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Anthony Buckeridge Bennett 03 IB Bennett Et Sa Cabane 1951

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BENNETTET SA CABANE

ANTHONY BUCKERIDGE

BENNETT ET SA CABANEAu collge de Linbury, les points de vue diffrent sur une question de la plus haute importance : la construction de cabanes de branchages au bord de l'tang. C'est : Un jeu passionnant, pensent Bennett et Mortimer; Une occupation ducative, pense M, le directeur ; Une effroyable calamit! pense M. Wilkinson, le tonitruant professeur.Bennett et Mortimer ont raison.M. le directeur n'a pas tort, mais il changera certainement d'avis avant peu de temps.Quant M. Wilkinson, que dirait-il s'il savait que cette histoire de cabanes va se compliquer d'une affaire de poison rouge et de concombres qui atteint aux plus hauts sommets du burlesque? ANTHONY BUCKERIDGEBENNETT ET SA CABANE TEXTE FRANAIS DOLIVIER SECHAN ILLUSTRATIONS DE JEAN RESCHOFSKY

HACHETTE247

l'dition originale de ce roman

a paru en langue anglaise

chez Collins. Londres,

sous le titre :

JENNINGS LITTLE HUT librairie hachette, 1964. tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation rservs pour tous pays.

DU MEME AUTEURdans l'Idal-BibliothqueBENNETT AU COLLEGE

UN BAN POUR BENNETT

BENNETT ET MORTIMER

TABLEI. Les pionniers

9II. Csar en pension

25

III. Csar s'vade

39IV. La thire au poisson

52V. La premire traverse du vengeur

62VI. Fcheuses complications

72VII. Le directeur est pris au pige

85VIII. L'Angleterre gagne la coupe

97IX. Une tante distraite

108X. Les visiteurs arrivent

115XI. La vitre vagabonde

127XII. Un invit rcalcitrant

136XIII. La folle poursuite

152XIV. Bien jou, M. Wilkinson !

165

CHAPITRE PREMIER

LES PIONNIERS

ce n'tait qu'une mchante cabane de branchages, mais Bennett, qui l'avait construite avec son ami Mortimer, en tait extrmement fier. Il s'accroupit pour se glisser par le trou qui servait de porte, et une bouffe de joie lui gonfla le cur quand ses yeux firent le tour de son nouveau logis.Certes, le sol tait quelque peu marcageux et il faudrait terminer au plus tt la rigole d'coulement En attendant, on pourrait poser par terre les planches destines la future porte. Le toit tait dplum au sommet, les murs manquaient eux aussi d'paisseur. Toutefois, il serait facile de les renforcer par des roseaux, pour empcher le vent desouffler travers. Et l'on aurait au moins l'assurance de ne pas touffer, jusqu' ce que Mortimer ait achev le sensationnel appareil de ventilation qu'il fabriquait l'aide d'un vieux tuyau de gouttire.Tout autour de lui, Bennett entendait les voix des autres constructeurs de cabanes qui s'activaient dans le voisinage. Ah! ils n'avaient pas t longs imiter son exemple et revendiquer une portion de territoire! N'empche que c'tait lui, J. C. T. Bennett, qui avait eu cette ide le premier!Le domaine du collge de Linbury tait trs tendu. Les btiments principaux se groupaient autour de la grande cour; venaient ensuite les terrains de cricket, le jardin particulier du directeur, puis un vaste espace couvert d'herbes folles. Au-del, presque la limite de la proprit, il y avait le petit bois. Et au milieu du petit bois il y avait l'tang, un de ces jolis petits tangs entours d'arbres qui vous donnent tout de suite envie de jouer aux Robinsons et de construire des cabanes. Bennett et Mortimer difiaient la leur ensemble, et ils s'taient jur qu'une fois acheve ce serait la plus belle de toutes.Bennett terminait son troisime trimestre Linbury et il allait sur ses onze ans. C'tait un garon actif, plein d'entrain, la mine veille et aux cheveux bruns gnralement bouriffs. Alors qu'il s'agenouillait sur le sol dtremp, de violents chocs mtalliques retentirent dans une sorte de rduit amnag au fond de la cabane. H! Morty! pas tant de chahut! protesta Bennett. Tu ne peux pas taper un peu moins fort? Du rduit mergea un visage ros surmont de cheveux d'un blond niasse. Derrire les lunettes poussireuses, les yeux avaient un regard trs srieux. Je voudrais t'y voir ! rpliqua Mortimer. Crois-tu que c'est facile de fabriquer un systme d'aration quand on n'a que son soulier comme marteau? D'ailleurs, je me demande si ce n'est pas dangereux : j'ai une pice de ferau talon, et chaque fois que je tape sur la gouttire, a fait des tincelles. Mortimer se glissa alors dans la pice principale, tranant la gouttire derrire lui. Et voil! dit-il firement. C'est termin. Je suis bien sr que personne n'aura un systme d'aration pareil dans sa cabane. Brevet, prfabriqu et tout! Il n'y a pas de quoi tre tellement fier! grommela Bennett. Si tu n'avais pas btement coud ce tuyau en t'asseyant dessus, je comptais en faire un priscope, en mettant une petite glace chaque bout et en le faisant sortir par le toit. Comme a, nous aurions vu les gens approcher. Mais maintenant que tu l'as tordu, il n'y a plus moyen. Pas besoin d'un priscope! trancha Mortimer. Les murs sont si minces qu'on pourra voir passer les gens travers. Comment! protesta Bennett. Et la porte, alors? Si les gens se mettent passer travers les murs...- Non, tu n'as pas compris. Je voulais dire que... Et puis zut! aprs tout! Tiens, aide-moi plutt installer le tuyau. A dfaut d'autre chose, il soutiendra un. peu le, toit. Les deux garons rpandirent par terre un, maigre tapis de feuilles, avec l'illusion, qu'ils viteraient ainsi de trop se salir, puis, s'agenouillant dessus, ils entreprirent de dresser le tuyau.Son extrmit infrieure s'enfona en gargouillant dans la boue ; l'autre fut pousse au travers des feuillages clairsems de la toiture. Bennett et Mortimer savaient fort bien que cet appareil tait incapable d'assurer la moindre ventilation, mais il allait donner du chic leur demeure et faire plir d'envie les petits camarades devant qui ils pourraient se vanter d'avoir 1' air conditionn , comme dans les appartements ultra-modernes. Maintenant, viens! dit Bennett son associ quandle tuyau fut en place. Allons chercher du feuillage pour paissir nos murs. A quatre pattes, ils se glissrent dehors par l'ouverture, puis descendirent au trot jusqu'au bord de l'tang.Des cabanes de tous styles et de toutes tailles poussaient sur la rive. Certaines taient des abris rudimentaires que seuls leurs propritaires ou des hommes prhistoriques auraient pu qualifier d'agrables rsidences; d'autres taient plus ambitieuses, avec des vrandas. Celle de Briggs et Morrison tait si basse qu'ils ne pouvaient s'y tenir qu' plat ventre. Au contraire, celle d'Atkins tait si haute qu'elle aurait pu loger une jeune girafe, mais si troite que la pauvre bte n'aurait mme pas eu la place de remuer la queue.Martin-Jones et Patterson construisaient une cabane arienne dans un arbre fourchu. Bromwich l'an, lui, avait opt pour un type d'habitation semi-souterraine qui tenait plutt de la trappe piger les lphants.Briggs et Morrison mergrent en rampant de leur rez-de-chausse surbaiss au moment o Bennett et Mortimer passaient, les bras chargs de branches et de roseaux. Venez voir un peu ce que nous faisons! leur cria Bennett. C'est formidable, chez nous... du moins a ne tardera pas l'tre quand nous aurons renforc le toit et assch le sol. Briggs, un garon de douze ans, trs grand pour son ge, se redressa et essuya d'un revers de main la boue qui maculait ses genoux. Je suis sr qu'elle n'est pas aussi bien que la ntre! rpliqua-t-il. La ntre est si petite, si douillette, qu'on n'a mme plus la place de respirer, ni de s'y tourner, ce qui fait qu'on doit sortir en marche arrire. Pas vrai, Tom? Morrison, Tom pour les intimes, approuva d'un signe de tte. Oui, mais la ntre a deux pices! rtorqua Bennett. Une salle de sjour, et une petite annexe o Mortimer a

install son laboratoire d'inventions. Venez donc voir un peu.Briggs et Morrison suivirent Bennett et Mortimer jusqu' leur cabane. Voil! dit Bennett en laissant tomber sa brasse de feuillage. a, c'est la porte d'entre. O vois-tu une porte? demanda Morrison, goguenard. L. C'est l'endroit o on la placera quand elle sera termine. Pour l'instant, elle sert de plancher... Encore une invention de Morty : si vous n'en voulez pas comme porte, vous pouvez la prendre comme plancher! Briggs se glissa prudemment entre les flaques d'eau. Plutt boueux! fit-il remarquer. Si jamais il se met pleuvoir, il vous faudra des chasses. Oh! j'ai dj fait le plan d'un canal spcial de drainage ! expliqua Mortimer quand les visiteurs eurent pntr l'intrieur. D'ailleurs, c'est trs utile d'avoir beaucoup d'eau. Si nous tions assigs, nous pourrions tenir desmois. Nous pourrions mme nous laver, en supposant que nous en ayons envie! Et voil notre rservoir... encore une ide de Mortimer! intervint Bennett, en faisant rouler jusqu'au milieu de la cabane un vieux ft essence de cinquante litres. Je l'ai repch hier dans l'tang._ Ce sera notre rserve d'eau potable en cas de besoin... condition de ne pas en boire pour de bon, parce qu'elle est un peu vaseuse. Nous pourrons aussi l'utiliser en cas d'incendie. Pour l'instant, nous nous en servons comme tam-tam quand nous avons envie de faire un peu de jazz. Et il excuta sur le tonneau un solo de batterie retentissant.Les visiteurs parurent trs impressionns. Je n'aurais jamais cru que ce Mortimer tait capable d'imaginer tout a! s'cria Morrison avec admiration. Moi qui le considrais plutt comme un minus... Je ne me doutais pas que c'tait un tel gnie! Oh ! tu exagres ! protesta mollement l'inventeur, tout gonfl d'orgueil. Disons simplement que c'est un don... II eut un petit rire timide, puis se moucha bruyamment pour dissimuler son embarras.Les invits ne tardrent pas s'apercevoir que la visite de la cabane leur imposait une rude preuve physique. Le toit n'tait pas aussi bas que celui de leur propre demeure, ce qui ne les obligeait pas ramper, mais il n'tait tout de mme pas assez haut pour leur permettre de se tenir droits.Briggs se tranait, genoux plies, dans l'attitude du singe qui s'apprte bondir. Morrison courbait les paules et baissait la tte, de sorte qu'il ne pouvait voir que le sol, moins de prendre beaucoup de recul. Mortimer, plus petit, tait capable d'aller et de venir d'un air dgag, en position debout. Quant Bennett, il avait rsolu le problme en adoptant des genouillres de carton sur lesquelles il circulait rapidement.Non sans quelque fiert, les propritaires exhibrentleur mobilier et leurs divers ustensiles. Il y avait une chaise rustique, que Bennett avait construite avec des branches et des joncs : elle tenait bien d'aplomb, condition qu'on n'ait pas l'ide saugrenue de s'asseoir dessus. Un guidon de vlo, repch lui aussi dans l'tang, servait de portemanteau. Il y avait encore une tagre livres, un dcrottoir et une tringle rideaux. Soudain, Briggs aperut une bote biscuits fixe la paroi. Qu'est-ce que c'est? demanda-t-il. C'est notre rfrigrateur, expliqua Bennett. Du moins ce le sera. Nous placerons sur le toit un bidon trou, rempli d'eau, et les gouttes qui tomberont le long du mur entretiendront la fracheur. Tu comprends? Nous commenons faire des provisions pour un grand banquet. Il y a dj l-dedans un morceau de fromage que nous conserverons jusqu' ce que nous ayons touch notre ration de bonbons du mois. Supersonique, pas vrai? Briggs ouvrit la bote, mais s'empressa de la refermer en se bouchant le nez. En effet, c'est supersonique! dclara-t-il. Votre fromage marche plus vite que le son, et il est couvert de moisissure, malgr vos fameux murs air conditionn! a ne fait rien, rpliqua Bennett. Nous pourrons le donner aux poules d'eau. Elles ne font pas la fine bouche. Plus tard, nous tcherons de trouver des pommes de terre et d'autres trucs manger, puis nous allumerons du feu et nous ferons la cuisine pour de bon. Ils se glissrent ensuite dans l'annexe o ils examinrent les divers objets d'art demi termins, avec lesquels Bennett et Mortimer comptaient embellir leur demeure. Des pots confiture, artistement dcors, taient dj prts servir de vases fleurs. Des rideaux faits de feuilles de roseau tresses n'attendaient plus que les dernires retouches, et, au mur, tait accroche une toile de sac qui portait ces mots, inscrits en lettres de diffrentes couleurs : BIENVENUE DANS JOLLIE KABANE! C'est le paillasson, expliqua Bennett. Nous avons crit a en fixant sur le sac des capsules de bouteilles de limonade. Il nous a fallu des semaines pour les runir. Jamais je n'ai bu autant de limonade! Pas mal, reconnut Briggs. A part les fautes d'orthographe... Bennett et Mortimer changrent un regard en souriant d'un air suprieur. a montre bien que tu n'y entends rien! rpliqua Bennett. Apprends donc qu'il s'agit l d'une cabane l'antique, et que nous nous sommes donn beaucoup de mal pour que tout soit dans le style de l'poque. Si nous avons crit jollie kabane , c'est qu'on orthographiait ces mots comme a au temps des cits lacustres. Ah! fit Briggs, impressionn.Je pense que nous aurons termin ce paillasson d'ici la semaine prochaine, reprit Bennett. Il aura grande allure devant notre porte. Naturellement, il ne faudra pas s'essuyer les pieds dessus... c'est une uvre d'art! A cet instant retentit un coup de sifflet lointain. Venez vite! dit Briggs. Voil M. Carter qui siffle le rassemblement. Dpchons-nous de passer le pont avant l'heure de l'embouteillage ! De tous cts, des garons mergeaient dj de leurs cabanes quand les quatre amis se prcipitrent vers la pente qu'il fallait gravir pour retourner au collge. Au bas de la pente, le sentier tait coup par une nappe d'eau bourbeuse, provenant d'infiltrations de l'tang, et c'tait au-dessus de ce marcage que les pionniers avaient difi un pont Mortimer de campagne.L'ingnieur qui avait conu ce remarquable ouvrage d'art s'tait inspir des viaducs de chemins de fer, en se servant de branches et de cordes la place de poutrelles et de rivets. Mais, la premire fois qu'on l'avait utilis, le pont avait dangereusement flchi jusqu' l'eau. Aussi les constructeurs avaient-ils t obligs de le soutenir par des

flotteurs faits de vieux bidons d'huile. On continuait cependant le considrer comme un pont suspendu, une lgre diffrence prs : ce n'tait pas le pont mais le passant qui se trouvait en tat de suspension lorsque, pour franchir une brche dans l'ouvrage, il devait s'accrocher une branche qui pendait au-dessus de sa tte.Comme le rglement prvoyait le sens unique, avec interdiction de doubler, c'tait donc ce pont qui provoquait chaque soir l'embouteillage, en obligeant les constructeurs de cabanes avancer une allure de tortue, le sifflet de M. Carter retentit de nouveau plus impatient cette fois tandis que les quatre garons attendaient leur tour de passer. Oh! zut! gmit Mortimer. Si nous ne sommes pas rentrs l'heure, le directeur va de nouveau interdire l'tang! D'ailleurs, je suis bien tonn qu'il nous ait permis de venir ici! C'est parce que M. Carter le lui a demand, rappelaBennett. Et c'est rudement chic de sa part! On ne trouve pas souvent des grandes personnes qui s'intressent aux cabanes ! En file indienne, ils franchirent le pont suspendu, puis se mirent courir jusqu'au collge. M. Carter les attendait dans la cour.Le professeur avait peine dpass la trentaine. C'tait un homme aimable, pos, qui conservait toujours son calme au milieu des priodes d'agitation qui troublaient parfois la vie du collge. Alors, vos cabanes progressent-elles ? demanda-t-il aux garons. Ce sera patant, m'sieur! rpondit Bennett. Et nous avons mme appris des tas de choses : par exemple, qu'on peut se couper les doigts en arrachant des joncs, et que... Parfait! parfait! interrompit M. Carter. Mais je tiens attirer votre attention sur un point : si l'un de vous se mouille les pieds ou tombe dans l'tang, c'en sera fini de la construction de cabanes. Le directeur ne veut absolument pas que vous vous salissiez ou que vous abmiez vos vtements. Compris? Oui, m'sieur! rpondirent en chur les pionniers qui, en mme temps, cherchrent se cacher les uns derrire les autres pour ne pas laisser voir des chaussettes trempes et des souliers couverts de boue. Ne vous bousculez pas ainsi quand je vous parle, leur dit M. Carter. Je ne suis pas aveugle. C'est seulement un conseil d'ami que je vous donne. Maintenant, vous feriez mieux de rentrer: la cloche du dortoir va sonner. Ce soir-l, dans la salle de douches, on ne parla que des cabanes. Il y avait dj une semaine qu'ils avaient reu l'autorisation d'entreprendre les travaux, mais comme ils ne pouvaient se rendre au bord de l'tang que pendant larcration du soir, dans l'heure qui prcdait le coucher, leur entreprise commenait seulement prendre tournure. Dj, cependant, les murs taient dresss et les toits poss dessus l'exception de quelques cabanes o le poids du toit avait fait crouler les murs , et maintenant chaque architecte tait soucieux de transformer son abri de fortune en un logis confortable. C'est notre cabane la plus belle de toutes! affirma Bennett au milieu d'un envol de bulles de savon. Grce aux inventions de Mortimer, c'est le type de la maison idale. Oui, mais je parie que vous n'avez pas de sonnette! rpliqua Atkins, trois cabines plus loin. Moi, j'en, ai fabriqu une du tonnerre avec une noix de coco vide, et des petits cailloux dedans. Il ne me manque plus qu'une porte pour accrocher la sonnette aprs, et ce sera fini. En criant pour dominer le bruit des douches qui coulaient flots, ils continurent discuter les dernires amliorations apportes leurs cabanes. Martin-Jones avait crit chez lui pour demander un matelas pneumatique et un hamac. Rumbelow avait grav sur une corce de bouleau le nom de sa demeure : Villa Mon Rve, et Binns junior prparait un criteau qui portait ces mots : Proprit prive. Dfense d'entrer. La cabane de Taylor s'enrichissait d'un mt avec un pavillon et d'une trousse de premiers secours contenant deux bandes de gaze et un empltre pour les cors aux pieds. Quant Johnson, il avait dcouvert une vieille chambre air d'auto qui pourrait servir de boue de sauvetage si quelqu'un tombait dans l'tang. Chacun tenait proclamer hautement les mrites de son plan d'amnagement.Tout le monde en parlait, sauf Bromwich l'an, Il se savonnait les cheveux et ne disait rien. Et chez toi, Bromo, comment a marche? lui demanda Bennett. A mon avis, a doit tre plutt sinistre d'habiter dans une trappe lphants. Tout va trs bien, rpliqua Bromwich l'an, et j'aurai bientt chez moi quelque chose qu'aucun de vous n'est capable d'imaginer, mme s'il cherchait pendant dix mille ans. Qu'est-ce que c'est? Ah ! vous attendrez pour l'apprendre. C'est ultra-secret. Ma mre doit venir me voir, demain dimanche, et elle me l'apportera. Quand je l'aurai, a fera paratre minables vos tuyaux d'aration ou vos hamacs. Vous pouvez avoir des pianos queue, des cuisinires lectriques ou des palmiers en pot, moi je m'en moque! poursuivit ddaigneusement Bromwich. Tout a n'existe pas ct de ce que j'aurai bientt. Bennett resta songeur. -Quel tait donc le secret de Bromwich? se demandait-il. Tout en rflchissant, il malaxait son savon ramolli et lui donnait une belle forme arodynamique. Soudain, avec un lger plop , le savon jaillit comme une torpille de ses mains glissantes et alla frapper Mortimer qui tait en train d'enfiler son pyjama. Qui a fait a? demanda Mortimer, en promenant tout autour de lui son regard de myope. Oh! pardon, Morty! s'cria Bennett. Je venais juste d'inventer un savon raction, mais il m'a chapp. Renvoie-le-moi, s'il te plat. Je veux voir si... Alors? coupa Bromwich qui finissait de se rincer les cheveux. Vous n'avez pas devin, je parie? Devin quoi? La chose que ma mre doit m'apporter demain pour ma cabane. Vous aimeriez bien savoir ce que c'est, pas vrai? Non, rpliqua Bennett qui cependant brlait de curiosit. Mme si tu nous le disais, je n'couterais pas. Eh bien, c'est parfait, dclara Bromwich, parce que je ne vous le dirai pas. Ce fut seulement au dbut de la semaine suivante que

Le savon jaillit comme une torpille.ce grand secret fut rvl, car le lendemain tait un dimanche, et ce jour-l l'tang tait interdit.Aussitt aprs l'tude du lundi soir, Bennett et Mortimer filrent jusqu' leur cabane et entreprirent de renforcer le toit. Bennett ne songeait plus Bromwich et son secret. Aussi fut-il plutt surpris quand une grosse tte aux cheveux noirs mergea de derrire la cabane, et qu'une voix triomphante cria : Je l'ai! Tu as quoi? Viens voir! Les deux garons suivirent Bromwich l'an jusqu' sa cabane. La seule faon d'y entrer tait de se coucher par terre et de se laisser glisser par un trou au milieu des branches. Un tas de paille amortissait la chute de ceux qui y descendaient plus vite qu'ils ne l'auraient voulu. Les visiteurs se retrouvaient alors dans une sorte de grotte couverte d'un toit rudimentaire. Quelques rayons de lumire filtraient travers les branchages, mais pendant un moment les deux invits scrutrent la pnombre sans rien voir du tout. Puis Bennett aperut la chose . Oh! murmura-t-il. a, c'est du tonnerre! Tu as de la veine, Bromo! Moi aussi, j'aimerais bien en avoir un! Avoir un quoi? demanda Mortimer qui cherchait toujours distinguer quelque chose autour de lui. L! dit Bennett. Regarde! Sur un vieux plat gteau plac au milieu de la caverne, il y avait un aquarium. Et dans cet aquarium, un poisson rouge. Un aquarium... Oh! a, c'est tip-top! s'cria Mortimer, ravi, en faisant claquer ses doigts. Et d'o l'as-tu sorti? Ma mre me l'a apport hier en auto, expliqua Bromwich. Il lui a fallu un temps fou pour arriver jusqu'ici. Elle ne pouvait pas rouler plus de dix l'heure, par crainte de renverser l'eau. Pas mal, n'est-ce pas? Bromwich l'an semblait tre en adoration devant sonpoisson rouge. Il le regarda avec amour travers la paroi de l'aquarium, et sourit comme un pre qui voit son fils recevoir le prix d'excellence. En rponse, le poisson ouvrit la bouche et fixa sur lui son il rond. C'est ce que je dsirais le plus au monde, reprit Bromwich. C'est le plus bel ornement pour une cabane! Vous pouvez garder vos matelas pneumatiques, vos hamacs... Mais nous n'avons pas de hamacs! Eh bien, vous pouvez garder votre tuyau d'aration... Merci! rpliqua schement Bennett. Nous le garderons. Vous pouvez aussi garder le reste ! s'cria Bromwich avec un orgueil farouche. Tout ce qui m'intresse, moi, c'est mon poisson. Nous allons nous installer, bien gentiment, Csar et moi... Qui donc? demanda Mortimer. Csar. C'est le nom de mon poisson. Pourquoi? Pourquoi? Et pourquoi pas? Pourquoi t'appelles-tu Mortimer? Oh! c'est trs facile expliquer. Mon pre s'appelle comme a, mon grand-pre s'appelait lui aussi... Bon, bon, interrompit Bennett. Tu ne vas pas nous raconter l'histoire de ta famille en remontant jusqu' Guillaume le Conqurant! Puis se tournant vers l'heureux propritaire : Merci de nous avoir montr ton poisson, lui dit-il. Je trouve Csar formidable, et je pense que maintenant tu te sentiras moins seul. Vous allez pouvoir vous asseoir face face et vous contempler l'un l'autre pendant les longues soires d't. Laissant Bromwich son poisson rouge, les deux garons s'en retournrent leur cabane. En chemin, Bennett dclara : Tu vois, Morty, un poisson, c'est exactement l'animalqu'il faut pour lever dans un collge. a ne risque pas de s'chapper, comme un cochon d'Inde1. On n'a pas besoin de le sortir, comme un chien, et a ne mange pas beaucoup. Ma parole! on ne peut pas avoir d'ennuis avec un poisson rouge, pas vrai? Je parie que toi tu en aurais, rpliqua son ami. Oui, si tu avais un poisson rouge, je parie que tu te dbrouillerais tout de mme pour t'attirer des ennuis! Mortimer disait cela pour plaisanter. Il ne se doutait pas qu'il tait bien prs de la vrit.1. Voir Un ban pour Bennett!, du mme auteur, dans la mme collection.

CHAPITRE II

CSAR EN PENSION

ce fut le vendredi suivant que trois garons, atteints des oreillons, furent envoys l'infirmerie. La maladie frappa d'abord les lves des grandes classes, mais le lendemain elle se rpandit chez les petits, et Binns, le plus jeune lve du collge, rejoignit les rangs des contagieux. Il aurait t ravi de manquer trois semaines de classe, s'il ne s'tait senti trop mal pour avoir le cur de s'en rjouir.Ce jour-l, samedi, il n'y avait pas d'tude du soir. Tout de suite aprs le dner Bennett et Mortimer s'empressrent de filer vers leur cabane. Bennett avait dcid de fabriquer un balai de bouleau, mais il fallait auparavant drainer le sol, afin qu'il ft assez sec pour qu'on pt le balayer. A peine s'tait-il mis au travail qu'il entendit crier son nom, en mme temps que retentissait un bruit de pas prcipits. C'tait Atkins, un garon de dix ans, trs agit de nature, et qui occupait une cabane tout au bord de l'tang. Ah! te voil, Bennett! cria-t-il en fonant travers les broussailles. Bromwich l'an a attrap les oreillons!- Pas de chance! rpondit Bennett.- Il est all voir Mme Smith juste avant le dner, et elle l'a gard l'infirmerie. Alors il t'envoie un message urgent : il voudrait que tu t'occupes de son poisson rouge. Il est boulevers l'ide de le laisser tout seul, parce qu'il l'adore, tu sais? Oui, je l'ai remarqu, intervint Mortimer en sortant de la cabane. Il ne vit que pour son poisson. Et il fait bien, au fond, parce que ce pauvre Csar n'a personne d'autre au monde que Bromo. C'est son plus proche parent, pour ainsi dire. Il ne pourrait pas le prendre avec lui l'infirmerie? suggra Bennett.- Penses-tu! s'cria Atkins. Pour qu'il attrape aussi les oreillons!... Alors, c'est dit, tu t'occupes de Csar? Bromwich avait un frre cadet, en premire anne, mais il tait considr comme trop jeune pour assumer d'aussi lourdes responsabilits. Et Atkins ajouta : II faut au moins un gars de troisime division pour se charger d'une telle mission. D'ailleurs, toi et Mortimer, vous avez dj eu les oreillons, et vous ne risquez pas d'tre envoys l'infirmerie avant le retour de Bromo. Bennett rflchit un instant. D'accord, dit-il enfin. Seulement, je ne connais rien aux poissons rouges. Qu'est-ce qu'ils mangent?- Des ufs...- Ne fais pas l'idiot! rpliqua schement Bennett. comment casseraient-ils les coquilles ?- Pas des ufs de poule! corrigea Atkins en haussant les paules. Des ufs de fourmis. Ils les adorent.

Ah! fit Bennett. Alors, pour avoir des ufs, il faudra d'abord des fourmis... Mais il ne leur fut pas ncessaire de se mettre en qute d'une fourmilire. En effet, quand ils se glissrent dans la cabane souterraine de Bromwich, ils y trouvrent une bote d'aliment pour poissons ainsi qu'un pot de fleurs qui contenait un levage d'asticots : sans aucun doute, la ration de viande de Csar. Il faudrait peut-tre lui donner tout de suite manger? demanda Bennett. Il fixe sur moi un il affam. Regarde comme il remue les mchoires! Tous les poissons rouges font a, rpondit Mortimer. C'est leur faon de ruminer. Avec d'infinies prcautions ils transportrent dans leur cabane l'aquarium et la nourriture. Csar serait plus heureux, pensaient-ils, dans un logement ultramoderne, air conditionn, que dans la sombre trappe lphants de Bromwich.Pendant quelques jours, Bennett et Mortimer soignrent Csar comme leur propre enfant. Ils devinaient ses moindres dsirs. Par les belles soires d't, ils mettaient l'aquarium devant la cabane, afin que Csar pt admirer la splendeur du soleil couchant. Quand le temps tait couvert, ils le gardaient l'intrieur. Ils passaient des heures lui prparer de dlicats repas et le regarder manger. A travers la paroi de son aquarium, Csar pouvait voir deux normes faces, aux contours indistincts, qui ouvraient et fermaient la bouche en mme temps que lui. Nous devrions envoyer Bromo un bulletin de sant, dcida Bennett la fin de la semaine. Il doit commencer se tracasser. Bonne ide! approuva Mortimer. Tu vas le rdiger, pendant que je ferai prendre l'air Csar... A propos, ne vaut-il pas mieux le garder l'intrieur, ce soir? Le soleil est cach, et il pourrait pleuvoir.

Ne fais pas l'idiot, Morty! Puisqu'il nage tout le temps dans l'eau froide, ce ne sont pas quelques gouttes de pluie qui le mouilleront davantage. Peut-tre pas, mais le vent est plutt tirais, et je ne voudrais pas qu'il attrape un mauvais courant d'air. Tout ira bien : l'eau le protgera du vent. Ils terminrent leur bulletin avant d'aller se coucher, et l'envoyrent l'infirmerie par l'intermdiaire de Mme Smith. Csar est en bonne sant et ne s'ennuie pas trop, annonaient-ils. Il a grand apptit et il boit comme un trou. Il passe sa journe faire la brasse reculons, Nous lui avons dit que tu serais bientt de retour, ne t'inquite pas pour lui. Bromwich l'an fut si content de ce bulletin qu'il l'pingla au-dessus de son lit.Il y avait toujours beaucoup faire dans la petite cabane, et quelques jours plus tard, alors que Mortimer tait sur le toit pour boucher un trou rcent, il fut drang dans son travail par une chanson qui montait d'en bas. L'air tait celui de Malbrough s'en va-t-en guerre, mais les paroles taient de Bennett :Un triangle isocle., Mironton, tonton mirontaine, Un triangle isocle A deux cts gaux Et deux angles gaux, Et deux angles gaux!Aprs quelques vocalises sur la dernire note, le soliste reprenait inlassablement : Un triangle isocle...Quand Mortimer fut incapable de supporter plus longtemps cette chanson, il se trana jusqu' l'endroit o le tuyau d'aration se dressait firement en l'air, et il cria l'intrieur : Ferme ton bec, Bennett, je t'en supplie! Tu nous casses les oreilles avec ta rengaine! Depuis plusieurs jours, le tuyau d'aration servait de tube acoustique, et Bennett l'avait perfectionn en fixant un cornet mi-hauteur. Dans le tube, sa voix monta, tonnante : Ne t'nerve pas, Morty! C'est ma nouvelle faon d'apprendre la gomtrie. En musique, c'est plus facile. Pourquoi fais-tu de la gomtrie pendant ton temps libre? demanda Mortimer avec indignation. Tu ne te rappelles pas ce qu'a dit M. Wilkinson la semaine dernire, aprs l'interrogation crite? Il a dit que nous tions nuls, et qu'il nous donnerait une nouvelle interrogation demain. Oui, mais tout de mme! Ne t'inquite pas. Je ne vais pas prendre l'habitude de travailler pendant mes heures de libert. Mais commeje ne suis pas tellement bien avec Wilkie, ces temps-ci, j'ai eu l'ide de composer cette petite chanson gomtrique. a lui montrera que je m'applique. Mortimer rflchit. M. Wilkinson, surnomm Wilkie, tait un homme au temprament volcanique. Par moments, il pouvait se montrer aimable, mais parfois aussi il se mettait dans des colres terribles. Une remarque dplace de la part d'un lve provoquait de sourds grondements au fond du cratre, et l'instant d'aprs le volcan entrait en ruption, rpandant travers la classe des flots de lave brlante qui laissaient dsolation et punitions dans leur sillage. Pas mauvaise ide, aprs tout, reconnut Mortimer. Il pourrait nous la laisser chanter en classe, ta chanson. Comment est-ce, dj? Ils procdrent une rptition, Mortimer accroupi sur le toit et chantant dans l'extrmit du tuyau, Bennett en bas, accompagnant le duo en jouant du tambour sur leur tonnelet-extincteur d'incendie.A la dixime reprise, Bennett s'interrompit et cria : H! a suffit, Morty! nous faisons peur Csar. Il s'agite comme un sous-marin qui a perdu la boussole. Qu'est-ce qu'il fait? Je ne sais pas trop. Il monte et redescend sans arrt. Viens voir! Je ne trouve pas a rassurant.Csar tait coup sr trs agit. Il partait d'un coin de son aquarium, donnait un brusque coup de queue qui ridait la surface de l'eau, filait vers l'autre coin et recommenait son mange. Il semblait si diffrent de son habitude que les deux garons s'inquitrent. Ce ne peut pas tre parce qu'il a faim, dit Bennett. Et si notre duo l'nervait, pourquoi continue-t-il maintenant que nous avons fini?Mortimer eut beau consulter le petit livre de Bromwich sur les soins donner aux poissons rouges, il ne dcouvrit aucune maladie qui se manifestt par de tels symptmes. Je ne crois pas qu'il soit malade, dclara Bennett. C'est tout simplement qu'il s'ennuie et a besoin d'un peu d'exercice. Si tu devais passer ta vie dans un aquarium, tu te sentirais anmi. Dommage que ce ne soit pas un chien! soupira Mortimer. Nous l'emmnerions promener au bout d'une laisse. Oui! s'exclama Bennett. Pourquoi pas? Ne fais pas l'imbcile. On ne peut pas trimbaler un poisson en laisse ! En tout cas, on peut lui permettre de nager dans de bonnes conditions. Pas dans l'tang, bien sr, il est trop vaseux, et Csar risquerait d'tre mang par une poule d'eau. Mais nous pourrions lui faire faire quelques brasses dans la piscine. Il serait fou de joie. Oui, peut-tre... , dit Mortimer, songeur, car cette suggestion lui paraissait hrisse de difficults. Si nous le mettons dans la piscine, comment le rcuprer ensuite? a demande rflexion. Rarement, le bien-tre d'un poisson fut discut avec plus de srieux et d'amour. Finalement, ils dcidrent de placer Csar dans le filet papillons de Mortimer et de le plonger dans la piscine. Bennett marcherait lentement sur le bord, tandis que Csar nagerait son aise. De la sorte, il aurait le plaisir de changer d'eau, sans pouvoir s'chapper ou prendre une mauvaise direction. Et quel moment ferions-nous cela? demanda Mortimer. Csar serait gn si nous lui faisions prendre de l'exercice quand la piscine est pleine de monde. Je propose d'y aller demain soir, tout de suite aprs l'tude, dit Bennett. Il n'y aura personne, puisque la sance de natation est le mardi matin. Je sais o se trouve la clef : elle est pendue un tableau, l'extrieur de la salle des profs.

M. Wilkinson se mettait dans, des colres terribles. Il y aura du ouin-ouin si on nous dcouvre! objecta Mortimer. Tu sais qu'il est interdit d'aller se baigner sans autorisation. Mais nous n'allons pas nous baigner, espce de cruche! C'est Csar qui prendra le bain. Nous, nous resterons bien au sec sur le bord. A ce moment, un coup de sifflet retentit dans le lointain, et les deux garons quittrent leur cabane pour reprendre le chemin du collge. Alors, c'est entendu! dit Bennett Mortimer, tandis qu'ils faisaient la queue pour franchir le pont suspendu. Demain soir, tout de suite aprs l'tude. J'irai chercher Csar, toi ton filet papillons. Et en avant pour l'Opration Poisson rouge! Le lendemain aprs-midi, la troisime division attendait non sans un peu d'inquitude l'arrive de M. Wilkinson. Devant eux, les lves avaient ouvert leurs cahiers de gomtrie, zbrs de grands traits l'encre rouge, et portant dans les marges quelques brefs commentaires du professeur. Ah! si je pouvais attraper les oreillons! dit Briggs sur un ton d'envie. Je n'en connais pas plus long que la semaine dernire, et je n'avais eu que 6 sur 10! Combien as-tu eu, Morty? Eh bien, dit Mortimer en ayant l'air de s'excuser, j'tais dans un de mes mauvais jours, mardi dernier, et j'ai eu seulement 4 sur 10. Seulement 4! rpta Bennett, assis un rang derrire. J'aurais cru que tu pouvais faire mieux que a, mon vieux! 4 sur 10... ce n'est pas brillant! Il se pencha en avant et feuilleta les pages du cahier de son ami. Et regarde! ajouta-t-il. Wilkie a crit : Grosse ngligence dans la marge ! Plutt faiblard, mon pauvre Morty! Si ton pre savait a! Mortimer rougit jusqu'aux oreilles. Cette mauvaise note tait un accident, car il russissait gnralement assez bien dans la classe de M. Wilkinson. Que dirait le juge de paix Percival S. Mortimer, s'il apprenait que son fils Charles Edwin Jrmie n'avait pas eu la moyenne? Vex, il se retourna pour prendre le cahier de Bennett et voir si celui-ci avait fait mieux que lui. Il eut un sursaut d'indignation. Ah! c'est trop fort! s'cria-t-il. Tu n'as eu que 2, toi! Et tu essayais de faire croire que tu avais obtenu une meilleure note que moi! Pas du tout! protesta Bennett. J'ai seulement dit que 4 sur 10 c'tait faiblard. Surtout avec grosse ngligence dans la marge. Et toi? Regarde! Il t'a mis grande ngligence ! Oui, mais chez toi, il y a grosse . Et alors? fit Mortimer. C'est pire! Jamais de la vie! Au contraire, c'est beaucoupmoins grave. Bon, dit Bennett. Je demanderai Wilkie quand il arrivera. Il nous mettra d'accord. Ils n'eurent pas attendre longtemps. Un bruit de pas pesants, qu'on et dit produit par des bottes de scaphandrier, retentit dans le couloir, et M. Wilkinson apparut sur le seuil. C'tait un homme robuste, encore trs jeune, et plein d'une nergie qui dbordait en un torrent d'activit incessante. En place ! cria-t-il aprs avoir claqu la porte grand fracas derrire lui. Tout le monde est prt pour l'interrogation crite? Bon! Question i : qu'est-ce qu'un triangle isocle? Question 2 : qu'est-ce qu'un triangle rectangle?Question 3 : ... Oh! m'sieur! protestrent les lves, en cherchant fbrilement porte-plume et rgles. Pas si vite, m'sieur! Je ne peux pas attendre toute la journe! riposta

M. Wilkinson. Il y a du travail faire. Dix questions. Un point par question. Celui qui n'aura pas au-dessus de 7 sur 10 sera puni demain aprs-midi. Question 3 : ... Pardon, m'sieur, dit Bennett en levant la main. Faut-il les numroter de i 10? Mais oui, bien sr. Question 3 : ... M. Wilkinson s'interrompit pour fixer sur Bennett un il svre. Oh ! propos, Bennett, cela me rappelle quelque chose. Si vous ne faites pas beaucoup mieux que la dernire fois, vous aurez des ennuis. Vos rponses de la semaine dernire taient dplorables. C'est la preuve d'une grande indolence, d'une grosse paresse... C'est justement ce que je voulais vous demander, m'sieur, dit Bennett. Est-ce que grosse est plus mauvais que grande? Je veux dire : est-ce que Mortimer n'est pas au-dessous de moi? Je ne comprends pas un mot ce que vous me racontez! s'exclama M. Wilkinson. Mais si, m'sieur! insista Bennett. Mortimer devaitavoir moins bien fait que moi, la semaine dernire, puisque vous lui avez mis grosse ngligence et moi grande ngligence . Et comme une grosse c'est douze douzaines, grosse ngligence , a signifie donc que la copie de Mortimer tait cent quarante-quatre fois plus mauvaise que la mienne. Alors... Brrumph! rugit M. Wilkinson. Je ne suis pas ici pour couter vos balivernes ! Je suis ici pour voir ce que vous savez sur les triangles ! Oh! je sais des tas de choses, m'sieur, rpondit Bennett. J'ai mme fait une chanson l-dessus. C'est sur l'air de... Je ne tiens pas entendre votre chanson! Je vous fais faire une interrogation crite. Question 3 : ...L'interrogation se poursuivit toute allure. A trop vive allure, mme, et M. Wilkinson s'impatienta contre des lves qui lui demandaient de rpter la question 6 alors qu'il en tait dj la dixime. Enfin, l'preuve se termina, et l'on ramassa les cahiers pour les empiler sur le bureau du matre.Pendant la seconde partie du cours, M. Wilkinson revint sur les applications pratiques des triangles semblables. Il imagina un problme o il tait question d'un homme qui habitait un village portant le nom bizarre de A, et qui devait traverser une rivire pour se rendre dans un autre village aussi bizarrement nomm B. Il apparaissait qu'en parcourant une certaine distance vers l'ouest, et en prenant deux repres sur une glise E, l'homme construisait deux triangles invisibles mais semblables qui lui permettaient de calculer la largeur de la rivire R.En regardant M. Wilkinson dmontrer tout cela au tableau, Mortimer en venait cette conclusion que le seul dfaut de son pont suspendu tait son manque de triangles semblables.Bennett, lui, ne parvenait pas se concentrer sur ce problme. Vaguement, il se demandait pourquoi le voyageur marchait en pointill travers la campagne au lieu de suivre tout bonnement la route, mais en mme tempsil songeait Csar et l'Opration Poisson rouge. Soudain il sursauta en entendant M. Wilkinson lui adresser la parole : Bennett! Veuillez rpter ce que je viens de dire! Eh bien, m'sieur, vous venez de dire que... que si on connat bien la question des triangles semblables... on... on a plus de facilit pour traverser les rivires. Trs bien. Et comment vous y prendrez-vous? Bennett rflchit dsesprment. Eh bien, m'sieur, dit-il, je suppose qu'on construit deux triangles de bois. On se sert du plus grand comme bateau, et de l'autre pour pagayer... Brrumph! Essayez-vous de faire rire vos camarades? Non, m'sieur, je vous le jure! protesta Bennett. Espce de petit flibustier! Vous n'avez pas suivi ma dmonstration! Eh bien, nous allons voir ce que vous avez rpondu dans votre interrogation. II prit le cahier de Bennett parmi les autres et parcourut rapidement les rponses. Hum! fit-il. 7 sur 10! Vous aurez une punition faire demain aprs-midi. Mais, m'sieur, vous aviez dit que a irait si j'avais 7! Pas du tout! J'ai dit qu'il vous faudrait avoir au-dessus de sept. A la rigueur, je me serais content de sept si vous vous tiez bien tenu pendant la classe. Mais votre conduite, cet aprs-midi, a frl l'insolence. Ds le dbut du cours, vous m'avez pos des questions stupides propos de grosse et de grande ; puis votre rponse sur le voyageur qui traverse la rivire a t d'une parfaite impertinence. Venez me voir tout l'heure, je vous donnerai de quoi vous occuper pour demain aprs-midi. En attendant, si vous essayez encore de rpondre de faon factieuse l'une de mes questions, je... je... vous verrez! Mortimer essaya de rconforter son ami aprs la classe. Ne t'en fais pas, Ben! lui dit-il. Wilkie aura vite oubli. Papa dit toujours que c'est juste avant l'aube que la nuit est le plus sombre... Oui! soupira Bennett. Mais le plus fort, c'est que je n'essayais pas de faire l'idiot! Maintenant, je n'ouvrirai plus la bouche. Les deux garons ne tardrent pas retrouver leur bonne humeur. Aprs tout, la punition ne devait tre faite que l'aprs-midi suivant, et cela ne gnerait en rien la baignade de Csar qui tait au programme pour le soir mme.

CHAPITRE III

CSAR S'VADE

l'opration Poisson rouge ne se droula pas exactement selon le plan prvu. Peu aprs la fin de l'tude du soir, Bennett se dirigea vers la piscine couverte, portant avec prcaution l'aquarium de Csar. Mortimer l'attendait l depuis quelques instants, avec son filet papillons et la clef. Furtivement, les deux garons pntrrent dans le btiment.Csar ne donnait plus aucun signe d'agitation. Il restait parfaitement immobile au fond de son aquarium. Seul un lger battement de nageoire, de temps autre, montrait qu'il ne dormait pas.Bennett tait trs curieux de savoir si l'exprience aurait de bons rsultats. Avec toute la nourriture que nous lui avons donne, dit-il, Csar avait pris un peu trop de poids ces derniers temps. Je propose que nous partions du plongeoir, et que nous le fassions nager sur une ou deux longueurs, pour le faire maigrir.- D'accord, rpondit Mortimer. Mais ne vaudrait-il pas mieux commencer par le petit bain? Pourquoi? Tu ne penses tout de mme pas que Csar se sentira inquiet s'il a trop d'eau sous lui, non?- Peut-tre pas lui... mais moi\ Avec soin, le poisson fut transfr dans le filet papillons, et l'on plongea celui-ci dans l'eau. Bennett saisit le manche et commena avancer lentement le long de la piscine. Au dbut, tout alla trs bien. II doit se demander ce qui lui arrive! murmura Mortimer. Il a eu un regard tout surpris quand je l'ai mis dans le filet...Je suis sr qu'il est ravi de prendre de l'exercice, rpliqua Bennett. Et Bromo sera ravi, lui aussi, parce qu'il n'aura pas trop grossi quand il reviendra. Oh! mais si! protesta Mortimer. Il aura forcment grossi aprs avoir pass trois semaines au lit.- Mais non, espce d'ahuri! dit Bennett en riant aux clats. Je parle de Csar! Ha!ha!ha! Tu n'es pas fut, Morty! Tu croyais que je voulais parler de Bromo, et... ha! ha! ha!...- Et tu parlais de Csar! complta Mortimer, gagn par l'hilarit de son ami.Les rires des deux garons se rpercutrent longuement sous le haut plafond de la piscine. Ah! que c'tait drle! reprit Bennett, haletant. Il faudra que je la raconte Briggs ! Tu croyais que je pensais... ha! ha! ha!... alors que moi je pensais... ha! ha! ha!... Oh!... Son rire s'arrta net, et fut suivi d'un cri d'angoisse. Oh! zut! vite, Morty! le poisson... il a fil! Quoi? Pas possible! Bennett retira le filet de l'eau. Il tait vide! Fendant quelques secondes, ils l'examinrent avec un tonnement Horrifi, puis, quand le premier choc fut pass, ils l'examinrent, et dcouvrirent dans les mailles du fond un trou de la grosseur du pouce. Catastrophe! gmit Mortimer. Bromo ne nous le pardonnera jamais, s'il arrive quelque chose Csar! Il ne doit pas tre bien loin, dit Bennett. Regardons si nous ne le voyons pas... Mais comme l'eau est sale! Nous aurions d attendre qu'on l'ait change. Je ne vois pas le fond! La piscine n'tait pas trs grande, et Martin, le garon de service, en changeait l'eau toutes les trois semaines. Si l'on en jugeait par sa couleur, en cette fatale soire, il tait grand temps de la renouveler.Bennett et Mortimer s'accroupirent sur le bord et tentrent de percer du regard les profondeurs. Une fois, Bennett entrevit un reflet rougetre, prs de la surface, mais c'tait plus d'un mtre de lui. Empoignant le filet papillons, il se pencha en avant, tandis que Mortimer le maintenait par les chevilles. Trop tard! Csar avait de nouveau disparu. Nous devrions essayer de l'attirer avec un appt, dit alors Bennett. Morty, va vite chercher sa nourriture et son pot d'asticots. Je reste l pour le surveiller. Quelques minutes plus tard, son ami revenait avec les appts. Il rapportait aussi une brasse d'herbes aquatiques, cueillies au bord de l'tang, avec l'espoir que Csar serait tent par elles, et il les projeta dans la piscine. Bennett rpandit sur l'eau la moiti de la bote d'aliment pour poissons, puis, plaant le pot d'asticots dans le filet, il l'immergea compltement.Leurs efforts furent vains. Aucune nageoire ne rida la surface de l'eau, aucune bouche ne s'ouvrit pour consommer l'appt.

Bennett retira le filet. Il tait vide.Soudain, ils entendirent une cloche sonner dans le lointain. Oh! zut! gmit Bennett. La cloche du dortoir! Il faut rentrer. Ce n'est pas possible! protesta Mortimer. Bromo aurait une rechute s'il arrivait malheur son poisson. Oh! catastrophe! Pourquoi sommes-nous venus ici? Pourquoi Pavons-nous perdu? C'est ta faute, parce que ton filet tait trou, rpliqua Bennett. Mais, de toute faon, il n'est pas perdu puisque nous savons o il est. Il ne risque pas de se noyer ou de s'chapper. Laissons-le ici pour cette nuit, et nous reviendrons demain matin, avant le petit djeuner. Nous finirons bien par le rcuprer. Bon, dit Mortimer, mais nous devrions adopter une meilleure mthode. Nous pourrions prendre par exemple un filet de volley-ball, et le traner travers la piscine comme un chalut.Avant de partir, Bennett vida sur l'eau le reste de la bote d'aliment pour poisson dans le cas o Csar aurait faim et, en se penchant, il heurta par mgarde le pot d'asticots qui tomba dans le bassin. Ils ne prirent pas le temps de le repcher.Une minute plus tard, comme ils venaient de raccrocher la clef au tableau, ils virent Atkins arriver toute allure. Ah! te voil, Bennett! cria-t-il. Bromo vient de me faire passer un message. Il veut savoir si Csar est content et s'il se porte toujours bien. Il est drlement content! rpondit Mortimer sur un ton lugubre. Heureux comme un poisson dans l'eau! Il doit mme se tordre de rire, l'heure qu'il est. Et il va bien? Il va trs bien, rpondit son tour Bennett, d'une voix trangle. Il va parfaitement bien, je te remercie. Bennett gravit lentement l'escalier, et, de la fentre d'un palier, il aperut M. Carter et M. Wilkinson qui,sur le court de tennis, jouaient les derniers points d'un match prement disput. M. Wilkinson envoya d'une magistrale vole sa balle dans le filet, et le set fut termin. Les matres ont toutes les chances! se dit Bennett. Jamais de soucis, jamais d'ennuis, et rien d'autre faire, le soir, que de jouer ce qui leur plat! Avec un profond soupir, il continua monter l'escalier.Dehors, sur le court de tennis, M. Carter replaait sa raquette dans sa presse tandis que M. Wilkinson dcrochait le filet. Ouf! fit M. Wilkinson en. s'pongeant le front. Ce dernier set a t plutt extnuant. Si nous allions faire un plongeon dans la piscine?J'aime mieux attendre d'avoir un peu moins chaud, rpondit M. Carter.- Oui, mais si nous attendons, il va faire nuit. La cloche du dortoir a dj sonn depuis cinq minutes, et M. Hind vient de siffler pour rappeler les garons de l'tang. Ah! ce pauvre Hind! ajouta M. Wilkinson en riant. Je parie qu'il aimerait mieux venir prendre un bon bain plutt que d'tre de service de dortoir!M. Carter n'avait pas grande envie de prendre un bon bain froid, mais il suivit quand mme son collgue jusqu' la piscine. Quand il vit l'tat de l'eau, il n'en eut plus du tout envie.* Non! dclara-t-il catgoriquement. Je ne veux pas nager l-dedans. J'attendrai que Martin ait renouvel l'eau. Bah! ne vous laissez pas impressionner par quelques brindilles qui flottent la surface ! lana jovialement M. Wilkinson, en disparaissant dans une cabine pour s'y changer. C'est excellent de prendre un bain chaque jour. Cela vous empche de trop penser la troisime division. Je n'ai pas besoin de m'empcher de penser la troisime division, rpondit M. Carter. Eh bien, moi, si! rugit son collgue de l'intrieur

II y eut un flac terrifiant.de sa cabine. Ce Bennett, par exemple! Pendant mon cours de gomtrie, il n'a pas cess de me donner des rponses absurdes, pour faire rire les autres. Il a mme eu l'audace... Mais M. Wilkinson jugea le moment mal choisi pour exposer ses griefs contre Bennett, car le bain l'attendait, tentateur...Si M. Wilkinson tait un vigoureux nageur, c'tait un plongeur dplorable. Pendant quelques secondes il se maintint en quilibre l'extrmit du plongeoir, puis il s'lana dans les airs. Il y eut un flac terrifiant quand son ventre toucha l'eau, et M. Carter s'carta prcipitamment pour ne pas tre asperg par la vague qui dborda. Aprs avoir fait quelques brasses sous l'eau, M. Wilkinson mergea en crachotant. Ah! a va mieux! cria-t-il. Venez donc, Carter! C'est un rgal! Je vous crois sur parole , rpliqua M. Carter en considrant l'eau avec dgot.Fugitivement, il se demanda pourquoi un nuage de miettes de pain ou de sciure de bois? flottait la surface, mais il ne pouvait naturellement pas savoir qu'il s'agissait l de l'aliment pour poissons. Qu'est-ce que je disais donc? reprit M. Wilkinson en se retournant sur le dos, et en battant vigoureusement l'eau avec ses pieds. Ah! oui! J'ai prvenu ce Bennett qu' la prochaine incartade, je le mnerais chez le directeur pour lui faire passer un savon... Que dites-vous? cria M. Carter, qui entendait difficilement cause du bruyant clapotis.- ... passer un savon! rpta M. Wilkinson. Quoi? Vous voulez vous laver dans la piscine? s'cria M. Carter tout surpris. Mais je n'ai pas de savon! Non, non, je voulais dire que... Brusquement, M. Wilkinson clata de rire. Ha! ha! ha!... a, c'est trop drle ! je parlais de faire passer un savon ce Bennett, et vous avez cru... Ha! ha! ha!... Ce rire homrique seBENNETT ET SA CABANEtransforma soudain en gargouillement, quand le visage du nageur disparut sous la surface. Une seconde plus tard, il mergeait de nouveau, mais plus hilare du tout, car il n'est pas permis tout le monde d'avoir le fou rire sous l'eau sans prouver quelques srieux dsagrments. Ouach!... Glouff!. AtchL. Pfff!... Sapristi ! hoqueta M. Wilkinson. Dites donc, Carter, cette eau est infecte! Je m'en aperois. Nous ne pouvons pas laisser les lves se baigner tant que l'eau n'aura pas t change. Je vais dire Martin de vider le bassin ds ce soir. Et regardez donc cette salet! protesta le nageur en brandissant une poigne d'herbes aquatiques. Ces machins-l ne devraient quand mme pas pousser dans une piscine couverte! Et de plus... Oh! grands dieux! Qu'y a-t-il? Une expression de stupeur se peignit sur le visage mouill de M. Wilkinson. J'ai des visions! dit-il d'une voix haletante. Je... je viens de voir un poisson! Impossible! rpliqua M. Carter. Je l'ai vu! Il m'est pass sous le nez! Une sorte de carpe, on aurait dit... Ah! cette fois, j'en ai assez! Je sors. Rapidement, M. Wilkinson nagea jusqu'au bord et se hissa hors de l'eau. Il tait compltement dconcert. C'est impossible, rpta M. Carter. Vous l'avez imagin ! Puisque je vous dis que j'ai vu un poisson! insista M. Wilkinson. Il est pass devant moi en ouvrant une bouche norme. Un poisson gros comme a... Il carta largement les mains pour indiquer sa taille, puis, remarquant le sourire incrdule de M. Carter, il ramena ces dimensions une vingtaine de centimtres. Au moins comme a! affirma-t-il. Quel dommage que vous ne l'ayez pas attrap! dit M. Carter toujours souriant. Un si beau spcimen! On l'aurait empaill et mis dans une vitrine...

- Vous ne me croyez pas? demanda M. Willinson en lui lanant un regard irrit. Vous pensez que je me moque de vous ou que j'ai la berlue? Eh bien, tant pis. Moi, je sais ce que j'ai vu. Quand les deux professeurs quittrent la piscine, ils rencontrrent Martin, le garon de service. Les lves le surnommaient le pre Savon parce qu'il tait charg de distribuer les savonnettes dans les lavabos, et aussi parce que son collgue Hawker, le vieux gardien de nuit, portait le surnom de pre Cordon .Martin n'avait pas besoin qu'on lui dise de changer l'eau de la piscine : il venait justement pour procder cette opration. Il ouvrait toujours la vanne dans la soire, expliqua-t-il, afin que la piscine se vidt pendant la nuit, et qu'on pt la nettoyer le lendemain matin avant de la remplir de nouveau. Avec toutes ces salets qu'il y a dans l'eau, le trou d'coulement ne s'engorge jamais? demanda M. Wilkinson..? Oh! plus maintenant, monsieur, rpondit Martin.Elles sont arrtes par la grille de protection. On l'a place sur le trou il y a deux ans, cause des garons qui laissent tomber des tas de trucs dans le bassin... Par hasard, qu'ils disent ! Malgr son surnom de pre Savon, Martin n'avait gure plus d'une vingtaine d'annes, et il aimait bien bavarder. Vous n'imaginez pas tout ce que je peux trouver contre la grille quand je nettoie la piscine! poursuivit-il avec un sourire rjoui. Des chaussures de tennis, des balles de cricket, des serviettes, des marrons d'Inde... toutes sortes de machins! L't dernier, j'ai mme trouv une montre-bracelet. Elle avait pass prs de trois semaines l-dedans. Mais elle ne marchait pas! ajouta-t-il avec un soupir de regret.Le lendemain matin, quelques minutes avant l'heure du petit djeuner, Bennett et Mortimer se glissaient furtivement dans le btiment de la piscine. Tu vas voir! dit Bennett en ouvrant la porte. Ce sera facile de l'attraper. L'appt aura fait son effet pendant la nuit, nous n'aurons qu' nous pencher et... Oh! zut! catastrophe!... Regarde, Morty! Mortimer avait dj vu. Tous deux s'immobilisrent sur le bord, contemplant avec dsespoir la piscine vide. Il n'y avait plus que quelques petites flaques d'eau, dans le fond, et l-bas, prs du trou d'coulement, on apercevait le pot de fleurs qui avait contenu les asticots. Mais aucune trace de Csar.Ils descendirent dans la piscine pour inspecter minutieusement chaque flaque d'eau et les alentours de la grille. Rien. Quelle dveine! gmit Mortimer. Il doit avoir fil travers la grille dans le tuyau d'coulement. Que va dire Bromo? Des tas de choses, je pense! rpondit tristement Bennett. Il est mme capable d'avoir une rechute. Comment te sentirais-tu, toi, si l'on t'apprenait que ton plus proche parent a disparu par le trou de la baignoire? Pas possible, objecta Mortimer. Papa dit toujours que notre baignoire est si petite qu'il ne peut mme pas s'y tendre. Tu comprends trs bien ce que je veux dire. Ne nous affolons pas, Morty, et rflchissons! Si nous pouvons dcouvrir l'endroit o aboutit le tuyau d'coulement, nous retrouverons peut-tre Csar. Nous avons une chance sur un million; mais il est possible qu'il soit toujours vivant. Tu crois? soupira Mortimer. Papa dit toujours que tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir. Eh bien, pourvu que Csar ait suffisamment d'eau nous pouvons continuer esprer. Trs juste! dit Mortimer rconfort. Tant qu'il y a de l'eau, il y a de l'espoir.

CHAPITRE IV

LA THIRE AU POISSONpendant la grande rcration de la matine, Bennett alla aux renseignements, et l'un des jardiniers lui apprit ce qu'il dsirait savoir : aprs avoir travers la grille de protection, l'eau de la piscine s'coulait par une canalisation souterraine et allait se dverser dans un foss, non loin de l'tang. De l, elle se rpandait travers une prairie o les lves n'avaient pas le droit d'aller, car cette partie du domaine tait loue un fermier voisin.Le mercredi aprs-midi, il n'y avait pas de classe. Aussi Bennett et Mortimer purent-ils se mettre en campagne immdiatement aprs le djeuner. Bennett aurait dfaire sa punition pour M. Wilkinson, mais il jugea que l'Opration Sauvetage devait avoir la priorit.Aprs avoir dpass l'tang, ils suivirent le foss qui traversait la prairie, en s'arrtant chaque pas pour examiner l'eau. Plus beaucoup d'espoir! dit enfin Bennett, au bout de prs d'une heure de recherches infructueuses.Mortimer enleva ses lunettes et nettoya les verres avec sa cravate. Quelle histoire! soupira-t-il. On trouve tout ce qu'on veut, dans ce foss : des ttards, des grenouilles, des vieilles chaussures, tout, sauf un poisson rouge ! Ils savaient fort bien, l'un et l'autre, qu'ils perdaient leur temps, mais ils refusaient de se l'avouer. Aprs avoir remis ses lunettes, Mortimer laissa son regard errer sur la prairie. Je ne suis encore jamais venu par ici, dit-il. Sommes-nous sortis des limites du collge?- Non, rpondit Bennett, mais on n'y vient jamais parce que c'est ici que le fermier Collins fait patre sa vache.- Ah! je comprends, dit Mortimer. Oli! je l'aperois l-bas, maintenant que j'ai nettoy rues lunettes!Epatant! cria Bennett, reprenant aussitt espoir. O? Dis vite!- L-bas. Regarde! Bennett suivit du regard la direction indique par le doigt de Mortimer, mais il ne vit qu'une vache d'un certain ge qui, grands coups de tte, semblait jouer au ballon avec une betterave. Patiemment, il expliqua son ami la diffrence entre une vache et un poisson rouge. Oh! je ne parlais pas de Csar! fit remarquer Mortimer. Je voulais dire que j'apercevais la vache du fermier. Qu'est-ce qu'on fait? Elle vient par ici ! Que veux-tu faire? Rien! Les vaches ne vous attaquent pas.BENNETT ET SA CABANE Sauf si ce sont des taureaux, rpliqua Mortimer assez inquiet. De toute faon, je n'aime pas les vaches, mme si je suis sr que ce ne sont pas des taureaux. Elles" ne m'inspirent pas confiance. Et, en disant ces mots, il se coula prudemment vers un arbre proche, dont les branches offriraient un refuge en cas d'attaque. Ne sois pas si froussard, Morty! lana Bennett avec mpris. Tu n'as pas besoin d'avoir peur d'une vieille vache inoff... II s'interrompit net pour observer le ruminant avec mfiance. Celui-ci avait abandonn sa partie de football et fonait maintenant vers les deux garons, aussi vite que le lui permettaient ses lourds sabots.L'instant d'aprs, Bennett avait rejoint son ami dans les basses branches de l'arbre.La vache arriva au-dessous d'eux, leva la tte pour meugler, puis, comme rien n'arrivait, elle s'loigna pas pesants et alla reprendre son jeu l'autre bout de la prairie.Les deux garons en avaient maintenant assez de leurs vaines recherches dans le foss. Aussi restrent-ils un moment perchs dans l'arbre, en discutant de ce qu'il convenait de faire. Finalement, ils dcidrent de tout avouer, et d'annoncer sans retard Bromwich qu'ils avaient perdu son poisson. Ils lui en achteraient un autre, deux mme, s'il voulait. Ils lui offriraient tout ce qu'il demanderait en compensation. Stoquement, ils subiraient tous les reproches.Aprs avoir pris cette importante dcision, ils se sentirent soulags, et ils s'apprtaient descendre de l'arbre quand ils aperurent soudain M. Wilkinson qui traversait la prairie. Oh! zut! gmit Bennett. Nous allons tre coincs! Ils le furent. Que diable faites-vous l-haut, tous les deux? rugit M. Wilkinson. Vous n'avez pas le droit de venir par ici! Et vous, Bennett, avez-vous termin votre punition? Non, m'sieur, je ne suis pas tout fait arriv la fin... Pourquoi? Parce que... parce que je n'ai pas encore termin le dbut, m'sieur. C'est bien ce que je pensais! gronda M. Wilkinson. Et vous avez grimp dans cet arbre en esprant que je ne vous verrais pas! Oh! non, m'sieur! assura Mortimer. Nous pensions que nous allions tre attaqus par une vache, mais nous nous trompions, et c'est vous qui tes arriv. Je ne vois pas de vache par ici. Avouez donc que vous avez cherch m'viter! Oh! non, m'sieur, pas du tout! protesta Bennett. Alors, fit M. Wilkinson en prenant une voix douce et menaante, alors auriez-vous l'amabilit de me dire ce que vous faisiez? Nous... nous cherchions un poisson, m'sieur. Quoi! Dans un arbre? Eh bien, m'sieur, oui et non... je voulais dire... Brrlouni, brrloumpff!... j'en ai assez de vos insolences! rugit M. Wilkinson dont le visage s'empourpra. Je vous ai dj averti hier de ce qui vous attendait si vous tentiez de nouveau de faire le malin avec moi! Rentrez immdiatement au collge, et venez me voir tout l'heure dans la salle des professeurs. Oui, m'sieur. Pendant que M. Wilkinson s'loignait grands pas furieux sur le sentier, les deux garons reprenaient tristement le chemin du collge, en coupant travers champs.M. Carter tait seul dans la salle des professeurs quandBennett ouvrit la porte et demanda : Pardon, m'sieur. Est-ce que M. Wilkinson est ici? La question parut plutt inutile M. Carter, car la salle tait sommairement meuble, et il y avait peu dechances pour que son collgue ft dissimul derrire une bibliothque. Il le fit remarquer Bennett. Oui, je comprends, m'sieur, dit celui-ci. Nous avons d rentrer plus vite que lui. Je vais l'attendre dehors, parce qu'il m'a dit de venir le voir immdiatement. Bennett allait refermer la porte derrire lui lorsque M. Carter le rappela. Oh! propos, Bennett! Quand vous verrez M. Wilkinson, dites-lui de ma part que la sance de natation devra tre supprime cet aprs-midi. Martin n'a pas encore fini de nettoyer la piscine. Bien, m'sieur. Et sans trop rflchir, dans un brusque lan de confiance, Bennett ajouta : Quel dommage qu'on l'ait vide cette nuit, m'sieur! Je ne suis pas de votre avis, rpliqua M. Carter. Il tait urgent de changer l'eau. Vous ne nie croirez peut-tre pas, mais ce matin, six heures et demie, quand Martin est all voir si la piscine tait vide, il y a dcouvert... Devinez quoi! Je vous le donne en mille! Bennett devina du premier coup. Je sais, m'sieur : un poisson rouge ! Tiens ! tiens ! fit M. Carter. J'aurais d me douter que vous aviez tremp dans cette curieuse affaire. Allons, dites-moi la vrit! Bennett fut trs soulag de pouvoir raconter cette histoire qui lui pesait si lourdement, et M. Carter se montra comprhensif. Certes, il ne put faire autrement que d'infliger une punition aux deux garons pas de piscine pendant une semaine , mais Bennett jugea qu'ils la mritaient bien pour avoir perdu Csar. L'instant d'aprs, cependant, il changeait d'avis, car M. Carter ajoutait : En fin de compte, vous avez eu de la chance. S'il n'y avait pas eu la grille de protection, vous auriez perdu ce poisson pour de bon. Quoi? fit Bennett en ouvrant de grands yeux. Vous voulez dire qu'il est toujours vivant?

- Parfaitement! Je n'ai jamais vu de poisson aussi frtillant. Martin l'a dcouvert qui sautillait dans une flaque d'eau, prs de la grille, et il n'a trouv, pour l'emporter, que la thire dont se sert le gardien de nuit.- Oh! c'est patant, m'sieur! Puis-je aller le chercher tout de suite pour le remettre dans son aquarium?- Cela vaudra mieux, en effet, rpondit M. Carter. Martin a mis la thire dans le bcher, pour le moment, en attendant mes instructions. Dehors, dans le couloir, Mortimer s'inquitait. Il venait d'annoncer la triste nouvelle Mme Smith qui avait accept de la communiquer son malade, mais seulement aprs le dner, quand il se sentirait peut-tre un peu plus fort pour subir ce choc douloureux. Mortirner fut trs ces surpris de voir son ami sortir de la salle des professeurs avec un sourire qui n'tait pas d'usage aprs tir dplaisant entretien avec M. Wilkinson. Tu l'as vu? demanda-t-il. Non, mais je sais o il est! rpliqua gaiement Bennett. Il est dans une thire.- Qui? M. Wilkinson? Mais non, Csar! M. Carter m'a dit qu'on l'a retrouv quand on a vid l'eau. Il a t arrt par la grille. Oh! chic! s'cria Mortimer.Le bcher tait au bout de la cour des cuisines, derrire le btiment principal. Les garons s'lancrent dans les couloirs, traversrent la cour toute allure, et ne ralentirent que lorsqu'ils furent en vue du but. Il fallait agir au plus vite, non seulement parce qu'ils taient impatients de revoir Csar, mais aussi dans le cas o le gardien de nuit aurait la fcheuse ide de se prparer une tasse de th sans regarder auparavant dans sa thire. Csar bouillant, quelle horreur! Haletants, en transpiration, les deux sauveteurs atteignirent le bcher et se glissrent dedans.En retournant au collge, M. Wilkinson avait rencontr le fermier Collins, et avait d s'arrter pour bavarder quelques minutes avec lui. Comme il lui tardait de retrouver Bennett, il avait pris ensuite un raccourci par le potager, afin de rattraper le temps perdu. Au moment o il traversait pniblement un carr de choux, il aperut deux silhouettes qui pntraient dans le bcher. Malgr la distance, il les identifia immdiatement. Ah! les galopins! gronda-t-il. Ils se cachent! Aussitt, il modifia son itinraire pour rejoindre les fugitifs.Il faisait trs sombre dans le bcher dont la minuscule fentre tait couverte de toiles d'araigne. Mortimer lui aussi en eut le visage recouvert, tandis qu'il avanait ttons entre les piles de bches qui montaient jusqu'au plafond. Dj, Bennett avait trouv la thire dans un recoin et l'approchait de la fentre. Je l'ai! cria-t-il triomphalement. Csar est sauv! Hourra! hurla Mortimer travers ses toiles d'araigne.Bennett essuya la vitre du bout des doigts, et un rayon de lumire tomba dans la thire. Tout va bien! reprit joyeusement Bennett. Je vois... II allait dire : Je vois Csar qui tourne en rond , mais, au mme instant, une ombre passa devant la fentre, les deux garons levrent les yeux, et Bennett termina sur un ton beaucoup moins gai : ... je vois M. Wilkinson qui arrive toute vitesse! La porte grina sur ses gonds rouilles. M. Wilkinson fit irruption dans le bcher. Sortez immdiatement de l! ordonna-t-il d'une voix tonnante. Bennett, je vous avais dit d'aller me retrouver dans la salle des professeurs! Oui, m'sieur. Mais vous n'y tiez pas, m'sieur. J'tais en train de vous chercher... Vous ne pensiez tout de mme pas me dcouvrir dans le bcher? Oh! non, m'sieur. Mais...- Mais vous pensiez que c'tait un bon endroit pour vous y cacher! interrompit M. Wilkinson. Vous cherchiez m'chapper, n'est-ce pas? Non, m'sieur, je vous jure... Alors, que diable faites-vous ici? Nous... nous cherchions la thire au poisson, m'sieur. Brrumph! rugit le professeur. J'en ai assez de vos rponses insolentes! Cette fois, vous allez me suivre immdiatement dans le bureau du directeur! Tous trois passrent dehors. Mortimer tenta de nettoyer son visage, mais il ne russit qu' taler les toiles d'araigne sur les parties encore propres de son cou et sur ses oreilles. Il enleva ses lunettes et essuya la poussire des verres avec ses doigts encore plus poussireux.

Nous allons voir ce que dira le directeur de vos, insolences, dclara M. Wilkinson. Hier, je vous avais dj averti et... Il s'interrompit en remarquant le curieux objet que Bennett tenait entre les mains. D'o sortez-vous a? demanda-t-il. C'est la thire au poisson, m'sieur, rpondit Bennett. Je vous l'ai dit, mais vous n'avez pas voulu me croire. Regardez, m'sieur, vous verrez le poisson qui nage dedans! Pour finir, tout s'arrangea. Au lieu d'aller dans le bureau du directeur, on se retrouva dans la salle des professeurs o M. Carter expliqua toute l'histoire son collgue. M. Wilkinson tait encore assez mcontent. Pourtant, quand il eut compris que Bennett n'avait pas eu l'intention de se moquer de lui, il consentit passer l'ponge. Vous pouvez filer, lui dit-il. Allez faire immdiatement votre punition de gomtrie. .Merci, m'sieur. Mais il vaudrait peut-tre mieux que j'aille d'abord remettre Csar dans son aquarium, et que je demande Mme Smith de ne rien rpandre... Pourquoi diable voulez-vous que Mme Smith rpande l'aquarium? Ah! si vous recommencez faire le malin... Oh! non, m'sieur! s'empressa d'assurer Bennett. Je ne veux pas. parler de l'aquarium! Je voulais dire : de ne pas rpandre la nouvelle ! Il n'est pas ncessaire de dire Bromwich l'an que son plus proche parent avait fil par le trou, vous comprenez? Lorsque la porte se fut referme derrire les deux garons, M. Wilkinson tourna vers son collgue un visage ahuri. Son plus proche parent? rpta-t-il. Qu'est-ce qu'il raconte encore, ce petit sacripant? L'ennui, avec ce Bennett, c'est qu'il ne contrle pas son imagination. J'ai bien envie de lui faire copier cent fois : Je ne me laisserai plus jamais emporter par mon imagination. M. Carter se leva pour aller vider sa pipe dans la chemine. A votre place, Wilkinson, je n'en ferais rien, dit-il tranquillement. Cela nous arrive, nous aussi, bien que nous n'ayons plus dix ans. Pas du tout ! protesta M. Wilkinson. Moi, je contrle parfaitement mon imagination. Tiens ! tiens ! Vous souvenez-vous de ce poisson, qui vous a effray, hier, la piscine? Une carpe norme, m'avez-vous dit, qui faisait claquer ses mchoires en passant devant vous. Euh... oui.., eh bien? dit M. Wilkinson un peu gn. Eh bien, puisqu'il s'agit sans aucun doute du mme poisson que vous venez de voir dans la thire, c'est qu'il a rtrci pendant la nuit, ou bien que vous avez t victime de votre imagination. Dans ce cas, il ne serait pas trs chic d'infliger cent lignes Bennett. M. Wilkinson resta un instant songeur, puis il dit lentement : Vous avez peut-tre raison, Carter... Oui, vous avez peut-tre raison.

CHAPITRE V

LA PREMIERE TRAVERSEE DU VENGEUR

la petite cabane tait termine. Comme les pionniers n'avaient dsormais plus rien faire qu' jouir des fruits de leur travail, Bennett invita Briggs et Morrison venir pendre la crmaillre. Les quatre garons s'assirent en rond sur le sol maintenant assch grce la fameuse rigole d'coulement et ils mangrent un cake et des sardines l'huile qu'ils firent passer en vidant une bote de lait condens. Maintenant que tout est fini, dit Bennett ses htes, il faut qu'on trouve des occupations intressantes. Nous ne pouvons pas rester tout le temps dans nos cabanes, nous tourner les pouces. Nous avions bien pens faire collection de ttards et de salamandres, ajouta Mortimer, mais aprs tous ces drames propos de Csar, nous avons pris le poisson en horreur. Alors, que pourrions-nous faire? Si nous organisions un bombardement arien? suggra Briggs. On grimperait dans les arbres, et on chercherait dmolir les cabanes des autres copains en les bombardant avec des mottes de terre. Pas question! protesta Bennett. Nous avons eu assez de mal btir des cabanes convenables. Pourquoi les dmolir? D'ailleurs, la ntre est terriblement prs d'un arbre, et nous serions les premires victimes. Tiens! j'ai une ide : si nous fondions tous les quatre un yacht-club? Mais nous n'avons pas de bateau! dit Briggs. Eh bien, nous allons en construire un. Un joli petit yacht en modle rduit. Tout le monde est d'accord? La suggestion de Bennett fut accueillie avec enthousiasme, et les quatre membres du yacht-club se mirent aussitt au travail. Briggs et Morrison partirent la recherche de planches, tandis que Bennett allait emprunter un ciseau et une scie au pre Savon. Mortimer se retira dans son annexe pour tracer le plan du futur navire.Mais le yacht ne fut pas construit ce jour-l. Il leur fallut en effet deux jours pour rassembler les matriaux ncessaires, et encore trois jours de dur labeur pour que la maquette comment vaguement prendre forme. Enfin, quand tout fut termin, les garons se runirent autour de leur chef-d'uvre et le contemplrent avec admiration.Ce type de bateau n'avait pourtant pas grand-chose de commun avec un yacht. Il ressemblait plutt une pniche fond plat. Ne trouvant pas de toile, Bennett avait sacrifi son mouchoir pour en faire une voile carre, comme sur les embarcations des Vikings. Des experts auraient peut-tre critiqu les lignes de ce btiment, maisles garons, qui avaient tout fait eux-mmes, le trouvaient plus beau que n'importe quel yacht. Formidable! murmura Briggs. Oui, pas mal, reconnut modestement Mortimer. Ton mouchoir fait une voile patante, Bennett! Et pas ordinaire non plus! ajouta Briggs. On ne voit pas souvent une voile noir clair avec des taches d'encre rouge. Mon mouchoir n'est pas noir clair! protesta Bennett. Il serait plutt blanc fonc... Allons le lancer tout de suite, proposa Mortimer. J'ai hte de le voir voguer sur l'tang. Je propose, dit Morrison, que nous fassions une vritable crmonie de lancement, en brisant sur son trave une bouteille de jus de fruit. Nous n'en avons pas, objecta Briggs. Alors, prenons une bote de lait condens. Ah! non! s'cria Bennett, indign. Vous casseriez Ptrave avant la bote, le bateau coulerait et moi je perdrais mon mouchoir. C'est dj assez embtant d'tre toujours oblig de renifler! Ils transportrent le bateau jusqu'au bord de l'tang, mais malheureusement le sifflet retentit avant qu'ils aient pu commencer la crmonie. Zut! gronda Morrison. Il faudra attendre jusqu' demain soir. Je ne pourrai jamais tenir si longtemps! Demain, c'est dimanche, lui rappela Mortimer, et il ne nous est pas permis de venir ici. Il faudra attendre lundi soir. Encore quarante-huit heures ! Cela leur paraissait impossible, aprs tant de journes de dur labeur. Dans ce cas, il n'y a plus qu'une solution, dclara tranquillement Bennett. Demain aprs-midi, nous filons en douce et nous nous retrouvons ici. Les trois autres garons changrent des regards indcis. Le dimanche aprs-midi, c'tait la promenade, et iln'y avait pas moyen d'y couper, moins que... Tous les quatre imaginrent en mme temps la mme rponse, et l'expression des quatre visages montra que tout le monde tait d'accord. Alors, c'est entendu! conclut simplement Bennett.Au collge de Linbury, la promenade du dimanche ne consistait pas, sauf pour les plus jeunes lves, en cette lugubre procession deux par deux qui est d'usage dans d'autres tablissements. La mer tait proche, et le petit port de Dunhambury ne se trouvait qu' quelques kilomtres. C'tait la contre idale pour des promenades pied, car les routes taient peu frquentes, l'exception de celle qui passait devant le collge.D'habitude, les lves allaient donner leur nom au professeur de service, puis ils partaient par petits groupes jusqu' la mer. Ils pouvaient choisir librement leur itinraire, condition d'en informer le professeur, et de venir se prsenter lui au retour, fix quatre heures.Si toutefois quelque obligation imprieuse risquait de retarder leur retour au collge comme par exemple le lancement d'un yacht , on pouvait s'arranger en abrgeant la promenade. Pas officiellement, bien sr, et jamais quand M. Carter tait de service. Mais c'tait chose possible si l'on tait prt prendre des risques.Ce dimanche-l, M. Wilkinson tait de service. Aprs le djeuner, il s'tait install dans la salle des professeurs, et il inscrivait les noms des lves sortants, mesure que ceux-ci se prsentaient. Bientt, quatre lves te la troisime division approchrent en groupe. Voudriez-vous nous inscrire, m'sieur? demandrent-ils.M. Wilkinson nota les quatre noms : Bennett, Mortimer, Briggs, Morrison, puis il leva les yeux et demanda : Vous comptez aller jusqu' la ruer? Oui, m'sieur, vers la mer , rpondit Bennett.Et ils partirent en effet vers la mer. Mais aprs avoir parcouru trois quatre cents mtres, ils changrent de cap, dcrivirent un vaste demi-cercle et aboutirent auprs de l'tang. Prudemment, ils se glissrent dans la cabane et transportrent le yacht au bord de l'eau, mais bien vite ils cessrent d'explorer du regard les alentours. Ils taient seuls, personne ne les drangerait. A condition de se prsenter quatre heures devant M. Wilkinson, tout irait bien. IlI faut donner un nom ce bateau, dclara Mortimer. Que diriez-vous du J. G. T. Bennett Ier? Ce serait juste, parce que c'est Ben qui a eu le premier cette ide. Trop d'initiales! rpliqua modestement Bennett. Moi, je propose de l'appeler le Vengeur. Bravo! cria Mortimer. Vive le Vengeur! Port d'attache Valparaiso! Et comme une chanson de marins lui revenait en mmoire, il se mit chanter :Hardi les gars, vire au guindeau, Good-bye farewell, good-bye farewell! Hardi les gars! Adieu Bordeaux! Hourra! oh! Mexico, ho! ho! ho! Au cap Horn il m fera pas chaud...Mais les autres membres du yacht-club l'interrompirent, car ils avaient hte de procder au lancement. Et tous se rassemblrent pour voir le Vengeur entamer son voyage inaugural. Le voil parti!... Bzzzi... floc! cria Bennett, tandis que le bateau glissait sur la rive boueuse et heurtait la surface de l'eau.Il y eut un instant de panique, car le bateau roulait dangereusement bord sur bord. Puis il se redressa, et les garons, soulags, poussrent alors un triple hourra. Mais un hourra en sourdine, pour ne pas risquer d'attirer l'attention sur eux.Une lgre brise gonfla la voile du Vengeur et le fit

avancer jusqu'au milieu de l'tang. Deux poules d'eau, qui profitaient de cet aprs-midi de paix, prirent peur en voyant approcher l'trange btiment et gagnrent prcipitamment la rive. L'ennemi est en fuite! cria Mortimer. Le Vengeur leur rentre dedans ! Il risque surtout d'entrer dans ces roseaux, par l-bas! rpliqua Briggs alarm. Que faut-il faire? Je vais courir de l'autre ct pour l'arrter temps ! dit Bennett qui avait pris le commandement. Branle-bas pour l'Opration Sauvetage! hurla-t-il en s'lanant pour contourner l'tang.Mortimer grimpa sur un petit arbre afin de mieux dominer la situation. Et il se remit chanter :Plus d'un y laissera sa peau, Good-bye farewell, good-bye farewell! Adieu misre, adieu bateau... Oui, adieu bateau! rpta amrement Morrison. Il sera perdu s'il se prend dans les roseaux. Et il file vers eux quarante nuds au moins! L'instant d'aprs, cette sombre prdiction se ralisait : le Vengeur tait prisonnier des roseaux.Dj Bennett tait arriv de l'autre ct, mais il lui tait impossible de s'avancer suffisamment pour atteindre le bateau, car les roseaux poussaient dans l'eau une certaine distance de la rive. La seule solution tait de grimper sur un saule dont les branches s'tendaient jusquau-dessus du lieu du sinistre. Bennett regarda l'arbre en rflchissant. Si la branche tenait bon, il pourrait parvenir l'aplomb du Vengeur qu'il dgagerait l'aide d'un bton. La branche semblait solide : il dcida d'essayer.De l'autre ct, Morrison et Briggs suivaient avec anxit l'Opration Sauvetage. Plutt dangereux! dit Briggs. Je parie que la branche ne tiendra pas. Elle tiendra s'il ne va pas trop loin. Mais il faut qu'il aille presque jusqu'au bout s'il veut atteindre le bateau. Oh! l! l! Regarde comme elle tremble! Faut-il aller chercher la boue de sauvetage? S'il tombait...- Il ne tombera pas. Il sera prudent. Mortimer se dressa dans son arbre, et, pour encourager son ami, reprit tue-tte la chanson interrompue :... Adieu misre, adieu bateau! Hourra! oh! Mexico! ho! ho! ho! Et nous irons Valparaiso...Puis il lana gaiement : Valparaiso! Tout le monde descend! Attention, Ben! crirent au mme instant Briggs et Morrison.L'avertissement venait trop tard. L-bas, dans sonarbre, Bennett sentit la branche ployer sous son poids. Elle ne se rompit pas, mais s'inclina lentement, et dposa son fardeau dans l'eau, tte la premire. II est descendu! hurla Mortimer. Hou-l! quelle histoire a va faire! dit Briggs tandis que Bennett reprenait pied dans l'tang peu profond, empoignait son bateau et pataugeait dans l'eau boueuse pour regagner la rive.Mortimer descendit prcipitamment de son arbre. Suivi par les deux autres, il contourna toute vitesse l'tang. Ah! te voil propre, mon pauvre vieux! s'exclama-t-il. Tu vas bien, au moins? Oui, moi je vais trs bien, rpondit lugubrement Bennett. Mais mon costume du dimanche ne va pas bien du tout. Je suis tremp comme une soupe. Les trois garons le contemplaient avec des yeux horrifis. Une boue noirtre recouvrait le complet, depuis les paules jusqu'aux genoux; de petits filets d'eau dgoulinaient des poches, et des herbes aquatiques dfraient le col et les manches. Quelle tuile ! gmit Mortimer. Tu ne peux pas rentrer comme a au collge! Mme Smith en ferait une maladie. Et il tait presque neuf, ton complet, pas vrai? Bennett approuva d'un signe de tte, puis il s'essuya le visage avec la voile du Vengeur. Il tait extrmement ennuy, pas seulement pour lui-mme, mais pte que cette catastrophe menaait l'existence de toute la colonie de constructeurs de cabanes. M. Carter leur avait in effet bien recommand de ne pas salir leurs vtements. S'il avait connaissance de l'accident, c'en serait fini es jeux autour de l'tang.Il n'y avait qu'un seul moyen de tenir cette tragdie secrte, et Bennett donna ses ordres en consquent!, aussi distinctement qu'il le put, bien qu'il comment claquer des dents. Briggs et Morrison devaient retourner i touteallure au collge et monter au dortoir sans se faire remarquer. Ils y trouveraient ses vtements de tous les jours et les lui rapporteraient aussitt. J'ai besoin de tout, sauf d'un mouchoir, ajouta-t-il. Mes affaires sont dans mon armoire. Apportez aussi une serviette. Quand je me serai chang, je me faufilerai dans la chaufferie et je mettrai mes vtements scher sur les tuyaux. Allez! foncez! Je tremble dj comme de la gele de groseille !- Viens vite, Tom, dit Briggs. Il faudra viter de rencontrer Wilkie en chemin, et passer sans bruit devant le bureau de Mme Smith. Elle a l'oreille fine! Mortimer ne vient pas avec nous? demanda Morrison. Non, il reste pour m'aider me protger du vent , rpondit Bennett en donnant ,une bourrade Morrison pour l'encourager partir. Dpchez-vous ! Je ne veux pas rester en panne ici toute la journe !

La branche dposa son fardeau dans l'eau.

CHAPITRE VI

FACHEUSES COMPLICATIONS

briggs et Morrison ne rencontrrent personne en retournant au collge et se glissrent dans le hall par la petite porte de ct. Jusque-l, tout allait bien. Les lves n'taient pas encore revenus de promenade; le professeur de service restait invisible.Avec prcaution, ils s'engagrent dans l'escalier, ils passrent sur la pointe des pieds devant le bureau de Mme Smith et parvinrent sans encombre au dortoir 4. a m'a l'air d'aller plus facilement que je ne le croyais, fit remarquer Briggs en ouvrant l'armoire sur laquelle tait inscrit le nom de Bennett. Plus la peine de s'inquitermaintenant. Il ne nous reste qu' prendre ces vtements et les rapporter la cabane. Tout le ncessaire tait l, proprement rang : veste, chemise, culotte et chaussettes. Il y avait aussi un pull-over, et, bien qu'on ft en t, Briggs l'ajouta la collection. Puis il fit un ballot de l'ensemble. Moi, je porterai a, dit-il. Toi, Tom, va jeter un coup d'il dans l'escalier, pour voir si la route est libre.- D'accord , rpondit Morrison.Tout s'tait si bien pass jusque-l que Morrison arborait un sourire satisfait et chantonnait gaiement tandis qu'il s'avanait sur le palier. Quelques secondes plus tard, il tait de retour; mais son sourire avait disparu. Catastrophe! murmura-t-il. Nous sommes faits comme des rats ! Quoi? Qu'arrive-t-il?- Mme Smith et M. Carter viennent de sortir du bureau de Mme Smith, et ils se sont arrts pour bavarder. Nous ne pourrons jamais passer devant eux en portant ce ballot. Ils devineraient instantanment.- Zut! quelle dveine! attendons un moment. Au bout de cinq minutes, Morrison passa de nouveau sur le palier, mais il revint en secouant tristement la tte. Toujours l! dit-il. Je ne vois pas de quoi ils peuvent bien parler, pendant des heures! Tu ne crois pas que les grandes personnes auraient mieux faire que a? Ce fut Briggs qui imagina la premire solution pratique. Soudain, il se frappa le front.J'ai trouv! Nous allons jeter le ballot par la fentre et il tombera dans la cour. Puis nous descendrons tranquillement, mine de rien, et nous irons le rcuprer. Rien ne semblait plus simple. Morrison se prcipita vers la fentre, l'ouvrit toute grande et se pencha pour regarder en bas. Sors-toi de l! cria Briggs en soulevant le ballot Je le lance... Une..., deux..., trois... Avec un cri touff, Morrison se retourna d'un bond et retint le bras de son ami. Stop! Ne le lance pas! Nous avons failli faire du beau !... II referma la fentre et fit semblant de trembler de terreur, en entrechoquant ses genoux et en s'pongeant le front. Qu'est-ce qui ne va pas? demanda Briggs, que le ballot de vtements empchait d'y voir.- Wilkie et le directeur sont juste au-dessous de notre fentre! Ouf! nous l'avons chapp belle! Tu aurais ralis un coup au but sur le Grand Chef si je n'avais pas referm temps la soute aux bombes. Ils restrent l, se regarder avec dsolation. Aucun moyen d'en sortir. Toutes les voies taient barres. Jamais contrebandiers ne s'taient heurts de telles difficults. II faut absolument trouver quelque chose! dit Briggs un instant plus tard, lorsqu'une nouvelle reconnaissance sur le palier lui eut montr que la route tait toujours garde. Il faut trouver un moyen de passer, avec ces vtements secs, devant la tour de contrle de Mme Smith. Allons! rflchis un peu!Euh... eh bien, nous pourrions... euh... , commena Morrison. Soudain, la rponse flamboya dans son esprit. Je sais! poursuivit-il gaiement. Tu pourrais mettre les vtements de Bennett par-dessous les tiens. Mme Smith ne remarquera rien. Elle pensera seulement que tu as engraiss ces derniers temps. Briggs regarda son ami avec admiration. Son plan tait aussi ingnieux que simple. Cette fois, cela devait russir. Sans perdre de temps, il se dshabilla, passa la chemise et les chaussettes de Bennett, puis il se rhabilla en toute hte. Deux culottes, un pull-over et deux vestes : Briggs tait prt descendre l'escalier. Du tonnerre! dclara Morrison. Personne ne le devinerait. Comment te sens-tu l-dedans?- C'est un peu chaud, reconnut Briggs, et a me serre aux paules. Il faudra que je marche sans remuer les bras, sinon je ferais craquer les coutures. Ai-je belle allure? Une main sur la hanche, il se mit marcher, d'un air affect, travers le dortoir, imitant les mannequins de haute couture. Tu es sensationnel, lui dit Morrison. On ne croirait jamais que tu portes deux complets. Ah! n'oublions pas la serviette... Celle-ci fut enroule autour de la poitrine de Briggs, entre le pull-over et les deux chemises. Ils eurent beaucoup de mal boutonner la veste, mais ils n'osrent pas la laisser ouverte, de crainte qu'on ne vt ce qu'il y avait en dessous. Nous ferions mieux de descendre l'escalier l'un aprs l'autre, pour viter d'attirer l'attention, suggra Morrison. Je passerai le premier pour aller chercher les souliers de Bennett au vestiaire des sports, et puis je t'attendrai prs de la petite porte du hall. N'oublie pas d'acclrer un peu en passant devant M. Carter...Prudemment, Morrison se glissa hors du dortoir et s'engagea dans l'escalier.Mme Smith et M. Carter taient toujours sur le palier du premier tage. En entendant approcher Morrison, M. Carter leva la tte. Tiens! fit-il. Vous tes rentr de bonne heure! N'tes-vous pas all jusqu' la mer?- Nous avons fait une partie du chemin, m'sieur, puis nous sommes revenus parce que... euh!... parce que nous pensions qu'il fallait revenir , bredouilla Morrison en filant vers le vestiaire.Une minute plus tard, des pas retentissaient de nouveau dans l'escalier, et Briggs apparut, ventru et intimid. Il avana, raide comme un piquet, regardant droit devant lui. Au moment o il venait de passer devant elle, Mme Smith le rappela :

Vous tombez bien, Briggs. J'avais justement besoin de vous. Le tailleur a livr hier soir votre nouveau blazer, et je voudrais voir s'il vous va. Venez donc l'essayer. Briggs vacilla sur ses talons et dut se cramponner la rampe. Quoi? Maintenant, madame?... dit-il d'une voix trangle.- Oui, cela ne vous prendra qu'une minute.- Mais, madame, je... Dsesprment, il chercha une chappatoire. Ne pourrais-je pas l'essayer aprs dner?Je n'aurai pas le temps ce moment-l, rpondit Mme Smith. Venez donc, so