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Aprés la coqueluche de l'enfant, la coqueluche de l'adulte

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Page 1: Aprés la coqueluche de l'enfant, la coqueluche de l'adulte

Apr s la coqueluche de I'enfant, la coqueluche de I'adulte Nicole Guiso a,*

La coqueluche est une infection respiratoire bact~rienne strictement humaine, gravissime pour les nouveau-nes et pour les personnes a risque telles les personnes agees ou les femmes enceintes.

Cette maladie est une maladie r~cente puisqu'elle fut decrite pour la premiere fois en 1 578 par Guillaume de Baillou [14]. Lors de ses premibres descriptions, elle ~tait consid~ree comme une maladie p~diatrique bien que des infections chez I'adulte aient dt~ decrites. Ceci est dO au fait que I'incidence la plus ~lev~e etait observ~e chez les enfants entre 5 et 7 ans c'est-a-dire au moment o~J ils entraient en collectivitY. La mortalite etait tres ~levde sur- tout chez les nourrissons.

Les agents de la maladie sont les bact~ries Bordetella pertussis et parapertussis. Ce sont des bacteries extracel- lulaires, qui secr~tent plusieurs toxines et adh~sines res- ponsables des symptSmes observds Iors de la maladie.

Tres t6t apres la d~couverte de B. pertussis, un vaccin consti- tue de bacteries tu~es a ~te mis au point (appele vaccin coquelucheux entier ou Ce). La vaccination intensive des nourrissons et des jeunes enfants a permis une reduction tres importante de la mortalite et de la morbidite dans la plupart des pays d~velopp~s. Vingt ans apr~s I'introduction de la vaccination chez I'enfant, la maladie fut oubliee. En France, la vaccination g~neralis~e a ~te introduite en 1966 et la declaration obligatoire a ~te arr~tee en 1986. I'ensei- gnement en faculte de medecine et I'usage des diagnostics biologiques ont alors aussi beaucoup diminue [10]. Un changement de transmission de la matadie a cependant ensuite ~t~ observ~ dans ces r~gions vaccinees. En effet, la maladie n'etait plus observee chez les jeunes enfants, puisque vaccines, mais chez les nourrissons non vaccines de moins de 3 mois contamin~s par des adolescents ou des adultes.

D~s 1991, ce changement de transmission etait observe en France, a I'h6pital Trousseau [13] puis confirme Iors

[ ] Unit~ pr6vention et th6rapie mol~culaires des maladies humaines URA CNRS 3012- Centre national de rSf~rence de la coqueluche et autres bordetelloses Institut Pasteur 25, rue du Docteur-Roux 75724 Paris cedex 15

* Correspondance [email protected]

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d'une enqu~te nationale [2]. Le vaccin utilise en France ~tait montre efficace Iors de cette enqu~te nationale mais aussi Iors d'un essai clinique [19]. II ~tait montre que la duree de I'immunite vaccinale n'~tait que de 7 a 9 ans apr~s le rappel vaccinal recommand~ vers 2 ans [12]. Les adolescents et les jeunes adultes contaminaient donc les nourrissons non vaccines, en raison de la diminution de leur immunit6 au cours du temps en absence de rappel vaccinal.

II fut ensuite observe que I'immunit6 infectieuse ne dure gubre plus Iongtemps [20]. I 'explication la plus probable pour expliquer le changement de transmission est que dans une r~gion o~J les enfants ne sont pas vaccines, la circulation du germe est tres importante. Les enfants sont infect6s Iorsqu'ils entrent en collectivitY. Ensuite les adolescents et les adultes ont des rappels naturels, c'est-a-dire des contacts avec des personnes infectees tout au long de leur vie, et restent immuns. Lorsque I'on introduit la vaccination de tous les nourrissons et jeunes enfants, la circulation du germe diminue consid6rablement et les jeunes adultes ne sont plus immuns a Page d'avoir des enfants n'ayant eu ni rappel vaccinal, ni rappel naturel.

I'addition de rappel vaccinal a pu ~tre r~alisde Iorsque des vaccins coquelucheux sous-unitaires dits acellulaires (vaccins Ca) ont ~td mis au point. Ces vaccins Ca sont compos6s de 2, 3 ou 5 prot~ines bact~riennes purifi~es et inactivees. IIs ont ~te montres efficaces Iors de diff~rents essais cliniques [7]. IIs sont mieux tol~res et plus faciles a produire de fa?on reproductibte que les vaccins Ce mais plus on~reux. Des leur mise sur le marche en 1998, la France a pu introduire un rappel pour les adolescents a 11-13 ans.

En 1996, une surveillance a ~t6 mise en place (le r6seau RENACOQ), coordonn6e par I'lnstitut national de veille sanitaire (InVS), realis6e par 43 centres hospitaliers pddia- triques et le Centre national de reference de la coqueluche et autres bordetelloses cr~e en 1993 en raison du chan- gement de transmission de la maladie [3]. En 2002, une surveillance a ete mise en place et r~alis~e uniquement par des p~diatres de ville: le r~seau ACTIV [15].

En 2000, il est montr~ qu'en France la premibre cause de mortalit6 par infection bact~rienne chez les moins de deux mois est la coqueluche [9]. Pour cette raison, la France decide d'introduire un rappel vaccinal pour les jeunes adultes en age d'etre parent ainsi que pour le personnel hospitalier en contact avec des jeunes nourrissons. Ce rappel a pu ~tre possible en 2004 grace a la mise sur le marche de vaccins coquelucheux sous-unitaires a formulation adulte (vaccins ca), c'est-aodire contenant des prot~ines sembla- bles a celles des vaccins Ca pour enfants et adolescents mais a des doses moindres [1].

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La principale raison de la poursuite de la surveillance est le changement de vaccin puisque I'on remplace un vaccin Ce ciblant la bacterie entiere et les especes proches, par des vaccins Ca et ca, ne ciblant que la virulence et specifique d'une seule espece bacterienne, pertussis. I'augmentation de la couverture suffira-t-elle & contreler la maladie ? C'est une question & laquelle la surveillance devra repondre.

I'autre raison concerne le polymorphisme des isolats de pertussis et de parapertussis. II a pu 6tre montre, en par- ticulier avec les techniques de typage des bacteries et de genotypage des genes de structure des facteurs de virulence que les isolats de B. pertussis, bien que tres semblables, pouvaient 6tre separes en quelques groupes. Une hypothese est que la population bacterienne varierait, en particulier, en fonction de I'immunite de la population. De nombreuses ~tudes ont ete realis~es dans le monde et dans notre unite et il s'avere que les isolats semblables aux souches vacci- nales sont contreles et ne circulent plus actuellement. Seuls circulent des isolats differents des souches vaccinales. Ces isolats echappent & I'immunite de la population mais sont contrSles si la couverture vaccinale est ~levee [4, 5, 16]. Les differences entre les isolats sont principalement des pertes de materiel genetique par rapport aux souches vaccinales [6]. Cependant, ces pertes de materiel genetique ne touchent pas les g~nes codant les facteurs de virulence.

Outre un changement des isolats circulant, la vaccination des enfants a aussi induit une modification des signes clini- ques de la maladie. Lexpression clinique est variable selon les sujets et on distingue, dans les populations vaccinees, plusieurs formes cliniques. Celle des sujets non vaccines chez qui une phase dite catarrhale succede & une incubation comprise entre 10 et 20 jours. Cette phase est assimilee & une banale infection des voles aeriennes superieures, avec rhinorrhee, eternuements, injection conjonctivale et toux moderee. Pendant cette periode de 5 & 10 jours, le sujet est contagieux. La fi~vre est generalement absente ou moderee ne d~passant pas 38,5 °C. Apr~s cette phase catarrhale, apparaft la phase des quintes. ,&, la difference de la rhinopharyngite banale, la toux va progressivement se transformer pour devenir insistante emetisante, cyanosante, & predominance nocturne et devenir caracteristique par sa survenue de quintes [11]. La contagiosit6 diminue rapide- ment apres les premieres quintes qui peuvent durer de 3 & 4 semaines./~, la phase des quintes succ~de une phase de convalescence qui dure pendant plusieurs semaines.

Le nourrisson, de moins de six mois non vaccine, fait des formes severes dues & son jeune age. Les vomissements peuvent compromettre I'alimentation et peuvent induire une malnutrition ou une deshydratation. A cet &ge, le chant du coq est absent. La forme clinique decrite comme coque- luche maligne se traduit par une d~tresse respiratoire suivie d'une d~faillance polyviscerale accompagnee d'une lymphocytose majeure.

Dans une population oQ la couverture vaccinale est 6levee chez les jeunes enfants, la coqueluche touche maintenant les adolescents et les adultes avec une immunit~ r~siduelle (vaccinale ou naturelle). Ainsi, I'infection vase traduire par des tableaux de gravite extr~mement variables allant de la forme typique sous-decrite & une toux banale et parfois

de courte duree [11]. La coqueluche de I'adulte est une maladie le plus souvent meconnue et sous estimee.

Les diagnostics biologiques sont la culture, la PCR et la serologie. La culture est la methode de choix pour identi- fier la bacterie chez un sujet malade. La culture doit ~tre entreprise dans les deux premieres semaines de toux. Sa sensibilite est de 50 & 60 % dans la premiere semaine de toux mais diminue tr~s rapidement ensuite. La culture doit etre maintenue afin d'analyser I'evolution des isolats circulants. La PCR a I'avantage d'etre plus rapide (2 jours) et plus sensible que la culture (elle peut se pratiquer jus- qu'a 3 semaines apr~s le debut des quintes). Ses condi- tions precises sont maintenant ~tablies depuis la reunion de consensus [18]. Ce diagnostic n'est pour le moment pas rembourse en France, ce qui limite son emploi chez I'adolescent et I'adulte. La serologie est pr~cieuse pour rendre le diagnostic Iorsque celui-ci est pos~ plus de trois semaines apr~s le debut des quintes. Les taux d'anticorps maintenant mesur~s en routine sont ceux dirig~s contre la toxine de pertussis (PT). Ces taux sont mesures soit par immunoempreinte soit par technique immunoenzy- matique (ELISA). I'infection & B. pertussis est confirmee si des anticorps anti-PT sont detectes dans le serum d'un sujet non vaccine. En revanche, si le sujet a ete vaccine, la serologie ne pouvant faire la difference entre anticorps infectieux et vaccinaux, il est inutile de la pratiquer & moins de trois ans de la vaccination.

II est souvent inutile de pratiquer une serologie & un nour- risson de moins de six mois en raison des premieres vaccinations ou de la presence des anticorps maternels. Cependant, au moment de son hospitalisation, on peut comparer ie titre en anticorps de la m~re & celui de son serum pre-partum, qui est conserve par les laboratoires d'analyse au moins un an. Ceci doit ~tre realise que la m~re soit symptomatique ou asymptomatique. I'infection est confirmee s'il y a variation du taux d'anticorps entre les serums pr~ et post-partum. La technique ELISA de r~f~rence n'est realisee que par le centre de reference et n'est malheureusement pas remboursee.

Les macrolides constituent une arme tres efficace pour le contrele de la maladie et un compl~ment & la vaccination. Dans une coqueluche non traitee, la duree de la contagiosite est estimee & une vingtaine de jours. Sous antibiotique, les sujets sont consider~s non contagieux au bout de 5-7 jours. Cependant, si les antibiotiques sont prescrits au moment de la phase des quintes (ce qui est la regle pour te cas index), ils ne diminuent pas les symptemes et ne peuvent modifier le cours de la maladie. Au contraire, s'ils sont prescrits pendant la phase asymptomatique ou la phase catarrhale, ils modifient I'evolution clinique [8, 17]. En cas d'intolerance aux macrolides, le cotrimoxazole peut etre utilise [8, 17]. En plus de I'isolement des sujets malades, le traitement prophylactique des sujets contacts par 5 jours de macrolides est actuellement la seule prophylaxie recom- mandee pour I'entourage d'un sujet malade et contagieux (c'est-&-dire dans les trois premieres semaines de toux). I'efficacite de ce traitement est liee& la precocite de sa mise en oeuvre et & sa diffusion la plus etendue possible aux sujets concernes, en particulier les nourrissons non vaccines et les personnes &gees [17].

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