Par Michel Breton

PPratiquement tous les chasseurs d’orignal ontvécu ce scénario : après trois ou quatre joursde chasse, rien, aucune piste fraîche. Laquestion se pose alors invariablement : oùsont les orignaux? Comment les localiser?Une année complète d’attente pour arriver àla conclusion que les orignaux sont introuva-bles constitue une réalité que bien des chas-seurs vivent annuellement. Pourtant, il existeun cri que très peu de chasseurs connaissentet qui peut nous sortir d’une telle situationdésespérée. C’est le cri que les orignaux utili-sent pour se localiser entre eux, et je l’appellele «cri du hibou».

Qu’est-ce que le cri du hibou?Voici un exemple pour vous permettre decomparer. Un de vos amis vous a donné ren-

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dez-vous à son chalet pour la fin de semai-ne. Rendu sur place, en voyant son véhiculevous constatez que votre ami est arrivé,mais il ne semble pas dans les parages.Qu’allez-vous faire? Comme la plupart deshumains dans de tels cas, vous allez sansdoute tenter de le trouver en criant sonnom, ou en lançant très fort des «hoééé» ou«héooo». S’il vous entend, votre ami va vousrépondre en émettant le même genre desons, c’est-à-dire des cris de localisation.Suivant le même principe, les orignaux utili-sent leur propre cri de façon identique.Les orignaux, autant les mâles que les

femelles, émettent ce son pour toutes sor-tes de raisons. Une mère qui a perdu sonveau peut faire le cri du hibou pendantplusieurs heures; un petit groupe d’orignaux

Pour l’auteur, cet appel méconnuconstitue l’outil idéal pour localiserdes orignaux très dispersés.

APPELDE L’ORIGNAL

LECRIDUHIBOU

� Les périodes du matin et du soir sont les pluspropices à l’utilisation du cri du hibou. Pour cefaire, l’auteur parcourt son territoire en véhiculeet s’arrête à différents endroits stratégiques pouressayer de repérer quelques bêtes.

CLAUDEBEAUPRÉ

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qui se sépare soudainement à cause d’undanger quelconque peut également produi-re ce cri pour se regrouper par la suite; unorignal qui recherche la présence de congé-nères par ennui va lancer ce cri pour en lo-caliser; un orignal peut aussi répondre de

cette façon à une femelle qui appelle enpériode de rut, etc.Presque tous les chasseurs ont déjà en-

tendu ce cri, car les orignaux s’en serventtrès souvent. Toutefois, on a tendance àpenser qu’il est produit par de vrais hiboux.

Détrompez-vous! Voici à quoi ressemble cecri : «whou, whou, whou, houwaahhh» Lesorignaux vont souvent émettre des séquen-ces qui ressemblent à celle-ci : «whou,whou, whou, houwaahhh – whou, whou,whou, houwaahhh – whou, whou, whou,

houwaahhh – whou, whou», avec quelquesvariantes possibles. L’appel peut se répéterdes dizaines de fois.Normalement les orignaux vont émettre

ces sons quand ils commencent à marcherpour changer de territoire, plus souventqu’autrement au crépuscule, la nuit et à l’au-be, mais on peut aussi les entendre à n’im-porte quelle heure de la journée. Attention, neconfondez pas avec les hiboux, car évidem-ment eux aussi font un cri similaire. Voici unpetit truc pour les départager : quand vousentendez un son de hibou en forêt, faitescomme si vous aviez à l’écrire. Si vous mettezunW devant le son («whou»), il s’agit d’un ori-gnal, car pour un hibou ou une chouette vousauriez sans doute écrit le son avec un H(«hou»). Les hiboux peuvent aussi à l’occasioncommencer leur cri par un G, comme dans«ghou - ghou - ghou».L’orignal peut aussi ne faire que les pre-

miers sons du cri, c’est-à-dire en faisaitseulement des «whou» ou «whou, whouh»courts et secs à plusieurs reprises. On entendsouvent des chasseurs qui disent : «J’ai en-

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tendu un chien japper en pleine forêt», alorsqu’en réalité il s’agissait d’un orignal.

Comment se servir du cri du hibou?Quoi de mieux pour repérer les orignaux qued’employer leur propre cri de localisation?Comme mentionné, les meilleures heurespour faire cet appel sont au crépuscule ou àl’aube. Si vous pensez déborder les heures lé-gales de chasse en tentant de trouver les ori-gnaux, prenez garde de ne pas avoir d’armeavec vous, car vous allez être en infraction.Pour ma part, dans un territoire de chasseassez étendu, je me déplace en véhicule pourm’arrêter dans un secteur propice, maisassez loin des endroits où les orignaux ontl’habitude de se tenir. Deux ou trois minutesaprès l’arrêt du moteur du véhicule, je vaisfaire le cri du hibou pendant 5 ou 6 minutes.Si je n’obtiens aucune réponse, je reprends laroute pour changer d’endroit et je recommen-ce le même manège jusqu’à ce que j’enten-de une réponse.Selon mon expérience et plusieurs com-

mentaires de chasseurs à qui j’ai enseigné

cet appel, je peux vous garantir que partemps calme (avec peu ou pas de vent) lesorignaux vont vous répondre. C’est un peucomme si vous alliez dans un quartier rési-dentiel et que vous émettiez des jappe-ments de chien. Surtout en début et en finde journée, il y a fort à parier que les caninsdu quartier se manifesteraient.Quand vous pratiquez cette méthode,

assurez-vous de savoir exactement où vousvous situez dans votre territoire et de pou-voir pointer votre position sur une carte;l’emploi d’un GPS vous sera également trèsutile. Lorsque vous entendez une réponse,l’étape suivante est de bien localiser l’ori-gnal, surtout pendant les périodes où cesanimaux se déplacent très peu. Continuezde «parler» avec l’orignal et déterminez saposition le plus précisément possible. La pro-chaine étape consiste à pointer exactementvers la réponse avec votre boussole et de

MICHELBLACHAS

� Le call du hibou est très efficace après la chutedes feuilles, ce qui en fait un outil particulièrementutile pour les chasseurs de fin de saison.

APPEL

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relever la direction de sa position. De cette fa-çon, vous aurez une bonne idée de l’endroitoù l’animal se trouve.L’idéal est de localiser l’orignal (ou les ori-

gnaux, car ils peuvent répondre en groupe)par triangulation. Vous pouvez le faire en vousdéplaçant de quelques centaines de mètresde votre premier lieu d’appel et en procédantà une deuxième séance de call, les deuxendroits se rapprochant le plus possible d’unangle de 90 degrés par rapport au pointd’émission de la réponse. Quand vous perce-vrez la réponse à votre deuxième site d’appel,il suffira d’en pointer à nouveau la directionavec votre boussole. En traçant ces deuxazimuts sur une carte par rapport à vos deuxpositions d’appel (n’oubliez pas de tenircompte de la déclinaison magnétique), vouspourrez obtenir la position de votre gibier defaçon très précise.Si vous avez repéré un orignal en fin de

journée, il ne vous reste qu’à essayer de trou-ver d’autres orignaux et à patienter jusqu’aulendemain matin. Évidemment, l’idéal est deretourner dans le même secteur et de refairele cri du hibou pour s’assurer que le ou les ori-gnaux se trouvent toujours sur place dès lespremières lueurs du jour. Si l’orignal vous ré-pond de nouveau, la chose à faire est de lais-ser le «calleur» sur place et d’envoyer unautre chasseur dans sa direction. Ce dernier

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n’aura qu’à se diriger à bon vent et silencieu-sement vers les réponses. L’orignal se trou-vant dans son habitat, il n’aura pas peur enentendant venir un chasseur, surtout si celui-ci imite un de ses semblables qui mange enarrachant des feuilles des arbres et marcheen faisant de petits zigzags pour éviter d’êtrepris pour un prédateur, ceux-ci ayant tendan-ce à s’avancer en ligne droite.Quand vous avez réussi à établir une com-

munication avec les orignaux, il arrive qu’ils sedirigent vers vous après votre départ. Le len-demain, vous ne devriez donc pas tenter deles localiser exactement du même endroit quela veille, car il se peut que l’un d’eux s’y trou-ve et vous cherche. En demeurant à quelquescentaines de mètres du site d’appel initial, lesrisques d’apeurer l’animal en vous rendantsur place seront minimisés.Ce «call» peut attirer les orignaux sur les

lieux mêmes de l’appel, mais il arrive quevous ne receviez aucune réponse après uneséance en fin de journée même si en fait l’und’eux se dirige vers vous mais en silence, ourépond seulement après votre départ. Aprèsune première tentative de localisation infruc-tueuse, il vaut donc la peine de retourner dansle même secteur le lendemain puisqu’un ori-gnal peut avoir fait le trajet pendant la nuit.C’est une bonne chose à faire si vous n’avezrepéré aucun orignal la veille.

Que faire une fois l’orignallocalisé?Récapitulons : vous avez fait le cri du hibou enfin de journée et obtenu des réponses. Unefois l’orignal bien localisé à l’aide de votreboussole, vous risquez de passer une nuitblanche. Dans mon cas, je pointe sur unecarte l’endroit où il se trouve. Idéalement, j’uti-lise une carte écoforestière et j’identifie lessites de repos et nourriciers. Le matin venu,juste avant le lever du jour, je vérifie si l’animalse trouve toujours dans les parages comme jel’ai expliqué plus haut.Dans la plupart des cas, l’orignal va vous

répondre s’il se trouve toujours dans les envi-rons, mais n’oubliez pas qu’il est quandmême possible qu’il n’en fasse rien. Alors ré-ponse ou pas, une fois la clarté bien installée,les probabilités de trouver votre gibier dans lesite nourricier le plus près de l’endroit où vousavez repéré votre orignal sont plus quebonnes. Pour ma part, je fais des appels àpartir du site nourricier en question.

Quand utiliser ce cri?Les orignaux utilisent ce cri toute l’année,mais il est évident qu’ils s’en servent beau-coup plus pendant la saison des amours.Les fins de journée qui s’annoncent trèsfraîches et sans vent sont très propices, toutcomme les matins très froids et égalementsans vent. Pendant certaines périodes durut, vous serez surpris du nombre de répon-ses que vous allez recevoir. Par contre, il yen a d’autres où les orignaux vont resterplutôt muets à la suite de vos tentatives.Quand les orignaux répondent plus oumoins au cri du hibou, j’ai remarqué que cesont des périodes plutôt tranquilles pour cequi est des réponses de mâles aux appelsde femelle en chaleur, même si on se trouveau mois de septembre ou encore au débutoctobre.D’après mon expérience, le temps de

l’année où le cri du hibou est le plus utilesurvient à partir du moment où il n’y apresque plus de feuilles dans les arbres. Lesorignaux n’ont plus besoin de «se courir»autant, car l’apogée du rut est passée. Lesdernières semaines ayant été très exigean-tes physiquement, ils doivent rapidement seconstituer une réserve de gras pour pouvoirpasser l’hiver. Bien que le rut soit toujoursen cours, ils se déplacent très peu et seconsacrent davantage à leur alimentation.

APPEL

� Méthode pour déterminer la position d’un orignal avec le cri du hibou.

PREMIER SITEDʼAPPEL DEUXIÈME SITE

DʼAPPEL

DEUXIÈMERELEVÉ

DʼAZIMUTDE RÉPONSE

TRIANGULATIONPOUR DÉTERMINER

LA POSITIONDE L̓ORIGNAL

PREMIERRELEVÉDʼAZIMUTDE RÉPONSE

Malheureusement pour eux, à cette pé-riode la nourriture est de qualité beaucoupmoindre puisque les feuilles sont tombées.Ils doivent donc se contenter principalementde ramilles d’arbustes, qu’ils digèrent plusdifficilement car elles sont plus coriaces queles feuilles. Dans la plupart des cas, à cetteépoque de l’année les orignaux vont rumi-ner couchés non loin de leur site nourricier.Comme ils se nourrissent et ruminent beau-coup au cours d’une journée sans trop sedéplacer, quand l’un d’eux répond au cri duhibou, les probabilités de le retrouver aumême endroit le lendemain sont extrême-ment bonnes. De plus, à ce temps de la sai-son les orignaux sont souvent regroupés enpetits nombres, ce qui facilitera votre appro-che; comme ils ont l’habitude d’avoir de lacompagnie, ils ne seront pas très méfiantset vous répondront avec empressement.

Un cri rassembleurJe devais avoir 13 ou 14 ans la premièrefois que j’ai entendu un orignal faire le cri du

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hibou. Comme la plupart des chasseurs, j’aicru que c’était un hibou qui émettait cegenre de son. C’est mon père, un coureurdes bois comme il ne s’en fait plus, qui m’aindiqué que ce son était produit par les ori-gnaux. Il m’a aussi dit que c’était le son

d’un jeune mâle qui venait sur les appelsd’une femelle; c’était ce qu’il avait vécucomme expérience avec cet appel. Plustard, en travaillant comme garde-forestier etguide de chasse, j’ai compris que les ori-gnaux se servent principalement de ce cri

� L’auteur (à gauche) avec un orignal récolté en pleine forêt par son client après avoir été localisé la veillegrâce au cri du hibou.

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pour se localiser entre eux sur de longuesdistances.J’ai bien dit principalement, car j’ai aussi

constaté que cet appel peut vous amener desorignaux près de l’endroit même où vousl’avez lancé. J’ai vécu ce genre de scénario àplusieurs reprises et d’autres chasseurs ontfait la même expérience. C’est l’une des rai-sons pour lesquelles ce cri ne doit pas être

ORIGNAL – LE CRI DU HIBOU

lancé à l’aveuglette un peu partout dans votreterritoire.Pour conclure, je vous suggère très for-

tement d’insérer le cri du hibou dans votrebagage d’appels. Je reçois beaucoup decommentaires de chasseurs qui l’ont prati-qué, certains le considérant comme un crimiraculeux. J’ai enseigné ce cri à plusieursadeptes ces quatre dernières années, et

plusieurs ont communiqué avec moi par lasuite pour me dire que sans le cri du hibou, ilsseraient revenus bredouilles de leur voyagede chasse puisque tout leur territoire semblaitdépourvu d’orignaux. Il y a même un groupede six chasseurs qui, après sept jours dechasse sans rien voir, ont décidé «d’essayer»ce cri, et ils ont récolté trois orignaux en deuxjours!Éric Jean, un ami qui guide souvent des

groupes de chasseurs et a collaboré au tour-nage de mon DVD à titre de caméraman, medisait que depuis qu’il a ajouté ce cri à son ba-gage d’appels, la chasse était devenue beau-coup plus facile. On localise les orignaux, et lelendemain on sait où ils sont. D’autres chas-seurs et moi-même avons observé les ori-gnaux faire le cri du hibou, et j’ai d’ailleursfilmé une telle séquence l’automne dernier.Cependant, il n’existe aucune preuve

scientifique à ce sujet. Plusieurs autres gui-des connus et biologistes ont été interrogés,et aucun n’a pu valider le fait que les ori-gnaux se localisent entre eux grâce à cegenre d’appel. J’expliquerais cela en vousdisant que lorsque les orignaux sont en sur-nombre, il est tout à fait logique qu’ilsn’aient pas besoin de ce cri. Mais je guidepartout au Québec et suis en mesure deconstater qu’on l’entend là où la densitéd’orignaux est dix fois moindre que danscertaines réserves fauniques ou d’autresendroits où la chasse est interdite ou con-trôlée. J’ai l’occasion de rencontrer beau-coup de chasseurs dans les quatre coins duQuébec et plusieurs ont relevé que les ori-gnaux se localisent entre eux avec ce cri. Cetype de constatation me parvient toujoursd’endroits où la population est de 2 ou 3 ori-gnaux/10 km2.Avec cet appel*, qui est quand même fa-

cile à maîtriser, vous commencez la journéelà où se trouvent les orignaux. Il s’agit doncd’un atout fort utile. Dans la plupart des cas,excluant les périodes de grand vent, les ori-gnaux se montrent plutôt réceptifs si vousles interpellez avec cet appel. Ne vous dé-couragez pas après trois ou quatre séancesd’appel sans réponse. Dites-vous que si enmoyenne vous obtenez une réponse à toutesles cinq tentatives (c’est-à-dire dans cinqendroits différents), vos chances sont plusqu’excellentes!

* www.michelbretonguide.com (Internet Explorer seulement)

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APPEL