ESQUISSE HYDROLOGIQUE DE L'ANNEE 1984

PRESENTATION

L'analyse des facteurs hydroclimatologiques de l'année 1984 doit être entreprise en association avecceux de l'année 1983, commentés dans l'annuaire correspondant.

En effet, s'il se vérifie que les déficits extrêmes observés en 1983 ne sont pas atteints, maiscependant approchés, sur le Sud et le Sud-Est le débit des cours d'eau a, par contre, continué à décroître, parfois dansdes proportions importantes (Bras de la Plaine, Ravine St Gilles), et ce, du fait de l'inertie des nappes réservoirs quiont atteint les seuils les plus bas observés à ce jour !

Ce tarissement accentué des cours d'eau alimentés à partir des résurgences de nappes profondesétait par ailleurs prévu, conformément aux conclusions de l'étude référencée ci-dessous (t).

Cette note présente, de façon synthétique, une analyse ponctuelle et fréquentielle des précipitationsobservées sur dix postes pluviométriques représentatifs de la climatologie régionale et, sous forme de diagrammes, lesdébits jaugés sur les principaux cours d'eau ou sources de l'Ouest et du Sud de l'Ile.

Le rapprochement des débits jaugés en 1984 de ceux des années antérieures permettra au lecteur, encomplément des diagrammes des débits d'étiage de divers cours d'eau, présentés en quatrième partie de ce document,de juger du caractère remarquable de l'étiage 1984.

(*) Analyse des précipitations cumulées de janvier à mai 1984 sur l'Ouest et le Sud de l'Ile - Incidence sur laressource en eau - F. BOCQUEE - juin 1984.

1 - LA PLUVIOMÉTRIE

1-1 - Le problème

L'analyse fréquentielle des précipitations porte sur dix postes gérés parles Services de la Météorologie Nationale, qui présentent, à l'exception de la station"récente" des Lianes St Joseph, plus de vingt ans de mesure.

Leur choix résulte d'un compromis entre 1a représentativité d'une zoneagricole, l'étendue de leurs observations et des considérations d'ordre hydrologique.

Les diagrammes présentés aux pages suivantes procèdent d'ajustement del'échantillon des pluies annuelles aux lois classiques de l'hydrologie statistique,commentées dans l'annuaire 1983.

Rappelons simplement que les principaux quantiles présentés au bas de cesdiagrammes correspondent aux valeurs de la variable aléatoire (ou variate), qui ont uneprobabilité de renouvellement statistique d'une année sur deux ("Normale"), d'une annéesur dix (décennale sèche ou humide selon que la variate est déficitaire ouexcédentaire), d'une année sur cent etc...

Par exemple, et selon le diagramme présenté à la page suivante, lesprécipitations observées en 1984 à Palmistes Guillaume, soit 799 mm, ont une fréquencede non-dépassement FND (X) inférieure à 10 %, ce qui s'exprime en période de retour parune probabilité de renouvellement de l'ordre de dix Et quinze ans.

La médiane des précipitations, ou normale dans ce cas précis, est de 1 316mm, soit 40 % supérieure.

1-2 - L'analyse fréquentielle

Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques comparées des variâtes de1984, 1983 et de la médiane des précipitations en chaque poste étudié.

Le signe - caractérise une période de retour

Le tableau récapitulatif des précipitations et les diagrammes d'ajustementsont reportés en annexe du présent annuaire.

1-3 - interprétation

Le tableau précédent peut s'interpréter comme suit

1) Su; les Plaines, l'Est, le Nord-Est et le Nord, Nord-Ouest ; les précipitations sontvoisines de la Normale, ou légèrement déficitaires.

La Plaine des Cafres en particulier connaît des précipitations inférieuresà la Normale de 24 %, résultat non exceptionnel car correspondant à une Période deretour déficitaire de 4 ans.

2) Sur l'Ouest, le déficit est moins marqué sur le Cirque de Mafate que sur la planèzes'étendant de Palmistes Guillaume au Plate, qui, après les records de sécheresseobservés en 1983 (période de retour supérieure à 50 ans) suit à nouveau un déficitsensible, correspondant à une période de retour de _5 ans.

La station d'Aurère, qui reçoit par ailleurs plus du double desprécipitations observées en 1983 (année du record absolu avec 539 mm) reste légèrementdéficitaire (Tr = 4 ans).

3) Le Cirque de Cilaos, l'Entre Deux et la planèze du Tampon connaissent un déficitsensible (Tr = 10 à 15 ans) remarquable, tout comme dans les Hauts de l'Ouest, aprèsla sécheresse sévère (Tr ni 30 ans) observée en 1983.

4) Enfin et curieusement, le Sud-Est connaît des précipitations inférieures à celles(je 1983, ce qui lui accorde une période de retour assez élevée (Tr w 20 ans), bienqu'en valeur absolue, ces précipitations, du fait d'une certaine homogénéité de leurdistribution mensuelle satisfait aux besoins agricoles.

En résumé, il apparaît que les précipitations observées en 1984, bien quedéficitaires, ne présentent pas de caractère particulier si elles sont analysées defaçon intrinsèque.

C'est au contraire, par la conjonction du caractère exceptionnel de 1.483,qu'il faut lui imputer le déficit extrême de la ressource en eau provenant des nappesaquifères non ré alimentées par les précipitations de l'été austral 1984.

C'est le cas de la quasi totalité des cours d'eau de la zone occidentale,comme nous le verrons ci-après.

2 - LES RESSOURCES EN EAU

La suite de cet annuaire présente, de façon sectorielle et dans le détail,les débits jaugés en de nombreux points d'eau destinés à la satisfaction des besoinsdivers.

Si les variations de débit enregistrées pendant l'année témoignent souventd'un tarissement prononcé, elles ne permettent cependant pas de situer le degré desévérité de l'étiage de 1984 au sein des chroniques d'observations disponibles, parailleurs généralement peu étendues.

Nous proposons en conséquence, pour divers cours d'eau du réseauhydrométrique de base, ainsi que pour certaines sources et points d'eau utilisés pourl'alimentation en eau potable, d'établir des diagrammes comparatifs des courbes detarissement et, dans la mesure de l'information disponible, de quantifier l'importancede l'étiage 1984.

La variable de référence est le DCE 11/12 ou débit caractéristique d'étiagedépassé 11 mois sur 12 dans l'année en cours. C'est donc une valeur proche de l'étiageabsolu et qui est souvent utilisé comme paramètre de dimensionnement des réseauxd'adduction d'eau.

2-1- Incidence de la sécheresse sur les écoulements

Nous retiendrons, sous ce terme d'écoulement, les apportahydrauliques sous toutes leurs formes ; c'est-à-dire principalement

- les eaux de ruissellement (crues), - l'écoulement de base (résurgencesd'eaux d'infiltration)

2-1-1 - Les eaux de ruissellement

Elles constituent habituellement, en début d'année, lamanifestation la plus visible des excédents de précipitations.

Sur l'Ouest une seule crue significative est observée du 20 au 22 janvier, lors de ladépression DOMOINA.

Les volumes d'eau ruisselés et les points de crues (14 m3/s sur le Bernica) sontlargement inférieures à la normale.

Sur les Plaines, à l'exemple du Bras de Pontho, on distingue 4 évènements significatifs: du 19 au 24 janvier, la dépression DOMOINA provoque une crue de caractéristiquesvoisines de la normale, tant par le volume ruisselé que par le débit de pointe (9,5m3/s).

Cet évènement est suivi de crues moins importantes

- du 31 janvier au 3 février (Qp = 2,5 m3/s),- le 16 avril, crue violente (5 m3/s) mais brève (10 heures),- Enfin, le 8 août (Qp = 6,5 m3/s), évènement inhabituel très profitable

au réapprovisionnement de la retenue des Herbes Blanches !

A noter cependant que seule la crue de DOMOINA est significative sur les autresbassins hydrographiques régionaux !

Sur l'Est, la station de référence du grand bras de la Rivière St Jean, enregistre 3crues de faible importance en janvier, dont la plus forte du 31 au 3 février, estoccasionnée par les résidus pluvieux de la dépression

Deux autres évènements sont remarquables : la plus forte crue de la saison estobservée en avril, du 15 au 19 (KAMISY) avec un débit de pointe de 12 m3/s (6,3m3/s/km2), légèrement supérieur à la Normale.

Une petite crue est également observée les 8 et 9 août comme sur le Bras dePontho, et s'avère très utile au soutien de l'étiage !

2-1-2 - L'écoulement de base

L'écoulement de base des cours d'eau de la Réunion procède deconsidérations d'ordre hydrogéologique et géomorphologique déjà largement commentéesdans diverses études, dont certaines sont fort anciennes (ORSTOM - 1958) .

Plutôt que d'y revenir, nous avons choisi en corollaire des propositionsétablies précédemment, de présenter sous forme synthétique, les courbes de tarissementcomparées de divers cours d'eau de la zone Ouest afin que le lecteur puisse juger, devisu, des caractéristiques particulières de l'étiage de 1984.

Cours d'eau étudiés

la Ravine à Marquet au Dos d'Ane,

la Rivière des Galets à l'aval du Bras de Ste-Suzanne, la

Ravine St-Gilles (canaux du bassin Malheur),

le Bras de Jeanne (débit global), le grand et

petit Bras de Cilaos au Pavillon, le Bras de la

Plaine (au captage SABRAP).

A - La Ravine à parquet au Dos d' Ane

Les diagrammes des débits instantanés observés en 1983 et 1984, correspondent à un échantillonnaged'autant plus précis de l'hydrogramme réel, que ceux-ci concernent la phase d'étiage (octobre -décembre).

La phase de tarissement effectif débute au mois de mai et s'identifie pratiquement à celle de 1983, etce, malgré 2 averses notables (32 mm le 8 août et surtout 57 mm le 13 septembre au Dos d'Ane), ce qui confirmedonc l'absence d'un aquifère régulateur de forte capacité.

B - La Rivière des Galets à l'aval du Bras de Ste-Suzanne

'es diagrammes 1983 et 1984 montrent ici encore une certaine homogénéité des 2 courbes avec undébit d'étiage absolu cependant plus faible en 1984 et qui constitue à ce jour le minimum observé (0,63 m3/s).

Ceci témoigne de l'absence de nappes aquifères régulatrices de l'écoulement et confirme que ce typede bassin est très sensible aux phases de sécheresse de faible étendue (3 à 4 mois).

I1 semble en conséquence que la période de retour de cet étiage correspond sensiblement à celle despluies.

Par ailleurs, les averses observées pendant l'hiver austral engendrent un soutien momentané del'étiage, comme c'est le cas pour l'averse de 58 mm observée le 8 août à Aurère.

C - La Ravine St-Gilles (canaux du bassin Malheur).

L'évolution du débit capté par les canaux d'irrigation du bassin Malheur en 1982, 1983 et 1984 esttout à fait significative du tarissement progressif des aquifères du fait de leur non recharge par les pluies (déficitaires)sur l'amont du bassin hydrogéologique présumé.

Cette inertie confirme l'existence d'une nappe d'altitude de forte capacité qui ne peut être rechargéeque par des pluies d'intensité supérieure à la Normale (1 317 mm à Palmistes Guillaume), valeur du même ordre degrandeur que la pluie totale observée en 1983 et 1984, soit 1 404 mm I

REMARQUE : le débit naturel du bassin Malheur se déduit de ceux des canaux, par ajout de 14C 1/s correspondant à70 1/s d'eaux de surface captés pour les besoins d'A-P, et 70 1/s de "manque à gagner" du fait de l'influence dupompage voisin sur les eaux de surface !

D - Le Bras de Jeanne (débit global)

L'absence de recharge de la nappe par les. pluies de l'hiver austral (contrairement à 1983) a entraîné untarissement record jamais observé à ce jour, soit 2,50 1/s !

B - Le Grand Bras et le Petit Bras de Cilaos au Pavillon

Compte tenu d'un contexte hydrogéologique et morphologique identique àcelui de 1a Rivière des Galets, l'interprétation des courbes de tarissement procède desmêmes principes, à savoir

absence de nappe régulatrice des écoulements de forte capacité (voir 1eDCE 11/12 de "l'année Hyacinthe 1980),

sensibilité aux périodes de sécheresse, même de faible étendue (3 à 4ans).

Le DCE 11/12 de 1984 est le plus faible observé à ce jour, soit 0,76 m3/s.

F - Le Bras de la Plaine au captage SABRAP

Si l'on excepte la petite crue du 15 avril, qui n'a eu par ailleurs que peud'effet sur l'écoulement de base, il est remarquable de constater le tarissementcontinu et progressif des nappes depuis 1983, et ce malgré des précipitations sur lebassin de la Plaine des Cafres qui ne sont que légèrement inférieures à la Normale.

L'étiage absolu est le plus faible jamais observé car inférieur à 3 m3/s(2,95 m3/s début janvier 1985).

Comme pour la Ravine St Gilles, les. débits observés en 1984 résultent dela vidange d'aquifères profonds de forte inertie, peu sensibles aux périodes desécheresse de faible étendue mais par contre rechargeables qu'à partir deprécipitations supérieures à la Normale !

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3 - BILAN SECTORIEL DE LA RESSOURCE EN EAU DE SURFACE

Rappel la variable étudiée est le DCE 11/12.

3-1 - La côte sous le vent, y compris le Cirque de Cilaos et la Plaine des Cafres.

EN RESUME Ressources sectorielles exceptionnellement déficitaires, y compris sur lesbassins versants à alimentation par nappes souterraines étendues (Bras dela Plaine, Ravine St Gilles).

3-2 - La côte au vent et le Cirque de Salazie

EN RESUME : Situation voisine de la Normale ou légèrement déficitaire sur lesCommunes du Nord-Nord-Est.

CONCLUSION

L'étude fréquentielle des précipitations observées en 10 Postes représentatifs montre que l'année1984, bien que généralement déficitaire sur la région sous le vent et sur la Plaine des Cafres ne présenteintrinsèquement aucun caractère exceptionnel !

Au contraire, les ressources en eau de la zone Ouest ont connu, comme prévu, un tarissementextrêmement sévère, car de période de retour cinquantennale

L'explication de ce phénomène est simple et tient dans l'effet d'inertie des nappés aquifères quicontrôlent l'ensemble des émergences qui constituent l'écoulement de base des cours d'eau de l'Ile.

C'est en ce sens que l'année hydrologique 1984 ne peut être dissociée de 1983, année de sécheresseexceptionnelle pendant laquelle les nappes aquifères, y compris les plus étendues (Bras de la Plaine, Ravine St Gillesetc... ), ont amorcé un lent mouvement de vidange qui s'est perpétué en 1984.

Les pluies bienfaitrices de ce début 1985 (CELESTINA et GERIMENA) ont heureusementcontribué à redresser cette situation qui reste à ce jour unique dans les annales hydrologiques du Département.

F.-BOCQUEE.- Avril 1985