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1 UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II) Année universitaire 2015-2016 TRAVAUX DIRIGES – 3 ème année Licence Droit DROIT CIVIL – CONTRATS SPECIAUX Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS ____________________________________________ Distribution : du 23 au 28 novembre 2015. HUITIEME SEANCE LE MANDAT --------------------- I.- Définition – Le mandat, selon l’article 1984, « est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». La définition est imparfaite : faire quelque chose, au cas présent, c’est accomplir des actes juridiques pour le compte du mandant et en son nom par exemple rechercher des clients et leur faire souscrire des contrats (d’assurance : agent général). L’accomplissement d’actes matériels ne saurait caractériser l’existence d’un mandat. Le mandat se caractérise par une représentation du mandant par le mandataire. D’où il résulte que l’exécution des obligations souscrites par le mandataire au nom et pour le compte du mandant incombe à ce dernier uniquement. L’intermédiaire n’agit pas comme mandataire dès lors qu’il est seul tenu des engagements qu’il prend à l’égard des tiers. Plus généralement, le mandat se distingue sur ces points du contrat d’entreprise. Le courtier n’est ainsi pas un mandataire. Il ne conclut pas d’acte juridique pour le compte de… ; il rapproche les parties. En outre, le mandataire est indépendant, ce qui conduit à distinguer le contrat de mandat du contrat de travail.

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UNIVERSITE PANTHEON-ASSAS (PARIS II)

Année universitaire 2015-2016 TRAVAUX DIRIGES – 3ème année Licence Droit DROIT CIVIL – CONTRATS SPECIAUX Cours de Monsieur le Professeur Nicolas MOLFESSIS ____________________________________________ Distribution : du 23 au 28 novembre 2015.

HUITIEME SEANCE

LE MANDAT

---------------------

I.- Définition – Le mandat, selon l’article 1984, « est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom ». La définition est imparfaite : faire quelque chose, au cas présent, c’est accomplir des actes juridiques pour le compte du mandant et en son nom par exemple rechercher des clients et leur faire souscrire des contrats (d’assurance : agent général). L’accomplissement d’actes matériels ne saurait caractériser l’existence d’un mandat. Le mandat se caractérise par une représentation du mandant par le mandataire. D’où il résulte que l’exécution des obligations souscrites par le mandataire au nom et pour le compte du mandant incombe à ce dernier uniquement. L’intermédiaire n’agit pas comme mandataire dès lors qu’il est seul tenu des engagements qu’il prend à l’égard des tiers. Plus généralement, le mandat se distingue sur ces points du contrat d’entreprise. Le courtier n’est ainsi pas un mandataire. Il ne conclut pas d’acte juridique pour le compte de… ; il rapproche les parties. En outre, le mandataire est indépendant, ce qui conduit à distinguer le contrat de mandat du contrat de travail.

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Il existe cependant des hypothèses dans lesquelles le mandataire ne livre pas le nom du mandant. On ne peut évidemment pas dire qu’en ce cas il agit en son nom aux yeux des tiers. Dès lors, celui qui contracte avec le mandataire ne connaît – réellement et juridiquement – que ce dernier ; le mandat ne pourra avoir d’effet que dans les rapports entre le mandataire et son mandant. On est en présence d’un mandat sans représentation. C’est le cas du prête-nom qui permet de dissimuler l’existence du mandant. La situation correspond alors à une simulation, avec tous les effets qui en résultent (v. 2e année). Quid alors de la possibilité, pour le tiers, de se prévaloir de la situation réelle ? Le fait que le tiers ait su la réalité conduit-il à le traiter différemment ? Document 1 : Civ. 3ème, 8 juillet 1992, Bull. civ. III, n°246. La situation précédente doit être distinguée de celle à laquelle correspond l’hypothèse du mandat apparent. Cette fois, il n’y a en réalité pas mandat, mais les tiers ont pu croire légitimement à l’existence d’un tel mandat. Voilà qu’une personne qui n’est en réalité pas un mandant va alors se trouver engagée comme si elle avait une telle qualité. La réalité va rejoindre la croyance du contractant ; l’apparence vaut alors à l’égard des tiers mais non inter partes. Il n’existe pas de contrat entre le « mandant » et le « mandataire » ; dans leurs relations, l’apparence n’y change rien. Document 2 : Ass. plén., 13 décembre 1962, GAJC., n°281 (n°267 de la 11e éd.). Document 3 : Com., 29 janvier 2008, inédit. Document 4 : Com. 25 juin 2013, pourvoi n°12-18356. Document 5 : Civ. 1ère, 13 mai 2014, pourvoi n°13-15696. II.- Responsabilité du mandataire – Le mandataire engage sa responsabilité pour faute. Mais cette simple affirmation soulève diverses interrogations, tenant notamment à l’appréciation de la faute et à la charge de la preuve. Il convient au demeurant, avant toute chose, de bien déterminer les obligations qui pèsent sur le mandataire. Exécuter sa mission, avec loyauté et diligence ; conseiller son mandant ; rendre compte, etc. La gratuité du mandat importe ici. Document 6 : Civ. 1ère, 30 octobre 1985, Bull. civ., I, n°277 Document 7 : Soc., 8 juillet 2008, inédit. Document 8 : Com. 24 mars 2015, pourvoi n°14-10255.

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III.- Le mandat entre les centrales de réservation en ligne et les hôtels. Le secteur du tourisme est aujourd’hui touché par l’essor de centrales de réservation en ligne. Canal de distribution devenue incontournable pour les établissements hôteliers, la plateforme électronique bouleverse en profondeur le modèle économique du secteur touristique. Certains acteurs traditionnels (agences de voyage, tour-opérateurs, offices de tourisme locaux, etc.) sont ainsi menacés par les géants mondiaux de l’e-tourisme tel que Booking.com, Expedia ou Tripadvisor. Ils ne sont pas les seuls : les établissements hôteliers peuvent également être désavantagés par cette nouvelle donne. Document 9 : Extraits du Rapport d’information n°2556 du 10 février 2015 déposé par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur touristique français. Les établissements hôteliers ont envisagé de réagir sur le terrain du droit de la concurrence. En 2013, les syndicats hôteliers et le groupe Accor ont saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en œuvre par les principales plateformes de réservation en ligne, dont la plateforme Booking.com, à l’encontre des établissements hôteliers, qui seraient selon eux constitutives d’entente et/ou d’abus de position dominante collective. L’autorité de la concurrence a rendu une décision le 21 avril 2015 dans laquelle elle accepte les engagements pris par Booking.com pour clore la procédure devant l’Autorité de la concurrence et éviter une procédure contentieuse. Document 10 : Extraits de la décision n°15-D-06 du 21 avril 2015 sur les pratiques mises en œuvre par la société Booking.com dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne. Mais cette avancée n’a pas été jugée suffisante par certains parlementaires qui ont proposé d’insérer un nouvel article dans le code de tourisme afin d’inscrire les relations entre les centrales de réservation en ligne et les hôteliers dans le cadre du contrat de mandat. Cette nouvelle disposition est censée permettre de régler les questions au cœur du conflit (parité budgétaire et parité de réservation notamment). Désormais, lorsque certaines chambres sont encore disponibles, l’hôtelier est libre de les proposer par son propre canal de distribution et suivant ses propres tarifs. Cette liberté s’inscrit toutefois dans le cadre du contrat de mandat. Dans cette perspective, on se demandera quelles sont les conséquences de l’application d’un tel régime dans les relations entre la plateforme électronique et les établissements hôteliers. Document 11 : Article 133 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. III.- Exercice

Commentaire du document 3 (Com. 29 janvier 2008).

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Document 1 : Civ. 3ème, 8 juillet 1992. Sur le moyen unique : Attendu que la Banque pour la construction et l’équipement (CGIB), qui avait demandé l’autorisation de pratiquer une saisie-arrêt sur les salaires des époux X... en garantie d’une créance correspondant au remboursement d’un prêt consenti pour l’achat, le 24 septembre 1983, d’un immeuble appartenant aux époux Y..., fait grief à l’arrêt attaqué (Rouen, 10 janvier 1990) de la débouter de cette demande en retenant que l’acte de vente réalisait une simulation destinée à permettre aux vendeurs d’obtenir des fonds de la banque, alors, selon le moyen, que les contre-lettres n’ont point d’effet contre les tiers ; qu’il suit de là que le prête-nom est personnellement et directement engagé envers celui avec lequel il a contracté à ce titre, quand bien même ce cocontractant aurait eu connaissance de sa qualité ; qu’en

déboutant la société Caixabank-CGIB de son action contre M. et Mme Olivier X... pour la raison qu’elle a participé à la simulation que consomme l’acte du 24 septembre 1983, quand il résulte de ses propres constatations que M. et Mme Olivier X... ont agi, dans cet acte, comme les prête-noms de M. et Mme Jean Y..., la cour d’appel a violé l’article 1321 du Code civil ; Mais attendu qu’ayant souverainement retenu que la CGIB avait sciemment participé à la simulation des énonciations dont le titre authentique faisait foi, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, que la banque ne pouvait se prévaloir de l’acte ostensible contre les personnes ayant agi en qualité de prête-nom ; D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

Document 2 : Ass. plén., 13 décembre 1962. Sur le moyen unique, pris en ses deux branches: Attendu qu’il résulte des qualités et des motifs de l’arrêt attaqué que C... président-directeur général de la Banque Canadienne société anonyme, a, sous sa seule signature, souscrit au nom de cette banque, envers l’Administration des Domaines, un cautionnement solidaire d’une société de récupération d’épaves, pour une somme de 700000 francs en mai 1953 ; que ladite administration ayant demandé l’exécution de cette obligation, la banque a soutenu que celle-ci ne lui était pas opposable, en déclarant que ses statuts exigeaient en ce cas la signature de deux mandataires sociaux habilités ; Attendu que, pour condamner la banque, l’arrêt attaqué énonce qu’en l’espèce, l’Administration a pu légitimement penser qu’elle traitait avec un mandataire agissant dans les limites de ses pouvoirs normaux, et retient que la banque était en conséquence tenue à raison d’un mandat apparent ; Attendu que, selon le moyen, le mandat apparent suppose une faute imputable au

prétendu mandant et se trouvant à la base de l’erreur du tiers ; qu’il prétend que non seulement l’arrêt attaqué ne caractérise pas une telle faute, mais encore que, la nature même de l’engagement impliquant un pouvoir spécial que l’Administration aurait dû exiger, c’est elle qui s’est montrée imprudente en l’occurrence ; Mais attendu, d’une part, que le mandant peut être engagé sur le fondement d’un mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs ; Attendu, d’autre part, que le contrôle de l’imprudence alléguée à cet égard en l’espèce à l’encontre de l’Administration des Domaines nécessiterait une recherche d’éléments de fait à laquelle la Cour de Cassation ne peut procéder; D’où il suit qu’en aucune de ses branches, le moyen ne saurait être accueilli ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi

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Document 3 : Com., 29 janvier 2008. Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la SCI d’Auteuil (la SCI), représentée par MM. Daniel et Eric X... (les consorts X...), a, le 8 août 2000, signé une convention avec M. Y... ayant pour objet la réalisation de prestations topographiques en vue de la réalisation d’un lotissement résidentiel sur un terrain appartenant à la succession de Jean X... ; que selon cette convention, la SCI s’est engagée à réaliser le lotissement et, à défaut, à lui payer une somme forfaitaire ; que le projet ayant été abandonné, M. Y... a assigné la SCI et les consorts X... aux fins d’obtenir leur condamnation à lui payer la somme prévue à la convention ; que sa demande, rejetée par le tribunal, a été accueillie par la cour d’appel ; Sur le moyen unique, pris en ses première, troisième et quatrième branches : Attendu que ce moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ; Mais, sur le moyen, pris en sa deuxième branche :

Vu l’article 1998 du code civil ; Attendu que le mandat apparent a pour seul effet d’obliger le mandant à exécuter les engagements pris envers les tiers par le mandataire apparent, mais non d’y obliger ce dernier ; Attendu que, pour statuer comme il a fait, l’arrêt, après avoir relevé que la SCI, représentée par les consorts X..., s’était engagée à titre de mandataire apparent de la succession X... à l’égard de M. Y..., retient qu’elle devait, en cette qualité, être condamnée à payer la somme prévue par la convention ; Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

Document 4 : Com. 25 juin 2013. Sur le premier moyen, pris en sa première branche : Vu l’article 1998 du code civil ; Attendu, selon l’arrêt attaqué, que le 26 novembre 2008, M. X... a signé pour le compte de la société L’Ombretta un bon de commande portant sur la fourniture en location par la société N. Ollivier d’un système de caisse informatique ; que la société L’Ombretta, faisant valoir que l’acte avait été signé par une personne qui n’était pas habilitée à la représenter, a refusé de prendre livraison du matériel commandé ; qu’invoquant la qualité de mandataire apparent de M. X..., la société N. Ollivier a fait assigner la société L’Ombretta en paiement ; Attendu que pour dire que la signature de M. X... devait être considérée comme celle d’un mandataire apparent, l’arrêt relève que les

négociations se sont déroulées en sa présence, de sorte que la société N. Ollivier a pu croire qu’il agissait en vertu d’un mandat l’habilitant à signer la commande ; qu’il retient que l’usage du timbre commercial de la société L’Ombretta et l’insertion de stipulations modifiant le cadre contractuel, la confortant dans cette croyance, autorisaient la société N. Ollivier à ne pas vérifier le pouvoir réel de son cocontractant ; Attendu qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser les circonstances autorisant la société N. Ollivier à ne pas vérifier les pouvoirs de M. X... au sein de la société à responsabilité limitée L’Ombretta, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE

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Document 5 : Civ. 1ère, 13 mai 2014. Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 5 juin 2012), que M. et Mme X... (les époux X...), pour financer l’achat de matériel à la société Enzeau, ont contracté, par l’intermédiaire de cette dernière, un emprunt auprès de la société Groupe Sofemo (la société Sofemo) ; que, souhaitant rembourser cet emprunt par anticipation, ils ont remis un chèque à la société Enzeau qui l’a encaissé et qui a adressé à la société Sofemo un chèque qui a été rejeté pour défaut de provision; que la société Enzeau ayant été mise en liquidation judiciaire, la société Sofemo a poursuivi les époux X... pour obtenir le remboursement de la somme restant due au titre de l’emprunt ; Sur le premier moyen : (…) Sur le second moyen, pris en ses deux branches : Attendu qu’il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné solidairement les époux X... à payer à la société Sofemo la somme de 6 774,10 euros, assortie des intérêts au taux de 6,56 % à compter du 29 juillet 2010, outre 10 euros représentant l’indemnité de 8 % augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement, alors, selon le moyen : 1°/ que l’existence d’un mandat tacite entre l’organisme de crédit et l’intermédiaire est établie lorsque cet établissement de crédit a accepté sans réserve le versement du solde d’un prêt effectué par l’intermédiaire mandaté par lui pour parvenir à la conclusion du contrat de prêt ; que la cour d’appel qui n’a pas recherché, au regard de la convention définissant les modalités de collaboration entre la SA Sofemo et la société Enzeau, si cette dernière n’avait pas servi d’intermédiaire pour le conclusion du prêt, et si en conséquence il n’existait pas également un mandat tacite pour recevoir par son intermédiaire, le remboursement du prêt souscrit par M. et Mme X..., n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 1985 du code civil ; 2°/ que lorsque des emprunteurs ont contracté un emprunt pour acquérir un bien et que le

vendeur a servi d’intermédiaire auprès de l’établissement de crédit en vertu d’une convention conclue entre eux, le remboursement du solde de ce prêt par un chèque remis à cet intermédiaire qui ne l’a pas transmis au prêteur, est libératoire dès lors que les emprunteurs avaient légitimement pu croire que l’intermédiaire était habilité pour recevoir le paiement ; que la cour d’appel qui s’est bornée à relever que la société Enzeau qui avait fait souscrire la convention de crédit à M. et Mme X... n’était pas intervenue dans le remboursement du crédit, sans rechercher si les époux X... qui avaient acheté un matériel à la société Enzeau, laquelle leur avait procuré un financement auprès de la société Sofemo en vertu d’une convention conclue entre elles, ne pouvaient pas légitimement croire que la société Enzeau était habilitée pour recevoir le paiement n’a pas justifié sa décision au regard de l’article 1198 du code civil ; Mais attendu que le mandant n’est engagé par les actes de son mandataire que dans la mesure où celui-ci a agi conformément au pouvoir qui lui a été donné d’agir en son nom ; qu’après avoir constaté, par motifs propres et adoptés, que la convention signée par les sociétés Sofemo et Enzeau avait permis à celle-ci de faire souscrire aux époux X... leur demande de crédit, mais qu’elle ne prouvait pas l’existence d’un mandat donné, même tacitement, par la première société à la seconde de recevoir le paiement de la créance, alors qu’à aucun moment le vendeur ne s’était immiscé à un titre quelconque dans le remboursement du crédit, circonstance de nature à exclure par ailleurs la croyance légitime des emprunteurs en un mandat apparent donné à cette fin au vendeur, la cour d’appel a exactement déduit de ces constatations qu’était dépourvu de caractère libératoire le paiement effectué à l’ordre de la société Enzeau, qui n’avait pas qualité pour le recevoir ; Que le moyen ne peut donc être accueilli ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

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Document 6 : Civ. 1ère, 30 octobre 1985. Sur le moyen unique, pris en sa première branche : Vu l’article 1135 du code civil ; Attendu que M. Y... a donné à M. X... le mandat exclusif de vendre un immeuble ainsi que le fonds de commerce d’hôtel restaurant qui y était exploité moyennant un certain prix, une commission forfaitaire de 67.300 francs étant prévue au bénéfice de l’agent immobilier; Que ce dernier a fait signer dès le 7 juillet suivant une promesse d’achat par des personnes intéressées, aux conditions de la convention précitée, mais que les Epoux Y... ont refusé de réaliser la vente ; Que M. X... les a alors assignés devant le tribunal de grande instance en paiement d’une somme de 67.300 francs à titre de dommages-intérêts mais qu’il a été débouté de sa demande au motif qu’il avait commis une faute en s’abstenant de concilier son mandat sur la

valeur de son bien, qui était plus élevée que le prix demandé ; Que la cour d’appel a infirmé le jugement en énonçant que l’agent immobilier « ne saurait être rendu responsable des pertes alléguées par les parties, dans la mesure où il n’a pas fait en sorte, en raison d’une faute caractérisée de sa part, de provoquer un vice du consentement » ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’agent immobilier est tenu d’une obligation de renseignement et de conseil vis-à-vis de son mandant et qu’il doit, notamment, lui donner une information loyale sur la valeur du bien, mis en vente lorsqu’il apparait que le prix demandé est manifestement sous évalue sans raison, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; Par ces motifs, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen : casse et annule (…)

Document 7 : Soc., 8 juillet 2008. Sur le moyen unique : Attendu selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 6 février 2006) que l’appel interjeté par M. X... à l’encontre d’un jugement du conseil de prud’hommes n’ayant fait que partiellement droit à ses demandes, a été déclaré irrecevable par arrêt du 15 juin 1994, au motif qu’aucun pouvoir spécial n’était joint à la déclaration d’appel faite en son nom par M. Y..., délégué syndical qui l’assistait ; que M. X... a saisi le tribunal de grande instance d’une action dirigée à l’encontre de M. Y... et de l’Union locale CGT pour demander leur condamnation à lui payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la faute commise par le premier en sa qualité de mandataire ; Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt de l’avoir débouté de ses demandes, alors, selon le moyen : 1°/ qu’aucun texte ne fait obligation de mentionner dans l’acte de notification du

jugement que le mandataire doit, dans la procédure sans représentation obligatoire, s’il n’est avoué ou avocat, justifier d’un pouvoir spécial pour interjeter appel, établi postérieurement au jugement et pendant la durée du délai d’appel ; qu’en retenant que le délégué syndical avait suivi les indications du greffe qui ne mentionnaient pas une telle obligation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si ce dernier ne pouvait ignorer devoir être muni d’un mandat spécial pour interjeter appel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1992 du code civil ; 2°/ le mandat spécial doit être établi pendant la durée du délai d’appel ; qu’en retenant que le délégué syndical était muni d’un pouvoir général et d’un pouvoir de représentation devant la cour datés respectivement du 10 décembre 1993 et du 18 mai 1994, soit postérieurement à l’expiration du d’appel, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le mandataire ne pouvait ignorer devoir être muni d’un mandat spécial pour interjeter appel,

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c’est-à-dire d’un mandat établi dans le délai d’appel, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1992 du code civil ; 3°/ si la responsabilité des mandataires à titre gratuit est allégée, elle doit cependant s’apprécier in concreto et n’est pas limitée à l’hypothèse de la faute lourde ; qu’en ayant exclu la responsabilité du mandataire à raison d’une faute qu’elle a considérée pouvoir être qualifiée de grave, mais non de lourde, la cour d’appel a ajouté à la loi une condition qui n’y figurait pas, la cour d’appel a violé l’article 1992 du code civil ; Mais attendu que si le mandataire répond des fautes qu’il commet dans sa gestion, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire ;

Et attendu que la cour d’appel, sans reprendre les motifs du jugement, a relevé que la responsabilité de M. Y... devait être recherchée dans le cadre du second alinéa de l’article 1992 du code civil ; qu’appréciant souverainement les éléments soumis à son examen, et abstraction faite du motif critiqué par la deuxième branche du moyen qui est surabondant, elle a pu estimer que, remplissant ses fonctions à titre bénévole, le délégué syndical qui s’est conformé aux modalités du recours indiquées dans la signification du jugement, n’avait pas commis de faute entraînant sa responsabilité à l’égard du mandant ; Que le moyen n’est pas fondé ; PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Document 8 : Com. 24 mars 2015. Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Initiative et finance, agissant en qualité de mandataire de la société Grands Vins Jean-Claude Boisset (la société Boisset), a, le 30 mars 1993, recueilli l’engagement de la société Union des producteurs de Saint-Emilion (la caution) de se rendre caution des sommes dues par la société Financière Louis Eschenauer au titre d’un prêt de 256 114,40 euros qui lui était alors consenti par sa mandante ; qu’à la suite de la défaillance de la société débitrice, la société Boisset s’est heurtée au refus de la caution d’exécuter son engagement ; que ce dernier ayant été déclaré nul pour absence de pouvoir de son signataire pour engager la caution, la société Boisset, imputant l’irrégularité du cautionnement et son annulation subséquente à la société Initiative et finance, devenue Initiative et finance gestion, a recherché sa responsabilité ; Sur le premier moyen : (…) Sur le deuxième moyen, pris en ses première et deuxième branches : Attendu que la société Initiative et finance gestion fait grief à l’arrêt de la condamner à payer à la société Boisset la somme de 256

114,40 euros outre les intérêts au taux de 11 % du 15 mars au 10 octobre 1994, le tout avec intérêt légal à compter de l’arrêt, alors, selon le moyen : 1°/ que le mandataire n’a pas, lorsqu’il peut légitimement y croire, à vérifier l’étendue des pouvoirs de celui avec qui il contracte ; qu’en se bornant à relever, pour retenir la faute de la société Initiative et finance, qui avait accepté, en qualité de mandataire de la société Boisset, prêteur de deniers, un cautionnement dont la nullité a été prononcée, et ainsi la condamner à indemniser le prêteur, qu’elle ne pouvait invoquer la responsabilité du rédacteur de l’acte pour échapper à celle qui lui incombe en tant que mandataire, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, bien qu’il ait une expérience en matière de financement et de transmission d’entreprise, le mandataire ne pouvait pas légitimement croire, à raison de l’intervention d’un avocat pour la rédaction des actes, aux pouvoirs de celui qui représentait la caution, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1992 et 1998 du code civil ; 2°/ que la responsabilité relative aux fautes du mandataire est appliquée moins

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rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu’à celui qui reçoit un salaire ; qu’en se bornant à relever, pour statuer comme elle l’a fait, que la société Initiative et finance festion ne pouvait pas invoquer la responsabilité du rédacteur de l’acte pour échapper à celle qui lui incombe en tant que mandataire, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, malgré le caractère élémentaire et aisé de la vérification à opérer, la présence d’un avocat pour rédiger l’acte litigieux n’était pas de nature à écarter la responsabilité du mandataire qui intervenait gratuitement, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1992 du code civil ; Mais attendu que l’arrêt retient que la société Initiative et finance gestion, mandataire non professionnelle mais spécialiste du financement et de la transmission d’entreprises et de la prise de participation dans des sociétés, avait une expérience qui lui permettait d’apprécier l’opportunité et la nécessité de la vérification à laquelle elle a omis de procéder et qui ne l’autorise pas à arguer de l’apparence des pouvoirs du signataire du cautionnement ; qu’il retient encore que la vérification que la société Initiative et finance gestion n’a pas effectuée était élémentaire et pouvait être opérée aisément et sans frais ; qu’en l’état de ces appréciations, la cour d’appel a pu retenir que cette omission était fautive et que le caractère non onéreux du mandat n’était pas de

nature à atténuer la responsabilité de la société Initiative et finance gestion à l’égard de la société Boisset et a, ainsi, légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé ; Mais sur le deuxième moyen, pris en sa troisième branche : Vu l’article 1147 du code civil ; Attendu que, pour condamner la société Initiative et finance gestion à payer à la société Boisset la somme de 256 114,40 euros assortie des intérêts conventionnels, l’arrêt retient que le préjudice de cette dernière consiste en la perte de la chance d’exercer son recours contre la caution à la suite de la défaillance totale de la débitrice principale en liquidation judiciaire et que cette perte de chance est égale à la somme dont elle aurait pu obtenir le paiement, en remboursement du prêt, par la caution, dont il n’est pas argué de l’insolvabilité, si le cautionnement n’avait pas été jugé nul ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors que la réparation d’une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le dernier grief : CASSE ET ANNULE

Document 9 : Extraits du Rapport d’information n°2556 du 10 février 2015 déposé par la Commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale sur l’impact du numérique sur le secteur touristique français. A. L’EMPRISE DES OTA SUR L’HÔTELLERIE EST-ELLE INÉLUCTABLE ?

Lorsque les OTA ont fait leur apparition sur le marché français, les professionnels de l’hébergement touristique marchand, non seulement ne se sont pas inquiétés, mais ont même fait preuve d’enthousiasme : « Ils nous apportaient une clientèle qui ne serait jamais venue chez nous », d’après M. Didier Chenet, président du Syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs (Synhorcat).

Tel n’est manifestement plus le sentiment général qui prévaut aujourd’hui. Le sujet des OTA vient en tête des préoccupations des responsables professionnels de l’hôtellerie, lorsqu’on les interroge. Il ne s’agit pas pour eux de les interdire mais il deviendrait urgent de « moraliser » leurs pratiques. La mission a tenu à rencontrer l’ensemble des parties à l’affaire afin d’écouter leurs points de vue respectifs. Il en ressort que si plusieurs motifs de récrimination sont justifiés, on ne saurait pour autant accuser les OTA de tous les maux propres au secteur de l’hôtellerie.

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1. La nouvelle donne de la réservation hôtelière en ligne

Avec Internet, les hôteliers ont voulu saisir l’opportunité qui leur était offerte d’une meilleure visibilité en ligne, doublée d’une commercialisation facilitée. À les entendre, ils regrettent néanmoins que les OTA aient en quelque sorte imposé à la profession leur mode de fonctionnement, ce qui poserait des problèmes allant bien au-delà d’un poids des commissions, jugé au demeurant excessif par la profession.

(…)

b. Le rapport schizophrène des hôteliers aux OTA

Dans l’ouvrage qu’il a consacré à ce qu’il caractérise comme un véritable phénomène d’« addiction », M. Rémi Ohayon écrit que « les portails de réservation en ligne sont devenus un canal de distribution incontournable pour les hôteliers restaurateurs, mais [que] les avantages offerts par ces gros distributeurs ont été annihilés par les effets nocifs de leurs pratiques commerciales, devenues asphyxiantes et anti-concurrentielles ».

Tout aurait été fait pour rendre les hôteliers-restaurateurs tributaires de ces « supermarchés du web » qui, sur la base de tarifs alléchants, leur ont assuré d’emblée une grande visibilité, par le biais du référencement sur les moteurs de recherche. En outre, comme l’ont reconnu les responsables du groupement national des hôteliers indépendants (GNI), « cela a été perçu initialement comme un outil formidable pour la commercialisation et la gestion des réservations car nous étions en quelque sorte délestés de ces tâches. 85 % des établissements que nous représentons ont un effectif de moins de cinq salariés, cet allègement n’était pas négligeable ! ». Sans en prendre immédiatement conscience, les hôteliers semblent s’être pour partie dépossédés de leur clientèle.

Il convient de reconnaître la formidable capacité d’attraction commerciale des OTA. Côté client, elles procurent une solution simple et rapide de recherche et une offre référencée,

large et diversifiée. De surcroît, le client est persuadé, à tort ou à raison, d’y faire les meilleures affaires.

Plus elles sont visibles et génèrent de l’audience, plus les OTA exigeraient des commissions élevées, selon Rémi Ohayon, de sorte qu’il est « difficile de sortir de ce mécanisme pervers de sous-traitance déguisée, une fois qu’on a mis le doigt dans l’engrenage ». Plusieurs fois, lors de nos auditions, le parallèle avec la grande distribution a été dressé s’agissant des conséquences : pressions sur les prix et sur les marges, coûts pour figurer en « tête de gondole », tendance oligopolistique. Certains distributeurs iraient même jusqu’à proposer aux hôteliers de créer leur site internet et de prendre en charge le coût de leur campagne de référencement, en échange de commission sur les réservations qu’ils effectueraient en direct.

Longtemps, le sujet des OTA n’a pas été mis sur la table et les hôteliers y ont vu naïvement le prolongement de leur informatisation. La mise en réseau complète a exacerbé la concurrence entre les hôteliers et les a donc rendus vulnérables à cause d’un rapport de force structurellement défavorable. Comme nous l’a indiqué M. Mark Watkins, les hôteliers ont cru individuellement saisir une opportunité mais ce sont en fait les OTA qui semblent avoir imposé de nouvelles règles devant lesquelles ils s’estiment maintenant désarmés.

Car l’égalité sur la toile n’existe pas quand il faut investir dans le référencement. La force de frappe de Booking.com et d’Expedia est sans commune mesure à cet égard. Booking déclare ainsi consacrer annuellement de 1,5 à 2 milliards de dollars à la publicité en ligne via les plateformes telles que Google ou Tripadvisor. Pour Expedia, on parle de plus d’un milliard de dollars. C’est au niveau des moteurs de recherche que se situe pour ces acteurs le véritable enjeu, raison pour laquelle ils dépensent des sommes considérables dans « la bataille du clic ».

Booking.com prélève 17 % de commissions dans les grandes villes et 15 % dans les autres villes, pour un taux moyen qui s’établirait en France, à 16,1 %. La centrale

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assure la visibilité des hôteliers à ce prix et considère que ces taux sont difficilement compressibles, eu égard à la qualité de service rendu et aux investissements nécessités dans un secteur de plus en plus concurrentiel. Expedia déclare pour sa part pratiquer des taux variant entre 15 et 22 %.

(…)

a. La clause de parité tarifaire

Lors de la conclusion des Assises du tourisme, M. Laurent Fabius avait annoncé, le 19 juin dernier, que le Gouvernement saisirait pour avis l’Autorité de la concurrence « au sujet du cadre contractuel entre agences de réservation en ligne et hôteliers. Certaines pratiques doivent être mieux encadrées. Les hôteliers, notamment, doivent être en mesure de contrôler les prix qu’ils souhaitent proposer, le cas échéant sous forme de contrat de mandat ». Cette saisine, officielle depuis le mois de novembre 2014, vise à la clarification des pratiques existantes, s’agissant notamment des clauses de parité tarifaire figurant dans les contrats des OTA. (…)

La clause de parité tarifaire oblige les hôteliers à proposer le même prix pour leurs chambres sur l’ensemble des canaux de distribution, et notamment sur tous les portails de distribution. Elle empêcherait ainsi, selon certains, toute concurrence efficace par les prix entre les OTA, favoriserait la collusion entre les distributeurs et uniformiserait les prix de vente aux consommateurs.

Pour M. Rémi Ohayon, la parité tarifaire entraîne à terme une position dominante des OTA. M. Roland Héguy, président de l’UMIH, a observé pour sa part qu’à la différence des hôteliers, les OTA maîtrisaient les prix et qu’il leur suffisait de faire des offres promotionnelles en rognant sur la marge dégagée par leurs commissions pour être attractifs que la vente directe.

Les grandes OTA considèrent pour leur part que cette clause est indispensable à la pérennité de leur modèle économique car si l’offre était moins chère ailleurs que chez eux, il s’ensuivrait une fuite des réservations vers les canaux plus compétitifs. Or, sans la

rémunération que leur procurent les commissions, elles n’auraient plus la possibilité de financer l’investissement dans le référencement dont bénéficient indirectement les hôteliers. En outre, l’impact d’une suppression de la clause de parité tarifaire reste incertain : en effet, la difficulté des acteurs de moindre importance à entrer sur le marché des OTA risque d’être redoublée s’il devient plus difficile pour eux de rentabiliser leur activité.

En réponse aux préoccupations de concurrence exprimées par l’Autorité, Booking.com s’est rapproché des services d’instruction de la saisine pour proposer des engagements. La société a notamment annoncé qu’elle s’engageait à supprimer de ses contrats avec les hôteliers la clause de parité tarifaire et a proposé d’élargir cet engagement à l’ensemble des pays de l’Espace économique européen.

(…)

Au-delà de la clause de parité tarifaire, ce sont ainsi toutes les clauses de parité qui sont concernées, notamment la clause de la « dernière chambre disponible », dès l’instant qu’elles prévoient un alignement automatique sur les conditions plus favorables accordées aux concurrents.

La CEPC relève par ailleurs que « les documents examinés sont des contrats-types proposés uniformément à l’ensemble des hôteliers et qui ne semblent pas ménager de place pour la négociation ».

En particulier, les clauses entravant la liberté de l’hôtelier dans la prospection de la clientèle par ses propres moyens doivent être justifiées par un intérêt légitime et proportionné. Or, « cette interdiction ne semble trouver aucune justification dans le cas où l’OTA est un “apporteur d’affaires” effectuant la mise en relation entre l’hôtelier et les clients : en pareil cas, le contrat est exclusivement conclu entre ces derniers, le contrat précisant que l’OTA n’assume, en vertu du contrat passé avec l’hôtelier, aucune responsabilité en cas de litige sur le séjour quand bien même ce litige serait lié à un problème du site de réservation ».

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Les clauses relatives à la responsabilité des cocontractants sont également pointées du doigt, en ceci qu’il en résulte un allègement substantiel de responsabilité au profit d’une seule partie : « Les limitations de responsabilité sont prévues au seul bénéfice de l’OTA tandis que les hôteliers continuent quant à eux d’assumer leur responsabilité. Ainsi, et alors que l’OTA agit en qualité d’apporteur d’affaires, sont prévues des clauses excluant toute responsabilité de leur part au titre de “toute erreur, omission, interruption, défaut, délai dans l’exécution ou la transmission ou toute autre défaillance dans la fourniture du service et des sites”.[…] Il en est parfois de même en ce qui concerne “l’exactitude et l’exhaustivité des informations, des dates fournies par les clients,

des obligations de paiement”. […] Au contraire, les hôteliers ne bénéficient pas, la plupart du temps, des mêmes allègements de leur responsabilité. Il est même expressément indiqué que l’hôtel reste responsable du bon fonctionnement de ses propres systèmes ».

Ces conclusions confortent les récriminations des professionnels de l’hôtellerie et renvoient à l’incertitude concernant le statut exact des OTA. D’après M. Christophe Alaux, quand il y a un problème dans l’exécution de la prestation, les clients vont voir l’hôtelier, les « pure players » ne reçoivent directement aucune réclamation. Si les hôteliers font face aux clients dans les mauvais moments, ils devraient également pouvoir en tirer prioritairement bénéfice.

Document 10 : Extraits de la décision n°15-D-06 du 21 avril 2015 sur les pratiques mises en œuvre par la société Booking.com dans le secteur de la réservation hôtelière en ligne.

DÉCISION

Article 1er : L’Autorité de la concurrence accepte les engagements pris par Booking.com qui font partie intégrante de la présente décision à laquelle ils sont annexés. Ces engagements sont rendus obligatoires à compter de la notification de la présente décision.

Article 2 : Les saisines enregistrées sous les numéros 13/0071 F, 13/0045 F et 15/0013 F sont closes.

Délibéré sur le rapport oral de Mmes Juliette Herzele et Laure Schulz, rapporteures, et l’intervention de M. Joël Tozzi, rapporteur général adjoint et de M. Etienne Pfister, chef du service économique, par M. Bruno Lasserre, président de séance, Mme Élisabeth Flüry-Hérard, Mme Claire Favre, vice-présidentes, M. Thierry Dahan, M. Emmanuel Combe, vice-présidents, Mmes Pierrette Pinot, Marie-Laure Sauty de Chalon, Isabelle de Silva et M. Olivier d’Ormesson, membres.

La secrétaire de séance,

Le président de séance,

Caroline Chéron Bruno Lasserre

� Autorité de la concurrence

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Saisines n° 13/0045F - 13/0071F - 15/0013F Proposition modifiée d'engagements de Boolcing.com B.V., Booking.com France SAS et

Booking.com Customer Service France SAS 7 avril 2015

Conformément aux articles L. 464-2-1 et R. 464-2 du Code de commerce, Booking.com B.V., Booking.com France SAS et Booking.com Customer Service France SAS (ci-après, ensemble, « Booking.com ») présentent, ci-après, leur proposition modifiée d'engagements à l'Autorité de la concurrence (« l'Autorité »).

La présente proposition d'engagements est formulée par Booking.com, sous toutes réserves de ses droits, à la seule fin de permettre à l'Autorité de clore la présente procédure par l'acceptation de ses engagements et d'éviter l'ouverture d'une procédure contentieuse au titre des affaires jointes enregistrées sous le numéro 13/0045F, 13/0071F et 15/0013F. Les engagements ainsi proposés ne valent, ni n'impliquent de la part de Booking.com une quelconque reconnaissance du bien-fondé des dénonciations ou des faits soumis à l'Autorité ou à toute autre autorité de concurrence, ni des préoccupations de concurrence exprimées dans la note d'évaluation préliminaire du 24 novembre 2014 ni, a fortiori, de la violation d'une règle de droit de quelque nature que ce soit, ou d'une responsabilité de quelque nature que ce soit, en lien avec les faits allégués.

Ces engagements sont proposés sous la compréhension et la foi de la confirmation, dans le cadre des échanges ayant eu lieu avec l'Autorité dans la présente procédure, du fait que les décisions de l'Autorité acceptant les engagements proposés par les entreprises pour répondre à des préoccupations de concurrence, en application des dispositions de l'article L. 464-2 du Code de Commerce, ne valent pas et n'impliquent pas constatation ou reconnaissance d'une quelconque violation du droit de la concurrence.

Ces engagements sont présentés sans préjudice de la position susceptible d'être exprimée par Booking.com dans le cadre de toute autre procédure administrative ou judiciaire devant toute autre autorité ou juridiction, quelle qu'elle soit.

Parité Tarifaire et des Conditions

Booking.com ne conclura ni ne mettra en œuvre d'obligations qui : 1.1

(i) requièrent des hébergements qu'ils proposent sur Booking.com des tarifs de nuitée qui sont égaux ou inférieurs à ceux proposés sur toute autre OTA ;

(ii) interdisent aux hébergements de proposer des tarifs de nuitées sur des Canaux Hors Ligne qui sont égaux ou inférieurs à ceux proposés sur Booking.com, sous réserve que ces tarifs de nuitées ne soient pas Publiés ou Commercialisés En Ligne, et / ou

(iii) restreignent les tarifs de nuitées Non Publiés que les hébergements peuvent proposer, sous réserve que ceux-ci ne soient pas Commercialisés En Ligne (ensemble ci-après, la « Parité Tarifaire »).

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^­­�'T­'fT' 

1.2  Booking.com ne conclura ni ne mettra en œuvre d'obligations qui : I i I­ (i)  requièrent des hébergements qu'ils proposent sur  Booking.com des  termes et  conditions 

identiques  ou  plus  favorables  aux  consommateurs  que  ceux  proposés  sur  toute  autre i,.: I 6^ m­; Es:.' 

OTA; 

(ii)  interdisent  aux  hébergements  de  proposer  sur  des  Canaux  Hors  Ligne  des  termes  et conditions identiques ou plus favorables  à ceux proposés sur Booking.com, sous  réserve que ces termes et conditions ne soient pas Publiés ou Commercialisés En Ligne, et / ou 

(iii)  restreignent  les  termes  et  conditions  Non  Publiés  que  les  hébergements  peuvent proposer, sous réserve que ceux­ci ne soient pas Commercialisés En Ligne (ensemble ci­après, la « Parité des Conditions »). 

Parité de Disponibilité 

2.1  Booking.com  ne  conclura  ni  ne  mettra  en  œuvre  d'obligations  qui  requièrent  des hébergements  qu'ils  proposent  sur  Booking.com  le  même  ou  un  plus  grand  nombre  de chambres, quelle qu'en soit  la catégorie,  que celui  proposé sur  toute autre OTA ou que se réserve lui­même l'hébergement (ci­après la « Parité de Disponibilité »). 

2.2  Booking.com  fera  figurer,  lorsqu'il  affiche des  informations  relatives  à  la disponibilité  ou au nombre  de  chambres  disponibles  à  la  réservation dans un hébergement,  la mention  « sur ce/notre site ». 

3.  Communication 

3.1  Booking.com  s'engage  à  ce  que  sa  politique  de  communication  soit  conforme  aux Engagements. 

Mesures équivalentes 

4.1  Booking.com  n'offrira  pas aux  hébergements de  taux  de commission  inférieurs  ou d'autres mesures incitatives dont  l'octroi est conditionné au respect par  les hébergements de la Parité Tarifaire,  de  la  Parité  de  Conditions  et  /  ou  de  la  Parité  de  Disponibilité,  auxquelles Booking.com renonce en application des articles 1.1, 1.2 et 2.1 ci­dessus, sans limitation : 

(i)  Booking.com  ne  déréférencera  pas  ni  ne  menacera  de  déréférencer  les hébergements  au  motif  d'un  refus  de  contracter  une  obligation  de  Parité Tarifaire,  de  Parité  de Conditions  et/ou  de  Parité  de  Disponibilité  ou  de  s'y conformer 

(ii)  Booking.com  n'augmentera pas les  commissions (ou  n'imposera pas  d'autres frais)  au motif  d'un  refus de  contracter  une  obligation  de Parité Tarifaire,  de Parité de Conditions et/ou de Parité de Disponibilité ou de s'y conformer ; 

(iii)  l'algorithme de  Booking.com déterminant  le classement  des hébergements ne pourra  prendre  en  compte  directement  le  fait  qu'un  hébergement  refuse  de contracter une obligation de  Parité Tarifaire,  de Parité de  Conditions et/ou de Parité de Disponibilité ou de s'y conformer. 

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Contacts avec des Clients Antérieurs 5.

5.1 Booking.com ne conclura ni ne mettra en œuvre d'obligations qui interdisent aux hébergements de prendre contact avec des Clients Antérieurs, sous réserve que tout contact avec des Clients Antérieurs effectué par un hébergement soit conforme aux lois et réglementations applicables relatives à la protection de la vie privée et des données personnelles.

Champ d'application

6.1 Les Engagements s'appliqueront à toutes les réservations effectuées par des consommateurs quelle que soit leur localisation auprès d'hébergements localisés en France.

Délai de mise en œuvre et durée

7.1 Booking.com mettra en œuvre les Engagements au plus tard le 1®"^ juillet 2015.

7.2 Les Engagements resteront en vigueur pour une durée de cinq ans à compter de la date de leur mise en œuvre.

7.3 En vue de mener un bilan contradictoire sur l'efficacité des engagements pris, Booking.com soumettra à l'Autorité de la concurrence un rapport sur leur mise en œuvre. Ce rapport sera transmis en temps utile, c'est-à-dire au plus tôt le 1®''juillet 2016 et au plus tard le 1®'" octobre 2016, afin de permettre à l'Autorité de la concurrence de tenir une séance contradictoire au plus tard le 1®'" janvier 2017.

Non-contournement

9. Dans l'hypothèse où Booking.com serait amené à transférer l'un quelconque de ses contrats conclus avec des hébergements à une autre société au sein du Groupe Priceline, Booking.com s'assurera que les Engagements continuent d'être respectés s'agissant desdits contrats.

10. Définitions

« Engagements » signifie les engagements exposés dans le présent document.

« Commercialisé En Ligne » signifie commercialisé auprès du public en général par voie électronique, quel que soit le moyen, y compris les applications sur téléphone mobile. Il convient de préciser que cette définition n'inclut pas d'autres modes de commercialisation en ligne que ceux à destination du public en général : elle exclut en particulier les courriels, SMS et messagerie instantanée.

« Canal Hors Ligne » signifie tout canal qui n'implique pas l'utilisation d'Internet, tel que les réservations faites en personne à la réception d'un hébergement, par téléphone auprès de l'hébergement ou dans le point de vente physique d'une agence de voyage.

« OTA » ou « online travel agents » signifie tout service de réservation en ligne qui n'est pas contrôlé directement ou indirectement par l'hébergement ou par la chaîne volontaire ou intégrée à laquelle cet hébergement appartient. Un tarif publié par une OTA sur un méta moteur de recherche signifie un tarif proposé sur une OTA.

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Document 11 : Article 133 de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

La section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code du tourisme est ainsi modifiée : 1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Des contrats relatifs à l’hôtellerie » ; 2° Au début, est ajoutée une sous-section 1 intitulée : « Rapports entre bailleurs et locataires des immeubles affectés à l’hôtellerie » et comprenant les articles L. 311-1 à L. 311-5 ; 3° Est ajoutée une sous-section 2 ainsi rédigée : « Sous-section 2 « Des rapports entre hôteliers et plateformes de réservation en ligne « Art. L. 311-5-1. - Le contrat entre un hôtelier et une personne physique ou morale exploitant une plateforme de réservation en ligne portant sur la location de chambres d’hôtel aux clients ne peut être conclu qu’au nom et pour le compte de l’hôtelier et dans le cadre écrit du contrat de mandat mentionné aux articles 1984 et suivants du code civil. « Nonobstant le premier alinéa du présent article, l’hôtelier conserve la liberté de consentir au client tout rabais ou avantage tarifaire, de quelque nature que ce soit, toute clause contraire étant réputée non écrite. « Art. L. 311-5-2. - Le contrat prévu à l’article L. 311-5-1 fixe les conditions de rémunération du mandataire ainsi que les prix de la location des chambres et de tout autre service. « La rémunération du mandataire est déterminée librement entre l’hôtelier et la plateforme de réservation en ligne. « Art. L. 311-5-3. - Est puni d’une amende de 30 000 €, pouvant être portée à 150 000 € s’il s’agit d’une personne morale, le fait pour le représentant légal de la plateforme de réservation en ligne d’opérer sans contrat conclu conformément à l’article L. 311-5-1. « Le non-respect de l’article L. 311-5-2 est puni d’une amende de 7 500 €, pouvant être portée à 30 000 € pour une personne morale. « Les infractions précitées sont constatées par les agents mentionnés à l’article L. 450-1 du code de commerce et dans les conditions prévues au même article. « Art. L. 311-5-4. - La présente sous-section s’applique quel que soit le lieu d’établissement de la plateforme de réservation en ligne dès lors que la location est réalisée au bénéfice d’un hôtel établi en France. « Les contrats entre hôteliers et plateformes de réservation en ligne conclus avant la publication de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques cessent de produire leurs effets dès l’entrée en vigueur de la même loi. »