre que la guerre continuera, et la piece se termine sur l’image d’une

Andromaque vengeresse 23:

Andromaque elle-meme, a Pyrrhus si rebelle,

Lui rend tous les devoirs d’une veuve fidele,

Commande qu’on le venge, et peut-etre sur nous

Veut venger Troie encore et son premier epoux. (v. 1589–1592)

Le modalisateur « peut-etre » (v. 1591), suppose laisser planer un doute, agit

davantage comme une epanorthose qui sonne plus juste aupres du spectateur/lecteur.

Par son attitude vengeresse, Andromaque se rapproche de plus en plus du heros

tragique aristotelicien qui, rappelons-le, se doit d’etre en partie responsable de son

malheur. Dans ces conditions, nous ne pouvons accepter les propos suivants de

23 Notre conclusion s’oppose a celle de Phillips (« Of all the protagonists, she [Andromaque] alone is

morally fit to become monarch, able eventually to inspire leadership and restore political stabil-

ity » [1993, p. 17]) et de Verhoeff pour qui Andromaque « a renonce meme a la vengeance » (1986, p.

239). En revanche, nous sommes en accord avec Ray Bach qui, a la lecture des vers 1589–1592,

ecrit : « What are we to deduce from these lines ? That Andromaque has let herself be drawn back into

the ‘old order,’ the order of revenge ? Or that Pylade, still caught in the old order, is incapable of

imagining that Andromaque will not seek revenge ? At the very least there is an ambiguity here

[…] » (1992, p. 18). Nous penchons pour sa premiere hypothese : pour nous, Andromaque ne s’etait

jamais eloignee du cycle de la vengeance.

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Gerard pour qui « [i]l n’y a qu’un juste dans la piece, et ce juste est Andromaque

elle-meme. […] Elle seule a des valeurs » (1968, pp. 32–33). Nous differons aussi

de la vision de M. J. O’Regan, pour qui « ‘la veuve d’Hector’ alone reaches the

stature of the heroes of the Trojan war » (1962, p. 16), ou encore de celle de Jean-

Pierre Landry qui percoit en Andromaque un « personnage pur » (2000, p. 75).

Pour nous, Andromaque, loin d’etre un pur esprit, est cette creation de Racine qui

annonce deja sa Phedre pour laquelle la fin justifierait les moyens.

Somme toute, Andromaque incarne une heroıne tragique d’un genre nouveau,

melange hybride et etrange d’une heroıne cornelienne et d’une victime tragique

racinienne. En lutte pour sauver son fils et, a travers lui, l’immortalite de Troie dans

l’Histoire, elle est un personnage qui independamment de tous ses efforts et de ses

decisions n’a pu—et n’aurait pas pu—echapper au tragique. En avancant masquee

et en sacrifiant sa legende pour obtenir le triomphe politique de Troie, Andromaque

se doit de renoncer a elle-meme et aux valeurs heroıques. Elle connaıt mieux que

quiconque le prix de la guerre, et elle sait qu’au jeu de l’heroısme et de l’honneur il

n’y a que des perdants. Le grand vainqueur de la guerre de Troie n’est pas Achille,

mais Ulysse « fertile en ruses » (Homere 1843, pp. 177, 213, 251). Le tragique

reside en cette faillite du monde homerique (cornelien) qui ne peut resister a une

confrontation avec le reel.

Plus humaine, pas tout a fait innocente, Andromaque cumule toutes les

caracteristiques du heros tragique requises par Aristote. Dans sa premiere preface,

Racine ne cachait pas son agacement face au gout de quelques doctes de son siecle

qui, en parlant de Pyrrhus et de sa violence, « voudraient qu’on reformat tous les

heros de l’Antiquite pour en faire des heros parfaits » (1986b, p. 16). Racine est alle

plus loin en réformant aussi les heros parfaits de l’Antiquite, telle Andromaque pour

en faire un etre de chair et de sang. Cependant, cette humanisation du personnage se

paye au prix fort, Racine ayant prete a son heroıne un sort pire encore que celui que

prevoyait Homere dans l’Iliade au livre VI ou Hector avait une vision du futur

d’Andromaque :

[…] cette affreuse pensee, qu’un jour un Grec t’entraınera tout en pleurs dans

sa patrie apres t’avoir ravi la liberte ; que dans Argos tu tisseras la toile sous

les ordres d’une femme etrangere, et que, contrainte par la dure necessite, tu

porteras malgre toi l’eau des fontaines de Messeide ou d’Hyperee ! Alors, en

voyant couler tes larmes, on dira :—Voici l’epouse d’Hector, de ce vaillant

heros qui l’emportait sur tous les Troyens lorsqu’ils combattaient autour des

murailles d’Ilion !—C’est ainsi qu’on parlera. Ces mots reveilleront ta douleur

et te feront regretter de n’avoir plus ton epoux pres de toi pour briser les liens

de la servitude ! (1843, p. 146)

Meme au plus fort des souffrances entrevues, l’Andromaque antique restait pour

jamais l’epouse d’Hector. Aristote pensait qu’une bonne tragedie devait « produire

la surprise » (1883, p. 60). Racine a reussi sa surprise, et le plus grand coup de

theatre dans sa piece vient probablement du changement de denomination

d’Andromaque de « veuve d’Hector » (v. 108, 662, 860, 1320) a « veuve fid-

ele » de Pyrrhus (v. 1590).

258 S. Natan

123

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