Art et scholastique (1920)

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    tTbc Xibrari?of tbe

    \Ilniver0it1? Of Ilorontobs

    Professer "w,S. Milner

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    COPYRIGHT BYART CATHOLIQVEPARIS1920

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    ^^^u.'^^

    RT ET SCOLASTIQUEA.R JACQUES MARITAINLA LIBRAIRIE DE L'ART CATHOLIQUEPLACE ^^AINT - SULPICE PARIS VP

    SEN syPRES^RVATOry

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    LES SCOLASTIQUESET LA THORIE DE L'ARTScolastiques n'ont pas crit de trait sp-

    I cial intitul Philosophie de l'Art . C'est lj doute une consquence de la rude disciplineagogique laquelle les philosophes du moyentaient assujettis ; occups creuser et fouil-2n tous sens les problmes de l'cole, ils s'in-:taient peu de laisser entre ces profonds puitsmine des rgions inexploites. On trouvendant chez eux une thorie de l'Art pro-ie et consciencieuse, mais il faut la cherchers des dissertations austres sur quelque pr-ne de Logique, La Logique est-elle unlibral? ou de Thologie morale, omment la vertu de Prudence, vertu la fois

    lieLuelLej> eu.' morale, se distingue-t-elle de l'Art,est une vertu in lelietuelie ? )ans ces dissertations, o la nature de l'Art;t tudie qu' l'occasion d'autre chose, il eststion de l'Art en gnral, depuis l'art dusricant de navires jusqu' l'art du Grammai-

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    2 ART ET SCOLASTIQUErien et du Logicien, il n'est pas question desbeaux-arts en particulier, dont la considrationn'intresse pas formellement le problme agit.C'est la Mtaphysique des Anciens qu'il fau^aller demander ce qu'ils pensaient du Beau, pourde l s'avancer la rencontre de l'Art, etvoir ce qu'il advient de la jonction de ces deuxtermes. Un tel procd, s'il nous dconcerte, nousapporte du moins un utile enseignement, en nousrendant sensible l'erreur de 1' Esthtique des philosophes modernes, qui considrant dansl'art les seuls beaux-arts, et ne traitant du beauqu'au sujet de l'art, s'expose k vicier h la foisla notion de l'Art et celle du Beau.On pourrait donc, si l'on rassemblait et tra-vaillait nouveau les matriaux prpars parles scolastiques, en composer une riche et com-plte thorie de l'Art. Nous voudrions seulementindiquer ici quelques-uns des traits d'une tellethorie, en nous excusant de l'allure dogmatiqueainsi impose notre humble essai, et en esp-rant que malgr leur insuffisance ces rflexions jiropoiu et antoun des maximes scolastiques attire-ront l'attention sur l'utilit d'un recours la

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    ART ET SCOLASTIQUE 3gesse antique, comme sur l'intrt possibleime conv^ersation entre philosophes et artistes,une poque o tous sentent la ncessit de sor-r de l'immense dsarroi intellectuel hrit duIX' sicle, et de retrouver les conditions spiri-

    tuelles d'un labeur honnle.

    IIORDRE SPCULATIF ET ORDRE PRATIQUEIL y a dans l'intelligence des vertus dont Y uiii.qucj>fitu est de connatre. Elles appartiennent l'ordre spculatif.

    Telles sont : l'intelligence des Principes, qui,lorsque nous avons tir de notre exprience sen-sible les ides d'Etre, de Cause, de Fin, etc.,nous fait voir immdiatement, par l'effet de lalumire active qui est naturellement en nous, les vrits videntes par elles-mmes auxquelles

    ute notre connaissance est suspendue ; la Science,i fait connatre par dmonstration, en assi-ant les causes ; la Sagesse ', qui fait contem-

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    4 ART ET SCOLASTIQUEpler les causes premires, o l'esprit tient touteschoses dans l'unit suprieure d'un simple regard.Ces vertus spculatives perfectionnent l'intelli-gence dans sa fonction la plus propre, dans l'ac-tivit o elle est purement elle-mme ; car l'intel-ligence comme telle ne vise qu' connatre. L'in-telligence agit, et mme son acte est, absolumentparlant, la vie par excellence; mais c'est un acteitnmaneni^ qui demeure tout entier en elle pour laparfaire, et par lequel, avec une voracit sanslimites, elle se saisit de l'tre et l'attire en elle,elle le mange et le boit, pour devenir elle-mme,d'une certaine faon, toutes choses . Ainsil'ordre spculatif est son ordre elle ; elle y estbien. Peu lui importe le bien ou le mal du sujet,ses ncessits et ses convenances ; elle jouit del'tre et ne voit que lui.

    L'ordre j)raliqucs> s'oppose l'ordre spculatifparce que l'homme y tend auLrcs> chod(Ly que leseul connatre. S'il connat ce n'est pas pour sereposer dans la vrit, et pour y trouver sonJriii; c'est pour se servir {utl) de ses connaissances,en vue de quelque uvre ou de quelque action ^

    L'Art appartient l'ordre pratique. Il est

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    ART ET SCOLASTlQ,UE 5tourn vers l'action, non vers la pure intrioritdu connatre.

    Il existe, il est vrai, des arts spculatifs, quisont en mme temps des sciences, la logique parexemple : ces arts scientifiques perfectionnentl'intellect spculatif, non l'intellect pratique ;mais les sciences en question retiennent dans leurm.odej> quelque chose de la pratique, et ne sontdes arts que parce qu'elles comportent une La>rej> faire, uvre cette fois tout intrieure l'in-telligence, ne visant elle-mme que la connais-sance, et consistant mettre en ordre nos con-cepts, construire une proposition ou un raison-nement '. Il reste donc bien que partout o l'ontrouve art, on trouve action ou opration com-biner, uvre faire.

    IIILE FAIRE ET L'AGIR

    L'intellect ou raison est une facult parfaite-ment une dans son tre, mais qui travaille

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    6 ART ET SCOLASTIQUEd'une faon toute diffrente selon qu'elle connatpour connatre ou qu'elle connat pour agir.L'intellect spculatif n'aura sa joie parfaite, etinfiniment surabondante, que dans la vision intui-tive de l'essence divine ; c'est par lui que l'hommepossdera alors la batitude : gaudium dej> veritate.Ici-bas il est trs rare qu'il s'exerce dans uneabsolue libert, sauf chez le Sage, thologien oumtaphysicien, ou chez le pur Savant. Kn lagrande majorit des cas la raison travaille dansl'ordre pratique, et pour les diverses fins desactions humaines.Mais l'ordre pratique lui-mme se divise endeux domaines entirement distincts, que lesanciens nommaient le domaine de l'Agir (a^ibile,r.pT/-iv) et celui du Faire (factcile, tco'.ytv).

    L'Agir, au sens restreint o les scolastiquesentendaient ce mot, consiste dans V u libre,eiu tani^> qucj> libre, de nos facults, ou dansl'exercice de notre libre arbitre considr non paspar rapport aux choses elles-mmes ou auxuvres que nous produisons, mais purement parrapport l'usage que nous faisons de notre libert.Cet usage relve de notre Apptit proprement

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    ART ET SCOLASTIQUE 7humain, ou de notre Volont, qui de soi ne tendpas au vrai, mais uniquement et jalousement aubien de l'homme, cela seul existant pour l'apptitqui comble le dsir ou l'amour et qui accrot l'tredu sujet. Cet usage est bon s'il est conforme la loi des actes humains, et la vraie fin detoute la vie humaine ; et s'il est bon, l'homme quiagit est lui-mme bon, purement et simplement.Ainsi l'Agir est ordonn la fin commune detoute la vie humaine, et il intresse la perfectionpropre de l'tre humain. Le domaine de l'Agirest le domaine de la Moralit, ou du bien humaincomme tel. La Prudence, vertu de l'intellect pra-tique qui rectifie l'Agir, se tient tout entire dansla ligne humaine. Reine des vertus morales,noble et faite pour commander, parce qu'ellemesure nos actes par rapport une fin dernirequi est Dieu mme souverainement aim, ellegarde pourtant un got de misre, parce qu'ellea pour matire la multitude des ncessits et descirconstances et des ngoces o s'agite la peinehumaine, et parce qu'elle imprgne d'humanittout ce qu'elle touche.Par opposition l'Agir, les scolastiques dfi-

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    8 ART ET SCOLASTIQUEnissaient le Faire comme Yactiotu productrice, con-sidre non pas par rapport l'usage qu'en laposant nous faisons de notre libert, mais pure-ment jycin rapports la c/pojcj> j)ro?uitej> ou l'uvre prise en soi.

    Cette action est ce qu'elle doit tre, elle estbonne dans son ordre, si elle est conforme auxrgles et la fin propre de l'uvre produire ;et l'effet auquel elle va si elle est bonne, c'estque cette uvre soit bonne en elle-mme. Ainsi leFaire est ordonn telle ou telle fin particulire,prise part et se suffisant, non la fin communede la vie humaine, et il a rapport au bien ou laperfection propre, non de l'homme oprant, maisde l'uvre effectue.Le domaine du Faire est le domaine de l'Art,au sens le plus universel de ce mot.

    L'Art, qui rectifie le Faire et non l'Agir, setient donc en dehors de la ligne humaine, il aune fin, des rgles, des valeurs, qui ne sont pascelles de l'homme, mais celles de l'uvre pro-duire. Cette uvre est tout pour l'Art, il n'y apour lui qu'une loi, les exigences et le bien del'uvre.

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    ART ET SCOLASTIQ.UE 9De l le pouvoir tyrannique et absorbant de

    l'Art, et aussi son tonnant pouvoir d'apaisement;il dlivre de l'humain ; il tablit Xartijex, artisteou artisan, dans un monde part, clos, limit,absolu, o il met sa force d'homme et son intel-ligence d'homme et son temps d'homme au ser-vice d'une chose qu'il fait. Cela est vrai de toutart, l'ennui de vivre et de vouloir s'arrte laporte de tout atelier.Mais si l'art n'est pas humain par sa fin, il esthumain, essentiellement humain, par son moded'oprer. C'est une uvre d'homme qu'il s'agitde faire, il 3'^ faut la marque de l'homme : animalnationale.L'uvre d'art a t pense avant d'tre faite,elle a t ptrie et prpare, forme, couve,mrie dans une raison avant de passer dans lamatire. Et l elle gardera toujours la couleur et,1a saveur de l'esprit. ^Son Xmeni formel, ce quila constitue dans son espce et la fait ce qu'elleest, c'est sa rgulation par l'intelligence +. Pourpeu que diminue cet lment formel, pour autantse dissipe la raht de l'art. Uiwrcj faircjn'est que la matire de l'art, sa forme est la

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    lo ART ET SCOLASTIQUEdroitcj? raison. Recta ratio Jact'ibdiuni, disons, pouressayer de rendre en franais cette forte dfini-tion aristotlicienne et scolastique, que l'art estla ?roitej> dductioitj ded iared faire >.

    IVL'ART EST UNE VERTU INTELLECTUELLERSUMONS maintenant ce que les scolastiquesenseignaient de l'art en gnral, considrdans l'artiste ou dans l'artisan et comme quelquechose de lui.

    1 L'art est avant tout d'ordre intellectuel,son action consiste imprimer une ide dans unematire : c'est donc dans l'intelligence de Yartifexqu'il rside, ou comme on dit, qu'il est subject.Il est une certaine qualit de cette intelligence.

    2. Les Anciens appelaient habituai (i^t) desqualits d'un genre ^\ part, qui sont essentielle-ment des dispositions stables perfectionnant dans

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    ART ET SCOLASTIQUE nligne de sa nature le sujet en qui elles sont ^. La

    la beaut sont des habitus du corps, lasanctifiante est un habitus (surnaturel) de' ; d'autres habitus ont pour sujet les facul-

    ou puissances de l'me, et comme la nature deest de tendre l'action, les habitus qui

    sont subjects les perfectionnent dans leurmme, sont des habitus oprali/.f : tellesvertus intellectuelles et les vertus morales.Nous acqurons cette dernire sorte d'habitusl'exercice et l'accoutumance * ; mais il ne fautpour cela confondre l'habitus avec l'habitude

    sens moderne de ce mot, c'est--dire avec lemcanique et la routine ; l'habitus est tout le

    de l'habitude ainsi entendue '. L'habi-qui atteste le poids de la matire, sige dans

    centres nerveux. L'habitus opratif, qui attestede l'esprit, n'a son sige principal que

    dans une facult immatrielle, dans l'intelligenceou la volont. Lorsque par exemple l'inteUigence,originellement indiffrente connatre ceci pluttque cela, se dmontre une vrit, elle dispose sapropre activit d'une certaine manire, elle sus-cite en elle-mme une qualit qui la proportionne

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    12 ART ET SCOLASTIQUEet la commensure tel ou tel objet de spculation,qui la hausse et la fixe l'gard de cet objet, elleacquiert l'habitus d'une science. Les habitus sontdes surlvations intrinsques de la spontanitvivante, des dveloppements vitaux qui rendentl'me meilleure dans un ordre donn et qui lagonflent d'une sve active : turgentia ubera anlniae,comme les appelle Jean de Saint-Thomas. Et lesvivants seuls (c'est--dire les esprits, qui sontseuls parfaitement vivants), peuvent les acqurir,parce que seuls ils sont capables d'lever leniveau de leur tre par leur activit mme : ilsont ainsi, dans leurs facults enrichies, des prin-cipes secondaires d'action dont ils usent quandils le veulent, et qui leur rendent facile et dlec-table ce qui de soi est ardu.Les habitus sont comme des titres de noblessemtaphysiques, et autant que les dons inns ilsfont l'ingalit parmi les hommes. L'homme quipossde un habitus a en lui une quaHt que rienne peut payer ni remplacer; et il est l'gardde celui qui ne l'a pas comme un homme bardde fer l'gard d'un homme nu : mais c'est d'unearmure vivante et spirituelle qu'il s'agit l.

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    ART ET SCOLASTIQUE i3Enfin l'habitus proprement dit est stable et

    {difficiicj) inobdlgu) eiu ra'uoru mmcj dcjqui le spcifie ; il se distingue ainsi de ladisposition, comme l'opinion par exemple '.par rapport auquel il perfectionne le

    est lui-mme immuable, telle la vritde la dmonstration pour l'habitus de et c'est sur cet objet que jyrend la

    dveloppe dans le sujet. De l la forcela rigidit des habitus, de l leur susceptibilit, ce qui s'carte de la droite ligne de leur objet

    corche, de l leur intransigeance, quellepourraient-ils admettre? ils sont fixs

    un absolu, de l leur incommodit sociale.gens du monde, qui sont polis sur toutes lesn'aiment pas l'homme habitus avec ses

    L'Art est un habitus de l'intellect pratique.3. Cet habitus est une i>ertu, c'est--dire

    qualit qui triomphant de l'indterminationde la facult intellective, aiguisant et la fois la pointe de son acti\'it, la

    l'gard d'un objet dfini iiii' cerlaiiu

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    14 ART ET SCOLASTIQUEmaximum d perfection, (hiic d'efficacit opra-tive. Toute vertu tant ainsi dtermine l'ulti-mum dont la puissance est capable ", et toutmal tant un manque et une infirmit, la vertu nepeut porter qu'au bien : impossible d'user d'unevertu pour mal faire ; elle est essentiellementhabituu operaliiuuv Iwiii '-.

    L'existence d'une telle vertu dans l'ouvrier estncessaire au bien de l'uvre, car Lcj> modej) dcs>i'actioiu suiu- la disposition' dcs> L'agent, dO tel otL>et, telle&j choCAj oiiy opre ''. Il faut qu' l'uvre faire, pour qu'elle vienne bien, rponde dansl'me de l'ouvrier une disposition qui cre entrel'une et l'autre cette sorte de conformit et de pro-portion intime que les scolastiques appelaient connaturalit ; la Logique, la Musique, l'Ar-chitecture greffent dans le logicien le syllogisme,dans le musicien l'harmonie, dans l'architecte l'-quilibre des masses. Par la vertu de l'Art pr-sente en eux, ils sont en quelque sorte leuruvre avant de la faire, ils lui sont conformspour pouvoir la former.Mais si l'art est une i^ertii dcs> l'intellect^' pratique,et si toute vertu porte exclusivement au bien,

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    ART ET SCOLASTIQUE i5au vrai, dans le cas d'une vertu de

    il faut conclure de l que l'Arttel (je dis l'Art, et non l'artiste, lequelsouvent contre son art) ne se trompe jamais,

    qu'il comporte une recLiluJcj) iiifaillihie. Sinonil ne serait pas un habitus proprement

    ferme de par sa nature mme.Les scolastiques ont longuement discut sur

    infaillible rectitude de l'art, et plus gnra-des vertus de l'intellect pratique (Prudence

    l'ordre de l'Agir, Art dans l'ordre du Faire).l'intellect peut-il tre rendu infaillible-

    vrai dans le domaine de l'individuel et duIls rpondaient par la distinction fon-

    de la vrit dcj) L'iiiLellecL^ opcidatif, qui coniiaUre, conformment ce qui est,de la vrit dej> l'intelteci-^ jyratiijue, qui consistediriger, conformment ce qui doit tre selonrgle et la mesure de la chose oprer ''^ ; s'ila de scienccj> que du ncessaire, s'il n'y a pas

    vint infaillible dans le connatre au sujet de cepeut tre autrement qu'il n'est, il peut y avoirinfaillible dans le diriger, il peut y avoircomme il y a. jjrudence, au sujet du contingent.

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    i6 ART ET SCOLASTIQUEMais cette Infaillibilit de l'art ne concerne que

    l'lment formel de l'opration, c'est--dire largulation de l'uvre par l'esprit. Q,ue la mainde l'artiste dfaille, que son instrument cde, quela matire flchisse, le dfaut ainsi introduit dansle rsultat, dans Vei'entiu, n'affecte en rien l'artlui-mme et ne prouve pas que l'artiste a manqu son art : ds l'instant que l'artiste, dans l'actede jugement port par son intellect, a impos largle et la mesure qui convenaient au cas donn,il n'y a pas eu en^ lui d'erreur, c'est--dire defausse direction. L'artiste qui a l'habitus de l'artet la main qui tremble,

    Che hn i'habito delL'aiLe c inan che Ireina,produit une uvre imparfaite mais garde unevertu sans dfaut. De mme dans l'ordre moral,l'vnement peut faillir, l'acte pos selon lesrgles de la prudence n'en aura pas moins tinfailliblement droit. Bien qu'extrinsquement etdu ct de la matire il comporte contingence etfaillibilit, l'art en lui-mme, c'est--dire du ctde la forme, et de la rgulation qui vient de l'es-pxnt, n'est pas oscillant comme l'opinion, il estplant dans la certitude.

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    ART ET SCOLASTIQ.UE ,711 suit de l que l'habilet manuelle ne fait pas

    partie de l'art, elle n'en est qu'une conditionmatrielle et extrinsque ; le travail grce auquelle virtuose qui citharise acquiert l'agilit desdoigts n'accrot pas son art lui-mme et n'en-gendre pas d'art spcial, il ne fait qu'ter unempchement ph^^sique l'exercice de l'art, nongnrt novam artem, sed toUit impedimentumexercitii ejus '' : l'art se tient tout entier du ctde l'esprit.

    4- Pour en mieux prciser la nature, lesanciens le comparaient la Prudence, qui estaussi une vertu de l'intellect pratique. En distin-guant et en opposant ainsi l'Art et la Prudence,ils mettaient le doigt sur un point vital de laps^'chologie des actes humains.

    a) L'Art, nous l'avions dj dit, est dans laligne du Faire, la Prudence est dans la ligne del'Agir. Elle discerne et applique les moyens deparvenir nos fins morales, qui sont elles-mmessubordonnes la fin ultime de toute la viehumaine, c'est--dire Dieu. Mtaphoriquement

    le est, si l'on veut, un art, mais c'est l'art du

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    i8 ART ET SCOLASTIQUEtotum beiicj) ini>ercj)^^, art que seuls les saints pos-sdent pleinement '^, avec la Prudence surna-turelle, et surtout avec les Dons du Saint-Esprit,qui les meuvent aux choses divines selon unmodej> divin, et les font agir sous la rgulationmme de l'Esprit de Dieu, et de son Art amou-reux, en leur donnant des ailes d'aigle pour lesaider marcher sur la terre : a^ummenUf jjennaniui^ ucjuilae, carrent, cL^ noiij lahorahunt, ambidahuni,eu- noiij dficient ^'^ . L'Art ne s'occupe pas de notrevie, mais seulement de telles ou telles fins particu-lires et extra-humaines qui sont vis--vis de luiun terme ultime.La Prudence opre pour le bien de celui quiagit, ad bon uni operantu*, l'Art opre pour le biende l'uvre laite, a bonuni operu), et tout ce qui ledtourne de ce but l'adultre et le diminue lui-mme. Ds l'instant que l'Artiste oeuvre bien, comme ds l'instant que le Gomtre dmontre, peu importe qu'il soit joyeux ou en colre '9.S'il est colreux ou jaloux, il pche comme homme,il ne pche pas comme artiste ^. L'Art ne tendnullement ce que l'artiste soit bon dans sonpropre agir d'homme, il tendrait plutt ce que

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    ART ET SCOLASTIQUE 19l'uvre produite, si cela tait possible, ft elle-mme dans sa propre ligne un usage parfait deson activit^' ; mais l'art humain ne produit pasd'uvres qui se meuvent d'elles-mmes l'action.Dieu seul en fait de cette sorte, et ainsi les saintssont vraiment et la lettre son chef-d'uvre dematre-ouvrier.Aprs cela, comme l'artiste est homme avantd'tre artiste, on voit aisment les conflits quimettront aux prises, chez lui, l'Art et la Prudence,sa vertu de Fabricateur et sa vertu d'Homme.Sans doute la Prudence elle-mme, qui juge entout selon les cas particuliers, ne lui appliquerapas les mmes rgles qu'au laboureur ou au ngo-ciant, et ne demandera pas Rembrandt ou Lon Blo3^ de faire des uvres qui rapportent,poiu" assurer les aises matrielles de leur famille.Il lui faudra pourtant un certain hrosme pourse maintenir toujours dans la droite ligne del'Agir, et povu" ne pas sacrifier sa substance immor-telle l'idole dvorante qu'il a dans l'me. A vraidire de tels conflits ne peuvent tre abolis que siune humiht profonde rend pour ainsi parler l'ar-tiste inconscient de son art, ou si la toute-puis-

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    20 ART ET SCOLASTIQUEsant onction de la sagesse donne tout ce quiest en lui le sommeil et la paix de l'amour. FraAngelico n'a pas ressenti ces contrarits int-rieures.

    Il reste nanmoins que le pur artiste abstraite-ment pris comme tel, re

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    ART ET SCOLASTIQUE 21non pas Viuagej> mme du bien faire ^-i. L'artistes'il veut, peut ne pas user ou mal user de son art,comme le grammairien, s'il veut, peut faire unbarbarisme, la vertu d'art qui est en lui n'en estpas pour cela moins parfaite. Selon le motclbre d'Aristote ^^ qui et compris, n'en doutonspas, les fantaisies d'Erik Satie, l'artiste quipche contre son art n'est pas blm s'il pcheen le voulant comme s'il pchait sans le vou-loir, au lieu que l'homme qui pche contre laprudence ou contre la justice est blm davantages'il pche en le voulant que s'il pche sans levouloir. Les Anciens remarquaient l-dessus quel'Art et la Prudence ont l'un et l'autre kjagend'abord et commande^ ensuite, mais que l'acteprincipal de l'art est seulement de juger, tandisque l'acte principal de la prudence est de com-mander. Perfectio artLo coiuiotiu^ bujadleando^^.

    c) Enfin la Prudence ayant pour matire, nonpas une chose faire, un objet dtermin dansl'tre, mais le pur usage que le sujet fait de salibert, n'a pas de voies certaines et dtermines,ou de rgles fixes. Son point fixe c'est la droitefin laquelle tendent les vertus morales, et dont

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    22 ART ET SCOLASTIQUEil s'agit de dterminer le juste moyen. Mais pouratteindre cette fin, et pour appliquer les principesuniversels de la science morale, prceptes et con-seils, l'action particulire produire, il n'y apas de rgles toutes faites ; car cette action estenrobe dans ixn tissu de circonstances qui l'indi-vidualisent, et en font chaque fois un cas vrai-ment nouveau ^7. En chacun de ces cas, et surtoutquand il s'agit par exemple de dterminer lamesure exacte de deux vertus qui doivent trepratiques en mme temps, fermet et douceur,humilit et magnanimit, misricorde et vrit, etc.,il y aura une manire particulire de se conformer la fin. C'est la Prudence de trouver cettemanire, en usant de voies ou de rgles subor-donnes la volont qui choisit selon l'occurrencedes circonstances et des occasions, en elles-mmes-contingentes et non dtermines l'avance, quine seront fixes avec certitude et rendues absolu-ment dtermines que par le jugement ou l'arbitredu Prudent, et que les scolastiques appelaient cause de cela recjidacs> arbdranae. Singulire pourchaque cas singulier, la rgulation de la Prudencen'en est pas moins certaine et infaillible, comme

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    ART ET SCOLASTIQUE 2.5il a t dit plus haut, parce que la vrit du juge-ment prudentiel se prend par rapport l'inten-tion droite (Jfet'^ coiij'onnitatein ad appetUuin recLiun),non par rapport l'vnement; et supposer leretour d'un second cas, ou d'une infinit de cas,Pc^ loiuu poiiiLv idenliqucO un cas donn, c'eststrictement La inincj> rgulalioiu impose celui-ciqui devrait leur tre impose tous : mais il n'yaura jamais un seul cas moral qui soit entire-ment identique un autre ^*^.On voit par l qu'aucune sciences ne peut rem-placer la Prudence, car la science, si casuistique-ment complique qu'on la suppose, n'a jamais quedes rgles gnrales et dtermines.On voit aussi pourquoi la Prudence a absolu-ment besoin, pour affermir son jugement, de

    recourir cette exploration ttonnante et multi-plie que les anciens nommaient le coiuitiuni (ladlibration, le conseil).

    L'Art au contraire, qui a pour matire unechose faire, procde par des wie^o certaineU eu^dtermines, imo nihil aliud ars esse videtur, .quam certa ordinatio rationis, quomodo per deter-minata mdia ad determinatum finem actus humani

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    2_( ART ET SCOLAST1Q.UEperveniant ^9. Les Scolastiques l'affirment con-stamment aprs Aristote, et ils font de cette pos-session de rgles certaines une proprit essen-tielle de l'art comme tel. Nous prsenterons plusloin quelques remarques au sujet de ces rglesfixes dans le cas des beaux-arts. Souvenons-nousici que les Anciens traitaient de la vertu d'Artconsidre en elle-mme et dans toute sa gnra-lit, non dans telle de ses espces, en sorte quel'exemple le plus simple de l'art ainsi considr,celui o se ralise tout d'abord le concept gn-rique de l'art, doit tre cherch dans les artsmcaniques. L'art du fabricant de navires ou del'horloger a pour fin propre une fin invariable etuniverselle, dtermine par la raison : permettre l'homme d'aller sur l'eau, ou lui indiquer l'heure,la chose faire, navire ou horloge, n'tant elle-mme qu'une matire conformer selon cette fin.Et pour cela il y a des rgles fixes, dtermineselles aussi par la raison, en fonction de ladite finet d'un certain ensemble de conditions.

    Ainsi l'effet produit est sans doute individuel,et dans les cas o la matire de l'art est particu-lirement contingente et dfectible, comme dans

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    ART ET SCOLASTIC^UE 26la Mdecine par exemple, ou dans l'Agriculture,ou dans l'Art militaire, il faudra que pour appli-quer ses rgles fixes l'art use de rgles contin-gentes {reguLacj) arbiLrana) et d'une sorte de pru-dence, il faudra aussi qu'il ait recours la dli-bration, au coiunliain. Il n'en reste pas moins quede soi l'Art tient sa fermet de ses rgles ration-nelles et universelles, non du coiuiliuni, et que larectitude de son jugement n'est pas prise, commepour la Prudence, des circonstances et des occur-rences, mais bien des voies certaines et dtermi-nes qui lui sont propres 5. C'est pourquoi cer-tains arts peuvent tre des sciences, sciencespratiques comme la iM.decine ou comme la Chi-rurgie (que les thologiens de Salamanque conjoi-gnaient irrvrencieusement l'art du barbier,arV chiruri]Lco-barblfica) , ou mme sciences spcula-tives comme la Logique.

    5. En rsum, l'Art est donc pLiuu cxcUuwe-meiiL^ inleUecliiet que la Prudence. Tandis que laPrudence a pour" sujet l'intellect pratique eiutailla' qiicj j}r^Hippo.mnL^ la i'oiont droites et dpen-dant d'elle >', l'Art ne s'occupe pas du bien

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    ART ET SCOLASTIQUEde la volont, et des fins qu'elle poursuit

    sa ligne d'apptit humain ; et s'il supposecertaine rectitude de l'apptit'^, c'est encorerapport quelque fin proprement intellec-Comme la Science c'est a un ol>jeu> qu'il est(objet faire il est vrai, non contempler).

    n'use du circuit de la dKbration et du conseilpar accident. Bien qu'il produise des actes

    des effets individuels, il ne juge pas, sinoncessoirement, d'aprs les contingences circon-

    et ainsi il regarde moins que la Pru-l'individuation des actions et le hic ei^

    ". Bref si en raison de sa matire, qui estil convient avec la Prudence plus

    la Science, j-eloiij sa raldOiij fonnellcs> eu>Lani^ qucjy vertu, il convient avec la Science ethabitus de l'intellect spculatif plus qu'avec la

    : anu ina^iu co/n'eni/^' ciiin habilibiiiu spe-iiu rationcj vuiutuu, ijuani cuin jiruclenlia 54.

    Savant est un Intellectuel qui dmontre, l'Ar-est un Intellectuel qui opre, le Prudent estVolontaire intelligent qui agit bien.

    Telle est, dans ses traits principaux, l'ide que lesse faisaient de l'Art. Non seulement

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    ART ET SCOLASTIQUE 27dans Phidias et dans Praxitle, mais dans lemenuisier et le forgeron de nos villages, ils recon-naissaient un dveloppement intrinsque de laraison, une noblesse de l'intelligence. La vertu deVartifex n'tait pas leurs yeux la force dumuscle ou la souplesse des doigts, ou la rapiditdu geste chronomtr et tayloris , elle n'taitpas non plus cette pure agilit empirique {experi-menluni) qui se forme dans la mmoire et dans laraison animale (cogitative), qui imite l'art et dontl'art a absolument besoin '>, mais qui reste desoi extrinsque l'art. Elle tait une vertu del'intelligence, et elle dotait l'artisan le plushumble d'une certaine perfection de l'esprit.

    L'artisan, dans le type normal du dveloppe-ment humain et des civilisations vraiment hu-maines, reprsente le commun des hommes. Si leChrist a voulu tre artisan de petite bourgade,c'est qu'il voulait assumer la condition ordinairede l'humanit 5^.

    Les docteurs du moyen ge n'tudiaient passeulement, comme beaucoup de nos psychologuesintrospecteurs, l'homme de ville, de bibliothqueou d'acadmie, ils avaient souci de la grande

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    28 ART ET SCOLASTIQUEhumanit commune. Mais ce faisant ils tudiaientencore leur Matre. Considrant l'art ou l'acti-vit propre de \aiiifex, ils considraient l'activitque le Seigneur a exerce par choix durant toutesa vie cache; ils considraient aussi, d'une certainemanire, l'activit mme du Pre ; car ils savaientque la vertu d'Art se dit en propre de Dieu,comme la Bont et la Justice '^^ et que le Fils, enexerant son mtier de pauvre, tait encorel'image du Pre, et de son action qui ne cessepas '^ : Philippe, ijui \ndeL^ Aie, i^iDet^' ei^ Palreni.

    Il est curieux de constater que dans leurs clas-sifications les anciens ne donnaient pas une place part ce que nous appelons les beaux-arts '9. Ilsdivisaient les arts en serviles et libraux, selonqu'ils exigeaient ou non le travail du corps ^, ouplutt, car cette division, qui va plus loin qu'onne pense, tait prise du concept mme de l'art,recta ratio Jaclibilium, selon que \'a'Uv>rcjJ a fairej)tait dans un cas un effet produit dans la matire(^factibilcj proprement dit), dans l'autre une pureconstruction spirituelle demeurant dans l'me 4'.

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    ART ET SCOLASTIQUE 29A ce compte-l la Sculpture et la Peinture tai-saient partie des arts serviles ^-, et la Musiquedes arts libraux, o elle voisinait avec l'Arith-mtique et la Logique : car le Musicien disposeintellectuellement des sons dans son me, commel'Arithmticien y dispose des nombres, et leLogicien des concepts ; l'expression orale ou ins-trumentale, qui fait passer dans les successionsfluides de la matire sonore les constructionsainsi acheves dans l'esprit, n'tant qu'une cons-quence extrinsque et un simple moyen de cesarts.Dans la structure puissamment sociale de lacivilisation mdivale, l'artiste avait seulementrang d'artisan, et toute espce de dveloppementanarchique tait interdite son individuahsme,parce qu'une naturelle discipline sociale lui impo-sait du dehors certaines conditions limitatives +'.Il ne travaillait pas pour les gens du monde etpour les marchands, mais pour le peuple fidle,dont il avait mission d'abriter la prire, d'instruirel'intelligence, de rjouir l'me et les yeux. O tempsincomparables, o un peuple ingnu tait formdans la beaut sans mme s'en apercevoir, comme

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    3o ART ET SCOLASTIQUEles parfaits religieux doivent prier sans savoirqu'ils prient '*'^ 1 o docteurs et imagiers ensei-gnaient amoureusement les pauvres, et o lespauvres gotaient leur enseignement, parce qu'ilstaient tous d la mme race royale ne de l'eauet de l'Esprit.On crait des choses plus belles alors, et ons'adorait moins. La bienheureuse humilit o l'ar-tiste tait plac exaltait sa force et sa libert. LaRenaissance devait affoler l'artiste, et en faire leplus malheureux des hommes, au momentmme o le monde allait lui devenir moins habi-table, en lui rvlant sa propre grandeur, eten lchant sur lui la froce Beaut que la Foitenait charme, et menait aprs soi, docile, atta-che par un fil de la Vierge +5.

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    VL'ART ET LA BEAUT

    Thomas, qui avait autant de simplicit quede sagesse, dfinissait le beau ce qui plat

    L() quoJ i'uuin placeur ^^. Ces quatre mots disentce qu'il faut : une vision, c'est--dire une

    intuitu^e, et \xnGjoie. Le Beau est cedonne la joie, non pas toute joie, mais la joiele connatre ; non pas la joie propre de l'acteconnatre, mais une joie qui surabonde et

    de cet acte cause de l'objet connu. Sichose exalte et dlecte l'me par l mme

    est donne son intuition, elle est bonneapprhender, elle est belle +7.La Beaut est essentiellement objet 'intelli-

    car ce qui connai^' au sens plein du mot,l'intelligence, qui seule est ouverte l'infi-de l'tre. Le lieu naturel de la Beaut est le

    intelligible, c'est de l qu'elle descend.elle tombe aussi, d'une certaine manire,

    les prises des sens, dans la mesure o chezils servent l'intelligence et peuvent eux-

    jouir dans le connatre : c'est, parmi tous

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    32 ART ET SCOLASTTQUEles sens, la vue et 1 oue seulement que lebeau a rapport, parce que ces deux sens sontinaxitncj> cognojcitu'i'^^. La part des sens dans laperception de la beaut est mme rendue normechez nous du fait que notre intelligence n'est pasintuitive comme celle de l'ange ; elle voit sansdoute, mais condition d'abstraire et de discou-rir ; seule la connaissance sensitive possde laperfection chez l'homme l'intuitivit requise laperception du beau. Ainsi l'homme peut sansdoute jouir de la beaut purement intelligible, maisle beau connatureL l'homme, c'est celui qui vientdlecter l'intelligence par les sens et par leurintuition. Tel est aussi le beau propre de notreArt, qui travaille une matire sensible pour fairela joie de l'esprit. Il voudrait croire ainsi que leparadis n'est pas perdu. Il a le got du paradisterrestre, parce qu'il restitue, pour un instant, lapaix et la dlectation simultane de l'intelligenceet des sens.

    Si la beaut dlecte l'intelligence, c'est qu'elleest essentiellement une certaine excellence ouperfection dans la proportion des choses l'intel-ligence. De l les trois conditions que lui assignait

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    ART ET SCOLASTIQUE .35Thomas +'' : intgrit, parce que l'intelligencel'tre, proportion, parce que l'intelligencel'ordre et aime l'unit, enfin et surtout clat

    clart, parce que l'intelligence aime la lumirel'intelligibilit. Un certain resplendissement esteffet d'aprs tous les anciens le caractre

    de la beaut, ciaritaO edi^ raLioncj>'^, lux pulchrlficai, quia sincj luccj

    Min/^ lurpia >' mais c'est un resplendis-d'intelligibilit : j-plenJo/^ i>en, disaient les^fplendoi^ orinu, disait saint Augus-

    ajoutant que l'unit est la forme de toute>'- , splciidoi'' J'onnae, disait saint Thomas

    son langage prcis de mtaphysicien : car laforincj> , c'est--dire le principe qui fait la per-propre de tout ce qui est, qui constitue et

    les choses dans leur essence et dans leurs\qui est enfin, si l'on peut ainsi parler,

    purement tre ovi l'tre spirituel de touteest avant tout le principe propre d'intelli-la clarlc propre de toute chose. Aussitoute forme est-elle un vestige ou un rayon

    l'Intelligence cratrice imprim au cur decr. Tout ordre et toute proportion d'autre

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    54 ART ET SCOLASTIQUEpart est uvre d'intelligence. Et ainsi, dire avecles scolastiques que la beaut est le redplcndUe-ine/iL^ dcj> la fornicj sui^ lenu jyarlieiu jjroportion-ne^L' d(Ly la inalierej> ''>'>, c'est dire qu'elle est unefulguration d'intelligence sur une matire intelli-gemment dispose. L'intelligence jouit du beauparce qu'en lui elle se retrouve et se reconnat, etprend contact avec sa propre lumire. Cela est sivrai que ceux-l tel un Franois d'Assise remarquent et savourent davantage la beaut deschoses, qui savent qu'elles sortent d'une intelli-gence, et qui les rapportent leur auteur.

    Sans doute toute beaut sensible suppose unecertaine dlectation de l'il lui-mme ou del'oreille ou de l'imagination ; mais il n'y a beautque si l'intelligence jouit aussi de quelque manire.Une belle couleur rince l'il comme un parfumpuissant dilate la narine ; mais de ces deux formes ou qualits la couleur seule est ditebelle, parce qu'tant reue, au contraire du parfum,dans un sens capable de connaissance dsintres-se 54, elle peut tre, mme par son clat purementsensible, un objet de joie pour l'intelligence. Aureste, plus l'homme lve sa culture, plus se spiri-tualise l'clat de la forme qui le ravit.

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    ART ET SCOLASTIQUE 35Il importe toutefois de remarquer que dans le

    que nous avons appel connaturel l'homme,et qui est propre . l'art humain, cet clat de laforme, si purement intelligible qu'il puisse tre enlui-mme, est saisi daiuo lcs> sen^iblcj ei^ .J>

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    36 ART ET SCOLASTIQUEcomme son objet propre tout bien de l'me.Aprs coup seulement elle anal^'sera plus ou moinsbien les causes de cette joie par la rflexion >>.

    Ainsi, quoique le beau tienne au vrai mta-physique en ce sens que tout resplendissementd'intelligibilit dans les choses suppose quelqueconformit l'intelligence cause des choses, nan-moins le beau n'est pas une espce de vrai, maisune espce de bien ^^ ; la perception du beau arapport la connaissance, mais pour s'y ajouter, comme la jeunesse s'ajoute sa fleur ; elle estmoins une espce de connaissance qu'une espcede dlectation. Le beau est essentiellement dlec-table. C'est pourquoi, de par sa nature mme eten tant que beau, il meut le dsir et produitl'amour, il a une force unitive, tandis que le vraicomme tel ne fait qu'illuminer. Omnibus igiturest pulchrum et bonum desiderabile et amabile etdiKgibile >^. C'est pour sa beaut que la Sagesseest aime 5^. Et c'est pour elle-mme que toutebeaut est d'abord aime, mme si ensuite la chairtrop faible est prise au pige. L'amour son tourproduit l'extase, c'est--dire qu'il met celui ouiaime hors de son moi ; ex-stase dont l'me prouve

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    ART ET SCOLASTIQUE 5/une forme diminue quand elle est saisie par labeaut de l'uvre d'art, et la plnitude quand elleest bue, comme la rose, par la beaut de Dieu.Et de Dieu mme, selon Denys l'Aropagite ^^^il faut oser dire qu'il souffre en quelque faonextase d'amour, cause de l'abondance de sabont qui lui fait rpandre en toutes choses uneparticipation de sa splendeur. Mais son amour lui cause la beaut de ce qu'il aime, tandis quenotre amour nous est caus par la beaut de ceque nous aimons.

    Ce que les Anciens disaient du Beau doit trepris dans le sens le plus formel, en vitant dematrialiser leur pense en aucune spcificationtrop troite. Il n'y a pas une manire mais milleet dix mille manires dont la notion ' intgrit^ oude perfection, ou d'achvement, peut se raliser.L'absence de tte ou de bras est un manque d'in-tgrit fort apprciable dans une femme, et fortpeu apprciable dans une statue, quelque cha-grin qu'ait prouv M. Ravaisson de ne pouvoircomptten la Vnus de Milo. Le moindre croquis

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    38 ART ET SCOLASTIQUEde Vinci, voire de Rodin, est plus achev que leplus accompli Bouguereau. Et s'il plat unfuturiste de ne faire qu'un il, ou un quart d'oeil, la dame qu'il portraiture, nul ne lui en contestele droit, on demande seulement, l est tout leproblme, que ce quart d'oeil soit justementtout ce qu'il faut d'il ladite dame ?anii> /ej> ca6ijonn.

    Il en va de mme pour la proportion, la conve-nance ou l'harmonie. Elles se diversifient selonles objets et selon les fins. La bonne proportionde l'homme n'est pas celle de l'enfant. Les figuresconstruites selon le canon grec ou le canon gyp-tien sont parfaitement proportionnes dans leurgenre. Mais les bonshommes de Rouault sontaussi parfaitement proportionns, dans leur genre.Intgrit et proportion n'ont aucune significationabsolue ^, et doivent s'entendre uniquement par>rappoi'Lj la fin de l'uvre, qui est de faire resplen-dir une forme sur la matire.

    Enfin et surtout cet clat de la forme lui-mme,qui est l'essentiel de la beaut, a une infinit demanires diverses de briller sur la matire. C'estl'clat sensible de la couleur ou du timbre, c'est

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    4o ART ET S COL ASTI QUErelative non pas aux dispositions du sujet, ausens o les modernes entendent le mot relativit,mais la nature propre et k la fin de la chose, etaux conditions formelles sous lesquelles elle estprise. Pulchritudo quodammodo dicitur per res-pectum ad aliquid... '- Alia enim est pulchri-tudo spiritus et alia corporis, atque alia hujus etillius corporis ^'. Et si belle que soit une chosecre, elle peut paratre belle aux uns et non auxautres, parce qu elle n'est belle que sous certainsaspects, que les uns dcouvrent et que les autresne voient pas : elle est ainsi belle en un lieu etnon belle en un autre.

    S'il en est ainsi, c'est que le beau appartient l'ordre des traucendentaux, c'est--dire des con-cepts qui dpassent toute limite de genre ou decatgorie, et qui ne se laissent enfermer dansaucune classe, parce qu'ils imbibent tout et seretrouvent partout. Comme l'un, le vrai et le bien,il est l'tre mme pris sous un certain aspect, ilest une proprit de l'tre; il n'est pas un acci-dent surajout l'tre, il n'ajoute l'tre qu'une

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    ART ET SCOLASTIQUE ^irelation de raison, il est l'tre en tant que dlec-tant par sa seule intuition une nature intellec-tuelle. Ainsi toute chose est belle, comme toutechose est bonne, au moins sous un certain rap-port. Et comme l'tre est partout prsent et par-tout vari, le beau de mme est partout rpanduet partout vari. Comme l'tre et les autres trans-cendentaux, il est essentiellement analogue, c'est--dire qu'il se dit des titres divers, j-ub )n

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    42 ART ET SCOLASTIQUEqui toutes ont une beaut particularise, parti-culatam pulchritudinem, sicut et particulatamnaturam . Il est beau par lui-mme et en lui-mme,beau absolument.

    Il est beau l'excs {ouperpulchet''), parce qu'enl'unit parfaitement simple de sa nature prexisted'une manire surexcellente la fontaine de toutebeaut.

    Il est la Beaut mme, parce qu'il donne labeaut tous les tres crs, selon la propritde chacun, et parce qu'il est la cause de touteconsonance et de toute clart. Toute forme eneffet, c'est--dire toute lumire, est une certaineirradiation provenant de la clart premire , uneparticipation de la divine clart . Et toute con-sonance ou toute harmonie, toute concorde, touteamiti et toute union quelle qu'elle soit entre lestres procde de la divine beaut, t^^pe primitifet surminent de toute consonance, qui rassembletoutes choses les unes avec les autres et qui lesappelle toutes soi, mritant bien en cekx lenom de /.aXor, qui drive d'appeler. Ainsi labeaut de la crature n'est rien d'autre qu'unesimilitude de la beaut divine participe dans les

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    ART ET SCOLASTIQUE 45choses , et d'autre part toute forme tant prin-cipe d'tre et toute consonance ou toute harmonietant conservatrice de l'tre, il faut dire que labeaut divine est cause de l'tre de tout ce quiest. x dii^ina jjulcbntudine^y eM(LJ omnium derii>a-Inn ^'Dans la Trinit, ajoute saint Thomas ^^ , c'estau Fils que le nom de Beaut est attribu enpropre. Quant l'intgrit en effet ou la per-fection, il a vraiment et parfaitement en soi, sansnulle diminution, la nature du Pre. Quant laproportion due ou la consonance il est l'imagedu Pre expresse et parfaitement ressemblante :et c'est l la proportion qui convient l'imagecomme telle. Enfin quant la clart il est leVerbe, qui est la lumire et la splendeur de l'in-telligence, verbe parfait qui rien ne manque,et pour ainsi dire art du Dieu tout-puissant ^9 ,La Beaut appartient donc l'ordre transcen-dental et mtaphysique. C'est pourquoi elle tendd'elle-mme porter l'me au del du cr. Par-lant de l'instinct du Beau, c'est lui , crit lej)oetcj> maudiU' qui l'art moderne doit d'avoirrepris conscience du caractre essentiellement

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    44 ART ET SCOLASTIQUP:mtaph^^sique et de la spiritualit despotique dela Beaut, c'est cet immortel instinct du Beauqui nous fait considrer la Terre et ses spectaclescomme un aperu, comme une correspondances) duCiel. La soif insatiable de tout ce qui est au del,et que rvle la vie, est la preuve la plus vivantede notre immortalit. ^C'est la fois par la posieet a trai'era.) la posie, par et traverola. musique,que l'me entrevoit les splendeurs situes derrirele tombeau ; et quand un pome exquis amne leslarmes au bord des yeux, ces larmes ne sont pasla preuve d'un excs de jouissance, elles sontbien plutt le tmoignage d'une mlancolie irrite,d'une postulation des nerfs, d'une nature exiledans l'imparfait et qui voudrait s'emparer imm-diatement, sur cette terre mme, d'un paradisrvle '.

    Ds qu'on touche un transcendental, ontouche l'tre lui-mme, une ressemblance deDieu, un absolu, la noblesse et la joie denotre vie ; on entre dans le domaine de l'esprit.Il est remarquable que les hommes ne commu-

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    46 ART ET SCOLASTIQUEdtermin. L'uvre laquelle travaillent lesbeaux-arts est ordonne la Beaut ; en tant quebelle elle est une fin, un absolu, elle se suffit ; etsi en tant qu'uvre faire elle est matrielleet enferme dans un genre, en tant que belle elleappartient au rgne de l'esprit, et plonge dans latranscendance et dans l'infinit de l'tre.Les beaux-arts se dtachent ainsi dans le genres)art comme l'homme se dtache dans le genrs> ani-mal. Et comme l'homme lui-mme ils sont pareils \un horizon o la matire et l'esprit viendraient setoucher. Ils ont une me spirituelle. De l poureux bien des proprits distinctives. Leur contactavec le Beau modifie en eux certains caractresde l'art en gnral, notamment, comme nousessaierons de le montrer, en ce qui concerne lesrgles de l'art ; il accuse au contraire et porte une sorte d'excs d'autres caractres gnriquesde la vertu artistique, avant tout son caractred'intellectualit, et sa ressemblance avec les ver-tus spculatives.

    Il y a une analogie singulire entre les beaux-arts et la sagesse. Ils sont comme elle ordonns un objet qui dpasse l'homme et qui vaut par

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    48 ART ET SCOLASTIQUEcUj piiuu (htix ijui'^:> U\:> miel. La seconde, c'est queles oprations du jeu ne sont pas ordonnes autre chose, mais sont recherches pour elles-mmes. Et il en est de mme des dlectations dela sagesse... C'est pourquoi la divine Sagessecompare au jeu sa dlectation : jej> ine^ diectauuchaqucs> jour, jouaiiu^ de^'cini^' lui aiiU l'orbe:^ cAjlerre " ' . Mais l'Art demeure toujours essentiellementdans l'ordre du Faire, et c'est par un travail d'es-

    clave sur une matire qu'il vise la joie de l'es-prit. De l pour l'artiste une condition trange etpathtique, image elle-mme de la condition del'homme dans le monde, o il doit s'user parmiles corps et vivre avec les esprits. Tout en bl-mant les vieux potes qui faisaient la divinitenvieuse, Aristote reconnat qu'ils avaient raisonde dire qu' elle seule est rserve la possessionde la sagesse en vraie proprit : Ce n'est pasune possession humaine, car de beaucoup demanires la nature des hommes est serve "^. Pro-duire de la beaut appartient de mme Dieuseul en vraie proprit. Et si la condition de l'ar-tiste est plus humaine, et moins haute, que celle

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    ART ET SCOLASTIQUE 49mtaphj'sicien, elle est aussi plus discordanteplus douloureuse, parce que son activit ne se

    pas tout entire dans la pure immanence desspirituelles, et ne consiste pas en elle-

    contempler, mais faire. Sans avoir lani la nourriture de la sagesse, il est pris

    les dures exigences de l'intelligence et de laspculative, et il est condamn toutes les

    serviles de la pratique et de la production

    O mon frre Lon, petite bte du bon Dieu,bien mme un frre mineur parlerait la

    angue des anges et ressusciterait un homme mortquatre jours, inscris bien que ce n'est pasque se trouve la joie parfaite... Quand l'ArtTste enfermerait dans son uvre

    la lumire du ciel et toute la grce du pre-Jardin, il n'aurait pas la joie parfaite, parceest sur les traces de la sagesse et court de ses parfums, mais ne la possde pas.

    le Philosophe connatrait toutes les rai-intelligibles et toutes les vertus de l'tre, il

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    5o ART ET SCOLASTIQUEn'aurait pas la joie parfaite, parce que sa sagesseest humaine. Quand le thologien saurait toutesles analogies des processions divines et tous lespourquoi des actions du Christ, il n'aurait pas lajoie parfaite, parce que sa sagesse a une originedivine mais un mode humain, et une voix humaine.Ah! leeo i'oix, monre- oiic, niourantevque^ l'oun' te!Les Pauvres et les Pacifiques ont seuls la joie

    parfaite parce qu'ils possdent la sagesse et lacontemplation par excellence, dans le silence descratures et dans la voix de l'Amour; unis sansintermdiaire la Vrit subsistante, ils con-naissent la douceur que Dieu donne, et le gotdlicieux du Saint-Esprit '^^ . C'est ce qui faisaitdire saint Thomas, parlant quelque temps avantde mourir de sa Somme inacheve : Cela mesemble de la paille, inihi vLetur' UL^ j>alea. Paillehumaine que le Parthnon et Notre-Dame deChartres, la Chapelle Sixtine et la Messe en r,et qui sera brle au dernier jour. Les craturesn'ont pas de saveur. Le moyen ge connaissait cet ordre. La Renais-sance l'a bris. Aprs trois sicles d'infidlit,

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    ART ET SCOLASTIQUP: 5il'art prodigue a voulu devenir la fin dernire del'homme, son Pain et son Vin, le miroir consubs-tantiel de la Beaut batifique. En ralit il n'afait que dissiper sa substance. Et le Pote affamde batitude qui demandait l'art la plnitudem3'stique que Dieu seul peut donner, n'a pu dbou-cher que sur Sicj t'abme. Le silence de Rimbaudmarque peut-tre la fin d'une apostasie sculaire.Il signifie clairement, en tout cas, qu'il est fou dechercher dans l'art les paroles de la vie ternelleet le repos du cur humain ; et que l'artiste, pourne pas briser son art, ni son me, doit tre sim-plement, en tant qu'artiste, ce que l'art veut qu'ilsoit, un bon ouvrier.Mais voici que le monde moderne, qui avaittout promis l'artiste, bientt ne lui laissera plus

    qu' peine le moyen de subsister. Fond sur lesdeux principes contres naturej? de la fcondit dcjt'argeni^ et de la jinatit ?cj> t'utite, multipliantsans aucun terme possible les besoins et la servi-tude, dtruisant le loisir de l'me, soustrayant\e. J'actLbite matriel la rgulation qui le propor-tionnait aux fins de l'tre humain, et imposant l'homme le haltement de la machine et le mouve-

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    52 ART ET SCOLASTIQUEment acclr de la matire, le monde moderneimprime l'activit humaine un mode proprementinhumain, et une direction proprement diabolique,car le but final de tout ce dlire est d'empcherl'homme de se souvenir de Dieu, .

    dam II il perenncs> cogitai,j-eequej> culpidj dligat.

    Par suite il doit logiquement traiter en inutile,donc en rprouv, tout ce qui un titre quel-conque porte la marque de 1 esprit.

    Le patriciat dans l'ordre des faits, mais unebarbarie vraiment dmocratique de la pense,voil le partage des temps prochains ; le rveur,le spculatif, pourront ^y maintenir au prix deleur scurit ou de leur bien-tre ; les places,le succs ou la gloire rcompenseront la sou-plesse de l'histrion : plus que jamais, dans unemesure inconnue aux ges de fer, la pauvret,la solitude expieront la fiert du hros ou dusaint '^\

    Perscut comme le sage et presque comme lesaint, peut-tre enfin l'artiste reconnatra-t-il sesfrres, et retrouvera-t-il sa vraie vocation ; car

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    ART ET SCOLASTIQUE 55d'une certaine manire il n'est pas de ce monde,tant, ds l'instant qu'il travaille pour la beaut,dans la voie qui conduit Dieu les mes droites,et qui leur manifeste les choses ini-isibles par lesvisibles. Si rares que soient alors ceux qui ne vou-dront pas plaire la Bte et tourner avec le vent,c'est en eux, du seul fait qu'ils exerceront uneactivit dcuntre^u^e, que vivra la race humaine.

    VILES RGLES DE L'ART

    TOUT l'lment formel de l'art consiste dans largidahoiij qu'il imprime la matire. De plusil est de l'essence de l'art, d'aprs les anciens,d'avoir des rgles certaines, i'uv certaejy eu>deterini-iialae.Ce mot de rgles certaines voque en nous demauvais souvenirs, nous pensons aux trois units,et aux rgles d'Aristote . Mais c'est de laRenaissance et de sa superstition de l'antique etde son Aristote empaill, ce n'est pas de l'Aristote

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    54 ART ET SCOLASTIQUEchrtien de nos Docteurs que procdent les rglesgourmes des grammairiens du grand sicle. Lesrgles certaines dont parlaient les scolastiques nesont pas des impratifs de convention impossdu dehors l'art, elles sont les voies d'oprationde l'art lui-mme, de la raison ouvrire, voieshautes et caches ''. Et tout artiste sait bien quesans cette forme intellectuelle dominatrice de lamatire, son art ne serait qu'un gchis sensuel '^^.Q_uelques explications cependant semblent icincessaires.

    En ce qui concerne d'abord l'art en gnral,arts mcaniques ou serviles comme beaux-arts etarts libraux, il importe de comprendre que lesrgles en question ne sont rien, en fait, si ellesne sont l'tat vital et spirituel dans un habituojou une vertu de l'intelligence, qui est proprementla vertu d'art.

    Par Vhal)ilu6i> ou vertu d'art surlevant dudedans son esprit, l'artiste est un dominateur quiuCJ> des rgles selon ses buts ; il est aussi peusens de le concevoir comme asservi aux rgles

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    ART ET SCOLASTIQUE [,5que de tenir l'ouvrier pour asservi ses ins-truments. A proprement parler il les possde etn'en est pas possd, il n'est pas tenu par elles,c'est lui qui lient, par elles, la matire et le rel ;et parfois, aux instants suprieurs o l'oprationdu gnie ressemble dans l'art au miracle de Dieudans la nature, il agira non pas contre les rgles,mais en dehors et au-dessus d'elles, selon unergle plus haute et un ordre plus cach. Enten-dons ainsi le mot de Pascal : La vraie lo-quence se moque de l'loquence, la vraie morale semoque de la morale, se moquer de la philosophiec'est vraiment philosopher , avec cette glosesavoureuse du plus tyrannique et du plus jacobindes chefs d'acadmie : Si vous ne vous foutezpas de la peinture, elle se /outra de vous ''9.

    Il y a, nous l'avons indiqu plus haut, uneincompatibilit foncire entre les babituO et l'ga-litarisme. Le monde moderne a horreur des habitu,quels qu'ils soient, et l'on pourrait crire une biencurieuse hidtoircj> ()cs> L'expuijiofu jirogrewej) dejhabituAj j)an la rvolulloiij moderne. Cette histoireremonterait assez loin dans le pass. On y verrait, c'est toujours par la tte que le poisson pour-

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    56 ART ET SCOLASTIQUErit , des thologiens comme Scot, puis Occam,et mme Suarez, maltraiter d'abord les plus aris-tocratiques de ces tres singuliers, savoir lesdons du Saint-Esprit, sans parler des vertusmorales infuses. Bientt les vertus thologales etla grce sanctifiante seront limes et rabotes parLuther, puis par les thologiens cartsiens. Entretemps vient le tour des habitiuv naturels ; Des-cartes, dans son ardeur niveleuse, s'attaquemme au genu&.> generalL^Minum dont font partie lesmaudits, et nie l'existence relle des qualits etdes accidents. Tout le monde est alors dans laferveur des machines calculer ; tout le mondealors ne rve que de mthode. Et Descartes con-oit la mthode comme un moyen infaillible etfacile de faire parvenir la vrit ceux quin'ont pas tudi et les gens du monde ^ . Leibnizinvente finalement une logique et un langage dontla proprit la plus merveilleuse est de dupen^endcj jjen^en ^'. On arrive alors la spirituelle ac-phalie du sicle des lumires.

    Ainsi la nithodcj ou les rgle, regardes commeuiij eiuembLcj dJ> formuleaj eL^dej> jjrocdAj jouani^>dcs> soi-niinj>

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    ART ET SCOLASTIQUE Syei^ inccanujue, tendent partout dansmonde moderne remplacer les habiLuiu parce

    la mthode est pour tous tandis que les habi-ne sont qu' quelques-uns : or il n'est pas

    que l'accession aux joies suprmesd'une vertu que quelques-uns possdent

    que les autres n'ont pas ; en consquence ilque les choses belles soient rendues faciles.

    X'.t:3: Ta y,-xiS. Les Anciens pensaient que laest difficile, que la beaut est difficile, etla voie est troite ; et que pour vaincre la

    et la hauteur de l'objet, il est absolu-ncessaire qu'une force et une lvation

    c'est--dire un habiiius, soientdans le sujet. La conception modernela mthode et des rgles leur aurait donc sem-

    une sanglante absurdit. D'aprs leurs prin-les rgles sont de l'essence de l'art, mais

    que soit form l'habitus rgle vivante.lui elles ne sont rien. Plaquez la connaissance

    accomplie de toutes les rgles d'un artun nergique laurat qui travaille quinze

    par jour mais en qui l'habitus ne germevous n'en ferez jamais un artiste, et il demeu-

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    58 ART ET SCOLASTIQUErera toujours infiniment plus loign de l'art quel'enfant ou le sauvage pourvu d'un simple donnaturel : cela dit pour excuser les trop nafs outrop malins adorateurs de l'art ngre. Le pro-blme est pos pour l'artiste moderne d'unemanire insense, entre la snilit des rgles aca-dmiques et la primitivit du don naturel ; ici l'artn'est pas encore, sinon en puissance, l il n'estplus du tout; l'art est seulement dans l'intellec-tualit vivante de Vhabitiuu

    De nos jours on prend v^olontiers le doti^ natu-rel pour l'art lui-mme, surtout s'il est recouvertd'un truquage facile et d'un bariolage voluptueux.Le don naturel n'est pourtant qu'une conditionprrequise l'art, ou encore une inchoatioiij nalu-reilej de l'habitus artistique. Cette dispositionspontane est videmment indispensable ; maissans une culture et une discipline que les anciensvoulaient longue et patiente et honnte, elle nepassera jamais l'art proprement dit. L'art pro-cde ainsi d'un instinct spontan comme l'amour,et il doit tr cultiv comme l'amiti. C'est qu'ilest une vertu comme elle.

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    ART ET SCOLASTIQ.UE 69Saint Thomas nous fait remarquer que les dis-

    naturelles par lesquelles un individud'un autre se tiennent du ct du corps ^^,

    intressent nos facults sensitives, et avantl'imagination, pourvoyeuse en chef de l'art,

    qui apparat ainsi comme le doiu par excellencelequel on nat artiste, '. et dont les potesvolontiers leur facult matresse, parce qu'ellesi intimement lie l'activit de l'intellectqu'ils ne savent pas toujours la distinguer

    celui-ci. Mais la vertu d'art est un perfec-de l'esprit ; aussi bien imprime-t-elle

    l'tre humain un caractre incomparablementprofond que ne font les dispositions

    Il peut arriver au surplus que la manire dontcultive les dispositions naturelles

    le don spontan au lieu de dveloppersurtout si cette manire est matrielle,

    toute pourrie de recettes et d'habilets, ousi elle est thorique et spculative au lieuoprative, car l'intellect pratique, dont

    les rgles des arts, procde en posanteffet dans l'tre, non en prouvant ni en dmon-

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    6o ART ET SCOLASTIQUEtrant ; et souvent ceux qui possdent le mieux lesrgles d'un art savent le moins les formuler. Ondoit dplorer ce point de vue la substitution(commence par Colbert, acheve par la Rvolu-tion) de l'enseignement acadmique et scolaire l'apprentissage corporatif^'. Par l mme que l'artest une vertu de l'intellect pratique, le mode d'en-seignement qui lui convient par nature c'est l'du-cation-apprentissage, le noviciat opratif sous unmatre et en face du rel, non les leons distri-bues par professeurs ; et vrai dire, la notionmme d'une EcoLcj dcA' Beaux-Arb, au sens sur-tout o l'Etat moderne entend ce mot, recle uneinintelligence des choses aussi profonde que lanotion d'un connu stiperietir'' dcs> i'ertu par exemple.De l les rvoltes d'un Czanne conti^e l'Ecoleet contre les professeurs, rvoltes qui portentsurtout, en ralit, contre une conception barbarede l'ducation artistique.

    Il reste que l'art, tant un habitus intellectuel,suppose ncessairement et en tout cas, une^ forma-tion^ de l'esprit, qui mette l'artiste en possessionde rgles d'opration dtermines. Sans doute,dans certains cas exceptionnels, l'effort indivi-

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    ART ET SCOLASTIQUE 61de l'artiste, d'un Giotto ^-^ par exemple ouMoussorgsky, peut suffire lui seul pro-cette formation de l'esprit ; et mme ondire que ce qu'il y a de plus spirituel dans l'intuition synthtique, la conception de faire, relevant de la i'ia l'ni'enlioniU

    de l'effort d'invention, qui requiert la solitudene s'apprend pas d'autrui, l'artiste, en ce qui

    la fine pointe et la plus haute vieson art, se forme et s'lve lui-mme et toutplus on se rapprochera de cette pointe spi-de l'art, plus les ihw a-uxqueUes

    aura affaire seront appropries et personnellesl'artiste, et faites pour ne se dcouvrir qu' un

    ^K Peut-tre ce point de vue risquons-nous poque, o nous exprimentons si cruelle-tous les maux de l'anarchie, de nous faire

    illusion sur la nature et l'tendue desque l'on peut attendre du retour auxde mtier. Cependant, pour l'immense

    que l'art comporte de travail rationnel etla tradition d'une disciphne, et une du-

    par des matres, et la continuit dans lede la collaboration humaine, bref, la i'ia

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    62 ART ET SCOLASTIQUEdi est absolument ncessaire, qu'il s'agissede la technique proprement dite et des moyensmatriels sans lesquels il n'y a pas d'art, ou detout le ravitaillement conceptuel et rationnel querequirent et charrient certains arts (les beaux-arts notamment, et avant tout l'art classique), ou enfin de l'indispensable maintien d'un niveausuffisamment lev de culture dans la moyennedes artistes et des artisans, chacun desquels ilest absurde de demander d'tre un gnie origi-nal ^^.

    Ajoutons, pour avoir la pense de saint Thomasdans son intgrit ^' , qu'en toute discipline et toutenseignement, le matre ne fait qu'aider du dehorsle principe d'activit immanente qui est dans ledisciple. L'enseignement rentre ce point de vuedans la grande notion de l'ano cooperativa iiaturae :tandis que certains arts s'appliquent leur matirepour la dominer, et lui imposer une forme qu'ellen'a qu' recevoir, tel l'art d'un Michel-Angetorturant le marbre en despote, d'autres artsen effet, parce qu'ils ont pour matire la natureelle-mme, s'appliquent leur matire pour laservir, et pour l'aider atteindre une forme ou

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    ART ET SCOLASTIQUE 63perfection qui ne peut tre acquise que par

    d'un principe intrieur; ce sont des arts cooprent la nature , la nature cor-comme la mdecine, la nature spirituelle

    l'enseignement (comme aussi l'art de diri-les mes). Ces arts n'oprent qu'en fournis-au principe intrieur qui est dans le sujet les

    et les secours dont il use pour produireeffet. C'est le principes intrieur, c'est laintellectuelle prsente en le disciple quidans l'acquisition de la science et de l'art,

    cau ou t'ageiit^> principal.

    S'agit-il aprs cela plus particulirement desleur contact avec l'tre et les transcen-leur cre, quant aux rgles de l'art, unetoute spciale.Et tout d'abord ils sont soumis une loi dedonc de changement, que ne con-pas, du moins avi mme titre, les autres

    La beaut a une amplitude infinie, comme l'tre.l'uvre comme telle, ralise dans la matire.

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    6^ ART ET SCOLASTIQUEest dans un certain genre, iiu aliquo (jenere. Y^i ilest impossible qu'un genre puise un transcen-dental. En dehors du genre artistique auquelappartient cette uvre, il y a toujours une infi-nit de manires d'tre une belles uvre.On constate ainsi une sorte de conflit entre latranscendance de la beaut et l'troitesse mat-rielle de l'uvre faire, entre la raison formellede beaut, splendeur de l'tre et de tous les trans-cendentaux runis, et la raison formelle d'art,droite industrie des uvres k faire. Nulle formed'art, si parfaite qu'elle soit, ne peut enfermer ensoi la Beaut, comme la Vierge a contenu sonCrateur. L'artiste est devant une mer immenseet dserte,

    ... jv7/uf mlA', o'diiA' inUu ni fertilau loU,et le miroir qu'il lui prsente n'est pas plus grandque son cur.Le gnie, le crateur en art, est celui qui trouveun noiiK^el analogue ^^ du beau, une nouvelle maniredont la clart de la forme peut resplendir sur lamatire. L'uvre qu'il fait, et qui comme telle estdans un certain genre, est ds lors dans un genrenouveau et elle exige des rgles nouvelles, je

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    AR ET SCOLASTIQ 65dire une adaptation nouvelle des rgles pre-

    et ternelles '^9, et mme l'usage de i^iaeeu^ deiennuiaLae non employes jusque l, etd'abord dconcertent.A ce moment l'activit contemplative en con-

    avec le transcendental, qui fait la vie proprearts du Beau et de leurs rgles, est vi-

    prdominante. Mais il est presque fatalle talent, l'habilet, la pure technique, l'ac-seulement oprative qui relve du genrcj>prenne peu peu le dessus, lorsqu'on ne

    plus qu' exploiter ce qui a t unetrouv ; les rgles jadis vivantes et spiri-

    se matriahseront alors, et cette formefinira par s'puiser; un renouvellement seraPlaise au ciel qu'il se rencontre unpour l'oprer 1 Mme en ce cas d'ailleurs

    renouvellement abaissera peut-tre le niveaude l'art, il demeure cependant la condi-

    de l'closion des plus hautes uvres ^. De Beethoven et de Beethoven Wagner

    peut croire que l'art en gnral, que la formele genre d'art a baiss en qualit, en spiritua-en puret. Mais qui oserait dire que l'un de

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    66 ART ET SCOLASTIQUEces trois hommes est moins grand que l'autre? Ilest bien vrai qu'il n'y a pas de progrs ncessaireen art, que la tradition et la discipline sont lesconditions de l'existence mme de l'art parmi leshommes, et les vraies nourrices de l'originalit ;et que l'acclration fivreuse que l'individualismemoderne, avec sa manie de rvolution dans lemdiocre, impose la succession des formes d'art,des coles avortes, des modes puriles, est lesymptme de la pire dcadence intellectuelle etsociale ; il reste toutefois pour l'art une ncessitfoncire de nouveaut, il est saisonnier comme lanature

    L'Art ne suppose pas comme la Prudence unerectification de l'apptit, c'est--dire de la puis-sance de vouloir et d'aimer, par rapport la finde l'homme ou dans la ligne morale 9". Il supposetoutefois, comme l'explique Cajetan 9^, que l'ap-ptit tend droitement la fut/ jn'oprcj) dcs> i'arl,en sorte que le principe : la vrit de l'intellectpratique se prend non pas selon la conformit la chose, mais selon la conformit l'apptit

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    ART ET SCOLASTIQUE 67, rgle le domaine du Faire comme celui

    l'Agir.Dans les beaux-arts la fin gnrale de l'artla Beaut. Mais l'uvre faille n'est pas l

    simple matire . ordonner cette fin, commehorloge qu'on fabrique pour cette fin d'indi-l'heure ou un navire qu^on construit pourfin d'aller sur l'eau. Etant une certaine ra-

    individuelle et originale de la beaut,elle-mme que l'artiste va faire est pourune fin en soi ; non pas la fin gnrale de sonmais la fin particulire qui domine son op-

    prsente, et par rapport laquelle tousmo^^ens doivent tre rgls. Or, -owx juger>

    de cette fin individuelle, c'est-pour concevoir l'uvre faire 93^ la raisonseule ne suffit pas, une bonne:) dipojition^

    l'appUU' est ncessaire, car chacun jugeses fins particulires selon ce qu'il est lui-

    actuellement : tel est un chacun, telleparat la fin ^4 , Concluons de l que chez le

    le Pote, le Musicien, la vertu d'art,sige dans l'intellect, ne doit pas seulement

    dans les facults sensitives et dans

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    68 ART ET SCOLASTIQUEl'imagination, mais qu'elle exige aussi que toutela facult apptitive de l'artiste, passions etvolont, soit rectifie par rapport la fin gn-rale de l'art, c'est--dire par rapport la Beaut.Si toutes les puissances de dsir et d'motion del'artiste ne sont pas foncirement rectifies etexaltes par rapport au beau, dont la transcen-dance et l'immatrialit sont surhumaines, la viehumaine et le trantran des sens, et la routinede l'art lui-mme aviliront sa conception. Il fautque l'artiste aime, qull aime la Beaut, en sorteque sa vertu soit bien, selon le mot de saintAugustin 95^ ordo ainoriu ; en sorte que la Beautlui devienne connaturelle, et s'inviscre en lui parl'affection, et que son uvre sorte de son curet de ses entrailles comme de son esprit lucide.Ce droit amour est la rgle suprme.Mais il prsuppose l'intelligence ; et c'est pourmaintenir dans l'me sa lumire qu'il est nces-saire, et, en tendant au Beau, il tend ce quipeut la dlecter.

    Enfin parce que dans les beaux-arts l'uvre

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    ART ET SCOLASTIQUE 69elle-mme, en tant que belle, est une fin, et

    cette fin est quelque chose d'absolument indi-de tout fait unique, il y a chaque fois

    l'artiste une manire nouvelle et unique deconformer la fin, donc de rgler la matire.l une remarquable analogie entre les beaux-et la Prudence.

    Sans doute l'art garde toujours ses ctae certae eu^la preuve en est que toutes les uvresmme artiste ou d'une mme cole sont

    des mmes caractres certains et dter-Mais c'est avec prudence, eubuKe, bonet perspicacit, circonspection, prcaution,

    industrie, mmoire, prvoyance,et divination, c'est en usant de rgleset non dtermines l'avance fixes

    la contingence des cas, c'est d'une faonneuve et imprvisible que l'artiste

    les rgles de son art : cette conditionsa rgulation est infaillible. Un tableau,

    Degas, est une chose qui exige autant dede malice et de vice que la perptration

    crime '^'^ . Pour des raisons diffrentes, et de la transcendance de leur objet, les beaux-

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    70 ART ET SCOLASTIQUEarts participent ainsi, comme la chasse ou l'artmilitaire, aux vertus de gouvernement.

    Cette prudence artistique, cette sorte de sen-sibilit spirituelle au contact de la matire rponddans l'ordre opratif l'activit contemplative et la vie propre de l'art au contact du beau. Dansla mesure o la rgle acadmique prvaut sur elle,les beaux-arts font retour au type gnrique del'art et ses espces infrieures, aux arts mca-niques.

    VIILA PURET DE L'ART

    CE que nous demandons actuellement l'art,notait Emile Clermont ^' , c'est ce que lesGrecs demandaient atout autre chose, quelquefoisau vin, le plus souvent la clbration de leursmystres : un dlire, une ivresse. La grande foliebachique de ces mystres, voil ce qui correspond notre plus haut point d'motion dans l'art,quelque chose venu d'Asie. Mais pour les Grecs

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    ART ET SCOLASTIQUE 71tait tout diffrent 9*^... Il n'avait pas pour effet

    bouleverser l'me, mais de la purifier, ce quiprcisment le contraire ; l'art purifie les

    , selon l'expression clbre et gnra-mal interprte d'Aristote. Et pour nousqu'il faudrait d'abord sans doute, c'est purifier

    de la beaut... Tant du ct de l'a/'O en gnral que du ctla beaut, c'est l'intelligence, les docteurs sco-

    l'enseignent de mille manires, qui a ledans l'uvre d'art. Sans cesse ils nous

    que Icj jyretnier' j)rincLpcj> dej> toutaouvreu huinauuAj cL^ La raijoiu ^9. Ajoutonsfaisant de la Logique l'art libral par excel-et en un sens le premier analogue de l'art,nous montrent en tout art une sorte de parti-vcue de la Logique.

    L touL^ n'ejL^ iju'ordre ei^ beaut,Luxe, calriKLJ eu^ volupt '.

    Si en architecture tout placage inutile estc'est qu'il est illogique; si dans l'art religieux,toc et le trompe-l'il sont odieux, c'est qu'ils

    illogiques, et en soi toujours, et particulire-

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    72 ART ET SCOLASTIQUEment par rapport leur usage religieux : car ilest profondment illogique que le mensonge serve orner la maison de Dieu '' ; Deiiiu nony egeu^nodtro mendacio. Est laid en art, disait Rodin,tout ce qui est faux, tout ce qui sourit saiiAjmoLif, ce qui se manire j-anoj raison, ce qui secambre et se cabre, ce qui n'est que parade debeaut et de grce, tout ce qui ment '^ . Jedemande, ajoute Maurice Denis '5, que vous pei-gniez vos personnages ()ej> teUej> faons qu'il^uaieiiL^ L'am d'trcj jjeinU, soumis aux lois de lapeinture, qu'ils ne cherchent pas me tromperl'oeil ou l'esprit ; la vrit de l'art consiste dansla conformit de l'uvre avec ses moyens et sonbut . C'est dire avec les Anciens que la vritde l'art se prend jyer ordinein eu> conformlLatem adregula(h artiiu '^, et c'est dire que toute uvred'art doit tre logique. L est sa vrit. Elle doiten quelque faon tremper dans la Logique : nonpas dans la pseudo-logique des ides claires '5^mais dans la logique vritable, celle de la structuredu vivant, et de la gomtrie intime de la nature.Une cathdrale gothique est une merveille delogique autant que la Somme de saint Thomas ;

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    ART ET SCOLASTIQUE yZgothique flambo\'ant lui-mme reste ennemi de

    placage, et le luxe o il s'puise est exacte-celui des syllogismes orns et contourns

    logiciens de l'poque. Virgile, Racine, Pous-sont logiques. Shakespeare aussi. Et Baude-donc ] Chateaubriand ne l'est pas. Lesdu moyen ge ne restauraient pas

    dans le style , la manire de VioUet-le-Si le chur d'une glise romane taitpar un incendie ils le reconstruisaient en

    sans penser plus loin. Mais voyez cathdrale du Mans ce raccord et ce pas-

    ce jaillissement soudain, et si sr de lui,la splendeur : voil de la logique vivante,celle de l'orognie des Alpes ou de l'ana-de l'homme.

    La perfection de la vertu d'art consiste d'aprsThomas dans l'acte de juger '^. Q_uant manuelle, elle est une condition requise,extrinsque l'art. Elle est mme pour l'art,mme temps qu'une ncessit, une menace per-pour autant qu'elle risque de substituer

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    y4 ART ET SCOLASTIQUEla direction de l'habitude musculaire la direc-tion de VhahituAj intellectuel, et de faire chapperl'uvre l'influx de l'art. Car il y a un influx del'art, qui, jJ^f^ phyMcam eu^ reaient inipre-iioneniui]uej> ad ipjani facuUatem niotii^ain ineinhrorurn, va,de l'intelligence o l'art rside, mouvoir la main,et faire luire en l'uvre une formalit artistique '". Une vertu spirituelle peut ainsipasser dans un trait maladroit.De l vient le charme qu'on trouve la mala-dresse des primitifs : en soi cette maladressen'offre absolument rien de charmant, elle n'exerceaucun attrait l oii l'art est rudimentaire, commechez le candide douanier Rousseau, et elle devientmme purement odieuse quand elle est, si peu quece soit, voulue pour elle-mme ou pastiche. Maischez les primitifs elle tait une faiblesse sacrepar o se rvlait l'intellectualit subtile del'art '^.L'homme vit tellement iti' senjibiu, il a tant depeine se tenir au niveau de l'intelligence, qu'onpeut se demander si dans l'art comme dans la viesociale le progrs des moyens matriels et de latechnique scientifique, bon en soi, n'est pas un

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    ART ET SCOLASTIQUE ySen fait, quant l'tat moyen de l'art et de

    ci\alisation. Dans cet ordre, et au del d'unemesure, ce qui te une gne te une force,

    qui te une difficult te une grandeur.Lorsque, visitant un muse, on passe des salles

    primitifs celles de l'art renaissant, dontscience et l'habilet matrielles sont bien plus

    le pied tait un pas sur le parquet,l'me fait une chute pic. Elle se prome-sur les collines ternelles, elle se trouve sur

    plancher d'un thtre, d'ailleurs magnifique.xvr sicle le mensonge s'installe en matrela peinture, qui s'est mise aimer la scienceelle-mme, et qui veut donner Vi'lliui'o/u de

    nature, et nous faire croire que devant unnous sommes devant la scne ou le sujetnon devant un tableau.Les grands classiques ont russi purifier l'artce mensonge ; le ralisme, et en un sens l'im-

    s'y sont complus. De nos jours lereprsente-t-il, malgr ses normes dfi-l'enfance encore trbuchante et hurlante

    art de nouveau j^ur ? Le doginatisme bar-de ses thoriciens oblige d'en douter forte-

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    j^ ART ET SCOLASTIQUEment, et d'apprhender que la nouvelle cole netente de s'affranchir radicalement de l'imitationnaturaliste que pour s'immobiliser dans les Aidiaequaetlone^ '9, en niant les conditions premiresqui distinguent essentiellement la Peinture desautres arts, de la Posie par exemple ou de laLogique. On constate cependant chez quelques-uns des artistes, peintres, potes, musicienssurtout, que la critique logeait nagure l'en-seigne du Cube (d'un cube tonnamment exten-sible), l'effort le plus digne d'attention vers lacohrence logique, la simplicit et la puret demoyens qui constituent proprement la vracit del'art. Tous les geiiAj bien, aujourd'hui, demandentdu classique ; je ne connais rien, dans la produc-tion contemporaine, de plus sincrement claMiqu(L:>que la musique de Satie. Jamais de sortilges,de reprises, de caresses louches, de fivres, demiasmes. Jamais Satie ne remue le marais .C'est la posie de l'enfance rejointe par unmatre technicien ".

    Le cubisme pose d'une manire plutt violente

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    ART ET SCOLASTIQU ^7question de Vimdalioiu dans l'art. L'art commene consiste pas imiter, mais faire, compo-ou construire, et cela selon les lois de l'objet

    poser dans l'tre (navire, maison, tapis,colorie ou bloc taill). Cette exigence de

    concept gnrique prime tout chez lui ; et luipour but essentiel la reprsentation duc'est le dtruire. Platon, avec sa thorie de

    plusieurs degrs "', et de la posiemconnat comme tous les intellec-outrs la nature propre de l'art ; d'o

    mpris pour la posie : il est clair que sitait un inoyeiij dcs> sav'oir, il serait furieuse-infrieur la gomtrie "^.

    Mais si l'art en tant qu'art est tranger les beaux-arts en tant qu'ordonns Beaut ont l'imitation un certain rapport,difficile d'ailleurs prciser.

    Lorsqu'Aristote crivait, propos des causesde la posie : \J liniten est naturelhommes ds l'enfance..., l'homme est l'animal

    plus imitateur, il acquiert par l'imitation sesconnaissances et tout le monde gote

    la joie aux imitations ; on en trouve un signe

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    78 ART ET SCOLASTIQUEdans les-juvres d'art : car les mmes choses quenous voyons avec peine, nous nous rjouissonsd'en contempler les images les plus exactes, telles,par exemple, les formes des btes les plus vileset des cadavres ; cela tient ce que le fait d'ap-prendre est tout ce qu'il y a de plus agrable nonseulement aux philosophes mais aussi aux autreshommes... "5 , il nonait une condition spci-fique impose aux beaux-arts, condition saisiedans la premire origine de ceux-ci. Mais c'estici qu'il con\aent d'entendre Aristote en un sensJorinaliMinie ! Si le Philosophe, selon sa mthodeordinaire, va droit au cas primitif, ce serait semprendre entirement que d'en rester l, et degarder toujours au mot imitation sa significationvulgaire de reproducUoiu uu cj repreiilatLoiiJ exactesd'uiicj> raid donne. L'homme de l'ge du renne,quand il traait sur la paroi des cavernes lesformes des animaux, tait m sans doute avanttout par le plaisir de reproduire un objet avecexactitude "^. Mais depuis lors \a.joicj> dcj> L'imi-latioiL/ s'est singulirement pure. Essayons d'ai-guiser le tranchant de cette ide de l'imitationdans l'art.

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    AR.T ET SCOLASTIQUE 79Les beaux-arts visent produire, par l'objet

    font, la joie ou la dlectation de l'intelli-moyennant l'intuitiori du sens; (le but depeinture, disait Poussin, est la dlectation).

    joie n'est pas la joie de l'acte mme dejoie de savoir, joie du vrai. C'est une

    qui dborde de cet acte, quand l'objet suril porte a une proportion excellente l'in-

    Ainsi cette joie suppose qu'on connat, et plusy aura de connaissance, ou de choses donnesl'intelligence, plus vaste sera la possibilit de

    ; c'est pourquoi l'art en tant qu'ordonn lane s'arrte pas, du moins lorsque son

    le lui permet, aux formes ni aux couleurs, nisons ni aux mots pris en eux-mmes et coinnics>mais il les prend aussi comme faisant con-autre chose qu'eux, c'est--dire commetEt la chose signifie peut tre signe son

    et plus l'objet d'art sera charg de signifi-(mais de signification spontane et intuiti-saisie, non de signification hiroglyphique),

    vaste et plus riche et plus haute sera la pos-de joie et de beaut. La beaut d'un

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    go ART* ET SCOLASTIO,Utableau ou d'une statue est ainsi incomparable-ment plus riche que celle d'un tapis, d'un verrede Venise ou d'une amphore.

    C'est en ce sens que la Peinture, la Sculpture,la Posie, la Musique, la Danse mme sont desarts d'imitation, c'est--dire des arts qui ralisentla beaut de l'uvre et procurent la joie de l'meen se servant de l'imitation, ou en rendant, parle moyen de certains signes sensibles, quelquechose d'autre que ces signes spontanment pr-sent l'esprit. La Peinture iinitcj avec des cou-leurs et des formes planes des choses toutes faitesdonnes hors de nous, la Musique Imiics) avec dessons et des rythmes, et la Danse avec le seulrythme, les murs comme dit Aristote "5^et les mouvements de l'me, le monde invisiblequi s'agite en nous ; rserve faite de cette diff-rence quant l'objet signifi, la Peinture n'imitepas plus que la Musique et la Musique n'imitepas moins que la Peinture, si l'on entend prcis-ment imitation au sens qui vient d'tre dfini.Mais la joie procure parle beau ne consistantpas formellement dans l'acte mme de connatrele rel, ou dans l'acte de conformit ce qui est.

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    ART ET SCOLASTIQUE 81point de la perfection de l'imitation

    reproduction du rel ou de l'exactitude de laL'imitation comme reproductiondu rel, autrement dit l'imita-

    matrieUemenL^ jyre, n'est qu'un moyen, non; elle a rapport, avec l'habilet manuelle,

    artistique, pas plus qu'elle elle ne laBt les choses rendues prsentes l'meles signes sensibles de l'art, par les rythmes,sons, les lignes, les couleurs, les formes, les

    les mots, les mtres, les rimes, les images,j>rochaiiicj> de l'art, ne sont elles-qu'un lment matriel de la beaut detout comme les signes en question ; ellesune inatCercs) lolcjne, si l'on peut ainsi parler,

    l'artiste dispose et sur laquelle il doit fairel'clat d'une forme, la lumire de l'tre. Sepour fin la perfection de l'imitation

    prise, ce serait donc s'ordonner est purement matriel dans l'uvre d'art,

    sers-nUineiit ; cette imitation servile esttrangre l'art "^.qui est requis, ce n'est pas que la reprsen-

    soit exactement conforme une ralit6

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    8a ART ET SCOLASTIQUEdonne, c'est que par les lments matriels dela beaut de l'uvre passe bien, souveraine etentire, la clart d'une forme ; d'une forme, etdonc de quelques vrit : en ce sens-l le grand motdes Platoniciens, ^fplendor> i>en, demeure toujours.'Mais si la joie de l'uvre belle vient de quelquesi^rlt, elle ne vient pas de la vrit c^cj) l'LniUatioiucomme reproduclioiu de^v choje, elle vient de la per-fection avec laquelle l'uvre exprime ou mani-feste la forme, au sens mtaphysique de ce mot,elle vient de la vrit dcj l'imitatioiu commcj> maiil-^ejtatioiu ()'uncj> former. Voil \e. formel de l'imita-tion dans l'art : l'expression ou la manifestation,dans une uvre convenablement proportionne,de quelque principe d'intelligibiKt qui resplendit.C'est l-dessus que porte dans l'art Ya, jolcj> dcj>l'imitatioity. C'est aussi ce qui donne l'art savaleur d'unii'erjalU.Ce qui fait la puret du vrai classique, c'estune subordination telle de la matire la lumirede la forme ainsi manifeste, qu'aucun lmentmatriel provenant des choses ou du sujet ne soitadmis dans l'uvre qui ne soit pas strictementreq\us comme support ou comme vhicule de cette

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    AiRT ET SCOLASTIQUE 83et qui vienne alourdir ou dbaucher

    l'oreille ou l'esprit. Comparez ce point dedans l'ordre de la pense, Aristote et saintd'Aquin Luther ou Jean-Jacquesdans l'ordre de l'art, la mlodie grgo-

    ou la musique de Bach la musique deou de Stravinsky.En prsence de l'uvre belle, nous l'avons djl'intelligence jouit sans discours. Si doncmanifeste ou exprime Jaiuu uiklp niallrcj unrayonnement de l'tre, une certaine forme,

    certaine me, une certaine vrit, vousbien par a^'ouen , disait Carrire

    dont il faisait le portrait, il n'enpas dans l'me une expression conceptuelle

    discursive. C'est ainsi qu'il suggre sans faireconnatre, et qu'il exprime ce que nos

    ne peuvent pas exprimer, ul, a, a, s'crieDominer Deiu, ecccs> neoc'io Locjui^^'i. Alaiso la parole s'arrte, commence le chant,ineiitiiij jjroruinpeiuv iiu i'ocein "^.

    Ajoutons que dans le cas des arts qui la vue (peinture, sculpture), ou (posie), une ncessit plus troite

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    ART ET SCOLASTIQUE 85utile si on le prend bi