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Le Praticien en anesthésie réanimation (2013) 17, 77—83 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com MISE AU POINT Anémie périopératoire : nouveau paradigme Perioperative anemia: New paradigm Sigismond Lasocki a,,b,c,1 , Emmanuel Rineau a,b,c , Aurélie Chaudet a,b,c , Laurence Carlier a,b,c a Pôle d’anesthésie-réanimation chirurgicale, université d’Angers, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex 9, France b Université Nantes-Angers-Le-Mans (Lunam) : pôle de recherche et d’enseignement supérieur, immeuble Manny, 19, bis rue La-Nouë-Bras-de-Fer, 44200 Nantes, France c Université d’Angers, 40, rue de Rennes, BP 73532, 49035 Angers cedex 01, France MOTS CLÉS Anémie ; Hémorragie peropératoire ; Transfusion Résumé L’anémie et la transfusion sont fréquentes en périopératoire et sont des facteurs de morbi-mortalité augmentée. Il est donc important de mettre en place une stratégie, permettant d’en limiter la fréquence. Cette stratégie repose sur une correction de l’anémie préopératoire (basée sur les traitements par le fer, avec ou sans agent stimulant l’érythropoïèse), la ges- tion des pertes sanguines peropératoires et une réflexion sur l’indication de la transfusion individualisée. © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Anemia; Peroperative haemorrhage; Blood transfusion Summary Anemia and blood transfusion are risk factors of perioperative morbidity and mor- tality. There is, consequently, a need for preventive measures. Preventive strategies include preoperative correction of anemia (iron supplementation and erythropoiesis stimulating agent), of preoperative haemorrhage and a decision to provide blood products adapted to each patient’s condition. © 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Introduction Les dernières recommandations de la Société franc ¸aise d’anesthésie et de réanimation (Sfar) recommandations formalisées d’experts 2012 concernant les examens complémentaires préopératoires ont confirmé la nécessité de réaliser un hémogramme en préopératoire de chirurgie Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Lasocki). 1 Photo. majeure : « Lors d’une intervention à risque intermédiaire ou élevé, quel que soit l’âge, il est recommandé de prescrire un hémogramme avant l’acte pour son caractère pronostique ou d’aide à l’élaboration d’une stratégie transfusionnelle » [1]. Ainsi, le rôle potentiellement néfaste de l’anémie en périopératoire et la nécessité d’une prise en charge spéci- fique sont mis en avant. Dans les lignes qui suivent, nous reviendrons sur la prévalence de l’anémie périopératoire et sur son facteur pronostique, mais aussi sur les mesures préventives et correctives à prendre. 1279-7960/$ see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2013.01.008

Anémie périopératoire : nouveau paradigme

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Page 1: Anémie périopératoire : nouveau paradigme

Le Praticien en anesthésie réanimation (2013) 17, 77—83

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

MISE AU POINT

Anémie périopératoire : nouveau paradigme

Perioperative anemia: New paradigm

Sigismond Lasockia,∗,b,c,1, Emmanuel Rineaua,b,c,Aurélie Chaudeta,b,c, Laurence Carliera,b,c

a Pôle d’anesthésie-réanimation chirurgicale, université d’Angers, CHU d’Angers, 4, rueLarrey, 49933 Angers cedex 9, Franceb Université Nantes-Angers-Le-Mans (Lunam) : pôle de recherche et d’enseignement supérieur,immeuble Manny, 19, bis rue La-Nouë-Bras-de-Fer, 44200 Nantes, Francec Université d’Angers, 40, rue de Rennes, BP 73532, 49035 Angers cedex 01, France

MOTS CLÉSAnémie ;Hémorragieperopératoire ;Transfusion

Résumé L’anémie et la transfusion sont fréquentes en périopératoire et sont des facteurs demorbi-mortalité augmentée. Il est donc important de mettre en place une stratégie, permettantd’en limiter la fréquence. Cette stratégie repose sur une correction de l’anémie préopératoire(basée sur les traitements par le fer, avec ou sans agent stimulant l’érythropoïèse), la ges-tion des pertes sanguines peropératoires et une réflexion sur l’indication de la transfusionindividualisée.© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDS Summary Anemia and blood transfusion are risk factors of perioperative morbidity and mor-

Anemia;Peroperativehaemorrhage;

tality. There is, consequently, a need for preventive measures. Preventive strategies includepreoperative correction of anemia (iron supplementation and erythropoiesis stimulating agent),of preoperative haemorrhage and a decision to provide blood products adapted to each patient’s

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Blood transfusion condition.© 2013 Elsevier Masson SAS.

Introduction

Les dernières recommandations de la Société francaised’anesthésie et de réanimation (Sfar) — recommandations

formalisées d’experts 2012 concernant les examenscomplémentaires préopératoires — ont confirmé la nécessitéde réaliser un hémogramme en préopératoire de chirurgie

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (S. Lasocki).

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1279-7960/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droitshttp://dx.doi.org/10.1016/j.pratan.2013.01.008

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ajeure : « Lors d’une intervention à risque intermédiaireu élevé, quel que soit l’âge, il est recommandé derescrire un hémogramme avant l’acte pour son caractèreronostique ou d’aide à l’élaboration d’une stratégieransfusionnelle » [1].

Ainsi, le rôle potentiellement néfaste de l’anémie enériopératoire et la nécessité d’une prise en charge spéci-que sont mis en avant. Dans les lignes qui suivent, nous

eviendrons sur la prévalence de l’anémie périopératoiret sur son facteur pronostique, mais aussi sur les mesuresréventives et correctives à prendre.

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révalence de l’anémie

a définition de l’anémie varie en fonction des études et desontextes. Les seuils de 13 g/dL chez l’homme et 12 g/dLhez la femme (non enceinte) sont habituellement retenusans les études épidémiologiques. Si l’on adopte ces valeurs-euils, la prévalence de l’anémie préopératoire n’est pasare.

némie dans la population générale

elon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’anémieoncerne entre 4,0 et 12,9 % de la population francaiseenfants exclus) [2]. Bien entendu, cette prévalence dépende beaucoup de facteurs, et en premier lieu du sexe ete l’âge. Ainsi, la prévalence de l’anémie est plus impor-ante chez les femmes (6,2 % des femmes en âge de procréerontre 1,6 % des hommes dans l’étude SU.VI.MAX), maisurtout chez les personnes âgées [3,4]. La prévalence de’anémie dépasse 20 % pour les personnes de plus de 85 ans,t se situe entre 10 et 15 % entre 75 et 84 ans [4]. La popula-ion vieillissant, l’anémie est donc de plus en plus fréquente.es principales causes d’anémie dans la population géné-ale sont les anémies carencielles (très majoritairement pararence martiale). Plus de 20 % des femmes francaise enge de procréer ont, en effet, une carence martiale [3]. Laeuxième cause d’anémie est l’inflammation, qui interagitgalement avec le métabolisme du fer. Cependant, il fautouligner que l’étiologie de l’anémie reste indéterminéeans plus d’un tiers des cas [4].

Il convient également de souligner que la carence mar-iale apparaît comme le principal facteur « modifiable »3,4].

némie en chirurgie

’anémie est très fréquente en préopératoire concernant5 à 50 % des patients. Ainsi, Musalam et al. ont étu-ié une cohorte de plus de 227 000 patients opérés en008 dans 211 centres différents et retrouvé une prévalencee l’anémie de plus de 30 % en préopératoire [5]. Bienntendu, la prévalence de l’anémie dépend du type de chi-urgie et du degré d’urgence. Par exemple, la prévalencee l’anémie est de l’ordre de 25 % avant chirurgie prothé-ique de hanche ou de genou et autour de 45 % pour lesractures du col du fémur [6]. La prévalence de l’anémieeut également être très élevée en chirurgie viscérale. Elletteint près de 50 % des patients avant chirurgie colique parxemple [7].

némie et morbi-mortalité périopératoire

’anémie est un facteur de risque de mortalité

Plusieurs études de grande envergure ont

montré une association entre l’anémie

préopératoire et une augmentation de lamortalité périopératoire.

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S. Lasocki et al.

L’association entre anémie et morbi-mortalité a étéetrouvée dans des études très récentes qui utilisent desnalyses multifactorielles confirmant que l’anémie est unacteur de risque indépendant de mortalité en chirurgieardiaque (odds ratio [OR] = 2 [1,4—2,8]) et non car-iaque (OR = 1,42 [1,31—1,54] et 2,36 [1,57—3,41]) [5,8,9].e facon intéressante, plus l’anémie est sévère, plus

’augmentation du risque est grande [5,10]. En outre,es données les plus récentes montrent que toutes lesomorbidités sont des facteurs aggravant de l’anémie (etas uniquement les antécédents cardiovasculaires)[5]. Si’anémie est un facteur de risque de mortalité (multi-liant le risque de mortalité par un facteur 1,5 à 2),’est bien entendu également un facteur de risque deransfusion, qui en elle-même, peut être un facteur deorbi-mortalité.

a transfusion sanguine, un facteur de risquee mortalité ?

l est difficile de distinguer les rôles respectifs de l’anémiet de la transfusion dans l’augmentation de morbi-mortalitébservée en postopératoire. Si l’étude de Carson et al.ermet de montrer un rôle propre de l’anémie [10], il’existe pas d’étude équivalente pour objectiver le rôleropre de la transfusion. Cependant, les études observa-ionnelles retrouvent une association entre la transfusionanguine et le risque de mortalité, en analyse multifacto-ielle. Ce risque semble présent dès la transfusion d’un oueux culots globulaires [9,11].

Il convient de garder à l’esprit deux éléments primor-iaux :le retard transfusionnel est une des principales causes demortalité observée dans l’enquête de la Sfar sur la mor-talité en anesthésie en France (et il n’y a donc aucuneréserve à transfuser un patient qui saigne ou qui décom-pense une cardiopathie ischémique par exemple) ;la qualité des produits sanguins (c’est-à-dire l’âgedes culots globulaires, la déleukocytation ou non, lemode de conservation. . .) intervient grandement dans lescomplications post-transfusionnelles observées (œdèmepulmonaire lésionnel post-transfusionel [transfusion-related acute lung injury, TRALI], immunosuppression,etc.). La décision de transfusion doit donc être bien peséeet individualisée.

némie périopératoire et morbidité

’anémie est non seulement un facteur de risque de mor-alité mais également de morbidité. L’anémie est bienntendu très fréquente après chirurgie, touchant souventlus de 80 % des patients [6,12].

L’anémie postopératoire est associée à bon nombre deomplications, à commencer par une prolongation de laurée de séjour (deux jours en moyenne en postopéra-oire de chirurgie prothétique par exemple, dans l’étudeulticentrique européenne PREPARE). L’augmentation de

a durée de séjour était encore plus importante dans une

arge cohorte de 6300 patients avec des durées de séjour seajorant de 8,4 ± 10,8 à 20,4 ± 16,9 jours en moyenne chez

es patients anémiques et transfusés [12]. Cela s’expliquear l’augmentation de l’incidence des complications

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Figure 1. Les trois piliers du patient blood management (PBM). LPBM, qui vise à réduire la transfusion périopératoire, tout en prése

infectieuses (92 % des patients ayant une infection postopé-ratoire étaient anémiques dans la série sus-citée [12]), maisaussi des complications spécifiques postopératoires (typefistule anastomotique) ou non spécifiques (type œdèmepulmonaire ou décompensation cardiaque). Ainsi, en post-opératoire de chirurgie colique, le risque de complicationsdes patients anémiques est de 1,81[1,05—3,19] fois le risquedes patients non anémiques (risque ajusté par un score depropension) [7]. Il existe le même type de données en chi-rurgie orthopédique [6], cardiaque [8], etc.

Il convient donc de traiter l’anémie avant mais égalementaprès chirurgie, afin de limiter ces complications.

Prise en charge de l’anémie périopératoire

Comme nous l’avons dit en préambule, il est recom-mandé de faire une numération formule sanguine dansle bilan préopératoire de toute chirurgie majeure, aumieux deux à quatre semaines avant la date prévue del’intervention, afin de permettre un traitement de l’anémie.Cette gestion de l’anémie intervient dans un cadre plusglobal, appelé par les Anglo-saxons patient blood mana-gement (PBM) et qui comprend l’optimisation des tauxd’hémoglobine, le contrôle des pertes sanguines et unedécision individualisée de la transfusion (Fig. 1) [13].L’objectif est de diminuer les besoins transfusionnels pério-

pératoires sans majorer les conséquences de l’anémie. Nousallons détailler deux des trois piliers de cette stratégie,l’épargne sanguine étant en dehors du spectre de cetterevue.

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tion de l’anémie périopératoire fait appel à une stratégie appelée au maximum les taux d’hémoglobine des patients.

orrection du taux d’hémoglobineréopératoire

a découverte d’une anémie préopératoire doit conduire un bilan et à un traitement. Bien entendu, la correc-ion d’une anémie demande du temps et, en cas d’anémieréopératoire, la question doit être posée du report de lahirurgie non urgente (afin de permettre une correction de’anémie, même partielle, avant la chirurgie).

Le taux d’hémoglobine ([Hb]) justifiant une prise enharge spécifique est inférieur à 13 g/dL chez l’homme etnférieur à 12 g/dL chez la femme, en dehors de la chi-urgie prothétique de hanche ou de genou ([Hb] <13 g/dLuel que soit le sexe). Les situations sont multiples, et laecherche de la cause de l’anémie peut faire appel à un avispécialisé. Cependant, deux traitements spécifiques doiventtre discutés en consultation d’anesthésie : le fer et lesgents stimulant de l’érythropoïèse, les carences en vita-ines B12 et B9 étant très rares.

iagnostic de la carence martialea carence martiale est la première cause d’anémie dans leonde, et comme nous l’avons vu une des premières causes’anémie carentielle dans nos pays développés. D’après’autorisation de mise sur le marché (AMM) des principauxuppléments en fer commercialisés, il convient de faire un

iagnostic de carence martiale avant de décider de traiter.lusieurs éléments sont en faveur d’une carence martialeur la numération :

la microcytose (volume globulaire moyen [VGM] < 80 fl) ;

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Toutefois le diagnostic repose sur un bilan martial [14] :ferritine inférieure à 100 �g/l et/ou ;saturation de la transferrine inférieure à 20 % (calculée àpartir des dosages de fer sérique et de transferrine plas-matique).

Il faut souligner que le dosage isolé du fer sérique n’aucun intérêt et ne doit pas être réalisé (recommanda-ions de la Haute Autorité de santé [HAS]) [15]. Ce bilane doit pas non plus être réalisé systématiquement. Il estn revanche possible de prescrire « conditionnellement » sur’ordonnance de numération formule sanguine préopéra-oire, un bilan martial (ferritine, transferrine et fer sérique)

réaliser si [Hb] est inférieure à 13 ou 12 g/dL (selon le sexeu patient). Ainsi, le bilan martial est disponible lors de laonsultation d’anesthésie, mais n’est réalisé que chez lesatients anémiques.

Les patients particulièrement à risque de carence mar-iale sont : tous ceux présentant des saignements chroniquesigestifs (cancer digestif, maladies inflammatoires chro-iques de l’intestin, ulcère, etc.) ou gynécologiques (cancertérin, myomes, etc.), les femmes en âge de procréer, leségétariens.

uel traitement martial choisir ?l existe deux principales voies d’administration du fer : laoie orale et la voie parentérale. Le Tableau 1 résume lesvantages et inconvénients de ces deux voies. Le point prin-ipal est de se souvenir que l’absorption du fer est médiocre,t que moins de 10—15 % de la dose ingérée est effective-ent absorbée [16]. Ainsi, lorsque l’on compare des formes

ntraveineuse et orale, on compare également des dosesrès différentes, dix à 100 fois supérieures pour le fer intra-eineux. Par ailleurs, la dose de fer correspondant à une

ugmentation de deux points d’hémoglobine est d’environ00 mg de fer, pour un adulte de corpulence normale.

On comprend que les fers intraveineux sont plusapidement efficaces que les fers oraux pour corriger

Tableau 1 Avantages et inconvénients des fers orauxet intraveineux. L’arrivée sur le marché d’une nouvellemolécule intraveineuse, le carboxymaltose ferrique, amodifié ce tableau avec la possibilité d’injecter de fortesdoses (jusqu’à 1 g) en une injection intraveineuse lentede 15 minutes à domicile.

Fer oral Fer intraveineux

Beaucoup moins cher Efficacité supérieureTolérance limitée

(30—60 % d’effetssecondaires)

Effets secondaires sévères(anaphylaxie)

Observance ? Nécessite une voie veineuse(problème pour les dose« répétées »)

Plusieurs mois pourcompenser la perte dedeux pointsd’hémoglobine

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S. Lasocki et al.

’anémie [17,18]. Compte tenu des délais habituellementourts (entre deux et quatre semaines) entre la consultation’anesthésie et la chirurgie, il convient donc d’utiliser plu-ôt du fer injectable [19]. Ces traitements ne doivent pastre donnés si la saturation de la transferrine excède 50 %u si la ferritinémie est supérieure à 500 à 900 �g/L (selonu’il y ait ou non un syndrome inflammatoire, responsable’une élévation de ferritinémie sans lien avec les réserves ener). Par ailleurs, en cas de traitement par agent stimulant’érythropoïèse, un traitement martial doit être associé pourrévenir la carence martiale, le fer intraveineux sembleréférable [19].

Si l’on choisit un traitement par fer oral, pour desuestions de coûts principalement, le traitement par voientraveineuse n’étant remboursé qu’à 65 % (en dehors de larise en charge par une mutuelle), il convient de donner desonseils diététiques aux patients :

prise plutôt à jeun, une heure avant le repas ;prise de vitamine C associée ;prise en dehors de la prise de thé ;prises fractionnées sur la journée ;éviter la prise concomitante d’inhibiteur de la pompe àprotons, ou d’autres traitements : comme certains anti-biotiques (quinolones, cyclines), l-thyroxine, lévodopa,anti-acides (aluminium, zinc), etc.

La dose quotidienne recommandée est de 150 à00 mg/jour. Les différentes spécialités disponibles sontrésentées dans les Tableaux 2 et 3.

Toutefois, dans le contexte du préopératoire, l’apporte fer injectable semble préférable. La dose totale à admi-istrer peut être calculée selon la formule de Gonzini ouelon un schéma simplifié, validée dans une étude randomi-ée, si on utilise le carboxymaltose ferrique (Tableau 3). Enratique, la posologie habituelle varie de 1000 à 2000 mg,dministrable en deux fois à une semaine d’intervalle, selonue le taux d’hémoglobine est supérieur ou inférieur à0 g/dL et que le poids est inférieur ou supérieur à 70 kg.

pport d’agents stimulant de l’érythropoïèsees agents stimulant de l’érythropoïèse ont une AMMour le traitement de l’anémie préopératoire unique-ent dans le contexte de la chirurgie prothétique de

anche et de genoux. La posologie recommandée est de00 UI/kg d’érythropoïétine alpha, à renouveler toutes lesemaines jusqu’à un taux d’hémoglobine supérieur ou égal

15 g/dL, ce qui implique un contrôle intermédiaire dea numération formule sanguine (après deux injections).ertains ont proposé des schémas thérapeutiques fixesasés sur le taux d’hémoglobine de base : une injectionour [Hb] <13 g/dL, deux pour [Hb] ≤ 12 g/dL, trois pourHb] ≤11 g/dL et quatre si [Hb] ≤10 g/dL. Dans tous les cas,e traitement doit s’accompagner d’un apport de fer, paroie orale ou intraveineuse. Des études sont en cours pourréciser la posologie de fer intraveineux à apporter, quioit être a priori proche de 1 g. Cette thérapeutique per-et une réduction du risque de transfusion (jusqu’à 0 %

ans beaucoup de séries). Le remboursement est de 65 %,t les patients peuvent donc avoir un certain coût à sup-orter selon leur mutuelle (coût d’environ 20 D /injection,oit 70 D à charge pour les patients). Rappelons que cette
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Anémie périopératoire : nouveau paradigme 81

Tableau 2 Fer oral : principales formulations des apports en fer.

Substance active Nom commercial Teneur encomplexe

Teneur en fermétal

Formepharmaceutique

Ascorbate ferreux Ascofer® 245 mg 33 mg GéluleSulfate ferreux Tardyferon® 256 mg 80 mg CompriméSulfate ferreux, acide folique Tardyféron B9® 160,2 mg 50 mg CompriméSulfate ferreux, acide ascorbique Timoférol® 172,73 mg 50 mg GéluleSulfate ferreux, acide ascorbique Fero-Grad® 325 mg 105 mg CompriméFumarate ferreux Fumafer® 200 mg 66 mg CompriméFumarate ferreux Fumafer® 100 mg 33 mg PoudreSuccinate ferreux, acide ascorbique Inofer® 100 mg 32,5 mg CompriméChlorure ferreux tétra hydraté Fer UCB® 178 mg 50 mg Solution buvableFerédétate de sodium Ferrostrane® 237,5 mg/cuillère

à café34 mg/cuillèreà café

Sirop

Fer, manganèse cuivre Tot’Hema® NR 50 mg Solution buvableSulfate ferreux heptahydraté Fer AP—HP® 2,5 mg 0,5 mg Gélule

Tableau 3 Fer intraveineux : principales formulations des apports en fer.

Substance active Complexe d’hydroxydeferrique et de dextran

Carboxymaltoseferrique

Complexe d’hydroxydeferrique-saccharose

Nom commercial Ferrisat® Ferinject® Venofer®

Fer Mylan®

Fer Actavis®

Fer Sandoz®

Teneur en complexe 312,5 mg/mL NR 2,7 g/ampouleTeneur en fer Ampoule 2 mL : 100 mg

Ampoule 10 mL : 500 mgFlacon 2 mL : 100 mgFlacon 10 mL : 500 mg

Ampoule de 5 ml : 100 mgde fer

Dispensation Pharmacie hospitalièreRétrocessionAvis défavorable ANSM

Pharmacie hospitalièreet ville

Pharmacie hospitalièreRétrocession

Pharmacocinétique :demi-vie

20 h pour le fer lié et5 h pour le fer circulant

7 à 12 h 6 h

Posologies 100—200 mg/perfusionMax : 20 mg/kg

Poids 35—70 kg[Hb] < 10 g/dL : 1500 mg[Hb] ≥ 10 g/dL :1000 mg

Déficit en fer total = poidscorporel (kg) × ([Hb]cible — [Hb] actuelle)(g/dL) × 2,4 + réserve enferaPoids > 70 kg

[Hb] < 10 g/dL : 2000 mg[Hb] ≥ 10 g/dL :1500 mg

Dosemaximale/perfusion

Dose test 25 mgAttendre 1 h avantperfusion1000 mg sur4—6 h/(max. 20 mg/kg)

1000 mg en15 min/semaine

Perfusion IV lente :3,5 mL/min, soit pour300 mg de fer en 1 h 30Perfusions à espacer/48 h(dosejournalière = 200 mg/48 h)

Hb : hémoglobine ; IV : intraveineux.a Réserve en fer = 500 mg et [Hb] cible = 12 g/dL.

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option thérapeutique n’est validée et autorisée que dans lachirurgie prothétique.

Indications et modalités de la transfusion

Un des objectifs premiers des stratégies de correctionde l’anémie préopératoire est de réduire la transfusion

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anguine. En effet, la transfusion est associée à une morbi-ortalité propre. D’un autre coté, il est évident que le

etard transfusionnel est une cause de mortalité importante

l’enquête de la Sfar sur la mortalité en anesthésie l’a bienouligné).

Ainsi la question est relativement complexe et on ne peutecommander une attitude unique et uniciste. La littérature

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écente a montré qu’il est possible d’avoir des seuils trans-usionnels bas (≤ 8 g/dL), y compris pour des patients âgés,yant des antécédents cardiovasculaires [20]. D’un autreôté, il a également montré qu’une élévation de tropo-ine, même très modérée, est associée à une surmortalitéériopératoire [21]. En pratique, ces données plaident pourne attitude personnalisée en fonction de la tolérance à’anémie observée chez les patients, de la facilité et desélais d’obtention des culots globulaires en cas de néces-ité et du saignement habituellement observé localement.l est même souhaitable de réaliser une cartographie du sai-nement en fonction du type de chirurgie et du chirurgienans son unité, afin de prédire les variations habituelles’hémoglobine. Ainsi, il est possible de transfuser au mini-um les patients, mais aussi de limiter les risques de retard

ransfusionnel en cas de nécessité.On retiendra les objectifs habituels de taux

’hémoglobine, la transfusion devant éviter de des-endre en dessous de ces seuils, surtout si les délais’approvisionnement sont longs :≥ 7 g/dL pour les sujets sains (y compris en réanimation) ;8—9 g/dL pour les sujets les plus âgés et/ou ayant descomorbidités importantes ;≥ 10 g/dL en cas d’angor instable (et non pasd’antécédents cardiologiques).

onclusion

a gestion de l’anémie périopératoire doit s’inscrire dansne politique globale de PBM. Celle ci repose sur laeconnaissance de l’anémie préopératoire (et son traite-ent, notamment avec du fer injectable), la limitation desertes sanguines peropératoires et la décision raisonnéee transfusion sanguine, personnalisée selon les conditionsocales et les patients considérés. Il convient à la foise limiter et de ne pas retarder la transfusion sanguineécessaire. . .

éclarations d’intérêts

.L. : conférences pour les laboratoires Vifor Pharma et Jens-en.

E.R., A.C., L.C. : Les auteurs déclarent ne pas avoir deonflits d’intérêts en relation avec cet article.

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