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ANTONIO VIVALDI CONCERTOS & SONATES POUR VIOLON, VIOLONCELLE, FLUTE, HAUTBOIS, BASSON, CLAVECIN SEXTUOR DE L'ORCHESTRE DE CHAMBRE JEAN-FRANÇOIS PAILLARD Venise - Le Grand Canal de la Salute, par Francesco Guardi (Londres, collection Wallace) - photo extraite de "Jardin des Arts”

ANTONIO VIVALDI CONCERTOS & SONATES

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ANTONIO VIVALDI

CONCERTOS & SONATES POUR VIOLON, VIOLONCELLE, FLUTE, HAUTBOIS, BASSON, CLAVECIN

SEXTUOR DE L'ORCHESTRE DE CHAMBRE JEAN-FRANÇOIS PAILLARD

Venise - Le Grand Canal de la Salute, par Francesco Guardi

(Londres, collection Wallace) - photo extraite de "Jardin des Arts”

Antonio a Tps

D = FACE 1 PA = e

© © $ CONCERTO en sol mineur A m pour flûte, hautbois, violon basson et basse continue

= z Allegro - Largo - Allegro

UT 2? SONATE n°9 en mi mineur eo a pour violon et basse continue mad , : s aA Prélude - Caprice - Gigue et Gavotte Co © i

3; SONATE en la mineur > pour flûte, basson et basse continue

a Largo - Allegro - Largo cantabile - Allegro molto

E Maxence LARRIEU, fúte

VIVALDI

Jacques CHAMBON, hautbois

(1678-1741) E CONCERTO en sol mineur

pour flûte, hautbois et basson

Allegro ma cantabile - Largo - Allegro..

2. SONATE n° 1 en si bémol majer pour violoncelle et basse continue

Artistique

Largo - Allegro - Largo - Allegro

3: CONCERTO et ré majeur pour flûte, hautbois, violon, basson et basse continue

Allegro - Largo - Allegro

Mono LDE 3918 Stéréo STE 50118 Huguette FERNANDEZ, violon - Jean LOUCHEZ, basson - Bernard FONTENY, violoncelle

Anne-Marie BECKENSTEINER, clavecin

Avec VIVALDI, la merveilleuse floraison instrumentale italienne des années 1700 se fait explosion. On a daubé sur l'abondance de ce jaillissement créateur. Mais a-t-on songé à se replacer dans les conditions musicales de l'époque ? Vivaldi ne fournit pas seulement des « bestsellers >» à notre temps, il fut déjà un phénomène en cette Italie où foisonnaient les maîtres. Record de fécondité ? peut-être, mais aussi record de vitesse de composition, record d'invention mélodique, harmonique, instrumentale; record de clarté formelle autant que de fantaisie du langage. Ce n'est pas une indication négligeable que de voir en Italie un Haendel, en Allemagne un Bach, se mettre à l'école du petit abbé rouquin de Venise, tant pour lui emprunter ses grandes formes (l'allegro de concerto), que ses contours mélodiques, tel détail dé son harmonie, telle formule de virtuosité instrumentale, et chercher à retrouver le secret poétique de ses Sicilianos. Dans son laboratoire sonore du Conservatoire vénitien intitulé « Séminaire musical de l'Hospice de la Merci», Vivaldi peut essayer tous les alliages de timbres. Et comment ne pas rêver sur ce tableau pittoresque: un ecclésiastique violoniste dirigeant un orchestre de jeunes filles, dont l'une tient même la petite flûte ou le basson ?... Comment ne pas voir en ces exercices l'origine de son instinct si sûr dans le choix et le mélange des timbres ? Certes, Vivaldi a écrit une foule de concertos pour violon. Mais comme il sait opposer des formules contrastées propres à la flûte, au hautbois, au violon, au basson, et dont l'assemblage possède un relief, une couleur, une clarté exceptionnels ! Qui donc, avant l'auteur des « Brandebourgeoiïs », sait marier avec autant d'aisance et d'invention une telle multiplicité de solistes? On pourrait même considérer que, dans plusieurs des quatuors ou quintettes ici enregistrés, Vivaldi dépasse quiconque, dans l'art de grouper en polyphonie harmonique les discours mélodiques simultanés les plus caractéristiques de chaque soliste.

La pulsation irrépressible des concertos de Bach, c'est de Vivaldi qu'elle procède, et chez lui elle touche parfois à la frénésie [voyez la fin du concerto en sol mineur (MP 360)]. La saveur des concertos à 3, 4, 5 solistes bien individualisés, c'est Vivaldi qui l'enseigne à l'Europe. Non pas qu'il ait inventé le genre, mais parce qu'il en donne les exemples les plus brillants par la qualité des idées musicales, comme par le sens inné de la couleur de chaque timbre. Si les Français, de Blavet à Boismortier, les Allemands de Telemann à Quantz, s'attachent à de tels mélanges d'instruments, c'est parce que chez Vivaldi ils ont goûté des modèles séduisants de tels alliages. Les « symphonies concertantes » des années 1770 n'iront pas plus loin dans l'art d'équilibrer les timbres. Vivaldi sera surpassé sur des points isolés — par Jean-Sébastien dans l'écriture poly- phonique, par Emmanuel Bach dans l'originalité harmonique — mais si l'on considère la réussite d'ensemble: agrément rythmique, spontanéité jaillissante des idées mélodiques, formes d'une lumineuse certitude, habileté à conduire une double ou triple conversation de solistes bien personnalisés, on peut dire qu'en son langage et en son temps, Vivaldi reste sans rival.

Il resterait à parler de la virtuosité, élément irremplaçable, inhérent à la conception même de ses ouvrages, à l'effet qu'il vise et obtient. Elle est liée à l'ardeur même du tempérament de Vivaldi, à son «style d'homme»: une exceptionnelle vivacité, une sorte d’enthousiaste impatience qui peut conduire

le compositeur (et l'interprète) jusqu'à l'acrobatie. Modernité de Vivaldi: le

plaisir de la difficulté vaincue, trait secondaire en soi, si l'on veut, mais cependant facteur d'évolution dans la mesure où le progrès des exécutions enrichit la

musique en stimulant et renouvelant l'imagination des compositeurs. Six œuvres sont ici gravées. Trois s'intitulent « sonate », et trois « concerto ».

On aura vite fait de remarquer que les Sonates (issues de la « sonata da chiesa »

du xvi siècle) groupent quatre mouvements où souvent apparaissent des noms

de danse (Gigue, gavotte), ce qui les rapproche de la Suite; alors que les

Concertos s'en tiennent à l'élargissement des trois parties de la primitive Sinfonia italienne. Mais ici aussi, le développement de la musique instrumentale d'essence profane impose sa contagion : tel allegro est une Chaconne à variations.

Dans le Concerto à cinq en sol mineur (MP 360), un allegro très frais où se jouent trois solistes aigus et le Basson, puis un Siciliano d'une poésie émue, précèdent un Allegro de forme caractéristique : sur une basse obstinée à deux aspects successifs (voir ex.), Vivaldi expose un thème de Chaconne vive, suivi de 10 variations. Le thème est énoncé par la flûte, repris par le hautbois. Vient alors un quatuor instrumental très fouillé (var. 1), une formule analogue corsée

d'une pédale supérieure audacieuse (var. 2), des rythmes pressés en trio instru- mental (var. 3), une variation où domine le hautbois (var. 4), un élégant duo flûte et basson, repris en changeant d'instruments (var. double, N° 5), un Tutti excité en batteries de triples croches (var. 6) ; puis, sur la deuxième forme de l'Ostinato, défilent de nouvelles formules en accélération rythmique (var. 7 à 10) dont on admirera et l'ingéniosité et la difficulté d'exécution.

La Sonate en mi mineur (Opus II N° 9) pour Violon et Continuo nous ramène vers un style plus calme et traditionnel: lyrisme soutenu du Preludio- andante, imitations nerveuses, mais très corelliennes, du Capriæio-allegro, tournoiement de tarentelle de la Giga-allegro, staccato vif et chorégraphique de la Gavotta-Presto. | l

C'est un Duo accompagné que nous offre la Sonate en la mineur pour flûte, basson et continuo (Giordano VIII, 33). L'écriture à deux voix, en imitations est parfois assez stricte pour évoquer déjà telle Invention de Bach. Mais y a chez Vivaldi une sorte d'ivresse des « traits » instrumentaux à laquelle-Bach ne cédera que rarement, mais précisément quand il se placera sous l'influence de Vivaldi. Une sonate d'église, certes, avec ses quatre «tempi», mais singulièrement expressive. (Le Largo cantabile n'est-il pas déjà une « Romance » ?)

Autre formule, et très réussie, le trio (sans accompagnement) pour flûte, hautbois et basson, dit Concerto en sol mineur (MP 402), dont la saveur, une fois de plus, est liée à une invention musicale totalement conscienté des timbres qui lui servent de véhicule. Spontanéité qguillerette des rythmes, intrusion très délibérée du chromatisme ici ou là, poétique sensualité des timbres amalgamés, tout cela confère notamment au final un aspect humoristique conforme à la conception hoffmanienne selon laquelle l'ironie n'est qu'une poésie au second degré. i

Retour au style noble (da chiesa) avec la 1™° sonate pour violoncelle : cadre en quatre mouvements, solennité des Adagios, et ambiance allégée de l'allegro final dont le rythme annonce le menuet.

Quoi de plus gai, enfin, de plus brillant, mais de plus lyrique aussi que ce dernier Concerto à cing en ré majeur (MP 207), où les deux allegros jouent une merveilleuse « partie de musique > en quintette, tandis que dans le? Largo la flûte chante, idyllique, au-dessus des « bariolages » du violon ?

Si le mot « baroque >», — venu des arts plastiques — peut s'appliquer à une musique, c'est bien à celle-ci, grâce à l'élan puissant de son mouvement, et à la richesse profuse de ses arabesques décoratives. Mais, — au-delà du style extérieur ou de la séduction instrumentale — ne suffit-il pas d'y sentir la liberté d'une âme musicienne, ivre de s'exprimer ? F2,

OLIVIER ALAIN.

Enregistré le 7-4-62 au studio HOCHE- BARCLAY

Daniel MADETAINE Ingénieur du son :

| ÉDITIONS COSTALLAT - PARIS | Imp. Contensin - Paris