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Histoire et secrets du café à Naples 42 - RADICI Pourquoi une tasse de café est-elle si savoureuse à Naples, plus savoureuse même que partout ailleurs ? Histoire et secrets du café napolitain. Rites et traditions de la ville racontés par Angelo Forgione, journaliste, par- thénopéen et fier de l’être, à l’occasion de la publication, en Italie, de son livre intitulé Made in Naples. « P rendiamo un caffè! » C’est l’invitation la plus courante à Naples, prétexte mon- dain, occasion de s ocialiser pour une simple discussion, pour passer un momen t de détente quotidienne, au travail comme ailleurs. À Naples, le café est un rite mais aussi un mar- ché économique, et une tradition t ellement enracinée dans la v ille que l’espresso napolitain a été reconnu et consacré dès le XVII e siècle, en Italie et dans le monde, à l’ époque où l’on en buvait au moins une t asse par j our dans l’ an- cienne ville-capitale. La plante, originaire d’Abyssinie, aujourd’hui l’Éthiopie, s’est répandue en Arabie et en T urquie. C’est justement à Constantinople, en 1554, que fut ouvert le pre- mier établissement de dé gustation de café. Au XVII e siècle, les grains de café – du mot arabe Angelo Forgione qahwa – arrivèrent en E urope à b ord des bateaux des marchands vénitiens q ui étaient partis de Turquie, où le mot kawve, à son arri- vée dans la lag une, fut italianisé et devint caffè, puis café en français. Vienne fut la pr emière ville européenne à en faire une véritable institu- tion en ouvrant, à la fin du XVII e siècle, les pre- miers Kaffeehaus, les célèbres cafés viennois, où l’on se délectait de cette boisson ottomane. Le café fut importé par le pac ha Kara Mahm ud, ambassadeur turc à la c our de l’ empereur Léopold I er . Le pacha arriva en 1665 dans la capitale autrichienne, apportant avec lui de s étalons arabes, des chameaux, une importante cargaison de grains de café, mais aussi deux ser- viteurs experts dans l’art de les transformer en boisson. Le premier établissement viennois remonte à 1685, mais s on histoire est devenue Angelo Forgione Made in Naples Come Napoli ha civilizzato l’Europa (e come continua a farlo) Magenes, Milano, 2013, 320 p., 14 €.

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Histoire et secrets ducaféà Naples

42 - RADICI

Pourquoi une tasse de café est-elle si savoureuse à Naples, plus savoureuse même que partout ailleurs ?

Histoire et secrets du café napolitain. Rites et traditions de la ville racontés par Angelo Forgione, journaliste, par-

thénopéen et fier de l’être, à l’occasion de la publication, en Italie, de son livre intitulé Made in Naples.

«Prendiamo un caffè! » C’est l’invitation laplus courante à Naples, prétexte mon-dain, occasion de s ocialiser pour une

simple discussion, pour passer un moment dedétente quotidienne, au travail comme ailleurs.À Naples, le café est un rite mais aussi un mar-ché économique, et une tradition t ellementenracinée dans la v ille que l’espresso napolitaina été reconnu et consacré dès le XVIIe siècle, enItalie et dans le monde, à l’ époque où l’on enbuvait au moins une t asse par j our dans l’ an-cienne ville-capitale.

La plante, originaire d’Abyssinie,aujourd’hui l’Éthiopie, s’est répandue en Arabieet en T urquie. C’est justement àConstantinople, en 1554, que fut ouvert le pre-mier établissement de dé gustation de café. AuXVIIe siècle, les grains de café – du mot arabe

Angelo Forgione

qahwa – arrivèrent en E urope à b ord desbateaux des marchands vénitiens q ui étaientpartis de Turquie, où le mot kawve, à son arri-vée dans la lagune, fut italianisé et devint caffè,puis café en français. Vienne fut la pr emièreville européenne à en faire une véritable institu-tion en ouvrant, à la fin du XVIIe siècle, les pre-miers Kaffeehaus, les célèbres cafés viennois, oùl’on se délectait de cette boisson ottomane. Lecafé fut importé par le pac ha Kara Mahm ud,ambassadeur turc à la c our de l’ empereurLéopold Ier. Le pacha arriva en 1665 dans lacapitale autrichienne, apportant avec lui de sétalons arabes, des chameaux, une importantecargaison de grains de café, mais aussi deux ser-viteurs experts dans l’art de les transformer enboisson. Le premier établissement viennoisremonte à 1685, mais s on histoire est devenue

Angelo ForgioneMade in NaplesCome Napoli ha civilizzato l’Europa (e come continua a farlo)Magenes, Milano,2013, 320 p., 14 €.

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même le point de départ d’un pont culturel avecNaples, dont le noir breuvage profita.

Marie-Caroline de H absbourg-Lorraine,qui épousa Ferdinand de B ourbon, roi deNaples et de S icile en 1768, venait a ussi de lacapitale de l’ empire autrichien. Et c’est juste-ment elle qui ancra la tradition du c afé dans laculture napolitaine. Pour la nouvelle reine auto-ritaire, il était prioritaire de se mesurer avec lafigure du Premier ministre, Bernardo Tanucci,chargé des relations avec Madrid après ledépart de Charles de Bourbon de Naples, des-tiné à monter sur le trône d’Espagne. La diplo-matie habsbourgeoise avait interprété lemariage de Mar ie-Caroline avec Ferdinandcomme un instr ument pour détourner leRoyaume de Na ples de l’ influence espagnole ;cet objectif politique passa aussi par l’affirma-tion des mœurs viennoises pour définir l’éti-quette de la c our, au détriment des coutumesfranco-espagnoles. Le café devint donc s ym-bole et instrument politique de l’ axe Vienne-Naples. La ville parthénopéenne se transformaen capitale italienne du c afé avec une réinter-

une légende épique, liée au siège ottoman deVienne en 1683. 250 000 assiégeants turcs, sousles ordres du Grand Vizir Kara Mustafa, s’enfui-rent alors en longeant le Danube après la fin dela coalition chrétienne composée de l’armée duroi de Pologne Jean III Sobieski et de l’armée duduc Charles V de L orraine. Dans le s campe-ments turcs désertés, on aurait découvert cinqcents livres de c afé vert. Le précieux informa-teur Georg Franz Kolschitzky, un Polonais rési-dant en Autriche, aurait obtenu le don impérialde cette marchandise qu’il utilisa ensuite dans lepremier café à Vienne, Zur blauen Flaschen (à labouteille bleue). Loin de l’anecdote, les archivesviennoises révèlent que le mar chandKolschitzky eut fort à f aire pour obtenir lalicence commerciale, et attestent que c’est en faitun Arménien nommé Diodato, résidant dans lacapitale autrichienne et qui servait déjà du cafédepuis un certain temps, de façon illicite cepen-dant, qui obtint la licence. Léopold Ier concéda àl’Arménien un monopole royal pour une duréede vingt ans. Ainsi, Vienne devint la rampe delancement de la cult ure du c afé, qui devint lui

q Intérieurd’un café public à Constantinople,début du XVIIe siècle.

La plante, originaired’Abyssinie,aujourd’huil’Éthiopie, s’est répandue en Arabie et en Turquie. C’est justement à Constantinople,en 1554, que futouvert le premierétablissementde dégustationde café.

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prétation de la t orréfaction, qui devint la plusappréciée de t outes. On raconte que laViennoise Marie-Antoinette de F rance, sœurde Marie-Caroline, avant de monter sur l’écha-faud, demanda à b oire une tasse de café. Quoiqu’il en fût, ce sont bien les deux sœurs autri-chiennes qui lancèrent en E urope la mo de del’infusion des grains turcs moulus, créant lesconditions pour la plus classique des combinai-sons matinales du petit-déjeuner au bar. Le caféépousa le croissant, que l’on associe, légendai-rement, au siège ottoman repoussé grâce auxboulangers viennois qui, alors q u’ils travail-laient la nuit, auraient entendu le bruit des sol-dats turcs tentant de p énétrer dans la v ille enpassant par des souterrains. Pour les remercier,le roi polonais leur aurait demandé de créer ungâteau évoquant la v ictoire de la Chr étienté.L’invention du b oulanger Peter Wendler, le

Kipferl, demi-lune en allemand, é tait un p etitpain ayant la f orme du s ymbole du dra peauturc, à dévorer métaphoriquement. Kaffee undKipferl, café et croissant, deux délices, l’un turc,autrichien d’adoption, et l’autre, autrichien,d’inspiration turque. Le Kipferl accompagna lescuisiniers de Mar ie-Antoinette à Par is et ceuxde Marie-Caroline à Na ples. Dans la c apitalefrançaise, il f ut rebaptisé croissant, comme laphase lunaire qui offre au regard un quartier delune, tandis que dans la c apitale des Deux-Siciles, il pr it le nom de cornetto, en référenceaux croyances relatives au mauvais sort qui fai-saient foi dans la v ille – le cornetto étant uneamulette en forme de petite corne.

Café et croissant firent ainsi le ur entréedans la cult ure des deux capitales, bien a vantque le petit-déjeuner ne découvre la variante ducappuccino au début du XXe siècle.

Café et croissant, deux délices, l’un turc, autrichien d’adoption,

et l’autre, autrichien, d’inspiration turque.

u Scène du premiercafé en Europe, le Zur blauen Flaschen, ouvert à Vienne en 1686.

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L’histoire du c afé à Na ples prit toute sonampleur en 1819 a vec l’invention de la cuccu-mella, la c afetière napolitaine qui associe laméthode de préparation par décoction à la tur-que et la mé thode d’infusion à la vénitienne,avec un système à double f iltre. La cuccumellas’inspire de la pr emière cafetière, la dubelloire,fabriquée en France vers 1800 par Jean-Baptistede Belloy. La cuccumella rendit possible la pré-paration du c afé chez soi, remplacée au débutdu XXe siècle par la c afetière Moka. LesNapolitains, cependant, étaient déjà devenusd’habiles maîtres dans l’ art de manipuler lamacchina per espresso destinée aux lieuxpublics et dont le brevet fut déposé à Turin, en1884, par Angelo Moriondo.

Mais pourquoi, si le ne ctar n’a pas de raci-nes parthénopéennes, quiconque met les piedsà Naples est attiré par «na tazzutelle ‘e cafe’», latasse de café la plus célèbre au monde ? Le plusclassique des lieux communs populaires veutque le s ecret soit dans l’ eau, historiquementbonne dans la v ille vésuvienne, mais il ne s’agitlà bien sûr que d’un cliché.

Naples règne en maître dans l’art de l’inter-prétation, et le café n’y échappe pas. Le véritablesecret est renfermé dans le mé lange napolitainprécisément dans sa t orréfaction singulière quilui donne une c oloration plus sombre que celledes autres régions italiennes et étrangères. Ondit du mé lange napolitain qu’il est « torréfié àpoint ». Ce qui signifie que l’on prête une grandeattention au processus de la torréfaction qui, s’ilétait à p eine plus long , brûlerait le mé lange.Cette torréfaction spécifique, après quelquesjours de r epos, exalte les huiles essentielles etcontribue à une meilleure extraction des arômes.Tout ce travail en amont, associé à l’habileté dansla manipulation de la mac hine à e xpresso,confère au café napolitain son goût unique.

Autre argument en f aveur de l’ expressonapolitain : c’est le mode de préparation le plussain car l’extraction de caféine est ici minime, lecafé n’étant en c ontact avec l’eau chaude quependant peu de temps. En fait, contrairement àce que l’on pourrait penser, le c afé serré à lanapolitaine est beaucoup moins no cif qu’uncafé allongé, au goût discutable, qui comportesurtout une teneur en caféine plus élevée.

q Ci-dessous, la cuccumella, la cafetière napolitaine.À droite, la Moka. En bas, les premières machinesespresso utilisées dans les lieux publics.

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À travers son histoire et son enracinement,la seule tradition q ui puisse rivaliser en I talieavec celle de Na ples est celle de Trieste, où lecafé constitue également un rite. La cité, prochede la f rontière italo-slovène, était un p ort del’empire austro-hongrois quand Marie-Carolinerégnait à Naples, et c’est là qu’étaient déchargésles ballots de c afé en pr ovenance de Turquie.Mais sans rien vouloir enlever au lien importantentre la ville portuaire et le café, le mélange tries-tin ne possède pas les caractéristiques typiquesde la t orréfaction à la na politaine : il e st plusdoux, ce qui peut être un avantage pour certains,mais pour d’autres, c’est un critère qui scelle lasupériorité de l’espresso napolitain.

De nombreux rites et anecdotes circulent àpropos du café napolitain. Par exemple, il fautle boire « con le quattro C » (avec les quatre C),c’est-à-dire « comme coce chistu ccafè » (comescotta questo caffè). Et il est un rituel, autrefoisplus fréquent, qui réchauffe encore plus le cœurque le palais, et qui a vu le jour dans le quartierSanità : il s’ agit du caffè sospeso, le c afé enattente. Une grande leçon de solidarité qui sug-gère le paiemen t de de ux cafés, dont un payéd’avance pour quelqu’un qui ne peut pas se per-mettre de s’offrir la boisson chaude.

Du « mariage » entre Vienne et Naples naquitune forte tradition a utour du c élèbre mélangenapolitain. Une union f ructueuse, scellée égale-ment en pâ tisserie : En 1898, J osef Manner, unchocolatier viennois, inventa une pr éparation àbase de sucre, huile de coco, de cacao en poudreet de noisettes issues des plantations du Vésuve,et inventa un biscuit constitué de quatre couchesde crème de nois ettes et cinq couches de ga u-frette. Le Manner Neapolan Wafer n. 239 était né.La recette, inchangée, est toujours utilisée pour laproduction des gaufrettes napolitaines.

A.F.

‘A tazza ‘e cafè (1918)Giuseppe Capaldo e Vittorio Fassone Cantata da Roberto Murolo

Ma cu sti mode, oje Bríggeta,tazza ‘e café parite:sotto tenite ‘o zzuccaro,e ‘ncoppa, amara site...Ma il tanto ch’aggia vuta’,e tanto ch’aggia gira’...ca ‘o ddoce ‘e sott‘a tazza,fin’a ‘mmocca mm’ha da arriva’.

(Ma con questi modi, o Brigida / misembrate una tazza di caffè / sottoavete lo zucchero / ma sopra sieteamara…/ Ma io tanto giro / e tantogiro.. (il cucchiaio) / finché il dolceche è sul fondo della tazza / fino inbocca mi deve arrivare).

‘O ccafè (1957)Domenico Modugno e Riccardo Pazzaglia

Ah, che bellu ccafè!Sulo a Napule ‘o ssanno fa’...e nisciuno se spiega pecchéè ‘na vera specialitá...Pe’bevere ‘o ccafè se trova ‘a scusa:Io ll’offro a n’ato e n’ato ll’offre a me...Nisciuno dice “no”pecché è n’offesa:so’giá seje tazze e sóngo appena ‘e tre...

(Che bel caffè / solo a Napoli lo sannofare / e nessuno si spiega perché / èuna vera specialità! / Per bere il caffèsi trova una scusa, / io l’offro a unaltro e un altro l’offre a me. / Nessunodice “no” perché è un’offesa, / sonogià sei tazze e sono appena le tre).

‘Na tazzulella ‘e cafè (1977)Pino Daniele

Na’ tazzulella e’ cafè e mai niente ce fanno sape’nui ce puzzammo e famme, ‘o sanno tutte quantee invece e c’aiuta’c’abboffano e’cafèNa’ tazzulella e’ cafè ca sigaretta a coppa pe nun vere’che stanno chine e sbaglie, fanno sulo ‘mbruoglies’allisciano se vattono se pigliano ’o ccafè

(Una tazzina di caffè e mai niente cifanno sapere / Noi siamo strematidalla fame / e, invece di aiutarci,ci rimpinzano di caffè. / Una tazzina dicaffè con una sigaretta sopra per nonvedere / che sono pieni di sbagli, chefanno solo imbrogli / si accarezzano, sipicchiano, si prendono il caffè).

Canzonetta sul caffè (1794)Nicola Valletta

Di caffè buono odorosoRecca un nappo…;L’arte tu fai ben qual fiaD’apprestar si caro umor.Forse meco tu convieni,Che bevanda più graditaa ristoro della vitaL’uomo mai non invento’.

(Di un caffè buono e profumato /prendi una tazza / sai bene che artesia questa / quella di portare il buo-numore / forse sarai d’accordo conme / che bevanda più gradita / peraddolcire la vita / l’uomo non hamai inventato).

Il caffè nelle canzoni

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In certi suoi vicoletti dove la vita non è poi così fre-netica, l’usanza non sì è mai perduta. In questibudelli di Napoli, dove una scia aromatica, comefilo di Arianna olfattivo, ti porta diritto in un piccolobar, senti ancora tra il clangore delle tazzine che siurtano, prima di riempirsi della calda bevandascura, la voce di qualcuno che paga alla cassa duecaffè lasciandone uno sospeso.Sospeso nel senso che il barista lo riserverà a chi,nel corso della giornata, pur avendone desiderionon avrebbe come pagarlo. A Napoli questo gestonon è mai stato un’elemosina, ma un piccolosegno di solidarietà e di comprensione verso unosconosciuto: il “prossimo”, in tutti i sensi, chesarebbe da lì a poco passato per lo stesso bar. Nellacittà partenopea quando era più declinata anche lasolidarietà, il caffè sospeso era un’abitudine diffusatanto che, se a sera avanzavano dei sospesi, la mat-tina dopo, il barista tirando su la saracinesca, conun cartello sulla porta teneva il conto: «Cinquecaffè sospesi», sicché le tazzine di questa gentilezzaarretrata erano a disposizione dei primi a richie-derle il mattino dopo. Come mai il caffè? Forse per-ché in determinate circostanze il caffè a Napoli, eforse anche altrove, è consolazione, conforto,comunanza, gratificazione, lenimento. Si pensi sol-tanto a tutte quelle tazze di caffè che girano -nell’ultimo atto della famosa commedia tragico-

mica scritta da Eduardo De Filippo Natale in CasaCupiello - tra i vicini e i parenti che sono al capez-zale di Luca morente. Napoli, con ricche e fanta-siose iniziative, ri-celebra la «Giornata del Caffè sos-peso». In luoghi famosi della città si organizzanospettacoli, incontri, dibattiti e si prevedono, ovvia-mente, tanti caffè sospesi, per rispolverare una soli-darietà che la città in più occasioni sembra averdimenticato e di cui ne ha tanto bisogno.La mortificazione degli ultimi anni di vedersi vintidai rifiuti e dai fatti di cronaca nera, ha fatto nascerein ogni napoletano un sentimento di abbandono.In questa tristezza ognuno ha ritenuto di essere sulpunto di dover badare soltanto a se stesso, chiu-dendosi dunque agli altri, nel proprio egoismo.Eppure, Napoli storicamente si è sempre intessutacon la solidarietà e con il «caffé sospeso» vuoleritornare a dimostrarlo. E quest’idea è attualmenteripresa in una quindicina di paesi (Francia,Norvegia, Romania, Canada, Australia…)

PER SAPERNE DI PIÙ

Luciano de CrescenzoCaffè sospeso. Saggezza quotidiana in piccoli sorsi (La café en attente. La sagesse au quotidien par petites gorgées)Mondadori editori, 2009

Lasciamo un “caffè sospeso”La solidarietà parte dalle piccole cose e i napoletani di solidarietà se ne intendono.

il vicolettola petite ruelle

il budello le passage étroit (fig.)

la sciale sillage

il clangorele bruit retentissant

l’elemosinal’aumône

lo sconosciutol’inconnu

la saracinescale rideau de fer

arretratoaccumulé

la comunanzala communauté

il lenimentol’adoucissement

il capezzalele chevet

rispolverareépousseter, rafraîchir

badare a s’occuper de

intessutotissé

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