3
Phytothérapie (2013) 11:178-180 © Springer-Verlag France 2013 DOI 10.1007/s10298-013-0784-8 Formation continue Phytothérapie clinique Apport de la phytothérapie au traitement des troubles du rythme cardiaque P. Goetz Enseignement de phytothérapie, Paris‑XIII, F‑93017 Bobigny cedex, France Correspondance : [email protected] Les troubles du rythme qui intéressent la phytothérapie sont des troubles légers. Ces troubles du rythme peuvent être liés au cœur et varient dans la fréquence des battements cardiaques : tachycardie, palpitations, bradycardie, à l’impulsion électrique ventriculaire (arythmie, extrasystoles), à une impulsion hors ventricule (rythme supraventriculaire). Nous ne nous éten‑ drons pas sur la physiopathologie des troubles du rythme. Symptômes Beaucoup de troubles sérieux peuvent être asymptomatiques. Au contraire, les palpitations à rythme normal mais rapides peuvent être ressenties par le sujet. Les troubles comme les sensations de « saut du cœur » ou sensations de « pause » cardiaque sont quelques fois impressionnants, alors qu’il ne s’agit que d’extrasystole dans le cadre de la spasmophilie. – Palpitations ; – malaises, avec plus ou moins défaillance à l’effort ; – chute dans les bradycardies ; – perte de conscience et chute dans le syndrome vagal ; – sensation de constriction rétrosternale ; – état nerveux et sensation d’éréthisme permanent. Une tachycardie importante paroxystique jusqu’à 200, voire 250 pulsations par minute (maladie de Bouveret) qui devra se réduire en présence d’un médecin. La « pause cardiaque » peut se ressentir lors d’extrasystole : après une systole trop proche d’une précédente, le temps de repolarisation peut être plus long, et ce temps de récupération peut être senti comme un arrêt momentané du cœur. Les causes de troubles légers de la fréquence cardiaque avec normorythmie peuvent être multiples : – un effort physique ; – le manque de sommeil ; – stress (quelle qu’en soit la cause), qui va entraîner une augmentation de sécrétion d’adrénaline (cas de la spasmo‑ philie) et donc une augmentation de la fréquence cardiaque ; – anxiété ± consciente ; – fièvre ; – hyperthyroïdie, hypercorticisme, phéochromocytome ; – déshydratation ; – anémie, SO 2 basse, embolie pulmonaire ; – hyperthyroïdie ; – la prise de certains excitants (amphétamines), iatro‑ gènes : amlodipine, nifédipine, Bricanyl ® , pesticide ; – bases xanthiques : café (caféine), thé (théophylline) et cacao (théobromine) ; – alcoolisme aigu, cannabis ; – il existe également des cas de tachycardie sinusale constitutionnelle (sans cause retrouvée) ; – la hernie hiatale. Hygiène de vie face à des palpitations ou à la bradycardie réflexe L’hygiène de vie et les éléments nutritifs dans le cas de tachycardie et bradycardie simples sont présentés dans le Tableau 1. Tableau 1. Hygiène de vie et éléments nutritifs dans le cadre de tachycardie et bradycardie simples (constatés par examen médical) Hygiène de vie Éléments nutritifs de l’hygiène de vie Tachycardie physiologique ou neurotonique Repos quand il faut Limitation des causes de nervosisme Consommation d’huiles de poisson, mais aussi les oméga‑3 et oméga‑6, ou certaines huiles végétales protègent des troubles du rythme Limitation du tabac, des boissons à caféine Bradycardie réflexe et syndrome vagal Stimulation par les boissons gazeuses (Perrier, Badoit, Pellegrino) et le café

Apport de la phytothérapie au traitement des troubles du rythme cardiaque

  • Upload
    p-goetz

  • View
    237

  • Download
    7

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: Apport de la phytothérapie au traitement des troubles du rythme cardiaque

Phytothérapie (2013) 11:178-180© Springer-Verlag France 2013DOI 10.1007/s10298-013-0784-8

Formation continue

Phytothérapie clinique

Apport de la phytothérapie au traitement des troubles du rythme cardiaque

P. Goetz

Enseignement de phytothérapie, Paris‑XIII, F‑93017 Bobigny cedex, FranceCorrespondance : [email protected]

Les troubles du rythme qui intéressent la phytothérapie sont des troubles légers. Ces troubles du rythme peuvent être liés au cœur et varient dans la fréquence des battements cardiaques  : tachycardie, palpitations, bradycardie, à l’impulsion électrique ventriculaire (arythmie, extrasystoles), à une impulsion hors ventricule (rythme supraventriculaire). Nous ne nous éten‑drons pas sur la physiopathologie des troubles du rythme.

SymptômesBeaucoup de troubles sérieux peuvent être asymptomatiques. Au contraire, les palpitations à rythme normal mais rapides peuvent être ressenties par le sujet. Les troubles comme les sensations de «  saut du cœur  » ou sensations de «  pause  » cardiaque sont quelques fois impressionnants, alors qu’il ne s’agit que d’extrasystole dans le cadre de la spasmophilie.

– Palpitations  ;– malaises, avec plus ou moins défaillance à l’effort  ;– chute dans les bradycardies  ;– perte de conscience et chute dans le syndrome vagal  ;– sensation de constriction rétrosternale  ;– état nerveux et sensation d’éréthisme permanent.Une tachycardie importante paroxystique jusqu’à 200,

voire 250 pulsations par minute (maladie de Bouveret) qui devra se réduire en présence d’un médecin.

La « pause cardiaque » peut se ressentir lors d’extrasystole : après une systole trop proche d’une précédente, le temps de repolarisation peut être plus long, et ce temps de récupération peut être senti comme un arrêt momentané du cœur.

Les causes de troubles légers de la fréquence cardiaque avec normorythmie peuvent être multiples  :

– un effort physique  ;–  le manque de sommeil  ;–  stress (quelle qu’en soit la cause), qui va entraîner une

augmentation de sécrétion d’adrénaline (cas de la spasmo‑philie) et donc une augmentation de la fréquence cardiaque ;

– anxiété ± consciente  ;– fièvre  ;– hyperthyroïdie, hypercorticisme, phéochromocytome ;– déshydratation  ;– anémie, SO2 basse, embolie pulmonaire  ;– hyperthyroïdie  ;–  la prise de certains excitants (amphétamines), iatro‑

gènes  : amlodipine, nifédipine, Bricanyl®, pesticide  ;– bases xanthiques  : café (caféine), thé (théophylline) et

cacao (théobromine)  ;– alcoolisme aigu, cannabis  ;–  il existe également des cas de tachycardie sinusale

constitutionnelle (sans cause retrouvée)  ;–  la hernie hiatale.

Hygiène de vie face à des palpitations ou à la bradycardie réflexeL’hygiène de vie et les éléments nutritifs dans le cas de tachycardie et bradycardie simples sont présentés dans le Tableau 1.

Tableau 1. Hygiène de vie et éléments nutritifs dans le cadre de tachycardie et bradycardie simples (constatés par examen médical)

Hygiène de vie Éléments nutritifs de l’hygiène de vie

Tachycardie physiologique ou neurotoniqueRepos quand il fautLimitation des causes de nervosisme

Consommation d’huiles de poisson, mais aussi les oméga‑3 et oméga‑6, ou certaines huiles végétales protègent des troubles du rythmeLimitation du tabac, des boissons à caféine

Bradycardie réflexe et syndrome vagal Stimulation par les boissons gazeuses (Perrier, Badoit, Pellegrino) et le café

Page 2: Apport de la phytothérapie au traitement des troubles du rythme cardiaque

179

Bradycardie et syndrome vagalDans la bradycardie réflexe et le risque de syndrome vagal, il convient de stimuler ce qui bloque le neurovégétatisme vagal par différentes méthodes physiologiques et phytothérapiques.

Méthode mécanique : surélever les jambes.Médications  : agir sur la surcharge stomacale pour

supprimer la pression de l’estomac sur le vague :Marche, éducation de la respiration ventrale.Médication agissant sur le tube gastrique :– menthe poivrée (HE) : occasionnellement sur les tempes

ou les poignets ;– prise de berbéris (épine‑vinette) en prise continue, si le

risque est connu ;– fumeterre (Fumaria officinalis) et Combretum (kinkeliba)

ou boldo font disparaître la pression du pneumogastrique ;– gingembre frais, tisane hépatique de Hoerdt, Iberogast®

(Iberis˜amara, fleur de matricaire, feuilles de menthe poivrée, semence de carvi, de racine de réglisse, feuilles de mélisse, racine d’angélique et fruit du chardon‑Marie) agissent dans le même sens (tube gastrique).

La stimulation du rythme cardiaque en particulier dans la bradycardie.

En cas de besoin de stimulation du muscle cardiaque, on utilisera des cardiotoniques faiblement chronotropes comme :

– la scille (Scilla maritima, ou Urginea) : 0,1 à 0,5 g de poudre ;– le genêt à balais (Cytisus scoparius) : 1 à 1,5 g de drogue ;– la thévétia du Pérou (Thevetia  peruviana K. Schum.)

ou aussi Thevetia nereifolia Juss. ex Steud (yellow oleander) est d’usage traditionnel. Une certaine toxicité nous le fait déconseiller ;

– le quebracho blanc (Aspidoderma  quebracho blanco cortex)  : 1–2 cuillerées à thé de teinture, 3 fois par jour, ou 20–50 gouttes d’extrait fluide, 3 à 4 fois par jour.

Palpitations et extrasystoles

Aubépine

Dans le besoin d’utiliser des cardiotoniques puissants mais aussi chronotrope (–), on utilisait la digitale (Digitalis purpu-reum) qui a été remplacée de nos jours par l’aubépine (Crataegus  monogyna). L’aubépine est cardiotonique, légère‑ment bradycardisante, vasodilatatrice et diurétique.

On utilise les feuilles, fruit ou fleur de l’aubépine (Crataegus) : une infusion d’aubépine avec une cuillerée à café de fleurs d’aubépine pour une tasse d’eau bouillante, filtrer après 10 à 15 minutes ; deux à trois tasses par jour selon les palpitations.

On peut aussi utiliser la teinture mère ou les bourgeons en macérat glycériné mère, mais aussi les Élusanes Aubépine ou une association aubépine–valériane (Spasmine®).

Aspérule

L’aspérule, plus fréquente en Europe froide, est un sédatif qui agit sur la palpitation. Infusion d’aspérule odorante : une cuillerée à dessert de fleurs pour une tasse d’eau bouillante,

à infuser dix minutes, deux à trois fois par jour. Possibilité d’ajouter de l’aubépine, ainsi que des pétales de rose ou de la feuille de mélisse.

Quand on veut lutter avec l’éréthisme cardiaque, on peut utiliser le Crataegus (en extrait fluide) ou en extrait sec à 150 mg par dose, deux à quatre fois par semaine.

L’association de sédatif et cardiotonique sédatif comme par exemple teintures ou des extraits fluides de passiflore, de valériane et d’agripaume (Leonurus  cardiaca) ou le Biocarde® à raison de trois fois 5 à 20 gouttes par jour.

Aromathérapie adjuvante

Un traitement aromathérapique peut préparer le terrain avec un traitement de fond. On utilisera la lavande, l’angé‑lique, la marjolaine ou l’oranger ou encore l’ylang‑ylang. En massage ou en bain  : nous utiliserons les huiles essen‑tielles d’ylang‑ylang (Cananga  odorata), de camomille, de marjolaine à coquilles (Origanum  majorana) pour son effet parasympathicotonique puissant et rééquilibrant, plus rarement d’orange douce (Citrus  sinensis) riche en limo‑nène (95,77 %) ou de néroli (Citrus aurantium var. amara). Dans ce cas, la prise d’huile essentielle de lavande (Lavan-dula  angustifolia) à raison d’une goutte sur un support neutre une à quatre fois par jour permet de compléter la balnéothérapie.

Trouble de la conduction avec arythmie : complémentarité de l’aubépine et de l’amiodarone

Dans certains cas d’arythmie qui nécessitent l’amiodarone, il est possible d’associer l’aubépine pour réduire la dose d’amiodarone. Comme pour le traitement de l’insuffisance cardiaque NYHA II, on utilise de l’extrait sec de Crataegus à au moins 600 mg par jour. Après un mois de 900 mg par jour d’extrait d’aubépine, il est possible de baisser la dose d’amiodarone de 50 % et plus, sous 900 à 1 200 mg d’extrait d’aubépine, et sous contrôle médical. En cas d’échappement à la thérapie, le patient peut reprendre l’amiodarone. Dans le cas où l’amiodarone est remplacée par le vérapamil, une supplémentation par l’aubépine permet d’obtenir plus rapi‑dement l’objectif de normorythmie sans bradycardie.

Utilisation des Oméga‑3

L’utilisation du mélange d’oméga‑3 et d’acides eicosapen‑taénoïque (EPA) et docosahexaénoïque (DHA) [Omacor®] (Tableau 2) se fait dans les conditions suivantes :

– prescrit pour stabilisation du rythme postinfarctus (remboursé par les caisses) ;

– comme antitriglycéridémiant chez les cas sans infarctus myocardique (cette utilisation préventive n’est pas prise en charge par les caisses) comme chez l’artéritique, ou s’il y a intolérance aux fibrates et statines.

Page 3: Apport de la phytothérapie au traitement des troubles du rythme cardiaque

180

Effet des oméga‑3 (AGPI n‑3) sur l’arythmie dans l’infarctus du myocarde

L’un des risques majeurs pour le fonctionnement cardiaque lors d’un infarctus myocardique est l’apparition d’une arythmie qui peut amener à un effet délétère pour la cellule myocardique et entraîne le décès de ladite cellule. Cette arythmie est liée à l’altération de canaux sodiques, qui normalement fonctionnent en mode rapide, deviennent des canaux sodiques permanents. Ce blocage de canal sodique entraîne un courant sodique permanent (CSP) et ouvre la voie à la pénétration massive de calcium, qui provoque une akinésie cellulaire puis la mort de la cellule. L’apport en pharmacologie d’EPA et de DHA au contact des cellules myocardiques en ischémie inverse ce CSP en permettant un déblocage des canaux à Na. Cela a été démontré sur les cardiomyocytes de la zone « bordante » en ischémie. L’appli‑cation de DHA et d’EPA bloque le courant sodique tardif induit par la vératridine. L’EPA donne 50 % d’inhibition et le mélange EPA–DHA inhibe le CSP à 100  %. Cela a été vérifié en clinique ou chez l’animal puis chez l’Homme, les acides gras polyinsaturés par prise orale permettent par ce mécanisme pharmacologique de juguler l’arythmie lors de l’ischémie des cellules myocardiques [1,2].

ConclusionLa cardiologie était un peu le parent pauvre de la phytothé‑rapie jusqu’aux travaux allemands (cliniciens de Hambourg) qui eurent pour but de remplacer la digitaline par des extraits d’aubépine aussi efficaces et moins toxiques que la digitaline. Cela arriva avant que l’on s’aperçoive que certains bêtablo‑quants pouvaient avoir un rôle dans l’insuffisance cardiaque. Les problèmes de cardiologie ordinaire qui se rencontrent en médecine de ville trouvent des réponses par la phytothérapie et l’aromathérapie. Par ailleurs, certaines médications comme les bêtabloquants, l’amiodarone trouvent une aide intéres‑sante pour ajuster un traitement. Les bêtabloquants produi‑sant souvent des troubles de l’érection, il est donc important pour le généraliste de savoir manier d’autres thérapeutiques avant d’utiliser ce type de molécules.

Références 1. Pignier C, Revenaz C, Rauly Lestienne I, et al. (2007) Direct protec‑

tive effects of poly‑unsaturated fatty acids, DHA and EPA, against activation of cardiac late sodium current: a mechanism for ischemia selectivity. Basic Res Cardiol 102(6): 553–64

2. Xia YF, Sigg DC, Ujhelyi MR, et al. (2008) Pericardial delivery of omega‑3 fatty acid: a novel approach to reducing myocardial infarct sizes and arrhythmias. Am J Physiol Heart Circ Physiol 294: 8

Tableau 2. Composition de l’Omacor®

Omacor®  : composition Pour 1 capsule (mg)

Acides gras oméga‑3 esters éthyliques à 90 % 1 000Soit acide eicosapentaénoïque et acide docosahexaénoïque : esters éthyliques (EPA 46 % et DHA 38 %) 840