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Les Essentiels 2006, p. 295-307. © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Anesthésie du patient obèse et du patient présentant un syndrome d'apnée du sommeil J.-E. Bazin * , J.-M. Constantin, E. Futier Service d'anesthésie-réanimation, Hôtel-Dieu, centre hospitalier universitaire, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand cedex, France * e-mail : [email protected] POINTS ESSENTIELS · L'obésité est définie par un indice de masse corporelle (poids/taille 2 ) supérieur à 30 et est morbide au-dessus de 40. · L'évaluation préopératoire apprécie le retentissement cardiovasculaire et respiratoire. Les difficultés de ventilation au masque et d'intubation doivent être dépistées. Le risque anesthésique est évalué et annoncé. · L'obésité entraîne des perturbations du volume de distribution, de la fixation protéique et de l'élimination de nombreux médicaments. La résultante de ces perturbations est parfois difficile à prédire et nécessite un monitorage des effets pharmacodynamiques. · Le patient obèse doit être placé en position proclive. Le matériel et l'environnement doivent être adaptés. · L'ALR réduit les risques liés à l'intubation difficile, à l'inhalation du contenu gastrique et aux modifications pharmacologiques. · La préoxygénation doit être soigneuse réalisée en position proclive. Une induction à séquence rapide n'est obligatoire qu'en cas de reflux gastro-œsophagien associé.

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Les Essentiels 2006, p. 295-307.© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Anesthésie du patient obèse et du patient présentant un syndrome d'apnée du sommeilJ.-E. Bazin *, J.-M. Constantin, E. Futier

Service d'anesthésie-réanimation, Hôtel-Dieu, centre hospitalier universitaire, BP 69, 63003 Clermont-Ferrand cedex, France* e-mail : [email protected]

POINTS ESSENTIELS

· L'obésité est définie par un indice de masse corporelle (poids/taille2) supérieur à 30 et est morbide au-dessus de 40.

· L'évaluation préopératoire apprécie le retentissement cardiovasculaire et respiratoire. Les difficultés de ventilation au masque et d'intubation doivent être dépistées. Le risque anesthésique est évalué et annoncé.

· L'obésité entraîne des perturbations du volume de distribution, de la fixation protéique et de l'élimination de nombreux médicaments. La résultante de ces perturbations est parfois difficile à prédire et nécessite un monitorage des effets pharmacodynamiques.

· Le patient obèse doit être placé en position proclive. Le matériel et l'environnement doivent être adaptés.

· L'ALR réduit les risques liés à l'intubation difficile, à l'inhalation du contenu gastrique et aux modifications pharmacologiques.

· La préoxygénation doit être soigneuse réalisée en position proclive. Une induction à séquence rapide n'est obligatoire qu'en cas de reflux gastro-œsophagien associé.

· Les agents anesthésiques de cinétique rapide sont les mieux adaptés pour l'entretien permettant un réveil rapide facilitant la mobilisation.

· La ventilation contrôlée est un compromis entre oxygénation, débit cardiaque et résistances bronchiques. La ventilation spontanée sans aide est formellement contre-indiquée.

· Le syndrome d'apnée du sommeil (SAS) résulte en une obstruction des voies aériennes supérieures au cours du sommeil, survenant préférentiellement chez l'obèse et aggravée en période postopératoire.

· L'utilisation d'agents sédatifs ou analgésiques dans la période postopératoire doit être très prudente, ceux-ci pouvant majorer de façon dramatique le SAS.

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INTRODUCTION

La prévalence de l'obésité augmente continuellement dans tous les continents et s'accompagne de l'émergence de nombreux problèmes médicaux et chirurgicaux spécifiques. Actuellement on a de plus en plus recours à la chirurgie pour traiter l'obésité. Par conséquent, les anesthésistes se trouvent de plus en plus fréquemment confrontés à la prise en charge périopératoire de patients obèses. Une compréhension de la physiopathologie et des complications de ce groupe particulier de patients permet un traitement plus efficace et sûr [1].

ÉPIDÉMIOLOGIE

L'obésité correspond à une présence excessive de graisse dans l'organisme. La distinction entre l'obésité et la normalité est arbitraire. Pour un individu donné, l'obésité correspond à une augmentation de sa masse grasse suffisante pour affecter son état de santé physique et mental et pour réduire son espérance de vie. Dans les sociétés occidentales, la matière grasse représente chez l'adulte environ 25 % du poids du corps. Cette quantité de graisse n'est que de 10 chez les sportifs. Généralement, l'approximation de cette masse graisseuse est réalisée en rapportant le poids à la taille et en le comparant à un poids idéal. La notion de poids idéal, introduite par les sociétés d'assurance vie, correspond au poids associé au plus faible taux de mortalité pour une taille et un sexe donnés. En clinique et en épidémiologie, l'obésité est quantifiée par le calcul de l'indice de masse corporelle (IMC) ou indice de Quetelet : IMC = poids en kg/taille en mètre au carré. Un IMC inférieur à 25 kg/m2 est considéré comme normal ; un IMC compris entre 25 et 30 kg/m2 correspond à un excès de poids (pré-obésité) sans complications médicales graves, un IMC supérieur à 30 kg/m2 correspond à une véritable obésité, l'obésité morbide est définie par un IMC supérieur à 40. S'il existe une très étroite corrélation entre IMC, morbidité et mortalité (pour les IMC > 30 kg/m2), l'IMC possède ses limites. D'autres éléments comme l'âge ou la répartition de la masse graisseuse sont aussi des éléments à prendre en compte. Dans l'obésité de type androïde ou centrale, la graisse se concentre dans la partie supérieure du corps. Dans l'obésité gynoïde ou périphérique, la masse adipeuse est principalement localisée dans les hanches, les fesses et les cuisses. L'adiposité de type centrale prédispose au risque de maladies métaboliques et d'ischémie myocardique.

La prévalence de l'obésité atteindrait 15 % de la population des pays développés hors États-Unis. En France une enquête publiée en 2003 faisait état de 30,3 % de français en surpoids et de 11,3 % souffrant d'obésité avec une prévalence identique pour les femmes et les hommes [2].

L'obésité est une maladie complexe et multifactorielle, mais, en résumé, il s'agit toujours d'un déséquilibre sur une période prolongée de la balance énergétique. Il existe cependant une très grande inégalité interindividuelle liée à des facteurs : génétiques, ethniques, socio-économiques, pathologiques, iatrogéniques...

PHYSIOPATHOLOGIE

Troubles cardiovasculaires

La plupart des pathologies cardiaques liées à l'obésité résultent de l'adaptation cardiovasculaire à l'excès de masse corporelle et à l'augmentation de la demande métabolique. Ces pathologies dominent le pronostic vital de l'obèse. L'augmentation de la masse corporelle, des tissus adipeux et musculaires, entraîne une élévation de la volémie, alors que le rapport volume sanguin / surpoids est plus faible. La demande métabolique et le débit cardiaque sont augmentés, proportionnellement à la surcharge graisseuse : le débit cardiaque doit augmenter de 0,1 l/min pour perfuser 1 kg supplémentaire de tissu adipeux. L'hypertension artérielle est beaucoup plus fréquente avec en

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moyenne une augmentation de 3 mmHg par 10 kg de poids excédentaires. Cette hypertension artérielle est en partie secondaire à l'augmentation de masse circulante et de débit cardiaque, mais son mécanisme physiopathologique exact est inconnu. L'hypertension artérielle va entraîner une hypertrophie ventriculaire et une insuffisance cardiaque gauches. Une perte de poids s'accompagne d'une réduction de l'hypertension.

L'obésité est un facteur majeur et indépendant de risque coronarien et de mort subite. L'association avec d'autres facteurs de risque (HTA, diabète, hypercholestérolémie) majore ce risque. Différents facteurs sont à l'origine des troubles du rythme chez l'obèse : hypoxie, hypercapnie, hypokaliémie résultant d'un traitement diurétique, coronaropathie, syndrome d'apnée obstructive du sommeil, hypertrophie myocardique, infiltration graisseuse des voies de conduction intracardiaque. L'insuffisance cardiaque du patient obèse n'est pas en rapport avec une infiltration graisseuse myocardique. Même si le patient obèse présente une augmentation de débit cardiaque, la fonction systolique du ventricule gauche est altérée, essentiellement au cours de l'exercice, la fraction d'éjection augmentant moins et plus lentement que chez les patients minces. La cardiomyopathie de l'obèse est due, dans un premier temps, à l'augmentation du volume sanguin circulant et du débit cardiaque. Elle est ensuite aggravée par l'HTA, l'insuffisance coronarienne et la maladie respiratoire. La paroi du cœur étant hypertrophiée, sa compliance est moins bonne s'accompagnant de l'augmentation des pressions de remplissage du ventricule gauche et de risque d'œdème pulmonaire. L'adaptation à l'effort est mauvaise, l'augmentation du débit cardiaque ne pouvant se faire que par augmentation de la fréquence, le volume d'éjection ne pouvant plus s'adapter.

Les patients obèses morbides ont généralement une activité limitée, masquant le retentissement cardiovasculaire. Le simple fait de faire marcher le patient ou de lui demander de s'allonger peut révéler une très mauvaise tolérance. Les signes cliniques de l'insuffisance cardiaque sont souvent difficiles à apprécier chez un patient obèse, les examens complémentaires sont donc indispensables. Un électrocardiogramme est impératif. Il est fréquemment microvolté, sous-estimant la sévérité de l'hypertrophie ventriculaire gauche. Une déviation axiale et une fibrillation auriculaire sont fréquentes. La radiographie du thorax peut montrer une cardiomégalie, mais elle est souvent normale. L'échocardiographie, parfois de réalisation difficile, renseigne sur l'hypertrophie ventriculaire gauche. Une échographie transœsophagienne procure de meilleurs renseignements. Les tests d'effort sont difficiles à réaliser. Ainsi, une décompensation cardiaque peut survenir en période peropératoire pour de multiples raisons : a) remplissage trop abondant ou trop rapide ; b) effet inotrope négatif des agents anesthésiques ; c) augmentation de la pression artérielle pulmonaire par l'hypoxie ou l'hypercapnie.

Troubles respiratoires

La consommation d'oxygène et la production de CO2 augmentent par excès de tissu métabolique actif d'origine adipeuse et augmentation de la charge de travail des muscles. La normocapnie est généralement obtenue grâce à une augmentation de la ventilation minute. L'augmentation des pressions mécaniques intra-abdominales, les compliances pulmonaires basses et la majoration de la demande métabolique, sont responsables d'un surcroît du travail des muscles respiratoires, alors qu'il existe une efficacité de la respiration diminuée. Les compliances pulmonaires et thoracique diminuent à cause des dépôts adipeux qui infiltrent les côtes, le diaphragme et l'abdomen. Ce phénomène est aggravé par la limitation des mouvements du thorax, par la cyphose thoracique et l'hyperlordose lombaire. La réduction des compliances pulmonaires entraîne classiquement une respiration rapide et superficielle. On retrouve aussi une augmentation des résistances bronchiques qui majore le travail respiratoire. L'obésité morbide est associée à une réduction de la capacité résiduelle fonctionnelle, du volume de réserve expiratoire et de la capacité pulmonaire totale. La capacité résiduelle fonctionnelle diminue de façon exponentielle lorsque l'IMC augmente. Elle peut

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diminuer chez le patient obèse morbide et devenir inférieure au volume de fermeture, aboutissant à des modifications des rapports ventilation/perfusion, une augmentation des shunts et une hypoxémie. L'anesthésie majore ce phénomène avec une réduction de 50 % de la capacité résiduelle fonctionnelle chez l'obèse contre seulement 20 % chez le patient non obèse. Au cours de l'intervention, la capnographie sera un mauvais témoin de la ventilation du fait de l'élargissement du gradient entre CO2 alvéolaire et CO2 artériel. La ventilation-minute de ce patient devra être réglée sur une gazométrie artérielle. L'introduction d'une pression positive de fin d'expiration permet d'augmenter à la fois la capacité résiduelle fonctionnelle et l'oxygénation artérielle mais au prix d'une diminution du débit cardiaque. La diminution de la capacité résiduelle fonctionnelle réduit les capacités du patient obèse à tolérer les périodes d'apnée. Ceci est le résultat d'une diminution du réservoir d'oxygène que représente la capacité résiduelle fonctionnelle et d'une augmentation de la consommation d'oxygène.

Troubles gastro-intestinaux

Contrairement à ce qui a longtemps été affirmé, le résidu gastrique des patients obèses n'est pas plus important ni plus acide que celui des patients minces [3]. Le taux de reflux gastro-œsophagien (RGO) serait plus élevé chez l'obèse [4] mais ceci est discuté [5]. Il est en effet montré que les patients obèses ne présentant pas de syndrome de reflux ont un gradient de pression au niveau du bas œsophage identique à celui de patients maigres. Si la taille de l'estomac est augmentée chez les patients obèses, la vidange gastrique semble en fait accélérée. Il paraît donc important de systématiquement se renseigner à la consultation d'anesthésie sur l'existence d'une symptomatologie de reflux gastro-œsophagien. En cas d'existence de RGO, il est impératif de prescrire la prise d'anti-H2 en prémédication et de réaliser une induction à séquence rapide avec une pression cricoïdienne et une extubation trachéale chez un patient parfaitement réveillé. Chez les patients obèses ne présentant pas de RGO, les consignes de jeûne peuvent être les mêmes que pour un patient non obèse [6]. Chez les patients bénéficiant d'un anneau de réduction gastrique, la déflation de l'anneau n'est pas utile en période préopératoire [7] à condition qu'il n'y ait pas de déplacement ou de troubles de fonctionnement de celui-ci.

Modifications pharmacologiques

Les modifications physiologiques associées à l'obésité entraînent des perturbations du volume de distribution, de la fixation protéique et de l'élimination de nombreux médicaments [8]. Avec certains médicaments présentant un index thérapeutique étroit, le calcul de la dose en fonction du poids peut conduire à des surdosages et seuls la détermination des concentrations sanguines ou tissulaires, ou la mesure de l'effet pharmacodynamique permettent une adaptation des doses.

La plupart des médicaments sont administrés sur la base d'une dose massique par unité de poids, partant du principe que la clairance est proportionnelle au poids du corps et que le volume de distribution par unité de poids reste constant. Ces suppositions ne sont pas valables en cas d'obésité à cause des changements de la composition du corps et du volume de distribution. Chez l'obèse, le volume du compartiment central est souvent augmenté du fait de l'augmentation du volume sanguin et de la taille des principaux organes. Ceci nécessite d'administrer une dose initiale plus grande pour obtenir le même effet pharmacologique. Les volumes de distribution à l'équilibre sont eux aussi augmentés, de façon logique pour les médicaments lipophiles, mais aussi pour les médicaments hydrosolubles du fait de l'augmentation des liquides extracellulaires des tissus adipeux et de l'augmentation de la masse maigre. Il existe par ailleurs une augmentation du tissu adipeux, des modifications des fixations protéiques, une augmentation de la volémie et du débit cardiaque. Une distribution accrue d'un médicament prolonge sa demi-vie d'élimination malgré une clairance inchangée voire augmentée.

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La fixation protéique peut être diminuée pour certains médicaments augmentant leur fraction libre du fait d'une augmentation des concentrations d'acides gras libres, de triglycérides et de cholestérol. La clairance rénale est augmentée en raison de l'élévation du flux sanguin rénal, de la filtration glomérulaire et de la sécrétion tubulaire. La clairance de la créatinine doit être mesurée, car son estimation par les formules standard est prise en défaut chez l'obèse. Malgré des modifications anatomiques hépatiques fréquentes à type de stéatose, le métabolisme hépatique des médicaments est relativement peu modifié lors de l'obésité. Les réactions d'oxydation, de réduction et d'hydrolyse sont généralement normales ou augmentées chez l'obèse. Cependant, l'insuffisance cardiaque peut affecter l'élimination des médicaments débit-dépendants (comme la lidocaïne et le midazolam) par diminution du flux sanguin hépatique.

PRISE EN CHARGE ANESTHÉSIQUE

Consultation d'anesthésie

L'évaluation préopératoire du patient obèse comprend : a) la recherche des antécédents (interventions antérieures, difficultés d'intubation (en tenant compte d'une prise de poids depuis), syndrome d'apnée du sommeil, reflux gastro-œsophagien...) et les traitements et régimes en cours ; b) un examen clinique avec évaluation de la difficulté d'intubation et du retentissement cardiaque et ventilatoire de l'obésité ; c) une prescription raisonnée d'examens paracliniques selon l'état clinique du patient et la nature du geste chirurgical.

À la recherche d'une intubation difficile, l'examen clinique doit comporter une vérification de la flexion-extension du cou ainsi que de sa rotation, une évaluation de l'ouverture de bouche, une inspection de l'oropharynx et de la denture, la vérification de la perméabilité des narines, la taille et la circonférence du cou, le score de Mallampati, la mesure de la distance thyromentonnière. Le larynx est haut et antérieur et les voies aériennes sont rétrécies par une langue volumineuse et une hypertrophie des tissus pharyngo-laryngés. Cependant l'évaluation des voies aériennes supérieures peut être malaisée car les critères prédictifs habituels de l'intubation difficile semblent peu fiables chez l'obèse. En particulier le score de Mallampati n'est pas toujours prédictif du score de Mac Cormack et Lehane. En fait, une association de critères cliniques semble prédictive de l'intubation

difficile : une circonférence du cou > 45,6 cm, un score de Mallampati 3, un syndrome d'apnée obstructive du sommeil. Cette association est corrélée à un grade 3 de Mac Cormack et Lehane. La probabilité de l'intubation difficile serait de 35 % si le diamètre du cou est supérieur à 60 cm [9].

Le risque peranesthésique doit être évalué et clairement présenté au patient et à sa famille. L'opportunité d'une anesthésie en cas de chirurgie fonctionnelle ou de geste diagnostique (endoscopie) doit être discutée. Une perte de poids permet de diminuer certaines conséquences de l'obésité, celle-ci n'est pas toujours facile et demande du temps.

Prémédication

Les sédatifs sont souvent prescrits avec parcimonie en raison du risque de dépression respiratoire. Des anti-H2 doivent être administrés avant l'induction pour réduire le volume du contenu gastrique et augmenter le pH.

Préparation à l'anesthésie

La mise en place d'une voie veineuse périphérique peut s'avérer difficile et il peut être intéressant d'avoir recours à une voie veineuse centrale. Un repérage sonographique peut être intéressant.

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Le stimulateur de nerf pour surveiller la curarisation est ici particulièrement recommandé. L'épaisseur du panicule adipeux au niveau du poignet peut justifier l'utilisation d'aiguille pour la stimulation des nerfs périphériques. Un cathétérisme artériel peut être utile pour une mesure précise de la pression artérielle et des échanges gazeux. En effet, la prise de la pression artérielle peut poser problème malgré l'utilisation d'un brassard spécifique. La mesure de la pression artérielle peut être surestimée de 20 à 30 % par rapport aux valeurs obtenues par cathétérisme radial.

Positionnement

Pendant toute la période de préparation et l'induction de l'anesthésie, le patient obèse doit rester en position proclive [10]. Le décubitus dorsal strict doit être évité du fait de l'altération possible de la ventilation par ascension céphalique du diaphragme sous le poids des viscères abdominaux et compression de la veine cave inférieure et de l'aorte. En période peropératoire, la position en Trendelenburg doit être évitée à cause de ses effets délétères sur la ventilation. La position en décubitus latéral est préférable puisque l'effet mécanique de la paroi abdominale est supprimé. Le soulèvement de la paroi abdominale après l'induction de l'anesthésie peut améliorer l'oxygénation. La plupart des tables d'opération peuvent supporter des poids jusqu'à 120-140 kg ; au-delà de ce poids, il est préférable d'utiliser des tables spéciales ou, à défaut, l'association côte à côte de deux tables normales. Le patient doit être installé sur la table d'opération avant l'induction pour éviter les mobilisations inutiles. Une attention toute particulière doit être apportée à la protection des points et des zones d'appui. La compression de la veine cave inférieure est prévenue par le décubitus latéral ou des coussins en décubitus ventral.

Intubation

Le matériel permettant la réalisation une intubation difficile doit être disposé à proximité lors de l'induction en raison du risque rapide de désaturation artérielle et du risque réel d'intubation difficile. Les difficultés de ventilation au masque et d'intubation trachéale ont été rapportées plus importantes chez l'obèse avec une incidence d'intubation difficile évaluée à 13 % [9]. Ces difficultés d'intubation peuvent provenir de la graisse de la face et des joues, de l'augmentation des seins, d'un cou court, d'une grosse langue, de l'augmentation du palais et de la muqueuse pharyngée, d'un larynx haut situé, d'une limitation de l'ouverture de bouche et d'une limitation de la mobilité du rachis cervical. Il semblerait en fait qu'il s'agisse plus d'un problème de positionnement de la tête du patient obèse, celle-ci devant être suffisamment surélevée pour aligner les axes d'intubation [11]. En cas d'échec d'intubation, les masques laryngés Fastrach™ ou ProSeal™ peuvent être utilisés chez l'obèse.

Anesthésie locorégionale

L'anesthésie locorégionale permet évidemment de réduire les risques liés à l'intubation difficile, à l'inhalation du contenu gastrique et aux modifications pharmacocinétiques des agents intraveineux. Cependant, la ventilation spontanée en période peropératoire, sous anesthésie périmédullaire seule, n'est pas recommandée [12]. Pour les interventions abdominales et thoraciques, certains auteurs ont proposé d'associer anesthésie péridurale et anesthésie générale. Cette association présente des avantages sur l'anesthésie générale seule, permettant de diminuer les doses de curare et de morphiniques, une extubation trachéale plus précoce, une diminution des complications pulmonaires postopératoires. L'analgésie postopératoire est de meilleure qualité. Cependant, aucun avantage n'a été démontré sur la prévention et l'incidence des complications cardiaques postopératoires. Il faut noter que la réalisation d'une anesthésie médullaire est parfois difficile car la taille des aiguilles est insuffisante et que la graisse peut masquer les repères osseux. La technique est facilitée par la mise en position assise et des aiguilles longues. L'engorgement des veines

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péridurales et la grande quantité de graisse diminuent le volume de l'espace péridural, les doses d'anesthésiques locaux pour la rachianesthésie et l'anesthésie péridurale doivent être réduites de 25 % [13]. Pour la réalisation des anesthésies locorégionales plexiques ou tronculaires, les techniques de repérage échographiques devraient rendre le geste plus facile.

Induction de l'anesthésie générale

Il est recommandé qu'il y ait deux personnes compétentes lors de l'induction d'un patient obèse morbide. La tolérance à l'hypoxie étant réduite chez les patients obèses, la préoxygénation doit être soigneuse. Aucune méthode ne semble supérieure en termes d'oxygénation artérielle, que les patients soient préoxygénés pendant trois minutes avec un volume courant normal, avec la méthode de 4 capacités vitales en 30 s ou en réalisant une préoxygénation par CPAP [14]. La position proclive au cours de l'induction permet de prolongé la durée d'apnée sans désaturation [10]. La position assise est préférable au décubitus strict lors de la préoxygénation, mais ne semble pas être beaucoup plus bénéfique que le proclive [15]. L'adjonction d'une pression positive expiratoire prévient la survenue d'atélectasie lors de l'induction [16]. La mise en place d'un masque laryngé ProSeal™ a été proposée pour faciliter la ventilation entre la perte de conscience et le début de la laryngoscopie [17]. L'induction recommandée chez l'obèse présentant un risque de reflux est une induction à séquence rapide comportant l'administration de thiopental et de succinylcholine. En cas d'absence de risque d'inhalation, le propofol apparaît l'agent d'induction intraveineux le plus adapté à cause de sa cinétique rapide. Le calcul de la dose peut se faire soit sur la masse maigre soit par le calcul d'un poids corrigé (poids idéal + 0,4 fois l'excès de poids) [18]. Il paraît préférable de ne pas utiliser de benzodiazépines lors de l'induction, leur distribution étant large dans les graisses d'où des demi-vies d'élimination allongées avec des effets très prolongés. L'induction au masque par sévoflurane représente actuellement une alternative. La conservation de la ventilation spontanée sans apnée, la possibilité d'intuber sans curare, en font une technique de choix. Par ailleurs la vasodilatation induite par le sévoflurane peut faciliter la mise en place d'une voie veineuse si celle-ci était difficile avant l'induction anesthésique. L'existence d'un reflux gastro-œsophagien représente une contre-indication formelle à l'induction inhalatoire. La mise en place d'une canule oropharyngée voire d'un masque laryngé 1,5 min après le début de l'induction, facilite la ventilation au masque au cours de l'induction anesthésique. Un curare peut être injecté pour faciliter l'induction essentiellement en cas d'utilisation de propofol. Le suxaméthonium du fait de son court délai d'action et de la possibilité d'une intubation trachéale difficile paraît la molécule de choix. Du fait de l'augmentation de l'activité plasmatique des pseudocholinestérases (directement proportionnelle au poids) et de l'augmentation du volume extracellulaire, la posologie de suxaméthonium doit être calculée à partir du poids total [18]. Pour les curares non dépolarisants, leur posologie doit être calculée sur le poids idéal, leur pharmacocinétique semble peu modifiée. Les posologies de morphiniques semblent devoir être basée sur le poids idéal, ils sont tous aussi efficaces pour prévenir la réponse adrénergique à l'intubation [19].

Entretien de l'anesthésie

L'entretien peut faire appel aux anesthésiques volatils, aux morphiniques, aux curares non dépolarisants et au propofol qui permettent une anesthésie et un réveil de qualité superposable à celle des sujets de poids normal. L'utilisation de l'AIVOC est possible. Si on utilise le modèle de Marsh, on peut prendre comme poids le poids idéal + 0,4 fois l'excès de poids. Le modèle de Schnider propose l'utilisation de la masse maigre (calcul de l'IMC) ce qui aboutit parfois à des sous dosages. L'utilisation de produits de cinétique courte et ne s'accumulant pas dans les graisses paraît logique. Le desflurane permet un réveil plus rapide et de meilleure qualité chez l'obèse que le propofol ou l'isoflurane. Il ne semble pas exister de grandes différences en termes de réveil entre le

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sévoflurane et le desflurane [20]. Le rémifentanil paraît aussi intéressant et semble permettre un réveil rapide.

Un volume courant élevé (15 à 20 ml/kg de poids idéal) a longtemps été recommandé. Cependant ces volumes courants élevés augmentent les pressions intrapulmonaires au détriment du débit cardiaque, augmentant le risque de barotraumatisme. Un compromis entre l'oxygénation, le CO2 et le débit cardiaque doit donc être trouvé en réglant le niveau de pression positive de fin d'expiration. Les techniques de recrutement alvéolaire ont montré leur efficacité, en revanche celle-ci est de courte durée et ces techniques s'accompagnent d'un retentissement hémodynamique non négligeable [21].

Particularités de la chirurgie laparoscopique

Malgré les conséquences respiratoires de l'obésité, le patient obèse semble supporter relativement bien l'insufflation du pneumopéritoine [22]. Il ne faut cependant pas oublier que les changements de position, Trendelenburg surtout et, à un moindre degré, le proclive, sont mal tolérés chez l'obèse, que l'hypercapnie peut entraîner des troubles du rythme déjà fréquents chez ce type de patients et qu'une augmentation de la pression intrapéritonéale peut entraîner des instabilités hémodynamiques peropératoires. En période postopératoire, les patients obèses nécessitent moins d'analgésie, déambulent plus rapidement et ont un séjour hospitalier plus court après laparoscopie que laparotomie.

Le réveil

Très peu d'études s'intéressent aux problèmes du réveil chez le patient obèse [23] [24]. En général, le réveil est marqué par une augmentation de la consommation d'oxygène, de la ventilation et du débit cardiaque. Les capacités d'adaptation à l'effort du sujet obèse étant limitées et l'insuffisance coronarienne fréquente, il faut s'efforcer de minimiser l'augmentation de la consommation d'oxygène au moment du réveil : normothermie, analgésie suffisante, décurarisation complète et installation en position demi-assise, sont de rigueur avant l'extubation. L'augmentation des résistances des voies aériennes supérieures liée au calibre de la sonde, en provoquant des efforts expiratoires actifs, peut favoriser une hyper inflation dynamique avec augmentation importante du volume de fermeture entraînant une gêne ventilatoire. L'extubation doit être la plus précoce possible, dès la reprise d'une ventilation spontanée efficace. Néanmoins, la ventilation peut éventuellement se poursuivre sur un masque laryngé ou sous forme de ventilation non invasive avec un masque facial. L'oxygénothérapie est de rigueur. Le poids est un facteur plus important que le site chirurgical dans la réduction des volumes pulmonaires [25].

Période postopératoire

La mortalité postopératoire est plus importante en cas d'obésité. Les complications pulmonaires postopératoires sont plus fréquentes chez les patients obèses. La diminution des performances ventilatoires dure plus longtemps après laparotomie chez l'obèse par rapport à un patient de poids normal.

Les infections de paroi sont plus fréquentes du fait d'une durée opératoire plus importante, d'un traumatisme tissulaire plus intense par les tractions et d'une moindre résistance du tissu adipeux à l'infection.

L'incidence des thromboses veineuses profondes et de l'embolie pulmonaire est plus importante liée à l'immobilité, la polyglobulie, une pression abdominale élevée, une insuffisance cardiaque, la

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décroissance de l'activité fibrinolytique avec augmentation du fibrinogène. Une thromboprophylaxie précoce doit être effectué chez tous les patients obèses. La biodisponibilité des héparines de bas poids moléculaire injectées par voie sous-cutanée et leur volume de distribution limité au compartiment central les rendent utilisables chez le patient obèse. La compression alternative des membres inférieurs a été proposée, l'association de deux coussins gonflables par membre a été décrite. L'obésité en soi n'est pas une contre-indication à l'anesthésie ambulatoire [26].

Une analgésie postopératoire efficace est impérative permettant la mobilisation et la kinésithérapie. La morphine en PCA peut être utilisée. Les doses de morphine sont à rapporter au poids idéal. L'analgésie péridurale permet la kinésithérapie et la toux, une diminution des complications thromboemboliques et une sortie plus rapide de l'hôpital. L'infiltration de la cicatrice par des anesthésiques locaux peut-être réalisée chez l'obèse.

La prise en charge périopératoire du patient obèse pose des problèmes souvent proportionnels à l'importance et à l'ancienneté de l'obésité. Des études récentes ont montré que le poids en soi n'était pas un facteur induisant une augmentation des complications périopératoires [1] [27]. En effet, une bonne connaissance des implications anesthésiques de cette pathologie permet d'en diminuer les conséquences et d'adapter le matériel et l'environnement. Il est cependant toujours important de discuter l'opportunité d'une anesthésie en cas de geste non urgent ou de chirurgie fonctionnelle.

PATIENT PRÉSENTANT UN SYNDROME D'APNÉE DU SOMMEIL

Le syndrome d'apnée obstructive du sommeil (SAS) est une affection fréquente qui toucherait 2 à 5 % de la population adulte. Les apnées sont secondaires à la fermeture des voies aériennes supérieures, au niveau de l'oropharynx ou du vélopharynx. Cette occlusion peut être incomplète (hypopnée obstructive). Les symptômes essentiels du SAS sont diurnes et nocturnes, représentés par la somnolence diurne causée par la destruction de l'architecture du sommeil. Le SAS est un facteur de morbidité cardiovasculaire et de troubles neuropsychiques (troubles de la vigilance, de la mémoire). L'association obésité et SAS est très fréquente. Il est admis que 60 à 90 % des patients présentant un SAS sont obèses, et vice-versa.

Diagnostic du SAS

Le SAS peut être suspecté par l'interrogatoire et l'examen clinique. La valeur prédictive positive des questionnaires et de l'examen clinique reste cependant médiocre. Le ronflement représente le symptôme nocturne majeur, souvent ancien, aggravé par la prise d'alcool, la position allongée sur le dos et la prise de sédatifs ou de somnifères. Le ronflement est fréquemment associé à des arrêts respiratoires nocturnes, avec reprise bruyante de la respiration. Seulement 20 % des ronfleurs seraient apnéiques. D'autres symptômes diurnes peuvent être associés comme des céphalées matinales, des troubles de la mémoire, de l'humeur (dépression, irritabilité), et la baisse de la libido.

La confirmation du diagnostic sera portée par un enregistrement nocturne des événements respiratoires. La polygraphie de ventilation (hypnoPTT) est probablement l'examen le plus réalisé. Elle permet l'enregistrement des paramètres ventilatoires (flux aérien, efforts respiratoires, SpO2) et du temps de transit du pouls. La polygraphie a l'avantage d'avoir des délais de réalisation courts, une analyse plus simple et la possibilité d'enregistrement à domicile.

En cas de doute, le diagnostic de certitude est apporté par la polysomnographie. Elle consiste en l'enregistrement des paramètres du sommeil (électroencéphalogramme, électro-oculogramme,

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électromyogramme) de ventilation (débit, ampliation thoracique et abdominale, éventuellement pression œsophagienne) et des conséquences immédiates (SpO2, fréquence cardiaque, pression artérielle). La polysomnographie est un examen qui demande beaucoup de temps, coûteux, réalisable exclusivement dans les laboratoires de sommeil qualifiés. Le SAS est défini par une interruption du débit aérien naso-buccal, fixé arbitrairement à 10 secondes. La définition de l'hypopnée est l'existence d'une réduction de plus de 50 % de la ventilation pendant au moins 10 secondes, associée à une diminution de la saturation de l'hémoglobine en oxygène dans le sang artériel d'au moins 4 % ou à un réveil. Le SAS est défini par la survenue de plus de 5 apnées ou de plus de 10 apnées et hypopnées par heure de sommeil, c'est-à-dire un index « apnée + hypopnée > 10 ». L'appréciation de la gravité du SAS repose sur un faisceau d'arguments : un index d'apnée-hypopnée > 30, l'importance des désaturations, l'importance de l'hypersomnie et des troubles neuropsychiques, les anomalies permanentes de l'hématose, une HTA difficile à contrôler, la notion d'accident de la voie publique. Un SAS peut être considéré comme modéré lorsque l'index d'apnée-hypopnée est > 30.

Traitement du SAS

La prise en charge thérapeutique doit être adaptée et efficace. Outre les règles hygiéno-diététiques (amaigrissement, éviction de l'alcool et des sédatifs en particulier benzodiazépines), le traitement de référence reste la pression positive continue par voie nasale (PPC), véritable attelle pneumatique pharyngée. Le niveau de pression nécessaire est souvent compris entre 5 et 15 cmH2O, le traitement doit être poursuivi sans interruption. L'hypersomnie, les troubles neuropsychiques, parfois l'hypertension artérielle, disparaissent sous traitement. Le SAS récidive dans les deux semaines suivant l'arrêt de la PPC. Les indications de pression positive continue sont larges : un patient avec un index d'apnée-hypopnée > 30 doit être traité. Les SAS modérés ne relèvent pas d'une indication de pression positive continue mais peuvent être traités par des orthèses d'avancement mandibulaire. D'autres moyens de pression positive continue pourraient être proposés pour certains patients : la ventilation à deux niveaux de pression (bipap) et surtout l'auto-PPC ajustant en permanence le niveau de pression positive nécessaire pour supprimer l'obstruction des voies aériennes supérieures. En cas d'intolérance à la pression positive continue, la chirurgie pourrait constituer une alternative thérapeutique. L'uvulo-palato-pharyngoplastie (UPP) demeure la technique la plus répandue, réalisant l'ablation des amygdales, de la luette et la résection des excès de tissus au niveau des piliers antérieurs et postérieurs du voile. Le taux de succès de l'UPP ne dépasse pas 40 %. L'alternative est un geste maxillo-facial, ostéotomie bimaxillaire.

Prise en charge anesthésique

Les anesthésistes-réanimateurs s'intéressent particulièrement à cette pathologie à haut risque de complication dans la période périopératoire pour plusieurs raisons : une incidence élevée dans la population, des complications périopératoires directement liées au SAS sont possibles (difficulté de gestion des voies aériennes supérieures, ventilation au masque difficile voire impossible et intubation difficile, obstruction postopératoire des voies aériennes supérieures).

Période préopératoire

La recherche du SAS doit être systématiquement faite en consultation préanesthésique d'autant plus si le patient est obèse, hypertendu, de sexe masculin ou porteur d'autres facteurs prédisposant (grosse langue, rétrognathisme...). La recherche d'un ronflement doit figurer sur tout questionnaire préopératoire au même titre que la recherche d'un angor ou d'une dyspnée. La pression positive continue doit être obligatoirement poursuivie dans la période périopératoire, le niveau de pression doit être mentionné sur la feuille de consultation d'anesthésie. Il faut expliquer au patient et au

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personnel paramédical, la nécessité de la reprise de la pression positive continue en postopératoire immédiat dès la salle de surveillance post interventionnelle et de l'éventuelle admission en soins intensifs. La chirurgie réglée peut être envisagée 10 à 15 jours après la mise sous PPC. À l'heure actuelle, il n'existe aucune recommandation des sociétés savantes concernant le dépistage du SAS chez les patients obèses admis pour chirurgie sous anesthésie générale ou locorégionale. La prémédication classique par benzodiazépines fait courir un risque important d'obstruction et même de décès par collapsus irréversible des voies aériennes supérieures. Elle est formellement contre indiquée. La clonidine a été proposée en prémédication [28]. L'évaluation cardiovasculaire doit être systématique (HTA, hypertrophie ventriculaire gauche, cardiomyopathie ischémique et troubles du rythme).

Période peropératoire

L'anesthésie locorégionale est une méthode de choix. Compte tenu du risque important d'intubation difficile et de ventilation manuelle difficile, il est impératif d'avoir prévu un recours à l'intubation par fibroscopie ou masque laryngé Fastrach™. L'entretien de l'anesthésie est fonction du geste chirurgical (durée, caractère douloureux...). Le choix sera porté sur des agents à durée d'action courte. Il n'y a aucun argument pour laisser un patient sans morphiniques pendant l'acte chirurgical.

Période postopératoire

Il s'agit de la phase la plus critique après une anesthésie générale. L'extubation sur table doit être systématique sauf pour certains cas particuliers. Le tonus du génioglosse chez l'apnéique éveillé est meilleur en position demi assise lorsque la respiration est nasale. La reprise de la PPC doit se faire immédiatement après l'extubation. Si nécessaire on peut enrichir en oxygène l'air administré par le respirateur de PPC. L'analgésie postopératoire est de principe multimodale. L'utilisation des morphiniques par PCA doit être prudente, sans débit continu, les bolus limités à 0,5-1 mg, et une dose maximale de 20 à 30 % de la dose calculée pour l'apnéique non traité par PPC. En revanche un apnéique traité par PPC doit bénéficier d'une analgésie avec ou sans morphiniques. L'analgésie par voie péridurale doit être assurée par des anesthésiques locaux utilisés sans morphiniques. Les épisodes d'obstruction des voies aériennes supérieures en postopératoire tardif (durant les trois premières nuits postopératoires) sont d'origine multifactorielle : le stress chirurgical, la douleur persistante, les résidus d'anesthésiques, les analgésiques majeurs et enfin la modification de l'architecture du sommeil. Le contexte postopératoire peut aggraver considérablement les symptômes et induire des épisodes obstructifs majeurs voire fatals. D'autres facteurs postopératoires banals peuvent majorer cette tendance : les somnifères, la déprivation de sommeil, le décubitus dorsal à plat, l'obstruction nasale (sonde, méchage). La littérature rapporte des décès secondaires à des opiacés par voie veineuse ou péridurale jusqu'au troisième jour postopératoire. Enfin les patients porteurs de SAS ont une tendance à la diminution des réflexes de déglutition, source de pneumopathie d'inhalation.

RÉFÉRENCES

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