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KOWEÏT Face aux incessantes luttes de pouvoir et à la corruption généralisée, islamistes et libéraux s’unissent pour appeler à la refonte du régime en émirat constitutionnel INTERVIEW EXCLUSIVE Sameera Rajab, députée à Bahreïn, analyse la crise entre sunnites et chiites dans un pays toujours occupé par les forces du Bouclier de la Péninsule sur mandat du CCG Le mensuel du monde arabe et de la francophonie Fragilisé par le coût astronomique de ses mesures d’urgence, l’État doit vite réduire ses importations Entre dépenses sociales et prix des matières premières, le décit budgétaire atteint le seuil critique Belgique 4.46 - Luxembourg 4.74 - Suisse 8 FS - Grèce 4.11 - Antilles 6.86 - Réunion 6.86 - Canada 7.95 $ C - USA 5.90 $US - Maroc 25 DH Tunisie 2.5 DT - Liban 5 000 L - Arabie Saoudite 25 SR - E.A.U 25 DH - Koweït 2.75 DK - Côte-d’Ivoire 2 000 CFA - Sénégal 2 000 CFA - Mali 2 000 CFA Gabon 2 000 CFA - Guinée 6.86 - Afrique zone CFA 2 000 CFA - Comores 2 000 CFA - Djibouti 5.19 - Allemagne 6.20 - Italie 5.17 - Algérie 120 DA Séisme démocratique Tunisie Entre crise économique sans précédent, forte instabilité sociale et relations très tendues avec l’Europe, le pays doit choisir un avenir. Interviews exclusives de Radhi Meddeb (ADS) et Mustapha ben Jaafar (FDTL) M 03319 - 294 - F: 4,50 E ALGÉRIE Fragilisé par le coût astronomique de ses mesures d’urgence, l’État doit vite réduire ses importations MAROC Entre dépenses sociales et prix des matières premières, le décit budgétaire atteint le seuil critique

Arabies | October 2011

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KOWEÏT Face aux incessantes luttes de pouvoir et à la corruption

généralisée, islamistes et libéraux s’unissent pour appeler à la refonte du régime en émirat constitutionnel

INTERVIEW EXCLUSIVESameera Rajab, députée à Bahreïn, analyse la crise entre sunnites et chiites dans un pays toujours occupé par les

forces du Bouclier de la Péninsule sur mandat du CCG

Le mensuel du monde arabe et de la francophonieN°

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Fragilisé par le coût astronomique de ses mesures d’urgence, l’État doit vite réduire ses importations

Entre dépenses sociales et prix des matières premières, le déficit budgétaire atteint le seuil critique

Belgique 4.46 - Luxembourg 4.74 - Suisse 8 FS - Grèce 4.11 - Antilles 6.86 - Réunion 6.86 - Canada 7.95 $ C - USA 5.90 $US - Maroc 25 DH

Tunisie 2.5 DT - Liban 5 000 L - Arabie Saoudite 25 SR - E.A.U 25 DH - Koweït 2.75 DK - Côte-d’Ivoire 2 000 CFA - Sénégal 2 000 CFA - Mali 2 000 CFA

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Séisme démocratiqueTunisie

Entre crise économique sans précédent, forte instabilité sociale et relations très tendues avec l’Europe, le pays doit choisir un avenir. Interviews exclusives de Radhi Meddeb (ADS) et Mustapha ben Jaafar (FDTL)

M 03319 - 294 - F: 4,50 E

ALGÉRIEFragilisé par le coût astronomique de ses mesures d’urgence, l’État doit vite réduire ses importations

MAROCEntre dépenses sociales et prix des matières premières, le déficit budgétaire atteint le seuil critique

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SOMMAIRE

Octobre 2011 Arabies I 3

4 Points de vuePalestine : penser au lendemain

Pour le meilleur et pour le pire…

8 Coulisses

10 Interview exclusive : Sameera RajabDéputée au Conseil de la Choura et édito‑rialiste politique pour le quotidien Akhbar Al‑Khaleej, Mme Rajab revient sur les trou‑bles qui agitent Bahreïn et le monde arabe…

16 Koweït : Fortes turbulences annoncées Pour la première fois, les courants libéraux et islamiques appellent à l’établissement d’un émirat constitutionnel, à condition que le Premier ministre ne soit pas issu de la famille régnante…

22 Dossier Tunisie Le Big Bang démocratique aura‑t‑il lieu ?

23 Interview exclusive : Radhi Meddeb Le président de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipe‑med) présente les objectifs et le programme d’Action et développement solidaire (ADS).

26 Interview exclusive : Mustapha ben Jaafar

64 Entre nous

66 TribunePrintemps arabe, été libyen, hiver syrien…

POUVOIR

AVOIR

SAVOIR

40 Point de vueL’été de tous les dangers

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44 Sociétés ManagersAli Mhiri, Tunisie. Ali Tarhouni, Libye. Issad Rebrab, Algérie. Amani Bourseli, Koweït.

46 Algérie : une facture saléeLes importations algériennes n’en finissent plus d’augmenter, avec un bond de plus

de 16 % en 2011. Et le budget qui leur est alloué a suivi le mouvement, en hausse de quelque 3 milliards de dollars cette année.

50 Royal Air Maroc, au bord du crashEn grande difficulté depuis le début de l’été 2011, la principale compagnie aérienne maghrébine, deuxième en Afrique après la South African Airways (SAA), songe de plus en plus à la privatisation.

54 Libye : Fonds libyens, l’épreuve de la transitionDurant des années, les fonds souverains libyens ont massivement placé les recettes de la rente pétrolière en Europe, en Afrique et aux états‑Unis. Mais la victoire du CNT pourrait changer la donne. Enjeux…

58 Maroc : Vers un déficit recordSous le poids écrasant du coût des matières premières et de l’augmentation des dépenses engagées par l’état pour lutter contre la grogne sociale, le déficit budgétaire (5,7 % du PIB) atteint un seuil critique…

62 Communication

Crédité d’une troisième place dans les son‑dages, le président du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) fait le point à quelques jours de l’élection…

30 Béji Caïd Essebsi, pas à pas… Vingt ans après avoir pris ses distances avec le régime Ben Ali, ce vieux compagnon de Bourguiba a été rappelé aux affaires en février dernier pour stabiliser un pays en marche vers la démocratie.

36 économie, l’état d’urgence Croissance et investissements en chute, tourisme en crise, industrie paralysée par les mouvements sociaux, tels sont les maux d’une économie exsangue. Plus que jamais, le temps presse…

SOMMAIRE

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4 I Arabies Octobre 2011

A l’heure où j’écris ces lignes, l’Autorité palestinienne clame haut et fort son intention de dé-

poser sa demande d’admission à l’ONU afin de faire reconnaître l’état de Palesti-ne. Israël s’inquiète et s’active pour que les états-Unis fassent usage, le moment venu, de leur droit de veto. Les Euro-péens, une fois de plus, sont tétanisés par l’instant et échouent à se faire entendre d’une seule voix.

Tout laisse à penser que nous nous di-rigeons vers un échec dont tout le monde sortira perdant, y compris les Palesti-niens. On peut également imaginer, ce qui serait d’une certaine façon pire, un arrangement de façade, à la dernière mi-nute, qui affaiblirait un peu plus encore l’autorité de Mahmoud Abbas et pourrait donner lieu à une explosion de violence dans les territoires occupés.

Je voudrais, du plus profond de mon cœur, être démenti par les événements et assister à l’ouverture de négociations di-rectes, sans préalable et sans exclusive, ayant pour but de fixer une fois pour tou-tes le statut final permettant la coexisten-ce pacifique d’Israël et de la Palestine. Seules de telles négociations mettraient un terme à dix-huit ans d’échec du pro-cessus de paix et permettraient de sor-tir d’un conflit qui dure depuis plus de soixante ans.

Pourtant, à l’évidence, nous allons vi-vre un nouveau psychodrame dont il ne sortira rien de bon. Cette paralysie de la Communauté internationale est le résul-tat d’une triple faillite.

Faillite personnelle de Barack Obama qui n’aura pas su gérer l’immense capi-

tal politique dont il disposait lors de son élection. Le président américain aura déçu les immenses espoirs qu’il avait suscités dans la rue arabe lors son dis-cours au Caire en 2009. Inconscience ou manque de courage, il n’aura pas remporté son bras de fer avec Benjamin Netanyahou qui, comme à l’époque de George W. Bush, dicte la politique amé-ricaine.

Faillite du gouvernement d’Israël qui sacrifie les intérêts de sécurité à long terme de l’état hébreu, sur l’autel d’une politique aveugle et injuste. Les droits du peuple palestinien sont incontesta-bles, l’aspiration des peuples palestinien et israélien à vivre en paix est partagée, la disponibilité des pays arabes à faire la paix avec Israël est reconnue. En refu-sant ce qui est inévitable, Benjamin Ne-tanyahou ne fait que fragiliser la position d’Israël.

Faillite, enfin, des Palestiniens qui ont été trop longtemps désunis, prêtant ainsi le flanc à toutes les manœuvres pour ne pas négocier. Il n’y aura pas d’état palestinien sans unité des Palestiniens. Au-delà de l’accord bien récent entre le Fatah et le Hamas, les dirigeants pales-tiniens doivent se rassembler et mettre un terme à leurs divisions. Ils doivent également renoncer sans équivoque à la

violence pour que leur volonté de paix ne puisse être mise en doute.

Face à ces perspectives bien sombres, nous devons penser au lendemain. Après tant d’années de prétendu processus de paix, il faut changer radicalement de mé-thode. La reconnaissance de l’état pales-tinien, veto américain à l’ONU ou pas, ouvre une perspective.

Comme je l’écris avec des collègues députés dans un projet de résolution de-vant l’Assemblée nationale française : « la demande de l’Autorité palestinien-ne, parfaitement justifiée en droit, pose les bases d’une négociation future équi-librée entre deux états internationale-ment reconnus, change les rapports de force, rétablit le peuple palestinien dans sa dignité et ses droits, et offre ainsi de nouvelles perspectives de paix pour la région ».

C’est pourquoi, la France et l’Union européenne ne doivent plus hésiter et re-connaître l’état palestinien comme l’ont déjà fait plus de 100 pays dans le monde. Nous devrons en tirer toutes les consé-quences, politiques, économiques et di-plomatiques, sur nos relations tant avec Israël qu’avec la Palestine. Nous joue-rons ainsi pleinement notre rôle pour amener les uns et les autres à négocier. Il en va de la justice. Il en va de la paix. n

Président de la chambre de commerce franco-arabe, ancien ministre des Affaires étrangères

Palestine : penser au lendemainPar Hervé DE CHARETTE

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L ’idéalisme des révolutions en égypte et en Tunisie – où la puissance de la rue a révélé la fragilité des régimes

en place – a ravivé les changements qui vont façonner l’avenir du monde arabe. La révolution inachevée en Libye dé-montre aussi à quel point le changement qui s’y dessine, sous nos yeux, est dan-gereux dans cette phase des printemps arabes.

Bien que le drapeau du Conseil na-tional de transition libyen (CNT) flotte à Tripoli, le leadership de ce dernier ne paraît pas homogène, mais plutôt opa-que. L’influence et les intentions des islamistes en son sein ne sont pas clai-res. Pendant ce temps, l’étau se ressert autour de Kadhafi.

Il n’y a pas un soulèvement qui res-semble à un autre… On retrouve la com-plexité de la révolution libyenne en Syrie et surtout au Yémen, ce qui laisse suppo-ser que la transition de ces pays vers un nouvel ordre risque d’être houleuse.

Aujourd’hui, les incertitudes demeu-rent. Plusieurs pays risquent de se retrou-ver confrontés soit à un statu quo insou-tenable, soit à la poursuite des combats, ou encore au vide du pouvoir qui peut les rendre ingouvernables.

Au Yémen, les islamistes contrôlent leur propre territoire. à travers la région, les répercussions de ces soulèvements posent la question du contrôle du pétro-le, de l’influence de l’Arabie Saoudite, de l’état de « ni guerre ni paix » entre Is-raël et Palestine et du maintien de l’ordre aux dépens des libertés.

Kadhafi a perdu le pouvoir, les états-Unis et l’Europe ont appelé Bachar al-

Assad à démissionner, le président du Yémen promet de rentrer de son exil momentané en Arabie Saoudite, et les relations entre Israël et l’égypte, entre Israël et la Turquie, tournent à la crise…

On assiste indéniablement à un trans-fert de pouvoir dans nos sociétés et un nouvel ordre se dessine dans toute cette région. Israël doit se préparer à faire face aux retombées des révolutions arabes : la politique étrangère des pays arabes reflète le sentiment très profond chez les peuples d’un soutien aux Palestiniens ; les salafistes émergent au grand jour en égypte, en Syrie et en Libye.

Comme dans toutes les révolutions, il est plus facile de renverser les dictateurs que de bâtir l’avenir. Aujourd’hui, rien n’est sûr, pas plus en égypte qu’en Tuni-sie. Ces événements doivent nous rappe-ler que la révolution française a débou-ché sur un nouvel ordre, de nombreuses années après son début.

La prochaine ère verra batailles et conflits entre différents acteurs qui ten-teront de s’éliminer, les uns les autres, pour affirmer leur existence sur la scène politique.

La révolution iranienne qui remonte à 1979 a été suivie d’une guerre contre l’Irak qui a duré huit ans.

On a assisté plus tard à la naissance du Hezbollah au Liban et on a vu des musul-mans chiites se politiser à travers toute la région du Golfe.

Le monde arabe se trouve aujourd’hui au carrefour de cinq révolutions : tuni-sienne, égyptienne, libyenne, syrienne, yéménite. Parfois, pour déloger un tyran sanguinaire, l’instabilité est un mal né-cessaire…

Pour l’instant, la révolution libyenne est incertaine. On commence à établir un parallèle entre Kadhafi et Saddam Hus-sein… Lequel, avant sa chute, a semé les divisions qui ont conduit à la guerre civile en Irak. Les conséquences de la si-tuation laissée par Saddam Hussein ont été sous-estimées par les Américains et les Occidentaux, qui ont commis d’énor-mes erreurs d’analyse et de stratégie.

Il est vrai que la Libye post-Kadhafi a quelques points communs avec l’Irak post-Saddam Hussein.

On n’a pas le sentiment aujourd’hui que les Libyens soient réellement maîtres de leur destin. L’intervention de l’Otan n’a pas donné à leur révolution l’éclat des ré-volutions égyptienne et tunisienne.

La Libye devra sans doute payer le prix de son avenir à la France, à la Gran-de-Bretagne et à d’autres pays. n

Spécialiste de politique étrangère, consultant pour CNN, NBC, MSNBC, BBC, BBC World, Al-Arabiyawww.christian-malard.com

Pour le meilleur et pour le pirePar Christian mAlArd, éditorialiste sur France 3

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8 I Arabies Octobre 2011

IRAN La succession occidentaleLes entreprises étrangères qui avaient quitté l’Iran, après l’ap‑plication de sanctions écono‑miques par les Occidentaux, pourraient être rapidement remplacées par des organismes issus des Gardiens de la Révo‑lution. En effet, le ministre du Pétrole, Rostam Ghasemi, a annoncé que la société Khatam al‑Anbiya (« Le Dernier des prophètes ») a d’ores et déjà succédé aux firmes françaises, allemandes, espagnoles et ja‑ponaises dans les domaines du pétrole et du gaz. Cette société iranienne est considérée comme le « bras industriel » des Gar‑diens de la Révolution. Créée en 2001, dans le cadre d’une vision stratégique pour dévelop‑per les choix de la République

islamique, Khatam al‑Anbiya est vite devenue incontourna‑ble. D’autant qu’elle dépend directement du guide spirituel, l’ayatollah Ali Khamenei. Ses activités se concentrent dans les industries lourdes (construction de tunnels, routes, autoroutes et ponts), en plus d’une récente intervention dans le secteur des hydrocarbures. La société ira‑nienne participe actuellement à des projets que la compa‑gnie anglo‑néerlandaise Royal Dutch Shell et la française Total conduisaient sur le champ géant de Pars‑Sud. Chef des Gardiens de la Révolution, le général Mohammed Ali Jafari a justifié ces attributions en rappelant que la diversification des risques, même économiques, figurait parmi les rôles dévolus aux Gar‑diens de la Révolution.

LIBAN Jama’a versus Al-MoustakbalLe parti Al‑Moustakbal de l’ex‑Premier ministre libanais Saad Hariri – qui réside, depuis plus de six mois, avec ses pro‑ches collaborateurs en dehors du Liban – ne cesse de perdre du terrain et des partisans ! Et c’est le mouvement islamique de la Jama’a Islamiya – pour‑tant son allié lors des dernières législatives – qui en profite, surfant sur les erreurs commi‑

ses par les dirigeants du « cou‑rant bleu ». Notamment dans la ville de Saïda, fief des Hariri, et dans les régions sunnites fron‑talières avec la Syrie (Akkar, Bekaa). Une montée en puis‑sance nettement favorisée par le gel des aides sociales ainsi que par le retard de paiement des employés et cadres des ins‑titutions liées à Al‑Moustakbal, qui paye très cher son éviction du pouvoir par le Hezbollah et ses alliés au gouvernement.

D’autant que les réseaux de la Jama’a Islamiya multiplient les aides sociales et les contacts politiques avec tous ceux qui affichent leur mécontentement au sein du mouvement de Ha‑riri. Parallèlement, l’actuel Premier ministre, Najib Mikati, travaille en profondeur et sans tapage médiatique à écarter graduellement les « hommes » de son prédécesseur des postes clés de l’Administration. Une tendance qui paraît difficile à endiguer sans un retour à Bey‑routh de Saad Hariri.

LIBYELa règle tribale Les forces rebelles ont ar‑rêté à Tripoli deux dirigeants de l’ancien régime de Kad‑hafi – le ministre des Affaires étrangères, Abdel Ati al‑Obei‑di, et le patron des services du renseignement extérieur, Abou Zeid Omar Dorda – avant de les remettre « avec tout le respect possible » à la direction politique du Conseil national de transition (CNT). Une information qui a surpris les correspondants des médias internationaux présents dans la capitale libyenne.

Le Premier ministre, Ma‑hmoud Jibril, a ordonné que les prisonniers soient placés sous résidence surveillée. Des sources concordantes à Tripoli ont précisé à Arabies que cette mesure vise à assurer leur pro‑tection, alors même que celle de la ville n’est toujours pas rétablie… Ces sources ajou‑

tent que le CNT aurait confié à des combattants issus de leurs propres tribus le soin de veiller à leur sécurité et à celle de leurs familles. Ce compor‑tement n’a rien de surprenant lorsqu’on sait qu’Abdel Ati al‑Obeidi est issu de la tribu Al‑Obeidate – comme le gé‑néral Abdel Fattah Younès, ministre de la Défense du CNT assassiné par un groupe d’opposants islamistes –, qui figure parmi les plus impor‑tantes de la région Est. Quant à Abou Zeid Dorda, il est lui aussi issu d’une tribu influen‑te, celle des Al‑Roheibate.

TURQUIE/ISRAëLBras de fer sous contrôleLa tension monte chaque jour entre Ankara et Tel‑Aviv. Mais les experts estiment que les relations n’atteindront pas le point de non‑retour. Pour eux, la réconciliation restera possible tant que la coopération militaire ne sera que suspendue (et non annulée) et que les échanges commerciaux, qui devraient avoisiner 5 milliards de dollars à la fin de 2011, continueront à se développer. D’autant que leur allié commun américain ne permettra en aucun cas une confrontation qui pourrait nuire à ses intérêts stratégiques.

Même si le Premier ministre turc, Reçep Tayyip Erdogan, a annoncé lors d’une visite au Caire, le 13 septembre dernier, que son pays votera pour la création d’un état palestinien, cela n’implique pas qu’An‑kara s’engage plus avant contre l’état hébreu. à la demande du président américain, Barack Obama, Erdogan a d’ailleurs annulé sa visite à Gaza.

Voilà qui montre les limites de ce bras de fer qui, malgré la tension et les déclarations hou‑leuses, présente peu de risques de débordements.

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Après les émeutes de la ma‑jorité chiite, comment éva‑luez‑vous la situation à l’in‑

térieur du royaume de Bahreïn ?Avant de répondre à cette question, il importe d’éclaircir un point im‑portant lié à l’expression « majo‑rité chiite », qui sous‑entend tout d’abord que la majorité des Ba‑hreïnis sont chiites, et ensuite que cette majorité est derrière les émeu‑tes qui ont eu lieu du 14 février au 15 mars 2011 dans le but de ren‑verser le régime. L’expression de « majorité chiite à Bahreïn » est

comparable à celle qu’utilisaient certains Irakiens à l’étranger, avant l’occupation anglo‑américaine de l’Irak. Et les services secrets bri‑tanniques et américains ont, à leur tour, travaillé à promouvoir cette expression.

Par la suite, les occupants anglo‑américains ont apporté leur soutien au parti chiite Dawa, afin qu’il puisse gouverner. Ce dernier est au pouvoir depuis neuf ans, et l’on s’attend à ce qu’il y demeure longtemps, tant qu’il sera soutenu par la puissance américaine. En

outre, les membres de Dawa sont devenus députés, ministres, prési‑dents d’universités et directeurs. Ils contrôlent tout le pays. Ainsi, de nouvelles dictatures se font jour dans la région.

Il n’existe aucune statistique dans l’histoire du pays qui permette d’affirmer que les chiites consti‑tuent la majorité des Bahreïnis. Par ailleurs, les événements de février et mars derniers ont confirmé cette opinion, car durant les deux derniè‑res semaines, les chiites radicaux contrôlaient la capitale par la force.

« Le régime représente une légitimité »Députée au Conseil de la Choura et éditorialiste politique pour le quotidien Akhbar Al‑Khaleej, Sameera Rajab revient sur les troubles qui agitent Bahreïn et le monde arabe…

chiites« Les chiites radi‑

caux demeurent renfermés et

refusent toute sorte de dialogue national qui pourrait exposer

leurs positions »

Propos recueillis par C. MALARD

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Les trois derniers jours, ils se sont déployés en dehors de la capitale, alors que les forces de sécurité se retiraient des rues pour donner une chance de réussite à l’initiative de dialogue entreprise par le prince héritier… Mais malgré cela, le plan de ces émeutiers radicaux n’a pas réussi. Ainsi, les allégations liées à une prétendue « majorité chiite » sont des contre‑vérités propagées par le mouvement chiite radical à Bahreïn, dont les médias occiden‑taux se sont fait l’écho…

Je dois dire que la situation à Bahreïn n’est pas tout à fait stable, puisqu’il existe des groupes de ra‑dicaux et d’émeutiers qui sortent encore la nuit dans certains villages et qui causent des émeutes dans ces régions. Ces manifestants agres‑sent délibérément les forces de l’ordre, qui ont déploré récemment plusieurs morts et blessés… Ils re‑présentent des groupuscules de 5 à 25 personnes, dont la moyenne d’âge varie entre 12 et 16 ans. Se‑lon mes observations personnelles, ils se regroupent dans différents en‑droits durant plusieurs nuits.

Le gouvernement a adopté plu‑sieurs types de comportement avec ces groupuscules, allant de la confrontation directe à la poursuite du dialogue en passant par l’accé‑lération du processus de réformes démocratiques.

Où en est actuellement la tenta‑tive de réconciliation nationale entre chiites et sunnites ?Afin de répondre à cette question, il convient de revenir un peu sur le passé, pour connaître les exigences des chiites radicaux à Bahreïn. Ils veulent en priorité un changement de régime. Toutefois, pour les Ba‑hreïnis, le régime représente une lé‑gitimité nationale qui protège toutes les confessions et religions, qu’elles soient sunnite, chiite ou autre. Ain‑si, le changement d’un quelconque critère dans la forme de ce régime conduirait à un autoritarisme des confessions, et par la suite à des

confrontations dangereuses pour la sécurité. C’est pourquoi les Ba‑hreïnis insistent sur le fait que cette demande n’a rien à voir avec la dé‑mocratie revendiquée par les radi‑caux. Elle vise plutôt à permettre à l’islam politique chiite de parvenir au pouvoir.

Un autre point important est que les radicaux considèrent que le contexte régional soutenu par les Américains est à leur avantage. En d’autres termes, ils traversent une période de l’histoire pendant la‑quelle ils se doivent de faire aboutir leurs exigences, avant que n’émer‑ge un contexte moins favorable… C’est pourquoi les chiites radicaux demeurent renfermés et refusent toute sorte de dialogue national qui pourrait exposer leurs positions et afficher le refus de leurs demandes par le peuple bahreïni. Sur cette base, la réconciliation nationale entre sunnites et chiites traverse des hauts et des bas, sans avoir en‑core obtenu de résultats positifs. Peut‑être le point le plus positif tient‑il au fait que le peuple bahreï‑ni persiste à refuser toute forme de confrontation et de violence.

L’Iran essaie‑t‑il de déstabiliser

Bahreïn et le reste des pays du Golfe ? De mon point de vue, l’Iran repré‑sente la menace directe dans la ré‑gion, mais ce n’est pas la seule… Il en existe une plus dangereuse en‑core : il s’agit du projet américain d’un nouveau Moyen‑Orient. Ce dernier peut se résumer par le sou‑tien de l’Administration américaine à la création de micro‑états confes‑sionnels et ethniques dans la région, sous le prétexte de répandre la dé‑mocratie et de soutenir les droits confessionnels et ethniques.

Oui, l’Iran tente de créer le chaos et de porter atteinte à la sécurité et à la stabilité dans la région. Cela en imposant l’hégémonie chiite dans notre pays à travers un soutien ap‑porté à l’islam politique chiite.

Après neuf ans d’occupation en Irak, tout ce qui a émergé – comme la coopération entre Américains, Britanniques et Iraniens qui vise à changer la carte politique et dé‑mographique selon les intérêts de l’Iran – confirme que le rôle iranien à Bahreïn et dans le golfe Arabique est soutenu par les Américains… L’argument américain le plus dan‑gereux, aujourd’hui, tient à de prétendues craintes de répercus‑

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isRAëL« Le hamas et

le hezbollah ont réussi à diviser les Palestiniens et les

Arabes, à l’avantage d’israël »

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sions des événements de Bahreïn (contre les chiites) sur la sécu‑rité des soldats américains en Irak. Cela du fait que les Américains ont payé d’ énormes sommes à Ali Sis‑tani et aux Iraniens pour protéger leurs soldats en Irak. Les Améri‑cains courent après leurs intérêts et ne disent pas la vérité aux médias en déclarant que leur Administra‑tion défend les intérêts des peuples dans la région.

Pensez‑vous que l’Iran essaie de provoquer un conflit plus étendu au Moyen‑Orient en opposant chiites et sunnites ?L’Iran est habile dans le jeu poli‑tique dans la région. D’une part, il soutient les Frères musulmans à travers le mouvement Hamas (sunnite) à Gaza ; et d’autre part, il associe ses intérêts à ceux du parti Hezbollah (chiite) au Liban sous prétexte de résister à Israël. Tous les Arabes savent pourtant bien que ces deux organisations ne représen‑tent aucune résistance, mais qu’ils travaillent plutôt à y mettre fin… Et ces deux partis ont réussi à divi‑ser les Palestiniens et les Arabes, à l’avantage d’Israël.

Ainsi, l’Iran joue ces deux car‑tes pour montrer que sa révolution soutient tous les mouvements de li‑bération. Alors que, en réalité, le ré‑gime de la république – persane et chiite – de Khomeiny est très hos‑tile aux sunnites et aux Arabes…

Provoquer l’agitation interne dans les pays arabes en général, et dans les états du Golfe en particu‑lier, est l’un des premiers objectifs de l’exportation de la révolution iranienne annoncée par l’ayatollah Khomeiny en 1979. C’est stipulé dans la Constitution de la Républi‑que islamique d’Iran. C’est pour‑quoi la région du golfe Arabique connaît une situation instable de‑puis 1979.

En tenant compte de cette insta‑bilité dans la région, est‑il néces‑saire que les forces de protection du Bouclier de la Péninsule, qui regroupent les moyens militaires des pays du Conseil de coopéra‑tion du Golfe, soient maintenues dans le royaume ?Les forces du Bouclier de la Pé‑ninsule sont une armée commune du Golfe. L’un de ses principaux objectifs est la protection de la sé‑

curité et de la stabilité dans la ré‑gion. Bahreïn y participe à travers des soldats de l’armée bahreïnie. C’est pourquoi le redéploiement de ces forces à Bahreïn ne constitue aucun danger ou problème pour les Bahreïnis. Ces forces peuvent aussi être redéployées dans n’importe quel autre pays du Golfe…

Les mensonges propagés à pro‑pos de cette présence militaire du Bouclier de la Péninsule à Bahreïn ne sont qu’un projet dirigé contre les pays de la région, à l’avantage de l’Iran et du mouvement chiite… Il est étrange que nous n’ayons en‑tendu aucune critique à propos de l’intervention des forces de l’Otan en Libye, sans l’autorisation du Conseil de sécurité… Cela alors que ces mêmes forces ont eu re‑cours à toutes sortes de violences, de bombardements et de tueries à l’encontre des Libyens. Il y a un blackout médiatique à propos du nombre de civils libyens tués du‑rant ces bombardements.

Dans le même temps, les forces du Bouclier de la Péninsule sont critiquées alors qu’elles poursui‑vent l’un des objectifs les plus im‑portants qui ont motivé leur créa‑

Le 22 février dernier, plus de 100 000 manifestants ont envahi les rues de Manama et la place de la Perle, devenue le symbole de la contestation à Bahreïn.

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tion. Or, elles ne sont pas, à ce jour, intervenues dans les affaires inté‑rieures de Bahreïn. Tout ce qu’elles font, c’est protéger les institutions vitales ainsi que les frontières ter‑restres, maritimes et aériennes, par crainte d’une éventuelle interven‑tion surprise iranienne contre Ba‑hreïn.

Comment voyez‑vous l’avenir des révolutions du printemps arabe en Tunisie, en égypte, en Libye et en Syrie ? Et quel peut être leur impact sur la région ? D’abord, je voudrais dire que l’ex‑pression « printemps arabe » a été initialement introduite par le prési‑dent Obama. Il ne s’agit donc pas d’une expression arabe, surtout après les effets négatifs qui en ont découlé et qui ont en réalité consti‑tué un dangereux chaos plutôt que des révolutions…

Ce qui s’est passé en Tunisie demeure à ce jour entouré de nom‑breuses ambiguïtés et ne peut être appelé « révolution »…

Les événements qui ont eu lieu en égypte continuent d’interagir et de mener le pays vers plus de chaos, de pauvreté et de dictature… Cela va créer un terrorisme religieux et un clivage qui pourrait mener à la

division du pays entre les religions. Quant au fait que quelques Li‑byens, qui ont été formés en Europe et aux états‑Unis, soient entrés dans les palais de Kadhafi sous la protec‑tion de l’Otan, on ne peut certaine‑ment pas en parler comme d’une « révolution ». Une révolution ne vient en aucun cas de l’extérieur…

Ce qui est fait grâce à une puis‑sance étrangère n’est rien d’autre qu’une reconstitution de nouvel‑les dictatures dans la région. Que ce soit en Tunisie, en Syrie ou au Yémen, cela n’a aucun lien avec les populations opprimées qui endurent maintenant plus de souf‑frances à cause du chaos continu. Et l’on ne peut pas nier l’effet de cette situation sur la région du Golfe…

Diriez‑vous que les trois cancers du Moyen‑Orient sont l’intran‑sigeance israélienne ; la menace nucléaire et le désir d’expansion au Moyen‑Orient de l’Iran ; et le manque de fiabilité du régime au Pakistan ?Dans notre monde arabe, et non au Moyen‑Orient, il existe diffé‑rents problèmes et questions. à ma connaissance, ils n’ont rien à voir avec le Pakistan, à part le pré‑

tendu terrorisme dont ce pays est infecté…

Quant au facteur commun entre la menace nucléaire et l’expansion iraniennes, le danger israélien et la situation du régime pakistanais au Moyen‑Orient, il s’agit de la lutte internationale pour le pouvoir.

Cette dernière a été relancée après la fin de la guerre froide et c’est elle qui définit les centres de menaces et la manière de les traiter…

Les états‑Unis ont déclaré, de‑puis le 11‑Septembre, l’émergence de la menace terroriste pour rem‑placer la menace communiste. Ils ont ainsi déclaré la guerre au ter‑rorisme pour remplacer la guerre froide. Et ils ont défini la région d’Eurasie qui s’étend de l’Afgha‑nistan à l’érythrée comme étant au cœur de cette guerre, alors qu’il s’agit de l’axe principal des sour‑ces de pétrole et des routes néces‑saires à son acheminement…

Ce sont les états‑Unis qui ont dé‑cidé que le Moyen‑Orient avait be‑soin de changement. Ainsi, ce qui se passe dans la région depuis 2001 n’est en réalité qu’un ensemble d’« opérations chirurgicales » des‑tinées à changer la région par la force, sous le prétexte de soutenir la démocratie.

La vérité n’est plus un mys‑tère : les états‑Unis et les an‑ciens pays coloniaux européens entreprennent ces « opérations » afin de s’assurer le contrôle di‑rect des sources de pétrole, de préserver leur puissance dans le système international et de sau‑ver une économie occidentale menacée d’effondrement… Il ne s’agit que de lutte internationale pour le pouvoir.

Dans ce schéma, l’Iran et Israël sont considérés comme de simples pièces d’échecs utilisées par l’Ad‑ministration américaine selon ses intérêts.

J’espère que ma réponse à cette dernière question aura été bien comprise, car une réponse plus di‑recte ne servirait pas la vérité. n

égyPte« Les événements qui ont eu lieu en

égypte continuent à interagir et à mener

le pays vers plus de chaos, plus de

pauvreté et plus de dictature »

iRAn« L’iran tente de

créer le chaos et de porter atteinte à la sécurité et à

la stabilité dans la région en imposant l’hégémonie chiite dans notre pays »

Son enfant dans les bras, une Iranienne manifeste à Téhéran son soutien aux opposants bahreïnis.

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POUVOiR inteRView excLUsiVe

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AU-DELÀ DE L’INFORMATIONL’ACTUALITÉ INTERNATIONALE 24H/24

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Le 15 août dernier, le chef ce l’état du Koweït, cheikh Sa‑bah al‑Ahmad al‑Sabah, est

monté au créneau pour tirer la sonnette d’alarme. Il voulait ainsi prémunir son très riche émirat pétrolier contre les secousses qui

pourraient émaner d’une conta‑gion du printemps arabe.

Dans l’objectif d’anticiper les revendications politiques et so‑ciales d’une jeunesse révoltée, toutes tendances confondues ou presque, cheikh Sabah a appelé le

gouvernement à entreprendre une série de réformes, notamment au plan économique. Ce n’est ce‑pendant pas la première fois que ce dernier met en garde toute la classe politique – loyalistes et opposants – contre les risques

Fortes turbulences annoncéesPour la première fois, les courants libéraux et islamiques appellent à l’établissement d’un émirat constitutionnel, à condition que le Premier ministre ne soit pas issu de la famille régnante…

ANTICIPATIONLe cheikh Sabah,

chef de l’état, a appelé le gouverne‑

ment à entreprendre rapidement une

série de réformes

Par Pierre FAUCHART, Koweït

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auxquels est confrontée l’écono‑mie koweïtienne. Il y a quelques mois, il avait déjà attiré l’attention sur les résultats des déséquilibres structurels, plus particulièrement la dépendance du budget de l’état aux revenus pétroliers à hauteur de 90 %.

Le chef de l’état a aussi laissé entendre qu’il n’est plus possible de consacrer une grande partie de ce budget aux salaires des fonc‑tionnaires du secteur public.

Enfin, l’émir a haussé le ton pour stigmatiser la stagnation du plan de développement décidé par le gouvernement, qui com‑prend des projets dont le coût est estimé à 30 milliards de dinars (110 milliards de dollars). Responsabilité. Cheikh Sabah entendait ainsi faire porter la res‑ponsabilité de cette situation à l’opposition et à ses alliés au Par‑lement, lesquels ont réussi en juin dernier à obtenir la démission d’Ahmed al‑Fahd al‑Sabah, vi‑ce‑Premier ministre des Affaires sociales et ministre d’état pour le Développement qui avait été choisi par une aile de la famille, sans l’aval de l’autre… De ce fait, ces projets ont été mis en sommeil et les dépenses publiques ont ré‑gressé, entraînant le pays dans la spirale de la récession.

Parallèlement, la Bourse de Koweït voit son indice baisser de‑puis des mois. Ce que les analys‑tes financiers koweïtiens qualifient d’« hémorragie quotidienne ».

Mais le plus grave, ce sont les pertes enregistrées par ce mar‑ché financier après que Stan‑dard & Poors a fait baisser la notation AAA des états‑Unis. Certains intermédiaires à la Bour‑se de Koweït affirment ainsi que l’état et plusieurs grands inves‑tisseurs auraient perdu des dizai‑nes de milliards à Wall Street…

L’entrée du Koweït en zone de turbulences a commencé il y a plus de trois ans avec le « sa‑crifice » de Fahd al‑Sabah, pour‑

tant cousin de l’émir du pays. Une conséquence du conflit qui l’opposait au Premier ministre, Nasser al‑Mohamed al‑Sabah, lui‑même gendre du monarque.

Cela a évidemment créé des tiraillements au sein du Ma‑jlis al‑Oumma (le Parlement) et même jusque dans la rue, où cette démission forcée faisait dire iro‑niquement : « au Koweït, seule la famille régnante peut dévorer ses enfants »…

Concurrence et conflits entre les membres influents de la fa‑mille régnante Al‑Sabah ont cer‑

tes toujours existé, mais cela se limitait jusqu’alors à une lutte de pouvoirs entre les différentes ailes de la famille. Notamment,

Le pays souffre de gros déséquilibres structurels, notam‑ment la dépendance du budget de l’état aux revenus pétroliers à hauteur de 90 % dé

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L’emblème du Parlement koweïtien.

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entre les factions Al‑Salem et Al‑Ahmad, toutes deux issues du « sang pur » des Al‑Sabah. Toutefois, jamais ces frictions ne s’étaient transformées en lutte ar‑due, dépassant les lignes rouges définies par la famille. Jusqu’à ce que la branche Al‑Ahmad ac‑capare la majorité des postes clés de l’émirat.

Un autre signe fort de cette pé‑riode délicate tient au retour du citoyen koweïtien à des « piliers sociaux » comme la communauté religieuse (sunnite et chiite), la tribu et la famille. Ce qui tendrait à affaiblir l’esprit et les courants de la démocratie.

Voilà comment la famille ré‑gnante Al‑Sabah perd, au fil des jours, la confiance de la popu‑lation. Et la corruption qui s’est

enracinée à tous les niveaux de l’économie durant la dernière décennie n’arrange rien…. C’est ce phénomène, particulièrement encouragé par une aile du pou‑voir, qui a conduit la jeunesse à manifester dans la rue, le 16 sep‑tembre dernier, pour appeler à la démission du gouvernement et à l’établissement d’un émirat constitutionnel… contre‑pouvoir naissant. Ce mouvement est d’autant plus à prendre au sérieux que la classe moyenne, très importante dans la société koweïtienne, s’est ralliée à cette jeunesse. La famille Al‑Sa‑bah a pourtant tenté de récupérer ce contre‑pouvoir naissant, en lui accordant des avantages et un bien meilleur pouvoir d’achat. En vain…

Depuis, cependant, le vent du printemps arabe semble avoir poussé le pouvoir à reconsidérer sa position. Une augmentation des salaires à hauteur de 30 % se‑rait ainsi à l’étude, comme l’avait fait l’émir du Qatar à la veille du ramadan. Un remède qui présente‑rait toutefois très peu de garanties. Car cette jeunesse et ses alliés de la classe moyenne sont déterminés à aller encore plus loin dans leurs revendications.

En appelant à la démission du gouvernement et à l’établissement d’un émirat constitutionnel, les pro‑testataires ont affiché leur volonté de partager le pouvoir et de redistri‑buer, au moins en partie, richesses et revenus à la population.

Cela pose de nombreuses ques‑tions. Le cas échéant, la fa‑

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DéCHIRUREToutes deux issues

du sang des Al‑Sabah, les

factions Al‑Salem et Al‑Ahmad ne ces‑sent de se déchirer

pour le pouvoir

Avec la baisse de la notation AAA des états‑Unis, l’émirat aurait perdu des dizaines de milliards de dollars à Wall Street.

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Premier Hôtel TunisienNominé pour le titre

The Best Hotel in Africa

Prix Villégiature Awards 2011

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simple carte utilisée par la famille régnante pour consolider ses po‑sitions et renforcer sa mainmise sur l’émirat. pression irakienne. Au niveau in‑ternational, on assiste aussi à des tensions naissantes. Notamment après que le Koweït a annoncé la construction du port Moubarak. Car le gouvernement irakien esti‑me que cela met en péril son éco‑nomie. D’ores et déjà, Bagdad a menacé de prendre des mesures si ce projet touchait ses intérêts. Le Premier ministre irakien, Nouri al‑Maliki, a ainsi laissé enten‑dre que, sauf retour en arrière du Koweït, son pays pourrait fermer le point de passage de Safwan, frontalier avec l’émirat.

En menaçant de fermer le point de Safwan, les Irakiens visent à fai‑

re pression. Car cela arrêterait l’af‑flux des marchandises koweïtien‑nes. Tout en affirmant que leur pays n’aura pas recours au choix militai‑re, les responsables irakiens n’écar‑tent pas la possibilité de se tourner vers les Nations unies. Ils pour‑raient aussi accélérer la construc‑tion du port d’Al‑Faw, qui sera le plus grand d’Irak et l’un des plus importants au monde.

Ce nouveau conflit représente un problème supplémentaire pour les dirigeants koweïtiens. Même si, à travers port Moubarak, cer‑tains analystes estiment que l’émirat aurait sciemment ravivé les tensions avec son voisin pour mieux détourner la population vers une menace irakienne. Et remettre à plus tard ses revendi‑cations. n

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IRAKLe projet de

construction du port Moubarak a

ravivé les tensions avec le voisin ira‑

kien, qui y voit une menace pour son

économie

mille régnante accepterait‑elle de composer politiquement ? Se‑rait‑elle prête à céder une partie de ses privilèges et à renoncer à sa mainmise totale sur les ressources du pays ? Les observateurs les plus avisés dans la capitale, Koweït, en doutent fortement…

La confrontation se profile donc à l’horizon. Il reste à savoir si le scénario qui existe à Bahreïn peut se répéter au Koweït, même si le fond du conflit est différent.

Car ici, ce n’est pas la seule majorité chiite qui revendique des réformes politiques et plus de justice. Il s’agit là d’une part importante de la population, tous courants politiques et confessions confondus. Un véritable mouve‑ment social qui veut une véritable démocratie, qui ne soit pas une

Deux militants du mouvement de jeunesse Kaafi (« Assez ») manifestent pacifiquement devant le bâtiment du Parlement, à Koweït, la capitale.

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Le Big Bang démocratique aura‑t‑il lieu ?

Neuf mois après avoir été le premier peuple arabe à se débarrasser d’un ré‑

gime dictatorial et corrompu, les Tunisiens se rendent aux ur‑nes ce 23 octobre pour élire une Assemblée constituante. Ils se‑ront les premiers dans le monde arabe à se prononcer librement, et en toute transparence, sur la forme de gouvernement qu’ils entendent adopter. Les pre‑miers aussi à se doter d’une As‑semblée réellement représentative. La Constituante à la‑quelle ils donneront naissance devra offrir à la Tunisie une nou‑velle Constitution qui puisse la mettre sur la

voie qui mène à l’instauration d’une véritable démocratie.Les conditions dans lesquelles

la Tunisie aborde cette élection ne sont ni idéales ni exécrables. Comme il s’y était engagé lors de sa prise de fonctions, le 28 fé‑vrier 2011, le troisième gouver‑

nement de transition, dirigé par Béji Caïd Essebsi, s’est employé à améliorer la situation politique, économique, sociale et sécuritai‑re. Sept mois plus tard, les avan‑cées sont inégales, mais réelles. Tout comme les risques… n

Dossier réalisé par Moncef MAHROUG, Tunis

dossier tuNisie

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« Crédible et ambitieux » Président de l’Institut de prospective économique du monde méditerranéen (Ipemed), Radhi Meddeb présente les objectifs et le programme d’Action et développement solidaire (ADS).

Pourquoi le chef d’entreprise, polytechnicien et économis‑te que vous êtes a‑t‑il pris la

décision, après le 14 janvier 2011, de s’engager dans la politique ?Mon engagement est antérieur à la révolution. Il s’exprimait sur la Méditerranée et était purement associatif, donc inaudible sous le régime Ben Ali. Au lendemain du 14 janvier, j’ai observé avec intérêt la profusion d’initiatives partisanes. J’étais consterné par le retard pris dans l’élaboration de programmes économiques et sociaux en réponse aux exigences et aux attentes fortes de la population tunisienne.

Des amis m’avaient alors poussé à apporter ma pierre à l’édifice et à mettre mes trente‑cinq ans d’ex‑périence, accumulée du bassin minier de Gafsa jusqu’à l’inter‑national, et ma connaissance des différents secteurs économiques au service du pays en proposant un projet politique fédérateur. J’ai donc constitué Action et dévelop‑pement solidaire (ADS) à l’effet de formuler de manière pragmatique un programme de gouvernement crédible et ambitieux, autour des valeurs de modernité, de solidarité et d’efficacité dans le cadre d’une approche inclusive.

Vous avez envisagé dans un pre‑mier temps de créer un parti po‑litique, puis vous avez opté pour une association… Pourquoi ?Ce projet a tout de suite séduit et mobilisé ceux à qui il a été présenté. Un débat a suivi : faudrait‑il le met‑tre en open source à la disposition de tous ou créer notre propre parti ? Notre décision a été de ne pas ajou‑ter à la cacophonie actuelle.

Notre ambition est de servir le pays. Aucun parti ne pourra gou‑verner seul au‑delà du 23 octobre. Nous offrons, à tous ceux qui par‑tagent notre ambition, notre vision et nos valeurs, une plate‑forme susceptible de les fédérer.

Est‑ce un choix définitif ?Rien n’est définitif ! La stratégie est clairement définie, le plan d’ac‑tion s’adaptera aux évolutions.

Entendez‑vous concourir per‑sonnellement pour un mandat ?Pas aujourd’hui. Je n’ai pas sou‑haité me présenter aux élections de la Constituante. Cette dernière marquera le vrai départ d’un pro‑cessus démocratique auquel ADS entend apporter sa contribution et faire entendre sa voix.

En quoi l’organisation, les mé‑thodes et les objectifs d’ADS vont‑ils différer de ceux d’un parti politique ?Les cinq décennies d’exclusion des citoyens de toute activité politique et de marginalisation de toute for‑me de pensée différente ont creusé un fossé en Tunisie, entre les sphè‑res politique et civile. Les citoyens expriment le besoin de participer, de prendre leur destin en charge, mais se méfient des discours par‑tisans sur l’identité, la laïcité, les modalités de la Constituante. Ce sont certes là des questions im‑portantes, mais qui ne répondent pas aux véritables exigences ex‑primées par le peuple tunisien à travers sa révolution.

L’association ADS ambitionne de donner la parole à la société ci‑vile ; de promouvoir les principes

de proximité, de participation, de responsabilité environnementale et d’information ; de garantir un modèle où le développement est le projet de tous et dont les retom‑bées bénéficient à chacun.

Où vous situez‑vous sur l’échi‑quier politique ?Pour simplifier, je dirais : indis‑cutablement au centre gauche. Ma conviction est qu’il faut re‑nouer avec les valeurs qui font les constantes du peuple tunisien et son originalité : solidarité, moder‑nité, travail, éthique et ouverture dans le respect de son histoire et de son identité arabo‑musulmane.

Quel modèle de société allez‑vous proposer aux Tunisiens ? Mon souhait est que la Tunisie soit une nation indépendante, pros‑

Octobre 2011 Arabies I 23

vaLeurs« il faut renouer avec les valeurs qui font les constantes du peu‑ple tunisien et son originalité : soli‑darité, modernité, travail, éthique et ouverture »

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éCoNomie« Les solutions

mises en œuvre manquaient de

cohérence et de coordination. elles

ont compliqué la sortie de crise »

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père et solidaire ; reconnaissant et rassemblant tous ses enfants sans exception, en Tunisie et ailleurs, dans le respect de leurs diversités culturelles et sociales ; une nation appliquant l’égalité entre les deux sexes en reconnaissant la valeur de chacun et en permettant la partici‑pation et la responsabilité de tous au développement d’un avenir commun, empreint de justice et de liberté.

Je souhaite que le peuple tunisien soit un peuple souverain, fier de sa modernité et de ses acquis ; qu’il sache reconstruire un état juste et fort, capable de renforcer l’unité nationale et la cohésion sociale, soucieux de promouvoir les droits fondamentaux et de préserver la sé‑curité et l’intégrité de la nation.

Je souhaite que la Tunisie sa‑che donner à chacun la possibilité d’accéder à un emploi en adéqua‑tion avec ses capacités.

Je souhaite, enfin, que la Tuni‑sie s’impose en acteur d’un monde qui devra compter avec elle.

Quel bilan faites‑vous de l’action du gouvernement provisoire di‑rigé par Béji Caïd Essebsi ?Le bilan est mitigé. Au plan politi‑que, il aura été en mesure grâce à son expérience de relever certains

défis. Le chemin a été chaotique, mais l’accouchement est annoncé.

Au plan sécuritaire et pour ce qui est du fonctionnement de la justice, la situation est plus com‑plexe et l’action du gouvernement moins satisfaisante.

Enfin, au plan économique et social, la situation s’est dégra‑dée. Les solutions mises en œuvre manquaient de cohérence et de coordination. Elles ont compliqué la sortie de crise sans rien régler de fondamental. L’exigence de ruptu‑re avec le passé, ses hommes et ses méthodes n’a pas été entendue.

Quel serait l’enchaînement po‑litique idéal pour la suite des événements, après le 23 octobre, afin d’arriver à mettre en place un régime véritablement démo‑cratique ?Je souhaite qu’une coalition des partis du progrès se mette en place sur la base d’un programme crédi‑ble et ambitieux, comme le nôtre ; que la Constituante désigne sans tarder ses organes de gouvernance et ceux du pays. La Tunisie aura be‑soin, pendant cette période limitée dans le temps, d’une Constituante responsable et courageuse qui aille à l’essentiel, épaulée par les tra‑vaux préparatoires des experts ; qui

fasse l’inventaire de ce qui unit et écarte ce qui risque de séparer. En même temps, le pays aura besoin d’un gouvernement fort et ramas‑sé, modeste et responsable devant la Constituante, avec une connais‑sance approfondie des problèmes économiques et sociaux. Avec aussi une crédibilité internationale qui, au‑delà des clivages partisans, rétablisse la confiance, lance les réformes structurelles nécessaires et trouve la bonne articulation en‑tre le long terme – seul susceptible de remettre le pays sur la voie du développement et de la solidarité – et le court terme, plus à même de soulager le quotidien des popula‑tions et de leur donner des raisons d’espérer.

Quel régime politique vous sem‑ble le plus adapté à la Tunisie d’aujourd’hui ?Nous avons besoin d’une Républi‑que démocratique parlementaire, avec une séparation effective des trois pouvoirs. Le président de la République serait élu pour cinq ans au suffrage universel direct, mais disposerait de peu de pou‑voirs. Le gouvernement, placé sous l’autorité du Premier minis‑tre, serait le véritable détenteur du pouvoir exécutif.

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« Je souhaite que la Tunisie reconnaisse et rassemble tous ses enfants sans exception, dans le respect de leurs diversités culturelles et sociales. »

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Le pouvoir législatif serait exer‑cé par un Parlement à chambre uni‑que, élu pour quatre ans au scrutin proportionnel à un tour aux plus forts restes. Le pouvoir judiciaire serait exercé par les cours et tribu‑naux, son indépendance garantie par le Conseil supérieur de la ma‑gistrature, organe constitutionnel dont une majorité des membres seraient élus par leurs pairs.

Le schéma serait complété par un Conseil économique, social et environnemental, érigé en Assem‑blée constitutionnelle consultative, ainsi que par différents organes de régulation indépendants et des contre‑pouvoirs forts.

Les Tunisiens demandent une plus grande justice sociale et une répartition moins déséquilibrée des moyens et richesses entre les régions… Comment y parvenir ?Chômage, déséquilibre régio‑nal, décalage entre produits de la formation ou de l’éducation et be‑soins de la société en capital hu‑main, prédation, redistribution très insuffisante… Tels ont été les dé‑clencheurs de la révolution.

Tout pouvoir légitime devra s’at‑taquer à ces différents fléaux. Cela passera par l’instauration de la dé‑mocratie locale, la régionalisation, une politique d’aménagement du territoire équilibrée et soucieuse de cohésion nationale. Sans oublier une plus grande solidarité entre les différentes catégories sociales, une plus grande durabilité du dévelop‑pement et une meilleure gouvernan‑ce. ADS a identifié un programme de gouvernement centré autour de ces principes, articulé entre moyen et court termes, destiné à offrir sa chance à chacun des Tunisiens.

Quels sont les risques majeurs pour la Tunisie dans cette phase transitoire ?Ils sont multiples : effritement de la cohésion nationale avec la réap‑parition des démons séparatistes, désintégration sociale avec la dé‑

fense des intérêts catégoriels au détriment de l’effort de tous pour l’emploi, et prééminence des égos et des intérêts particuliers face aux intérêts supérieurs de la nation. à cela s’ajoutent les risques liés à la situation internationale et régio‑nale : la crise économique et finan‑cière risque de durcir les conditions de financement de la reconstruc‑tion. L’instabilité à nos frontières sud, si elle devait durer, risque de nous compliquer la tâche.

Comment réformer l’appareil de sécurité et la justice ?L’appareil de sécurité et la justice devront être à l’avenir les instru‑ments de la justice sociale et de la cohésion nationale. Mais ils ne passeront pas du jour au lende‑main au service du citoyen et des valeurs de la République. Nous avons la chance d’avoir une police, une armée et une justice globale‑ment intègres, loyales et attachées à leur indépendance. Nous devons valoriser ces acquis, extirper le peu de déviants et accompagner les autres par des programmes d’en‑cadrement en partenariat avec les organisations internationales qui ont l’expérience de gestion des si‑tuations post‑conflit.

Que faire des sociétés, biens mo‑biliers et immobiliers qui ont été saisis après le 14 janvier ?

L’ensemble de ces biens repré‑sente près de 30 % de l’économie nationale. Leur traitement doit être multiple. Il devra relever de prin‑cipes simples : efficacité économi‑que, équité, transparence et retour au marché. Ainsi, le gouvernement devrait commencer par cantonner ces biens dans une structure publi‑que ayant les compétences et préro‑gatives nécessaires pour identifier, pour chaque catégorie d’actifs, la meilleure approche pour sa remise sur le marché.

L’une des modalités devra être l’introduction en bourse de certains actifs, ce qui permettra notamment de favoriser le développement du petit actionnariat. Entre‑temps, ces actifs doivent être gérés de manière responsable. Il s’agit de la proprié‑té du peuple. Il faut en préserver la valeur et cela passera aussi par la désignation de gestionnaires confir‑més à la tête de ces entreprises.

Des voix commencent à s’élever qui réclament une réconciliation nationale pour permettre au pays d’avancer… Comment faire, à quelles conditions et avec qui ?La réconciliation sera nécessaire à un moment ou un autre. Plus tôt cela se fera, mieux ce sera. Cela passera toutefois par une justice transitionnelle et transactionnelle. Néanmoins, rien de tout cela n’a encore été fait. n

Octobre 2011 Arabies I 25

saisies« L’ensemble des biens saisis après le 14 janvier représente près de 30 % de l’économie nationale »

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Confiant dans le bon dérou-lement de l’élection de l’Assemblée constituante,

le président du Forum démocra-tique pour le travail et les libertés (FDTL) entrevoit néanmoins une éventuelle menace provenant « des forces conservatrices qui font tout pour freiner le processus, voire pour le faire échouer ». Il n’en ap-pelle pas moins à tourner la page et à œuvrer pour une réconciliation nationale après le 23 octobre.

Les conditions de réussite de l’élection de l’Assemblée consti‑tuante, ce 23 octobre 2011, pre‑mier scrutin libre et démocra‑tique de l’histoire de la Tunisie, vous semblent‑elles réunies aujourd’hui ?Il faut d’abord souligner qu’on a bien fait de reporter cette élection

de l’Assemblée constituante. Car, malgré les efforts de l’Instance supérieure indépendante pour les élections [ISIE] visant à mettre en place la logistique nécessaire et à faciliter l’inscription des électeurs sur les listes électorales, les condi-tions n’étaient pas réunies pour sa tenue le 24 juillet 2011.

Au sein du Forum démocratique pour le travail et les libertés [FDTL] – Ettakatol, en arabe –, nous som-mes optimistes quant au respect de la date du 23 octobre et au fait que ces élections seront transpa-rentes et démocratiques. Pour deux raisons essentielles : d’une part, nous avons une totale confiance en l’indépendance de l’ISIE et en l’in-tégrité des personnes qui la com-posent ; d’autre part, nous croyons aussi en la capacité de vigilance du citoyen tunisien, qui ne se laissera

pas tromper. Bien entendu, les par-tis politiques doivent respecter les règles du jeu, pour que la compéti-tion soit propre.

Le scrutin court‑il un risque ?Oui. Il découle d’abord de la dif-ficulté d’organiser les premières élections démocratiques dans l’his-toire du pays. Ensuite, et c’est plus grave, il peut provenir des forces conservatrices qui font tout pour freiner le processus, voire pour le faire échouer…

Après avoir appelé à la tenue d’une élection présidentielle, im-médiatement après le départ de Ben Ali, ces forces ont remué ciel et terre pour que l’élection de l’Assemblée constituante ait lieu le 24 juillet. Et elles cherchent aujourd’hui à jeter le trouble dans l’opinion publique en appelant à la

« Des adversaires, mais pas d’ennemis » Crédité d’une troisième place dans les sondages, Mustapha ben Jaafar, président du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL), fait le point à quelques jours de l’élection…

sCrutin« Le risque d’une

Assemblée “mosaï-que” est réel. Mais

je suis persuadé qu’il y aura une ma-

jorité confortable, relativement bien

structurée »

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tenue d’un référendum en même temps que l’élection de l’Assem‑blée constituante.

Certains prédisent une Assem‑blée constituante très morcelée… Partagez‑vous cette analyse ?Il faut d’abord rappeler que la première rupture avec le système Ben Ali réside dans le fait que personne ne peut prédire les résul‑tats de l’élection du 23 octobre et, donc, la composition de l’Assem‑blée constituante. Le risque d’une Assemblée « mosaïque » est réel. Mais je suis persuadé qu’il y aura une majorité confortable, relative‑ment bien structurée, autour des partis traditionnels, de quelques nouvelles formations et de person‑nalités indépendantes qui ont la notoriété nécessaire pour passer le cap de l’élection.

Les derniers sondages placent le Forum démocratique pour le travail et les libertés dans le trio vainqueur de l’élection du 23 oc‑tobre 2011, derrière Ennahda et presque sur la même ligne que le Parti démocratique progressiste (PDP)… Ces trois formations peuvent‑elles s’entendre pour former le futur gouvernement ?Tout d’abord, quel crédit peut‑on accorder à ces sondages, même s’ils nous font plaisir en nous met‑tant sur le podium ? Toutes les hy‑pothèses peuvent être envisagées, à condition de les préparer en pré‑servant des rapports sereins entre les partis politiques. Malheureuse‑ment, le comportement de certains ne va pas dans cette direction…

Pour notre part, nous estimons avoir des adversaires, et non des ennemis. Nous pensons que la réconciliation nationale sera né‑cessaire au lendemain du 23 octo‑bre pour que nous puissions faire face, ensemble, aux défis majeurs qui nous attendent et ainsi créer les conditions d’un vrai démar‑rage du pays, à la fois politique et économique.

Comment réaliser cette réconci‑liation nationale et avec qui ?Comme le réclame l’opinion de‑puis le 14 janvier 2011, il faudrait d’abord que les responsables de la période Ben Ali soient jugés et sanctionnés de manière juste, c’est‑à‑dire en évitant les travers d’une justice expéditive. Je pense qu’il faut faire preuve de plus de détermination dans ce domaine, sans tomber dans une chasse aux sorcières, tout en faisant la distinc‑tion entre les véritables responsa‑bles des malheurs de la Tunisie et la multitude de citoyens qui n’ont adhéré au RCD, directement ou in‑directement, que pour se protéger et préserver leurs familles.

Comment faire ?Une justice sereine et indépen‑dante fera le tri. Il y a des respon‑sables tout à fait visibles du fait qu’ils ont été les auteurs d’actes majeurs. Mais pour la multitude, il faut mettre le curseur à un niveau raisonnable afin, justement, de préserver la cohésion de la société tunisienne en pensant davantage à l’avenir et à la nécessaire recons‑truction du pays.

Quel bilan faites‑vous de l’action du gouvernement de transition, présidé par Béji Caïd Essebsi ?On fera le bilan plus tard. Je pense depuis le début que Béji Caïd Es‑sebsi a hérité d’un double fardeau : les séquelles du régime Ben Ali, et celles des deux premiers gouver‑nements provisoires de Mohamed Ghannouchi…

L’actuel Premier ministre est arrivé à un moment difficile, où la méfiance s’est installée. Comme nous avons loupé la première mar‑che, il a fallu par la suite faire du rattrapage. Néanmoins, la sécurité est aujourd’hui globalement assu‑rée, en dépit de quelques poches d’agitation, de troubles sociaux et de revendications salariales un peu déplacées par rapport au contex‑te… Si, de surcroît, on réussit le rendez‑vous du 23 octobre, le bi‑lan du gouvernement sera globale‑ment positif.

Le récent bras de fer entre le gouvernement et les syndicats des forces de l’ordre démontre la difficulté à réformer l’appareil de sécurité… Que proposez‑vous pour régler ce problème ?

trAnspArenCe« nous avons une totale confiance en l’indépendance de l’isie et en l’intégrité des personnes qui la composent »

Cohésion« il faut préserver la cohésion de la société tunisienne en pensant da-vantage à l’avenir et à la nécessaire reconstruction du pays »

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Octobre 2011 Arabies I 27

Nommé ministre de la Santé publique le 17 janvier, Ben Jaafar a quitté le gouvernement dès le lendemain.

interview exCLusive Dossier

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investisseMent« il convient de

créer les conditions favorables à un

développement de l’investissement

privé tunisien mais aussi étranger »

Je pense que Béji Caïd Essebsi a pêché par dérapage de langage [il avait qualifié de « singes » les élé‑ments les plus radicaux des syndi‑cats policiers, ndlr]. Les agents de l’ordre ont certes le droit, comme tous les citoyens, d’exprimer leurs revendications sociales et salariales dans le cadre de la loi, mais sans oublier leur responsabilité princi‑pale : assurer la sécurité du pays.

En outre, il est nécessaire d’éta‑blir des relations de confiance en‑tre la police et les citoyens. Cela nécessite un travail pédagogique et, peut‑être, la création de nouvel‑les structures comme la police de proximité. Il faut que le citoyen ait le sentiment que les forces de l’or‑dre sont à son service et ne sont pas uniquement un outil de répression.

Les familles des victimes tuées entre le 17 décembre 2010 et le 14 janvier 2011 demandent le ju‑gement des coupables ; alors que les forces de l’ordre exigent que seuls comparaissent les respon‑sables ayant donné l’ordre de tirer… Comment sortir de cette quadrature du cercle ?La population demande d’abord que la lumière soit faite. On a trop tardé à dire la vérité au peuple tunisien et, surtout, aux familles des victimes. Elles ont le droit de savoir. Maintenant, comment ré‑

soudre ce problème ? Il faudrait peut‑être que les responsables, les coupables, demandent pardon…

La justice pose également pro‑blème… Quelles mesures propo‑sez‑vous pour « nettoyer » cette institution et la rendre véritable‑ment indépendante ?Commençons par écarter les ju‑ges impliqués dans les différentes affaires où la dépendance de la justice a été confirmée. C’est là un premier nettoyage à faire dans le calme et la sérénité, en garantis‑sant aux juges écartés leur droit à la retraite. Ensuite, il faut recons‑truire le Conseil supérieur de la magistrature sur des bases démo‑cratiques, en faisant élire la majo‑rité de ses membres.

Le déséquilibre économique en‑tre régions et le chômage des di‑plômés de l’université constituent deux bombes à retardement… Comment les désamorcer ?Désamorcer nécessite des actions urgentes. Actuellement, elles ne peuvent être entreprises que par un état qui soit déterminé à mobiliser tous ses moyens pour investir dans ces régions relativement oubliées.

Sur le long terme, il faut des ré‑formes de fond, touchant notam‑ment un système éducatif qui est aujourd’hui devenu pourvoyeur de

chômeurs potentiels. Il faut mettre la formation en adéquation avec les besoins de l’économie.

Il faudrait aussi créer les condi‑tions favorables à un développe‑ment de l’investissement privé tu‑nisien mais aussi étranger.

Enfin, nous proposons dans notre programme de découper le pays en cinq régions, comptant en moyen‑ne près de 2 millions d’habitants et allant chacune de la mer à la fron‑tière algérienne. Des régions éco‑nomiquement diversifiées, jouis‑sant de plus grands pouvoirs et d’une autonomie budgétaire. Pour mettre ce cadre en pratique, il faut une sécurité et une stabilité sociale absolues. Deux éléments qui font aujourd’hui quelque peu défaut.

Quel sort réserver aux quelque 300 entreprises, biens mobiliers et immobiliers qui ont été saisis après le 14 janvier ?Nous craignons que tous ces biens ne soient bradés… La meilleure solution serait de les regrouper dans une holding et de les injecter dans la dynamique économique du pays. Il faut tout faire pour empê‑cher que ces entreprises ne soient récupérées de façon détournée par leurs anciens propriétaires.

Vous proposez donc de les gar‑der sous tutelle de l’état… Il faut les développer dans ce ca‑dre pour ne pas avoir à les brader. Le jour où l’on trouvera un intérêt quelconque à les privatiser, ce sera autre chose.

Comptez‑vous vous présenter à l’élection présidentielle ?Si le rapport des forces le permet et si le besoin s’en fait sentir, pourquoi pas ? Je n’ai pas mi‑lité quarante ans pour me dérober aujourd’hui devant une éventuel‑le responsabilité, qu’il s’agisse de la présidence de la République ou de celle du gouvernement. C’est la direction du parti qui en déci‑dera. n

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28 I Arabies Octobre 2011

« Nous croyons en la capacité de vigilance du citoyen tunisien, qui ne se laissera pas tromper. »

Dossier interview exCLusive

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Prenez la mer.

Tous les mois. Seulement sur CNN International.

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Sur les hauteurs de Tunis, la kasbah, siège du gouver‑nement, ressemble depuis

quelques semaines à une véritable forteresse. Des palissades de bois et de tôle en interdisent l’accès à partir des rues environnantes, alors que policiers et militaires contrô‑lent l’entrée principale de la place du Gouvernement. Mis en place en juillet dernier, à la veille du sit‑in kasbah 3, ce dispositif est supposé empêcher les manifestants de se rassembler une énième fois devant le siège du premier ministère.

Après trois mois relativement tranquilles, les choses ont com‑

mencé à se corser en juillet 2011 pour le premier ministre, Béji Caïd Essebsi. Le climat politique, éco‑nomique, social et même sécuri‑taire s’est alors notablement alourdi dans diverses régions du pays. Outre les multiples grèves, sit‑in et autres routes barrées un peu par‑tout, le gouvernement s’est trouvé à la mi‑juillet sous la menace d’un sit‑in géant, à l’instar de ceux qui ont fini par avoir raison de Moha‑med Ghannouchi, prédécesseur d’Essebsi.

plus déterminé et combatif que Ghannouchi, l’actuel premier mi‑nistre a toutefois clairement fait sa‑

voir qu’il pourrait, comme le roseau de La Fontaine, plier – un peu –, mais qu’il n’était nullement disposé à rompre… Ouvert, toujours dis‑posé au dialogue et néanmoins ba‑garreur, Béji Caïd Essebsi a clamé haut et fort qu’il n’allait pas laisser compromettre le processus de tran‑sition : « les élections auront lieu, que certains le veuillent ou pas », a‑t‑il martelé plus d’une fois.

Mais à mesure qu’approche l’échéance du 23 octobre 2011 – date de l’élection de l’Assemblée constituante, qui doit permettre à la Tunisie de renouer avec la légitimi‑té –, les problèmes s’amoncellent

Essebsi, pas à pas…Vingt ans après avoir pris ses distances avec le régime Ben Ali, ce vieux compagnon de Bourguiba a été rappelé aux affaires en février dernier pour stabiliser un pays en marche vers la démocratie.

30 I Arabies Octobre 2011

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contExtEIntronisé Premier ministre le 27 fé-

vrier 2011, Es-sebsi a hérité d’un

gouvernement paralysé, de mani-

festants par milliers et d’une économie

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sur le bureau du premier ministre et semblent de plus en plus difficiles à résoudre. Accueilli en sauveur à sa nomination, en février dernier, Béji Caïd Essebsi est aujourd’hui de plus en plus critiqué. à un peu plus d’un mois d’une élection capi‑tale… Est‑ce parce qu’il est en train d’échouer dans sa mission, comme l’affirment certains ? En fait, la réa‑lité est beaucoup plus nuancée. Au bord de l’implosion. Lorsque Essebsi a été appelé, le 27 fé‑vrier 2011, à prendre la succession d’un Mohamed Ghannouchi dé‑missionnaire, le pays était au bord de l’implosion. Avec un gouver‑nement paralysé par des milliers de manifestants venus de diverses régions pour lui forcer la main et l’obliger à changer d’hommes et, donc, de cap ; un vide politique in‑quiétant après la fuite de Ben Ali ; une économie quasiment à l’arrêt ; et une insécurité quasi permanente du fait de groupes armés qui profi‑taient de la défection des forces de l’ordre – auxquelles les Tunisiens reprochaient d’avoir été le bras armé de la dictature benaliste.

Six mois plus tard, même si elle est loin d’avoir radicalement chan‑gé, la situation s’est un tant soit peu améliorée. En dépit de quelques maladresses commises par le pre‑mier ministre – comme ce geste déplacé consistant à repousser une journaliste ; ou le fait de qualifier certains membres des forces de sé‑curité de « singes », certes en sou‑lignant que « 97 % » des agents de l’ordre sont corrects –, Béji Caïd Essebsi et son équipe n’ont pas à rougir de leur bilan. Surtout si l’on tient compte des énormes problè‑mes auxquels ils ont dû faire face, qui constituent pour eux autant de circonstances atténuantes. Comme l’a dit le ministre des Finances, Jalloul Ayed, les ministres, et à leur tête le premier ministre, ne se sont pas « limités à être les gardiens du temple ».

L’un de ces problèmes concerne la délimitation du champ de compé‑

tence du gouvernement provisoire. Officiellement, sa mission se limite à « veiller à gérer les affaires cou‑rantes de l’état et à assurer le fonc‑tionnement normal des infrastructu‑res publiques » – décret n° 14‑2011, en date du 23 mars 2011. Or, dans les faits, le gouvernement Essebsi s’est toujours trouvé dans une si‑tuation paradoxale. D’une part, il est constamment invité à respec‑ter les termes de ce texte qui pré‑cise le fonctionnement provisoire des autorités publiques durant la phase transitoire ; d’autre part, on n’a cessé de l’accuser de ne pas en faire assez sur certains dossiers économiques et sociaux cruciaux (déséquilibre régional, chômage des universitaires diplômés) tout en lui reprochant parfois d’outrepasser ses prérogatives pour mieux servir la « contre‑révolution »…

Ainsi Béji Caïd Essebsi et ses ministres n’ont‑ils jamais été à l’aise pour conduire les affaires du

pays, car détenteurs d’un mandat à géométrie variable, dont certains de leurs adversaires modifient le contenu au gré de leurs intérêts. Une situation difficilement tenable et qui commence à user les nerfs de certains membres du gouverne‑ment. « les six premiers mois n’ont pas été faciles, mais notre opti‑misme n’a jamais vacillé », affirme toutefois Jalloul Ayed.

Un assez large consensus s’était pourtant dégagé au début pour que le gouvernement de transition

Octobre 2011 Arabies I 31

née de la révolution, la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la ré-forme politique et de la transition démo-cratique supervise le processus électoral in

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Devant la Kasbah, siège du gouvernement à Tunis, les revendications sociales et politiques se sont multipliées.

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soit confiné à la gestion des affai-res courantes, et que la conduite du processus de restructuration politi-que soit confiée à une autre institu-tion.

Dessiné par Ben Ali avant sa fuite, le schéma initial prévoyait la création de trois commissions : Commission de réforme politique, Commission nationale d’investi-gation sur les dépassements et les violations et Commission d’inves-tigation sur les affaires de corrup-tion et de malversation. Ces trois institutions devaient être respecti-vement présidées par Abdelafattah Amor, Taoufik Bouderbala et Yadh ben Achour.

Sous la pression de la rue et d’une partie de la classe politique, tout cela a été fondu en une seule et même institution appelée « Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la ré-forme politique et de la transition démocratique ». Et cette dernière a voulu s’imposer en unique dépo-sitaire du dossier de la réforme du système politique et de la transition

vers un régime démocratique, tout en tenant le rôle de censeur du gou-vernement.

Finalement, cette instance a ob-tenu la reconnaissance d’un droit de regard sur l’action gouverne-mentale, qui est toutefois resté as-sez théorique. Car s’il s’est prêté de bonne grâce à l’exercice consistant à venir plus ou moins régulièrement faire son rapport, le Premier minis-tre a toujours fermement refusé de consulter cette Haute Instance avant de prendre ses décisions.Organiser l’élection. Béji Caïd Es-sebsi s’est ainsi attiré les critiques de certains membres, notamment lorsqu’il procédait à des nomina-tions, mais jamais de l’institution dans son ensemble. Ce qui s’est avéré très utile lorsqu’est survenue la crise suivante…

Cette dernière a éclaté en mai der-nier, lorsque l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) – générée par la Haute Ins-tance – a annoncé qu’il n’était maté-riellement pas possible d’organiser l’élection de l’Assemblée consti-

tuante à la date du 24 juillet 2011… Cela a évidemment suscité la co-lère des deux formations qui étaient alors données favorites par les son-dages d’opinion : le mouvement Ennahda de Rachid Ghannouchi et le Parti démocratique progressiste (PDP) de Néjib Chebbi.

Après s’être engagé à mener le pays dans les meilleures condi-tions possibles – sécuritaires, éco-nomiques, sociales et politiques – jusqu’à l’élection de l’Assemblée constituante, Béji Caïd Essebsi est bien sûr concerné au premier chef par cette controverse. Mais il a plutôt bien manœuvré dans cette affaire.

S’en tenant à une stricte neutra-lité entre les deux camps, il évite soigneusement, dans un premier temps, de prendre partie. Mais, après leur avoir laissé le temps de constater leurs profonds désaccords – et leur incapacité à les surmonter seuls ? –, le Premier ministre sort de l’ombre. Il propose le 23 oc-tobre 2011 comme nouvelle date pour l’élection de l’Assemblée

32 I Arabies Octobre 2011

reportInitialement prévue

pour le 24 juillet dernier, l’élection

de l’Assemblée constituante a été

repoussée à ce 23 octobre pour des raisons matérielles

Tenu de faire régulièrement son rapport devant la Haute Instance, Béji Caïd Essebsi a toujours refusé de la consulter avant de prendre ses décisions.

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SoutIEnSi sa popularité a baissé ces der-nières semaines, Essebsi jouit encore du soutien de la majorité des tunisiens

constituante, mettant ainsi les deux parties d’accord.

La troisième grande épreuve à la‑quelle le gouvernement de transition a dû faire face l’a opposé, au début de septembre dernier, aux syndica‑listes des forces de l’ordre. policiers et gendarmes ont alors multiplié les manifestations et sit‑in devant le ministère de l’Intérieur, dans le cen‑tre de Tunis, et à proximité du siège du gouvernement. Dans un premier temps, ils ont réclamé l’améliora‑tion de leur situation matérielle et de leurs conditions de travail. Un droit que personne ne peut leur contester et qui n’a effectivement pas été remis en question.

Mais dès l’instant où les revendi‑cations ont pris une nette coloration politique – appel à la démission du ministre de l’Intérieur, et même du premier ministre – et où les syn‑dicalistes sont passés à l’acte en envoyant chez Essebsi le directeur général de la Gendarmerie, l’affaire a pris une autre tournure.Rétablir la sécurité. Une situation d’autant plus embarrassante que le premier ministre a fait du rétablis‑sement de la sécurité – indispensa‑ble préalable à la réussite de l’élec‑tion – sa principale priorité. Ainsi œuvrait‑il depuis six mois à amélio‑rer les relations entre les forces de l’ordre et l’opinion publique, tout en s’efforçant de restructurer l’ap‑pareil de sécurité. Un vaste chan‑tier dont la conduite a été confiée à… deux ministres de l’Intérieur : Habib Essid, en poste depuis le 28 mars, se charge de la gestion au quotidien alors que Lazhar Akremi – nommé le 2 juillet dernier en tant que ministre délégué auprès du mi‑nistre de l’Intérieur – s’occupe des réformes.

En nommant cet avocat au poste qu’il occupe depuis plus de trois mois, Béji Caïd Essebsi en a sur‑pris plus d’un. Car depuis le mois de février, Lazhar Akremi ne se privait pas de le critiquer, même s’il prenait la précaution d’éviter tout dénigrement. Il n’en demeure pas

moins que, en faisant appel à cet originaire de Gafsa, le premier mi‑nistre a confirmé son sens politique et sa capacité à placer les intérêts du pays très largement au‑dessus des siens…

De surcroît, le premier ministre marque des points grâce à cet « at‑telage » Essid‑Akremi qui fonction‑ne plutôt bien et qui commence à porter ses fruits. En effet, la sécurité s’améliore, certes lentement. Les Tunisiens d’une façon générale, et les Tunisois en particulier, en ont eu la brillante illustration au début de septembre dernier, lorsque les policiers ont réussi à « libérer » la capitale de l’emprise étouffante des centaines d’étals sauvages qui y foi‑sonnaient depuis le 14 janvier 2011. pour le plus grand soulagement des commerçants et habitants, qui cir‑culaient de plus en plus difficile‑ment dans les rues de Tunis.

Cet acquis n’a pas empêché le premier ministre de prendre son courage à deux mains pour affron‑ter les syndicats policiers et leur dire « basta ! », dans son discours du 6 septembre 2011. Convaincu que l’opinion et la classe politique sont majoritairement derrière lui dans ce bras de fer, Essebsi n’a pas hésité à rudoyer les éléments

les plus radicaux en les traitant de « singes »… Mais il a finalement réussi à ramener le calme, rem‑portant cette nouvelle bataille sans même devoir faire des excuses pu‑bliques, ce qu’exigeaient pourtant les syndicats policiers.

Essebsi a cependant pris soin de recevoir et d’écouter l’un de leurs représentants. Il a aussi fait adop‑ter par le gouvernement une série de mesures à même de satisfaire toutes les demandes matérielles et professionnelles de ce corps de mé‑tier. Toutefois, il n’est pas exclu que ce dossier connaisse de nouveaux rebondissements au cours des se‑maines à venir – au point de mettre en danger la tenue de l’élection du 23 octobre ?

Au plan économique, également, le gouvernement de transition ne s’en est pas trop mal tiré. De l’avis du ministre des Finances – qui s’exprimait à l’occasion de la New Tunisia Investment Conference qui s’est tenue à Tunis les 15 et 16 sep‑tembre 2011 – l’équipe Essebsi a réussi « malgré les protestations et les troubles, à maintenir de bonnes conditions dans le pays », en assu‑rant notamment la continuité des services publics et en prenant des initiatives « très ambitieuses » :

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En septembre dernier, à l’appel de leurs syndicats, policiers et gendarmes ont manifesté devant le ministère de l’Intérieur.

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oMBrES la résurgence du

tribalisme et du régionalisme fait

planer une ombre sur le bon déroule-ment de l’élection

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Soutenant les insurgés libyens en sous‑main, la Tunisie s’est vite rapprochée du Conseil national de transition.

élaboration de nouveaux cadres ré‑glementaires pour la microfinance, la private equity, les activités finan‑cières offshore et le partenariat pu‑blic privé ; plan de développement présenté au G8…

Mais le plus franc succès de Béji Caïd Essebsi est peut‑être diploma‑tique : la gestion du conflit libyen. Arrivé aux commandes du pays douze jours après le début du soulè‑vement en Libye, le premier minis‑tre a dû consacrer une bonne partie de son temps et de son énergie à ce dossier.

Car cette affaire présentait pour la Tunisie d’énormes risques poten‑tiels : économiques, politiques et sécuritaires. D’autant que Mouam‑mar kadhafi – confronté lui aussi à la colère de son peuple un mois plus tard – n’avait nullement apprécié que son ami Ben Ali soit renversé – ce qu’il a d’ailleurs déclaré on ne peut plus clairement…

Un autre facteur aggravant te‑nait à ses relations avec Béji Caïd Essebsi, qui ont toujours été exé‑crables du temps où ce dernier était ministre de Bourguiba.

Voilà comment le premier mi‑nistre tunisien s’est trouvé dans la

position de devoir ménager à la fois « la chèvre et le chou », soutenant les insurgés libyens – en sous‑main, comme on l’apprendra plus tard – sans se mettre à dos le régime.

Résultat : la Tunisie a pu traverser les six mois de conflit en Libye sans y « laisser des plumes », c’est‑à‑di‑re sans subir de manœuvres de déstabilisation de la part du camp pro‑kadhafi – même si c’était un objectif, d’après un officier de l’ar‑mée libyenne qui s’est rendu aux autorités tunisiennes…

Toujours est‑il que cette défiance du gouvernement provisoire tuni‑sien n’a certainement pas échappé à la Jamahiriya, tout comme l’ins‑tauration de bons rapports avec le Conseil national de transition (CNT), fort prometteurs pour l’avenir des relations entre les deux pays.

En fait, la seule ombre au ta‑bleau tient à la résurgence des vieux démons du tribalisme et du régionalisme, contre lesquels le gouvernement reste pour l’instant impuissant. Deux maux qui peu‑vent non seulement compromettre le bon déroulement de l’élection de la Constituante – au moins dans

certaines régions –, mais aussi met‑tre à mal l’unité nationale.

Malgré cela, et en dépit d’une baisse sensible de sa cote de popu‑larité au cours des dernières semai‑nes, Béji Caïd Essebsi jouit encore du soutien d’une majorité de Tu‑nisiens et de plusieurs partis poli‑tiques parmi les plus importants. Cela à quelques semaines de la fin de son mandat – qui doit prendre effet après la formation d’un nou‑veau gouvernement au lendemain de l’élection du 23 octobre.

D’autres composantes de l’échi‑quier politique tirent cependant régulièrement à boulets rouges sur le premier ministre et son gouver‑nement. parmi ces détracteurs, l’un des plus virulents est le parti ouvrier communiste tunisien (pOCT), dont le porte‑parole, Hamma Hamma‑mi, estime le gouvernement actuel « plus dangereux » que celui de Mohamed Ghannouchi, y voyant même une « réincarnation de l’état policier »… Mouvement islamiste. Du côté d’Ennahda, on s’en tient à une po‑sition plus équilibrée. Abdelkrim Harouni, l’un des dirigeants du mouvement islamiste, accuse cer‑tes le gouvernement, la gauche et la Haute Instance de s’être ligués contre Ennahda. Mais le leader de ce parti, Rachid Ghannouchi, assu‑re de son côté que son mouvement « n’est pas en rupture avec le gou‑vernement Caïd Essebsi ».

Il est rejoint en cela par l’avocat Abdelafattah Amor, ancien diri‑geant du parti Ennahda. Ce dernier va même plus loin et fait littérale‑ment l’éloge du premier ministre, dont l’action lui semble absolument essentielle.

Un autre signe de reconnaissance tient à cet homme d’affaires ano‑nyme qui a proposé d’édifier, sur l’avenue Habib‑Bourguiba, une sta‑tue en bronze de Béji Caïd Essebsi. Une façon de saluer le rôle crucial que le premier ministre est en train de jouer dans cette phase capitale de l’histoire de la Tunisie. n

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36 I Arabies Octobre 2011

comment ne pas être inquiet en sachant que, à la suite de la révo‑lution tunisienne, le taux de crois‑sance a chuté de 3,3 % au cours du premier trimestre 2011.

Selon les analyses de l’Obser‑vatoire de la conjoncture éco‑

La croissance économique tunisienne ne dépassera pas le seuil de 1 %… » C’est ce

qu’a déclaré le ministre tunisien des Finances, Jalloul Ayed. Après avoir observé une croissance né‑gative pour les deux premiers tri‑

mestres de 2011, l’économie tuni‑sienne serait donc à l’aube d’une récession. D’autant plus que le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie (BCT), Mustapha Ka‑mel Nabli, craint une chute bru‑tale des investissements… Mais

croissance Déjà amputée de

3,3 % sur le premier trimestre 2011, la croissance écono-

mique ne devrait pas dépasser 1 %

économie, l’état d’urgenceCroissance et investissements en chute, tourisme en crise, industrie paralysée par les mouvements sociaux, tels sont les maux d’une économie exsangue. Plus que jamais, le temps presse…

Dossier économie

Par Hakima kernAnePh

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Octobre 2011 Arabies I 37

nomique (OCE), organe du mi‑nistère de la Planification et de la Coopération internationale, le système économique tunisien a enregistré « une convulsion bru‑tale ».

Car la chute de l’activité éco‑nomique a non seulement touché les secteurs névralgiques, mais aussi tous les autres. Les réserves de change ont ainsi accusé une baisse de 2 milliards de dinars. Même les transferts d’argent des Tunisiens résidant à l’étranger ont diminué sensiblement. égale‑ment affectée par la baisse des re‑cettes touristiques et l’augmenta‑tion du déficit commercial – qui a atteint 7,6 % du Produit intérieur brut (PIB) en 2011 contre 4,7 % en 2010 et 2,8 % en 2009 –, la Tu‑nisie peine à faire redécoller son économie après la révolution du Jasmin.Répercussions négatives. Le sec‑teur du tourisme, qui contribue au PIB à hauteur de 7 % et qui repré‑sente plus de 400 000 emplois, a brutalement connu une chute de la fréquentation hôtelière de l’ordre de 50 %… Et cette baisse a eu des répercussions négatives sur des secteurs annexes comme la restauration, la détente et les loisirs.

Les activités commerciales ont également connu un net ralentis‑sement puisque, en janvier 2011, les exportations avaient chuté de près de 20 % par rapport à l’année précédente sur la même période. Et la production industrielle n’est pas en reste, déplorant une baisse de 13 % sur les trois premiers mois de l’année en cours. Suite logique, les intentions d’investis‑sement dans l’industrie ont suivi à hauteur de 36 %…

Quant au taux de chômage, il est très inquiétant et frappe particulièrement les jeunes di‑plômés de l’enseignement su‑périeur. Avec des activités es‑sentiellement concentrées dans la sous‑traitance, les entreprises

tunisiennes sont dans l’incapacité de leur offrir des opportunités d’emploi.

à l’occasion d’une rencon‑tre‑débat organisée à l’Institut arabe des chefs d’entreprises (Iace), le Premier ministre, Béji Caïd Essebsi, a déclaré que son gouvernement – le troisième de‑puis la fin de la révolution – avait trouvé le pays dans une situation économique catastrophique entre des entreprises qui ont été pillées et d’autres qui ont dû fermer leurs portes. Le taux de croissance était alors nul et le chômage avait at‑teint la barre des 600 000 person‑nes, dont 140 000 diplômés de l’enseignement supérieur.

En avril dernier, Mongi Amma‑mi, membre du centre d’études rattaché à l’Union générale tuni‑sienne du travail (UGTT), avait toutefois relativisé ce tableau. Il avait alors profité d’une table ronde organisée par l’Association

de recherches sur la démocra‑tie et le développement (AR2D) pour rappeler que, sous le gou‑vernement Ben Ali, le marché du travail était basé sur des emplois fragiles et peu qualifiés.

Néanmoins, le fait est que les grèves à répétition et les nom‑breuses contestations sociales de ces derniers mois ont contraint certaines entreprises à fermer. Ce fut notamment le cas de la Com‑pagnie franco‑tunisienne de pé‑trole (CFTP). Implantée dans le

économie, l’état d’urgence

alors qu’il contribue au PiB à hauteur de 7 % et qu’il repré-sente 400 000 em-plois, le secteur du tourisme a vu sa fréquentation hôtelière chuter de près de 50 % to

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Béji Caïd essebsi a obtenu en Algérie un soutien financier de 100 millions de dollars pour la Tunisie.

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aPPortLa Banque centrale de tunisie a injecté 1,2 milliard d’euros

dans le secteur bancaire pour

faciliter les crédits

gouvernorat de Sfax, cette derniè‑re a été victime des sit‑in obser‑vés par les habitants de la région, qui réclamaient des emplois.

British Gas Tunisia a connu le même sort et Jal Group – en‑treprise européenne spéciali‑sée dans la fabrication des chaus‑sures de sécurité qui emploie 4 500 personnes – a menacé de se retirer du marché tunisien après l’occupation de ses locaux par la force et la séquestration de son personnel ainsi que de son direc‑teur par des syndicalistes. à la suite de cet événement, l’entrepri‑se a fermé ses sites de production. Idem pour le complexe chimique de Gabès, situé dans la région Sud‑Est, dont l’activité a été per‑turbée pendant des semaines par des mouvements sociaux.

Au final, toutes ces fermetures et interruptions d’activité font perdre à l’économie tunisienne près d’1,5 million d’euros par

jour… Pour ne pas fragiliser da‑vantage l’économie du pays, les patrons – qui évoquent une crois‑sance inférieure à 0 % en 2011 – plaident pour l’arrêt des contes‑tations sociales et des revendica‑tions salariales.

Selon de nombreux spécialis‑tes, l’économie tunisienne se re‑met doucement de l’état « coma‑teux » dans lequel elle se trouve depuis le début de l’année 2011. Ainsi Mustapha Kamel Na‑bli a‑t‑il déclaré à la presse que « l’économie nationale a dépassé la phase dangereuse »…

De son côté, le président de l’Association professionnelle tunisienne des banques et des établissements financiers (APT‑BEF), Habib ben Saad, a relevé la reprise du commerce de dis‑tribution, un secteur pourtant très touché par la crise. Quant aux exportations des industries ma‑nufacturières et textiles, elles af‑

fichent également une très légère reprise.

En mars dernier, la BCT a tou‑tefois publié un communiqué fai‑sant état d’un bilan défavorable de la relance économique en Tu‑nisie. Selon les conclusions de ce rapport, le pays aura des difficul‑tés à créer des emplois et devrait accuser une baisse de la consom‑mation et des échanges commer‑ciaux. Cela sans compter le recul de la fréquentation touristique et des investissements.éviter la banqueroute. Selon la même source, le PIB oscillera entre 0 et 1 %. Pour éviter la ban‑queroute, les économistes appel‑lent donc à la préservation du sec‑teur bancaire. C’est la raison pour laquelle la BCT a injecté quelque 1,2 milliard d’euros (3 milliards de dinars) de liquidités dans les banques tunisiennes. Cette somme devrait leur permettre de contribuer à la relance de l’activi‑

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réunis en mai dernier à Deauville, les dirigeants du G8 ont accordé une aide de 40 milliards de dollars à la Tunisie.

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Dossier économie

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gouffreentre fermetures et interruptions d’activité, l’écono-mie tunisienne perd 1,5 million d’euros par jour

té économique en octroyant plus facilement des crédits.

Les deux prochaines années seront capitales, selon Mustapha Kamel Nabli, qui a déclaré au quotidien français Le Figaro : « Il faut réaliser une croissance économique constante durant les deux prochaines années pour ac‑célérer le processus de transition démocratique dans le pays… »

Lors de leur dernier sommet, qui s’est tenu à Deauville en mai 2011, les dirigeants des pays du G8 ont décidé d’accorder 40 milliards de dollars à la Tuni‑sie et à l’égypte. Cette aide de‑vrait permettre à ces derniers de relancer leur économie.

Béji Caïd Essebsi souhaiterait également développer une coopé‑ration avec les pays arabes. Après l’accord conclu avec le gouverne‑ment algérien pour améliorer les relations de voisinage et obtenir une aide de 100 millions de dol‑lars, le Premier ministre a entamé des contacts avec le Qatar, les émirats arabes unis et le Koweït.

Des institutions financières internationales ont également décidé d’accorder des prêts au gouvernement pour qu’il prenne en charge les chantiers les plus urgents.

La Banque européenne d’in‑vestissement (BEI) a ainsi déblo‑qué 163 millions d’euros pour relancer l’emploi et rénover le réseau routier en Tunisie. La BEI compte également contribuer au désenclavement des régions les plus défavorisées et soutenir l’ac‑tivité des entreprises de travaux publics.

Ce que Philippe de Fontaine Vive, vice‑président de la BEI, a confirmé en déclarant, dans le quotidien français Les échos, qu’il est important que les acteurs éco‑nomiques soient prêts à concré‑tiser leurs projets d’investisse‑ment dès le lendemain des élec‑tions de l’Assemblée constituante, prévues ce 23 octobre 2011.

De son côté, la Banque mon‑diale a alloué, le 21 juin dernier, un autre prêt de 500 millions de dollars dans le but de soutenir la création d’emplois en Tunisie et la lutte contre le chômage des jeu‑nes.

Cela dit, ces aides sont remi‑ses en cause par de nombreux économistes du fait qu’elles aug‑mentent l’endettement du pays… Mais elles restent indispensables pour financer des projets qui per‑mettront de relancer des activités économiques qui sont au point mort…

Selon l’économiste tunisien Mohamed ben Ramdane, cette relance doit être basée sur le fi‑nancement d’infrastructures, le soutien aux petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que l’oc‑troi d’une aide substantielle pour développer les régions économi‑quement les plus défavorisées.

Les opérateurs économiques

étrangers s’intéressent également au devenir du pays. Une déléga‑tion de patrons et de hauts res‑ponsables de firmes américaines (General Electric, Boeing, Co‑ca‑Cola, ExxonMobil, Marriott International, Dow Chemical) ont ainsi effectué une visite de pros‑pection en Tunisie afin d’étudier les possibilités de partenariat.

Mais le pays doit aussi appren‑dre à se tourner vers d’autres secteurs d’activité générateurs de valeur ajoutée et d’emplois afin de mieux absorber toute cette « ma‑tière grise » nationale marginali‑sée et inactive depuis des années.

Cependant, pour encourager les investissements nationaux aussi bien qu’étrangers, il faut d’abord commencer par restaurer un état fort et démocratique, pour que les Tunisiens reprennent confiance en leurs gouvernants. Une confiance certes perdue, mais toujours es‑pérée. n

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« nous voulons du travail et qu’on nous rende notre dignité », peut‑on lire entre les mains de ce chômeur de Tunis.

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économie Dossier

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AVOIR pOInt de Vue

On le pressentait en juin dernier déjà, l’été ne serait pas calme. Politique‑ment, la situation mondiale est très

compliquée. Quant au contexte économi‑que, divers signaux se mettaient au rouge depuis quelque temps déjà. Mais là, nous vivons un psychodrame que nous aurions bien voulu éviter et qui nous rappelle de mauvais souvenirs encore très frais dans nos mémoires, je veux parler de 2008… Il y a trois ans, le monde basculait dans une crise financière et économique cauche‑mardesque dont nous sortions vaguement à l’automne dernier. Mais déjà, depuis des mois, se profilaient les problèmes concer‑nant la dette souveraine de nombreux pays.

Il est vrai que tous les ingrédients sont réunis : dette massive des états, reprise poussive et croissance molle… Mais tout de même, on aurait pu éviter les ater‑moiements politiques de juillet 2011, où l’on a vu les échanges peu convaincants de politiciens américains campant sur leurs principes et sauvant in extremis les états‑Unis d’un défaut de paiement. Per‑sonne n’a jamais cru une seconde que l’on dépasserait la date limite du 2 août, mais ce triste spectacle a donné une image bien peu rassurante…

Alors, bien sûr, les agences de notation allaient se mêler de la partie ! On les ac‑cuse depuis trois ans de mal faire leur tra‑vail, et d’être trop sévères avec l’Europe. Mais devant une telle débâcle et des chif‑fres macroéconomiques alarmants, elles devaient réagir.

La première à abaisser la note des états‑Unis – on l’a un peu oublié tant les événements se précipitent – a été l’agen‑

ce de notation chinoise Dagong. Puis la Chine a vivement réagi en demandant à Washington de cesser de vivre au‑dessus de ses moyens et d’entreprendre de vérita‑bles réformes, le monde à l’envers ! Mais la Chine étant le principal bailleur de fonds de la dette américaine, elle entend protéger ses investissements…

Puis, en août dernier, c’est Standard & Poor’s qui a dégradé la note des états‑Unis de AAA à AA+ ! Cela en pleine atmosphè‑re de doute à propos de la reprise améri‑caine. Un vrai choc. Pour la première fois de son histoire, le pays perdait sa note, le doute s’installait. Après une semaine noire sur les marchés boursiers, la plupart des indices avaient dévissé de 15 à 20 %. L’an‑nonce de l’abaissement de la note améri‑caine avait ouvert la boîte de Pandore…

Fondamentalement, la situation n’a pas vraiment changé depuis trois mois et il faudrait avoir la sagesse d’analyser et de ne pas paniquer. Le problème, c’est que les choses n’avancent que par à‑coups, lors d’événements majeurs comme la faillite d’un grand établissement financier en 2008. Mais dès que cela va légèrement mieux, les égoïsmes reprennent le dessus et l’on oublie les réformes, les efforts. Donc, non, les états‑Unis ne sont pas en‑core rayés de la carte ! Leur dette est certes

Éditorialisteéconomique

L’été de tous les dangersPar Florence KleIn‑BOurdOn

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importante – 100 % de leur PIB –, mais ils restent une grande puissance écono‑mique, qui se trouve malheureusement en pleine campagne électorale.

Reste l’Europe, autre volet du vent de panique. La Grèce à peine oubliée, l’Ir‑lande et le Portugal également, c’est le tour de l’Italie d’occuper le devant de la scène après l’Espagne. Son endettement est élevé – 120 % du PIB –, mais l’inquié‑tude majeure, comme précédemment, re‑pose sur un manque de cohésion des po‑litiques économiques et sur un report des décisions pour mieux faire face à ces en‑dettements colossaux. En effet, le Fonds européen de stabilité financière (FESF) ne devait voir le jour qu’à la fin de sep‑tembre dernier, peut‑être trop tard… Il a donc fallu que la Banque centrale euro‑péenne (BCE) intervienne massivement à partir du 8 août pour tenter d’enrayer un krach boursier.

Il ne faut pas, comme Lehman Brothers, penser que l’Italie est “too big to fail”, – c’est‑à‑dire trop importante pour faire faillite – et laisser l’ensemble des marchés financiers déraper à cause d’une décision tardive ou d’un manque de réactivité au cœur de l’été. Car l’Europe et le monde sont à nouveau au bord du gouffre !

Pour les états‑Unis, comme le dit l’an‑cien président de la Réserve fédérale Alan Greenspan, la solution pourrait être de fai‑re marcher la planche à billets pour rem‑bourser sa dette. Pour l’Europe, ce serait la mutualisation de la dette des différents pays. Mais le cœur du problème reste la croissance : comment faire redémarrer une croissance saine, non basée sur la prochaine bulle, qui créerait des emplois afin de relâcher la pression sur les popula‑tions qui souffrent depuis trois ans ?

En fait, l’abaissement de la note des états‑Unis montre une défiance vis‑à‑vis du politique et de sa capacité à faire les ef‑forts nécessaires pour sortir définitivement de la spirale de la crise. Cette crise de la dette est en fait une crise de confiance et – encore et toujours – de gouvernance. n

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LIBYEFinances en hausseLe nouveau gouverneur de la Banque centrale de Libye (CBL), Gasem Azzoz, a démenti les ru‑meurs faisant état du vol d’une grande partie des avoirs libyens en devises et en or par Kadhafi et l’un de ses fils lors de la chute de Tripoli. Il a néanmoins indi‑qué que 20 % du stock d’or ont

probablement été vendus sous l’ancien régime afin d’assurer les liquidités nécessaires pour résou‑dre les problèmes des habitants de Tripoli.

Parallèlement, Gasem Azzoz laisse entendre que le pouvoir de Kadhafi dispose encore de som‑mes énormes en dehors du sys‑tème bancaire libyen, sans pour autant préciser leur volume, ni

le lieu où elles se trouveraient. Quant aux difficultés financières du CNT, Azzoz a souligné que le manque de liquidités des ban‑ques de la place en monnaie lo‑cale avait été résolu. Notamment, après que la CBL a reçu 65 % de la totalité des avoirs de l’ancien régime qui étaient gelés par la Grande‑Bretagne, soit quelque 2 milliards de dinars.

Il estime enfin que les avoirs libyens à l’étranger devraient suffire à couvrir les frais de fonc‑tionnement de 2011 et des deux années suivantes. Même s’il précise que la récupération des avoirs détenus à l’intérieur com‑me à l’extérieur du pays – les‑quels s’élèvent à 90 milliards de dollars – pourrait aider à gérer les opérations bancaires.

SYRIE L’UE cible le revenu pétrolierLes pays membres de l’Union européenne (UE) se sont accor‑dés, le 13 septembre dernier, pour accentuer leurs pressions sur le secteur pétrolier syrien. En effet, il existe désormais un accord de principe qui consiste à interdire aux compagnies pé‑trolières européennes de faire de nouveaux investissements en prospection, production et raffinage.

Les diplomates européens en place dans la capitale syrienne, Damas, affirment que les nou‑velles sanctions interdiraient aussi à ces compagnies de créer de nouveaux projets mixtes avec le secteur pétrolier en Sy‑rie, de lui accorder des prêts ou de racheter des parts dans les sociétés syriennes, voire de les augmenter. Cette approche vise à affaiblir la capacité financière du régime sur le long terme.

Pour rappel, l’UE, qui achète 95 % des exportations pétroliè‑res syriennes, a déjà imposé un

embargo sur l’importation de brut syrien depuis le début de septembre dernier.

Selon les estimations de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la Syrie a produit en juillet dernier 370 000 barils par jour, dont 150 000 ont été exportés pour quelque 16 millions de dollars.

MAROCSOS emplois !Selon une récente étude du ministère du Plan, le royau‑me aurait besoin de créer 250 000 emplois par an, durant les dix prochaines années, pour réduire le taux de chômage de 9,1 % à 6,7 %… Cela impli‑querait la création annuelle de 92 000 postes de plus que la

norme actuelle, essentiellement destinés à des diplômés univer‑sitaires plus à même d’apporter une « valeur ajoutée » au pays.

L’étude évoque notamment la nécessité d’atteindre 15 mil‑lions d’actifs en 2030. Pour concrétiser ce projet, une crois‑sance annuelle d’environ 6,5 % serait nécessaire, contre 4,8 % pour la décennie précédente. Cela passerait aussi par une hausse du niveau d’investis‑sement interne, lequel devrait atteindre 40 % du PIB global, contre 35 % actuellement.

Cette enquête a démontré que 190 000 personnes arrive‑ront sur le marché du travail ces vingt prochaines années, fai‑sant passer le nombre d’actifs à 24,2 millions d’individus (64 % de la population). Parmi ces nouveaux actifs, bon nombre seront des produits de l’exode rural. Mais quoi qu’il en soit, les experts s’accordent à dire que, d’ici à 2018, l’économie marocaine va vivre une période très difficile.

ALGÉRIE investisseurs découragésDans un récent rapport traitant de l’environnement des affaires en Algérie, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a une nouvelle fois souligné que ce pays est peu propice à l’in‑vestissement privé. Outre une réglementation qui est jugée trop rigide, les effets de la bu‑reaucratisation enracinée dans l’administration dissuadent les investisseurs, notamment étran‑gers. Il n’est qu’à voir le bilan établi par la Cnuced pour s’en persuader.

En effet, les experts de cette institution indiquent que lors‑que les flux financiers mon‑diaux ont connu une légère re‑prise (5 %) en 2010, le volume des Investissements directs étrangers (IDE) en Algérie – estimé à 3 milliards de dol‑lars – a baissé de 17 % comparé à l’exercice précédent…

Le rapport explique ce recul par le fait que l’Algérie n’a pas été en mesure d’orienter une partie de ces capitaux vers son développement industriel. La faute en incombe à un cli‑mat des affaires qui reste trop contraignant, selon ces experts.

Si l’on excepte son secteur hydrocarbures, voilà qui place ce pays pourtant riche en op‑portunités d’investissement, au 136e rang du classement Doing Business 2011, publié par la Banque mondiale.

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AVOIR mAnAgeRs

LIBYeAli Tarhouni

Le responsable du secteur pétrolier au sein du Conseil national de transition (CNT) se trouve dans une situation délicate. Alors qu’il avait an‑noncé que la Libye allait au plus vite remettre en état de nombreux puits pétroliers pour mieux accélérer une re‑prise progressives des expor‑tations de brut, cela n’a pas été le cas. La faute en incom‑be, pour partie, aux compa‑gnies pétrolières étrangères, toujours réticentes à faire re‑venir leurs effectifs en Libye. à l’image de la société ita‑lienne Eni – pourtant la plus pressée de reprendre ses acti‑vités –, qui estime à au moins dix‑huit mois le délai néces‑saire à une reprise normale de la production

Ali Tarhouni se retrouve ainsi en porte‑à‑faux. D’autant que, malgré le soutien du pré‑sident du CNT, Mustapha Abdeljalil, il est contesté par certains combattants islamis‑tes qui le considèrent « para‑chuté » de l’étranger. Ils lui préféreraient l’un des hauts cadres de la National Oil Cor‑poration (NOC) libyenne, qu’ils estiment plus aptes à gérer ce secteur.

Titulaire d’un doctorat en économie et finances décro‑

ché à l’université Michigan State, Ali Tarhouni a enseigné à la Foster School of Busi‑ness (Washington University, Seattle).

ALgÉRIeIssad Rebrab Au côté de Mustapha Ben‑bada, ministre du Commerce, le P‑DG du groupe Cevital a inauguré l’Uno Shopping Center de Bouira, plus grand centre commercial régional du groupe Numidis – filiale de Cevital spécialisée dans la grande distribution – en Algé‑rie. Cet hypermarché s’étale sur 70 000 mètres carrés, dont 16 000 sont couverts.

Issad Rebrab a tenu à sou‑ligner que la réalisation de ce projet, dont les travaux ont démarré au cours de l’an‑née 2009, est le fait de com‑pétences algériennes.

Quant à ce qui concerne l’emploi, le patron de Cevital a indiqué que cet investisse‑ment avait directement géné‑

ré 400 postes et qu’il pourrait contribuer à la création de 2 000 emplois indirects dans un proche avenir.

Le réseau Numidis en Al‑gérie ne cesse ainsi de s’élar‑gir. Après Kouba, Rouiba, Bab Ezzouar et Bouira, deux autres centres commerciaux sont prévus à Aïn Defla et Mostaganem. En dépit des attaques menées contre lui

depuis le début des émeutes de janvier 2011 – dont cer‑taines émanant des médias officiels – et de l’obligation imposée par l’état de s’ali‑gner sur les prix publics du sucre et de l’huile, Issad Re‑brab continue donc à tirer son épingle du jeu et à développer son groupe.

KOWeïT Amani Bouresli La ministre du Commerce et de l’Industrie a adressé une lettre officielle au président des commissions du Conseil d e s m a r c h é s f i n a n c i e r s (CMF), Saleh al‑Falah, pour lui annoncer la mise à l’écart de trois de ses membres. Ces derniers sont accusés d’avoir violé la loi de 2010 concer‑nant l’organisation du CMF.

Depuis sa nomination, en mai dernier, Amani Bouresli se bat pour assainir son mi‑nistère. La seule femme du gouvernement koweïtien va même plus loin en s’atta‑quant aux anomalies qui en‑tachent le secteur financier, et qui sont liées aux sociétés cotées en bourse. Ces derniè‑res auraient en effet tendance à abuser de la couverture et du soutien des hauts respon‑sables.

Connue pour sa neutralité vis‑à‑vis des différents cou‑rants politiques et de leurs ti‑raillements, Amani Bouresli a la confiance de la population. Ce qui ne sera pas superflu au moment d’attaquer son dernier défi en date : former un comité restreint visant à redresser le secteur industriel koweïtien.

En tout cas, Amani Boures‑li ne ménage pas ses efforts pour tenter de concrétiser les promesses des différents gou‑vernements qui se sont suc‑cédé depuis vingt ans.

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TunIsIeAli mhiri Le P‑DG du groupe tunisien Alkimia, actionnaire princi‑pal de la SPA Kimial Annaba, menace de mettre en vente, d’ici à un mois, les parts de sa branche algérienne, esti‑mées à 55 % du capital. Les 45 % restant étant détenus par le groupe algérien Asmidal. Cette décision a été prise le 15 septembre dernier, à l’is‑sue d’une assemblée géné‑rale extraordinaire du conseil d’administration de Kimial.

Cette dernière entreprise est spécialisée dans la pro‑duction, la commercialisation et l’exportation de tripoly‑phosphate de sodium (STPP), qui sert à la fabrication de dé‑tergents et céramiques ainsi qu’à l’exploitation du carbo‑nate de soude.

« Si nous ne recevons pas de suites favorables à nos re-vendications de la part des autorités algériennes, d’ici à septembre 2011, Alkimia sera obligée de mettre en vente sa participation dans la société algérienne Kimial », avait déjà prévenu Ali Mhiri le 21 juin dernier.

Les raisons de cette déci‑sion seraient liées à l’échec des pourparlers avec les res‑ponsables gouvernementaux algériens. Ces derniers ont en effet refusé de rendre obli‑gatoire la norme relative à la production des détergents et d’étendre les barrières doua‑nières qui taxent le STPP im‑porté. En outre, l’état refuse toujours de lui restituer un précompte TVA estimé à près de 100 millions de dinars. Un coup dur pour Kimial, qui a a achevé l’exercice 2010 avec un déficit de quelque 2,3 mil‑lions d’euros.

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ÉneRgIegazprom en LibyeAlors que certains responsables du Conseil national de transi‑tion (CNT) libyen affirment que les sociétés issues des pays qui n’ont pas soutenu la révo‑lution verront leurs contrats pé‑troliers réexaminés, la Russie a pris les devants. Bien implantée dans le secteur des hydrocar‑bures en Libye, la compagnie

italienne Eni vient en effet de confirmer la vente au géant russe Gazprom de 50 % de ses parts (33 %) dans le gisement pétrolier Elephant, situé dans le sud‑ouest du pays. Les réserves avérées de ce site atteindraient 68 millions de tonnes de brut, selon l’agence de presse russe RIA Novsoti, qui en évalue le tiers à environ 2 milliards de dollars.

En février 2011, Gazprom avait signé avec Eni ce contrat qui avait été provisoirement suspendu en avril dernier du fait du conflit en Libye.

De quoi contenter le minis‑tre russe de l’énergie, Sergueï Chmatko, qui espérait voir les compagnies pétrolières de son pays – Gazprom et Tatneft en tête – reprendre leurs activités en Libye, où elles ont déjà in‑vesti des milliards de dollars dans des projets d’exploration et de production de brut.

Pour rappel, Eni et Gazprom étaient également les mieux placés pour remporter le troi‑

sième appel d’offres gazier reporté l’année dernière par la National Oil Corporation (NOC) libyenne.

PHOsPHATeL’OCP joue la transparence L’Office chérifien des phos‑phates (OCP), l’un des piliers de l’économie marocaine, a annoncé officiellement qu’il investirait environ 2 milliards de dirhams sur les dix prochai‑nes années. Un développement que l’OCP compte financer en se lançant sur le marché de la dette privée. Exclusivement réservées aux institutionnels marocains, les souscriptions – dont la période s’étendait du 22 au 26 septembre dernier – se feront en deux tranches, l’une cotée en bourse et l’autre non. Par ailleurs, des levées ultérieu‑res sur le compartiment obliga‑taire ne sont pas à exclure.

Pour l’heure, l’OCP entend profiter de cet emprunt pour diversifier ses sources de fi‑nancement, même si le groupe demeure très peu endetté, comme l’a montré la toute pre‑mière publication de ses comp‑tes.

Au terme de 2010, son endettement s’est élevé à 1,88 milliard de dirhams pour des capitaux propres de 24 mil‑liards. Quant à l’excédent brut d’exploitation – passé de 33 milliards en 2008 à 2,1 mil‑liards en 2009 – il s’affichait à 15 milliards à la fin de 2010.

En termes de perspectives, l’OCP envisage aussi de réo‑rienter son portefeuille com‑mercial pour sécuriser ses débouchés et redéfinir sa poli‑tique de prix.

L’entreprise espère attein‑dre une capacité totale de pro‑duction en phosphate brut de 50 millions de tonnes à l’hori‑zon 2020, contre 26,4 millions à la fin de 2010.

eXPLORATIOnCairn energy vise le LibanLe groupe pétrolier écossais Cairn Energy PLC a profité de la présentation de ses résultats du deuxième trimestre pour annoncer la création du consor‑tium 5C. Cela afin de participer aux éventuels appels d’offres lancés en 2012 par le Liban, voire Chypre, pour l’explora‑tion de blocs gaziers offshore.

Ce consortium dirigé par Cairn Energy réunit le groupe britannique Cove Energy et le libanais CCC Energy Develop‑ment (CCED), filiale amont du groupe Consolidated Contrac‑tors Company (CCC) qui a déjà réalisé plusieurs découvertes à Oman, où elle produit du pé‑trole brut.

Avec beaucoup de retard, notamment par rapport à Israël – qui va commencer à exploi‑ter le champ de Tamar vers la fin de 2012 –, le Liban a donc pris au mois d’août dernier

plusieurs mesures de nature à accélérer le lancement de la fu‑ture campagne de prospection pétrolière maritime.

Par ailleurs, le ministère de l’énergie a lancé un nouvel ap‑pel d’offres pour la désignation d’un consultant appelé à rendre une évaluation stratégique de l’environnement concernant les activités pétrolières et gazières dans les eaux libanaises.

TÉLÉCOmAlgérie Télécom privilégiéeL’Autorité de régulation de la poste et des télécommunica‑

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tions (ARPT) vient de lancer officiellement la mise en ad‑judication de la licence de té‑léphonie mobile de troisième génération (3G) en Algérie. L’avis d’appel d’offres a été publié, tout comme le proces‑sus réglementaire à suivre pour se porter candidat.

Comme convenu lors d’un récent conseil des ministres, les concurrents sont au nombre de trois : Algérie Télécom, Djezzy et Nedjma. Ils disposeront d’une vingtaine de jours pour officialiser leurs candidatures et les transmettre à l’Agence sous pli cacheté.

L’ARPT a fixé la date d’oc‑troi provisoire des licences au 23 octobre 2011. Quant à la commercialisation, elle devrait commencer dans le courant du premier trimestre 2012.

Selon des sources concordan‑tes à Alger, l’opérateur histori‑que Algérie Télécom semble le mieux placé pour l’emporter. Il faut dire que le nouveau code des marchés publics accorde automatiquement la priorité aux opérateurs nationaux pour peu que leur offre n’excède pas 25 % de celle d’un concurrent étranger. Mais la nouvelle rè‑gle en matière d’investissement étranger – obligation de s’as‑socier avec un ou plusieurs partenaires algériens détenant la majorité du capital – pour‑rait permettra aux opérateurs Djezzy et Nedjma de constituer un partenariat avec Algérie Té‑lécom.

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Cette hausse s’explique d’abord par la montée du cours des matiè‑res premières sur les marchés in‑ternationaux. Le prix des céréales, par exemple, oscille aujourd’hui entre 350 et 400 dollars la tonne.

Selon un quotidien algérien, ce sont les céréales (93 %) et les produits laitiers (42,3 %) qui ont

Selon les informations du Centre national de l’infor‑matique et des statistiques

(CNIS) des Douanes, publiées par l’agence Algérie Presse Service (APS), les importations algérien‑nes de produits alimentaires ont explosé, comme en atteste l’aug‑mentation de 59 % qui a été enre‑

gistrée durant le premier semestre de l’année 2011.

Sur cette seule période, les pro‑duits alimentaires importés ont représenté 20,76 % du volume global des importations pour un coût de 4,8 milliards de dollars, contre plus de 3 milliards pour la même période en 2010.

exploSion Sur le premier

semestre 2011, les importations alimentaires ont

augmenté de 59 %

Alimentaire, une facture salée Les importations algériennes n’en finissent plus d’augmenter, avec un bond de plus de 16 % en 2011. Et le budget qui leur est alloué a suivi le mouvement, en hausse de quelque 3 milliards de dollars cette année.

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Octobre 2011 Arabies I 47

enregistré les plus importantes fluctuations. Ainsi, l’enveloppe dédiée à l’achat de farine, de blé dur et d’orge est évaluée à quelque 2 milliards de dollars pour les six premiers mois de cette année…

Quant aux autres produits ali‑mentaires d’importation qui sont de première nécessité pour les familles algériennes (sucres et su‑creries, café, thé, fruits secs), ils ont coûté à l’état 907 millions de dollars sur le premier semestre de l’année en cours (470 millions en 2010). Le prix des sucres et sucreries a notamment accusé une hausse de 48,6 % pour un coût global supérieur à 490 millions de dollars. Ces achats massifs de cé‑réales, lait et sucres sont toutefois nécessaires pour répondre aux be‑soins croissants des familles.

N’oublions pas qu’une crise so‑ciale a secoué tout le pays durant les premiers mois de 2011. Des émeutes et des mouvements so‑ciaux ont en effet éclaté, ici et là, pour revendiquer une meilleure prise en charge des problèmes ré‑currents : cherté des produits de consommation de base, chômage et augmentation de la pauvreté.

C’est d’ailleurs bien le coût élevé des produits de première nécessité (huile et sucre) qui a été le facteur déclencheur de ces émeutes qui ont ébranlé l’Algérie durant plusieurs semaines.Mesures d’urgence. Pour apaiser la tension sociale et éviter un scé‑nario à la tunisienne, le gouverne‑ment algérien a pris certaines me‑sures d’urgence concernant l’ap‑provisionnement des produits de première nécessité. Cette action visait surtout à soutenir les prix de vente en octroyant des subven‑tions supplémentaires à des pro‑duits comme l’huile et le sucre.

Ainsi, la loi de finances com‑plémentaire 2011 a prévu une augmentation de 21 % des dépen‑ses publiques (soit 23 milliards de dollars) pour prendre en charge ces mesures d’urgence qui de‑

vraient permettre de soutenir le pouvoir d’achat et la hausse des salaires.

D’autres mesures provisoires – qui devaient être suspendues à la fin du mois d’août dernier –, no‑tamment fiscales, ont également été prises pour faire face à cette tension sociale. La TVA a ainsi été supprimée momentanément, tout comme les droits de douane liés aux produits alimentaires im‑portés. Quant aux producteurs et à l’industrie de transformation, ils ont été dispensés de l’impôt sur les bénéfices. Mais ces mesures ont un coût, estimé à 300 millions d’euros par le ministère du Com‑merce…

Pour le ministre de l’Agricul‑ture et du Développement rural, Rachid Benaïssa, ce recours à des importations massives doit per‑mettre la constitution d’un impor‑tant stock de réserve, à l’image de ce que font de nombreux pays à travers le monde.

En réponse aux instructions du gouvernement, l’Office algérien

interprofessionnel des céréales (OAIC) a donc passé de grosses commandes de céréales entre jan‑vier et mars 2011. La presse évo‑que un volume d’environ 1 mil‑lion de tonnes livré en plusieurs lots entre les mois de mars et de mai derniers.

Malgré une production d’orge qui sera très insuffisante cette année, l’OAIC affiche un cer‑tain optimisme concernant les prévisions pour la récolte céréa‑lière 2010/2011, au vu de l’im‑portante pluviométrie constatée cette année. Ce qu’a confirmé le directeur général de l’Office,

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en guise d’allé-gement fiscal, la TVA et les droits de douane liés aux produits importés ont été momentané-ment supprimés dé

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Lait, pain, sucre, huile et légumes secs figurent désormais sur la liste des produits subventionnés par l’état.

AlgéRie AVoiR

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48 I Arabies Octobre 2011

conSTATles pays du Ma-

ghreb comptent 2 % de la population

mondiale, mais im-portent 15 % de la production de blé

Nordine Kehal, en déclarant à la presse : « La production de cé‑réales 2010/2011 devrait donner quelque 45 millions de quintaux. C’est un excellent rendement pour le blé dur et le blé tendre. »

Cet optimisme est partagé par l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agricul‑ture (FAO, pour Food and Agri‑culture Organisation), qui affiche sa satisfaction dans son rapport annuel par pays, publié en février dernier. Il souligne ainsi l’amé‑lioration des conditions de rende‑ment dans la culture céréalière en Algérie.

Afin de contrer la flambée des prix des produits importés, la centrale syndicale de l’Union gé‑nérale des travailleurs algériens (UGTA) a proposé de réactiver l’Office national d’importation et d’exportation des produits ali‑mentaires (ex‑Onaco, pour Office national de la commercialisation). Cela pour assurer la régulation des prix et des marges bénéfi‑ciaires des produits alimentaires d’importation tels que sucre, thé, café et légumes secs.

Par ailleurs, le ministre du

Commerce, Mustapha Benbada, a annoncé que – outre le lait, le pain, le sucre et l’huile – les légu‑mes secs figurent désormais sur la liste des produits subventionnés par l’état.

P‑DG de la Semoulerie indus‑trielle de la Mitidja (SIM) – grou‑pe industriel privé qui assure le tiers des besoins algériens en fari‑ne et semoule –, Abdelkader Taïeb Ezzraimi a déclaré dans la presse : « Il faudrait mettre en place un dispositif juridique qui favorise la production nationale. »

Il estime par ailleurs que l’état devrait plutôt taxer les importa‑teurs de produits finis, en parti‑culier ceux qui sont fabriqués en Algérie.Futur alimentaire incertain. Les résultats d’une enquête publiée par le Centre national d’études et d’analyses pour la population et le développement (Ceneap) sont tou‑tefois inquiétants : « à l’échéance 2030‑2040, les recettes pétrolières et gazières de l’Algérie assure‑ront, comme aujourd’hui, le paie‑ment de la facture alimentaire. Au‑delà, le futur alimentaire est incertain… »

Lors d’une conférence de presse portant sur la sécurité alimentaire et sur les politiques agricoles et rurales au Maghreb, le professeur Omar Bessaoud, expert consul‑tant en agronomie, ne s’est pas montré plus rassurant en faisant remarquer que « les pays du Ma‑ghreb comptent 2 % de la popu‑lation mondiale, mais importent 15 % de la production mondiale de blé »…

Des économistes algériens ne cessent de mettre en garde les autorités contre les répercus‑sions négatives de cette hausse des importations sur l’économie. D’autant plus que la facture ali‑mentaire pourrait devenir trop lourde pour les finances publiques si les cours du pétrole venaient à chuter.

Cette situation est préoccupante pour un pays dont l’excédent com‑mercial est fragile (environ 13 mil‑liards de dollars). Car le risque de récession économique dans les pays occidentaux pourrait avoir des conséquences désastreuses sur les revenus et, donc, sur l’importa‑tion des produits alimentaires de première nécessité. n

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mesures d’urgence prises pour alléger

la tension sociale coûteront 300 mil-

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Sur les six premiers mois de l’année, les denrées alimentaires ont représenté 20,76 % du volume global des importations.

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du12au15OCTOBRE2011

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50 I Arabies Octobre 2011

Dans les aéroports de Casa‑blanca et de Paris‑Char‑les‑de‑Gaulle, les passagers

se sont plaints des retards et dys‑fonctionnements qui ont quelque peu perturbé leurs voyages. Et pour cause, la compagnie aé‑rienne Royal Air Maroc (RAM) est dans le rouge. Elle fait face, depuis le mois de juin 2011, à des pertes cumulées de près de

200 millions de dirhams, soit quelque 2 millions d’euros par semaine…

C’es t la seconde fo is de‑puis 2008 que la compagnie aé‑rienne vit une crise financière. à tel point que sa privatisation est évoquée par les spécialis‑tes du secteur aéronautique et la presse nationale. Une recapita‑lisation par le biais de la Caisse

de dépôt et de gestion (CDG) est en effet recommandée par de nombreux économistes. De 20 à 30 % du capital de la compagnie pourraient ainsi entrer en bourse vers la fin de l’année 2011. Une redistribution du capital vers les employés, les tour‑opérateurs et, probablement, une compagnie aérienne étrangère est la princi‑pale option envisagée dans le ca‑

Royal Air Maroc au bord du crashEn grande difficulté depuis le début de l’été 2011, la principale compagnie aérienne maghrébine, deuxième en Afrique après la South African Airways (SAA), songe de plus en plus à la privatisation.Par Hélène BENAIL

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PERTESDepuis le mois de

juin 2011, Royal Air Maroc perd quelque

2 millions d’euros par semaine

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dre d’une privatisation de Royal Air Maroc.

Le site Internet Air Journal cite ainsi des sources concordantes qui évoquent la possibilité d’ac‑quisition de 30 % de la RAM par une compagnie aérienne étran‑gère. Air France‑KLM, British Airways, Lufthansa ou Emirates pourraient être intéressées. Les mêmes sources laissent d’ailleurs entendre que des pourparlers auraient déjà été entamés entre Air France‑KLM et la compagnie nationale marocaine depuis la tenue du Salon aéronautique du Bourget, en région parisienne, de juin dernier.

En attendant, d’autres mesures semblent plus urgentes, comme faire des économies sur le budget de fonctionnement. Une politique de rationalisation a ainsi été mise en place durant l’été, en étroite collaboration avec les délégués syndicaux.Plan social. à la mi‑août 2011, la direction de Royal Air Maroc a annoncé la mise en place d’un plan social qui prévoit le départ de 1 560 salariés. L’objectif est de permettre le redressement de la compagnie, qui se trouve dans une situation financière critique. Diffusé par l’agence de presse marocaine MAP, le communiqué de la direction générale précisait que « le plan social offre pour la période 2011‑2013 le départ de ses employés dans des conditions avantageuses ».

Dans le cadre des dispositions prises conjointement avec les syndicats de la compagnie, on propose également aux salariés de plus de 45 ans d’accéder à la retraite volontaire. Une aide à la formation, d’une durée maximale d’un an, sera en outre accordée aux salariés licenciés qui désirent se reconvertir dans une autre acti‑vité ou créer leur entreprise.

Le P‑DG de Royal Air Maroc, Driss Benhima, a expliqué que cette situation de vulnérabilité est

la conséquence de la crise écono‑mique mondiale et du dévelop‑pement d’une rude concurrence dans le ciel marocain. La fluctua‑tion des cours du prix du pétrole est également un facteur qui a ag‑gravé la fragilité de l’entreprise.

Pour faire face, le conseil d’ad‑ministration de la compagnie a mis en place un plan de restructu‑ration qui s’étalera jusqu’en 2016. Ce programme doit permettre à la RAM d’améliorer ses produits afin de maintenir son positionne‑ment actuel sur le marché aérien africain. Ce plan nécessitera tou‑tefois un investissement de près de 10 milliards de dirhams sur cinq ans…

Dans un entretien accordé au quotidien marocain L’Écono‑miste, Driss Benhima estime que « cet investissement permettra un retour à l’équilibre des comptes et à la rentabilité dès 2012, as‑sorti d’une forte croissance ».

La compagnie nationale maro‑caine dispose actuellement d’une

soixantaine d’avions. Mais elle a passé commande pour 22 nou‑veaux appareils qui devraient être livrés d’ici à quatre ans.

En août dernier, Royal Air Maroc a déjà reçu ses deux pre‑miers avions ATR 72‑600, ache‑tés en 2009 et destinés à sa filiale RAM Express, née du plan de développement de 2009 et qui assure essentiellement les vols intérieurs du royaume.

Toujours dans le cadre de l’ex‑pansion de sa flotte, la RAM re‑cevra aussi, dans les prochains mois, quelques‑uns de ses ap‑

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Octobre 2011 Arabies I 51

à la mi‑août 2011, la direction de Royal Air Maroc a annoncé un plan social qui prévoit 1 560 licenciements et qui favorise les départs en retraite anticipée Pl

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RESTRUcTURATioN étalé jusqu’en 2016, le plan de restruc‑turation de la RAM nécessitera 10 mil‑liards de dirhams d’investissement sur cinq ans

MARoc AvoiR

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52 I Arabies Octobre 2011

pareils gros porteurs, dont cer‑tains ont été commandés depuis les années 2000 auprès de la firme américaine Boeing, comme le 747 ou le fameux 787 de der‑nière génération.

Outre Montréal et New York, Royal Air Maroc dessert 15 vil‑les en Afrique et 10 au Pro‑che‑Orient, mais 60 % du trafic se fait en Europe occidentale. Et la concurrence est rude, notamment avec les compagnies low cost.

Présentes sur le marché depuis son ouverture en 2006, des com‑pagnies aériennes comme Rya‑nair, easyJet, Vueling et Jet4you proposent à la clientèle des prix défiant toute concurrence. Mal‑gré cette situation difficile, la RAM souhaiterait maintenir ses offres internes « pour assurer un développement harmonieux du transport aérien », selon les mots de Driss Benhima.

Car sur les lignes non desser‑vies par les compagnies low cost, Royal Air Maroc a enregistré

une évolution très positive, no‑tamment en Afrique (+ 29 %), en Amérique du Nord (+ 27 %) et au Maroc (+ 27 %). Ce qui fait dire au P‑DG de la RAM que « les pertes sont conjoncturelles ».

Toujours est‑il que des diffi‑cultés existent bel et bien au ni‑veau structurel de l’entreprise. La compagnie a certes fait baisser ses charges de 19 % en huit ans, mais les prix ont chuté de 26 % depuis l’ouverture du marché dans le pays…Restructuration. Pour sortir de cette période critique, Driss Ben‑hima mise sur une restructuration afin de régler les problèmes de fonds (difficultés de réseau et li‑gnes déficitaires). Mais d’autres mesures sont également plus que nécessaires, telles que l’ajuste‑ment des effectifs et des salaires plutôt que leur réduction.

La rationalisation des frais de fonctionnement pourrait‑elle permettre à la RAM de main‑tenir son statut de compagnie

nationale ? Dans un contexte de ciel ouvert, serait‑il possible de maintenir le développement de la RAM à l’international en tant que compagnie nationale ? Pour rester compétitive, la compagnie ne doit‑elle pas s’agrandir ?

Quand il s’agit de répondre à ces questions, Driss Benhima n’y va pas par quatre chemins, comme il l’expliquait récemment dans les colonnes d’un quotidien marocain : « Soit la compagnie se réajuste, l’État l’aide pour cela, et dans dix ans le Maroc pourrait se targuer d’avoir la première compagnie africaine ; soit elle est laissée dans la situation actuelle et dans ce cas, l’issue fatale et inéluctable est bien plus proche qu’on ne le pense… »

L’appel lancé par le patron de Royal Air Maroc est sans équivo‑que. La conjoncture actuelle ne permet pas l’attente. L’avenir de la compagnie est engagé et il pas‑se par des actions aussi concrètes que rapides. n

coNJoNcTURELa RAM a certes fait baisser ses charges de 19 % en huit ans,

mais les prix, eux, ont chuté de 26 %

depuis l’ouver‑ture du marché au

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RESPONSABLE MAINTENANCEConvergence conseil (Maroc)Quali�cation: Diplôme en Ingénierie Experience: 10+ ans d’expérienceSkills: Expérience dans une fonction similaire Une grande capacité d’organisation Excellentes aptitudes en communication

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ARCHITECTE D'INTÉRIEUR SUPÉRIEURPodarchitecture (Maroc)Quali�cation: Diplôme en design d'intérieurExperience: 5+ ans d’expérienceSkills: Une maîtrise parfaite de la langue française Expérience dans la conception des hôtels De fortes compétences managériales

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DIRECTEUR(TRICE) GÉNÉRAL(E)Michael Page (Maroc)Quali�cation: Diplôme en Ingénierie/ Commerce Experience: 10+ ans d’expérienceSkills: Expérience dans le secteur IT Excellentes aptitudes en communication Une maîtrise parfaite du francais, Arabe, Anglais

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BANQUIER PRIVÉ GESTION DE FORTUNESRobert Walters (Maroc)Quali�cation: Diplôme en Ingénierie/ Commerce Experience: 6+ ans d’expérienceSkills: Une grande capacité d’organisation Fortes compétences de négociations Une maîtrise parfaite du Francais & Anglais

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FISCALISTE H/FRobert Walters (Maroc)Quali�cation: Diplôme dans une discipline applicable Experience: 10+ ans d’expérienceSkills: Expérience dans le domaine sde la fiscalité Une maîtrise parfaite du francais, Arabe, Anglais Une grande capacité d’organisation

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INGENIEUR DE PROJETSEG SARL (Maroc)Quali�cation: Diplôme en Ingénierie Civile Expserience: 5+ ans d’expérienceSkills: Excellentes aptitudes en communication Une maîtrise parfaite de la langue française Expérience dans la gestion /Suivi de chantier

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COLLABORATEUR DE VENTETechSource International (Maroc)Quali�cation: Diplôme dans une discipline applicable Experience: 1-7 ans d’expérienceSkills: Bonne aptitude de persuasion/ négociation Solides aptitudes relationnelles Excellentes Capacités relationnelles

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RESPONSABLE LOGISTIQUELabinal Maroc (Maroc)Quali�cation: Diplôme en Ingénierie/ Commerce Experience: 3+ ans d’expérienceSkills: Expérience dans le monde industriel Une maîtrise parfaite de l’outil informatique Fortes capacités relationnelles

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INGÉNIEUR CHEF DE PROJETLabinal Maroc (Maroc) Quali�cation: Diplômse en IngénierieExperience: 3+ ans d’expérienceSkills: Expérience dans le domaine automobile Une maîtrise parfaite de l’ Anglais Une grande capacité d’organisation

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CREDIT MANAGERConvergence conseil (Maroc)Quali�cation: Diplôme dans une discipline juridiqueExperience: 4+ ans d’expérienceSkills: Bonne connaissance du terrain juridique Fortes capacités relationnelles Fortes compétences d’analyse

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54 I Arabies Octobre 2011

7 milliards d’euros en Europe, dont 5 milliards en France…

Le secteur de la finance est le grand gagnant de ces transac‑tions. HSBC, Goldman Sachs ou le Crédit Suisse sont quelques‑uns

D ’importantes opérations fi‑nancières ont été effectuées entre la Libye et l’étranger,

par le biais de la Libyan Invest-ment Authority (LIA), un fonds souverain détenu par l’admi‑

nistration publique. Ce dernier aurait transféré plus de 70 mil‑liards de dollars via des place‑ments en banques et des partici‑pations dans des multinationales. En 2009, la LIA aurait ainsi placé

europe La Libyan Invest‑

ment Authority (LIA) aurait placé

7 milliards d’euros en europe en 2009,

dont 5 en France

Fonds libyens, l’épreuve de la transitionDurant des années, les fonds souverains libyens ont massivement placé les recettes de la rente pétrolière en Europe, en Afrique et aux états‑Unis. Mais la victoire du CNT pourrait changer la donne. Enjeux… Par Véronique NArAME

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Octobre 2011 Arabies I 55

des établissements bancaires qui ont bénéficié des recettes de la rente pétrolière de l’état libyen. La banque italienne Unicredit a aussi été créditée de 1,6 milliard d’euros libyens en 2008 et la So‑ciété générale détenait 1,8 mil‑liard de dollars d’actifs de la LIA en 2010.

Le fonds souverain libyen a également pris des participations dans certains grands groupes comme ENI (8,91 % du capital, soit 465 millions de dollars), Sie‑mens (9,2 %, soit 480 millions de dollars), Lagardère (1,19 %), General Electric (4,16 %) et France Télécom (1,02 %). Au to‑tal, la LIA a investi dans plus de 50 sociétés au nombre desquelles figurent Lafarge, Schlumberger, Nestlé, Honeywell ou Danone. Le fonds souverain détient égale‑ment 3,27 % du capital de Pear‑son, groupe de presse britannique qui édite notamment le Financial Times. économie libyenne attractive. Forte de 175 milliards de dollars de liquidités en 2009, l’économie libyenne est vite apparue comme attractive, et sa bonne résistance à la crise mondiale a suscité l’in‑térêt du monde de l’entreprise et de la finance.

En quête de nouveaux marchés et de financements pour recapitali‑ser leurs sociétés, quelque 150 di‑rigeants de l’Hexagone se sont ainsi rendus sur place il y a deux ans pour assister à un séminaire sur la Libye organisé par Ubifran‑ce. Les fonds d’investissements et les banques de la Jamahiriya libyenne étaient au rendez‑vous, à commencer par la LIA.

établie en 2006 par le Comité général du peuple, cette holding gère les fonds du gouvernement libyen. Ses ressources provien‑nent des revenus de l’industrie du pétrole et du gaz naturel. La LIA opère en parallèle de la Li-byan Arab Foreign Bank (LAFB), une banque apparue en 1972 pour

soutenir les investissements li‑byens à l’étranger. La LAFB est notamment devenue l’actionnaire principal de la British Arab Com-mercial Bank (83,48 % du capital en 2011), depuis que HSBC Bank Middle East lui a cédé 48,9 % de ses parts. Elle détient également des participations dans une ving‑taine de banques en Afrique du Nord (Alubaf International Bank en Tunisie, Chinguitty Bank en Mauritanie), au Moyen‑Orient, en Turquie et en Afrique subsaha‑rienne. Autant de participations qui ont été gelées au moment des sanctions imposées par la Com‑munauté internationale. Ce qui vaut aussi pour d’autres entités libyennes, directement ou indi‑rectement contrôlées par la Ja‑

mahiriya. Il s’agit notamment de la Central Bank of Libya et de la Banque sahelo‑saharienne pour l’investissement et le commerce (BSIC). Créée en 1999 à Syrte, cette dernière dispose de filiales dans pas moins de 14 pays afri‑cains (Togo, Sénégal, Guinée Co‑nakry, Centrafrique…).

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Entre son flot de liquidités (175 mil‑liards de dollars en 2009) et sa bonne résistance à la crise mondiale, l’économie libyenne a su séduire

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Le fonds de placement ESDF est partenaire de sociétés aussi réputées que Vinci, Veolia, Suez ou Daewoo.

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pActoLeLe total des fonds transférés à l’étran‑ger par la LIA est estimé à plus de 170 milliards de dollars

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56 I Arabies Octobre 2011

Outre leur pléthore de place‑ments financiers, la LIA et les fonds libyens de capital‑investis‑sement ont financé une myriade de projets et sont entrés dans le capital de quantité de sociétés.

Economic & Social Develo-pment Fund (ESDF), un fonds de placement qui a participé à la convention d’affaires fran‑co‑libyenne à Paris, était doté à cette époque d’un portefeuille de 14 milliards de dinars libyens. ESDF entendait alors nouer des partenariats et s’appuyer sur l’ex‑pertise française pour accom‑pagner certaines réalisations : zones d’activités économiques, cités administratives et commer‑ciales, espaces de loisirs. Déjà partenaire de Vinci, Veolia, Suez ou Daewoo, la firme libyenne

escomptait d’autres signatures pour la construction du métro, du réseau de distribution d’eau ou encore d’hôtels à Tripoli et à Benghazi.

Lui aussi partie prenante de la délégation libyenne invitée au séminaire organisé par Ubifran‑ce, le Libyan African Investment Portfolio (LAIP) est un fonds souverain contrôlé par la LIA qui gère les placements de la Libye en Afrique. Fondé en 2006, le LAIP détient notamment Green Network Technology, une société spécialisée dans l’ingénierie in‑formatique et les télécommuni‑cations. LAIP‑Green Network opère dans 12 pays africains dont le Tchad, où il a possède 60 % des parts de Sotel Tchad, la société nationale de télécommunications.

Le montage de cette privatisation s’est réalisé grâce au concours du cabinet français Messier & Asso‑ciés. Le LAIP gère aussi la com‑pagnie pétrolière publique Oil Libya Holding Compagny et la Libyan Arab African Investment Company (Laaico), laquelle avait également été conviée à cette journée économique dans la capi‑tale française.

Bien connue des milieux d’af‑faires en Afrique, la Laaico est un fonds d’investissement très actif sur le continent. Elle intervient dans plus de 25 pays pour soute‑nir des projets dans différents sec‑teurs (agriculture, industrie, télé‑communications). En République démocratique du Congo, le fonds a investi dans la prospection du diamant en achetant des actions

La compagnie publique Libya Oil Holding a acquis bon nombre des filiales de Shell et d’ExxonMobil.

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Page 57: Arabies | October 2011

de la société Oryx. Au Congo, la Laaico est chargée de l’exploita‑tion de près de 450 000 hectares de forêt, sous couvert de la So‑ciété congolaise arabe libyenne (Socalib). Elle finance aussi l’éle‑vage avicole à Madagascar et au Ghana (3 500 hectares). Hôtellerie. Au Mali, le fonds li‑byen exploite 100 000 hectares de terres et a investi dans l’hôtellerie dès 1998 via une filiale, la Libyan Arab Foreign Investment Compa-ny (Lafico). Quelques années plus tôt, via la chaîne Laico Hotels & Resorts, il avait aussi signé un contrat de gestion avec Accor So‑fitel. à N’Djamena (Tchad), c’est avec l’hôtelier Kempinski que Laico avait scellé son partenariat tandis que, à Brazzaville (RD Congo), il opérait en duo avec Le Méridien. La Laaico s’est aussi positionnée dans les secteurs agro‑industriel (Bénin, éthiopie) et immobilier, investissant dans des projets aussi variés que des complexes résidentiels (Zambie), des immeubles (Libéria), un vil‑lage touristique (érythrée) ou un centre commercial (Ouagadou‑gou, Burkina Faso).

La Libye a également consenti d’importants investissements à l’international dans le domaine pétrolier. Elle a pénétré les mar‑chés européens en établissant des connexions via Oilinvest BV, une société de droit néerlandais qui dépend de la LIA et qui traite plus de 125 millions de barils de pétrole brut, dont 70 % dans ses trois raffineries d’Italie, d’Al‑lemagne et de Suisse. Implan‑tée sur le territoire helvétique depuis 1990, Oilinvest a acquis les stations‑service Elf en 2003. Tamoil, sa succursale, commer‑cialise ses produits à travers 3 000 points de vente internatio‑naux (Italie, Suisse, Allemagne, Pays‑Bas et Espagne).

Libya Oil Holding s’est pour sa part déployée dans une ving‑taine de pays africains. En l’es‑

pace de dix ans, la compagnie publique libyenne a notamment acquis bon nombre des filiales de Shell et d’ExxonMobil. En 2009, sa filiale OiLibya totalisait plus de 1 200 stations‑service sur le continent (Kenya, Maroc, Tu‑nisie) et approvisionnait 40 aé‑roports dans 15 pays africains. Libya Oil Holding est également engagée dans l’exploration et la production d’hydrocarbures dans sept pays, parmi lesquels Oman et l’égypte. Les gouvernements du Kenya et de l’Ouganda lui ont aussi confié l’extension du gazo‑duc Eldoret‑Kampala.

Le champ d’action de la Libye est donc très étendu et n’a rien négligé. Le pays s’est positionné en bailleur de fonds sur plusieurs continents, notamment en Afri‑que où il a financé un large spec‑

Implantée sur le territoire helvéti‑que depuis 1990, oilinvest a racheté les stations‑service elf en 2003

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tre d’activités, depuis la prospec‑tion pétrolière jusqu’à la mise sur orbite du satellite de télécommu‑nications Rascom, dont il est le principal actionnaire.

Ces six derniers mois, les com‑bats sur son sol ont cependant causé d’importants dommages et leurs effets collatéraux risquent de fragiliser bien des équilibres macroéconomiques. n

Les effets collatéraux de six mois de conflit sur son sol ont fragilisé les équilibres macroéconomiques de la Libye.

Octobre 2011 Arabies I 57

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58 I Arabies Octobre 2011

l’économie et des finances, le déficit budgétaire, estimé à 5,7% du Produit intérieur brut, a atteint un seuil alarmant. Le Maroc paie donc très cher sa relative stabilité politique et sociale.

Le déficit des finances publi‑ques au Maroc se creuse de plus en plus. Les causes ?

D’une part, le prix élevé des ma‑tières premières et le manque de transferts d’argent des Marocains

résidant à l’étranger ; d’autre part, l’augmentation imprévue des dépenses engagées par l’état à la suite de l’agitation sociale du printemps dernier. Selon les derniers chiffres du ministère de

SOCIAL Les mesures prises

pour lutter contre la grogne sociale

devraient coûter 45 milliards de

dirhams à l’état

Vers un déficit recordSous le poids écrasant du coût des matières premières et de l’augmentation des dépenses engagées par l’état pour lutter contre la grogne sociale, le déficit budgétaire (5,7 % du PIB) atteint un seuil critique…Par Akima BEDOUANI

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Pour faire face au risque de révolte de la population maro‑caine, le gouvernement n’avait d’autre choix que de répondre positivement aux revendications sociales, notamment celle de la revalorisation de salaires. Dans une conjoncture internationale marquée par une crise financière accrue, d’incessantes fluctuations importantes du cours des prix des matières premières et un climat de tension sociale, le gouverne‑ment a dû, dans l’urgence, enga‑ger des dépenses supplémentaires qui ont plongé son déficit budgé‑taire dans une situation critique.

Ces dépenses de compensa‑tion – qui pourraient atteindre 45 milliards de dirhams à la fin de 2011, au lieu des 25 milliards initialement prévus – menacent la stabilité budgétaire du pays. Tout d’abord, parce que la loi de finan‑ces 2011 a été établie sur la base d’un baril de pétrole à 75 dollars, alors que son cours moyen a at‑teint 98 dollars cette année…

De plus, la balance commer‑ciale ne cesse de se dégrader depuis 2009 et son déséquilibre se creusera davantage encore en 2012.Coût des réformes. Pire encore, le coût du dialogue social et des réformes mises en place par le gouvernement devrait se monter à des dizaines de milliards de di‑rhams, selon le quotidien maro‑cain L’économiste.

L’état a en effet déployé des efforts considérables pour calmer la grogne de ses concitoyens. à titre indicatif, il a revalorisé les salaires des fonctionnaires de 600 dirhams net, augmenté de 10 % le salaire minimum légal – depuis juillet 2011 – et réa‑justé le montant des retraites à au moins 1 000 dirhams net par mois. Ces mesures exceptionnel‑les ont évidemment pesé lourd sur une masse salariale globale qui devrait dépasser 95 milliards de dirhams en 2012…

Dans le rapport trimestriel rendu par son établissement, le gouverneur de la Banque centrale du Maroc – Bank Al‑Maghrib –, Abdellatif Jouahri, a donc appelé les institutions étatiques à dimi‑nuer leurs dépenses. « Le déficit doit être contenu dans des limites acceptables qui puissent permet-tre à l’état de le financer sans recourir de manière exagérée au monétaire », a‑t‑il déclaré.

Cela dit, les organisations syn‑dicales estiment que les revendi‑cations sont légitimes et que c’est au gouvernement de trouver les moyens de créer de la richesse et de la distribuer équitablement.

De l’avis des économistes, le Maroc souffre de deux types de déficit, conjoncturel et structurel. « Le risque pour le Maroc est que le déficit conjoncturel qu’il connaît aujourd’hui se mue ou

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Vers un déficit record

Pour endiguer les troubles sociaux, l’état a revalorisé le traitement des fonctionnaires, augmenté le salaire minimum et réa-justé le montant des retraites M

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60 I Arabies Octobre 2011

dettedéjà à hauteur

de 60 % du PIB, la dette publique pourrait exploser

si des mesures restrictives ne sont

pas prises

évolue vers un déficit structurel », a ainsi souligné l’expert Driss Benali, lors d’un débat organisé par l’Institut Amadeus et rap‑porté par la presse marocaine. Et de préciser : « nous sommes dans un contexte où le Maroc subven-tionne des produits à vocation sociale et ces mesures n’assurent pas l’amélioration de la produc-tivité »…

Malgré ses acquis et son équili‑bre macroéconomique – d’ailleurs salué par le fonds monétaire in‑ternational (fMI) dans le dernier rapport publié sur son site –, le pays vit une situation critique.

Le déficit budgétaire risque de s’accentuer davantage en 2012 pour atteindre 7 % du PIB. Quant au niveau de la dette, qui repré‑sente aujourd’hui 60 % du PIB, il pourrait atteindre un record si

des mesures restrictives ne sont pas mises en œuvre de toute ur‑gence…

Selon de nombreux économis‑tes, la première mesure à prendre serait de maintenir les équilibres macroéconomiques enregistrés ces dernières années. En effet, les dépenses d’investissement du royaume ont atteint 21,8 milliards de dirhams au mois de juin 2011, contre 25,5 milliards au premier semestre de l’année 2010.

Les prémices d’une période d’austérité se confirment aussi dans les orientations récentes divulguées par le ministère de l’économie et des finances dans la loi de finances 2012.

En septembre dernier, le mi‑nistre concerné, Salaheddine Mezouar, a ainsi donné quelques indications sur ces nouvelles ten‑

dances qui laissent penser que le budget 2012 de l’état marocain risque de plonger le pays dans l’austérité.

De nouvelles mesures sont pourtant prévues pour renflouer les caisses publiques, comme la taxation supplémentaire des hauts revenus. Cette dernière sera en principe consacrée au finance‑ment de certains projets à voca‑tion sociale.

Car le gouvernement doit pour‑suivre ses efforts de cohésion sociale en mettant en place des programmes qui puissent favori‑ser l’amélioration des conditions de vie des couches de population les plus défavorisées, notamment dans les zones rurales.

Pour y parvenir, l’état envisa‑gerait de créer un fonds de soli‑darité qui serait soutenu par cette

La Banque marocaine du Commerce extérieur souffre de la méfiance accrue des partenaires commerciaux du Maroc en Europe occidentale.

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nouvelle taxe. Mais d’autres di‑rectives sont également à l’étude, telles que la limitation des dépen‑ses de fonctionnement des admi‑nistrations publiques. En bref, il s’agit de rationaliser tous les frais liés aux déplacements, à l’organi‑sation d’événements ou à l’achat de matériel et d’équipements.

Quant aux dépenses de com‑pensation, qui ont enregistré une très forte hausse en 2011, elles devraient être réduites de 3 %.

Enfin, le déficit public pourrait être ramené à 3 % en 2012 en res‑pectant les indications de la futu‑re loi de finances, établie par les autorités de tutelle à l’intention du futur gouvernement.Reprise de la croissance. Dans ses prévisions, cette même loi avance toutefois une reprise de la croissance, qui oscillerait entre 4,7 et 5,2 % et qui pourrait même grimper jusqu’à 5,5 % pour les secteurs non agricoles.

Les pouvoirs publics comptent également donner une nouvelle impulsion à leurs relations éco‑nomiques avec les pays du Sud. à cet effet, des programmes de partenariat et de coopération de‑vraient être mis en place à comp‑ter de l’année prochaine. Car, du fait de ses déficits budgétaires successifs, le Maroc enregistre une baisse sensible de ses rap‑ports commerciaux avec ses par‑tenaires européens et se trouve donc dans l’obligation d’élargir le spectre de ses relations com‑merciales potentielles.

Le recours à la privatisation d’une partie des actifs de quelques entreprises publiques a aussi été largement évoqué dans la presse nationale. Ainsi de la Banque centrale populaire (BCP), dont 20 % des parts ont été vendues cette année moyennant quelque 5,5 milliards de dirhams. Sont aussi concernées la compagnie Royal Air Maroc (RAM) et Ma‑roc Télécom. La mise en vente de ces actifs pourrait s’opérer après

finalisation des études engagées par les autorités publiques. Dans le détail, Maroc Télécom ouvri‑rait ainsi son capital à hauteur de 7 %, soit près de 9 milliards de di‑rhams ; et la RAM, qui se trouve dans une situation financière cri‑tique, céderait entre 20 et 30 % de son capital vers la fin de 2011.

Mais la vente de parts au sein des entreprises est‑elle une solu‑tion adaptée ? Ce n’est pas l’avis de Driss Benali, qui déclare dans la presse que « les privatisations témoignent plutôt de la fragilité de l’économie »…

Quoi qu’il en soit, les pouvoirs politiques ont une lourde tâche : concilier les promesses électora‑les avec l’austérité des dépenses. Deux éléments qui ont tout l’air d’être… inconciliables !

Les défis du futur gouverne‑ment s’annoncent donc très ar‑dus. Car la priorité sera surtout de relancer la solidarité nationale

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La loi de finan-ces 2012 prévoit une reprise de la croissance écono-mique, qui oscille-rait entre 4,7 et 5,5 % RE

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en instaurant équité et cohésion sociale. Une tâche d’autant plus difficile à concrétiser qu’il existe une grande disparité dans la dis‑tribution des richesses. Mais une tâche dont il convient de s’ac‑quitter si le pays veut éviter une révolution comme celles qui ont éclaté en Tunisie ou en égypte.

Nombreux sont ceux qui par‑lent d’un calme précaire, voire d’une bombe à retardement. Mal‑gré le ton rassurant des autorités, la crainte du pire est palpable. n

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Le déficit budgétaire pourrait encore s’alourdir en 2012 pour s’afficher à 7 % du PIB.

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62 I Arabies Octobre 2011

3GL’Algérie voit triple Le ministre algérien de la Pos‑te et des Technologies de l’in‑formation et de la communi‑cation, Moussa Benhamadi, a annoncé le lancement de la 3G à partir de 2012. Les nouvel‑les licences seront réservées aux trois opérateurs déjà pré‑sents sur le marché algérien (Djezzy, Mobilis et Nedjma).

Directeur général de Ned‑jma, Joseph Ged estime que son entreprise est prête pour le lancement de la 3G et que cette dernière va contribuer au développement du marché des télécoms en Algérie : « La qualité de services sera bonne et les prix accessibles », a‑t‑il précisé à l’intention de la presse locale. Il a par ailleurs confié que Nedjma est prêt à

investir pour développer un réseau ultramoderne de télé‑phonie mobile troisième gé‑nération.

De son côté, Mobilis n’est pas en reste et compte bien se positionner en leader sur le marché de la téléphonie mo‑bile. Sa direction a ainsi fait savoir qu’elle compte propo‑ser à sa clientèle de nouveaux services comme l’Internet mobile haut débit.

Quant à Djezzy, en pôle position sur le marché algé‑rien avec plus de 16 millions d’abonnés, il est également en attente de ce lancement de la 3G, comme l’a confirmé son directeur de la communi‑cation, Hamid Grine : « Nous sommes toujours au service de nos abonnés. Nous étions les premiers à proposer de nouveaux services technolo‑giques comme le Flexy et le BlackBerry… »

LoGicieLs 3DAli N’Productions & emissive Société française de servi‑ces en ingénierie informati‑que, Emissive fait son entrée

sur le marché marocain de la production audiovisuelle et cinématographique. à cet ef‑fet, l’opérateur parisien spé‑cialisé dans la conception et la réalisation d’applications en 3D vient de monter une joint‑venture avec la société marocaine Ali N’Productions. Créée en 1999, cette dernière est leader dans la production cinématographique au Maroc. Outre fictions, courts et longs‑métrages ou encore films documentaires, Ali N’Pro‑

ductions s’est notamment distinguée dans la production de séries télévisées à succès (Lalla Fatima, L’équipe, Tou‑ria, Yak Hna Jiran) ainsi que dans celle de Rawabit, jeu té‑lévisé à grande audience. Sous le nom de Moondar Sarl, cette nouvelle structure sera cogérée par le réalisateur marocain Na‑bil Ayouch et par Pierre Gable, l’un des dirigeants d’Emissive. L’objectif de cette introduction de la 3D est d’optimiser la pro‑duction audiovisuelle dans des domaines aussi variés que le e‑Learning, les loisirs, l’évé‑nementiel, la culture, l’archi‑tecture ou les bornes interac‑tives. Pour parvenir à ses fins, Moondar Sarl compte recruter une dizaine de salariés, dont des développeurs informati‑ques et des infographistes.

rADioKalima et la Tunisie à l’honneur L’Institut international de la presse (IPI) a décerné le prix de la liberté des médias 2011 à la radio tunisienne Kalima, cible de persécutions sous le régime de l’ancien président Ben Ali. « La radio a fait preuve d’in‑dépendance face à l’adversité et a été une source d’inspira‑tion pour nous tous et pour les médias sur toute la planète », a déclaré la directrice de l’IPI, Alison Bethel McKenzie. Ce prix exprime tout le soutien de l’organisation à Radio Kalima et aux médias indépendants en Tunisie. Ph

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TechNoLoGie concours AsTF, c’est parti !

La Fondation arabe pour la science et la technologie (ASTF, pour Arab Science and Techno‑logy Foundation) organise son 7e concours annuel du meilleur plan technologique arabe. Cette édition 2011 réunit en compé‑tition 72 projets de partici‑pants arabes issus des 15 pays suivants : Arabie Saoudite, Bahreïn, égypte, états‑Unis, France, Irak, Italie, Jordanie, Liban, Maroc, Palestine, Qa‑tar, Syrie, Tunisie et Yémen. Les lauréats recevront un prix d’une valeur de 50 000 dollars et gagneront le droit de partici‑per à l’Intel Global Challenge @ UC Berkeley, compétition internationale pour l’entrepre‑neuriat qui aura lieu en novem‑bre prochain aux états‑Unis. Basée à Sharjah (émirats ara‑bes unis), l’ASTF a été créée en 2000 avec la collaboration de nombreux chercheurs et scientifiques arabes.

AuDioVisueLTV Web algériennes

souligné « le manque d’ho‑mogénéité entre les médias arabes », estimant que la

crise de l’information dans les pays arabes ne peut être dissociée des crises politique et économique.

mAroc e-shopping en plein boom

Jusqu’alors, le e‑Commerce concernait essentiellement le paiement des créances (impôts, eau courante, électricité, téléphone), des billets d’avion et des séjours touristiques. Mais désormais fort de l’existence de 150 sites marchands, le e‑Shopping est en pleine expansion. Au cours des six premiers mois de l’année 2011, il a ainsi représenté près de 30 % des transactions Internet, enregistrant un chiffre d’af‑faires de 234 millions de dirhams. Voilà qui représente une hausse de 48 % par rapport à 2010.

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Le groupe privé algérien ET‑RHB Haddad a lancé sa propre chaîne de télévision sur le Net, le 25 août 2011. Coproduite par les agences Lotus Médias et Altitudes Communication, Dzaïr Web TV est la seconde du genre en Algérie. La chaî‑ne se veut à dominante spor‑tive et dispose d’une grille de programmes. Cinq émissions phares sont ainsi proposées, telles que Le Café des Sports, Dzaïr Foot et Le 1/4 heure de Célébrité. Dzaïr Web TV dif‑fuse également des interviews et des reportages. Les Web TV connaissent un grand succès en Algérie depuis le lancement de la série Irban 007 Call Center, sponsorisée par l’opérateur de téléphonie mobile Djezzy. Pour preuve, ce sont maintenant de jeunes producteurs qui sont sur le point de lancer Djawab Bas‑sit, une émission de divertisse‑ment qui semble promise à un succès certain. Privés de télévi‑sion libre et indépendante, les Algériens ont ainsi trouvé une alternative à la grille des pro‑grammes de la chaîne publique ENTV, fortement critiquée par la presse algérienne pendant le dernier mois de ramadan.

mAGhreb canal + bat les pirates

La chaîne française Canal + ne sera plus piratée dans les pays du Maghreb. La carte pirate qui avait inondé le marché ces derniers mois en permettant de recevoir les programmes de Canal + et de CinéCinéma, pro‑posée à 2 500 dinars algériens, vient en effet d’être craquée par les ingénieurs spécialisés dans les décodeurs Viaccess.

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méDiAs Les révolutions arabesLe rôle des médias dans les révolutions arabes a été évo‑qué lors d’une conférence‑dé‑bat intitulée : « Médias et ré‑volutions arabes », organisée en août dernier à Alger au siège de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (Laddh).

« Les médias arabes sont le prolongement du pouvoir en place. Le monopole exercé par l’état sur les médias dans les pays arabes a encouragé la prolifération des réseaux sociaux sur la Toile », a no‑tamment affirmé l’écrivain et journaliste Mustapha Hemici lors de son intervention. En‑seignant à l’Institut supérieur de journalisme, Redouane Boudjemaa a pour sa part

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savoir entre nous

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tunisie« La nouvelle Tunisie est‑elle bien partie ? » Telle était la question posée en août dernier par Arabies dans le titre d’un article. Au moment de répon‑

dre, à maintenant moins de trois semaines des élections pour l’Assemblée constituan‑te, je dois bien avouer une certaine inquiétude. D’abord parce qu’à peine la moitié des Tunisiens se sont inscrits sur les listes électorales… C’est très décevant au lendemain de la formidable mobilisation constatée durant la révolution.

Et c’est inquiétant quand on sait que le parti islamique En‑nahda est crédité du plus grand nombre d’intentions de votes dans les sondages… Surtout que la multiplication des par‑

tis politiques rend d’autant plus difficile l’apparition d’un véritable contrepoids. Et les récentes manifestations contre le gouvernement de transition laissent planer l’ombre d’une réaction extrême, voire radi‑cale, au moment du vote…

Selim Hasnaoui Tabarka, Tunisie

coréeRespect et partage. Tels sont peut‑être les deux mots clés qui expliquent les formidables résultats économiques de la Corée du Sud dans le Golfe et en Afrique du Nord, comme vous l’exposez dans le der‑nier Arabies (Développement discret, mais concret). Sans doute peut‑on aussi y voir la nature humble des Asiatiques, qui ne s’avancent pas en terrain conquis là où prévaut trop sou‑vent l’arrogance occidentale… Car, au‑delà d’une pure logique de marché et de rentabilité, les Coréens intègrent dans leurs offres une dimension sociale plus que bienvenue (construc‑tion de logements sociaux,

main‑d’œuvre locale prioritaire à l’embauche) et montrent leur volonté de s’impliquer, via des transferts de technologie et de savoir‑faire. Autant d’éléments que les Occidentaux n’ont ja‑mais semblé vouloir prendre en considération.

Nabila Idrissi Casablanca, Maroc

aLGérieAlors que le printemps arabe fait souffler un vent d’espoirs dans tout le Maghreb, l’Algérie s’enlise dans un statu quo aussi bien nourri par la multiplication des grèves en tout genre que par les luttes de pouvoir qui se des‑sinent en coulisse pour la suc‑

cession d’Abdelaziz Boutefli‑ka. Pourtant, l’année en cours s’annonce pleine de promesses pour les Tlemcéniens avec la récente ouverture de l’hôtel Renaissance (Arabies n° 293 : « Quand Marriott fait renaître Tlemcen »). De quoi générer de l’emploi au niveau local, attirer une nouvelle clientèle haut de gamme et mettre en valeur toute une région dotée d’un pa‑trimoine aussi riche qu’ignoré. Idéal en cette année 2011 où Tlemcen jouit du statut de ca‑pitale de la culture islamique.

Rachid Alloun Tlemcen, Algérie

LibyeComme Arabies le faisait re‑marquer en septembre (La boîte de Pandore), nul ne peut prédire ce qu’il adviendra de la Libye. J’ai donc été choqué de voir que notre pays avait accueilli l’épouse de Kadhafi et trois de ses enfants. A‑t‑on déjà oublié les ingérences du dictateur dans le Grand Sud algérien ou son soutien au Po‑lisario dans le Sahara occiden‑tal ? Sans parler des livraisons d’armes aux islamistes du FIS durant la guerre civile… Dès lors, pourquoi refuser de re‑connaître le CNT et risquer de s’attirer ses foudres ? Mainte‑nant que le CNT a demandé l’extradition de la famille Kad‑hafi, que va‑t‑il se passer ? Les tensions grandissent, tout com‑me la rancœur des Libyens, ex‑primée par le pillage de notre ambassade à Tripoli. De quoi redouter un embrasement qui a peut‑être déjà commencé avec l’attentat de Cherchell, reven‑diqué par AQMI en représailles au soutien affiché par Alger en‑vers le régime de Kadhafi.

Farouk ChebiraConstantine, Algérie

FondateurYasser Hawary(Tél. : +33 1 47 66 46 00)

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savoir tribune

une émeute, partie de Tunisie en dé-cembre 2010, embrase le Maghreb et le Machrek, en 2011, puis s’étend

jusqu’à la péninsule Arabique. D’émeutes, on passe à des révoltes, puis à des révolu-tions, de telle sorte que la cause est acquise en Tunisie et en égypte, sans intervention étrangère. Dans tous les autres pays du Moyen-Orient, la répression met en balance le succès des révolutions qui se réclament d’un système de démocratie parlementaire sur le modèle occidental.

Les cas de la Libye et de la Syrie sont exemplaires, en ce sens que, dans le cas li-byen, la répression finalement a échoué, en revanche, en Syrie, cette répression est en voie d’emporter le succès.

Une double interrogation se pose. Pour-quoi le succès en Libye et l’échec en Sy-rie ? Quelle en est la raison profonde ?

Les émeutes libyennes et syriennes écla-tent presque simultanément. En Libye, c’est en février, en Syrie en mars. La reven-dication est la même qu’en Tunisie et dans tout le monde arabe. Les populations sont excédées de la dictature, du clanisme ins-taurant une corruption généralisée jusqu’au plus bas échelon de la hiérarchie adminis-trative, de la pauvreté alors que la minorité au pouvoir jouit sans vergogne des revenus du pétrole ou de l’aide étrangère. De plus, fait important, les revendications sont vé-hiculées par Facebook et Internet d’une manière générale, systèmes de communi-cations irrépressibles.

Les deux pays ont une opposition mul-tiple, exilée, sans grande action. La com-posante tribale de ces pays ne doit pas être négligée, car pour une part, c’est elle qui conduit les revendications. En effet, le cla-

nisme s’appuie sur une entité tribale assez souvent. La réaction des autorités dictato-riales, Mouammar Kadhafi et Bachar al-Assad est la même : une répression violente par la force armée.

Or, tandis qu’en Tunisie et en égypte les forces armées sont restées neutres, en Li-bye et en Syrie, l’armée est loyale à l’auto-rité en place et brise la révolte.

En Libye, Kadhafi doit lutter contre un Conseil national de transition constitué le 17 février, immédiatement appuyé par la France. Les Français sont décidés à interve-nir militairement, à la différence des Amé-ricains. Ils obtiennent un mandat explicite du Conseil de sécurité des Nations unies, le 17 mars, par 10 voix pour et 5 abstentions, dont celles des Russes, des Chinois et des Allemands. Le mandat autorise l’instau-ration d’une zone d’exclusion aérienne et la défense des populations civiles en em-ployant la force des armes, sans invasion du pays. Deux jours après, les Français entament une campagne d’attaques aérien-nes par avions, puis hélicoptères, soutenant les rebelles du CNT. Les Français auraient aimé placer leur intervention sous une égi-de européenne dont ils auraient pris la tête. La réaction allemande les oblige à accepter le commandement de l’Otan.

Jamais une action aérienne n’a pu abou-tir à une victoire absolue. C’est une loi de

la guerre qui n’a jamais été transgressée, malgré les théories défendues par plusieurs stratèges. Les rebelles sont donc battus par la force armée de Kadhafi, et sauvés par les offensives aériennes de la coalition occidentale, essentiellement franco-bri-tannique. En revanche, ils ne peuvent ob-tenir la victoire, car ils sont désorganisés et médiocres combattants. Ce n’est que lorsqu’un encadrement des forces spéciales française, britannique et qatarie les dirigera qu’ils l’emporteront et chasseront Kadhafi du pouvoir.

En Syrie, il n’y a pas d’intervention étran-gère. Il est impossible aux Occidentaux d’obtenir un mandat du Conseil de sécu-rité. En effet, les Chinois ont fait connaître leur veto. La Chine est la deuxième puis-sance économique au monde et elle détient la principale partie de la dette souveraine américaine. Elle craint une contagion arabe révolutionnaire sur sa minorité musulmane ouïghour, peuplant le Sinkiang, riche en pétrole, indispensable à la Chine. Rien ne fera fléchir la Chine, à la différence de la Russie qui a finit par reconnaître le CNT libyen.

Pas de soutien aérien, pas de victoire de l’insurrection syrienne ! L’armée syrienne, composée d’Alaouites, – la tribu de Bachar al-Assad – n’est pas meilleure que celle de Kadhafi ou que l’irakienne de Saddam Hussein. Mais, face à l’insurrection, elle tient le haut du pavé. La révolte syrienne est noyée dans le sang et ainsi disparaît tout espoir d’une quelconque trace de démocra-tie en Syrie.

La Chine a montré sa puissance. Les Oc-cidentaux se sont inclinés. Les Américains, empêtrés dans leurs guerres irakienne et afghane ne peuvent et ne veulent plus inter-venir ailleurs par les armes.

Une fois de plus, le canon a tranché : ja-mais une révolution ne l’a emporté, si l’ar-mée ne bascule pas, au moins en partie, en sa faveur. « L’épée est l’axe du monde », a fait savoir de Gaulle. Objectivement, il en est ainsi, que le glaive soit au service d’une cause juste ou mauvaise. n

Président de Démocraties

Printemps arabe, été libyen, hiver syrien…Par le général Henri PARIS

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n Cette rubrique permet à diverses personnalités d’exprimer leurs opinions en toute liberté.

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KOWEÏT Face aux incessantes luttes de pouvoir et à la corruption

généralisée, islamistes et libéraux s’unissent pour appeler à la refonte du régime en émirat constitutionnel

INTERVIEW EXCLUSIVESameera Rajab, députée à Bahreïn, analyse la crise entre sunnites et chiites dans un pays toujours occupé par les

forces du Bouclier de la Péninsule sur mandat du CCG

Le mensuel du monde arabe et de la francophonieN°

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Fragilisé par le coût astronomique de ses mesures d’urgence, l’État doit vite réduire ses importations

Entre dépenses sociales et prix des matières premières, le déficit budgétaire atteint le seuil critique

Belgique 4.46 - Luxembourg 4.74 - Suisse 8 FS - Grèce 4.11 - Antilles 6.86 - Réunion 6.86 - Canada 7.95 $ C - USA 5.90 $US - Maroc 25 DH

Tunisie 2.5 DT - Liban 5 000 L - Arabie Saoudite 25 SR - E.A.U 25 DH - Koweït 2.75 DK - Côte-d’Ivoire 2 000 CFA - Sénégal 2 000 CFA - Mali 2 000 CFA

Gabon 2 000 CFA - Guinée 6.86 - Afrique zone CFA 2 000 CFA - Comores 2 000 CFA - Djibouti 5.19 - Allemagne 6.20 - Italie 5.17 - Algérie 120 DA

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