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Anesthésie du patient alcoolique A Teboul JL Pourriat Résumé. L’extrême fréquence de l’intoxication alcoolique chronique (près d’un homme hospitalisé sur quatre) amène tout naturellement les anesthésistes-réanimateurs à prendre en charge des patients éthyliques chroniques et/ou ébrieux, dont la mortalité et la morbidité peropératoires sont plus élevées que chez les sujets normaux. Les conséquences de l’alcoolisme doivent être connues et prévenues par le médecin anesthésiste- réanimateur. La prise en charge des patients cirrhotiques n’est pas étudiée ici. Le métabolisme de l’éthanol est très majoritairement hépatique, par le biais de trois voies métaboliques différentes : alcool déshydrogénase, système microsomial d’oxydation de l’éthanol et catalase. La dégradation de l’éthanol aboutit, dans tous les cas, à la formation d’acétaldéhyde, qui peut être considéré comme un bloqueur métabolique et un toxique direct. L’intoxication éthylique chronique se traduit par des altérations touchant de nombreux appareils. Les conséquences neurologiques sont principalement la polynévrite et l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke par carence en thiamine. Le retentissement hépatique peut être mineur (stéatose) ou sévère (hépatite alcoolique aiguë), aboutissant à la cirrhose hépatique. Le retentissement cardiovasculaire est souvent sous-estimé. La cardiomyopathie alcoolique se traduit par une altération de la contractilité, à laquelle l’organisme répond par une hypersécrétion de catécholamines, à l’origine de troubles du rythme cardiaque et d’une majoration de l’incompétence myocardique. Le béribéri cardiaque est plus rare. Le retentissement nutritionnel explique une grande partie des complications neurologiques, cardiaques, infectieuses et musculaires. L’intoxication éthylique aiguë (IEA) a ses complications propres, notamment traumatiques. Les anesthésies en urgence pratiquées dans un contexte d’IEA concernent volontiers des patients hypovolémiques, atteints d’hypocontractilité cardiaque et à l’estomac plein. L’anesthésie du patient éthylique chronique non ébrieux nécessite une évaluation préopératoire soigneuse du retentissement de l’intoxication et la prescription rapide d’une suppléance nutritionnelle. L’étude de la littérature ne retrouve que peu de travaux étudiant la pharmacologie des agents anesthésiques chez l’éthylique non cirrhotique. Il n’y a pas de contre-indication à l’utilisation de tel ou tel agent ou de telle ou telle technique. Schématiquement, l’IEA nécessite une réduction posologique des analgésiques et des hypnotiques, tandis que l’intoxication chronique peut justifier une discrète majoration des doses utilisées. Les complications surviennent essentiellement pendant la phase postopératoire, en partie en raison des carences en thiamine et phosphore. La survenue d’un syndrome de sevrage est fréquente et peut être mortelle, notamment en cas de delirium tremens. Le meilleur traitement des complications postopératoires est certainement préventif, mais peut être insuffisant. Le traitement curatif peut justifier à lui seul une admission en réanimation. Les moyens pharmacologiques font appel aux carbamates, aux neuroleptiques, aux benzodiazépines ou à la clonidine. L’administration d’alcool n’est plus conseillée. © 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots-clés : anesthésie, alcool, intoxication alcoolique chronique, delirium tremens. Introduction L’alcool, qui est la drogue la plus consommée à travers le monde, peut être considéré comme une « hépatotoxine socialement acceptable » [28] . En France, environ deux hommes sur trois (pour moins de trois femmes sur dix) absorbent de l’alcool Alexandre Teboul : Chef de clinique-assistant. Jean-Louis Pourriat : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service. Service des urgences médicochirurgicales, hôpital de l’Hôtel-Dieu, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris, France. quotidiennement [33] . De fait, l’extrême fréquence de cette intoxication en fait une pathologie désormais connue et assez clairement codifiée [20, 66] . Cependant, la prise en charge médicale des patients éthyliques n’est pas toujours satisfaisante [78] , alors que la proportion d’éthyliques atteint 13,5 % des patients hospitalisés (22,7 % des hommes et 5,5 % des femmes) [35, 94] . L’éthylisme est lui- même responsable d’une surmorbidité et d’une surmortalité dans les pathologies traumatiques et plus de 20 % des patients hospitalisés en chirurgie sont éthyliques chroniques [48] . Il n’est donc pas surprenant que les anesthésistes-réanimateurs soient si souvent confrontés à des patients éthyliques. Si la prise en charge spécifique Encyclopédie Médico-Chirurgicale 36-659-B-10 36-659-B-10 Toute référence à cet article doit porter la mention : Teboul A et Pourriat JL. Anesthésie du patient alcoolique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Anesthésie-Réanimation, 36-659-B-10, 2002, 8 p. Rejoignez nous sur facebook: “ La Radiologie Pour Tous”

Anesthésie du patient alcoolique

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Anesthésie du patient alcoolique

A Teboul

JL Pourriat

Résumé. – L’extrême fréquence de l’intoxication alcoolique chronique (près d’un homme hospitalisé surquatre) amène tout naturellement les anesthésistes-réanimateurs à prendre en charge des patients éthyliqueschroniques et/ou ébrieux, dont la mortalité et la morbidité peropératoires sont plus élevées que chez les sujetsnormaux. Les conséquences de l’alcoolisme doivent être connues et prévenues par le médecin anesthésiste-réanimateur. La prise en charge des patients cirrhotiques n’est pas étudiée ici.

Le métabolisme de l’éthanol est très majoritairement hépatique, par le biais de trois voies métaboliquesdifférentes : alcool déshydrogénase, système microsomial d’oxydation de l’éthanol et catalase. Ladégradation de l’éthanol aboutit, dans tous les cas, à la formation d’acétaldéhyde, qui peut être considérécomme un bloqueur métabolique et un toxique direct.

L’intoxication éthylique chronique se traduit par des altérations touchant de nombreux appareils. Lesconséquences neurologiques sont principalement la polynévrite et l’encéphalopathie de Gayet-Wernicke parcarence en thiamine. Le retentissement hépatique peut être mineur (stéatose) ou sévère (hépatite alcooliqueaiguë), aboutissant à la cirrhose hépatique. Le retentissement cardiovasculaire est souvent sous-estimé. Lacardiomyopathie alcoolique se traduit par une altération de la contractilité, à laquelle l’organisme répond parune hypersécrétion de catécholamines, à l’origine de troubles du rythme cardiaque et d’une majoration del’incompétence myocardique. Le béribéri cardiaque est plus rare. Le retentissement nutritionnel explique unegrande partie des complications neurologiques, cardiaques, infectieuses et musculaires.

L’intoxication éthylique aiguë (IEA) a ses complications propres, notamment traumatiques. Les anesthésiesen urgence pratiquées dans un contexte d’IEA concernent volontiers des patients hypovolémiques, atteintsd’hypocontractilité cardiaque et à l’estomac plein. L’anesthésie du patient éthylique chronique non ébrieuxnécessite une évaluation préopératoire soigneuse du retentissement de l’intoxication et la prescription rapided’une suppléance nutritionnelle.

L’étude de la littérature ne retrouve que peu de travaux étudiant la pharmacologie des agents anesthésiqueschez l’éthylique non cirrhotique. Il n’y a pas de contre-indication à l’utilisation de tel ou tel agent ou de telleou telle technique. Schématiquement, l’IEA nécessite une réduction posologique des analgésiques et deshypnotiques, tandis que l’intoxication chronique peut justifier une discrète majoration des doses utilisées.

Les complications surviennent essentiellement pendant la phase postopératoire, en partie en raison descarences en thiamine et phosphore. La survenue d’un syndrome de sevrage est fréquente et peut être mortelle,notamment en cas de delirium tremens. Le meilleur traitement des complications postopératoires estcertainement préventif, mais peut être insuffisant. Le traitement curatif peut justifier à lui seul une admissionen réanimation. Les moyens pharmacologiques font appel aux carbamates, aux neuroleptiques, auxbenzodiazépines ou à la clonidine. L’administration d’alcool n’est plus conseillée.

© 2002 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : anesthésie, alcool, intoxication alcoolique chronique, delirium tremens.

Introduction

L’alcool, qui est la drogue la plus consommée à travers le monde,peut être considéré comme une « hépatotoxine socialementacceptable » [28]. En France, environ deux hommes sur trois (pourmoins de trois femmes sur dix) absorbent de l’alcool

Alexandre Teboul : Chef de clinique-assistant.Jean-Louis Pourriat : Professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service.Service des urgences médicochirurgicales, hôpital de l’Hôtel-Dieu, place du Parvis-Notre-Dame, 75004 Paris,France.

quotidiennement [33]. De fait, l’extrême fréquence de cetteintoxication en fait une pathologie désormais connue et assezclairement codifiée [20, 66]. Cependant, la prise en charge médicale despatients éthyliques n’est pas toujours satisfaisante [78], alors que laproportion d’éthyliques atteint 13,5 % des patients hospitalisés(22,7 % des hommes et 5,5 % des femmes) [35, 94]. L’éthylisme est lui-même responsable d’une surmorbidité et d’une surmortalité dansles pathologies traumatiques et plus de 20 % des patientshospitalisés en chirurgie sont éthyliques chroniques [48]. Il n’est doncpas surprenant que les anesthésistes-réanimateurs soient si souventconfrontés à des patients éthyliques. Si la prise en charge spécifique

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Toute référence à cet article doit porter la mention : Teboul A et Pourriat JL. Anesthésie du patient alcoolique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Anesthésie-Réanimation,36-659-B-10, 2002, 8 p.

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de ces derniers a été étudiée depuis de nombreuses années [26, 64], lesévolutions récentes de l’anesthésiologie justifient une réévaluationfréquente des pratiques.

Métabolisme de l’éthanol

L’éthanol est une petite molécule amphotère (CH3-CH2OH) quitraverse très facilement les membranes. Après ingestion, sonabsorption est très rapide (quelques minutes) dans l’estomac et lejéjunum, mais peut être ralentie par une prise concomitanted’aliments glucidiques ou lipidiques. La diffusion de l’éthanol dansles tissus est proportionnelle à leur teneur en eau [25]. Si 3 % de laquantité ingérée sont éliminés par les voies rénale, sudorale etpulmonaire (permettant notamment une appréciation del’intoxication avec un éthylomètre), le métabolisme principal del’éthanol est hépatique, par l’intermédiaire de trois systèmesenzymatiques d’élimination (fig 1).

– La voie métabolique principale fait intervenir l’alcooldéshydrogénase (ADH), qui dégrade jusqu’à 90 % de l’éthanol ingéré.La voie de l’ADH est exclusivement hépatique et suffit pour lesconsommations modérées. L’ADH utilise une coenzyme, lanicotinamide adénine dinucléotide (NAD+). L’éthanol est ainsitransformé par l’ADH en acétaldéhyde, via une réduction de laNAD+ en NADH. L’éthanol peut alors être assimilé à un nutriment,qui fournit environ 7 kcal·g−1. Si la consommation dépasse lescapacités d’épuration de l’ADH, deux autres voies peuvent êtreactivées.

– Le système microsomial d’oxydation de l’éthanol (SMOE) intervientpour des alcoolémies supérieures à 0,20 g·L−1. Il effectue laréoxydation de la nicotinamide adénine dinucléotide phosphate(NADPH) en NADP+, aboutissant à l’hydroxylation de l’éthanol enacétaldéhyde. Le cytochrome P450 intervient dans cettehydroxylation et il subit une induction enzymatique par l’éthanol.Ceci pourrait expliquer certaines interactions médicamenteuses,ainsi que le développement d’une tolérance chez l’éthyliquechronique [15, 63]. Enfin, la dégradation de l’éthanol par le SMOElibère une énergie non stockable et non rentable en termesnutritionnels [8].

– La troisième et dernière voie fait intervenir la catalase, mais sonrôle est mineur.Fait important, les trois voies métaboliques de dégradation del’éthanol aboutissent à la formation de grandes quantitésd’acétaldéhyde (toxique pour les mitochondries hépatocytaires et lestissus extrahépatiques), qui sont oxydées en acétate par l’aldéhydedéshydrogénase (ALDH), dont le cofacteur est également la NAD+.L’acétate, transformé en acétyl-CoA, rejoint le cycle tricarboxylique.Parmi les nombreuses isoenzymes de l’ALDH (qui est codée par 16

gènes), l’ALDH2 exerce un rôle exclusif au niveau mitochondrial [15].De plus, le polymorphisme de l’ALDH2 serait associé à unealtération du métabolisme de l’acétaldéhyde, un risque moindred’éthylisme chronique, mais une plus grande sensibilité aux cancersliés à l’alcool [91]. L’excès d’acétaldéhyde diminue le rapportNAD+/NADH dans le cytosol et les mitochondries des hépatocytes.Le fonctionnement du cycle tricarboxylique s’en trouve diminué etil en découle un cercle vicieux inhibant l’oxydation del’acétaldéhyde.

Intoxication éthylique chronique

DÉFINITION

L’éthylisme chronique est défini pour une consommationquotidienne supérieure ou égale à 60 g d’alcool [86]. Ceci correspondà 1 L de vin à 10° (ou 10 %). On peut schématiquement considérerque chaque type de verre (par exemple, un verre à vin, à bière ou àliqueur) contient environ de 8 à 10 g d’alcool pur.

CONSÉQUENCES NEUROLOGIQUES

Les altérations des tissus nerveux liées à l’alcool sontmultifactorielles. En premier lieu, l’éthanol et l’acétaldéhyde ont uneffet directement toxique sur les enzymes membranaires, notammentl’acide adénosine triphosphatase (ATPase) et l’adénylcyclase [63]. Parailleurs, la carence multivitaminique (B1, B6, PP, folate) quiaccompagne l’éthylisme chronique peut provoquer des lésionsdirectes, favorisées par des déséquilibres alimentaires (excèsd’oxydes de carbone, aux dépens des protéines). Enfin, l’éthanolstimule la synthèse d’opioïdes endogènes et de prostaglandines(PG). En particulier, les PG1 jouent un rôle important dans laneurotransmission. La consommation d’alcool vient épuiser lesstocks limités des précurseurs de PG1 et altère ainsi la libération desneuromédiateurs présynaptiques [41].

¶ Polynévrite alcooliqueC’est la complication neurologique la plus fréquente au cours del’éthylisme chronique. Reconnaissable dès l’inspection car l’atteinteprédomine aux membres inférieurs (démarche caractéristique,troubles trophiques), elle est parfois responsable d’une véritableanesthésie des membres inférieurs. L’association d’une polynévritealcoolique à des troubles neurovégétatifs dysautonomiques estfréquente [1].

¶ Encéphalopathie de Gayet-Wernicke (EGW)Cette complication redoutable est la conséquence encéphalique dela carence en thiamine (vitamine B1) (cf infra). Son pronostic estgrevé d’une lourde mortalité (43 %), aiguë ou différée, la moitié dessurvivants pouvant garder des séquelles invalidantes. L’EGW estsouvent déclenchée par l’administration de solutés glucosés sanssuppléance vitaminique, mais l’apparition des signes peut êtreretardée de plusieurs jours. La présentation clinique de l’EGW estvolontiers polymorphe [92]. Les troubles de la conscience sontprépondérants (90 % des cas). Les atteintes oculomotrices sontfréquentes et très évocatrices. Elles se traduisent par un nystagmusvertical, une paralysie du nerf abducens, voire du nerf oculomoteur,ou encore des anomalies pupillaires. Une ataxie cérébelleuse et desdysautonomies neurovégétatives peuvent venir compléter ce tableauneurologique. Dans les formes tardives, l’EGW est souvent associéeà des troubles mnésiques (syndrome de Wernicke-Korsakoff) avecoubli à mesure. Le diagnostic d’EGW peut être posé sur des critèrescliniques, si l’on retrouve au moins deux des signes suivants :carence alimentaire en thiamine, troubles de la conscience, atteinteoculomotrice, syndrome cérébelleux [12]. Le traitement étiologique del’EGW par vitaminothérapie B1 (1 g·j−1) peut s’accompagner d’uneamélioration spectaculaire [92].

¶ Épilepsie alcooliqueSon origine est mixte. D’une part, l’atrophie cortico-sous-corticale(leucoaraïose) est une évolution fréquente et tardive de l’éthylisme

Élimination directe :reins, poumons, sueur

(3 %)

NAD +

NADH

ACÉTATE

Oxydationextrahépatique

(< 5 %)

NADPH

NADP +

ÉTHANOL

ADH hépatique (90 %) SMOE (10 %)Catalase (10 %)

Déshydrogénase mitochondriale (> 50 %) Déshydrogénase cytosolique (< 50 %)

ACÉTALDÉHYDE

1 Métabolisme de l’éthanol.ADH : alcool déshydrogénase ; NAD+ : nicotinamide adénine dinucléotide ; NADPH :nicotinamide adénine dinucléotide phosphate hydrogéné ; SMOE : système microso-mial d’oxydation de l’éthanol.

36-659-B-10 Anesthésie du patient alcoolique Anesthésie-Réanimation

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chronique. D’autre part, l’éthanol abaisse le seuil épileptogène. Lesconvulsions de l’éthylique chronique sont parfois le premier signed’un sevrage. L’épilepsie alcoolique ne présente pas de particularitésthérapeutiques.

¶ Myélinolyse centropontine

Cette complication d’origine carentielle provoque des troublesvariables de la conscience et de la déglutition. On en rapproche lamaladie de Marchiafava-Bignami (par effet toxique direct del’éthanol) et l’atrophie cérébelleuse alcoolique (carence en thiamine).

¶ Hématomes sous-duraux

D’origine le plus souvent traumatique (chute au cours d’uneivresse), ils ont une évolution volontiers subaiguë et pernicieuse [90].Ils posent le problème du diagnostic différentiel avec les autrescauses d’encéphalopathie de l’alcoolique.

¶ Syndromes de sevrage

Les syndromes de sevrage en alcool peuvent survenir dans lesheures qui suivent l’arrêt de l’intoxication. Volontiers polymorphes[73, 74], leur prise en charge est souvent difficile. Fait important, tousles syndromes de sevrage ne sont pas des delirium tremens, qui n’ensont qu’une variété ultime [14, 76].

RETENTISSEMENT HÉPATIQUE

Les altérations hépatiques de l’éthylisme chronique sont souventclassées en trois entités anatomopathologiques. En fait, il semble queces anomalies soient souvent intriquées.La moins grave de ces altérations est certainement la stéatosehépatique. Elle résulte de la diminution de la bêtaoxydation desacides gras au sein des hépatocytes [63]. La stéatose est classiquementconsidérée comme bénigne et réversible, mais il n’est pas rare deconstater des lésions associées de nécrose hépatocytaire, évocatricesd’hépatite alcoolique.L’hépatite alcoolique se définit par une nécrose centrolobulaire deshépatocytes avec réaction inflammatoire riche en polynucléaires. Laprésence de corps de Mallory (nécrose hyaline hépatocytaire) estcaractéristique, mais inconstante. Sur le plan biologique, la cytolysese traduit par une élévation des transaminases souvent inférieure àdix fois la normale, avec un rapport aspartate aminotrans-férases/alanine aminotransférases (anciennement transaminasesglutamo-oxaloacétiques/transaminases glutamopyruviques)supérieur à deux [69]. Les formes les plus graves, définies par le scorede Murray [69], bénéficient d’un traitement par prednisolone. Enfin,le syndrome de Zieve regroupe une hépatite alcoolique, un ictère,une anémie hémolytique et une hypercholestérolémie.La cirrhose alcoolique est l’évolution terminale de l’éthylismechronique grave. Schématiquement, on peut la considérer comme lacicatrice d’hépatites alcooliques. Les particularités de cettepathologie ne sont pas développées ici.

EFFETS CARDIOVASCULAIRES

La cardiomyopathie alcoolique est une myocardiopathie congestiveprimitive, dont l’évolution est souvent sévère [24, 31], marquée par unesurvie comparable à celle des myocardiopathies dilatées primitives(4 ± 3 ans). Il faut différencier la cardiopathie alcoolique du béribéricardiaque, plus rare, qui réalise un tableau d’insuffisance cardiaqueà débit élevé. Des cas d’insuffisance ventriculaire droite béribériqueont été décrits [7]. L’étiologie du béribéri cardiaque est une carenceen thiamine et la supplémentation en vitamine B1 permet en généralde faire régresser cette cardiopathie. Toutefois, il existe une formefulminante (shoshin béribéri) qui répond parfois au traitementvitaminique à fortes doses (1 g·j−1).D’une façon générale, les atteintes myocardiques de l’éthylismechronique se traduisent par une altération de la contractilité [13], quisemble indifférente à une réaction sympathique périphérique :

l’hypersécrétion réactionnelle de catécholamines n’a que peu d’effetssur l’inotropisme et serait même responsable de troubles du rythme,expliquant peut-être certaines morts subites de l’éthylique [44, 65]. Lavasoconstriction induite vient augmenter la postcharge d’unmyocarde défaillant. De même, les éthyliques chroniques présententune inadaptation circulatoire relative au cours des chocshémorragiques, avec diminution du débit cardiaque (par altérationde la contractilité), augmentation de la pression artérielle moyenneet de la consommation en oxygène du myocarde [42]. À ces troubleschroniques peuvent se rajouter les dysfonctions cardiovasculaires del’éthylisme aigu.Enfin, l’hypertension artérielle est retrouvée chez environ 10 % deséthyliques chroniques non cirrhotiques [51].

TROUBLES HYDROÉLECTROLYTIQUES

Les troubles hydroélectrolytiques sont peu importants chezl’éthylique non cirrhotique. Pour mémoire, l’éthanol a uneosmolarité mesurée de 21,77 mmol·g−1.Il existe également le classique « syndrome des buveurs de bière »qui associe hypochloronatrémie et hypokaliémie.

RETENTISSEMENT NUTRITIONNEL

Les éthyliques chroniques sont volontiers dénutris [28]. Les raisonsen sont multiples : déséquilibre alimentaire (parfois au profit quasiexclusif de l’alcool), vomissements répétés, misère sociale. Il enrésulte une carence en glucides, acides aminés, vitamines (A, B1, B6,B9, B12), phosphore, magnésium. L’ingestion isolée d’alcool à jeunprovoque la cétose alcoolique, qui est une acidocétose par carenceen glucides. Le traitement par apports glucosés en est généralementsimple. Pour mémoire, seule la voie de dégradation par l’ADHpermet de produire de l’énergie en métabolisant l’éthanol(7 kcal·g−1).Le phosphore joue un rôle métabolique très varié [3]. Il est un élémentconstitutif des membranes cellulaires. Il participe au métabolismedes hydrates de carbone, à la synthèse de l’ATP et des protéines. Leshypophosphorémies de l’éthylique chronique [45] peuvent êtreresponsables de complications graves. Les carences profondes enphosphore se traduisent essentiellement par des atteintesneuromusculaires. Les troubles de conscience peuvent se compliquerd’état de mal convulsif. En périphérie, des pseudomyasthénieshypophosphorémiques ont été décrites. Des troubles de lacontractilité cardiaque ont également été rapportés [96]. Enfin, leshypophosphorémies peuvent être responsables d’une altération dela force musculaire, pouvant intéresser le diaphragme et secompliquer d’insuffisance respiratoire aiguë [45]. Le dosage de plusen plus répandu de la phosphorémie permet de dépister lescarences, même si la phosphorémie n’est pas un bon reflet du pooltotal de phosphore de l’organisme [ 3 ] . La plupart deshypophosphorémies sont modérées (supérieures à 0,40 mmol·L−1),mais peuvent s’effondrer secondairement chez un patient carencéen phase de catabolisme intense (phase postopératoire par exemple).La supplémentation en phosphore doit être systématique chezl’éthylique, sur une base de 0,5 mmol·kg−1·j−1, éventuellementaugmentée en cas de carence profonde.La carence en thiamine [92] chez les éthyliques est fréquente, du faitdes faibles réserves tissulaires. Chez le sujet sain, une carence peutapparaître après 2 semaines de régime sans vitamine B1. Lediagnostic est confirmé par le dosage de l’activité transcétolasiquedes érythrocytes. La symptomatologie de la carence en thiamine estextrêmement polymorphe : les atteintes sont essentiellementneurologiques (EGW) et cardiaques (béribéri).

PROBLÈMES INFECTIEUX

Les effets conjugués de la dénutrition (carences en protéines et enphosphore), de la précarité sociale et des troubles de la conscience(inhalations répétées) exposent les éthyliques chroniques à un risqueinfectieux accru. En particulier, les pneumopathies à pneumocoqueou Klebsiella pneumoniae sont fréquentes (et souvent redoutables),de même que les tuberculoses [25].

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EFFETS RESPIRATOIRES

L’éthylisme chronique ne perturbe pas le système respiratoire, enl’absence d’hypophosphorémie profonde [45]. En revanche,l’intoxication tabagique, qui est associée à l’éthylisme dans 50 à 75 %des cas [58], est susceptible d’ajouter ses complications propres.

TROUBLES HÉMATOLOGIQUES

Les perturbations hématologiques observées au cours de l’éthylismechronique ne sont pas expliquées par les seules carencesnutritionnelles. L’anémie macrocytaire est extrêmement fréquente,mais souvent rebelle à une supplémentation en folates. La lignéeblanche est également perturbée. La leucopénie est le plus souventmodérée. La carence en phosphore diminue l’activité phagocytaireet le chimiotactisme. Le déficit en magnésium déprime l’activité dela voie alterne du complément.L’altération des fonctions hépatiques s’accompagne d’uneperturbation de la coagulation. Ainsi, le temps de prothrombine(TP), et surtout le dosage du facteur V sont un bon reflet del’insuffisance hépatocellulaire, bien que les anomalies franches soientdavantage l’apanage des cirrhotiques.

EFFETS MUSCULAIRES

Survenant préférentiellement chez l’éthylique chronique sévère, àl’occasion d’une ivresse aiguë, les rhabdomyolyses alcooliques ontune présentation clinique et évolutive comparable auxrhabdomyolyses d’autres origines. Les autres troubles musculairesliés à l’éthylisme sont essentiellement représentés par les syndromespseudomyasthéniques des hypophosphorémies (cf supra).

PANCRÉATITES

Les éthyliques chroniques présentent un risque de pancréatitechronique corrélé à la consommation quotidienne d’alcool [49]. Lediabète et les troubles nutritionnels qui en découlent viennentaggraver une évolution peu favorable, surtout si l’intoxicationalcoolique persiste.

DÉPISTAGE DES ÉTHYLIQUES CHRONIQUES

La détection des éthyliques chroniques est une préoccupationancienne, pour des raisons variées (médicolégales, professionnellesou dans un but préventif). Il n’existe pas, à ce jour, de critèresuffisamment sensible et spécifique pour un dépistage certain,notamment au cours des formes frustes. En général, l’intoxicationéthylique chronique est suspectée d’après des arguments cliniqueset/ou biologiques.Certaines données d’interrogatoire permettent de dépister un profild’éthylisme chronique. De nombreux auteurs utilisent lequestionnaire anglo-saxon CAGE, acronyme de cut-down, annoyed,guilty, eye-opener ou son équivalent francophone DETA (détectionde l’alcoolisme), pour déceler les consommateurs excessifs [35, 66, 78].D’autres outils sont également à l’étude [2].Certaines anomalies cliniques permettent de suspecter un éthylismechronique larvé. Une hypertrophie parotidienne ou des troubles dela marche sont des éléments évocateurs mais non suffisants.Les examens biologiques peuvent apporter des argumentssupplémentaires. En particulier, l’élévation de la gamma-glutamyl-transpeptidase (gamma-GT) est certes évocatrice, mais ne permetpas à elle seule de conclure à une intoxication éthylique. En effet,toute pathologie hépatobiliaire, ainsi que de nombreuxmédicaments, sont susceptibles de provoquer une augmentation desgamma-GT [9]. En revanche, si celle-ci est associée à d’autres critèrescliniques ou biologiques (macrocytose, diminution du TP...), lasuspicion s’en trouve renforcée. Certaines études semblent faire étatde marqueurs intéressants : activité aldéhyde déshydrogénase desérythrocytes [52], carbohydrate-deficiente transferrine [72], activité mono-amine oxydase plaquettaire [77], ou encore rapport urinaire

5-hydroxytryptophol/acide 5-hydroxyindole-3-acétique [79].Toutefois, ces marqueurs ne sont pas validés pour l’instant, ou sontpeu utilisables en routine.

Intoxication éthylique aiguë

GÉNÉRALITÉS

L’IEA est une pathologie extrêmement fréquente et la proportion depatients alcooliques au sein d’un service d’urgence peut atteindre25 % [94]. Une admission en réanimation sur 100 serait due à uneIEA [93]. L’IEA, en dehors de sa gravité propre, est génératrice depathologies traumatiques, qui s’expliquent en partie par la fréquencedes accidents de voie publique (environ un conducteur sur cinq estun consommateur d’alcool [6]). Notamment, il semble que l’éthanolaggrave le pronostic des traumatismes crâniens graves, par le biaisd’une majoration des agressions cérébrales secondaires d’originesystémique [97].La dose létale chez le sujet sain est de 300 g (2 g·kg−1 chez l’enfant),ce qui correspond à une alcoolémie de 4 ou 5 g·L−1 environ.

CONSÉQUENCES MÉDICOCHIRURGICALES

L’IEA entraîne des signes essentiellement neurologiques. D’une part,l’effet hypnotique de l’éthanol provoque des troubles variables de laconscience (de la désinhibition au coma aréactif). D’autre part, l’IEAréalise un véritable syndrome cérébelleux expérimental. L’ivressemanifeste apparaît pour une éthanolémie supérieure à 2 g·L−1 chezun sujet non accoutumé.L’éthanol est un puissant vasodilatateur, parfois responsable decollapsus chez un patient hypovolémique (vomissements,malnutrition, traumatisme). De plus, l’IEA est responsable d’unedysfonction ventriculaire par diminution de la fraction d’éjection etaugmentation de la fréquence cardiaque. La réaction sympathiqueréflexe qui en découle semble être plus néfaste que bénéfique [50]. Eneffet, l’IEA favorise l’hyperexcitabilité myocardique, avecallongement de la conduction intra-auriculaire et de l’espace QT.Tous ces facteurs ont été incriminés dans les morts subites del’éthylisme aigu [87]. Enfin, l’IEA inhibe la sécrétion d’hormoneantidiurétique et peut provoquer une déshydratation par diabèteinsipide alcoolo-induit.Les conséquences respiratoires des IEA sont essentiellement liées àla gravité du coma éthylique (pneumopathie d’inhalation,hypoventilation alvéolaire).Les hypothermies accidentelles sont souvent négligées à tort aucours des IEA. Elles sont dues à l’incapacité liée à l’intoxication à semobiliser et à la vasodilatation par l’éthanol, qui majore lathermolyse [26]. Ces hypothermies, associées à une pathologietraumatique, grèvent lourdement le pronostic des IEA [43].

Prise en charge anesthésique

Il est classique de considérer que l’éthylisme augmente le risqueanesthésique [11, 87]. Cependant, on ne trouve que peu de publicationssur ce sujet dans la littérature anesthésiologique récente [54].Nombreux sont les auteurs qui semblent minimiser les conséquencesde l’éthylisme sur le déroulement de l’anesthésie [62, 84], même en casd’hépatite alcoolique aiguë [98]. Selon certains, les complicationspostopératoires sont cependant plus nombreuses et la duréed’hospitalisation est allongée [87, 88]. Pour d’autres, en l’absence desyndrome de sevrage, les patients éthyliques ne présentent pas untaux de complications supérieur ou un allongement de la durée deséjour [53]. Cependant, ces mêmes auteurs constatent uneaugmentation des réadmissions postopératoires en réanimation chezles éthyliques, liée à des problèmes de sevrage en alcool. Enfin,lorsque l’acte chirurgical nécessite d’emblée une admissionpostopératoire en réanimation (chirurgie carcinologique lourde), la

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population des éthyliques chroniques se distingue par un risqueaccru de complications (sepsis et pneumopathies), ainsi que par unemortalité plus élevée [80]. Les progrès de la sécurité en anesthésie deces dernières années ne doivent donc pas faire oublier la dangerositépotentielle de l’éthylisme.

PHARMACOLOGIE

Les perturbations des fonctions hépatiques (induction enzymatique,notamment par l’augmentation parfois décuplée de l’isoenzymeP4502E1 du cytochrome P450 [21], insuffisance hépatocellulaire) sontthéoriquement de nature à modifier la pharmacocinétique des agentsde l’anesthésie : diminution de la clairance hépatique, augmentationde la forme libre des médicaments en rapport avec une baisse del’albuminémie, modification du volume de distribution. De plus, leseffets neurologiques de l’éthylisme sont à même d’influer sur lesphénomènes douloureux. Toutefois, l’analyse de la littérature estdécevante, devant le faible nombre de travaux étudiant lesinteractions entre les agents de l’anesthésie (pourtant nombreux) etl’éthylisme (pourtant répandu !).

¶ HypnotiquesLa consommation chronique d’éthanol ne modifie pas les besoins, lapharmacocinétique, ni la pharmacodynamie du thiopental [16, 84].Concernant le propofol, il est désormais établi que les quantitésnécessaires à l’induction anesthésique sont supérieures à la normalepour obtenir une perte de contact chez l’éthylique chronique(2,7 versus 2,2 mg·kg−1) [32]. La littérature ne rapporte pas d’étudeconcernant l’administration continue de propofol chez l’éthylique [22].En revanche, en cas d’intoxication aiguë, l’éthanol possède un effetpotentialisateur du propofol, mais le mécanisme n’en est pasélucidé [36].Les troubles psychiques induits au réveil par la kétamine semblentêtre plus fréquents en cas d’éthylisme chronique [19].La pharmacocinétique du midazolam n’est que peu perturbée, endépit de son élimination hépatique [89].

¶ AnalgésiquesLes interactions entre l’éthanol et les phénomènes douloureux sontextrêmement complexes. Elles font toujours l’objetd’expérimentations nombreuses et parfois contradictoires[4, 5, 32, 40, 56, 60, 67, 68]. Ces travaux fondamentaux, basés sur laconstatation d’une tolérance croisée entre les morphiniques etl’alcool, tentent encore d’en préciser les mécanismes moléculaires.L’éthanol se comporterait comme un opioïde dont les récepteurs nesont pas clairement identifiés. L’action analgésique de l’alcool n’estpas antagonisée par la naloxone [70].En pratique clinique, toutefois, on peut schématiquement considérerque l’éthylisme chronique semble induire une relative résistance auxopiacés [23, 68, 75, 82], marquée par une possible majoration des effetssecondaires, en particulier avec le fentanyl [81]. En revanche, l’IEAsemble potentialiser les effets des analgésiques, sans que lemécanisme en soit clairement élucidé [5, 82]. L’analyse de toutes cesmodifications est rendue encore plus complexe par la variabilitéinterindividuelle aux agents anesthésiques chez les sujets sains [85].La pharmacocinétique du fentanyl n’est que peu modifiée parl’éthylisme chronique [81]. Il n’a pas été trouvé d’études récentes dansla littérature concernant les modifications pharmacocinétiques dusufentanil, de l’alfentanil, ni du rémifentanil chez l’éthylique noncirrhotique. Pour mémoire, l’administration de naltrexone,antagoniste pur des morphiniques, connaît un développementrécent pour le maintien de l’abstinence chez l’alcoolique sevré. Uneinteraction probable entre la naltrexone et le sufentanil, responsabled’une insuffisance d’analgésie, a été rapportée [85].Enfin, certains travaux expérimentaux chez la souris suggèrent lapossibilité d’une moindre sensibilité des éthyliques chroniques auprotoxyde d’azote [40].

¶ HalogénésLa littérature ne fait pas mention de restrictions d’utilisation desanesthésiques halogénés actuels chez l’éthylique non cirrhotique.

¶ Curares

Les différences pharmacocinétiques ne deviennent perceptibles quechez le cirrhotique [24], essentiellement en raison de modifications duvolume de distribution. En cas de doute sur l’intégrité des fonctionshépatiques, l’utilisation de curares dégradés par la voie de Hofmann(atracurium, cisatracurium) prend ici tout son sens. Le caractèresupposé difficilement prévisible de la myorelaxation chez l’éthyliqueest un argument supplémentaire, s’il en était besoin, en faveur dumonitorage de la curarisation.

¶ Anesthésiques locaux

L’utilisation périphérique des anesthésiques locaux chez l’éthyliquene présente pas de difficulté particulière [34]. Chez l’animal, unetolérance à la lidocaïne intrathécale a pu être retrouvée, sansincidence sur la durée du bloc [29]. En cas de cardiomyopathiealcoolique, la prudence est de mise.Chez l’éthylique particulièrement, la réalisation d’une anesthésielocorégionale doit être précédée d’un examen neurologiquesoigneux, à la recherche d’un déficit sensitivomoteur préexistant. Eneffet, la possible présence d’une polynévrite pourrait faire croire àtort à une complication de l’anesthésie locorégionale. Cetteprécaution prise, il n’est plus justifié de déconseiller les anesthésieslocorégionales chez les éthyliques, comme cela a pu être le cas parle passé [10].

PHASE PRÉOPÉRATOIRE

¶ Intoxication éthylique aiguë

Des données statistiques déjà anciennes faisaient état d’un risqued’accident anesthésique multiplié par trois en cas d’ivresse aiguë [39].Les effets conjugués d’un trouble de la conscience (pouvantcompromettre la qualité de l’interrogatoire anesthésique), d’unesituation d’« estomac plein » et de la pathologie chirurgicale associéeexpliquent l’augmentation du risque. Toutefois, les progrès récentsde la discipline (nouveaux médicaments, monitorage) et lagénéralisation des bonnes pratiques (induction à séquence rapide)justifieraient une réévaluation du risque anesthésique actuel en casd’IEA.

L’éthanol est connu pour être un puissant analgésique [95].L’expérience des auteurs retrouve des cas d’anesthésie totale defractures périphériques par les effets conjugués d’une intoxicationaiguë et d’une polynévrite. Le risque est alors de ne pas détecterune lésion périphérique en cas de traumatismes multiples ou deprovoquer un surdosage d’analgésique en cas de mauvaiseévaluation de la douleur (prescription « systématique » dans le cadred’un protocole par exemple). De même, l’effet potentialisant del’alcool sur les hypnotiques doit inciter à la prudence dans laprescription d’une prémédication [36].

En raison des carences nutritionnelles fréquentes et du risquecardiovasculaire, il est préférable de considérer que tout patient enivresse aiguë est suspect d’éthylisme chronique et doit bénéficier,autant que possible, des thérapeutiques préopératoires appropriées.

¶ Chez l’éthylique chronique non ébrieux

On a soin de réaliser un bilan soigneux des conséquences del’intoxication, en particulier sur les plans cardiovasculaire,nutritionnel et hépatique. L’éthylisme chronique est responsabled’une diminution de la fraction d’éjection ventriculaire et d’unemajoration du temps de saignement [87]. Il semble raisonnable deproposer un sevrage de l’intoxication au moins 1 mois avant unechirurgie réglée, dans l’espoir de diminuer le risque decomplications postopératoires [37].

La rééquilibration hydroélectrolytique, ainsi qu’unesupplémentation en vitamines (thiamine notamment), magnésiumet phosphore, sont des préalables recommandés [45, 92]. Il n’existe pasde règle concernant la prémédication adéquate. Fait intéressant, une

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étude a montré que 11 % des patients devant bénéficier d’unechirurgie pour cancer s’étaient « autoprémédiqués » en absorbant lesdésinfectants alcooliques du poste de soins infirmiers [61]. Enfin,certains ont suggéré l’intérêt d’une prémédication par clonidinepour contrer les effets de l’état d’hyperadrénergie, mais cettepratique n’est pour l’heure pas validée [83].

PHASE PEROPÉRATOIRE

Les données de la pharmacologie ne permettent pas de proposer unschéma de prescription standard pour l’anesthésie de l’éthylique.Schématiquement, la constatation d’une intoxication aiguë doitrendre prudent sur les posologies d’agents anesthésiques. Lestechniques récentes de surveillance de l’anesthésie (index bispectral)et le monitorage de la curarisation devraient s’avérerparticulièrement intéressantes sur ce terrain.

PÉRIODE POSTOPÉRATOIRE

C’est certainement la phase la plus délicate [87] au cours de laquelleapparaissent les conséquences de la dénutrition, del’immunodépression et des troubles cardiaques. À ces anomalies, ilfaut ajouter les conséquences du sevrage en alcool. Enfin, certainsont incriminé l’anesthésie (ou l’« événement chirurgical ») commefacteur de risque de rechute chez un éthylique sevré [46, 71].

Les syndromes de sevrage [14, 26, 74, 76] apparaissent déjà après 6 heuresd’abstinence. Ils débutent par un état d’hyperadrénergie [44, 65] avechypertension artérielle et tremblement fin des extrémités. Enl’absence de résolution spontanée en 2 ou 3 jours, l’évolution peutse faire vers un delirium tremens, dans 5 % des cas. Le deliriumtremens associe confusion mentale, désorientation, agitationpsychomotrice, anxiété et hallucinations. L’état d’hyperadrénergiequi accompagne le delirium tremens est parfois responsable decomplications graves, notamment des ischémies myocardiques surcoronaires saines [18]. Toutefois, en raison de son mimétisme avec denombreuses complications postopératoires (hypoglycémie,hypoxémie, désunion d’anastomose, globe vésical, douleur, EGW),le delirium tremens est un diagnostic d’élimination. En particulier,la confusion est fréquente avec le status epilepticus tonicoclonique,dont l’encéphalopathie postcritique peut mimer un delirium tremens[14, 76]. Enfin, toute encéphalopathie apparaissant dans la périodepostopératoire chez l’éthylique doit faire rechercher une EGW [92].L’administration préventive de vitamine B1 est recommandée.

Le traitement des syndromes de sevrage, et parmi eux le deliriumtremens, est difficile et souvent décevant. La sévérité d’un syndromede sevrage et le risque thérapeutique (troubles de la conscience)peuvent nécessiter une admission en réanimation. Le meilleurtraitement des complications postopératoires de l’éthylisme reste trèscertainement la poursuite des mesures préventives débutées dès laphase préopératoire. Celles-ci reposent sur une bonne hydratation,ainsi que sur la poursuite des apports en vitamines (B1 : 500 mg·j−1 ;B6 : 250 mg·j−1), phosphore (au minimum 0,5 mmol·kg−1·j−1) etmagnésium. Une étude récente [50] souligne l’association entre uneinsuffisance d’analgésie postopératoire et le risque accru d’apparitiond’un delirium tremens. La prise en charge pharmacologique dusevrage ne possède pas de frontières nettes entre traitement préventifet traitement curatif. De nombreux médicaments peuvent être utilisés.Dans les formes mineures, le méprobamate (de 800 mg à 4 g·j−1, parvoie intramusculaire) ou le tiapride (1 200 mg ou plus, répartis dansla perfusion de base) donnent des résultats satisfaisants. Dans les casplus sévères, les benzodiazépines (diazépam titré par 5 mg, puisrenouvelé toutes les 4 heures, ou midazolam 0,3 mg·kg−1·h−1 par voieintraveineuse [47]) sont intéressantes, mais exposent au risque detroubles de la vigilance.

La clonidine (125 µg dilués dans 100 mL de sérum physiologiquesur 1 à 2 heures et par jour) ou par voie entérale (3 à 4 comprimés/j),par son rôle alpha-2-agoniste, limiterait les effets délétères dusyndrome hyperadrénergique sur la cardiomyopathie alcoolique. Deplus, les effets sédatifs de la clonidine semblent bénéfiques et bientolérés.

Les cas les plus graves ont parfois permis de tester de nouvellesmolécules. En particulier, le propofol semble avoir donné desrésultats satisfaisants en perfusion continue (jusqu’à90 µg·kg−1·h−1) [55], malgré un cas de tachyphylaxie aiguë [17].Certaines études semblent montrer l’intérêt d’autres produits, telsque le divalproex [59] ou l’acide gamma-hydroxybutyrique [57], maisces travaux préliminaires ne permettent pas de recommander leuradministration. Enfin, Gillman rapporte une série de plus de 7 000patients atteints de syndrome de sevrage léger ou modéré et traitéspar protoxyde d’azote en cures courtes (20 minutes en moyenne)sans effets secondaires notables [38].

L’administration d’alcool pour le traitement des syndromes desevrage est une pratique ancienne et controversée. Outre le problèmeéthique d’entretenir le patient dans son intoxication, le risque estgrand de favoriser une ivresse aiguë au cours d’une pathologiemimant un syndrome de sevrage. Enfin, l’administration d’alcoolexpose au risque de provoquer une hépatite alcoolique aiguëiatrogène. Toutefois, l’administration d’alcool à titre compassionnelest envisageable chez les patients pour qui l’espérance de vie estlimitée et où il n’existe aucune chance de sevrage.

Conclusion

L’anesthésie du sujet éthylique est une éventualité fréquente.L’éthylisme chronique ou aigu ne présente aucune contre-indicationaux techniques et agents usuels de l’anesthésie, au prix de quelquesajustements posologiques. La connaissance des désordres et des carencesliés à l’éthylisme permet de commencer, dès le début de la prise encharge anesthésique, les corrections et suppléances nécessaires. Cesprécautions permettent de limiter le risque anesthésique, en veillantparticulièrement à la phase postopératoire, période privilégiée pourl’apparition des complications.

Points importants• La morbidité et la mortalité peropératoires sont plus élevées chezles patients éthyliques chroniques et/ou ébrieux que chez les sujetsnormaux.• Le métabolisme de l’éthanol est très majoritairement hépatique,par le biais de trois voies métaboliques différentes.• L’intoxication éthylique chronique se traduit par des altérationsneurologiques, hépatiques, cardiovasculaires, nutritionnelles,infectieuses, hématologiques et musculaires.• L’anesthésie en urgence chez un patient en IEA exposeparticulièrement au risque d’instabilité hémodynamique et derégurgitation.• L’anesthésie du patient éthylique chronique non ébrieux nécessiteune évaluation préopératoire précise du retentissement del’intoxication.• Aucune technique anesthésique n’est contre-indiquée.• Les complications surviennent essentiellement pendant la phasepostopératoire. La survenue d’un syndrome de sevrage estfréquente et peut être mortelle. Le meilleur traitement descomplications postopératoires est préventif. Le traitement curatifpeut justifier à lui seul une admission en réanimation.

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