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E c o l e D o c t o r a l e n° 471 « SCIENCES DE LA DECISION ET DE L’ORGANISATION » ECOLE DES HAUTES ETUDES COMMERCIALES Apport et limites des options réelles à la décision d’investissement stratégique : Une étude appliquée dans le secteur des télécommunications THESE présentée et soutenue publiquement le 1 er octobre 2007 en vue de l’obtention du DOCTORAT EN SCIENCES DE GESTION par Charlotte KRYCHOWSKI JURY Président de Jury Laurent BATSCH Professeur Université de Paris-Dauphine Directeur de Thèse : Bertrand QUÉLIN Professeur Ecole des Hautes Etudes Commerciales Rapporteurs : Marcel BOYER Professeur Université de Montréal Dominique JACQUET Professeur Université de Paris X-Nanterre Suffragants : Jérôme CABY Professeur Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, IAE Paris Rodolphe DURAND Professeur Associé, HDR Ecole des Hautes Etudes Commerciales

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  • E c o l e D o c t o r a l e n 471

    SCIENCES DE LA DECISION ET DE LORGANISATION

    ECOLE DES HAUTES ETUDES COMMERCIALES

    Apport et limites des options relles la dcision dinvestissement stratgique :

    Une tude applique dans le secteur des tlcommunications

    THESE prsente et soutenue publiquement le 1er octobre 2007

    en vue de lobtention du DOCTORAT EN SCIENCES DE GESTION

    par

    Charlotte KRYCHOWSKI

    JURY

    Prsident de Jury Laurent BATSCH Professeur Universit de Paris-Dauphine

    Directeur de Thse : Bertrand QULIN Professeur Ecole des Hautes Etudes Commerciales

    Rapporteurs : Marcel BOYER Professeur Universit de Montral

    Dominique JACQUET Professeur Universit de Paris X-Nanterre

    Suffragants : Jrme CABY Professeur Universit de Paris I Panthon-Sorbonne, IAE Paris

    Rodolphe DURAND Professeur Associ, HDR Ecole des Hautes Etudes Commerciales

  • Le Groupe HEC nentend donner ni approbation ni improbation aux opinions mises dans la thse, celles-ci devant tre considres comme propres leur auteur.

  • REMERCIEMENTS

    Mes remerciements vont tout dabord mon directeur de thse, Bertrand Qulin, qui ma soutenue tout au long de ces annes de recherche. Je lui transmets mes plus vifs remerciements pour sa disponibilit et son esprit douverture, et pour mavoir transmis la rigueur de la recherche. Bertrand a cr toutes les conditions me permettant deffectuer le meilleur travail de recherche possible, et je le remercie tout particulirement pour les accs aux tudes terrain quil ma donns.

    Je remercie vivement les professeurs Dominique Jacquet et Marcel Boyer lhonneur dtre les rapporteurs de ce travail A Dominique Jacquet, jadresse aussi mes remerciements pour ses cours de finance et son sminaire de recherche sur les options relles, auxquels jai assist avec beaucoup de plaisir et dintrt.

    Mes remerciements vont galement aux professeurs Laurent Batsch, Jrme Caby et Rodolphe Durand, qui ont accept dexaminer ce travail et de participer ce jury.

    Je voudrais aussi tmoigner toute ma reconnaissance aux entreprises avec lesquelles jai collabor. Jai souhait raliser une recherche qui tablisse un dialogue entre la thorie dune part, et la complexit ainsi que les contraintes du monde de lentreprise dautre part. Sans la confiance et lintrt des gens dentreprise, ce travail naurait pas t possible. Plus spcifiquement, je voudrais remercier Herv Moal, du cabinet ABD. Jadresse mes plus profonds remerciements aux reprsentants de France Telecom, qui ont financ cette recherche, mont donn accs leurs donnes, et mont fait progresser dans ma rflexion par leurs conseils et leurs ractions. Je remercie tout particulirement Franois Vulliod, Jacques Cauchy, Etienne Turpin, Lionel Levasseur et Jean-Sbastien Bedo. Mes remerciements vont aussi lensemble des collaborateurs des dpartements dans lesquels jai travaill : la DPS, la branche rseaux, lquipe projet TOP CAPEX et FT R&D. Il serait difficile de les nommer tous, mais je salue notamment Alain Simonian, Patrick Berthi, Michel Cloud, Eric Zinovieff, Franois Moulinier et Hlne Martin. Mme si nous avons finalement peu collabor, je souhaite galement remercier Eric Nicolas, chez Renault, pour avoir inspir et stimul ma rflexion.

    Enfin, cette thse a bnfici de lenvironnement humain, intellectuel et matriel du programme doctoral dHEC. Le soutien des autres doctorants ma t bien utile, ainsi que celui de toute lquipe du Doctorat : Marie-Anne Dureuil, Danile Alix, Elisabeth Sartiaux, Dominique de Saint-Aubert et Isabelle Bossard. Je remercie la Fondation HEC pour son financement. Jadresse mes remerciements tous les professeurs du dpartement Stratgie et Politique dentreprise dHEC qui mont donn des conseils, en particulier Jean-Pierre Nioche et Rodolphe Durand.

  • TABLE DES MATIERES

    Introduction gnrale........................................................................................................................ 7 I. Contexte et intrt de la recherche ............................................................................................... 8 II. Question de recherche............................................................................................................... 10 III. Droulement de la recherche ................................................................................................... 11 IV. Plan de la thse........................................................................................................................ 16

    Partie I.................................................................................................................................................. 17 Chapitre 1 Les options relles : Une transposition difficile de la thorie la pratique ......... 19

    Section 1 : Les options relles : une ide sduisante, mais peu utilise dans le monde de lentreprise..................................................................................................................................... 21 Section 2 : Les modalits concrtes dutilisation des options relles pour assister les dcisions dinvestissement : un domaine encore peu exploit par la littrature acadmique........................ 39

    Chapitre 2 Apports possibles des options relles la dcision dinvestissement stratgique 65 Section 1 : Pour quels types de projets les options relles sont-elles utiles ?................................ 67 Section 2 : Apports et limites des options relles la dcision dinvestissement stratgique....... 78 Section 3 : Validation empirique : contributions et limites des options relles la prise de dcision dinvestissement dans la R&D........................................................................................ 92

    Partie II .............................................................................................................................................. 112 Chapitre 3 Prsentation des mthodes actuelles de valorisation doptions relles ............... 115

    Section 1 : Prsentation des modles actuels de valorisation doptions relles .......................... 117 Section 2 : Les limites des modles actuels de valorisation des options relles.......................... 136

    Chapitre 4 Prsentation des mthodes de valorisation bases sur les simulations de Monte-Carlo ............................................................................................................................................... 151

    Section 1 : Utilisation des simulations de Monte Carlo par les modles actuels ........................ 153 Section 2 : Proposition dun modle simplifi bas sur les simulations de Monte Carlo ........... 165

    Partie III............................................................................................................................................. 186 Chapitre 5 Etude de Cas UMTS .......................................................................................... 191

    Section 1 : Analyse stratgique de la dcision dinvestissement................................................. 194 Section 2 : Valorisation de loption............................................................................................. 204 Section 3 : Discussion : Apport des options relles la dcision de lancement dune nouvelle technologie .................................................................................................................................. 214

    Chapitre 6 Etude de Cas ADSL .......................................................................................... 223 Section 1: Analyse stratgique de la dcision dinvestissement.................................................. 225 Section 2 : Valorisation de loption............................................................................................. 230 Section 3 : Discussion : Apport des options relles la dcision dinvestissement dans un rseau de tlcommunications ................................................................................................................ 240

    Chapitre 7 Etude de Cas R&D ............................................................................................ 251 Section 1: Prsentation du contexte, et analyse optionnelle de la dcision dinvestissement ..... 254 Section 2 : Valorisation de loption............................................................................................. 269 Section 3 : Discussion : Apport des options relles la dcision dinvestissement dans la R&D..................................................................................................................................................... 278

    Conclusion gnrale ...................................................................................................................... 289 I. Rappel du cheminement de la thse ......................................................................................... 290 II. Principales contributions de la thse....................................................................................... 290 III. Pistes de recherche future...................................................................................................... 292

  • Annexes .............................................................................................................................................. 295 Annexe 1 : Description des outils complmentaires daide la dcision dinvestissement tudis dans lenqute de Ryan & Ryan (2003) ...................................................................................... 297 Annexe 2 : Liste des entreprises interroges par Triantis et Borison (2001) sur leur exprience dans la pratique des options relles ............................................................................................. 298 Annexe 3 : Liste des revues ayant publi trois articles ou plus sur le thme des options relles 299 Annexe 4 : Modlisation des sources dincertitude dans ltude de cas du Chapitre 5............... 301 Annexe 5 : Modlisation des sources dincertitude dans ltude de cas du Chapitre 6............... 305 Annexe 6 : Prvision dvolution des prix de vente dans ltude de cas du Chapitre 6.............. 306 Annexe 7 : Modlisation des sources dincertitude dans ltude de cas du Chapitre 7............... 306

    Table des matires............................................................................................................................. 309 Plan dtaill ................................................................................................................................. 310 Liste des Tableaux....................................................................................................................... 315 Liste des Figures.......................................................................................................................... 317 Liste des Encadrs ....................................................................................................................... 319

    Rfrences bibliographiques ............................................................................................................ 321

  • Introduction gnrale

  • Introduction gnrale

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    In ten years, real options will replace NPV as the central paradigm for investment decisions

    Copeland et Antikarov, 2001: VI

    the extent of acceptance and application of real options today has probably not lived up to the expectations created in the mid- to late-1990s

    Triantis, 2005: 8

    I. CONTEXTE ET INTERET DE LA RECHERCHE

    La dcision dinvestissement stratgique est lallocation des ressources critiques dune organisation vers des opportunits perues, dans un environnement en permanente volution (Bower, 1970 : 7) et source dincertitude. Plus que par leur taille, les dcisions dinvestissement stratgiques se dfinissent par limpact quelles ont sur la performance long-terme de lentreprise (Hickson et al., 1986; Van Cauwenbergh et al., 1996: 169) et lengagement de ressources quelles exigent. Cest dire toute limportance quil convient daccorder ce processus.

    Traditionnellement, les dcisions dinvestissement ont t considres comme relevant du domaine de la thorie financire (Grundy & Johnson, 1993). Pourtant, la prise de dcision stratgique repose sur des analyses tant financires que stratgiques (Grundy & Johnson, 1993 : 253 ; Barwise et al, 1989).

    Ceci sexplique par la nature complexe de la dcision dinvestissement stratgique. Les facteurs affectant lissue de la dcision sont multiples, et ne peuvent tre apprhends que de faon trs incomplte par le dcideur, dot dune rationalit limite (Simon, 1960). Daprs Grundy et Johnson (1993), les outils de valorisation financire ne traitent pas de faon satisfaisante toutes les dimensions de la dcision. Les principaux problmes proviennent du traitement des incertitudes long terme, des interdpendances entre projets, et des bnfices intangibles dun projet. Inversement, Myers (1984 : 131) souligne que les analyses stratgiques peuvent tre errones. Des erreurs peuvent tre faites dans lidentification des domaines permettant dacqurir un avantage comptitif ou dans lidentification des marchs ouvrant lexploitation dune rente.

    De fait, les tudes empiriques montrent que les modles de valorisation financire du projet sont trs souvent utiliss, mais que le management attache autant, sinon plus dimportance, des considrations stratgiques provenant de processus informels (Pike, 1983; Carr et al., 1994; Van Cauwenbergh et al., 1996). Ainsi, Butler et al. (1991) constatent que la dcision est fonde prioritairement sur la qualit du produit, la cohrence avec la stratgie de lentreprise et la position concurrentielle confre par la ralisation du projet.

    La qualit de la dcision dinvestissement dpend de la capacit des managers tablir des liens entre les analyses financires et stratgiques. Malheureusement, ces deux sphres sont difficiles rconcilier. Myers (1984 :129) indique ainsi quun projet dinvestissement peut tre lanc en dpit dune VAN (Valeur Actuelle Nette) ngative, car le top management estime quil a un caractre stratgique. Inversement, un projet dont la VAN est attractive pourra tre rejet sil ne sinscrit pas dans la stratgie gnrale de lentreprise. Grundy et Johnson (1993) constatent que les passerelles entre stratgie et finance sont aussi difficiles tablir dans le monde de lentreprise, que dans la recherche acadmique.

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    Lune des principales difficults auxquelles se heurtent les managers dans la prise de dcision est le traitement de lincertitude (Thompson & Tuden, 1959). Lincertitude peut porter sur les consquences dune alternative ou sur les alternatives possibles elles-mmes (Aharoni, 1966 : 37).

    Dans un environnement incertain, il est particulirement difficile danticiper les cash-flows futurs gnrs par un projet. Bien souvent, suivant lvolution de la situation, les entreprises sont amenes modifier les caractristiques du projet : elles peuvent par exemple en reporter le lancement, en modifier le primtre la hausse ou la baisse , laborer des dveloppements sur la base du projet initial, ou linverse abandonner le projet en cours de route.

    Les outils financiers classiques tels que la VAN (Valeur Actuelle Nette) ont t dvelopps une poque o les entreprises voluaient dans un univers relativement stable. Or, lenvironnement conomique est devenu de plus en plus turbulent : le cycle de vie des produits est raccourci, les volutions technologiques sont de plus en plus rapides, et le jeu concurrentiel devient trs complexe en raison dune mondialisation croissante, ainsi que dun phnomne de drgulation dans de nombreuses industries.

    Dans ce type de contexte, la principale faiblesse de la VAN rside dans son caractre statique. En effet, le calcul de la VAN suppose que la dcision est prise une fois pour toute, sans possibilit de pouvoir dans le futur modifier les caractristiques de linvestissement.

    Face ce phnomne, on assiste lmergence dune nouvelle approche, de nature plus dynamique : les options relles. Lide sur laquelle se fonde ce concept est quune opportunit dinvestissement peut tre compare une option : lentreprise ralise un investissement de faible importance pour acqurir loption ; elle conserve ensuite cette option jusqu une date donne, ou jusqu ce quune opportunit se prsente. Suivant que les circonstances sont alors favorables ou non, elle dcidera dexercer loption et dengranger les gains correspondants ou bien de labandonner. Par exemple, un investissement initial pour simplanter commercialement dans un nouveau pays pourra par la suite en cas de succs tre complt par un dveloppement de lactivit commerciale dans dautres pays frontaliers. Le principal apport de lapproche optionnelle rside dans le fait quelle reconnat demble que lentreprise pourra ajuster sa stratgie dinvestissement aux circonstances du moment. Cette flexibilit managriale a de la valeur, et il faut en tenir compte dans lvaluation dun projet. La valeur totale dun projet est constitue dune part de la VAN, et dautre part de la valeur doption(s) que contient ce projet. On comprend ds lors pourquoi un projet peut tre attractif en dpit dune VAN ngative.

    Selon Myers (1984: 135-136), la thorie des options constitue un outil prometteur pour faire dialoguer lanalyse financire et lanalyse stratgique. Dune manire gnrale, la communaut acadmique a port un intrt grandissant la thorie des options relles, et le nombre de publications sur ce sujet a connu un essor trs important partir de la deuxime moiti des annes 1990. Certains chercheurs ont vu dans les options relles le principal outil daide la dcision de demain (ex : Copeland et Antikarov, 2001 : VI).

    Pourtant, force est de constater que lutilisation des options relles dans le monde de lentreprise reste trs limite : Despite the theoretical attractiveness of the real options approach, its use by managers appears to be limited (Bowman et Moskowitz, 2001 : 772). Les enqutes empiriques font tat dune faible diffusion des options relles dans lentreprise, et lune delles suggre mme que leur pratique est en recul. Pour Triantis (2005: 8), les options relles ne sont pas la hauteur des attentes

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    quelles ont suscites dans la deuxime partie des annes 1990, lorsquun nombre important dentreprises a commenc sintresser cette approche.

    Dans ces conditions, on peut sinterroger sur les raisons expliquant ce dcalage entre recommandations acadmiques et pratique des entreprises. La question que nous nous posons est de savoir si, lavenir, les options relles pourront jouer le rle potentiellement important que les acadmiques ont identifi dans le processus de dcision stratgique.

    II. QUESTION DE RECHERCHE

    Ce hiatus entre thorie et pratique peut sexpliquer par la nouveaut de lapproche. La VAN a ainsi mis plusieurs dcennies simposer largement dans la pratique des entreprises (Teach, 2003). Or, les options relles constituent un outil encore plus sophistiqu que la VAN. Comme les entreprises ont commenc utiliser les options relles au milieu des annes 1990, il nest pas surprenant que celles-ci ne connaissent encore quune diffusion limite dans le monde de lentreprise.

    Nanmoins, il convient de sinterroger sur deux raisons plus structurelles.

    La premire raison touche au domaine dapplication des options relles. Certains chercheurs considrent que presque toutes les dcisions dinvestissement sont porteuses doptions (ex : Bowman et Hurry, 1993). Ainsi, Myers (1996 : 100) affirme: My point is that real options are nearly ubiquitous. Ce point de vue contraste avec la pratique des entreprises, qui concentrent leur utilisation des options relles sur des types de dcisions dinvestissement bien prcis, comme des dcisions dans la production et lexploration ptrolire ou dans le dveloppement de programmes de R&D pharmaceutiques.1 Contrairement aux options financires, les options relles ne sont pas formalises par un contrat, et sont donc difficiles identifier. Rien ne garantit que tous les projets dinvestissement peuvent tre analyss selon un prisme optionnel. Par exemple, la pression concurrentielle rduit souvent fortement les marges de manuvre des entreprises. Dans la pratique, celles-ci ne disposent pas ncessairement de la flexibilit qui est lorigine de la valeur doption. Quand bien mme un projet serait porteur doption(s) relle(s), il nest pas assur que la conduite dune analyse optionnelle apporte des lments complmentaires utiles par rapport ceux dont on disposait avec les outils de valorisation classiques . Par exemple, Philippe (2004; 2005) montre que, pour des raisons de droits de proprit, il nest pas toujours appropri dinclure la valeur doption dans la valorisation dune entreprise. En consquence, comme le suggrent McGrath et al. (2004: 86), il est pertinent de sinterroger sur les caractristiques des dcisions dinvestissement qui bnficieraient de lutilisation dune lecture optionnelle.

    La deuxime raison touche aux modalits dapplication des options relles. Un des principaux freins la diffusion des options relles dans lentreprise provient des difficults de mise-en-uvre de cette approche. Dune part, les modles actuels de valorisation doptions relles sont perus comme trop complexes par les managers.2 Dautre part, ladaptation des modles doptions financires aux dcisions dinvestissement relles est un exercice ambitieux, du fait de la difficult dcrire les caractristiques de loption relle, et/ou prendre en compte toute sa complexit. Myers (1996 : 100) dcrit ce problme de la faon suivante :

    1 Cf. Chapitre 1

    2 Cf. Chapitre 1

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    The second, deeper problem is the fuzziness of many real options. Their terms are not contractual but part and parcel of the business. So they have to be identified and modelled (). () in other cases, for example, strategic investments or outlays for R&D, the real option may be easy to see intuitively but very hard to write down. The option may be too complex, or its boundaries not crisply defined. That may be discouraging for quantitative, normative finance.

    Dans ces conditions, certains chercheurs prconisent une utilisation qualitative des options relles.3 Il semble en effet que si les entreprises sont rticentes utiliser les modles de valorisation doption, un certain nombre dentre elles ont intgr la logique optionnelle dans leur faon dapprhender et de structurer les projets dinvestissement (Triantis, 2005). Mais une utilisation exclusivement conceptuelle risque de vider la thorie des options relles dune bonne partie de sa substance, et notamment de sa capacit faire dialoguer analyses stratgique et financire. Par ailleurs, une telle approche laisse la porte ouverte une utilisation trs subjective des options relles ; ceci serait particulirement dommageable, car lune des principales rsistances des dirigeants lgard des options relles provient de leur crainte que cet outil soit utilis pour justifier le lancement de projets dont la VAN est ngative (Triantis & Borison, 2001, 20-21).

    Notre question de recherche est donc la suivante : Comment les options relles peuvent-elles jouer un rle dans le processus dinvestissement stratgique des entreprises ?

    Cette question de recherche gnrale se dcline en trois sous-questions : a) Pour quels types de projets dinvestissement les options relles sont-elles le plus utiles ? b) Est-il possible de valoriser les options relles de faon simple, tout en prenant en compte la

    complexit dune dcision dinvestissement stratgique ? c) In fine, quels sont les apports des options relles la dcision stratgique : sagit-il

    essentiellement dun outil de valorisation, ou peut-on en attendre des bnfices de nature plus qualitative ?

    III. DEROULEMENT DE LA RECHERCHE

    III.1. Dmarche de recherche

    Cette recherche sinscrit rsolument dans une dmarche applique et exploratoire. Comme nous le verrons en dtail dans la revue de littrature du Chapitre 1, la littrature sur les options relles est trs largement domine par des contributions de nature thorique, dmontrant lintrt des options relles pour prendre des dcisions dinvestissement stratgiques. Dans ce contexte, notre objectif est double. Il sagit dune part, de dmontrer que lintrt thorique des options relles pour la dcision dinvestissement est effectivement valid par des rsultats empiriques. Dautre part, il sagit dadapter la thorie des options relles, afin que celle-ci soit applicable dans la pratique.

    Ainsi, notre recherche poursuit une logique prescriptive, et non descriptive. Notre objectif nest pas de raliser une analyse, dans laquelle on essaie de comprendre en quoi les dcisions actuelles des entreprises obissent une logique optionnelle. Plutt, nous nous efforcerons de fournir trois cls, qui permettraient aux praticiens dappliquer la thorie des options relles : La premire cl est celle permettant aux managers de dterminer pour quels types de projets la thorie des options relles est dune part applicable, et dautre part utile.

    3 Dans la terminologie anglo-saxonne : Real Option Reasoning (ROR) ou Real Option Thinking

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    La deuxime cl est une mthodologie gnrale pour la conduite dune analyse optionnelle : plutt que dopposer, comme le fait souvent la littrature, une version qualitative et une version quantitative de lanalyse optionnelle, la mthodologie propose montre comment ces approches peuvent tre combines, avec une prvalence soit de lune, soit de lautre suivant les caractristiques du projet dinvestissement tudi. A travers les tudes de cas relles, nous montrons aussi comment structurer la problmatique tudie suivant une logique optionnelle, avant den venir la valorisation de loption. La troisime cl porte sur la valorisation des options relles. Notre objectif est ici dadapter les modles de valorisation doptions relles, qui ont jou un rle fondamental pour mettre jour un certain nombre de mcanismes, mais nont pas vocation tre appliqus dans la pratique. Nous proposons un modle de valorisation original, fond sur les simulations de Monte Carlo, qui est la fois plus facile dutilisation pour les managers, et repose sur des hypothses plus ralistes que les modles actuels.

    Cette dmarche prescriptive, teste de manire empirique, est accompagne dun travail plus exploratoire sur les contributions des options relles au processus de dcision dinvestissement stratgique. Pour ce faire, nous nous plaons dans une perspective politique de la dcision. Une telle approche contraste avec la littrature sur les options relles, qui envisage le plus souvent la dcision dinvestissement sous langle de lacteur rationnel unique. En fait, la dcision dinvestissement stratgique fait intervenir de trs nombreux acteurs, tous les chelons de lentreprise (Bower, 1970). Il sagit donc de prendre en compte les deux composantes du processus de dcision dinvestissement stratgique : sa dimension technique cest--dire la rsolution dun problme complexe et sa dimension politique cest--dire la prise en compte des intrts divergents que soulve le projet dinvestissement (Hickson et al., 1989). Nous pourrons ainsi considrer le double rle des outils daide la dcision dinvestissement : comme outil de choix, mais aussi comme outil de communication (Van Cauwenbergh et al., 1996). Concrtement, notre dmarche passe par la ralisation dtudes de cas fouilles. Nous replaons la dcision dinvestissement tudie dans son contexte stratgique, et analysons les fondamentaux conomiques et financiers. En parallle, nous analysons comme les diffrents acteurs, lintrieur comme lextrieur de lentreprise, se positionnent par rapport au projet dinvestissement.

    La validation empirique peut passer par plusieurs mthodologies de collecte de donnes : enqutes, tudes de cas, simulations / exprimentations, analyse documentaire, approche historique, etc. Etant donn les objectifs de notre recherche noncs ci-dessus, la mthodologie retenue sest naturellement porte sur les tudes de cas.

    Plus spcifiquement, la littrature sur les options relles a recours trois grands types de validation empirique : les simulations, les tudes de cas et les tudes statistiques de donnes secondaires ou, plus rarement, de donnes issues denqutes. Les simulations / exprimentations sont essentiellement destines tester les aspects comportementaux de la dcision, ce qui ne constitue pas le cur de notre recherche. Les tudes quantitatives sont mobilises dans une perspective descriptive. En effet, dans la mesure o les entreprises nont, pour linstant, pas intgr les options relles dans leur processus de dcision stratgique, il nest pas possible de mener des analyses mesurant par exemple le lien entre recours lanalyse optionnelle et performance de lentreprise. Dans la littrature, les tudes quantitatives sont utilises pour dcrire en quoi le comportement des entreprises pourrait sapparenter une logique optionnelle. Comme nous lavons expos prcdemment, cette recherche ne sinscrit pas dans une logique descriptive.

    A linverse, les tudes de cas se prtent bien notre problmatique. Yin (1994) indique que cette mthodologie est particulirement approprie pour analyser des situations complexes. Or, notre recherche est prcisment motive par le souci dadapter la thorie des options relles au monde rel,

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    dont la complexit est beaucoup plus importante que celle de lunivers des marchs financiers. Cette complexit provient dune part, du fait que les options relles ne sont pas dfinies par les termes dun contrat comme les options financires (Myers, 1996), et dautre part du fait quune dcision stratgique fait intervenir une multiplicit de facteurs. En consquence, il est difficile la fois didentifier les options gnres par un projet dinvestissement, et de les valoriser. Dans ce contexte, lintrt des tudes de cas est double. Elles permettent tout dabord de montrer dans quelles conditions un projet dinvestissement peut tre tudi travers une logique optionnelle, et en quoi les caractristiques des options relles se distinguent de celles des options financires. Par ailleurs, les tudes de cas permettent daffiner larbitrage ncessaire entre dun ct la complexit des facteurs entrant en ligne de compte pour la dcision, et dun autre ct la ncessaire simplification du rel impose par tout modle daide la dcision. Comme nous le dtaillerons dans le Chapitre 1, de nombreux chercheurs ont ainsi identifi les tudes de cas rels comme un des axes prioritaires pour faire progresser la recherche sur les options relles (Trigeorgis, 1996: 375; Pike, 1997; Laughton, 1998; Triantis, 2005; Hartmann & Hassan, 2006).

    Plus prcisment, nous avons fait le choix de raliser des tudes de cas sous la forme dune observation participative. Celle-ci a t permise par la ralisation de plusieurs contrats de recherche au sein de diffrents dpartements dun oprateur de tlcommunications. Lobjet des contrats tait, partir de donnes empiriques, de montrer lintrt et les limites des options relles la dcision dinvestissement, et de produire des lments de mthodologie. Lune des principales raisons motivant cette approche est laccs aux donnes. En effet, lanalyse de la littrature montre que les tudes de cas qui ont t ralises partir de donnes publiques restent un niveau danalyse peu dtaill en raison de labsence de donnes au caractre fortement confidentiel. Par exemple, Bowe et Lee (2004) ont ralis lanalyse optionnelle dun projet de construction de ligne de chemin de fer grande vitesse partir de donnes publiques. Les auteurs expliquent que, nayant pas accs au processus de dcision, il ne leur est pas possible de connatre la valorisation prcise du projet effectue par le management, ni de savoir quelles options sont pertinentes aux yeux du management (p. 82). De faon similaire, Tanguturi et Harmantzis (2006 : 418 ; 2007 : 120) mentionnent la difficult dterminer la valeur des paramtres utiliss dans leur modle doption, en raison de la nature propritaire des informations. Ainsi, laccs aux donnes permet de mener une analyse pertinente pour la description de la ou des option(s) qui ont le plus dimportance dans la dcision dinvestissement tudie, et pour valoriser cette ou ces option(s).

    Par ailleurs, laccs au terrain permet dobtenir une vision privilgie du processus de dcision dinvestissement. Cette vision est partielle, car une dcision dinvestissement stratgique implique un grand nombre dacteurs, et se droule sur une longue priode de temps. Avoir une vision globale du processus aurait ncessit, pour chacune des trois dcisions dinvestissement tudies, de raliser un grand nombre dentretiens auprs dun chantillon reprsentatif des diffrentes parties prenantes, et de couvrir lanalyse sur une longue priode de temps. Un tel programme de recherche va bien au-del des objectifs de cette thse. Il nempche quun travail de recherche dans les locaux de lentreprise a permis davoir accs des documents, de raliser des observations, deffectuer des entretiens informels et de participer certaines runions de travail. Lensemble du matriel collect dans ces occasions nous a permis de formuler des conclusions sur le rle que peut jouer lanalyse optionnelle au cours de lensemble du processus de dcision stratgique et pour le pilotage de ralisation du projet.

    Enfin, il faut noter que nous avons choisi danalyser des dcisions dinvestissement en cours, et non pas se rattachant des projets dj lancs ou dj raliss. Ce choix sexplique par trois grandes raisons : a) le manque de documents crits dcrivant des projets dinvestissement prcdents ; b) le manque dintrt des managers pour collaborer lanalyse dune dcision passe ; c) le risque de rationaliser a postriori les principaux facteurs de la dcision, en faisant abstraction de toutes les sources dincertitude qui existaient au moment de la dcision dinvestissement.

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    Le principal inconvnient dune mthodologie fonde sur les tudes de cas est le risque dune faible validit. Comme le conseille Yin (1994), nous avons compens cette faiblesse en ralisant une tude multi-cas. Nos rsultats reposent sur trois tudes de cas, que nous avons slectionns de faon tre les plus complmentaires possibles en termes de nature de lobjet dinvestissement, de lenvironnement concurrentiel et du type doption relle tudie. 4

    III.2. Niveau danalyse et primtre de la recherche

    Une partie de la littrature, en particulier les publications sintressant aux options relles comme outil de valorisation de lentreprise, utilisent lentreprise comme niveau danalyse. Dans le cadre de cette thse, lexpos de la question de recherche a montr que nous nous intressons la dcision dinvestissement. Nous avons donc retenu selon les chapitres le projet ou le portefeuille de projets comme unit danalyse. Comme lexpliquent Jensen et Warren (2001: 179), la thorie des options ncessite une comprhension rigoureuse des cots et revenus potentiels gnrs par loption. Pour cette raison, elle est pertinente lchelle dun projet ou dun groupe de projets, plutt qu lchelle de lentreprise.

    Dans le Chapitre 2, consacr une rflexion gnrale sur le rle des options relles dans la dcision dinvestissement, nous avons effectu notre analyse au niveau du portefeuille de projets. En effet, les diffrents projets dinvestissement des entreprises sont souvent interdpendants, et leur valeur ne peut pas tre estime de faon isole. Cest particulirement le cas dans le domaine de la R&D, que nous avons choisi comme terrain dtude du Chapitre 2. Cependant, pour les tudes de cas, nous avons restreint notre unit danalyse un seul projet dinvestissement. Lanalyse dtaille et la valorisation optionnelle dun projet dinvestissement constituent dj une tche difficile, et il aurait t trop complexe ce stade dtudier et de valoriser les interactions avec dautres projets.

    La littrature tudiant lapplication des options relles la dcision dinvestissement concentre presquexclusivement son analyse sur lvaluation du projet dinvestissement. Or, comme le soulignent Arnold et Hatzopoulos (2000: 621), lvaluation financire dun projet ne constitue quune petite partie du processus de ralisation dun investissement. Bower (1970 : 7-8) explique que la ralisation dun investissement passe par trois sous-processus : (1) des activits intellectuelles de perception, danalyse et de choix, qui sont gnralement dsignes

    par lexpression prise de dcision ; (2) le processus social de mise en uvre des politiques formules ; (3) le processus dynamique de rvision de la politique, dans la mesure o des modifications dans les

    ressources de lorganisation ou dans son environnement viennent remettre en cause lanalyse initiale.

    Dans la continuit de Bower, de Bodt et Bouquin (2001) identifient quatre sous-processus de la dcision dinvestissement : la construction, la promotion, lvaluation et le suivi du projet.

    Dans ce contexte, lambition de cette thse est dtendre lanalyse lensemble du processus dinvestissement. Naturellement, nous consacrons une bonne partie de notre recherche la valorisation et la slection du projet dinvestissement. Mais nous nous intressons galement aux phases en amont de dfinition du projet, en nous demandant comment les caractristiques du projet peuvent tre modifies de faon

    4 Cf. Introduction de la Partie III de la thse

  • Introduction gnrale

    15

    crer des options relles. Arrivs au stade de lvaluation et de la slection du projet, nous ne considrons pas cette phase comme un vnement unique, mais plutt comme une succession dtapes : si la dcision a t repousse, nous nous demandons en quoi les options relles peuvent contribuer guider lorganisation jusquau point de dcision suivant. Enfin, lorsque le projet principal est lanc, nous nous intressons galement au suivi, et la faon dont les options relles peuvent contribuer identifier les opportunits de dveloppement du projet.

    III.3. Choix du terrain

    Nous avons choisi le secteur des tlcommunications comme terrain de validation empirique, pour deux principales raisons.

    En premier lieu, lindustrie des tlcommunications se prte particulirement bien la lecture optionnelle. Il sagit en effet dun secteur dont lintensit capitalistique est forte. Des dpenses dinvestissements trs lourdes doivent tre consenties en amont pour acheter les licences et dployer les infrastructures rseau. De plus, ces dcisions dinvestissement doivent tre prises dans un contexte de forte incertitude. Le secteur des tlcommunications est marqu par lutilisation de technologies de pointe, dont le rythme de renouvellement est rapide, gnrant des incertitudes la fois sur le succs technique et sur les dbouchs commerciaux de la nouvelle technologie. Par ailleurs, ce secteur dactivit a connu des transformations profondes suite un mouvement de drgulation. Il volue dsormais dans des structures de march oligopolistiques, qui donnent naissance de fortes incertitudes sur la dynamique concurrentielle.

    Ainsi, Alleman (2002) conclut que le secteur des tlcommunications est mr pour la mthodologie des options relles. Pourtant, lauteur constate que les options relles nont pas t largement appliques dans cette industrie.

    Cela nous amne la deuxime raison pour laquelle nous avons choisi le secteur des tlcommunications comme terrain dtude : le faible nombre de publications acadmiques sur lapplication des options relles au secteur des tlcommunications. Comme nous le montrerons dans le Chapitre 1, la littrature a dvelopp de nombreuses applications des options relles dans les secteurs du ptrole, de llectricit et de la pharmacie. En revanche, les applications dans le secteur des tlcommunications sont rares : Trois articles prsentent des modles doptions relles dans les tlcommunications : Keppo

    (2005) pour valoriser un contrat de location de bande passante et dHalluin et al. (2007) pour dterminer la date optimale dextension de la capacit dun rseau de tlphonie mobile. Murto et Keppo (2002) combinent options relles et thorie des jeux, et offrent une illustration de leur modle avec un exemple thorique de dploiement dun rseau de tlcommunications.

    On peut par ailleurs relever trois tudes de cas dans ce secteur : ltude de Iatropoulos et al. (2004), publie dans Communications et Stratgies, ainsi que celles de Harmantzis et Tanguturi (Tanguturi & Harmantzis, 2006; Harmantzis & Tanguturi, 2007). Toutefois, la contribution de ces tudes de cas reste limite, en raison dun recours des modles de valorisation trs simples le modle de Black et Scholes et / ou le manque de donnes relles.

    Les investissements des oprateurs de tlcommunications sont bien sr destins la mise en place des infrastructures de rseau, auxquelles nous consacrons deux tudes de cas.5 Mais une part assez importante des investissements est galement consacre la R&D.

    5 Chapitres 5 et 6

  • Introduction gnrale

    16

    En matire stratgique, la R&D est un domaine essentiel pour la cration de valeur (Boer, 2002). Or, le Chapitre 1 montrera que la littrature a identifi la R&D comme lun des domaines privilgis pour lapplication des options relles. Dans le mme temps, certains chercheurs sinterrogent sur les conditions dans lesquelles les options relles sont applicables aux dcisions de R&D, et mentionnent clairement la ncessit de raliser des tudes de cas rels dans ce domaine (Perlitz et al., 1999: 267; Huchzermeier & Loch, 2001: 99). Cest pourquoi il nous a paru particulirement intressant de dvelopper une tude de cas appliqu un projet R&D dun oprateur de tlcommunications.6 Dune manire plus gnrale, nous nous interrogeons dans le Chapitre 2 sur les conditions et les modalits dutilisation des options relles pour piloter les projets de R&D dun oprateur de tlcommunications.

    IV. PLAN DE LA THESE

    La thse est structure en trois grandes parties.

    La premire partie dcrit le cadre de la recherche, et fait le point sur les apports et les limites des options relles la dcision dinvestissement. Le Chapitre 1 vient confirmer lintrt de la recherche : la revue de littrature permet dtablir que

    dune part, lutilisation des options relles par les entreprises est marginale, et dautre part, que les publications acadmiques sont largement domines par des contributions thoriques. Il y a donc un potentiel de recherche important pour adapter les modles la pratique, et valider de faon empirique lintrt de lanalyse optionnelle.

    Le Chapitre 2 est une rflexion gnrale sur le rle que peuvent jouer les options relles dans le processus de dcision dinvestissement, et leurs limites dapplication. Ces considrations sont illustres par un diagnostic sur lapport possible des options relles effectu au sein du dpartement R&D dun oprateur de tlcommunications.

    La Partie II se concentre sur les aspects de la valorisation, qui constitue lune des principales pierres dachoppement lapplication des options relles dans le monde de lentreprise. Le Chapitre 3 fait le point sur les modles de valorisation existants, et les adaptations ncessaires

    de ces modles pour quils soient plus faciles mettre en uvre ; Le Chapitre 4 propose un modle de valorisation doption relle bas sur les simulations de Monte

    Carlo, permettant une plus grande facilit dutilisation que les modles actuels, tout en reposant sur des hypothses plus compatibles avec la complexit dune dcision dinvestissement relle.

    La Partie III est consacre aux tudes de cas. Lobjectif des tudes de cas est de valider, de faon empirique, la pertinence de lanalyse optionnelle comme outil daide la dcision dinvestissement. En particulier, laccent est mis sur lintrt de valoriser un projet en prenant en compte la valeur doption quil gnre. Plus largement, les tudes de cas constituent une base de rflexion sur la contribution des options relles lensemble du processus de dcision dinvestissement stratgique. Le Chapitre 5 est une tude de cas sur une dcision dinvestissement dans un rseau de tlphonie

    mobile de 3me gnration ;. Le Chapitre 6 porte sur une dcision dinvestissement dans un rseau daccs haut dbit ; Ltude de cas du Chapitre 7 porte sur une dcision de dploiement dun projet de R&D.

    La conclusion gnrale dresse le bilan des enseignements tirs dans la thse, et en particulier des tudes de cas. Elle identifie les limites de cette recherche, et propose des pistes de recherche futures.

    6 Chapitre 7

  • 17

    Partie I

  • 19

    Chapitre 1 Les options relles : Une transposition difficile de la thorie la pratique

  • Chapitre 1

    20

    Introduction

    Le point de dpart de cette thse est constitu par le contraste entre dun ct, lintrt des acadmiques pour les options relles comme outil daide la dcision dinvestissement, et dun autre ct la faible utilisation de cette approche par les entreprises.

    Lobjectif du prsent chapitre est dtudier plus prcisment, et de mieux comprendre ce dcalage entre acadmiques et praticiens, partir dune revue de la littrature.

    Dans un premier temps, nous plantons le dcor, en dtaillant les positions occupes par les deux parties : Du ct des acadmiques, nous revenons sur les fondements thoriques des options relles et les

    grandes volutions de la littrature ce sujet. Nous prsentons et discutons les principaux arguments dvelopps par les acadmiques sur lintrt des options relles pour assister les dcisions dinvestissement stratgiques en contexte dincertitude.

    Du ct des entreprises, nous tudions les lments factuels tmoignant de lusage des options relles par les entreprises, et identifions les motifs possibles pour lesquels les entreprises utilisent ou nutilisent pas les options relles.

    La faible diffusion des options relles peut bien sr sexpliquer par des raisons conjoncturelles. Les nouveaux outils de gestion mettent gnralement longtemps simposer dans la pratique des entreprises, a fortiori lorsquil sagit doutils sophistiqus comme les options relles. Nanmoins, il convient aussi de sinterroger sur des motifs plus structurels. La faible utilisation des options relles laisse suggrer que la littrature acadmique sur les options relles ne propose pas un outil correspondant aux besoins et aux contraintes des entreprises. Dans la deuxime partie du chapitre, nous tudions comment et dans quelle mesure labondante littrature sur les options relles sintresse lapplicabilit de cet outil aux dcisions stratgiques des entreprises : la littrature donne-t-elle aux praticiens les modalits concrtes dutilisation des options relles ? Les chercheurs ont-ils tabli pour quels types de dcisions dinvestissement les options relles taient adaptes ? Les articles acadmiques ont-ils valid de faon empirique lintrt et les limites des options relles pour prendre des dcisions dinvestissement ? Cest le type de questions auxquelles nous nous efforons de rpondre dans le panorama de la littrature prsent en deuxime section du chapitre.

  • Chapitre 1

    21

    SECTION 1 : LES OPTIONS REELLES : UNE IDEE SEDUISANTE, MAIS PEU UTILISEE DANS LE MONDE DE LENTREPRISE

    Dans cette section, nous prsentons tout dabord la thorie des options relles dans ses grandes lignes : lorigine dans lunivers des options financires, les principes fondateurs de la logique optionnelle, et les principaux types doptions relles. Nous expliquons lintrt de cette approche pour aider la dcision dinvestissement en contexte incertain, et montrons lenthousiasme des chercheurs pour ce nouveau concept travers la forte progression du nombre de publications sur ce thme.

    Face au succs acadmique des options relles, nous tentons de mieux cerner les pratiques des entreprises, et les raisons pour lesquelles celles-ci nutilisent pas les options relles. Pour ceci, nous nous appuyons sur les rsultats denqutes ralises auprs des entreprises sur les principaux outils utiliss pour leurs dcisions dinvestissement. Nous exploitons galement les exemples de cas rels dutilisation des options relles recenss dans la littrature.

    I. Les options relles : une ide sduisante

    I.1. La gense des options relles

    Les options relles sont un concept directement driv de la thorie des options financires, qui est apparu la fin des annes 1970. Cest Myers (1977) qui a le premier vritablement formalis le concept doptions relles, en considrant quune firme est compose de deux types dactifs : dune part des actifs rels, qui sont ddis aux activits existantes, et ont des valeurs de march indpendantes de la stratgie dinvestissement de la firme ; dautre part des options relles, qui sont des opportunits dinvestir dans des actifs rels si les circonstances lavenir sont favorables. Myers a pu mettre en vidence que ces opportunits de croissance, bien que ntant pas matrialises par un contrat prcis, avaient le mme profil dinvestissement que les options financires : aprs avoir effectu un faible investissement initial, lentreprise pourra plus tard, si les conditions sont favorables, investir de faon plus importante dans ces possibilits de croissance. Myers a qualifi ces options de relles par opposition aux options financires , dont la valeur est lie lvolution dactifs financiers. Ainsi est n le concept doptions relles.

    I.2. Le principe de loption relle

    I.2.1. Dfinition dune option relle

    Les options relles correspondent lapplication de la thorie des options financires (cf. Encadr 1.1) des actifs rels. Ainsi, le dtenteur dune option relle dispose, en toute souverainet, du droit : (1) de faire ou de ne pas faire un acte futur ; (2) de prendre ou de ne pas prendre une certaine dcision une date ou avant une date future (McGrath, 1999).

    Gnralement, lentreprise acquiert loption en effectuant un investissement initial (par exemple un test de march, la formation dun joint-venture, un projet R&D pilote) qui lui donne lopportunit dinvestir davantage. Par la suite, lentreprise pourra choisir si elle exerce ou non loption, en dveloppant le projet grande chelle (lancement du produit sur lensemble du march, dveloppement dune filiale possde 100%, lancement dun grand programme de R&D) (Coff & Laverty, 2001 : 73).

  • Chapitre 1

    22

    Encadr 1.1 : Dfinition dune option financire Une option financire est le droit, mais pas lobligation, dacheter (ou de vendre) une date future (lchance), et un prix dtermin (prix dexercice ou strike ) un actif financier (par exemple une action) appel actif sous-jacent, dont le prix varie sur le march de faon alatoire (Jaeger, 1996).

    Pour disposer dun tel droit, il faut payer une prime doption. On distingue : - Les options dachat ( call ) des options de vente ( put ) ; - les options europennes (exercice possible une date donne) des options amricaines (exercice

    possible tout moment avant une date donne).

    Prenons lexemple dune option dachat ( call ) sur une action, dont les caractristiques sont les suivantes : - Option europenne - Date dchance : 31/12/2007 - Prix dexercice: 20 Le 01/09/2007, le cours de laction sous-jacente tait de 11 . A cette date, loption tudie tait valorise par le march 0,07 . Pour comprendre quoi correspond une telle prime doption, tudions le gain potentiel ( pay-off ) gnr par ce call lchance : Si le 31/12/2007, le cours est par exemple 22 , le dtenteur exerce son option, et gagne : (22 - 20) 0,07 = 1,93 1 Si le 31/12/2007, le cours est 15, le dtenteur nexerce pas son option et perd 0,07 7

    Figure E1.1 : Gain gnr par loption dachat suivant la valeur de laction lchance

    Gain gnr par l option

    Valeur de l action sous-jacente au 31/12/2007

    0

    - 0,07 20 20,07

    Les gains potentiels gnrs par lachat de loption sont schmatiss dans la Figure E1.1. Celle-ci montre que les pertes sont limites 0,07 , quel que soit le cours de laction sous-jacente lchance. En revanche, les gains potentiels gnrs par lachat du call sont infinis. Cette asymtrie dans les gains gnrs est lune des principales caractristiques des options.

    Le modle fondateur de la valorisation des options relles est celui de Black et Scholes (1972).8 La formule de Black et Scholes tablit la valeur de loption (europenne) en fonction de cinq paramtres : le cours actuel de lactif sous-jacent (S) ; le prix dexercice de loption (K) ; le taux dintrt sans risque (rf) ; le temps restant jusqu lchance de loption (T) ; la volatilit du cours du sous-jacent ().

    7 Pour tre tout fait rigoureux, il faudrait actualiser la valeur de la prime

    8 Cf. Chapitre 3, section 1, II.1. Valorisation de loption europenne : le modle de Black et Scholes

  • Chapitre 1

    23

    La dcision sera prise en fonction dun vnement alatoire, ou plus exactement en fonction de la valeur prise par une variable alatoire qui suit un processus stochastique et dont on ne peut pas prvoir les valeurs futures (Goffin, 1999). En consquence, les options relles sont engendres dans des contextes de forte incertitude.

    Pour illustrer cette dfinition thorique des options relles, nous pouvons aussi reprendre lexemple de la mine de charbon donn par Goffin (1999). Lexemple porte sur lachat de la concession dune mine de charbon pour une dure de 10 ans. Cette dcision est prise dans un contexte de forte incertitude, car le prix futur de la houille nest pas connu. En fait, lachat de la concession peut tre assimile lacquisition dune option dachat ( call ) amricaine, dont : le sous-jacent correspond aux cash-flows gnrs par lexploitation de la mine ; le prix dexercice est constitu par les investissements ncessaires pour mettre la mine en

    exploitation ; lchance est la dure de la concession.

    Comme dans le cas des options financires, on peut observer une asymtrie dans les bnfices potentiels dgags par lacquisition de la concession : Si lavenir le prix de la houille a baiss, alors lexploitation de la mine de charbon ne sera pas

    rentable ; ceci signifie que lentreprise nexercera pas son option, et aura perdu un montant quivalent au prix de la concession (la prime doption).

    Si au contraire le prix de la houille a augment, alors lexploitation de la mine de charbon sera rentable. En consquence, lentreprise exercera son option en exploitant la mine de charbon.

    Ainsi, les options relles peuvent tre utilises pour dterminer la valeur de la concession. Comme dans le cas des options financires, le montant de la prime doption sera fonction de cinq principaux paramtres voqus dans lEncadr 1.1.

    Tableau 1.1 : Analogie entre les options financires et les options relles

    Option financire Variable Option relle Cours actuel de lactif sous-jacent S Valeur actuelle des cash-flows futurs,

    calculs avec le prix actuel de la houille Prix dexercice K Investissements ncessaires pour mettre la

    mine en exploitation Taux dintrt sans risque r Taux dintrt sans risque Temps scoulant jusqu lchance T Dure du projet (concession de 10 ans) Volatilit du cours de lactif sous-jacent Volatilit de la valeur du projet

    directement corrle la volatilit du prix de la houille

    Le Tableau 1.1 tablit un parallle entre les paramtres financiers , et les paramtres rels du projet dinvestissement. Toute la thorie des options relles est ainsi fonde sur lanalogie avec les options financires.

    I.2.2. Lapport principal des options relles : la valorisation de la flexibilit managriale

  • Chapitre 1

    24

    Le principal apport des options relles sur le calcul de VAN rside dans le fait que les projets dinvestissement sont tudis de faon dynamique, et non plus statique (Leslie & Michaels, 1997).

    Lorsquun projet dinvestissement est valoris par un calcul de VAN, il est analys dans une configuration bien prcise, sans prendre en compte le fait quil peut subir des modifications par la suite. Dans la pratique, on peut observer que les projets dinvestissements sont rarement mens de cette manire : les entreprises prennent souvent les dcisions de faon incrmentale, et ajustent leur stratgie dinvestissement afin de prendre en considration les informations nouvelles (Gertner & Rosenfield, 1999: 14). Ces opportunits dadaptation ne sont pas prises en compte dans le calcul de la VAN (Kulatilaka, 1993: 271). En consquence, les entreprises tendent manipuler le taux dactualisation utilis pour le calcul de VAN, afin den corriger les faiblesses. Ainsi, Luehrman (1997) indique que les entreprises sont parfois amenes choisir, pour les projets stratgiques, un taux de rentabilit minimum ( hurdle rate ) infrieur celui des projets dinvestissement plus routiniers. Ceci permet de corriger le fait que les projets stratgiques porteurs doptions de croissance sont sous-valoriss avec la mthode de la VAN. Inversement, on peut observer que certaines entreprises effectuent le calcul de VAN laide de taux dactualisation bien suprieurs ceux recommands par la thorie financire classique (MEDAF). Pour Busby et Pitts (1997) cette pratique est un moyen de prendre en compte loption dattente dont peut disposer une entreprise dans le lancement dun projet. De faon similaire, nous avons pu observer dans le cadre de nos recherches empiriques que les entreprises pouvaient implicitement prendre en compte loption dattente en calculant la VAN sur un nombre dannes de cash-flows infrieur la dure de vie relle de projet.9

    Contrairement la VAN, lapproche optionnelle part du principe que le projet dinvestissement pourra voluer au gr des circonstances : par exemple, si le projet rencontre un succs plus large quescompt initialement, il pourra tre tendu dautres zones gographiques, ou dautres lignes de produits. Si inversement, les conditions conomiques savrent peu favorables, on pourra envisager un repli, voire un abandon du projet. Cette flexibilit managriale face lala a de la valeur, qui est capture travers la valeur doption.

    9 Cf. Chapitre 6, section 3, I. Une meilleure apprciation de la valeur du projet et de la date optimale

    dinvestissement

  • Chapitre 1

    25

    Encadr 1.2 : Les options relles : Un outil permettant de valoriser la flexibilit managriale

    Copeland et Keenan (1998) illustrent travers lexemple de lusine pilote la supriorit des options relles sur la VAN pour prendre des dcisions dinvestissement en contexte incertain.

    Une entreprise sinterroge sur lopportunit de construire une usine pour fabriquer un nouveau produit. La construction de lusine ncessite un investissement de 100 millions de $. Le succs du nouveau produit est incertain : il y a 50% de chances que la construction de lusine gnre des ventes importantes, et conduise des cash-flows pour une valeur totale actualise de 150 millions de $. Mais il y a 50% de chances que la valeur actualise des cash-flows natteigne que 10 millions de $. Par ailleurs, il est envisageable de construire une usine pilote pour un montant de 10 millions de $, avec la possibilit un an plus tard de construire la grosse usine pour un montant de 110 millions de $ si le produit se rvle un succs.

    Le calcul de la VAN conduirait rejeter le projet. En effet, lesprance de la valeur actuelle des cash-flows est de 80 millions de $ (moyenne entre 150 et 10 millions de $), ce qui ne compense pas les cots de construction (100 millions de $).

    Mais plutt que dinvestir immdiatement 100 millions de $, lentreprise pourrait construire lusine pilote, ce qui revient se constituer une option de croissance sur la grosse usine : Si le projet est un succs, lentreprise construira la grosse usine un an plus tard. Ceci lui cotera

    10% plus cher que si elle avait construit demble la grosse usine soit 110 millions de $ mais par ailleurs gnrera des cash-flows pour une valeur globale de 150 millions de $. Comme la construction de lusine pilote a report les cash-flows dune anne, il faut actualiser ces derniers (ici au taux de 10%). La valeur du projet en cas de succs est alors de 35 millions de $ (135 millions de cash-flows moins 100 millions dinvestissements) ;

    si au contraire, le projet est un chec, lentreprise ne construira pas la grande usine. En simplifiant le raisonnement lextrme, la valeur globale du projet est donc de 7,5 millions de $ (la moyenne entre 35 millions et 0, moins 10 millions de construction de lusine pilote). La valorisation par les options relles conduit donc une dcision diamtralement oppose celle qui aurait t prise sur la base dun calcul de Valeur Actuelle Nette.

    I.3. Prsentation des principaux types doptions relles

    Lexemple doption relle prsent dans lEncadr 1.2 correspond une option dattente. Il existe dautres leviers de flexibilit que lattente, et la littrature a ainsi labor une classification des options relles en fonction du type de flexibilit en cause. Les Tableaux 1.2 et 1.3 prsentent les principaux types doptions relles figurant dans la littrature.

  • Chapitre 1

    26

    Tableau 1.2 : Principales options dinvestissement (et de dsinvestissement)

    Type doption Principe Exemple dapplication

    Option de croissance

    Possibilit, grce la ralisation dun investissement initial, davoir accs de futures opportunits de dveloppement

    Construction dune usine pilote

    Option dapprentissage

    Un investissement initial donne la possibilit dacqurir de linformation, et donc de prendre une dcision dinvestissement en connaissance de cause

    Forage ptrolier

    Option de report (ou dattente)

    Possibilit dattendre avant de prendre la dcision de raliser ou non un investissement

    Exploitation dune mine de charbon

    Option de squenage

    Le dcoupage dun investissement en plusieurs phases donne la possibilit dabandonner (modifier) le projet en cours de route si linformation nouvelle est dfavorable

    Construction dune centrale lectrique

    Option dabandon

    Possibilit dabandonner un projet en cours de route grce la revente des actifs concerns

    Revente de la flotte en cas dchec dans lexploitation dune ligne maritime

    Tableau 1.3 : Principales options dexploitation

    Type doption Principe Exemple dapplication Option darrt temporaire et option de production dbit variable

    Possibilit, suivant lvolution des circonstances, de stopper lexploitation dun actif (ou de rduire / daugmenter lenvergure de lexploitation)

    Fermeture temporaire d une raffinerie si le crack-spread est trop faible

    Option de choix de linput minimum

    Possibilit de produire un output avec linput le moins onreux

    Production dnergie par une centrale thermique soit avec du gaz, soit avec du fuel

    Option de choix de loutput maximum

    Possibilit, partir dun input donn, de produire loutput permettant une rentabilit maximale

    Production par une laiterie soit de lait UHT, soit de lait pasteuris, soit de yaourts

    La littrature fait traditionnellement la distinction entre deux grandes catgories doption : les options dexploitation ( operating options ) ou options de flexibilit : ces options tirent leur

    valeur de la flexibilit dont disposent les dirigeants dans le cadre de lexploitation dun actif donn (on raisonne ici niveau dquipement constant) ;

    les options dinvestissement / dsinvestissement ( Investment and dis-investment options ) ou options stratgiques : ces options tirent leur valeur de la flexibilit dans le rythme et les modalits dacquisition (de cession) dun actif.

    A ces deux catgories doptions, Amram et Kulatilaka (1999) ajoutent les options de nature contractuelle ( contractual options ). Il sagit des termes dun contrat qui modifient le profil de risque support par les dtenteurs de lactif. Les auteurs citent lexemple des capital risqueurs, qui incluent frquemment dans les contrats des clauses leur donnant un droit de priorit en cas de faillite (protection la baisse) ou encore le droit dinvestir ultrieurement aux cts dautres investisseurs (protection contre un phnomne de dilution en cas de hausse). On pourrait aussi citer les clauses contenues dans les contrats de leasing automobile ou de location immobilire voques par Bowman et Hurry (1993) comme des exemples typiques doptions relles de nature contractuelle.

  • Chapitre 1

    27

    I.4. Un succs grandissant dans le monde acadmique

    La Figure 1.1 reprsente le nombre darticles publis chaque anne dans les principales revues anglo-saxonnes dconomie et de gestion sur le thme des options relles. Les dtails de la constitution de la base bibliographique sont prsents plus loin, en Section 2. 10

    Figure 1.1 : Evolution du nombre de publications sur les options relles

    0

    20

    40

    60

    80

    100

    120

    1977

    1978

    1979

    1980

    1981

    1982

    1983

    1984

    1985

    1986

    1987

    1988

    1989

    1990

    1991

    1992

    1993

    1994

    1995

    1996

    1997

    1998

    1999

    2000

    2001

    2002

    2003

    2004

    2005

    2006

    Anne de publication

    Nb.

    de

    pu

    blic

    atio

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    sur

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    Aprs larticle fondateur de Myers (1977), la problmatique des options relles est reste assez confidentielle dans la littrature acadmique, et sest cantonne essentiellement la publication de modles thoriques de valorisation doptions relles (ex: Stulz, 1982; Brennan & Schwartz, 1985; McDonald & Siegel, 1985; McDonald & Siegel, 1986; Majd & Pindyck, 1987).

    Lessor de la thmatique des options relles remonte la fin des annes 1990. Il a sans doute t favoris par la publication douvrages, qui ont permis de faire connatre ce paradigme un plus large public (Dixit & Pindyck, 1994; Trigeorgis, 1996; Amram & Kulatilaka, 1999; Copeland & Antikarov, 2001). Les options relles ont progressivement donn naissance une abondante littrature, avec plus dune centaine darticles publis en 2005, et presquautant en 2006. Il existe aujourdhui un large consensus pour affirmer quen contexte incertain, les options relles constituent une approche plus approprie que les outils classiques daide la dcision dinvestissement, en particulier la Valeur Actuelle Nette (VAN). Pour de nombreux acadmiques, les options relles marquent un tournant majeur dans les mthodes de dcisions dinvestissement. Copeland et Antikarov (2001) avaient mme prdit quen lespace de dix ans, les options relles auraient supplant la VAN comme outil daide la dcision dinvestissement.

    10 Cf. section 2, I. Panorama gnral de la littrature sur les options relles

  • Chapitre 1

    28

    Pourtant, nous allons voir dans les pages qui suivent que les options relles sont trs peu utilises par les entreprises pour prendre les dcisions dinvestissement.

    II. Une faible utilisation des options relles par les entreprises

    II.1. Rsultats denqutes sur lutilisation des options relles par les entreprises

    Le contraste entre lengouement des acadmiques pour les options relles, et la faible utilisation de celles-ci par les entreprises est saisissant.

    Trois principales enqutes ont estim le pourcentage des entreprises ayant recours aux options relles. Les enqutes ne sont pas directement comparables, et on observe des diffrences dans les rsultats. Mais ces tudes convergent clairement vers le constat que les options relles constituent un outil peu utilis par les entreprises.

    II.1.1 Ltude de Graham et Harvey (2001)

    Graham et Harvey (2001) ont men une enqute auprs de 392 directeurs financiers dentreprises Nord Amricaines. Lchantillon tait constitu dentreprises de toutes tailles : 26% des entreprises de lchantillon avaient un chiffre daffaires annuel infrieur 100 millions $, tandis que 42% avaient un chiffre daffaires annuel suprieur 1 milliard $. Lenqute rvle que les techniques les plus utilises pour prendre les dcisions dinvestissement sont, de loin, le taux de rentabilit interne (IRR, Internal Rate of Return), et la Valeur Actuelle Nette (NPV, Net Present Value). Ces deux techniques sont toujours ou presque toujours utilises par respectivement 76% et 75% des entreprises de lchantillon. A linverse, seulement 27% des directeurs financiers interrogs ont recours aux options relles.

    On peut par ailleurs noter que lenqute na pas tabli de lien entre dune part le recours aux options relles et dautre part les caractristiques de lentreprise (taille, niveau dendettement, activit manufacturire ou non, entreprise cote ou non). Les seuls facteurs pouvant influencer sur le recours aux options relles (statistiques significatives un seuil de 10%) sont lge du directeur financier : les directeurs financiers de moins de 59 ans sont plus susceptibles

    dutiliser les options relles ; lenvironnement rglementaire de lentreprise : les entreprises appartenant des secteurs non

    rguls sont plus susceptibles de recourir aux options relles que les entreprises subissant une importante rgulation (comme par exemple les utilities ).

  • Chapitre 1

    29

    Figure 1.2. : Techniques utilises par les entreprises pour slectionner les projets dinvestissement (Graham & Harvey, 2001)

    11%

    12%

    14%

    20%

    27%

    29%

    39%

    52%

    57%

    57%

    75%

    76%

    0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80%

    APV

    Profitability index

    Simulation analysis

    Book rate of return

    Real Options

    Discounted payback

    P/E multiples

    Sensitivity analysis

    Pay back

    Hurdle rate

    NPV

    IRR

    % des entreprises utilisant toujours ou presque toujours l'outil pour slectionner les projets d'investissement

    Source : Graham et Harvey (2001)

    II.1.2. Ltude de Ryan et Ryan (2002)

    Ryan et Ryan (2002) ont men une enqute auprs des directeurs financiers des entreprises du Fortune 1000 pour dterminer quels sont les outils daide la dcision dinvestissement les plus utiliss. Ils prsentent les rsultats bass sur 205 rponses. Comme Graham et Harvey (2001), les auteurs constatent une nette domination de la VAN et du taux de retour interne (IRR), qui sont toujours ou souvent utiliss par respectivement 85,1% et 76,7% des entreprises. En complment des sept techniques les plus souvent utilises, les chercheurs ont interrog les directeurs financiers sur leur utilisation de 13 outils complmentaires. Parmi ceux-ci, les options relles apparaissent comme loutil le moins utilis (Figure 1.3).

  • Chapitre 1

    30

    Figure 1.3 : Taux dutilisation doutils daide la dcision dinvestissement complmentaires (Ryan & Ryan, 2002)

    0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70%

    Options relles (H)

    Modle de valorisation d'option (H)

    Programmation linaire (H)

    Modles mathmatiques complexes (H)

    Arbres de dcision (M)

    PERT/CPM (M)

    Market Value Added (MVA) (M)

    Simulation (H)

    Taux de rendement interne incrmental (M)

    Economic Value Added (EVA) (M)

    Cash-flows corrigs par l'inflation (M)

    Analyse de scnario (M)

    Analyse de sensibilit (M)

    Ou

    til d'

    aid

    e

    la d

    cisio

    n d'

    inv

    estis

    sem

    ent (

    *)

    % des rpondant utilisant toujours ou souvent l'outil de dcision d'investissement

    Note (*) : Niveau de difficult technique : M = moyen ; H = haut. La description des outils est prcise en Annexe 1 de la thse.

    Source : Ryan et Ryan (2002)

    Les auteurs distinguent deux modes dutilisation des options relles. Le premier correspond lemploi de modles de valorisation doption, comme le modle binomial

    ou le modle de Black et Scholes. Le deuxime correspond la prise en compte des opportunits dextension, de contraction ou

    dabandon du projet dinvestissement avant la fin de sa vie . Ryan et Ryan ne donnent malheureusement pas davantage de prcision sur les modalits dutilisation ; on peut supposer quils font ici rfrence une utilisation qualitative des options relles ( Real Option Thinking ), par opposition une approche quantitative utilisant les modles de valorisation doption.11

    Tableau 1.4 : Dtail du taux dutilisation des options relles par les entreprises

    Source : Ryan et Ryan (2002)

    11 Le faible taux dutilisation de loutil options relles pourrait en partie sexpliquer par lambigut de

    lintitul.

  • Chapitre 1

    31

    Cest lapproche quantitative fonde sur les modles doption qui est la plus utilise des deux : 5,3% des entreprises lutilisent toujours ou souvent (soit dans plus de 75% des cas) ; le taux dutilisation passe 20,9% si lon inclut les rponses parfois (soit dans plus de 50% des cas).

    II.1.3. Les enqutes de Bain & Co.

    Le cabinet de conseil Bain & Company a initi en 1993 un cycle dtudes sur les outils de management les plus employs par les entreprises (Rigby & Gillies, 2000). Le spectre est plus large que celui des enqutes de Graham et Harvey (2001) ou Ryan et Rayan (2002), car il couvre lensemble des outils de management, et non pas seulement daide la dcision dinvestissement.

    Lenqute de 2000 a t effectue auprs de 451 cadres dirigeants dentreprises prsentes dans plus de 30 secteurs dactivit (Teach, 2003). Elle a rvl que 6% des entreprises nord amricaines, et 13% des entreprises dans le reste du monde, ont recours aux options relles (Colleau & Rigby, 2001).

    Tableau 1.5. : Taux dutilisation doutils de management par les entreprises (Bain & Co.)

    % d'entreprises utilisatrices Amrique du Nord Reste du monde Planning stratgique 89% 74% Mission de l'entreprise 85% 74% Stratgies de croissance 65% 47% Qualit totale 40% 56% Rduction du temps de cycle 38% 27% Intgration de la chane de production 35% 27% Dveloppement de scnarios 21% 34% Analyse des options relles 6% 13% Analyse des bouleversement de march 5% 13% Source : Colleau et Rigby (Bain & Co.), 2001

    Par ailleurs, lenqute de 2000 rvle un taux dabandon lev : environ 32% des utilisateurs ayant eu recours aux options relles ont par la suite abandonn cet outil, alors que le taux moyen dabandon sur lensemble des outils de management tests est de 11%.

    La dception des entreprises lgard des options relles est confirme par le fait que le taux dutilisation des options relles semble en baisse. En effet, Bain & Co. a supprim les options relles de sa liste des outils de management dans son enqute de 2003.

    II.1.4. Lenqute de De Bodt et Bouquin (2001)

    En France, la faible diffusion des options relles est confirme par une enqute postale ralise par De Bodt et Bouquin (2001) sur le contrle de linvestissement : parmi les 44 entreprises ayant rpondu au questionnaire, seulement deux affirment utiliser des critres issus de la thorie des options relles pour raliser les tudes de rentabilit de leurs dcisions dinvestissement.

  • Chapitre 1

    32

    Tableau 1.6 : Outils utiliss par les entreprises franaises pour la slection de projets dinvestissement

    On utilise, pour ltude de la rentabilit

    Nombre de rponses (plusieurs rponses

    possibles)

    % par rapport au total de rponses

    % par rapport lchantillon

    TIR 30 38,0% 68,2% Priode de remboursement 26 32,9% 59,1% VAN 16 20,2% 36,4% Retour sur capitaux engags* 3 3,8% 6,8% Cration de valeur* 2 2,5% 4,6% Critres issus de la thorie des options

    2 2,5% 4,6%

    TOTAL 79 100% *: Ces critres ont t mentionns par les rpondants eux-mmes Source : De Bodt et Bouquin, 2001

    Ces enqutes dutilisation comportent naturellement certaines limites, et il faut interprter les rsultats avec prudence.

    En premier lieu, comme le soulignent Graham et Harvey (2001 : 197), les rsultats refltent les opinions des personnes interviewes, et ces opinions ne correspondent pas ncessairement la pratique. Dans le cas prcis des options relles, qui constituent un instrument complexe dutilisation, il est fort possible que le pourcentage total dutilisateurs indiqu par les deux tudes ci-dessus incluent des entreprises nutilisant quune version trs simpliste (par exemple uniquement qualitative) des options relles. Ainsi, Triantis et Borison (2001) estiment que lutilisation des options relles comme un raisonnement sous forme qualitative (cest--dire la formulation avec un vocable optionnel de la logique qui sous-tend un investissement) semble beaucoup plus rpandue que lanalyse formelle des options relles. Busby et Pitts (1997) 12 notent pour leur part que les explications donnes par les rpondants laissaient suggrer que ceux-ci ne donnaient pas aux options relles le mme sens que celui utilis dans la littrature.

    Dautre part, comme le remarquent Ryan et Ryan (2002), la rponse donne reflte lopinion dun seul individu, et non pas la pratique de lentreprise dans son ensemble. Or, Triantis et Borison (2001) indiquent quil existe pour une entreprise plusieurs stades pour lutilisation des options relles. Celles-ci peuvent navoir t testes que dans le cadre dun projet pilote. Ou bien lentreprise peut se trouver dans un deuxime stade, o les options relles sont utilises pour certains types de dcisions seulement. 13 Seul un trs petit nombre dentreprises (ex : Texaco, Intel) tendraient vers un stade o les options relles sont vritablement intgres dans le processus de dcision dinvestissement de lentreprise. Par ailleurs, les auteurs notent que lutilisation des options relles dans les entreprises se fait gnralement linitiative du middle management. Le fait que le directeur financier dune (grande) entreprise ne mentionne pas les options relles comme outil daide la dcision, ne signifie donc pas que celles-ci ne sont pas utilises au sein de lorganisation.

    12 Voir Section 1, II.3. pour plus de dtails sur lenqute de Busby et Pitts (1997). Voir aussi ce sujet le

    Chapitre 2 13

    Ltude de la littrature suggre par exemple que, dans le cas des compagnies ptrolires, les options relles sont uniquement employes pour les dcisions dinvestissement dans les activits amont (exploration et production).

  • Chapitre 1

    33

    En dpit de ces prcautions dusage, il apparat clairement travers ces enqutes que les options relles ne constituent lheure actuelle quun outil daide la dcision dinvestissement marginal pour les entreprises.

    II.2. Une utilisation des options relles qui semble pour linstant concentre sur certains secteurs dactivit

    Si le taux moyen dutilisation des options relles reste faible, il semble que celles-ci sont majoritairement utilises dans un nombre restreint de secteurs dactivit, et pour des problmatiques prcises. Dans le Tableau 1.7, nous avons rassembl les entreprises cites dans la littrature comme ayant utilis les options relles. Le tableau prcise par ailleurs le type dinvestissement pour lequel les options relles ont t utilises.

    En complment du Tableau 1.7, nous avons plac en Annexe 2 une liste de 33 multinationales utilisant les options relles des degrs de sophistication divers. Il sagit dentreprises auprs desquelles Triantis et Borison (2001) ont men une srie dentretiens pour comprendre leurs motivations pour les options relles, et le type dusage quelles en font.

    Le Tableau 1.7 montre que lutilisation des options relles est concentre sur trois secteurs dactivit.

    1. Le secteur ptrolier, pour des investissements concernant les activits amont dexploration et de production (de ptrole ou de gaz).

    2. Le secteur de lnergie Les options relles y sont utilises comme outil de trading dans le ngoce de llectricit.

    Ainsi, la Tennessee Valley Authority sest fonde sur les options relles pour ngocier des options d'achat de capacits de production lectrique (Tufano, 1996; Coy, 1999; Copeland & Antikarov, 2001).

    La littrature relate par ailleurs des exemples dans lesquels les options relles ont permis de valoriser des actifs de production flexibles face la forte volatilit des prix de llectricit.

    3. Le secteur de la pharmacie et des biotechnologies Les options relles sont utilises soit des fins internes, pour piloter les programmes de R&D (ex : Genentech dans Triantis et Borison, 2001), soit comme support de ngociation avec des tiers pour lachat et la vente de socits ou de licences (ex : Merck dans Nichols, 1994).

    Lidentification de ces trois ples comme principaux utilisateurs des options relles est confirme par Boer (2002: 28). Lchantillon dentreprises interroges par Triantis et Borison (2001) est lui aussi largement domin par des entreprises prsentes dans le secteur de lnergie et du ptrole (14 entreprises sur 33).

  • Chapitre 1

    34

    Tableau 1.7. : Exemples dentreprises ayant utilis les options relles

    Secteur dactivit

    Type dinvestissement Exemples dentreprises Rfrences bibliographiques

    Anarkado Petroleum Coy, 1999; Copeland & Antikarov, 2001 ; Miller & Park, 2002

    Chevron Coy, 1999Exxon, Mobil, Copeland & Antikarov, 2001Texaco Copeland & Antikarov, 2001, Miller

    & Park, 2002Shell Kemna, 1993BP Amaco Miller & Park, 2002Tennessee Valley Authority Tufano, 1996; Coy, 1999; Copeland

    & Antikarov, 2001Dynegy, Amerada Hess, Duke Energy, Aquila Energy

    Boer, 2002

    Enron Coy, 1999; Copeland & Antikarov, 2001

    Socit Gnrale, Rseau de Transport dElectricit

    Colloque du 25/1/2002 lUniversit Paris IX Dauphine

    New England Electric Miller & Park, 2002Merck Nichols, 1994; Bowman &

    Moskowitz, 2001Genentech Triantis & Borison, 2001; Boer,

    2002 ; Miller & Park, 2002Amgen Stuart, 1999 ; Boer, 2002Eli Lilly, Baxter International, Genzyme, Smith & Nephew

    Boer, 2002

    Hewlett Packard Coy, 1999; Copeland & Antikarov, 2001; Triantis & Borison, 2001 ; Miller & Park, 2002 ; Billington & Triantis, 2003

    ICI Copeland & Antikarov, 2001Intel Triantis & Borison, 2001; Teach,

    2003Utilisation de machines de production flexibles

    ABB Motors Bengtsson & Olhager, 2002

    Lancement dun nouveau produit

    Philips Pennings & Lint, 2000

    Intel, Pratt & Whitney Copeland & Antikarov, 2001Airbus Industries, Cadence Design Systems

    Copeland & Antikarov, 2001; Miller & Park, 2002

    Toshiba Miller & Park, 2002Dcision de sortie d'un march

    Apple Copeland & Antikarov, 2001

    Yankee 24 Benaroch et Kaufman, 2000Client anonyme dIBM Bardhan et al., 2004

    - Choix dinvestissement dans la R&D- Valorisation de socits ou de licences

    Pharmacie / bio-techno-logies

    Exploration / productionPtrole & gaz

    Outil de trading

    Valorisation de socits / dactifs de production ou transport du courant lectrique

    Energie

    Systme dinformationServices

    Production et distributionIndustrie

    Ngociation de droits (licences, annulation / modification de commandes)

  • Chapitre 1

    35

    Lintrt des entreprises dans ces secteurs pour les options relles sexplique par la combinaison dune forte intensit capitalistique, et dun niveau dincertitude lev concernant la rentabilit des projets dinvestissement : incertitude sur les prix du ptrole et la taille des rserve dun gisement dans le secteur ptrolier, sur les prix de llectricit dans le secteur de lnergie, sur le succs puis lacceptation par les autorits sanitaires, ainsi que sur la taille des dbouchs commerciaux dans le secteur de la pharmacie et des biotechnologies. Comme le notent Triantis et Borison (2001), il sagit dindustries forte culture dingnieurs, qui sont familires avec lutilisation doutils danalyse sophistiqus, et cherchent en permanence amliorer leurs mthodes de valorisation des projets et dallocation du capital.

    Par ailleurs, dans le cas du secteur du ptrole et de llectricit, la valeur des investissements est fortement corrle au prix dactifs ngocis sur les marchs financiers. Les options relles tudies dans ces secteurs se trouvent dans une logique proche de celle des options financires. La transposition des modles de valorisation doptions financires la valorisation des options relles est donc relativement aise. En particulier, laccessibilit des prix ngocis sur les marchs financiers permet de plus facilement estimer la valeur de paramtres de calcul comme la volatilit ou le taux de dividende, ce qui est un des obstacles majeurs rencontrs dans la valorisation des options relles. 14

    Dans le secteur de la pharmacie, on ne retrouve pas cette proximit avec les marchs financiers. En revanche, la flexibilit managriale face lincertitude est importante. Le squenage des programmes de recherche en plusieurs phases ou llaboration de contrats contingents avec les entreprises partenaires suivent une logique incrmentale, qui est au coeur du raisonnement optionnel.

    En dehors de ces trois grands ples dutilisation, on peut relever diverses applications des options relles par des entreprises, notamment pour des dcisions dinvestissement concernant : lemplacement ou la construction des actifs de production ; le systme dinformation. Enfin, on note des applications intressantes des options relles pour assister les entreprises dans leur ngociations de droits, que ce soit des droits de licence ou encore des droits dannulation ou de modification de commandes. Ces applications correspondent la valorisation de ce quAmram et Kulatilaka (1999) dnomment les options contractuelles . 15 On se rapproche dans ce cas de la logique des options financires, car les caractristiques de loption tudie sont en grande partie dcrites dans le contrat ngoci. En consquence, on se retrouve dans un environnement plus balis que pour les autres catgories doptions relles, et la valorisation sen trouve facilite.

    Ces exemples dutilisation des options relles par les entreprises sont dune porte limite. Dune part, mme dans les secteurs o les options relles sont censes tre particulirement adaptes, il ne faut pas dduire de quelques exemples dutilisation que le recours aux options relles est une pratique courante de lindustrie. Dautre part, la littrature ne nous donne quune faible visibilit sur les modalits concrtes dutilisation des options relles par les entreprises. Dans presque tous les cas, seule la problmatique de la dcision dinvestissement et sa nature optionnelle sont dcrites. Mais lexception de Merck (Bowman & Moskowitz, 2001), on ne connat pas la teneur des analyses optionnelles effectues par ces entreprises.

    Ce que suggrent en tous cas ces exemples dutilisation, cest que les options relles semblent utiles pour des dcisions dinvestissement intervenant sur des problmatiques bien prcises.

    14 Cf. Chapitre 3, section 2, II.2.4. Une grande difficult valuer la valeur des paramtres utiliss par les

    modles 15

    cf. Section 1, I.3. Prsentation des principaux types doptions relles

  • Chapitre 1

    36

    Cet tat de fait contraste fortement avec une partie de la littrature annonant les options relles comme un nouveau paradigme, et luniversalit du raisonnement optionnel comme logique sous-jacente aux dcisions dinvestissement stratgiques (ex: Bowman & Hurry, 1993).

    II.3. Les raisons possibles de la faible utilisation des options relles par les entreprises

    Deux principales raisons peuvent expliquer la faible utilisation des options relles par les entreprises : la nouveaut de lapproche, et les difficults de mise-en-uvre.

    II.3.1. Nouveaut de lapproche

    Les options relles sont une approche rcente, qui nest enseign en MBA que depuis une dizaine dannes, et leur faible diffusion dans le monde de lentreprise provient en premier lieu du fait quelles sont peu connues du grand public.

    Busby et Pitts (1997) ont envoy un questionnaire postal aux directeurs financiers de toutes les entreprises du FT-SE 100. Les auteurs ont reu sur cet chantillon 44 questionnaires complts, dont les rponses taient exploitables. Lenqute rvle que le concept doptions relles reste largement mconnu dans le domaine de lentreprise. A la question Avez-vous dj entendu parler du terme options relles , options de croissance ou options dexploitation , seulement respectivement 6, 3 et 2 rpondants (sur 44) ont rpondu par laffirmative.

    De faon plus rcente et plus cible, on peut mentionner le constat de Slade (2001: 198) dans le secteur minier. Daprs Tr