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APPRENDRE DES TECHNIQUES POUR RÉUSSIR EN ACROSPORT
PAR D. CATY
L'aspect a c r o b a
tique de l'acrosport
constitue une des
par t icu lar i tés de
ce t te ac t iv i té et
sans d o u t e cel le
qui attire le plus les
é l è v e s . L 'auteur
p ropose u n e dé
marche au cours
de laquel le il dé
termine à travers
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niques, une partie
d e c e qu ' i l y a
à a p p r e n d r e en
acrosport. Il illustre
son propos a v e c
d e u x é l é m e n t s
b ien c o n n u s en
gymnas t ique : le
r e n v e r s e m e n t et
les rotations avec
appuis.
Ces deux actions interviennent largement dans les figures acrobatiques. Ce travail peut contribuer à renforcer la dimension acrobatique de l'acrosport scolaire trop souvent limité à des figures où la position verticale posturale n'est pas remise en cause.
DES TECHNIQUES À ENSEIGNER
Pourquoi mettre l'accent sur les techniques en acrosport ? Notre travail s ' inscrit dans les procédures de transmission des habiletés sportives, par la reconstruction et l ' intériorisation des techniques sportives [1]. Cependant, toute solution avancée n'est qu 'une modalité de fonctionnement, parmi d'autres possibles, qui « doit tenir compte des caractéristiques et des exigences du contexte dans lequel la solution devra être implantée » [2, p. 39]. Nous nous situons donc exclusivement dans le champ scolaire et en particulier au lycée, même si des techniques sont largement applicables au collège. Les activités techniques qui organisent les APSA scolaires sont « constituées par une a s soc ia t ion de
c o n n a i s s a n c e s r a i s o n n é e s et empi r iques , toutes éprouvées dans la pra t ique , qui assurent l'efficience des actions et permettent de concevoir, de réaliser, et d'utiliser des dispositifs à caractère technique » [3, p. 111]. Les repères avancés ont été construits à la fois lors de la recherche [4] mais aussi dans différents stages de formation initiale et continue. Le choix a été fait de se centrer sur des techniques où le corps de l 'élève, en interrelation avec un ou plusieurs autres corps, constitue le seul matériel. Qu'entend-on par technique ? Il s ' ag i t de « l ' e n s e m b l e des moyens transmissibles à mettre en œuvre , par l ' h o m m e , pour effectuer le plus efficacement une t âche mot r i ce donnée » [5 , p. 271]. « La préoccupation technique est un élément essentiel des pratiques corporelles [...] parce que la démarche pédagogique peut rarement y échapper » [ibid, p. 265]. Peut-on alors parler de techniques corporel les ? Pour Vigarello [6] les techniques corpore l l e s c o r r e s p o n d e n t à des manières de faire, des procédés visant l'efficacité. Ces techniques supposent d'abord une organisa
tion ra i sonnée , un ordre , une régulation du comportement. Mais elles supposent aussi transmission et description. Parfois connotées négativement dans certaines APS ces techniques constituent un passage incontournable de l ' appren t i s sage . Elles sont donc indissociables de la réussite et de la sécur i té . Lorsque ces techniques sont transmises, intériorisées, elles constituent une habileté [7].
DES TECHNIQUES DE PRISES À ADAPTER AUX PARTICULARITÉS DES ÉLÈVES
Les techniques avancées dans les exemples ci-après doivent être appliquées avec prudence, car la pensée technique doit composer avec de l 'incertain. El le doi t décrire et expliquer l 'ensemble du geste sans pourtant prétendre tout savoir [5]. Les repères sont amenés à varier selon les individus car le corps cons t i t ue le moyen et la finalité de l'activité. Ainsi, tel voltigeur placera ses appuis à un endroit précis sur le corps d'un porteur sans lui faire mal , a lors que le même point d'appui sera source de douleurs
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sur un autre porteur. La longueur des segments , le diamètre des m e m b r e s des ac rospor t i f s , la force développée par le porteur, la souplesse musculaire, la synchronisation des actions des porteurs et voltigeurs, les différentes morpholog ies des élèves sont susceptibles de faire varier les techniques de porter, les techniques de prise ou d'appui. « Le modèle est nécessaire pour abou t i r à la p lus p r éc i s e des explicat ions et il est en même temps inapte à varier ses applications » [5, p. 273]. Ces précautions prises, les solutions avancées r e s t en t v i a b l e s dans la plupart des cas.
DE L'ACROSPORT VERS LA GYMNASTIQUE
Comment aborder autrement les rotations ? Les f igures t r adu i sen t une démarche qui utilise l'acrosport pour aborder des réa l i sa t ions acrobatiques en rotation. La rotation en acrospor t requier t des quali tés identiques aux autres rotations. Toutefois, l 'élève ne prend plus forcément appui au sol pour engager l'action. La rotation avant ou arrière n'est plus déclenchée u n i q u e m e n t avec ma ins et/ou pieds en appui sur un sol stable, mais en s'appuyant sur des
surfaces instables et/ou déformées : le dos, les cuisses, les chevilles, etc. De plus, la rotation réalisée en relation avec un ou plusieurs partenaires s 'exécute souvent moins rapidement que si elle était réalisée seule. Cette exécution plus lente, ou avec une phase préparatoire modifiée, peut faciliter ou complexifier la tâche des élèves. Tous ces é léments peuvent perturber l'apprenant qui doit alors solliciter ses capacités d'adaptation. L'aspect innovant, l 'entraide du ou des partenaires permettent de faire tomber les blocages et de limiter les réticences des élèves.
Comment classer ces figures animées de rotations ? La t a x o n o m i e qui pe rme t de classer différentes figures s 'appuie sur deux postulats : si la f igure ne remet pas en cause l'équilibre vertical postural, elle n 'es t pas acrobat ique et toute figure statique doit être maintenue 2 à 3 secondes avant d'être démontée.
Qu'est-ce qu'une figure acrobatique ?
Pour De lanne t [8, p . 14] la dimension aérienne peut se traduire de « manière statique en recherchant le maintien de l'équilibre et de manière dynamique en
recherchant la maîtrise de l'équilibre ». Cet indicateur, souvent retenu pour qualifier une figure d'acrobatique, est-il bien adapté au milieu scolaire ? Pour certains spécialistes l'acrobatie se caractér ise « par une d ivers i té des appuis qui cor respondent à la multiplicité des zones de contact entre les partenaires » [9, p. 23]. Pour les arts du cirque l'acrobatie peut être « aérienne ou au sol » [10, p . 10], pour la fédération internationale de gymnastique le contact entre les partenaires doit être bref et un envol est obliga
toire. Dans le domaine scolaire si une figure acrobatique est une « ma î t r i s e du co rps dans un espace avec une prise de risque » [8, p. 14], elle doit, selon nous, comporter un renversement sans contact avec le sol (hors sol) . Ainsi, dans une figure acrobatique la figure complète implique deux impératifs :
- le renversement du voltigeur, c ' e s t - à - d i r e la rup tu re avec l'équilibre postural vertical, - le voltigeur doit, à un moment donné , être sans appui au sol (photo 1).
Une figure avec amorce de renversement du voltigeur (acrobatie immobile).
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P redresse le buste sans avancer le bassin dès que V approche les mains du sol.
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Э Les mains et les aiselles du V servent de point de rotation
36 POUR VOUS ABONNER AUX R E V U E S EP.S E T E P S 1 T E L 01 49 29 66 07 E M A I L abonnements-eps@publ ic is - fu l l .com Revue EP.S n°316 Novembre-Décembre 2005 c. Editions EPS. Tous droits de reproduction réservé
Une figure acrobatique mobile (sans appui au sol + renversement + mouvement du Pou V ou final dans un autre endroit ou une position qu'au départ).
Il s'agit en fait de bien montrer que l'acrobatie est synonyme de « situation inhabituelle à risque » [11, p. 11] et pas forcément liée à la dimension aérienne très limitée en milieu scolaire. Aussi, nous pensons que l'acrosport peut être un moyen supplémentaire offert aux enseignants pour tenter de faire évoluer la motr ic i té des élèves vers des formes « plus tournées (tourner), plus manuelles (se déplacer) et plus renversées (intégrer la verticale renversée) » [12, p. 18].
Une figure acrobatique mobile comprend porteur et/ou voltigeur en m o u v e m e n t en dehors du montage et du démontage de la figure. Le voltigeur et/ou le porteur doit enchaîner des actions avant le démontage pour assurer le succès de la figure. Le démontage ou le final de la figure se dé rou len t souven t à un aut re
endroit ou dans une autre position que son montage (photo 2). Dans les exemples suivants, les premières répétitions sont réalisées avec une ou deux aides qui contribuent à la réussite et assurent la sécurité. Toutefois, quand la nature de la réalisation et les compétences des élèves le permettront, l'enseignant incitera à faire disparaître l'aide active. Si le voltigeur ne peut se passer de l ' a ide (pour diverses ra isons) celle-ci devient alors partie intégrante de la figure, modifiant ainsi sa nature et sa difficulté. Les techniques i l lustrées dans les exemples ne constituent pas une progress ion l inéaire mais des situations à reprendre, voire à adapter.
Par convent ion « P » signifie porteur, « V » voltigeur, « D » indique droite et « G » gauche (tableaux 1, 2, 3 ,4) .
DE LA GYMNASTIQUE VERS L'ACROSPORT : UN EXEMPLE À TRAVERS LE RENVERSEMENT
Certaines figures acrobatiques (avec renversement et sans appuis au sol) sont maintenues avant d'être démontées. On parlera de figure acrobatique immobile quand
une figure, avec renversement et sans contact avec le sol, comprend un (ou plusieurs) porteur(s) et voltigeur(s) sans mouvement en deho r s du mon tage et du démontage (photo 3). Une figure acrobatique immobile est l'exemple type d'une réalisation qui implique la présence de nombreuses compétences gym-
Une figure acrobatique
immobile (sans appui
au sol + renversement
+ maintien).
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niques telles que : monter le bassin au-dessus des épaules en position renversée , main ten i r son corps tonique dans une posture choisie (corps indéformable). aligner les bras, tendre les jambes, f léchir les po in tes de p ieds , apprendre à verrouiller les articulations, placer la tête. La construction de la verticale renversée ne peut faire abstract ion des i n d i s p e n s a b l e s ressources gymniques telles que le gainage de la ceinture pelvienne. Le gainage. « c'est une contraction périphérique des muscles de la charnière du bassin, afin d'obtenir la solidarité entre le tronc et les membres infér ieurs . Il est indissociable d 'une bascule du bass in en ré t rovers ion » [ 1 3 , p. 64-70]. En ce sens certaines compétences de gymnastique au sol constituent « la colonne vertébrale de l'acrosport scolaire » [4, p. 226].
Le trépied reste une étape intéressante pour passer au renversement puis à l'ATR. Après avoir placé les mains et la tête, cet élément gymnique peut être réalisé en amenant le bassin au-dessus des épaules :
- en rapprochant progressivement les pieds vers les mains. - en lançant les jambes fléchies vers le haut après une pe t i te impulsion pédestre. En ra i son des s i tua t ions en contre-haut, l'élève devra le plus
souvent impulser pour amener le bassin au-dessus des épaules. Le renversement construit à partir d'une base d'appui (polygone de sustentation) peut être repris en acrosport en associant à la « base d 'appui » la notion de « point d'accrochage » sur ou à partir des segments du porteur. Ces points d ' a n c r a g e cons t i tuen t des moyens pour renforcer la relation tonico-tonique entre porteur et voltigeur. Pouvoir s'accrocher à un segment du porteur compense les condi t ions de réa l i sa t ions inhabituelles et plus difficiles qu 'au sol surtout quand l 'élève doit prendre appui sur un contre-haut (tableaux 5 et 6).
**
Les techniques avancées représentent quelques exemples types de ce que l ' on peut faire apprendre en acrosport au lycée à travers deux thèmes de travail : le renversement et la rotation (surtout arrière, mais des exemples similaires existent pour les rotations avant). Il ne s'agit pas de modèles à reproduire mais de techniques à adapter selon la morphologie, les ressources et l'expérience des élèves. Naturellement, certains éléments présentés peuvent constituer une base de travail pour le co l lège . N ' o u blions pas que l'apprentissage de ces techniques ne peut intervenir
que si les j eunes acceptent de coopérer pleinement, notamment en rentrant dans l'espace proche, voire int ime, du ou des autres élèves. Les réalisations doivent s ' a c c o m p a g n e r de parades et tenir compte du degré d'autonomie des jeunes, en particulier de leur capacité à respecter et appliquer précisément une consigne.
Didier Caty Docteur SLDS*,
Professeur agrégé d'EPS, Lycée Cournot.
BP 110 - Gray (70).
* Science du langage didactique sémio-tique.
Bibliographie
[1] Martinand J.L.. « La didactique des sciences et de la technologie et la formation des enseignants ». Aster. 19. 1994. p. 61-73.
[2] Van Der Maren J.-M.. La recherche appliquée en pédagogie. De Boeck et Larder. Bruxelles, 1999.
[3] Bouthier D. et Durey A., « Technologie des APS ». Impulsions. 1. 1994. p. 95-124.
[4] Caty D., « Des compétences gymniques aux compétences artistiques : vers une modélisation de l'acrosport scolaire ». Thèse de doctorat d'état non publiée. UFR des Sciences du Langage, de l'Homme et de la Société. École Doctorale. Besançon. 2004.
[5] Vigarello G. et Vivès J., « Technique corporelle et discours technique ». Culture technique n° 13. 265-273, 1985.
[6| Vigarello G.. Une histoire culturelle du sport. Techniques d'hier et d'aujourd'hui, Robert Laffont-EPS. Paris. 1988.
[7] Lcplat J. et Pailhous J., « L'acquisition des habiletés mentales : la place des techniques ». Le travail humain, 44 (2). 1981. p. 275-282.
| 8 | Delannet M.. Compte rendu de stage. Revue Hyper n° 165, 1989. p. 13-17.
| 9 | Charlier C . Robin J.-F.. Mauriceau E., Musard M-. S imon V , Berthelot C . « Acrosport. des outils d'analyse pour mieux l'enseigner » in Revue EP.S n° 305. janvier-février 2004. p. 17-40.
[10] Fouchet A.. Arts du cirque, collection de l'initiation au perfectionnement. Éd. Revue EP.S. Paris, 2002.
[11] Beuzelin D. et Delannet M., « L'acrosport, une innovation en milieu scolaire », AEEPS. Condé-sur-Noireau, 1988.
[12] Goirand P.. « Une problématique complexe : des pratiques sociales des APS aux contenus d'enseignement en EPS », Spirales, 1 (complément). 1987, p. 10-12.
[13] Carrasco R.. Essai de systématique d'enseignement de la gymnastique aux agrès, Vigot. Paris. 1972.
Bibliographie complémentaire
- Carlier G.. « Coopération dans les activités gymniques », in G. Carlier, Ph. Gérard. R. Obsomeret J.-P. Renard, (Eds.). Éducation physique et sportive, innovations pédagogiques en formation continue. De Boeck université, Bruxel les , 2002 . pp. 89-94.
- Huot-Moneta C. et Socié M, Acrosport, collection « De l'école aux associations », Éd. Revue EP.S. Paris, 1998.
- Roi Pons Th.. Acrosport retrouvé sur le site internet le 2 février 2 0 0 5 sur : http://www.ac-dijon.fr/pedago/eps/stafpc-htm, 1997.
Tous mes remerciements aux collègues et aux élèves qui ont gentiment accepté de participer aux premiers essais.
38 POUR VOUS ABONNER AUX REVUES EP.S ET EPS 1 TEL 01 49 29 66 07 E M A I L a b o n n e m e n t s - e p s @ p u b l i c i s - f f u l l . c o m
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