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ANNALES DE L’UNIVERSITÉ DE CRAÏOVA 13, rue Al. I. Cuza
ROUMANIE On fait des échanges de publications avec les institutions
similaires du pays et de l’étranger.
ANNALS OF THE UNIVERSITY OF CRAIOVA 13, Al. I. Cuza Street
ROMANIA
We exchange publications with similar institutions of
our country and from abroad.
COLEGIUL DE REDACȚIE
Răzvan TEODORESCU, Universitatea din Bucureşti, România
Mihai CIMPOI, Academia Republicii Moldova, Academia Română
Vasile MACOVICIUC, Academia de Ştiinţe Economice, Bucureşti
Noemi MARIN, Florida Atlantic University, SUA
Ruth OREN, Universitatea din Haifa, Israel
Nicolae PANEA, Universitatea din Craiova, România
Marian PETCU, Universitatea din Bucureşti, România
Dobrinka PIECHEVA, Universitatea din Sofia, Bulgaria
Ilie RAD, Universitatea Babeş-Bolyai, Cluj-Napoca, România
Daniel REICHVARG, Université de Bourgogne, Dijon, France
Henry STECK, Department of Political Science, SUNY Cortland, SUA
Laurenţiu ŞOITU, Universitatea Al.I.Cuza, Iaşi, România
Cristiana TEODORESCU, Universitatea din Craiova, România
Luis VERES, Universidad de Valencia Facultad de Filología, Traducción y
Comunicación Departamento de Teoría de los Lenguajes, Spania.
Gabriela RUSU-PĂSĂRIN – Director
Ştefan VLĂDUŢESCU – Redactor Şef
Mihaela POPESCU – Secretar de redacţie
Alexandra IORGULESCU – Responsabil de număr: nr. 1-2 (2014)
Redactori:
Alina ŢENESCU (limba română)
Monica TILEA (limba franceză)
Andreea BRATU (limba engleză)
Aurelia FLOREA – Website
Alexandra IORGULESCU – Tehnoredactor
ISSN 2247-1499 ISSN-L=2247-1499
CUPRINS
STUDII ŞI ARTICOLE
AKADEMOS
Mihai CIMPOI: Contemporanul: curent literar, cultural sau
ideologic ?........................................................................................... 11
COMUNICARE
Odile RIONDET (Franța): Comunicarea organizațională în
Franța: domeniu, formare profesională, comunicarea în
organizațiile cu capital social și solidar .............................................. 23
Gheorghe FLORESCU: Distorsiuni în comunicarea publică
despre afirmarea identităţii românilor din Serbia de Nord-
Est ....................................................................................................... 35
Dariana Mihaela BRAT: Comunicare şi comportament
organizaţional. Studiu de caz în situaţia de schimbare
organizaţională .................................................................................... 47
Răzvan Gh. BUCŞOIU: Analiza retoricii discursului publicitar la
nivelul unor branduri din sfera automobilistică .................................. 63
MEDIA
Mihaela ALBU: Presa româno-americană: Studiu de caz – ziarul
Lumea liberă din New York ............................................................... 83 Mihaela MARCU: Aspecte ale bilingvismului româno-italian
reflectate în presa românilor din Italia ................................................ 99 Elena Rodica OPRAN: Tipologia titlurilor jurnalistice din punct
de vedere sintactic ............................................................................ 107
Elena COSTEA: Superman – de la supererou la franciză mediatică
.......................................................................................................... 119
CONTENTS
STUDIES AND ARTICLES
AKADEMOS
Mihai CIMPOI: Contemporanul : A Literary, Cultural or
Ideological Movement? ...................................................................... 11
COMMUNICATION
Odile RIONDET (France): Organisational Communication in
France: Field, Training, Communication in Social and
Solidarity Economy Organisations ..................................................... 23
Gheorghe FLORESCU: Distorsions in Public Communication on
the Assertion of the Identity of the Romanians in North-
Eastern Serbia ..................................................................................... 35
Dariana Mihaela BRAT: Communication and Organisational
Behaviour. Case study: Organisational Change.................................. 47 Răzvan Gh. BUCŞOIU: The Analysis of the Rethoric of
Advertising Discourse Used for Automobile Brands ......................... 63
MEDIA
Mihaela ALBU: The Romanian-American Press: A Case Study –
Lumea libera, a New York Newspaper ............................................... 83
Mihaela MARCU: Aspects of the Romanian-Italian Bilingualism
Found in the Romanian Press of Italy ................................................ 99 Elena Rodica OPRAN: A Syntactic Analysis and Typology of
Headlines .......................................................................................... 107
Elena COSTEA: Superman – From Superhero to a Media
Franchise ........................................................................................... 119
SOMMAIRE
ÉTUDES ET ARTICLES
AKADEMOS
Mihai CIMPOI: Contemporanul : courant littéraire, culturel ou
idéologique ?....................................................................................... 11
COMMUNICATION
Odile RIONDET : La communication des organisations en
France : le domaine, les formations professionnalisantes, la
communication dans les organisations de l’économie sociale
et solidaire........................................................................................... 23 Gheorghe FLORESCU : Les distorsions en communication
publique de l’affirmation de l’identité roumaine dans la
Serbie du Nord-Est ............................................................................. 35 Dariana Mihaela BRAT : Communication et comportement
organisationnel. Étude de cas dans la situation de
changement organisationnel ............................................................... 47
Răzvan Gh. BUCŞOIU : Analyse de la rhétorique du discours
publicitaire au niveau des marques de l’automobilisme ..................... 63
MEDIA
Mihaela ALBU : La presse roumaine-américaine: Étude de cas –
le journal Lumea liberă de New York................................................. 83 Mihaela MARCU : Aspects du bilinguisme italien-roumain
reflétés dans la presse roumaine en Italie ........................................... 99
Elena Rodica OPRAN : Analyse syntaxique et typologie des titres
journalistiques ................................................................................... 107 Elena COSTEA : Superman – De super-héros à la franchise
médiatique ........................................................................................ 119
AKADEMOS
MIHAI CIMPOI:
CONTEMPORANUL : COURANT LITTERAIRE,
CULTUREL OU IDEOLOGIQUE ?
M.le Professeur Dr. Mihai CIMPOI
membre de l'Académie Roumaine
Le fait est bien connu que le passage du temps ressuscite, remet à leurs
places et classe (tout en dressant aussi un réquisitoire d'ordre valorisant ou
analytique) certaines idées, selon, bien sûr, certaines raisons conjoncturales.
D'habitude, une telle remise en actualité est fondée sur des desseins à portée
stratégique et obéit à des mobiles de nature polémique, destinés à appuyer ou
infirmer, à bloquer et à démontrer le mal fondé de certains postulats, idées
générales ou orientations (idéologiques). Dans ce sens, il nous suffit d'en
référer aux controverses qu'aura générées et stimulées le concept du réalisme
aristotélicien, soit en tant que mimésis, imitation - entendue aux sens
platonicien ou aristotélicien - du réel, vue comme étant supérieure à la science
et à l'histoire grâce à ses niveaux de généralisation et d'essentialisation
autrement plus solide, soit en tant que "peinture" du type Balzacien, objective,
de la société, soit en tant que formule anti - romantique, soit en tant que forme,
doctrinaire et vulgaire, du réalisme socialiste, soit en tant que réalisme
magique ou "réalisme éternel". Situées entre l'objectivité exacerbée au plus
haut degré, poussée par le naturalisme ou le vérisme à des niveaux jamais
encore atteints et l'autre point extrême, celui de la mystification dorée promue
par le réalisme socialiste, il nous revient d'attester l'existence de certaines
formes réalistes jouissant d'une grande puissance épique, cultivées par
Balzac, Tolstoï, Dostoïevski, Creangă, Rebreanu, Gabriel Garcia Marques.
Naturellement, les fertiles pâturages de la polémique auront souvent été
piétinés dans le but de suivre, coûte que coûte, certaines directions choisies
comme programmatiques, et les formules réalistes en sont venues à passer par
presque autant de métamorphoses qu'il y en a eu d'époques et de grands
auteurs souhaiteux à les aborder, depuis le réalisme "précieux" du XVII-ème
siècle en passant par le roman-feuilleton et celui Balzacien (documentaire),
puis au naturalisme qui, comme R.-M. Albérès en faisait la juste observation,
va s'imposer dès la fin du XIX-ème siècle sous une certaine forme
historiquement fondée, pour en arriver au roman post-réaliste et à celui
psychologique épanoui durant le XX-ème siècle, etc.
Les controverses occasionnées par CONTEMPORANUL, et c'est là un
fait indiscutable, ne tiennent pas à l'ordre esthétique mais sont d'ordre
Mihai CIMPOI
12
idéologique, doctrinaire. Celles-ci démontrent, et par surcroît encore, le fait
qu'il s'agit là non pas d'une quelconque querelle littéraire, comme il y en a eu
tant au long des siècles, mais d'efforts clairement voués à faire endoctriner la
littérature, à assujettir celle-ci à certaines idées (socialistes) et à certaines
tendances (toujours socialistes) qui, à l'époque, existaient dans le train de la
vie publique.
Ainsi donc, vu depuis la claire perspective du temps où nous vivons
aujourd'hui, libéré des préjugés courants à ladite époque, le
CONTEMPORANUL apparaît-il dans sa vraie lumière, non pas comme une
école littéraire, non point comme un temple de la culture, mais comme une
manufacture vouée à des buts tenant de la propagande, dûment mise au point,
qui rafistolait des "idées" qu'elle allait trouver dans des milieux étrangers et
les faisait "moudre" à la Roumaine. Il aura constitué la première génération
des mécanismes faisant fonctionner des machines de propagande dont la
destination était celle d'affaiblir la littérature depuis l'intérieur même de celle-
ci et de la faire idéologiser à l'extrême, la mettre au service des ainsi-dits
commandements sociaux. Le qualificatif de "courant littéraire" apparait
comme un fruit sec dont l'aspect même témoigne de son évident bricolage,
précisément dans une période où la littérature Roumaine était soumise à une
excessive idéologisation, vu le fait qu'il était placé dans le titre de la très
connue monographie de G. C. Nicolescu de 1966 : "Le courant littéraire de
CONTEMPORANUL". C'était donc là un tribut payé de bien plus qu'il n'eût
valu aux temps où les attitudes idéologiques héritées de Gherea se trouvaient
élevées au rang du plus haut caractère d'officialité, en devenant même
"absolues".
Le rôle tenu par C. Dobrogeanu-Gherea était, à bon escient, exagéré,
l'accent étant particulièrement posé sur la contribution de celui-ci tant audit
mouvement politique qu'aussi bien à celui littéraire. Comme on le sait, le
programme initial du CONTEMPORANUL était d'une nature telle que la
science et la culture y tenaient le gros poids (le côté politique y étant
soigneusement camouflé), quoique dès le numéro du premier octobre 1891
l'intention y était précisée d'aussi bien imposer une opinion qui portât sur le
domaine de la littérature : "Nous tendons à la purification du goût, à la
formation d'un public lecteur et d'un courant d'opinion en science et littérature
(…)". Le programme esthétique subséquent n'en acquit que de plus en plus
de fermeté dans son esquisse de par les poèmes où la profession de foi des
auteurs se retrouvait explicitement formulée, comme dans celles de Th.D.
Sperantzia et de Constantin Mille (Către poeti [Mot aux poètes] du premier
ainsi que Indignarea [L’Indignation]et La poeti [Aux poètes]du second). Dans
un esprit messianique et libertaire, regorgeant de rhétorique, nous voyons
invoqués ici l'avenir lumineux : "al desteptării timp" ["le temps du réveil"] et
Contemporanul : courant littéraire, culturel ou idéologique ?
13
"aripile libertătii" ["les ailes de la liberté"] ; ce sont là des topos que la poésie
Roumaine (y comprise celle de Bessarabie) avait abondamment réitérés dans
l'immédiat après-guerre.
La toute première orientation programmatique déclarée était, bien sûr,
le naturalisme, opposé à l'idéalisme et entendu comme l'étude de l'être humain
tel que celui-ci apparait en société, " cu patimile lui si cu urmările lui " [ " avec
ses passions et la poursuite de ses desseins " ] et aussi comme "intronisation
de la vérité à la place des rêves". Ledit programme avance clairement ce genre
d'objectifs dans les articles de Dobrogeanu-Gherea publiés en 1885 (Stefan
Hudici, Trei comedii ale lui I. L. Caragiale [ Trois comédies de
I.L.Caragiale], Caragiale fluierat [ Caragiale chahuté ], D-l Brociner ca
descriitor al vietii tărănesti, [ M. Brociner en tant que peintre de la vie
paysanne ], Generatia nouă de Turghenev si Dostoevski [ La nouvelle
génération des Tourguéniev et Dostoïévski ]), où il pose l'accent sur
l' "oglindire" ["réflexion"] vue comme le grand et noble but que doit avoir la
littérature et dont le point culminant est l'intention polémique par rapport à
Titu Maiorescu qui avait fondé son argumentation sur la contradiction qui
existe entre "l'art à tendance" et "l'art pour l'art".
Dans un style empreint de négligence, prolixe et, souvent, en brouille
avec la logique, style qui n'avait jamais suivi l'esprit de la critique littéraire
Roumaine, Dobrogeanu-Gherea éparpillait et consolidait ses touches
idéologiques, en poussant au sujet de l'influence du milieu social sur l'artiste,
au sujet de "l'idéal moral et social avancé". D'où l'éloge sans condition aucune
et méconnaissant toute nuance que G. C. Nicolescu, dsns sa monographie, fait
aux actions " de démasquer et de démolir l'essence des théories Junimistes sur
l'art, de les discréditer aux yeux de l'opinion publique": "Il commençait ainsi
à offrir, parfois, ce qu'aucun parmi les nombreux adversaires que la Junimea
avait eu jusqu'alors n'en était arrivé à offrir: une conception nouvelle,
solidement fondée, matérialiste, portant sur l'art, la littérature et la critique
littéraire, sur le vrai sens de celles-ci. Par conséquent, il offre, à la fois, une
vive conscience de la responsabilité qui revient à l'écrivain, tout comme au
critique littéraire, face à la société dont il fait partie. Ainsi Dobrogeanu-
Gherea assume-t-il les lourdes tâches non seulement de détruire le faux
prestige dont jouit la conception esthétique Junimiste, mais aussi bien celle
de montrer quelle est la conception juste pour ce qui tient des problèmes
essentiels de l'art, de la littérature et de la critique littéraire de ce moment-là".
(Ibidem, p. 178-179)
Lors de telles mises au poteau, ce qui saute aux yeux c'est le caractère
apodictique, "absolu" de celles-ci, sous-tendu par l'arrogance doctrinaire ("a
détruit","assumait la lourde tâche", "montrait la seule « conception juste pour
Mihai CIMPOI
14
ce qui tient des problèmes essentiels »" ; ce sont là des slogans qui étaient
revenus en grâce durant la période des années '50).
Contre "la seule conception juste" et contre le fait de situer l'idée sociale
au premier plan et l'art au deuxième (dont, par la suite, le réalisme socialiste
eût tôt fait de s'enorgueillir), la réaction de Maiorescu est bien connue. Lors
de celle-ci, il a été rejoint par I.N.Roman du journal Liberalul de Jashi, par G.
Bogdan - Duică, le collaborateur de la Tribuna de G. Cosbuc qui affirmait
carrément que Gherea: "dresse des études sociales, qui peuvent bien être
intéressantes, alors que Maiorescu se prononce au sujet des oeuvres d'art et
les juge en vertu des principes esthétiques", par Al. Vlahutză qui change de
perspective après avoir d'abord partagé les convictions de Dobrogeanu-
Gherea, par Al.Philippide (dans Convorbiri iterare), par Mihail
Dragomirescu qui dit clairement que: "Monsieur Gherea a falsifié la science
tout juste pour atteindre à ses buts politiques et s'essaie à infiltrer dans
l'opinion publique tant ses idées scientifiques caricaturales qu'aussi bien des
"
et par P. P. Negulescu avec une vaste étude, Le socialisme et l'art, où il
démontre le fait (dûment constaté par G.C.Nicolescu) que les lances de la
polémique ne sont point tant tournées contre le tendancionnisme en tant que
tel, mais plutôt contre le tendancionnisme en tant qu'expression du
mouvement socialiste. "L'art est donc tenu, d'après les socialistes, à prendre
le rôle de louer et de médire - de louer certaines classes sociales et certaines
institutions et de médire sur le compte d'autres, conformément aux
prescriptions « de la science et de la philosophie », c'est-à-dire, pour les
socialistes, conformément aux prescriptions du socialisme (…) étant un
instrument de louange et de médisance à l'égard des classes sociales, l'art
socialiste est, de par cela même, une « arme » d'action politique, un « moyen »
de monter à la haine, à la révolte, à la lutte (…)". (Apud G.C. Nicolescu - Le
courant littéraire de CONTEMPORANUL, Bucarest, 1968, p. 199)
Dans le programme tout Guériste de Contemporanul, le réalisme lui-
même était placé en un contact idéologique direct avec le socialisme et la
connaissance scientifique, sur le fondement de la perspective (naturellement
matérialiste!) au sujet de la vie. "Nous croyons (…) que, si la nouvelle
direction est, de quelque façon que ce soit, utile, ce sera justement de par le
fait que par l'art nous voulons faire-autant que cela est faisable par nos
moyens-ce que nous voulons faire par la politique" dit Anton Bacalbasa dans
l'article Politique et art, paru dans l'un des numéros de Contemporanul en
1893. L'artiste lui-même se retrouve identifié au "spécialiste", pareil au
chimiste ou au médecin, appelé à fournir des connaissances au sujet des
diverses catégories sociales, des moeurs, du comportement humain et des
relations qui existent entre les membres de la société. La littérature est donc
Contemporanul : courant littéraire, culturel ou idéologique ?
15
mise dans d'intenses rapports d'une part avec la science et directement avec
la politique, d'autre part. La littérature de l'avenir-ainsi constitué dans l'esprit
programmatiquement Guériste- est, indiscutablement, un art socialiste (un
peu plus tard, Stere va aussi l'affirmer:"nous nous avançons, à la vitesse de la
vapeur, vers l'art socialiste").
Ainsi, Contemporanul et les revues à celui-ci comilitonnes tenaient-ils-
et encore d'une manière radicale!-à imposer leur perspective, toute faite de
vulgarisation, au sujet de l'art parce que celle-là, depuis le point de vue de leur
aveugle partisanat politique, était "la seule qui fût juste".
Les plus graves parmi les erreurs qui auront été faites en ce qui concerne
le Contemporanul ont consisté dans les faits d'en parler comme d'un courant
littéraire authentique tel que le Junimisme l'était vraiment et même de le
considérer supérieur à ce dernier.
Tout en constatant la dextérité et même "le fin goût esthétique" qu'il
montre à employer la littérature "pour sa propagande d'exotique prophète
socialiste", ou l'astuce de consacrer des valeurs actuelles qui étaient créées
par Eminescu, Cosbuc, Caragiale (un tout petit peu), Vlahutză, Delavrancea,
Zamfirescu, pour démontrer la faillite de la société bourgeoise, tout en
appréciant en lui: "le sérieux penseur qui ne vivait que pour atteindre à
certains buts idéaux qui lui étaient plus chers que la vie avec tous ses biens",
qui fascinait les jeunes, quoiqu'il eût brandi un drapeau bon à être suivi,
Nicolae Iorga considérait erronnée la croyance nourrie par Gherea d'être à
même de pouvoir rassembler, pour servir à ses buts de nature sociale, toute la
littérature nouvelle (et aussi, ajoutons-nous, de pouvoir jeter les fondements
de l'art qui fût celui de l'avenir).
Toutefois, l'appréciation de Iorga au sujet de l'ensemble est quand même
défavorable à la revue socialiste : "Le Contemporanul de Jashy n'avait pas été
dépourvu de bonne littérature, Ioan Nădejde faisant la preuve de ses vastes
connaissances en matière philologique, acquises en autodidacte, emboîtant en
cela les pas de Lambrior;mais il avait été créé en 1881, pour les discussions
scientifiques occasionnées par une critique bien fondée, quoique très vulgaire
par son style, venue en appui à l'idée socialiste". (N. Iorga - Istoria literaturii
românesti contemporane, VII, În căutarea fondului, Bucarest, 1985 [À la
recherche du fond], p.6)
Dans son Istoria literaturii române (…), George Călinescu applique au
Contemporanul le même genre de traitement critique (La contribution de
Contemporanul à la littérature féminine): "Les polémiques de Ion Nădejde
(Burlă l'avait surnommé « le Socrate des pauvres bougres ») semblent
aujourd'hui bizarres. Sofia Nădejde, une femme nourrissant la passion des
idées, combat risiblement Maiorescu (Femeea si legea [La femme et la loi],
Despre egalitatea si neegalitatea celor două sexuri [Sur l'égalité et la non-
Mihai CIMPOI
16
égalité des deux sexes], Emanciparea femeii [L'émancipation de la femme],
Despre căsătorie [Sur le mariage], Prostitutiunea [La prostitution], Răspuns
d-lui Maiorescu în chestia creierului la femei [Réponse à M. Maiorescu sur
la question du cerveau chez les femmes]), en élargissant abondamment ses
polémique et prose aussi bien dans d'autres feuilles (Drepturile omului [Les
droits de l'homme], Evenimentul literar [L'événement littéraire], Lumea nouă
[Le monde nouveau]), alors que Th. Sperantzia y publie des anecdotes. Le
caractère distinctif de cette revue et des autres du même genre est celui de
propager dans les masses ouvrières les noms des écrivains adhérents, pour
obscurs qu'ils fussent, et de les y maintenir pour beaucoup de temps après leur
mort spirituelle".(G. Călinescu – Istoria literaturii române de la origini până
în prezent, II-de édition, Bucarest, 1982, p. 546)
Le grand critique a donné la preuve de son incorruptible probité en
matière esthétique alors même qu'il écrivait au sujet de Contemporanul en
1956, en faisant l'éloge de celui-ci, dans l'esprit qui caractérisait ledit moment:
"pour avoir accompli ses buts envisagés, après tant de décennies", pour avoir
été: "une barricade qui a servi aux avancées". Quand même, la première partie
de cette affirmation du critique n'atteste point la présence de la grande
littérature: "Je feuillette les collections de Contemporanul, que j'ai tant de fois
étudiées depuis d'autres points de vue. Des chefs d'oeuvre littéraires n'ont pas
été publiés ici, mais la revue surprend maintenant pour avoir accompli ses
buts envisagés, après tant de décennies". (G. Càlinescu - Contemporanul, in
Contemporanul, 13 juillet 1956, p.1-4)
Les exagérations conjoncturales dans l'appréciation du rôle tenu par le
Contemporanul dans la fonte du moule intellectuel et "idéologique" de la
littérature Roumaine appartenant à des personnalités comme Mihail
Sadoveanu, Gala Galaction ou Jean Bart (ce dernier le considérait même
:"l'Évangile de ces temps-là")n'ont point accru le poids esthétique de la revue
socialiste. En objectant contre:"la dilatation des données du réel", Z. Ornea
plaidait, en 1977, pour une impérieuse "reprise en possession" de la vérité.
D'ailleurs, les auteurs se trouvant en cause avaient, par eux-mêmes,
dûment tranché des questions suscitées par lesdites matières et l'avaient fait
dès 1887; par rapport à la barricade de la polémique, seuls les adversaires
situés d'un côté et les zélateurs situés de l'autre côté avaient vite fait d'accroître
le brouillard obscurcissant un horizon qui, aujourd'hui, semble être(et l'est en
effet!) si serein: "(…) L'orientation de Contemporanul n'a pas été un courant
ou un mouvement littéraire, mais un courant d'idées, polychrome, qui a
poursuivi le but de créer, à l'aide de la culture et des sciences de la nature
proprement humaine comme aussi du militantisme politique socialiste, un
nouveau climat, une nouvelle mentalité dans la vie spirituelle de son époque.
Et ce qu'il a voulu, il a pleinement réussi à l'accomplir. Le mérite pour cela ne
Contemporanul : courant littéraire, culturel ou idéologique ?
17
revenait pas à Gherea tout seul, mais à l'entière pléiade de jeunes socialistes
qui, tout en se construisant spirituellement par eux-mêmes, en ont fini par
modeler le visage de toute une génération." (Z. Ornea - Curentul cultural de
la Contemporanul, in România literară, 20 juillet 1977, p. 20) Nous avons,
naturellement, à ajouter le fait que ledit modelage s'était passé dans le sens de
l'entérinement dogmatique, sous le signe de l'idéologie officielle, celle des
idées socialistes "scientifiques" et "politiques", un processus qui n'aura point
manqué d'aussi bien rejaillir sur la mentalité esthétique concernée. La
programmatique situation "sur la première place" de l'idée sociale aura vite
fait d'engendrer une totale méconnaissance de l'esthétique, un défi
proletcultiste jeté aux valeurs qu'avaient créées les prédécesseurs, un aveugle
servage voué à une mentalité avarement étroite, partisane et partinique à la
manière absolutiste.
Nous voyons s'instaurer ce que nous pourrions nommer le Néant de l'art
sans art, l'idée nouvelle instituée en tant qu'absolue, qui néglige la forme parce
qu'inutile et périmée puisqu'elle tient de la mentalité ancienne, de celle qu'il
est donc de bon ton de défier. Somme toute, il s'agit là du Néant nihiliste de
souche plébéïenne, du principe d'opposition à tout élitisme esthétique. Ce
genre de néant engendre les démons, "Dostoïévskiens" à souhait, de l'art sans
art, qui voit dans la forme l'ennemi de classe de l'idée promue par
l'intermédiaire de la propagande, donc d'une façon linéaire et pas du tout
artistique et qui traite celle-là comme il lui sied bien de le faire. Mais les
véritables frondeurs à l'esthétique sont les avant-gardistes, alors que lesdits
écrivains socialistes sont des frondeurs sans esthétique aucune, qui ignorent
tout autant la beauté artistique et la beauté naturelle. Sur le drapeau de ces
derniers ne sont inscrites que la démolition (c'est là pour eux un slogan déjà
entré dans l'habitude!) des normes esthétiques en tous genres et l'adhésion au
naturalisme, entendu comme la formule à validité universelle (en prose,
poésie et dramaturgie), l'ablation, pour l'art, de son âme même, bannie par
l'ostensible parade de l'idéologique menée tambour battant.
L'an-esthétisme au nom de la (nouvelle) idée est programmatique,
doctrinaire, absolutiste. Il est posé en blason, nobiliaire et honorant pour les
poètes, prosateurs et critiques de Contemporanul et offert, bien sûr, sous la
forme des gestes réformateurs et dés-instituants qui consistent à jeter par
dessus bord les classiques. Les gens de Contemporanul agissent, donc, en
Maïakovskiens avant la lettre [sic!]
Dans la Precuvântare [Avant-propos] au tome de Vers de 1883 publié
par C. Mille, cette intention programmatique de total asservissement à
l'idéologie est clairement exposée, en réunissant les anti-classicisme et anti-
romantisme dûment déclarés au choix de totalement ignorer la forme:
"D'abord, j'ai fui le classicisme, la lune, les étoiles, les nuits Vénitiennes, les
Mihai CIMPOI
18
bergers et autres bergères et j'ai laissé les fleurs aux soins du jardinier (…).
J'ai aussi fui le romantisme. Pour autant que je l'aie pu faire, bien sûr, car, de
ses traces, il y en a partout et peut-être y en a-t-il beaucoup; j'estime que le
classicisme est tout aussi non-naturel que le romantisme. J'ai voulu être
naturaliste et ressembler à l'esprit des temps qui sont les nôtres (…). De par
ma vision naturaliste, j'estime que le poète est tenu à s'approcher de la réalité
en parlant comme tout un chacun et en peignant ses sentiments et ses passions
d'une façon telle que cela soit à la fois beau, bien compris et vrai." (C. Mille –
Scrieri alese, [Écrits choisis] Bucarest, 1961, p. 3-4)
La fronde an-esthétique se manifeste par à-coups progressifs, poussant
jusqu'à méconnaître le vers et la rime en tant qu'accessoires inutiles et à
introniser le naturalisme comme valeur absolue: "je pense qu'ici aussi il faut
en dire deux mots sur le vers et la rime. C'est chose sue depuis longtemps que
la poésie ne sied point dans le vers. Cela, personne ne le nie. Quand même,
c'est aussi chose crue que la forme caractéristique de la poésie est le vers et,
bien des fois, la rime. Au contraire, moi je pense qu'autant le vers qu'aussi la
rime sont des débris du passé, du temps où la poésie et le chant n'en faisaient
qu'un et que ces formes, avec la venue du naturalisme, vont périr, laissant la
place à la parole du commun des gens et celle-ci non plus âprement encore
serrée par l'étroit moule du vers et de la rime. Telle est ma profonde
conviction. C'est pourquoi je n'ai pas soigné tant que cela ni vers, ni rime.
Donc je le dis haut et fort que mes vers ne sont point parfaits, que ma rime est
plutôt assonnance que vraie rime. Que tous le sachent." (Ibidem, p.7)
Le caractére insidieux de ces affirmations programmatiques ne réside
pas dans leur fronde proprement-dite, mais dans l'insolente élévation de l'an-
esthétique au rang de norme "esthétique" universelle et de l'imperfection au
rang de comble du parfait accomplissement "esthétique". Une autre précision
s'impose aussi, au sujet de l'ainsi-dit usage fait de la notion de "naturalisme"
pour vouloir dire "réalisme" dans les écrits des auteurs de Contemporanul et
des revues comilitonnes. La réalité est évidemment une autre. Depuis leur
perspective, le naturalisme vise tant la reconstitution réalistiquement fidèle
qu'aussi bien l'idée du déterminisme social et biologique bon à expliquer le le
comportement humain, telle que celle-là aura été promue par le naturalisme
français durant la seconde moitié du siècle. Mais il y va aussi, ici, d'une autre
nuance: de par leur désir d'appuyer les idées socialistes, c'est qu'entre leurs
mains le naturalisme se voit affublé d'un caractère tendancieux très foncé. La
vulgarité de certaines séquences est exagérée à bon escient, alors que les
événements "réels" sont voulûment projetés d'une manière a-topique. Le réel
en vient à passer pour un désir, pour une possibilité. Dans ce sens, la fondation
d'une camaraderie des pêcheurs qui, sur le champ, [leur] apporte une
fantastique abondance de poisson, dans la nouvelle Spirca de Stefan
Contemporanul : courant littéraire, culturel ou idéologique ?
19
Bassarabeanu (Crăsescu) est définitoire: "La camaraderie attrapait en trois
filets tout autant de poisson que Chir Iani en sept (…). Les camarades s'en
réjouissaient et en travaillaient au septuplé. De la marchandise, il y en avait
tant qu'il s'en trouva obligé de faire élever une grange où l'amasser jusqu'à la
venue des négociants." Cet épisode, sis dans une nouvelle, nous renvoie,
involontairement, aux scènes que nous connaissons de la prose vouée à la
collectivisation où, invariablement, la constitution du compagnonnage
amenait, sur le coup, l'abondance et la prospérité générales.
De par leur forma mens, les écrivains socialistes transforment leurs
héros en porte-voix tout juste bons à crier à tout va en appui aux idées par
eux-mêmes promues. Du même coup, ils esquissent aussi une atmosphère
générale "révolutionnaire" à souhait, romantisée, utopisée pour ainsi dire,
placée sous le signe de Jésus-Christ le Rédempteur qu'ils invoquent souvent
et, bien sûr, qu'ils identifient d'avec le prolétaire. Pour convenir à une telle
atmosphère, les héros subséquents sont, d'habitude, à peine des croquis en
matière épique, comme prenant l'apparence de fantômes de l'idée nouvelle et,
selon les dires de Mille dans son roman Dinu Millian, "nantis du doux charme
de l'inconnu": "À l'école, j'avais entendu parler des fameuses révolutions qui
s'étaient passées dans ces parages, j'avais entendu, avec enthousiasme,
comment les jeunes garçons s'étaient barricadés et comment les pompiers,
avec de l'eau, s'étaient essayés à éteindre leur feu révolutionnaire, alors que
les poêles, mués en moyens de défense, coulaient dans la rue. Dans mon
imagination, je me voyais aussi, pris au feu d'un tel mouvement, crier par
dessus les barricades scolaires : « Mort ou victoire! »".
L'idée de l'avenir, tournée au slogan, est devenue un topos habituel pour
les poètes de Contemporanul (tout comme pour les poètes Roumains de la
cinquième décennie[du siècle dernier]) : "Eu ce nu-s legat de nimeni, ce n-am
pus la pret cântarea,/Ce ca armă otelită nu posed decât strigarea,/Glasul lirei
zdrobitor,/ Voi căuta ca si suvoiul care trece pe sub stâncă,/Ca a tunetului voce
spunând ura mea adâncă/ Ce mă roade ne-ncetat/Spunând chinul omenirii, a
mizeriilor scene,/ Ale zorilor dreptătii, aurite, mândre semne,/ Viitoru-
apropiat!” ["À moi qui de personne ne tiens et à qui chant point ne vaut/ Qui
comme arme ne possède que l'acier du cri tout haut/Son de lyre qui écrase/
Maître le torrent qui passe par dessous les rocs sera/Tout comme le tonnerre
qui gronde de sa voix, il m'apprendra/ Que de mes tréfonds la haine qui
jamais ne s'arrêta/De ronger dans mes entrailles bonne va être, pour une
fois/Car, par elle, je vais tout dire, les passions que le commun /Des humains
toujours endure, la misère par mille instants/ Que mon souvenir agrippe, mais
aussi, leur répondant /L'aube de la justice, fière, éclatante de signes
dorés/Que seul qui ne veut n'observe/L'avenir y est, tout près!"] (C.Mille,
Dacul [Le Dace]). Par de tels traits incendiaires, messianiques, poussant au
Mihai CIMPOI
20
mouvement, est programmatiquement configuré un genre de poésie tout
rouge de couleur, hantée comme elle l'est par le titanesque fantôme de la
révolutionnaire Russe Sophie Perowskaïa, par rapport à qui les poètes de
Contemporanul déclarent se voir eux-mêmes comme des :"épigones de la
révolte, de petits vers de terre, des enfants aux coeurs pleins". Naturellement,
la poésie rouge: "jette les antiques formes aux rouges écumes du combat/Tout
comme les navires renvoient les morts au bas", dans une anticipation du geste
destructeur de Maïakowski. Aux côtés du Christ sont aussi invoqués
Spartacus, les Communards de Paris, les ouvriers et les socialistes eux-
mêmes, vus par Traïan Demetrescu (autrement connu sous le pseudonyme de
Tradem) comme des rédempteurs graves et sacro-saints: « Sunt gravi… cu
pipele în gură,/Si cu paharele-nainte,/În ochii lor s-arată flăcări/ Din idealurile
sfinte ». ["Bien graves qu'ils sont… pipes à la bouche,/Les verres scintillent
au-devant,/C'est dans leurs yeux que rejaillissent/Les flammes des idéals tout
saints"].
Nous voyons là une "poïétique" bien à part, faite de slogans
doctrinaires, "rouge" à souhait, méprisant les "antiques formes" et même la
généralité de toute idée de forme, qui est destinée à clairement configurer le
courant idéologique défendu par le Contemporanul. C'est que, en aucun cas
possible, celui-ci ne pourrait être confondu, à son avantage avec et pris, donc,
pour un courant qui soit purement culturel ou littéraire."
(Fragment du tome: Critice. Fierăria lui Iocan [Critiques. La forge de
Iocan], Fundația Scrisul Românesc, Craiova, 2001, pp. 43-53)
*Traduit par Radu Pașalega
COMUNICARE
ODILE RIONDET :
LA COMMUNICATION DES ORGANISATIONS EN
FRANCE : LE DOMAINE, LES FORMATIONS
PROFESSIONNALISANTES, LA COMMUNICATION
DANS LES ORGANISATIONS DE L’ECONOMIE
SOCIALE ET SOLIDAIRE
Odile RIONDET
Maître de conférences HDR, Université de Bourgogne, Dijon
Rectorat de Lyon, Université Lumière Lyon 2
Introduction Je parlerai ce de la communication des organisations en France. Chaque
pays a ses traditions universitaires, ses choix de recherche. Chaque pays a son
histoire. Chaque pays a ses philosophies. C’est ce que je voudrais faire
partager, au-delà d’une simple information sur les cursus français.
Parler de la communication des organisations implique bien entendu de
réfléchir sur ce que veut dire « communiquer », mais aussi sur ce qu’est une
organisation. J’aimerais démontrer que derrière les mots, il y a une grande
diversité de réalités, de manières de faire, de choix personnels.
C’est pourquoi le titre que nous avons choisi est un peu long. J’essaierai
d’expliquer comment la discipline est organisée en France, les questions
qu’elle porte, les lieux où elle est enseignée. Et enfin, j’insisterai sur ce que
l’on appelle Économie sociale et solidaire, et j’essaierai de montrer pourquoi
elle nous intéresse, pourquoi il y a des formations sur la communication de
ces organisations particulières.
La communication des organisations en France
En France, l’Université intègre dans un même ensemble les sciences de
l’information et de la communication. Cela a des conséquences sur
l’enseignement et sur la recherche. Nous avons un site d’archives ouvertes
qui s’appelle Archivesic. Les chercheurs y mettent leurs articles ou leurs
communications de congrès s’ils le souhaitent. Vous y verrez plusieurs
ensembles : les hypertextes, la géopolitique, l’espace publique, le cinéma, la
bibliométrie, la documentation, les industries culturelles, les médias de
masse, la communication scientifique et technique, l’ingénierie des systèmes
d’information… Tous ces champs font pour nous partie de la même
discipline.
Odile RIONDET
24
Il existe une rubrique spécialisée dénommée Organisation et
communication. Je vous cite à titre d’exemple quelques-uns des articles qui y
sont classés : les stratégies de communication, la place de l’information et de
la communication dans l’innovation, la gouvernance des collectivités locales,
la place des espaces documentaires dans la prise de décision, les modes de
relations dans les échanges commerciaux, la sémiotique dans le marketing, la
place d’un intranet dans les relations de pouvoir, la création de valeurs dans
les communautés d’action, la place de la messagerie dans la création du lien
social en entreprise, le concept de genre dans la communication des
organisations.
Cette liste me semble mettre en évidence plusieurs caractéristiques.
Comme nous lions information et communication, les chercheurs de la
discipline s’intéressent par exemple à l’ergonomie des systèmes
d’information ou encore à l’impact des technologies sur l’organisation de
l’entreprise. Chez nous, les questions de communication sont proches des
ressources humaines, plus que des relations publiques.
Toutes les organisations nous intéressent. Il y a bien entendu les
entreprises privées, mais aussi les entreprises publiques et les organisations
non gouvernementales ou les associations. Nous avons des recherches sur
toutes sortes d’organisations : l’enseignement, l’armée, l’hôpital, les musées,
les bibliothèques, le cinéma, la justice, les entreprises de presse et les médias,
les mairies, les départements, les régions, les institutions européennes, les
Églises… .
Les recherches évoluent avec le temps. Elles suivent les questions
sociales. Par exemple, dans les congrès les plus récents, on note un intérêt
pour la communication de crise, la place des marchés financiers dans les
industries culturelles, la régulation dans la santé, la question du « capitalisme
cognitif », les idéologies industrialistes dans le domaine de la formation, le
développement durable, les chartes éthiques.
Les recherches en communication des organisations travaillent tous les
niveaux de communication : la communication interpersonnelle, de groupe,
la communication utilisant la technique.
Nos recherches sont marquées par deux écoles de pensée : la
phénoménologie et la sociologie du travail. Très peu par les sciences de
gestion. La vision des sciences de la gestion est plus proche des
préoccupations immédiates des praticiens. La gestion se demande comment
faire pour qu’une communication soit efficace. La phénoménologie
s’intéresse à ce qui se passe dans la personne qui reçoit un message et en fait
l’analyse. Elle est donc plus réflexive et moins appliquée. Et la sociologie du
travail a toujours un côté critique. Elle considère par exemple qu’il y a
toujours une distance entre des salariés et une direction d’entreprise qui veut
La communication des organisations en France : le domaine, les formations
professionnalisantes, la communication dans les organisations
de l’économie sociale et solidaire
25
intégrer des innovations dans le management. Il faut donc toujours intégrer
cette distance comme une vraie question, qui mérite attention.
Qui l’enseigne et où ?
Toutes les grandes universités proposent une formation en
communication des organisations. Parfois les formations sont généralistes et
ne portent que l’intitulé « communication des organisations ». C’est vrai
surtout pour les cursus en deux ans ou trois ans (DUT et licences). Il existe
ainsi un DUT Communication des organisations à Bordeaux, Besançon,
Caen, Tours, Grenoble. Une licence généraliste à Paris 8.
Plus souvent, les universités ont des orientations plus précises. La
spécialisation peut être au bout de deux ans. Par exemple, en Alsace
(Strasbourg), on forme des jeunes à la publicité en deux ans après le
baccalauréat. Elle peut intervenir en licence, comme à Bordeaux avec une
licence sur la presse d’entreprise. A Nancy, le parcours porte le nom de
« Communication d’entreprise et démarche stratégique ».
C’est surtout au niveau du mastère que les intitulés se diversifient. Nous
citerons ici quelques grands centres. Le premier étant le CELSA, à Paris. Le
CELSA a été créé dès les années soixante par des directeurs de ressources
humaines, qui estimaient que les étudiants venant du monde de la gestion
manquaient de certaines compétences nécessaires à la communication des
organisations, et des enseignants de lettres qui souhaitaient professionnaliser
leurs étudiants. Le CELSA s’est orienté plus particulièrement sur la
communication dite « institutionnelle », c’est-à-dire celle qui porte sur
l’image générale de l’entreprise, sa réputation. A Montpellier, la formation de
niveau mastère donne une formation générale en communication interne et
externe et a l’ambition de former des consultants capables de faire des
diagnostics et des audits. Nancy a développé un accord avec l’université de
Bucarest spécialisé sur les relations publiques. L’université de Rennes
propose un parcours complet intitulé « Pratiques professionnelles
d’Internet ». Lyon 2 propose un mastère de « management de l’information
dans les organisations privées et publiques ». Ce qui intègre notamment des
formations à la gestion des documents dans les organisations. Et une option
est spécialisée sur la communication des collectivités locales (mairies,
départements, régions). Un deuxième mastère en lien avec l’Allemagne
(l’université de Weimar) forme à la communication des institutions franco-
allemandes. Un troisième se préoccupe de la « stratégie de marque », c’est-à-
dire de communication publicitaire. Toujours à Lyon 2, il existe un mastère
de communication des organisations, spécialisé dans la communication des
Odile RIONDET
26
organisations humanitaires et de solidarité. Enfin, il n’est pas possible de ne
pas citer l’université de Lille, avec une série de mastères originaux. L’un
propose une spécialité « Communication et développement des territoires ».
Un autre « Communication interne et management des ressources
humaines ». Un troisième « Management de la communication dans les
organisations et services aux publics ». Ou encore « Journalisme d’entreprise
et des collectivités ».
Les emplois visés sont divers : le travail peut être en agence de
communication ou de publicité, en cabinets conseil ou comme consultant
indépendant, dans des services de communication des organisations
publiques ou privées, dans des services de ressources humaines, des services
de recherche et développement. Les fonctions peuvent être le journalisme
d’entreprise, l’organisation d’événements, la communication institutionnelle,
la publicité, la communication de crise, les relations extérieures, la réalisation
d’audits, la vulgarisation scientifique, la mise en place et la gestion de
systèmes d’information avec les services informatiques, l’acceptabilité d’un
intranet…
L’économie sociale et solidaire
Qu’est-ce que l’économie sociale et solidaire ? Nous pouvons la décrire
par ses structures, son état d’esprit, et enfin par ses théoriciens (des
économistes).
Sur le plan des structures, on désigne par ce terme des entreprises qui
ont fait le choix d’une organisation et d’une législation particulière. Il s’agit
en résumé d’organisations privées, mais qui choisissent une organisation
particulière du capital. Ce mouvement est né au 18ème siècle, s’est affirmée
surtout au 19ème siècle, porté par des gens de toutes origines sociales,
philosophiques ou religieuses. Ils avaient en commun d’être choqués par les
conditions d’existence et de travail imposées par l’industrialisation et de
vouloir transformer d’une manière ou d’une autre le lien de l’homme au
travail. On cite en général Saint Simon (1760-1825), Charles Fourrier (1722-
1837), aussi bien que le grand mouvement appelé « catholicisme social » (des
patrons chrétiens inspirés par les encycliques de la doctrine sociale de
l’Église). Cela impliquait bien entendu que la législation autorise ces
organisations privées particulières. On verra successivement paraître le décret
de 1852 sur les sociétés de secours mutuel, la loi de 1867 sur les coopératives,
la loi du 1er juillet 1901 sur les associations.
Concrètement, on classe sous le terme « économie sociale et solidaire »
un ensemble d’organisations ayant des statuts juridiques différents d’une
entreprise classique. Ce sont des « sociétés de personnes » et non des
« sociétés de capitaux ». Les plus anciennes sont les coopératives, mutuelles,
La communication des organisations en France : le domaine, les formations
professionnalisantes, la communication dans les organisations
de l’économie sociale et solidaire
27
associations et fondations. Plus récemment les organisations d’insertion ou
les associations pour l’agriculture durable, les boutiques de commerce
équitable, les fonds d’épargne solidaire, les monnaies locales et systèmes
d’échange locaux. Par apport à un pays comme la Roumanie, je sais qu’il est
difficile d’imaginer qu’une organisation collective comme une coopérative
peut être privée, mais c’est pourtant le cas. Ce sont des structures qui ne sont
pas pilotées par l’État et qui, en même temps, ne veulent pas adopter les
modes de gestion habituels de l’entreprise privée.
Ces organisations reposent sur des principes originaux. Les structures
sont autonomes par rapport aux pouvoirs publics. Ce sont des organisations
privées, mais en décalage avec une série de règles habituelles de l’entreprise.
Elles ont pour fonction de répondre à un besoin. Le service rendu reste
l’objectif principal avant le profit. Le premier principe est ainsi la priorité du
développement de l’homme par rapport au développement du capital. De ce
principe découle l’organisation juridique. Par exemple, dans une SCOOP, ce
sont les salariés qui détiennent le capital, et une personne égale une voix. La
gestion est participative. La valeur ajoutée est répartie entre les membres.
Plusieurs mettent en place des systèmes de coopération, ce qui les différencie
des relations de concurrence. Les usagers sont souvent impliqués dans la con-
ception des services ou des produits et dans le fonctionnement. Les produits
et services produits peuvent être en partie marchands et en partie non mar-
chands. Pour tout ce qui est des produits, les circuits courts sont privilégiés.
Nous pouvons prendre quelques exemples. Les associations pour le
maintien de l’agriculture paysanne proposent à des groupes de 50 personnes
d’un même quartier de payer une cotisation. En échange, elles recevront
chaque semaine un panier de fruits, légumes, etc. de producteurs locaux. C’est
une alternative à l’agriculture intensive et à la vente par la grande distribution.
Encore un exemple : dans un quartier, un système d’échange est mis en place,
qui ne passe pas par la monnaie officielle. Certains proposent des cours
d’anglais, d’autres de la plomberie, d’autres des cours de cuisine. Les
échanges proposés font l’objet d’une estimation, mais ne passent pas par la
monnaie. Ceci au niveau le plus local. Mais l’économie sociale et solidaire va
jusqu’aux grandes associations caritatives et ONG, avec plusieurs centaines
de salariés et des activités internationales (Médecins sans frontière, OXFAM,
Caritas…). Les coopératives dans l’UE représentent 63 millions de membres
et plus de 370 milliards d’euros de CA. Les mutuelles 47 millions de
sociétaires et 22 milliards de CA. Sans compter les associations et leurs
salariés. Au total 6,7% des emplois de l’UE sont concernée, et même 10% en
France en 2008 selon l’INSEE.
Odile RIONDET
28
En France, l’économie sociale et solidaire est un mouvement profond
depuis le 19ème siècle. Il est même intégré dans la vie sociale, politique et
économique à travers ce que l’on appelle le « Conseil économique et social »,
qui dans sa forme actuelle date de 1946. Mais il y en avait des équivalents dès
1925. Dans ce conseil siègent des représentants du monde économique et de
l’entreprise, mais aussi des représentants des mutuelles, des associations, des
fondations qui donnent leur avis sur la politique suivie, au nom de la cohésion
sociale. Ce conseil peut également s’auto-saisir de questions qu’il juge graves
et il a des branches dans les régions. L’idée est que les contre-pouvoirs sont
nécessaires et que les citoyens doivent pouvoir participer à la vie
démocratique de multiples façons, et pas seulement lors des élections.
L’économie sociale et solidaire a ses partisans et ses détracteurs. Les
opposants l'accusent de faire de la concurrence déloyale aux entreprises
privées ou de se substituer aux devoirs des pouvoirs publics. L’Union
Européenne n’est pas favorable à l’économie sociale. Elle a obligé plusieurs
établissements, autrefois coopératifs, à se transformer en sociétés
commerciales si elles voulaient agir dans d’autres pays que la France. C’est
en ce sens que l’UE est souvent comprise comme « ultra-libérale ». Il est vrai
aussi, à l’inverse, que ce domaine est devenu un véritable marché du travail,
et que les grosses associations ou ONG fonctionnent de plus en plus de
manière professionnelle, qu’elles ont des manières de travailler proches de
celles des entreprises de même taille.
L’économie sociale et solidaire a ses théoriciens. En France,
l’économiste contemporain le plus connu est sans doute François Perroux.
Mais on peut aussi citer à l’étranger Amartya Sen et Joseph Stiglitz. L’idée
globale, exprimée par exemple dans l’ouvrage de Jean-Paul Maréchal (2005),
est que nous devons avoir une vision de l’économie qui intègre l’éthique
comme un de ses paramètres. Cette perspective est bien évidemment en
opposition avec un néolibéralisme simplifié, qui estime que la seule règle à
appliquer en économie est celle du marché. La raison en est que le marché
s’auto-régule et équilibre seul les intérêts des uns et des autres. Selon la règle
élaborée par Walras dans les années 1870, l’équilibre simultané de tous les
marchés est une situation à la fois économiquement et socialement optimale.
Il n’y a donc pas de distinction à effectuer entre les règles de l’économie et
celles du social. Les bénéfices individuels ou de groupes sont des effets
collatéraux secondaires de la mécanique économique, qui par elle-même n’a
pas de question à se poser sur le bon ou le bien.
Concrètement, cela s’est traduit par des politiques comme celles de
Reagan ou de Thatcher : réduction des dépenses publiques, abaissement de la
fiscalité, privatisation de l’éducation, suppression des aides sociales (qui
nuisent au travail)… La dérégulation des marchés financiers des USA et de la
La communication des organisations en France : le domaine, les formations
professionnalisantes, la communication dans les organisations
de l’économie sociale et solidaire
29
Grande-Bretagne vont obliger les autres places financières à faire de même.
Toute chose est définie par sa valeur marchande. Mais les inégalités se
creusent dans le moment où le monde s’enrichit globalement. Joseph Stiglitz
estimera que la mondialisation « ne marche pas ». La pénurie ne permet pas
la répartition, mais l’abondance ne garantit pas la justice. D’autres
s’interrogent sur la démission du politique. Ils renouent ainsi avec la
philosophie grecque : chez Aristote, l’économique est subordonné au
politique, car le but de l’économie est la richesse tandis que le but du politique
est le bien. Pour Keynes, la politique économique est l’un des aspects de
l’éthique. La question éthique va disparaître plusieurs dizaines d’années après
la Deuxième Guerre mondiale, ne survivant que chez quelques auteurs (dont
François Perroux), puis revenir un peu avec la pensée de John Rawls ou de
Michaël Walzer, notamment liée à la question du développement durable et
de notre responsabilité vis-à-vis de nos descendants.
La communication de l’économie sociale et solidaire
Comme nous l’avons vu, l’économie sociale et solidaire est en
expansion. Les ONG, associations et fondations sont parfois de véritables
multinationales. Les besoins de professionnalisation sont donc importants.
Parmi ces besoins, il y a ceux qui portent sur leur communication. Qu’est-ce
qui est donc proposé en la matière? Et est-ce différent des cours habituels de
communication des organisations ?
La communication de l’économie sociale et solidaire est en partie
spécifique. En partie à cause de son contexte. Elle implique d’abord une
connaissance du cadre juridique de l’action humanitaire. Des connaissances
en géopolitique et sur l’économie de la pauvreté. Une réflexion sur les
relations interculturelles. Et un retour sur soi-même, par une analyse de la
psychologie de l’engagement.
Il existe également des occasions spécifiques de communication. Par
exemple la recherche de fonds ou le plaidoyer pour une cause. Il est alors
difficile de classifier strictement ce genre d’opérations par la distinction
habituelle entre communication publicitaire et communication
institutionnelle. De plus, les actions impliquent souvent une démultiplication
des cibles de la communication. Par exemple s’adresser à un député tout en
faisant une campagne de sensibilisation en direction du grand public.
Elle est par contre tout à fait similaire à toute autre communication pour
ce qui concerne les techniques employées et les instruments à construire. Il
peut s’agir soit de techniques intellectuelles (gestion de projet, argumenta-
tion), soit de techniques matérielles (publication, affiche, moyens vidéos).
Odile RIONDET
30
La démarche de professionnalisation prend les chemins habituels. Cela
implique l’identification des profils professionnels, la définition de diplômes
y aboutissant, la mise en place éventuelle de filières et de liens avec les
organisations employeuses, l’apparition des professions correspondantes
dans des répertoires professionnels et un code de déontologie. Des réunions
internationales ont lieu dans cet esprit, dont une en octobre dernier à Genève.
Les différents pays ont eu alors l’occasion de comparer les contenus, les
méthodes d’enseignement, les filières, les organismes de formation
intervenant dans ce secteur. Pour un certain nombre de pays, où les universités
sont fortement payantes, le domaine de l’humanitaire et de la communication
dans l’humanitaire sont clairement un secteur économique en expansion, ce
qui offre des opportunités intéressantes de vente de formations. Dans cette
perspective, les formations ne dureront que quelques années, le temps
d’épuiser en quelque sorte le marché. Dans d’autres pays, la philosophie est
différente. La question de la recherche notamment est posée seulement
lorsque les formations sont intégrées dans un ensemble disciplinaire, comme
l’une des options.
On peut alors comprendre la question de la communication dans
l’économie sociale et solidaire comme un cas particulier de la communication
des organisations. Et notamment, sur le plan de la recherche, comme un lieu
de réflexion sur les fonctions de la communication dans les organisations. Des
organisations se placent délibérément en marge ou en opposition à l’univers
marchand, affichent un objectif ou une intention de solidarité dans leurs
statuts ou leur raison d’être. Dans le même temps, elles professionnalisent de
plus en plus leur communication, comme l’ont fait avant elles les entreprises
internationales. Elles utilisent des images pour mobiliser, médiatiser,
interpeller. Comment gèrent-elles la relation entre les objectifs et les moyens
utilisés ?
Il n’y a pas un univers économique forcément semblable à la jungle et
un univers de solidarité forcément altruiste. Il y a aussi dans les ONG du
cynisme et de l’hypocrisie (Meyer, 2004). La volonté de pouvoir ou la soif de
la possession sont toujours à la fois incontournables et inextinguibles et
trouvent toujours le moyen de s’exprimer. La question est beaucoup plus
complexe. C’est celle des rapports Nord-Sud, des différences d’économies.
Les meilleures intentions peuvent s’avérer problématiques. Par exemple il est
certainement bon de croire à la nécessité du développement durable et
d’obliger les entreprises à s’en préoccuper. Mais est-ce toujours compatible
avec les entreprises du Sud ? L’obligation de mettre en place des tableaux de
bord, une gouvernance, une observance des normes et procédures est plus
souvent possible seulement pour les entreprises du Nord.
La communication des organisations en France : le domaine, les formations
professionnalisantes, la communication dans les organisations
de l’économie sociale et solidaire
31
L’entreprise, qu’elle soit publique, privée ou du tiers secteur (c’est-à-
dire de l’économie sociale et solidaire), est l’un des lieux de choix raisonnés
sur des formes de vie. Elle a un environnement politique, prend sa place dans
des projets et des territoires. Elle a des partenaires avec lesquels elle entretient
des relations contractuelles ou non contractuelles, ce qui implique de se
préoccuper de la gestion des relations commerciales sur le mode de la
confiance1. Elle vit dans un univers légal qui lui permet de choisir une forme
d’organisation dont la cohérence avec les discours peut être interrogée2. Elle
prend ses responsabilités dans la manière d’entendre les besoins non couverts
et de proposer les modalités de sa réponse3. Et nous sommes alors renvoyés,
au-delà des oppositions simplistes, à notre manière construire et de réguler
nos échanges. A notre responsabilité en la matière. Et ceci tant sur le plan
personnel que dans les structures imaginées et mises en place, dans les
organisations dont nous sommes parties prenantes.
NOTES :
1 Debos, Franck, « Une tentative d’optimisation des échanges commerciaux interentreprise
par l’optique relationnelle », 16th international conference of RESER services
governance, Lisbonne, 2006 (accessible sur archivesic.ccsd.cnrs.fr) 2 Billaudeau, V., « La communication en économie sociale : au cœur et à la lisière des enjeux
stratégiques », 17ème congrès de la SFSIC 2010 (en ligne sur www.sfsic.org) 3 Zacklad, M., « L’économie des fonctionnalités encastrée dans la socio-économie des
transactions coopératives : dynamique servicielle et fidélisation soutenable. » 16th
international conference of RESER services governance, Lisbonne, 2006 (accessible
sur archivesic.ccsd.cnrs.fr)
BIBLIOGRAPHIE :
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lisière des enjeux stratégiques », 17ème congrès de la SFSIC 2010 (en
ligne sur www.sfsic.org)
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dynamiques de l’économie sociale et solidaire, La Découverte, 2006.
Debos, Franck, « Une tentative d’optimisation des échanges commerciaux
interentreprise par l’optique relationnelle », 16th international
conference of RESER services governance, Lisbonne, 2006 (accessible
sur archivesic.ccsd.cnrs.fr)
Draperi, Jean-François, Où va l’économie sociale et solidaire ? Une réponse
à la crise ?, Dunod, 2011.
Odile RIONDET
32
Duchatel, Julie (dir.); Rochat, Florian (dir.), Produire de la richesse autrement
: usines récupérées, coopératives, micro-finances… les révolutions
silencieuses, CETIM, 2008
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Fondation des sciences politiques, 2009.
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démocratie, Syros, 2001.
Fremeaux, Philippe, La nouvelle alternative ? Enquête sur l’économie sociale
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Laville, Jean-Louis, L’économie solidaire: une perspective internationale,
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Laville, Jean-Louis (dir.); CATTANI, Antonio (dir.), Dictionnaire de l’autre
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« Les placements éthiques : l’épargne alternative et solidaire en 80 fiches. »
Alternatives économiques, 2001 (Hors-série pratique n° 6)
Les services de proximité en Europe : pour une économie solidaire, Syros-
Alternatives, 1992
« L’économie sociale de A à Z. » Alternatives économiques, HS n°38 bis,
2009/03.
Lipietz, Alain, Pour le tiers secteur : l’économie sociale et solidaire, La
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archivesic.ccsd.cnrs.fr)
La communication des organisations en France : le domaine, les formations
professionnalisantes, la communication dans les organisations
de l’économie sociale et solidaire
33
ABSTRACT:
In this paper, we shall try to define the domain of organizational
communication in France, to establish a typology of vocational training and
to understand which is the role and the importance of communication in
organizations linked to the Social Solidarity Economy. An integrative
approach imposes reflecting upon the meanings of the communication act, as
well as on the meanings and reasons of being of an organization. I am going
to highlight the way in which this discipline “organizational communication”
is organized in France, and the issues it raises and to establish the cartography
of places and levels on which it is taught. Finally, I am going to emphasize
the importance of teaching this discipline as well as the importance of
professional training on the communication specific to organizations of the
Social Solidarity Economy.
KEY-WORDS: organizational communication, Social Solidarity
Economy, vocational training, French space.
RÉSUMÉ :
Dans cet article, je vais essayer de définir le domaine de la
communication des organisations en France, d’établir une typologie des
formations professionnalistes et de comprendre quel est le rôle et quelle est
l’importance de la communication dans les organisations de l’économie
sociale et solidaire. Une approche intégrative impose la réflexion sur les
significations de l’acte de « communiquer », ainsi que sur les significations
et raisons d’être d’une organisation. Je vais insister aussi sur la manière dont
cette discipline « communication des organisations » est organisée en France,
sur la problématique qu’elle soulève et établir une cartographie des lieux et
des niveaux où elle est enseignée. Enfin, je vais mettre en évidence
l’importance de l’enseignement et des formations sur la communication des
organisations particulières de l’économie sociale et solidaire.
MOTS-CLÉS : communication des organisations, économie sociale et
solidaire, formations professionnalisantes, espace français.
REZUMAT:
În acest articol, voi încerca să definesc domeniul comunicării
organizaţionale în Franţa, precum şi să stabilesc o tipologie a programelor de
formare profesionalizantă, precum şi să înţeleg care este rolul şi importanţa
comunicării în organizaţiile economiei sociale şi solidare. O abordare
integrativă va impune reflecţia cu privire la semnificaţiile actului comunicării,
Odile RIONDET
34
şi la semnificaţiile şi raţiunea de a fi a unei organizaţii. Voi insista asupra
manierei în care această disciplină “comunicarea organizaţională” este
organizată şi se derulează în Franţa, precum şi asupra problematicilor pe care
le ridică, şi voi stabili o cartografie a locurilor şi nivelurilor la care este
predată această disciplină. În sfârşit, voi pune accentul pe importanţa predării
acestei discipline şi asupra necesităţi organizării de programe de formare în
domeniul comunicării specifice organizaţiilor asociate economiei sociale şi
solidare.
CUVINTE-CHEIE: comunicare organizaţională, economie socială şi
solidară, stagii/programe de formare profesionalizantă, spaţiu francez.
GHEORGHE FLORESCU:
DISTORSIUNI ÎN COMUNICAREA PUBLICĂ
DESPRE AFIRMAREA IDENTITĂŢII ROMÂNILOR
DIN SERBIA DE NORD-EST
Conferențiar univ. dr. Gheorghe FLORESCU
Universitatea din Craiova
I. Istoriografia românească dovedeşte că poporul român şi limba
română s-au format în spaţiul aflat în arealul Romanităţii orientale, pe ambele
maluri ale fluviului Dunărea. Populaţia tracică de la sudul Dunării a început
să fie romanizată înaintea celei de la nordul fluviului, romanii începând în
ultimele decenii a. Hr. şi terminând în anul 15 d. Hr. întemeierea provinciei
Moesia, împărţită în anul 86 în Moesia Inferior şi Superior. Moesia Superior
a servit ca bază de plecare în războaiele împotriva dacilor în timpul lui
Domiţian şi Traian, iar după retragerea aureliană, în 285 Diocletian împarte
teritoriul în 4 provincii: Dacia Ripensis lângă Dunăre, Dacia Mediteranea cu
centrul la Niş, Moesia Prima în nord-vest şi Dardania în sud. Această
organizare a dăinuit până în timpul lui Iustinian. După mulţi istorici (Puşcariu,
Dragomir, Gamilscheg etc.), Timocul, Banatul şi Oltenia sunt leagănul
formării limbii române [1]. Sârbii cu greu au slavizat mai apoi şi numai în
parte rămăşiţele coloniilor romane şi populaţia tracă romanizată. Prin
regiunea Timocului este desemnat teritoriul din dreapta Dunării din nord-estul
Serbiei şi nord-vestul Bulgariei, cuprinzând, din Serbia, ţinutul de la Muntele
(Rjtan) Rătan [2] la Dunăre, de la valea Moravei la valea Timocului, iar din
Bulgaria zona Vidinului până la Lom. N. Iorga [3] spunea că “atât în Serbia
cât şi în Bulgaria sunt sute de mii de români care trăiesc dincolo de apă,
tocmai cum trăiesc oltenii şi ţăranii munteni pe malul cel stâng”, iar G. Vâlsan
că avem aici “o adevărată Bucovină de Sud”[4]. În „Mărturii româneşti peste
hotare”, Virgil Cândea indică un număr impresionant de documente care
atestă ctitoriile românilor în zona Timoc şi prezenţa românească la sud de
Dunăre.[5] La 1696 marele geograf contele Marsigli a întâlnit un bloc etnic
românesc la sud de Dunăre care vorbeau „rumuneşce” [6].
II. Primele date statistice asupra românilor din Serbia sunt din 1846
când atingeau cifra de 97.215. Geograful francez G. Lejean, documentân-
du-se la faţa locului scrie că pentru Serbia românii sunt “un mare dar” fiind
“laborioşi, activi şi mai prolifici decât sârbii”. Scria că la 1857 erau 39.728
mailto:[email protected]
Gheorghe FLORESCU
36
români în cercul Pojarevaţ, 35.671 în Craina, 20.597 în Cerna Rieca, 7.351 în
Ciupria, 996 în Semedria sau Podunavlia, de toţi 104.343. În Bulgaria aprecia
numărul lor la 40 000[7]. La 1860 Brătianu era acuzat că jinduieşte să refacă
vechiul imperiu româno-bulgar din 1186, dezmembrat de Murat I la 1389.[8]
Istoricul german F. Kanitz scrie că românii timoceni ar fi avut între 1859-
1868 şcoală în limba maternă. Prin 1860, de pildă la Bregova, aproape de
Vidin era şcoală românească [9]. În 1876 a avut loc o răscoală a vlahilor dintre
Vidin şi Timoc împotriva turcilor. Învăţătorul Ion Ciolac din Bregova este
spânzurat în târgul Diiului (Vidinului) împreună cu alţi români timoceni din
Bor, Zlot, etc [1o]. În acelaşi an Kogălniceanu scria către agenţii consulari
europeni că “sunt mai mult de 200.000 de români care locuiesc pe malul drept
al Dunării” şi că “armata română freamătă doritoare să ia parte la lupte” [11].
În armata a treia a generalului Leşianin, la Zăiceri/Zăiciar, erau cei mai mulţi
români timoceni. Sunt acuzaţi că nu vor să lupte pentru gloria sârbească şi
mulţi sunt executaţi. Este decimat şi regimentul românesc de la Niş al lui
Cernaieff, scrie Eminescu [12]. Turcii vor ucide 800 persoane şi vor arde 4
sate româneşti din jurul Vidinului pentru că s-au răsculat (Bregova, Novesăl,
Gâmzova, Balei).
III. O realitate etno-lingvistică şi culturală este exprimată fundamental
prin studii ştiinţifice istorice, lingvistice, etno-culturale etc. şi de comunicarea
publică, cu atât mai persuasivă, cu cât este conexată cu interese politico-
administrative şi care crează bariere în diseminarea adevărului ştiinţific. De
aceea este necesar să fie augmentate în planul comunicării mai ales acele
concluzii rezultate în urma cercetării de teren şi de arhivă, inventariate acele
observaţii şi constatări ale unor mari personalităţi care s-au oprit asupra
problemei la care ne referim. Faţă de autoritatea ştiinţifică a unor astfel de
concluzii, răstălmăcirile (vezi, spre exemplu, recensămintele din 2002 şi
2011) mai mult sau mai puţin oficiale, deşi insistente, nu rezistă în faţa probei
timpului, deşi crează mari neajunsuri pentru o tratare corectă a problematicii
minorităţii româneşti, din punct de vedere politico-administrativ şi ca fapt de
conştiinţă publică. În vara anului 1909 G. Giuglea şi G. Vâlsan au efectuat
împreună cu o grupă de elevi şi studenţi o excursie de documentare studiind
toponimia românilor din Craina Serbiei. Au fost incitaţi de studiul “Între
românii noştri” al lui T. Georgevici, apărut la Belgrad în 1906, ce avea ca
subiect românii dintre valea Timocului şi valea Moravei. În 1900 apăruse la
Leipzig lucrarea lui Weigand despre dialectele româneşti unde spunea că
aromânii înaintează cu turmele până la Suha Planina aproape de Zaiciar.
Giuglea scria că “neamul românesc e pomenit în mase în sudul Dunării încă
din vremea ţărilor sârbeşti” şi e “un ţinut de tranziţie între românii din Carpaţi
şi aromâni”. Vâlsan spunea că regiunea populată cu români în Serbia era
limitrofă cu jud. Mehedinţi şi Caraş-Severin pe valea Timocului şi până
Distorsiuni în comunicarea publică despre afirmarea identităţii românilor
din Serbia de Nord-Est
37
dincolo de valea Moravei, iar în sud până la muntele Rtanj într-un ţinut ce
cuprindea a şasea parte din Serbia. Înainte se întindeau şi dincolo de Morava.
Între Niş şi Belgrad e staţiunea Vlaschi-Dol (Valea Românească). La
izvoarele Timocului există numiri ca Vlascopolie, Vlascoselo, Petruşa,
Vlahova, Tatmişiţa, Periş, Vlaşca. V. Cucu scrie că ţiganii între Rtanj şi Pirot,
în 10 sate nu vorbesc decât româneşte. În jurul Pirotului şi Nişului erau în
trecut mulţi români - o prelungire a populaţiei româneşti din jurul Sofiei
pomenită în hrisoavele vechilor ţari sârbi. Învăţatul sârb Cvyici aprecia că în
ţinut ar fi vorba de o veche populaţie românească deznaţionalizată. În
cuprinsul regatului sârbesc s-ar fi aflat 250 denumiri de sate alcătuite din
cuvântul vlah exceptând alte deumiri de râuri, munţi şi ţinuturi întregi (Starii
Vlah). Statisticile din 1908-1912 arătau circa 260-300 000 români [13].
Astăzi se fac afirmaţii că în Timoc (în Bulgaria şi Serbia) ar trăi nu mai puţin
de 2.000.000 de români[14], însă, de exemplu, la 1980 Iugoslavia nu
recunoştea că ar avea mai mult de 223.000 români şi aromâni [15]. La
recensământul din 1971 au fost trecuţi abia 14.724 vlaşi, probabil doar cei
care nu cunoşteau limba sârbă, restul fiind bilingvi. Până în 1948 aveau 2
publicaţii „Vorba noastră“ şi „Lucrul nostru“. La Pojarevaţ apărea bilingvul
„Bilten”. Milovan Gilas va desfiinţa aceste publicaţii după ce în paginile
acestora începea să fie folosit des termenul de „român”. Ziarul Naşa Reci scrie
că poliţia din Slatina Borului a confiscat 500 abecedare româneşti în 28 august
1993 şi prezintă fapta ca o mare biruinţă a organelor de drept[16). Ziarul
Novosti din 5 august 1996 reia fapta aceasta măreaţă a poliţiei, dar înfierează
şi ideea doar a înfiinţării de şcoli româneşti. În ziarul Srpska rec din
20.05.1996, deputatul Vladimir Dapcevici din partidul lui Vuk Draşcovici
avansează pentru valahii timoceni cifra de 1.100.000. Autorităţile sârbe
contestau identitatea românilor timoceni (de zece ori mai numeroşi decât cei
din Banatul sârbesc). Etnologul sârb Georgevici în lucrarea “Printre românii
noştri” scria: “Ştiu că la aceasta mulţi dintre " patrioţii " noştri îngrijoraţi vor
da din cap şi vor spune că eu comit o " trădare" faţă de Patrie, atunci când mă
încumet să vorbesc despre românii din Serbia; care după părerea multora
trebuie tăinuiţi sau cel puţin trecuţi sub tăcere, pentru că adevărul asupra
românilor din Serbia poate să ducă la o aşa-zisă " chestiune românească " care
după părerea lor prezintă un pericol. Poate să fie şi aşa. Dar şi fără rândurile
de faţă toată lumea ştie că în Serbia sunt români. Acest lucru nu-l neagă nici
statistica noastră oficială. Se ştie că în Regatul Român se ţine socoteală până
şi de ţinţarii din Macedonia, Epir şi Albania; despre românii din Asia Mică,
Moravia şi Silezia, Peninsula Istria, Spania şi Herţegovina … ca să nu mai
vorbim despre cei din ţinuturile aflate în mijlocita lui apropiere: Transilvania,
Basarabia, Bucovina. Atunci cum nu s-ar ţine socoteală despre românii din
Gheorghe FLORESCU
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Serbia, care pentru cei din Regatul vecin, sunt doar peste Dunăre” [17]. Iacşici
scrie la 1873 că “valahii sau românii populează nord- estul Serbiei
reprezentând 10,4% din populaţia întregii ţări fiind cel mai numeros popor
după sârbi”. I. Szabo scrie la 1875 că aceştia reprezintă 14% din populaţia
pricipatului şi că “au locuit aceste regiuni înainte de venirea sârbilor”. Mai
scrie că “nici un valah funcţionar public nu există deşi valahii sunt mai dotaţi
de la natură şi reprezintă 1/7 din populaţia ţării”. Franjo Kuster, directorul
Institutului de statistică de la Belgrad găseşte pentru 1895 în Serbia 196.285
români. Weigand identifică la 1900 o sută de sate româneşti dintre care a
vizitat jumătate, observând că “guvernul sârbesc face mari eforturi pentru a
sârbiza pe români”. Caracterul masiv românesc al zonei mai este subliniat şi
de bulgarul Romanski la 1916 care identifică 151 localităţi curat româneşti şi
42 mixte. Eminescu scria despre românii din această zonă că “nu le e permis
a avea şcoale şi biserici în româneşte”. La 1909 Milutin Bogdanovici din
Petrovaţ pe Malva ceruse la Pojarevaţ şcoli şi biserici de limbă română. La
18 decembrie 1912 Iorga ţine un discurs în parlamentul României privind
situaţia discriminatorie în care trăiau românii timoceni. În 1913, la 25 iulie,
guvernul sârb prin Nik.P.Pachitch răspunde ministrului de externe român T.
Maiorescu că “Serbia consimte să dea autonomia şcolilor şi bisericilor
vlahilor şi crearea unui episcopat pentru aceştia”. [19] Cu toate că sârbii la
1833 au început imediat interzicerea limbii române în şcoli şi biserici şi au
dat tuturor nume sârbeşti pe care le puteau alege dintr-o listă la botez, cu toate
că nici un român nu primea vreo funcţie şi că erau aduşi sârbi pentru orice
post de răspundere, la recensământul din 1895 apar totuşi 159.510 români.
Sârbii se sesizează şi vor schimba macazul mai ales după ce la 1919 unele
glasuri din Timoc cer unirea cu România. Astfel la recensământul din 1921
nu mai apare nici un român, ci apare o nouă etnie – cea valahă cu 142.773
suflete. Prea mulţi însă pentru sârbi şi după ce în 1946 vor cere drepturi etnice,
va urma o mai mare prigoană şi muncă de lămurire cum că ei sunt de fapt
sârbi ce vorbesc şi o altă limbă. În 1953 apar în statistici doar 36.728 valahi
şi 198.728 sârbi cu limba maternă valahă, iar în 1961 doar 1.330 valahi şi
2.233 români. Să luăm totuşi în calcul cifrele oficiale din 2002 care dau circa
40 mii vlahi şi 5 mii români, plus 30 mii români în Voivodina, chiar dacă toată
lumea spune că numărul valahilor este de 10-20 ori mai mare în realitate.
Recensământul mai arată încă 15000 sârbi de limba maternă valahă! Chiar şi
acest recensământ din 2002 arată că ar fi cazul ca în câteva localităţi vlahii şi
românii de acolo să aibă măcar o oră două pe săptămână posibilitatea la şcoală
de a-şi cultiva limba maternă. Iată plase în care românii şi valahii nu sunt
nesemnificativi nici măcar în acest recensământ: Kucevo-28,3%, Boljevac-
26,7%, Zagubica-22,4%, Bor-18,2%, Majdanpek-12,2%, Petrovac-10,9%,
Golubac-9,9%, Negotin-7,5%, Zajecear-4,8% etc. Prin comparaţie în
Distorsiuni în comunicarea publică despre afirmarea identităţii românilor
din Serbia de Nord-Est
39
Voivodina românii şi valahii declaraţi sunt şi ca număr total mai puţini cu
aproape 50% dar şi ca pondere locală înseamnă mai puţin decât cei din Timoc.
Astfel în plasa Alibunar unde au mai multe şcoli şi biserici românii sunt doar
26,5%, în Vârşeţ doar 10,9%, în Zitişte 9%, în Plandişte 7,2%, în Kovacica
7%, în Bela Crkva 5,5%, iar în Novi Sad unde au televiziune şi bibliotecă
doar 0,2%. Este evident şi în acest recensământ că românii timoceni sunt mai
mulţi şi ca număr şi ca pondere locală decât cei bănăţeni, dar nu au nici cel
mai neînsemnat drept la păstrarea identităţii naţionale. În ultimii ani, paralel
cu iniţiativele unor asociaţii ale românilor de aici de redeşteptare naţională,
au început acuze în presa sârbă la adresa liderilor acestora că vor
destabilizarea Serbiei şi un nou Kosovo (regiunea locuită de români este mai
întinsă decât Kosovo). Biserica Ortodoxă Sârbă a făcut apel cetăţenilor să se
declare sârbi pentru binele patriei şi ortodo