ARCHEOLOGIE DU FUTUR - Les Pisteurs · 2015. 9. 11. · DU FUTUR 3. Robert ROUX est un artiste singulier qui transforme des objets de consommation en une œuvre originale qui nous

ROBERT ROUXARCHEOLOGIE DU FUTUR

Textes de François Birembaux

D’où vient cette appellation ?

D’un texte écrit par BEN pour un article, intitulé : « ROBERT ROUX, ARCHEOLOGUE DU FUTUR » :

« Et si ce que vous avez devant vous (la canette écrasée par un bus) risquait dans le futur lointain d’être ce qui représentera L’homo sapiens ?

Imaginez une civilisation d’extra-terrestres débarquant sur la planète terre dans 100 000 ans, Que trouveront-ils ? Toutes les toiles de maîtres auront disparu, la toile de jute ne tient pas le coup, par contre partout des canettes de bière, coca cola etc. Ensuite, ils feront des fouilles et soudain grande surprise les archéologues de la planète lointaine retrouveront boulevard de la Madeleine une explication à ces millions de canettes !

(…) Un certain Robert ROUX, lui-même archéologue du futur, a voulu nous laisser un message : le beau se trouve partout autour de vous il suffit de le voir »

(Ben VAUTIER)

ARCHEOLOGIE DU FUTUR

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Robert ROUX est un artiste singulier qui transforme des objets de consommation en une œuvre originale qui nous raconte une histoire. Suivant un fil rouge conducteur, ses dernières créations faites à partir de canettes usagées récupérées, expriment la violence et la puissance d’une société productiviste et consumériste qui broie, tel un Léviathan, l’âme et le cœur des hommes en les enfermant dans une spirale infernale qui leur ôte toute capacité de réflexion.Grâce au travail de transfiguration de Robert ROUX, l’objet, consommé, usé, broyé trouve un sens. L’œuvre de l’artiste est une interprétation qui mêle la rigueur de la géométrie à la fantaisie de l’imagination pour mettre en valeur sa perception de l’objet usuel et nous inciter à inventer son histoire. Ainsi ces objets du quotidien dont l’identité se confond avec la marque imprimée et dont la seule finalité est leur consommation, se transforment, grâce à une sublimation artistique, en une relique traduisant la conscience de l’homme. L’œuvre présentée est profondément humaine. Au-delà de son aspect destructeur, la consommation, solitaire et morbide, est détournée par Robert ROUX : il recrée l’objet consommé, mort, abîmé, il le retravaille pour construire une œuvre. Si certaines de ses compositions ont été assimilées à un TIKI, d’autres ressemblent aux Moaï de l’Ile de Pâques. Ainsi l’objet banal peut devenir objet fétiche dont la signification, ambigüe, ambivalente, est inconnue en soi et qui prend, pourtant, un sens pour chacun de nous. Ce qui compte dans l’œuvre de Robert ROUX, c’est en effet la façon dont nous allons nous approprier ces compositions, véritables signes qui s’apparentent à des écritures, des calligraphies, bref des incantations. Leur message est à déchiffrer et se décline à l’infini. Par sa création, en effet, Robert ROUX réhabilite l’objet et lui donne un supplément d’âme montrant que l’homme peut donner à chaque chose une dimension spirituelle. Il rappelle ainsi des vérités essentielles. Ainsi son travail autour de la récupération de canettes est un véritable travail à portée philosophique. L’œuvre en elle-même acquiert un sens parce qu’elle est la clef du problème contemporain : il ne s’agit pas de s’interroger sur ce magma d’accumulation de produits, il s’agit de les récupérer, les transformer, recréer pour saisir le « Beau » (concept à associer à la « substantifique moelle » rabelaisienne). L’art de Robert ROUX n’est sans doute rien d’autre que la traduction sublimée d’une pulsion de vie. S’il y a une clef pour comprendre cette œuvre, elle est philosophique et géométrique. Comment ne pas faire référence à l’école socratique au fronton de laquelle il était gravé : « que nul n’entre ici s’il n’est géomètre ».Les lignes de Robert Roux se confondent avec la structure de ces canettes et incarnent les piliers de la création. « Dum Deus calculat, sit mundus » : pendant que Dieu calcule, le monde se fait. Cette assertion de Leibniz, reprise par Jean d’Ormesson dans « C’est une chose étrange à la fin que le monde », rejoint l’œuvre de Robert ROUX qui ne se résume pas à de la cohérence ni à de l’abstraction. Il s’agit de prendre conscience que chaque élément, même le plus vulgaire, peut devenir en vertu de la conscience et du travail de l’homme un fragment de vie, l’expression de notre réalité et de notre appartenance au monde.Regardez ces compositions dans lesquelles l’artiste appuie les formes sur un fond bleu et ne pensez à rien entre le ciel et la terre : prenez conscience que seul l’esprit et l’intelligence du cœur confèrent une valeur à chaque chose.Esprit Contemporain - www.savoircontemporain.com - Septembre 2014.François Birembaux pour Robert ROUX

AVANT-PROPOSFrançois BIREMBAUX

Né en 1971, François Birembaux a grandi et fait ses premières études à Neuilly-sur-Seine. Il a accompli un double cursus de droit et de sciences politiques, tout en s’intéressant tout particulièrement à la littérature et à la philosophie. Très tôt, il a manifesté du goût pour l’art premier, les antiquités et les œuvres contemporaines. Une première expérience l’a conduit à travailler dans la coopération non gouvernementale internationale en Afrique noire francophone, ce qui lui a permis de côtoyer les milieux de la culture ailleurs qu’en France. A l’orée du nouveau millénaire, il a décidé de prendre une nouvelle direction en se consacrant à l’enseignement et à la formation. Profondément intéressé par l’art, il a côtoyé le milieu artistique en ne se contentant pas d’acquérir des œuvres mais en menant une réelle réflexion sur les créations d’artistes contemporains. Lorsqu’il fonda sa société (www.savoircontemporain.com), en 2007, organisme spécialisé dans l’expertise pédagogique, il initia également une activité d’événements d’art et de publication en collaboration avec ARTNICE. En parallèle à ses activités de transmission du savoir, de cours, de conférences, et d’événements artistiques (Esprit Contemporain), il a participé activement à la création de l’école de Cimiez, (www.ecoledecimiez.com). Aujourd’hui, il consacre une partie de son temps à l’animation de chroniques philosophiques sur RCF (96.8) et à l’écriture de textes dans lesquels il exprime ses impressions relatives à des actions démiurgiques. Ainsi, son parcours a consisté à associer création, liberté et art, donnant lieu à de belles rencontres et à de nombreux dialogues avec différents milieux intellectuels tournés vers la promotion de la culture. En opérant ce choix, il a voulu privilégier une certaine qualité de vie faite de rencontres avec les autres, d’échanges d’idées et de savoir, de transmission.

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D’où vient donc cet intérêt pour les canettes ?

Pour une raison qu’il ignore lui-même, depuis plus de vingt ans, elles obsèdent Robert Roux et inspirent son travail de plasticien. Leur graphisme, la matière qui les compose, leur taille, leurs coloris, résultat de recherches approfondies, tout en elles l’inspire et le rend « poète ». La transfiguration d’un objet ordinaire, jeté, en un objet d’art exprime singulièrement un culte de la beauté, où l’art est le meilleur témoignage de la dignité humaine, de son aspiration à une forme de liberté, de sa capacité à donner un sens imaginatif, voire sensible aux choses. Chaque canette saisie par la poésie plastique de Robert Roux nous révèle avec force l’originalité, l’ampleur et la densité extraordinaire de l’esprit. Comment ne pas penser à ce qu’écrivait Jean d’Ormesson dans « La Douane de mer » : « la clé… c’est le sens. Car l’univers n’a pas de sens, mais le monde lui en donne un. Car le monde n’a pas de sens, mais la vie lui en donne un. Car la vie n’a pas de sens, mais la pensée lui en donne un. » ?

Désormais, face à une simple et anodine canette, nous savons qu’il est possible de voir autre chose en prenant conscience que tout peut être surprenant dès lors que nous cessons de l’enregistrer machinalement. Robert Roux nous révèle ce qui est invisible. Lorsque j’écris donc qu’il ignore l’origine de son intérêt pour les canettes, ce n’est pas entièrement exact. En fait, Robert Roux prend le temps de regarder différemment. Cet objet fait partie du quotidien. Destiné à être consommé instantanément, il amène cependant Robert Roux à s’arrêter, s’interroger et surtout imaginer, tel un enfant, un récit, voire un songe alors qu’il est dépourvu de toute signification qui se rapporterait à l’existence. C’est pour cela que l’action de cet artiste est contemporaine : il arrache les choses à leur absurdité. Robert Roux est ainsi bien en phase avec Camus qui, dans « le Premier Homme », décrit remarquablement un être « qui s’arrache à cet univers sempiternel et se dote d’une biographie » . Le sens de la vie du personnage réside dans le désir d’étreindre la vie avec une puissance productrice. Désirer c’est créer de la vie. Créer comme Robert Roux, à partir de rien, c’est réhabiliter la vie. Deleuze, à la suite de Spinoza , voit dans le désir l’essence de l’homme, le mouvement par lequel nous nous efforçons de persévérer dans notre être et d’accroître ce qui, en nous, relève de la sensibilité artistique. Par là même, le sens de la vie repose sur cette force positive d’exister mais aussi d’inventer, racine de toute action. Donner une forme d’expression aux choses c’est leur attribuer une valeur.

Robert Roux admire le talent de ces designers qui ont créé ces canettes et s’en sont servi pour transmettre un message ; ils ont réussi, à travers un objet en fer ou en aluminium de 8 cm de haut, formaté, rigoureusement identique à travers le monde, à immortaliser une image. Mais cela ne l’empêche pas de faire œuvre originale, d’atténuer l’agression publicitaire du package et, tel un apprenti sorcier, de transformer l’opération marketing en une opération artistique. Il devient non pas un chirurgien plasticien de l’objet mais plutôt un chirurgien de l’âme puisqu’il nous libère de la pollution visuelle de ces objets qui incarnent si parfaitement et de façon caricaturale la production et la consommation de masse. Par l’effet de son œuvre, Robert Roux nous prouve que chacun a la capacité de créer. Ceci équivaut à une reconnaissance « de sa contribution qui renvoie à un jugement sur le faire : sur l’utilité, sur la beauté (c’est-à-dire la qualité), sur l’originalité ou sur la conformité aux règles de l’art et du métier. »

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Dans un premier temps, ce sont les canettes « en bon état » qui l’ont séduit.

Ses premiers travaux ont donc, tout naturellement, été des découpages et des agrafages de morceaux de canettes non endommagées dont il se servait comme d’une palette graphique un peu particulière puisque chaque couleur n’est jamais une couleur « brute » . La calligraphie des marques est aussi un élément de sa réflexion. Calligraphie, texte, tout est source d’inspiration. Mais au-delà de cette démarche intellectuelle et artistique, ce qui l’inspire vraiment, c’est de transformer l’objet de consommation, usuel, ordinaire, en une création. Tout son travail de compression consiste à détourner cet objet de sa finalité. Ce faisant, il pose la question de l’éternité ; en effet, ainsi, un objet usuel censé disparaître devient singulier et résonne dans le temps. Tout ce qui était aluminium, formaté, condamnait l’objet en lui-même. Grâce à Robert Roux, cela devient un objet qui porte la marque du sujet. Il lui attribue une dimension hégélienne : le « cogito pratique » par lequel l’homme peut extérioriser son « Moi » en marquant le monde de la forme du sujet. Robert Roux communique aux canettes son empreinte. Aussi perdent-elles leur caractère farouchement étranger et prennent-elles l’aspect de l’esprit.

Ce qui compte dans ses réalisations, c’est l’intentionnalité de sa conscience qui vise ces fameuses canettes. Par son action artistique, elles deviennent l’objet de l’acte humain et de la projection dans le monde. Il y a une opération de transcendance par laquelle nous prenons conscience de quelque chose: l’idée guide l’artiste, les mains guident l’artisan, le travail accompli confère à l’objet une forme d’existence tandis que ce même objet, travaillé, affecte l’artiste en retour dans la mesure où, une fois remodelé, il lui inspire une vision nouvelle dont il ne maîtrise pas précisément la réalisation.


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Y a-t-il une influence du Pop Art dans l’œuvre de ROBERT ROUX ?

On pourrait croire que ce travail s’apparente au pop art qui émergea au milieu des années 1950 en Grande-Bretagne et se propagea, dans la même décennie, aux États-Unis. Robert Roux pourrait, en effet, être classé dans la ligne des artistes du Pop Art qui affirment que l’utilisation d’éléments visuels de la culture populaire produits en série répond aux critères des beaux-arts lorsque le matériau est utilisé hors de son contexte et l’objet rendu isolé, ce qu’il fait. Mais le concept du pop art consiste plus en une forme donnée à l’œuvre que dans l’œuvre elle-même. C’est un art qui oblige le spectateur à faire l’effort de s’interroger sur le sens intime de ce qui est et de ce qui se fait. C’est un art qui nous oblige à nous comporter un peu comme des phénoménologues.

Le POP ART est présenté parfois comme l’art du déclin parce qu’il consistait à reproduire les œuvres à l’infini. Cette possibilité de reproduction change le statut de l’œuvre d’art en lui enlevant son caractère unique et inimitable. Le Pop Art a fait descendre de son piédestal l’œuvre d’art. L’art n’échappe plus à la production de masse et sombre donc dans la banalité. Mais Robert Roux fait l’inverse. Il utilise ses mains pour retravailler les canettes. Il y a dans son travail une performance d’entremêlement d’actions et de hasard sur ces canettes, il y a une résistance de l’objet, ce qui fait que c’est une rencontre entre l’être, l’agir et le produit inerte. Le processus de création est aussi important que l’objet, produit de masse, sur lequel il travaille et sur lequel il laisse une double trace : celle de l’artiste et celle de notre société. Quand on écoute Robert Roux, on se rend compte que le travail qu’il accomplit sur les canettes, c’est en fait un exercice de pouvoir : il broie, il transforme avec force, dans une sorte de relation charnelle. Il accomplit un travail qui n’est pas tout à fait celui d’un sculpteur, ni d’un peintre mais il modèle, façonne, tant qu’il peut, comme il peut. Son œuvre traduit son caractère, il commande en agissant. Il illustre ainsi ce que Cocteau disait : l’art n’existe aussi pour certains que lorsqu’il exprime leur réalité intérieure. Mais quelle est celle de Robert Roux ? En effet, ce qui l’intéresse encore plus, c’est le processus de destruction d’une canette abandonnée, jetée. Son processus même de dégradation. Son aspect craquelé, broyé, usé, sur lequel subsistent des traces visibles (l’importance de la trace) de ce qu’elle a été. A première vue, on ne voit rien d’autre qu’une canette, mais après une longue observation méditative, crayon en main, on commence à entrevoir une autre vérité, percevoir un autre sens, saisir une autre beauté, confirmant ainsi l’affirmation de Cocteau dans « la liberté d’être » : « il faut bien comprendre que l’art n’existe que s’il prolonge un cri, un rire ou une plainte ».


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Parce que vous m’avez envoyé sur une fausse route

Parce que vous aviez pris le mauvais chemin

Parce que tout cela n’était qu’un préambule

Parce que tout cela n’était pas la fin

Mais le début

La dégradation et le parcours étant achevés

L’histoire commence enfin.


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Les craquelures, les plis, les accrocs, l’usure, les déchirures même, la dégradation, donnent sa noblesse à l’œuvre. Elles la traversent de son support à sa surface et la parcourent sur toute l’étendue réduite de la canette jusqu’à la rendre informe, parfois illisible, méconnaissable. Elles sont, en fait, ses rides et marquent toute la beauté d’un parcours de vie, tout en nous donnant accès à ses différentes strates : c’est la craque-lure de l’âge. Charles Baudelaire ne disait-il pas : « c’est un des privilèges prodigieux de l’art que l’horrible, artistiquement exprimé, devienne beauté, et que la douleur rythmée et cadencée, remplisse l’esprit d’une joie calme ». Ce poète maudit et génial guide le travail de Robert Roux qui utilise l’imagination surréelle en déformant les canettes, dépassant ainsi une réalité à laquelle elles étaient destinées. Pouvoir du surréel qui ouvre une autre vision inédite. Cette imagination est, selon Baudelaire, la reine des facultés d’invention parce qu’elle « touche à toutes les autres ; elle les excite, elle les envoie au combat. Elle leur ressemble quelquefois au point de se confondre avec elles, et cependant elle est toujours bien elle-même, et les hommes qu’elle n’agite pas sont facilement reconnaissables à je ne sais quelle malédiction qui dessèche leurs productions comme le figuier de l’Evangile. »

On est véritablement là dans la continuité du symbolisme et des Parnassiens, une réaction contre le romantisme dans l’art où l’art n’a pas pour fonction d’être utile ou vertueux. Il y a l’idée véritablement de chercher le beau mais un beau désintéressé. Si l’on considère un objet aussi ordinaire que la canette, il semble que personne ne pourra y projeter sa propre perception du beau. Le beau n’est pas partout, pour qu’il soit, ailleurs que dans l’œuvre de la nature, il faut la main de l’homme. La difficulté du travail de Robert consiste à faire en sorte que cela nous parle. Quand il dit « ce n’est pas ce qui est beau que j’aime », il nous renvoie à l’amour et à l’attitude que nous devons avoir dans la vie. Ce que j’aime, je peux le rendre beau, ce n’est pas beau intrinsèquement.

Les plis, craquelures, sont les « rides » de ces objets manufacturés et sans âme, elles ont enfin quelque chose à raconter qui leur est propre et non dicté par de talentueux mais prévisibles publicitaires. Elles ont la beauté de ces vieilles femmes dont les rides témoignent d’une vie tout entière et forcément unique.


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Qu’est-ce que le beau ?

De là à en être beau ? Il faudrait pour cela définir la beauté. Quelques années après Stendhal, Baudelaire affirme que « Le beau est toujours bizarre ». Oui, cette démarche est bizarre ! Rimbaud, anticipant sur le XXème siècle, osera lui aussi s’attaquer au dogme de la beauté : « Un soir, j’ai assis la Beauté sur mes genoux. - Et je l’ai trouvée amère. - Et je l’ai injuriée. » (Une saison en Enfer.) Rimbaud qualifiait ses propres écrits de « rinçure » mais il déclarait « je dis qu’il faut être voyant et se faire voyant ». Pour Rilke, le beau n’est « rien que le commencement du terrible que nous supportons encore, et si nous l’admirons c’est qu’il dédaigne, indifférent, de nous détruire ». Rilke, dans « Lettre à un jeune poète », initie un jeune homme à la poésie. Ce qui est important dans ce que dit Rilke, c’est ce que fait Robert Roux avec ses formes géométriques, ou non, données aux canettes c’est ce qu’ont fait aussi les philosophes, comme Platon : cela consiste, en fait, à s’interroger sur notre monde. En l’espèce, Robert Roux nous fait une démonstration magistrale par l’absurde : la géométrie et les calculs qui entourent ces canettes nous renvoient à notre place dans la société, une fameuse place imprégnée d’impressions absurdes parce qu’enfermée dans un modèle mathématique, objectivable, formalisable quasi ubuesque, formaté par des calculs incohérents contraires à l’expression de l’intelligence. Robert Roux dénonce la « Raison instrumentale. » , dépourvue de toute éthique.

L’idée qu’une canette de même marque, ait été réalisée de façon strictement identique aux quatre coins du monde par dizaines de millions (61 milliards toutes marques confondues en 2013), et que, selon sa vie, son parcours, ses accidents, elle devienne cet objet unique et strictement unique, que l’on ramasse dans la rue, séduit Robert Roux. Cet objet, sacralisé, devient fascinant par les modifications de forme, les modifications de couleur, les atteintes à la matière même, portées comme autant de scarifications. Cet « objet inanimé » a enfin une âme ! Si, comme le dit Rousseau, nous naissons tous pareils, la vie nous rend unique et détermine ce que nous sommes devenus. Dans ce sens, le travail de l’artiste ne consisterait pas tant à enrichir le réel qu’à l’appauvrir, pour nous le rendre visible dans ce qu’il a de plus authentique. Par la beauté de l’art on verrait peu des choses, mais seulement ce qu’il y a de plus remarquable en elles.


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L’art révèle et fait éclore l’être de l’étant, écrit Heidegger (« L’Origine de l’œuvre d’art », in Chemins qui ne mènent nulle part, Tell Gallimard, 1962). Le travail de Robert Roux consiste à revenir sur l’essence intime de chacun : travailler sur notre singularité, notre identité. En parallèle, il ouvre les voies du possible en exprimant l’évidente vérité des choses : avec lui, apprenons les limites même du productivisme concomitant de la consommation outrancière. Si seulement l’évolution était synonyme d’initiation créatrice et non de dégradation…

L’idée du tableau, de la sculpture, se fait de différentes manières ; elle peut provenir d’images mentales. En lisant une poésie, une phrase dans un récit, on s’en fait une image qui murit et se développe peu à peu. Il peut se passer des semaines, voire des mois, avant de « passer à l’acte ».

Ainsi, lorsque Robert Roux regarde une canette usagée, écrasée, détruite, il a envie qu’elle lui parle. Ce n’est pas toujours le cas, mais lorsque cela survient, il va chercher plus loin. Un cas concret et précis de vraie sérendipité, découverte accidentelle de quelque chose que l’on ne cherchait pas particulièrement, sinon pas du tout. Une fois que la conversation semble terminée, l’œuvre l’est également. Il ne voit plus alors l’objet, mais ce qui s’en dégage. Le propre de l’art est sans doute de nous donner à percevoir une réalité qui va au-delà de l’imagination ou de la pensée du moment. La beauté de l’art enrichirait donc le réel en le restituant dans son foisonnement par-delà l’aridité du concept. De plus l’œuvre d’art nous donne également à voir, outre l’objet isolé, la survenance d’un monde. En ce sens elle enrichit le réel.


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Quel message est envoyé aux archéologues du futur ?

L’homme est capable de produire plus qu’il ne consomme, plus même que nous ne sommes d’êtres humains. Cette production à outrance est la caractéristique de la nature de notre société. Robert Roux raconte qu’en regardant, un soir, une émission télévisée sur l’archéologie, il a été frappé de toute l’attention qui était portée à des fragments d’amphores et a fait le lien entre nos canettes d’aujourd’hui et les amphores d’antan. Mais lorsque Robert Roux compare les canettes d’aujourd’hui aux amphores d’autrefois, il a tort dans le sens où celles-ci correspondaient à une véritable nécessité utilitaire. Même si on en retrouve aujourd’hui d’innombrables vestiges, cela n’a rien à voir. Actuellement on produit plus qu’on ne consomme, bien plus même que nos besoins. L’art est tout le contraire de ce processus. Aussi, Robert Roux en quittant l’habit du dirigeant et allant vers son atelier, habite et est habité par l’art. Par l’effet de cette démarche, il rejoint la pensée de Merleau-Ponty, dont le seul souci a été de replacer l’homme dans le monde : c’est en tant que «chair du monde» que nous devons nous poser la question de notre rapport aux environnements.

L’archéologie du futur n’est pas de retrouver ces canettes (le recyclage actuel des objets en fin d’utilisation risque de priver les futurs archéologues de quelques indications sur notre société) mais de comprendre qu’en utilisant de tels matériaux, certains artistes ont posé le problème de cette production de masse. Faisant ainsi, ils donneront à l’archéologie du futur une vision du malaise de cette société et de sa recherche d’une spiritualité. En effet, l’archéologue passe notamment du temps à décoder ce qu’il trouve, à chercher la dimension rituelle, religieuse, qu’avaient ces objets lors de leur création, or l’objet d’aujourd’hui n’a qu’une réalité utilitaire. Pour « récupérer » notre essentialité, les archéologues n’auront à voir qu’une matière. Ce sont des objets vides de sens. Mais Robert Roux sort cette logique mercantile du labyrinthe sociétal infernal du travail. Il opère, non sans humour, un changement contre le non-sens et la médiocrité capitalistique. Corrélativement, il opère en vertu de la récupération et de la compression un contre-mouvement aux évolutions humaines qui portent intrinsèquement et symboliquement la « pourriture » au sens de détritus.


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Le matériau et la nature de l’œuvre font que cet art est aussi un trait satirique pour dénoncer quelque chose de grave ; on ne travaille plus pour lutter contre l’idée de la mort, l’artiste est là pour nous rappeler que nous sommes autre chose qu’un animal qu’on engraisse en vue de l’abattre. Quand nous nous enfermons dans le rapport travail/ consommation, on s’inflige finalement ce que l’on inflige aux animaux. Ces canettes nous renvoient à notre condition. Par là même il nous livre une vérité sur elle : dans cet environnement matérialiste et mercantile, nous sombrons dans un véritable contresens anthropologique car nous brisons les ressorts de ce que Marx appelait « l’être générique de l’homme ». Et si chacune des canettes abandonnées représentait chaque homme dont l’existence se trouve prisonnière du caractère systématique et dominant de l’univers mécanique décrit par Céline dans « Voyage au bout de la nuit » ? L’outrance de sa description vise à montrer la façon dont l’humain est possédé par la machine : « Les ouvriers penchés, soucieux de faire tout le plaisir possible aux machines vous écœurent,… Ce n’est pas la honte qui leur fait baisser la tête. On cède au bruit comme on cède à la guerre. On se laisse aller aux machines… Et tout ce dont on arrive à se souvenir encore un peu est raidi aussi comme du fer et n’a plus le goût dans la pensée. » Les canettes de Robert Roux sont l’œuvre de « l’ego cogitans » et de « l’homo faber » qui ne se transforme pas en « homo laborans » consommateur. Ses créations contre l’éphémère sont un garde-fou contre « l’homo demens » mercantile et vile, celui qui fait dire au sociologue Alain Ehrenberg que nous sommes dans une culture de la dépression.

Il n’est besoin que de se remémorer ce qu’est une canette, son histoire et son processus de fabrication et de commercialisation pour bien se rendre compte qu’elle représente bien notre société et notre condition. Robert Roux, cet artiste qui est aussi chef d’entreprise, homme d’affaires, est capable de s’arrêter et de réfléchir sur des canettes, objets inutiles mais qui posent une question : pourquoi tout ce que nous produisons est-il destiné à la dégénérescence voire à la destruction ? Difficile de ne pas percevoir à ce sujet un malaise dans les cultures productivistes.


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Où se situe Robert Roux ?

Lorsqu’il imprime sur elles, les portraits de figures emblématiques niçoises, notables, artistes, hommes de lettres, l’impression ou l’effet produit est intéressant puisqu’il personnifie l’objet ordinaire en se servant des personnalités connues. Je peux aussi utiliser le terme de « personnage » parce que chaque homme connu à travers son art, ses actes, son travail, son implication dans la société va être revêtu d’un masque social. Qu’importe ! Robert Roux instrumentalise la canette qu’il personnifie contre les risques de notre époque générant l’anonymat, l’abdication de la dignité ; ceci dans « un monde réglé par les horloges, découpé par des travaux absorbants ou vides qui répondent de moins en moins à des aspirations vraiment humaines… L’individu finit par avoir le sentiment de n’être plus lui-même… »

C’est tout le paradoxe de l’art de Robert Roux : osciller entre l’originalité, l’ordinaire, l’individualité, la masse, la personne, le personnage, le sujet et l’objet. Mais où se situe-t-il exactement? La question se pose car ses œuvres, à mi-chemin entre la sculpture et le tableau, oscillent également entre la réalisation au sens artistique du terme et la production au sens industriel du terme. L’ironie est qu’il laisse cette trace sur l’objet qui semble le plus quelconque possible mais, cher Robert, rien n’est éternel et tout a un prix. En créant, vous vous révélez et cette fascination que vous avez autour du discours de l’archéologie et du futur n’est rien d’autre qu’une fascination non consciente pour une archéologie du savoir et pas n’importe lequel car il s’agit en fait du savoir relatif à votre être parmi les autres. Les réalisations de Robert Roux ont de quoi ébranler toutes les certitudes dès lors qu’on se lance dans une interprétation implacable et poétique du mythe de l’artiste maudit, ceci ne me déplaît pas dans la mesure où le travail d’écriture m’oblige à m’attaquer à un roc : père de famille, homme d’affaires, politique, homme public etc. Mais qu’y a-t-il derrière les réalisations ? Nous avons eu de longues conversations sur la découverte de ces milliers d’amphores dans les fouilles archéologiques. Fouiller l’œuvre de Robert Roux, c’est naturellement se confronter à la matière métallique des canettes qui me font penser à des armures. Armures utilisées pour la consommation dans tous ses excès, mises au rebut, et que fait Robert Roux ? Il les récupère pour leur donner une autre vie, noble, digne, une vie dans laquelle l’objet s’inscrirait dans ce pour quoi il n’était pas destiné au départ : un processus artistique. L’œuvre en elle-même pointe du doigt l’âme du créateur, de Robert Roux lui-même. Il y a donc de l’ordre du divin, du spirituel qui dépasse la création elle-même puisqu’elle exprime ce qu’il y a à l’intérieur de cet homme. Preuve en est la réalisation de la croix lors de la messe des artistes en 2015.

Robert Roux, comme tout artiste, cherche à laisser une trace. Cette idée de l’archéologie du futur pour expliquer ses œuvres traduit bien cette obsession d’éternité. Corrélativement et dans une moindre mesure, on pourrait se référer à Péguy qui voyait dans le principe même des cathédrales « l’être même du travail », « l’idée de faire rendre le mieux, l’idée, dans le mieux, dans le bien, de faire rendre le plus. »

Esprit Contemporain, www.savoircontemporain.com - Mai 2015,François Birembaux

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LOUIS NUCERAformat 30 x 30techniques mixtes sur toile

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EXPOSITIONS PERSONNELLES

NICE - Exposition personnelle - Galerie VISION FUTURE - Novembre 2009PARIS - Exposition personnelle - Mairie du 17e - Février 2010NICE – Exposition personnelle - Entrée solennelle de la faculté de médecine de Nice - Octobre 2010BEAULIEU sur MER - Exposition personnelle - Chapelle Sancta Maria de Olivo - Mai 2011BEAUSOLEIL - Exposition personnelle - Galerie Municipale - Juin 2012 ANTIBES - Exposition personnelle - Galerie des bains douches - Février 2013

EXPOSITIONS DE GROUPE

NICE - Exposition de groupe - Galerie VALPERGA - Février 2009NICE - La Menuiserie – Expo « Coke en Stock »BEAUSOLEIL - Galerie Municipale (HAYAT & ROUX) - Juillet à Septembre 2013NICE - La Menuiserie - “BEN FAIT son CHARAFI” et “ROUX, Archeologie du Futur” - Septembre à Novembre 2014NICE - Espace Jorge François - “le Grand Atelier 1954-2014” - 17 décembre au 9 janvier 2015EGLISE SAINT PIERRE D’ARENES - exposition de la Croix “IN COKE WE TRUST” - Février à Mars 2015SAINT LAURENT DU VAR - Galerie d’art des nouvelles galleries - “quand je serais grand” - 21 mars au 21 juin 2015MONAC0 - “Art food international” - Mai 2015

SALONS D’ART

CAGNES sur MER - Biennale de l’UMAM - Juillet 2010MONACO - Art Monaco - 2011MONACO - Art Monaco - 2012

B I O G R A P H I E

Robert ROUX est né le 2 mai 1951 à Nice, de parents commerçants pas spécialement portés sur l’art moderne... À l’âge de 13 ans il fréquente l’école Sasserno située à quelques mètres de la boutique de BEN à Nice, rue Tonduti de l’Escarène où il achète ses premiers disques (cette boutique sera plus tard réinstallée dans sa configuration initiale à Beaubourg). Dès son plus jeune âge, il aime créer des objets avec ce qu’il récupère autour de lui.. il réalise ses premières œuvres dès l’âge de quinze ans en faisant fondre du plastique, des cintres, des 45 tours usagés, et même les poupées de sa sœur qui n’apprécie guère...!

En 1970, en même temps qu’il fréquente de façon peu assidue les bancs de la faculté de droit et de sciences économiques de Nice, il suit les cours du soir de l’école Municipale d’Art Plastique, « la villa Thiole » à Nice. Après deux ans à Paris où il suit les cours de l’EBS PARIS (European Business School), il effectue en 1974 un stage dans une usine métallurgique allemande à Augsbourg où il apprend la soudure et le travail des métaux (ce qui lui servira plus tard). Il réalise, pendant ce séjour des petites sculptures en métal fondu. Puis il fait son service militaire, et entre dans l’entreprise familiale qu’il continue à faire évoluer jusqu’à aujourd’hui...

En 1992, il ouvre à Nice une galerie « l’espace Art Bleu de France » dans laquelle il présentera de très nombreux artistes, c’est à ce moment-là qu’il commence à collectionner et à fréquenter les artistes azuréens.

Robert ROUX

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REMERCIEMENTS

à François BIREMBAUX, pour sa participation active à cet album

à BEN, pour ses encouragements et ses critiques constructives

à Yves HAYAT qui suit mon travail depuis le début, m’a toujours soutenu et a partagé mes réflexions

à Jean-Jacques CHAUBARD, pour son amitié et son écoute permanente

à Bénédicte THOMASqui participe activement aux « fouilles » à travers le monde

à Sabrina ALBERTIpour sa patience, son regard, la liberté d’esprit qu’elle me permet d’avoiret tout ce qui ne regarde que nous..

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LA MENUISERIE 116 bd de la madeleine 06000 NICE FRANCE - +33 (0)4 93 86 56 32 - [email protected]

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ARCHEOLOGIE DU FUTUR - Les Pisteurs · 2015. 9. 11. · DU FUTUR 3. Robert ROUX est un artiste singulier qui transforme des objets de consommation en une œuvre originale qui nous