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CAS CLINIQUE Artère sciatique persistante : possibles faux-négatifs de limagerie Persistent sciatic artery: possible false negative imaging C. Nedelcu, J.-F. Deux, F. Boudghène, B. Pujade, C. Marsault, M. Tassart * Service de radiologie, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France Reçu le 14 mai 2007 ; accepté le 30 mai 2007 MOTS CLÉS Artère sciatique persistante ; Imagerie Résumé L artère sciatique persistante est une anomalie congénitale rare, liée à labsence de régression de laxe artériel embryonnaire dorsal, pouvant se révéler par des complications potentiellement graves. Les auteurs rapportent un cas dartère sciatique persistante bilaté- rale révélé par un tableau dischémie subaiguë ; ils insistent sur les causes possibles de faux- négatif en imagerie et de limportance déliminer ce diagnostic devant un tableau demboles distaux inexpliqués. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Persistent sciatic artery; Imaging Abstract Persistent sciatic artery is a rare congenital malformation due to the lack of regres- sion of the dorsal arterial axis of the embryo that can be revealed by serious complications. We report a case of bilateral persistent sciatic artery revealed by subacute distal ischemia. This case illustrates the possibility of false negative imaging and the importance of ruling out this diagnosis in case of recurrent and apparently idiopathic distal embolism. © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Introduction L artère sciatique persistante est une anomalie congénitale rare et méconnue, mais pouvant se compliquer avec pro- nostic du membre inférieur engagé si le diagnostic nest pas reconnu. Observation Patient de 50 ans sans antécédent particulier (tabagisme modéré interrompu il y a dix ans), hospitalisé pour ischémie aiguë du membre inférieur gauche avec pouls fémoraux bien perçus mais abolition du pouls poplité gauche sans anévrisme perçu. Le doppler montrait une occlusion possiblement embo- lique, sans anévrisme iliofémoropoplité noté, avec réseau artériel discrètement infiltré avec retentissement hémody- namique sur le flux jambier. La recherche de cause embo- Journal des Maladies Vasculaires 32 (2007) 152158 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Tassart). 0398-0499/$ - see front matter © 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.jmv.2007.05.003

Artère sciatique persistante: possibles faux-négatifs de l'imagerie

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Page 1: Artère sciatique persistante: possibles faux-négatifs de l'imagerie

Journal des Maladies Vasculaires 32 (2007) 152–158

CAS CLINIQUE

Artère sciatique persistante : possibles faux-négatifsde l’imagerie

Persistent sciatic artery: possible false negativeimaging

C. Nedelcu, J.-F. Deux, F. Boudghène, B. Pujade, C. Marsault, M. Tassart*

Service de radiologie, hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75970 Paris cedex 20, France

Reçu le 14 mai 2007 ; accepté le 30 mai 2007

MOTS CLÉSArtère sciatiquepersistante ;Imagerie

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : marc.tass

0398-0499/$ - see front mattedoi:10.1016/j.jmv.2007.05.00

art@tnn

r © 2003

Résumé L’artère sciatique persistante est une anomalie congénitale rare, liée à l’absence derégression de l’axe artériel embryonnaire dorsal, pouvant se révéler par des complicationspotentiellement graves. Les auteurs rapportent un cas d’artère sciatique persistante bilaté-rale révélé par un tableau d’ischémie subaiguë ; ils insistent sur les causes possibles de faux-négatif en imagerie et de l’importance d’éliminer ce diagnostic devant un tableau d’embolesdistaux inexpliqués.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSPersistent sciaticartery;Imaging

Abstract Persistent sciatic artery is a rare congenital malformation due to the lack of regres-sion of the dorsal arterial axis of the embryo that can be revealed by serious complications.We report a case of bilateral persistent sciatic artery revealed by subacute distal ischemia.This case illustrates the possibility of false negative imaging and the importance of ruling outthis diagnosis in case of recurrent and apparently idiopathic distal embolism.© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Introduction

L’artère sciatique persistante est une anomalie congénitalerare et méconnue, mais pouvant se compliquer avec pro-nostic du membre inférieur engagé si le diagnostic n’estpas reconnu.

.aphp.fr (M. Tassart).

7 Elsevier Masson SAS. Tous droits

Observation

Patient de 50 ans sans antécédent particulier (tabagismemodéré interrompu il y a dix ans), hospitalisé pour ischémieaiguë du membre inférieur gauche avec pouls fémorauxbien perçus mais abolition du pouls poplité gauche sansanévrisme perçu.

Le doppler montrait une occlusion possiblement embo-lique, sans anévrisme iliofémoropoplité noté, avec réseauartériel discrètement infiltré avec retentissement hémody-namique sur le flux jambier. La recherche de cause embo-

réservés.

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lique était négative : l’angio-IRM (ARM) de l’aorte thora-cique et abdominale (Fig. 1) montrait une aorte et desaxes iliaques normalement perméables, sans lésion emboli-gène avec échographie cardiaque (pariétale et transœso-phagienne) qui ne retrouvait pas de cause cardiaque.

Le contrôle doppler à neuf mois montrait une revascula-risation poplitée gauche, avec persistance de signes aminima sur la distalité avec symptomatologie résiduelle àtype de claudication intermittente du mollet et de la cuisseà 200 m alors que le patient était sous antivitamine K. Laréapparition de douleurs aiguës de la cheville et du molletgauches, 15 mois après les premiers signes cliniques,conduisait à la réalisation d’un doppler en urgence mon-trant une réocclusion de l’artère poplitée et du tronc tibio-péronier.

Le patient était hospitalisé pour prise en charge avecréalisation d’une artériographie unifémorale gauche(Fig. 2), justifiée par le caractère unilatéral des douleursavec exploration globale, angio-IRM, déjà réalisée. Cetteartériographie mettait en évidence une occlusion poplitéehaute avec collatérale interne (grande anastomotique dugenou) assurant la vascularisation de la jambe avec repriseen charge tibiale postérieure au niveau de son tiers moyenet artère péronière reprise à contre-courant. Une nouvelleIRM était réalisée dont l’étude angiographique pure (ARMFISP 3D gadolinium avec reconstructions MIP) était initiale-ment considérée comme normale (Fig. 1). Cependant,l’étude des coupes axiales en EG T1 et TRUFI (Fig. 3), mon-trant une formation hétérogène dans les masses musculai-res fessières, conduisait à la réalisation d’une nouvelle

Figure 1 Angio-IRM FISP 3D post-gadolinium en reconstructionMIP de profil centrée sur la bifurcation aorto-iliaque. L’aorte etles artères iliaques sont perméables. La boîte d’étude est limi-tée en arrière, excluant la partie distale de l’axe iliaqueinterne.Figure 1 FISP 3D MR angiography with lateral MIP reconstruc-tion centered on the aorto-iliac junction. The aorta and iliacarteries are patent. The region of study is limited posteriorly,excluding the distal part of the internal iliac.

étude angiographique en IRM dont le volume d’étude étaitagrandi de manière à inclure cette formation dans la boîted’étude (Fig. 4). A posteriori, les coupes axiales de la pre-mière IRM ne descendaient pas assez bas au niveau fessier.

Figure 2 Artériographie unifémorale gauche normale.L’injection de contraste est réalisée dans l’artère iliaqueexterne gauche, en dessous de la bifurcation de l’artère iliaquecommune gauche ne permettant pas l’opacification iliaqueinterne.Figure 2 Normal left femoral arteriography. Contrast injec-tion in the left external iliac artery, above the origin of thecommon left iliac artery, does not allow opacification of theinternal iliac.

Figure 3 Coupe axiale TRUFFI. Formation hétérogène dans lesmasses musculaires fessières gauches.Figure 3 TRUFFI, axial slice. Heterogeneous formation in theleft gluteal masses.

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Figure 4 Angio-IRM après agrandissement de la boîte d’étudeincluant la formation décrite dans les masses musculairesfessières : pseudoprofil centré sur les artères iliaques. Artèresciatique persistante bilatérale, ectasique non compliquée àdroite, avec un aspect anévrismal à gauche.Figure 4 MR angiography after extension of the region ofstudy to include the formation described in the gluteal masses:off lateral view centered on the iliac arteries. Bilateral persis-tent sciatic arteries, which are ectasic on the right and presentan aneurysmal aspect on the left.

Figure 5 Angio-IRM de face centrée sur les cuisses : à droite,l’artère poplitée est alimentée par l’artère fémorale superfi-cielle et l’artère sciatique persistante ; à gauche, l’artèrefémorale superficielle grêle alimente l’artère grande anasto-motique à la face interne du genou, l’artère sciatique gauchedescend à la face postérieure de la cuisse.Figure 5 Anteroposterior MR angiography centered on thethighs: on the right, the popliteal artery is fed by the superfi-cial femoral artery and the persistent sciatic artery; on theleft, the superficial femoral artery is small, fed by the greateranastomotic artery of the medial aspect of the knee, the leftsciatic artery descends to the posterior aspect of the thigh.

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L’angio-IRM (Fig. 4) permettait de porter le diagnosticd’artère sciatique persistante bilatérale dans sa forme com-plète avec aspect ectasique non compliqué à droite, aspectanévrismal à gauche avec thrombus compliqué d’embolesdistaux à l’origine d’une amputation du lit d’aval.

L’étude sur les cuisses (Fig. 5) et les axes jambiers(Fig. 6) montrait à droite l’artère poplitée alimentée parl’artère fémorale superficielle, antérieure, et l’artère scia-tique persistante, postérieure ; à gauche, l’artère fémoralesuperficielle grêle alimentait l’artère grande anastomo-tique à la face interne du genou avec l’artère sciatique gau-che à la face postérieure de la cuisse. L’artère poplitéeétait le siège d’un thrombus avec vascularisation distaletrès pauvre.

Le complément par un angioscanner de l’aorte et desmembres inférieurs confirmait le diagnostic (Figs. 7,8)alors que le contrôle échographique doppler en procubitusretrouvait l’anévrisme et l’aspect ectasique de l’artèresciatique à droite, avec douleur provoquée sur l’anévrisme« fessier » gauche, sans douleur significative à droite.

Une nouvelle artériographie (Fig. 9), avec cathétérismesélectif droit et gauche des artères iliaques (internes etexternes), était réalisée pour décider de la prise en chargethérapeutique : à droite, l’artère poplitée était alimentéepar l’artère fémorale superficielle et l’artère sciatique per-sistante. À gauche, l’artère fémorale superficielle grêle ali-mentait l’artère grande anastomotique à la face interne dugenou qui reprenait l’artère tibiale postérieure à la partiemoyenne. L’artère sciatique gauche anévrismale alimentait

l’artère poplitée, siège d’un thrombus, avec l’artèrejumelle reprenant en charge de façon très grêle l’artèretibiale antérieure dans sa moitié inférieure avec vasculari-sation distale très pauvre.

Discussion

La vascularisation des membres inférieurs de l’embryonhumain naît des branches ventrales et dorsales de l’aorteavec deux axes qui vont progresser. L’artère iliaque interne,dont l’artère sciatique est la branche principale, est pré-pondérante dans les premiers stades de la vieembryonnaire ; l’artère iliaque externe va progressivementse développer avec régression de l’artère sciatique [1].Ainsi, sur un embryon de 9 mm, l’artère sciatique vascula-rise le membre inférieur et forme l’artère poplitée avec unplexus vasculaire interosseux jambier. Sur un embryon de12 mm, coexistent l’axe iliaque externe qui donne l’artèrefémorale commune et l’artère fémorale superficielle quirejoint l’artère sciatique au-dessus du genou : à ce stade,l’artère poplitée est donc vascularisée par l’artère fémo-

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Figure 6 Angio-IRM de face centrée sur les jambes : à droite,axes jambiers perméables ; à gauche, l’artère poplitée estoccluse par un thrombus ; l’artère tibiale antérieure est reprisepar l’artère grande anastomotique du genou et l’artère tibialepostérieure est alimentée par l’artère sciatique persistanteavec vascularisation distale pauvre.Figure 6 Anteroposterior MR angiography centered on thelegs: on the right, patent arteries; on the left, a thrombus obs-tructs the popliteal artery; the anterior tibial artery is taken bythe great anastomotic artery of the knee and the posteriortibial artery is fed by the persistent sciatic artery with weakdistal vascularization.

Figure 7 Angio-TDM, reconstruction centrée sur le côté gau-che en VRT avec Os : l’artère sciatique suit le trajet du nerfsciatique en passant à la face postérieure de la cuisse, entrela tubérosité ischiatique et le grand trochanter.Figure 7 Computed tomographic angiography, reconstructioncentered on the left (VRTwith bone window): the sciatic arteryfollows the trajectory of the sciatic nerve to the posterioraspect of the thigh, between the ischiatic tubercle and thegreater trochanter.

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rale superficielle et l’artère sciatique. Cette dernière vainvoluer pour disparaître au troisième mois de grossesse[2]. Il ne persistera de cette artère sciatique que la partieproximale qui fournit l’artère du nerf sciatique et l’artèrefessière inférieure. La persistance de l’artère sciatique estsouvent associée à l’absence de développement ou à unehypoplasie de l’artère fémorale.

Dans sa forme complète, l’artère sciatique persistantepoursuit l’axe iliaque interne pour pénétrer par la partiebasse de la grande échancrure sciatique sous le pyramidaloù elle donne l’artère fessière inférieure. L’artère sciatiquechemine à la face postérieure de la cuisse (Fig. 7) selon letrajet du nerf sciatique [3], entre la tubérosité ischiatiqueet le grand trochanter, en arrière du grand adducteur, endedans de la gaine du nerf sciatique. Elle descend à laface postérieure du grand adducteur jusqu’au creux poplitéoù elle se prolonge par l’artère poplitée [4]. Dans sa formecomplète, l’artère sciatique persistante assure donc la vas-cularisation du membre inférieur, seule ou de façon prédo-minante sans diminuer de calibre depuis l’artère hypogas-trique jusqu’à l’artère poplitée. L’artère sciatique

persistante est dite incomplète quand elle s’interromptentre l’axe iliaque interne et l’artère poplitée.

Il s’agit d’une anomalie artérielle congénitale rare :0,025 à 0,04 % des artériographies des membres inférieurs[5] avec moins de 200 cas dans une revue de la littératureen 1994 [5] avec publications essentiellement sous forme decas cliniques isolés ou de quelques cas [6]. Les formes com-plètes sont retrouvées dans 86 % des cas avec forme bilaté-rale observée dans plus de 20 % des cas [5].

Le caractère exceptionnel de cette anomalie ne permeten général pas de l’évoquer sur les formes non compliquéestotalement asymptomatiques avec possibilité de décou-verte autopsique fortuite [4]. En théorie, l’absence depouls fémoral associée à un bon pouls poplité peut faireévoquer ce diagnostic dans les formes dites complètes.Cela n’est pas systématique dans la mesure où il peut per-sister un axe artériel fémoral superficiel hypoplasique (côtégauche de notre patient), voire quasiment normal (côtédroit de notre patient) avec perception des pouls fémoraux.

L’anévrisme est la complication la plus fréquente révé-lant la moitié [5] des artères sciatiques persistantes, se pré-sentant comme une masse pulsatile battante [7] avec pré-dilection de développement de l’anévrisme dans la régiondu grand trochanter [3]. L’étiologie est probablement mul-tifactorielle, d’une part l’aspect dysplasique de cetteartère d’origine embryonnaire probablement plus sensibleaux évolutions anévrismales, et d’autre part les traumatis-mes répétés : le segment fessier de l’artère sciatique per-sistante, entre le grand trochanter et le muscle fessier, està proximité du bord tranchant du ligament sacrosciatique

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Figure 8 Angio-TDM, reconstruction MIP globale déroulant lesdeux artères sciatiques : on retiendra un calibre équivalent desaxes iliaques internes et externes à leur origine devant attirerl’attention. Étude de la distalité satisfaisante dans la moitiésupérieure des axes jambiers droits avec occlusion poplitéegauche et aspect grêle des axes jambiers gauches avec repriseen charge essentiellement de l’axe tibial postérieur gauche.Figure 8 Computed tomography angiography with global MIPreconstruction following the two sciatic arteries: the caliber isequivalent to the internal and external iliac arteries at theirorigin. Distal aspect correct for the upper half of the right legarteries with popliteal obstruction on the left and thin arteriesin the left leg, essentially supplied by the left posterior tibialartery.

Figure 9 Artériographie globale centrée sur la bifurcationiliaque : artère sciatique gauche anévrismale, artère sciatiquedroite non compliquée.Figure 9 Global arteriography centered on the iliac bifurca-tion: aneurysmal left sciatic artery, uncomplicated right sciaticartery.

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avec compression en position assise ou lors des mouvementsde hanche. Une artère sciatique peut, comme dans notrecas à droite, être le siège d’une artériomégalie avec aspectectasique fusiforme plus ou moins diffus.

Devant une masse battante de la fesse, se pose le diag-nostic différentiel d’anévrisme de l’artère fessière, diag-nostic plus fréquent que l’anévrisme de l’artère sciatiquepersistante même si cela peut éventuellement correspon-dre à une forme incomplète d’artère sciatique persistante.La révélation peut aussi être faite à l’occasion d’une scia-tique par compression du nerf sciatique du fait de sa proxi-mité [8].

L’anévrisme peut se compliquer : fissuration, thrombose,ischémie distale par emboles (côté gauche de notrepatient) [3]. La recherche d’une douleur fessière aurait pufaire évoquer le diagnostic du côté gauche de notre

patient : le doppler réalisé a posteriori retrouvait en effetune douleur provoquée non notée à l’interrogatoire denotre patient.

Le diagnostic positif d’artère sciatique persistanterepose sur l’échographie-doppler, l’artériographie etl’imagerie en coupes.

La difficulté principale du doppler vient du caractèreexceptionnel de cette anomalie : en cas de symptomatolo-gie postérieure type masse pulsatile fessière, plus qued’une sciatalgie, la clinique orientera la réalisation del’exploration échographique doppler qui pourra effective-ment évoquer le diagnostic.

En revanche, en cas de symptomatologie à type d’embo-les distaux avec ischémie, le doppler pourra être mis endéfaut [9] dans la mesure où il n’y a pas d’exploration fes-sière systématique. Le caractère hypoplasique du systèmeartériel fémoral, notamment fémoral superficiel, devraiten théorie attirer l’attention et faire compléter l’explora-tion en procubitus.

L’artériographie est un examen de base sur lequel repo-sait le diagnostic à condition d’avoir une aortographie glo-bale. Une injection en dessous de la naissance de l’axeiliaque interne, comme pour notre patient (Fig. 2) a déjàété décrite comme cause de faux-négatif [10] : l’absencede remplissage de l’artère poplitée pouvant à tort fairecroire à une occlusion athéromateuse ou embolique. Ellemontre un axe iliaque interne de grande taille poursuivipar un axe artériel anastomosé avec l’artère poplitée dontle trajet est relativement externe par rapport au trajet nor-mal de l’artère fémorale superficielle de face avec confir-mation de son siège postérieur sur une incidence de profil(rarement réalisée). L’autre élément du diagnostic est le

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caractère hypoplasique, voire agénésique de l’artère fémo-rale superficielle. Dans notre cas, l’artériographie a étérefaite, une fois le diagnostic posé, pour une appréciationla plus précise possible de la vascularisation distale ; lecathétérisme sélectif iliaque interne, en restant au-dessusde l’anévrisme, a permis de bien évaluer la vascularisationdistale issue de l’axe artériel « postérieur » par rapport à lavascularisation distale issue de l’axe artériel « antérieur »appréciée après cathétérisme sélectif de l’artère fémorale.

La présence d’une artère fémorale superficielle alimen-tant l’artère poplitée est un élément important dans la dis-cussion de la prise en charge.

Le développement des imageries en coupes avec acqui-sition volumique permet de parfaitement bien appréhenderle trajet (Fig. 7) de cette artère persistante de façon anor-male. La difficulté du diagnostic positif d’artère sciatiquetient surtout au fait que l’étude postérieure n’est pas unréflexe dans le cadre de l’étude de la vascularisation arté-rielle du membre inférieur. Le cheminement postérieur estnettement plus facile à appréhender sur les images en cou-pes que sur une artériographie des membres inférieurs leplus souvent réalisée de face.

Les reconstructions volumiques 3D (Figs. 7,8) donnentainsi une meilleure évaluation dans l’espace [3,10]. Lestechniques d’imagerie en coupes permettent une évalua-tion bien plus précise de la complication anévrismale avecmesure précise du diamètre de l’anévrisme incluant la par-tie circulante et le thrombus mural le plus souvent associé,thrombus non visualisé lors de l’artériographie.

L’angio-IRM présente l’avantage d’être une techniquenon irradiante utilisant un produit de contraste non néphro-toxique aux doses utilisées [11,12], mais elle présente deuxinconvénients : il ne faut pas se contenter des imagesd’angiogramme circulant (Fig. 1) avec nécessité de réaliserdes coupes morphologiques (Fig. 3). Celles-ci ont permis defaire le diagnostic sur la présence d’une masse dans les par-ties molles fessières. Il faut se méfier de la techniqued’acquisition sous forme de boîte d’étude qui ne couvrepas l’ensemble du volume : la programmation des coupessur un volume réduit pour améliorer la résolution spatialeprésente le risque de ne pas inclure des structures« vasculaires circulantes » [12]. Par exemple un pontagefémorofémoral superficiel sous la peau pourra à tort êtreconsidéré comme occlus, car non inclus dans le volumed’étude en antérieur. Cela est notamment le cas lors desangio-IRM des membres inférieurs où les artères postérieu-res (fessières, mais aussi sciatiques dans notre cas) sontsouvent exclues des volumes d’exploration. On noteraque, pour ce qui est de notre patient, la première ARM surl’aorte (Fig. 1) excluait la partie postérieure des axes ilia-ques internes n’ayant donc pas permis d’évoquer le diag-nostic alors que la seconde, ARM de l’aorte et des membresinférieurs, excluait sur le premier palier la partie posté-rieure des axes iliaques internes et l’origine de l’artèresciatique à la partie haute de la cuisse sur le second palier.

L’angioscanner, par ses développements récents de tech-nique multibarette, permet une étude complète de l’aorteet de ses branches avec une résolution spatiale meilleureque l’angio-IRM : le thrombus intraluminal en grelot dansl’anévrisme était plus évident en TDM. Elle permet uneétude volumique complète avec reconstructions sur les-

quelles les structures osseuses peuvent être visibles, per-mettant de bien apprécier les rapports de cette artère scia-tique avec les éléments osseux, notamment en pénétrantpar la partie basse de la grande échancrure sciatique.Outre le caractère irradiant, l’inconvénient principal résidedans l’utilisation de produit de contraste iodé potentielle-ment néphrotoxique chez les patients à risque (diabète etinsuffisance rénale préexistante).

Une artère sciatique non compliquée ne nécessite pas deprise en charge, mais une surveillance simple [10] du fait derisque évolutif anévrismal, surveillance réalisée par lestechniques d’imagerie non invasives (doppler, angioscanneret angio-IRM).

Des formes de thrombose spontanée des anévrismes ontété décrites [13]. L’exclusion de l’anévrisme de l’artèresciatique est nécessaire avec revascularisation proposéeen fonction de la présence ou non d’une artère fémoralesuperficielle fonctionnelle ou non. Les techniques chirurgi-cales posent un certain nombre de problèmes, notammentla voie d’abord de l’anévrisme pour sa mise à plat–résectionavec exclusion, et de la proximité du nerf sciatique souventadhérent à la paroi anévrismale avec nécessité de clamperl’axe iliaque interne ; l’urgence étant souvent à assurer larevascularisation de la distalité.

En pratique, la prise en charge bénéficie d’approchesmultidisciplinaires pouvant associer [14] des techniques chi-rurgicales classiques et des techniques endovasculaires [15]en fonction du type précis de l’anomalie congénitale et dutype des complications rencontrées. Après chirurgie derevascularisation du membre inférieur ou même fibrinolyse[16], une embolisation anévrismale par des coils [17,18]peut être discutée pour éviter un abord chirurgical del’anévrisme. À l’inverse, certains ont pu proposer des pro-thèses couvertes [19] qui peuvent être discutées éventuel-lement après une fibrinolyse initiale [20] pour limiter lerisque d’emboles distaux et diminuer le risque de fissura-tion–rupture de l’anévrisme, mais elles sont positionnéesdans un segment artériel postérieur soumis à des contrain-tes mécaniques conséquentes.

Cette variante est également importante à connaîtrelors des embolisations dans le territoire iliaque interne[21], notamment dans le cadre des embolisations utérines,soit programmées (fibromes utérins), soit en urgence(hémorragie de la délivrance) [22], avec risque d’ischémiedes membres inférieurs.

Conclusion

Il faut souligner l’importance d’évoquer le diagnosticd’artère sciatique persistante dans la mesure où il s’agitd’une pathologie rare, avec localisation postérieure dansla fesse à laquelle on ne pense pas. Le diagnostic est encoreplus difficile si la symptomatologie est distale. Devant uneischémie du membre inférieur d’origine embolique sanscause retrouvée, ce diagnostic devrait être recherché endoppler orienté sur le trajet théorique du nerf sciatique,orienté par d’éventuelles douleurs provoquées. Il fautcependant noter que ces artères sciatiques persistantespeuvent avoir un aspect simplement ectasique sans compli-cation anévrismale, mais être à l’origine d’emboles.

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Les techniques d’imagerie en coupes permettent undiagnostic non invasif, mais il faut penser à analyser defaçon systématique le trajet du nerf sciatique.

Un écueil important en angio-IRM est de se contentersimplement de l’angiogramme circulant sans réaliser decoupes morphologiques (étude d’un anévrisme, de laparoi, de l’atmosphère périvasculaire). L’autre risque estde ne pas explorer en routine la partie postérieure sur lestechniques FISP 3D gadolinium et donc de ne pas incluredans le volume d’étude le début du trajet de l’artère scia-tique persistante, siège des complications anévrismales lesplus fréquentes.

L’imagerie a donc un rôle important pour le diagnosticpositif de cette variante anatomique et de ses complica-tions avec importance de bien analyser le type complet ounon pour discuter des possibilités de prise en charge,notamment de la nécessité ou non de revasculariser lemembre inférieur selon la présence ou non d’un axe artérielfémoral superficiel.

Le développement des techniques en coupes avec étudesatisfaisante de l’étage aorto-iliofémoral ne doit pasconduire à la réalisation d’artériographie avec injection endessous de l’axe iliaque interne.

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