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1 Arthrodèse post-traumatique du rachis cervical chez le sportif compétiteur. Rééducation, reprise du sport et prévention L. Savalli, P.L. Puig, P. Trouve Centre Européen de Rééducation du Sportif. 83 avenue du Maréchal de Tassigny. 40 130 CAPBRETON. Introduction Le traumatisme cervical bénin exclut, par définition, l’existence d’une lésion osseuse ou disco - ligamentaire grave pouvant être facteur d’instabilité et susceptible de constituer une menace neurologique. Si la reprise du sport ne pose pas de problème particulier après un traumatisme cervical bénin, dans la mesure où le sportif n’a pas de douleur et a récupéré une bonne mobilité cervicale ainsi qu’une bonne tonicité musculaire, la question est plus difficile après traumatisme cervical grave, surt out dans le cadre de la pratique de sports à risque. L’objectif de cette étude est d’évaluer le devenir, à distance d’une arthodèse cervicale chez le sportif et de discuter les modalités de prise en charge du sportif blessé et les modalités de reprise du sport en fonction de sa dangerosité. Nous évoquerons par ailleurs l’importance de la prévention pour limiter l’incidence de tels accidents dans la pratique sportive et permettre la reprise des sports à risque dans les meilleures conditions. Matériel et méthode L’étude porte sur 9 dossiers de patients hospitalisés au CERS au décours d’un traumatisme cervical grave survenu entre 1996 et 2000. Les données habituelles ont été colligées à savoir, l’âge, le type de sport pratiqué et le niveau sportif, le diagnostic initial et le type d’intervention, les complications, le délai d’admission au CERS et la durée de séjour. Un questionnaire a été adressé à distance pour connaître le devenir en terme de reprise du sport, l’existence de douleurs au moment de l’enquête é valuée sur EVA, leur retentissement dans la vie sportive, professionnelle et quotidienne, la satisfaction quant à l’évolution et l’auto -évaluation de la récupération des capacités physiques, antérieures au traumatisme sur une échelle numérique de 0 à 10 (où 0 représente l’impossibilité de pratiquer du sport et 10 la récupération des capacités physiques antérieures). Le recul moyen au moment de l’enquête est de 31.8 mois +/ - 17,6. L’âge moyen de la population est de 24 ans +/- 4,4. 7 sont de sexe masculin. Il s’agit de sportifs tous compétiteurs. La répartition selon le sport pratiqué s’établit de la façon suivante : Rugby (4), Karaté (1), Football (1), Tennis (1), Motocross (1), Course de moto (1). 2 sportifs pratiquent à un niveau international, 4 à un niveau national, et 3 à un niveau régional (voir tableau 1).

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1

Arthrodèse post-traumatique du rachis cervical chez le sportif compétiteur.

Rééducation, reprise du sport et prévention

L. Savalli, P.L. Puig, P. Trouve

Centre Européen de Rééducation du Sportif. 83 avenue du Maréchal de Tassigny. 40 130 CAPBRETON.

Introduction

Le traumatisme cervical bénin exclut, par définition, l’existence d’une lésion osseuse ou disco-

ligamentaire grave pouvant être facteur d’instabilité et susceptible de constituer une menace

neurologique. Si la reprise du sport ne pose pas de problème particulier après un traumatisme cervical

bénin, dans la mesure où le sportif n’a pas de douleur et a récupéré une bonne mobilité cervicale ainsi

qu’une bonne tonicité musculaire, la question est plus difficile après traumatisme cervical grave, surtout

dans le cadre de la pratique de sports à risque.

L’objectif de cette étude est d’évaluer le devenir, à distance d’une arthodèse cervicale chez le sportif et de

discuter les modalités de prise en charge du sportif blessé et les modalités de reprise du sport en fonction

de sa dangerosité.

Nous évoquerons par ailleurs l’importance de la prévention pour limiter l’incidence de tels accidents dans

la pratique sportive et permettre la reprise des sports à risque dans les meilleures conditions.

Matériel et méthode

L’étude porte sur 9 dossiers de patients hospitalisés au CERS au décours d’un traumatisme cervical grave

survenu entre 1996 et 2000. Les données habituelles ont été colligées à savoir, l’âge, le type de sport

pratiqué et le niveau sportif, le diagnostic initial et le type d’intervention, les complications, le délai

d’admission au CERS et la durée de séjour.

Un questionnaire a été adressé à distance pour connaître le devenir en terme de reprise du sport,

l’existence de douleurs au moment de l’enquête évaluée sur EVA, leur retentissement dans la vie sportive,

professionnelle et quotidienne, la satisfaction quant à l’évolution et l’auto-évaluation de la récupération

des capacités physiques, antérieures au traumatisme sur une échelle numérique de 0 à 10 (où 0 représente

l’impossibilité de pratiquer du sport et 10 la récupération des capacités physiques antérieures).

Le recul moyen au moment de l’enquête est de 31.8 mois +/- 17,6.

L’âge moyen de la population est de 24 ans +/- 4,4. 7 sont de sexe masculin. Il s’agit de sportifs tous

compétiteurs. La répartition selon le sport pratiqué s’établit de la façon suivante : Rugby (4), Karaté (1),

Football (1), Tennis (1), Motocross (1), Course de moto (1). 2 sportifs pratiquent à un niveau

international, 4 à un niveau national, et 3 à un niveau régional (voir tableau 1).

2

La lésion est une fracture instable dans 4 cas, une entorse grave instable dans 3 cas (accompagnée d’un

déficit moteur C5C6 dans un cas), une hernie discale avec névralgie cervico-brachiale aiguë dans 2 cas

(tableau 2).

Concernant le mécanisme traumatique, dans 3 cas le traumatisme est lié à un accident de la voie publique.

Les autres cas, sont des accidents de sport. Lorsque le traumatisme survient dans le cadre du rugby, il

s’agit d’un traumatisme en flexion (2 cas) à la faveur d’un effondrement de mêlée ou d’un regroupement.

Dans 1 cas, le mécanisme est celui d’un traumatisme en compression.

Dans 2 cas, le traumatisme fait suite à une chute de moto sur piste ou de moto-cross. Dans un cas, la

hernie discale avec névralgie cervico-brachiale survient au cours d’un exercice de Kata qui suppose des

mouvements rapides et de grandes amplitudes du rachis cervical et des membres supérieurs (tableau 1).

Dans les suites post-opératoires, il n’existe pas de séquelle neurologique sauf dans un cas, de façon

transitoire.

Tableau 1

N° Sexe Age Sport Niveau Mécanisme*

1 M 26 Rugby National Effondrement de mêlée,

en flexion forcée*

2 M 18 Foot Régional AVP

3 M 22 Rugby National AVP

4 M 22 Course de

Moto International

Accident de moto sur

circuit*

5 F 33 Tennis Régional AVP

6 M 24 Motocross Régional Accident de moto*

7 M 20 Rugby National Regroupement en flexion

forcée*

8 F 28 Karaté International Kata*

9 M 25 Rugby National Traumatisme axial en

compression*

Le traumatisme de la blessure s’inscrit dans le sport pratiqué

3

Tableau 2

N° Diagnostic Intervention

1 Entorse grave avec paralysie C5C6 Décompression médullaire antérieure avec corporectomie C6 et greffon

2 Entorse grave C5C6 + fracture massif art C5C6 droit

Ablation disque C5C6.Greffon cortico-spongieux Ostéosynthèse plaque Orion

3 Fracture-Luxation avec horizontalisation

du massif articulaire C6 gauche et déplacement de C6 sur C7

ArthrodèseC6C7 avec greffon (abord antérieur)

4 Fracture corporéale C7 avec instabilité C6C7 liée à l'atteinte discale

Excision du disque C6C7 et arthrodèse antérieure par cage intersomatique ACROMED avec greffon osseux iliaque

5 Fracture déplacée de l'axis intéressant les

2 pédicules et le corps sans signe neurologique

Arthrodèse C1-C3

6 Fracture-Tassement corporéal C4 avec

déformation importante sans s neurologique

Arthrodèse postérieure de C2 à C5 par plaque axis

7 Hernie discale C4C5 et cyphose C4C5 évolutive>20°

Réduction cyphose discectomie C4C5. Plaque cage avec greffon osseux

8 NCB C5C6 Discectomie voie antérieure. Greffe intersomatique C5C6

9 NCB droite C5C6 Intervention de Robinson

Résultats (Tableau 3 et 4)

Concernant le taux de réponse, 8 patients sur 9 ont répondu au questionnaire dont 1 après relance

téléphonique.

Tous les patients ont repris une activité sportive. 3 ont repris leur sport antérieur à la blessure (moto sur

piste, karaté, foot), et 5 ont changé de sport (les 3 rugbymen, le pratiquant de moto-cross et la joueuse de

tennis). Dans un cas le changement de sport (tennis) est sans rapport avec l’histoire cervicale.

6 patients se disent très satisfaits de l’évolution et 2 assez satisfaits.

Au moment de l’enquête, la douleur est évaluée sur l’échelle visuelle analogique à 2,66 +/- 1,75, avec des

extrêmes compris entre 0 et 5. 3 sportifs ne présentent aucune douleur cervicale.

2 sportifs estiment que les douleurs ont des répercussions importantes dans la pratique sportive, contre 1

seul dans la pratique professionnelle. Il n’existe que peu ou pas de retentissement des douleurs dans la vie

de loisir ou dans la vie quotidienne.

La récupération des capacités antérieures est évaluée à 8,4/10 en moyenne. 4 estiment avoir totalement

récupéré les capacités physiques antérieures

4

Tableau 3

Recul au

moment

de l’enquête

Sport

pratiqué au

moment de

l’enquête

Reprise des

entraînements

Reprise

de la

compétition

Motif de la baisse de

niveau ou du

changement de sport

Niveau de

satisfaction

du sportif

Récupération

des capacités

antérieures

1 26 mois Changement

de sport Non Non Blessure AS 5

2 38 mois

Sport

antérieur

(même

niveau)

Oui Oui - TS 10

3 60 mois Changement

de sport Oui Non Blessure TS 10

4 38 mois

Sport

antérieur

(même

niveau)

Oui Oui - TS 10

5 18 mois Changement

de sport Non Non Sans relation TS 10

6 55 mois Changement

de sport Oui Non Blessure AS 5

7 11 mois Changement

de sport Non Non Blessure TS 8

8 11 mois Sport

antérieur Oui Non

Sans relation

(grossesse) TS 9

Tableau 4

N° Douleur

à

distance

Retentissement des

douleurs sur le

sport

Retentissement des

douleurs sur la

profession

Retentissement des

douleurs sur les

loisirs

Retentissement des

douleurs sur la vie au

quotidien

1 5 beaucoup moyennement Un peu peu

2 4 Un peu beaucoup Un peu non

3 0 - - - -

4 2,5 Un peu Un peu Un peu non

5 0 - - - -

6 3 beaucoup Un peu Un peu peu

7 2 Un peu Un peu Non peu

8 0 - - - -

5

Discussion

Le mécanisme traumatique.

Dans 5 cas le traumatisme cervical s’inscrit dans le cadre d’un accident impliquant un véhicule motorisé,

dont 2 correspondent à une chute de moto en compétition. L’importance des forces de décélération

inhérente aux accidents sur véhicules motorisés, avec le classique « whishplasch » des anglo-saxons, ou

improprement «coup du lapin», explique le mécanisme traumatique, relativement univoque, des lésions

du rachis cervical, rencontrées dans le cadre des accidents de la voie publique. A contrario, le mécanisme

traumatique conséquence d’une chute de moto peut revêtir de multiples formes.

Après les accidents de la voie publique, les sports entraînant des collisions comme le football américain et

le hockey sur glace, et plus spécifique à l’Europe (ou l’hémisphère sud), le rugby, sont particulièrement

impliqués dans les traumatismes graves du rachis cervical chez le sportif [3, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 15].

Les situations à risque pour le rachis cervical sont essentiellement représentées par les placages (ou le

« plaqué » est aussi souvent concerné que le « plaqueur »), les mêlées effondrées ou tournées, les

regroupements. Lorsqu’il s’agit d’un accident de mêlée les premières lignes (piliers et talonneurs) sont les

premières concernées.

Les forces générées par les 2 packs lors de la mêlée peuvent, en effet, atteindre jusqu’à 1 tonne et demi

[11] ce qui explique la fréquence des traumatismes cervicaux. Lorsqu’ il s’agit d’un mécanisme en

effondrement de la mêlée, le traumatisme cervical se produit habituellement en extension cervicale [6].

Les traumatismes en hyperflexion se rencontrent habituellement à la faveur d’un relever de la mêlée, mais

ce type de traumatisme peut aussi se voir lors d’un effondrement de mêlée ou sur un regroupement [13] (2

cas dans notre étude).. Selon Sénégas, un traumatisme en rectitude, lors d’une entrée en mêlée ou sur un

placage entraîne souvent une lésion en extension qui peut secondairement se déplacer en flexion. Nous

pouvons noter dans notre série, un traumatisme en compression, à l’origine d’une fracture déplacée de

l’axis, rarement rencontrées dans la pratique du rugby.

Warren classe les lésions selon 3 catégories. Le type I correspond à une lésion médullaire permanente. Le

type II regroupe les déficits neurologiques transitoires régressifs en quelques minutes ou quelques heures.

Le « burning hands syndrome » à l’origine de paresthésies C5 C6, associées à une faiblesse du membre

supérieur et de la main en est un exemple. Il se produit à la suite d’une chute, à la faveur d’un mécanisme

en inclinaison cervicale forcée avec abaissement du moignon de l’épaule, entraînant un étirement du

plexus brachial supérieur.Le type III associe des traumatismes correspondant à des lésions purement

radiographiques, à savoir fractures, fractures-dislocations, entorses , hernies discales.

La rééducation :

Comme à l’étage dorsal ou lombaire, la rééducation du rachis cervical arthrodésé comporte, chez le

sportif, 3 phases qui se succèdent.

6

La première phase correspond à la consolidation osseuse et à la cicatrisation capsulo-ligamentaire. Elle

s’étale sur une période d’environ 3 mois. La deuxième phase correspond au sevrage de la contention et à

la récupération des qualités analytiques du rachis cervical, de façon à recouvrer une activité normale au

quotidien et de permettre la reprise des sports à dangerosité faible ou modérée. La troisième phase vise à

préparer le sportif au retour sur le terrain, en cas de sport à risque.

Durant la première phase le rachis cervical fait habituellement l’objet d’une immobilisation dont la durée

et la qualité, sont fonction de la gravité du traumatisme initial et de la nature du traitement. Durant cette

période la rééducation se limite, essentiellement à un travail statique, infra-douloureux, contre résistance

manuelle des muscles cervicaux 4 faces. Un travail cervical des membres supérieurs peu également être

envisagé, à faible résistance en l’absence de lésion grave du rachis cervical inférieur. Il est en revanche

plus facile de proposer un programme d’entretien global des membres inférieurs et des muscles du rachis

dorso-lombaire d’autant qu’il existe une contention du rachis cervical. La mise en œuvre d’un programme

d’entretien cardio-vasculaire sur cyclo-ergomètre ou sur stepper est également utile.

Au décours de cette phase qui peut s’étaler de quelques semaines jusqu’à 3 à 4 mois en cas de fracture de

l’arc postérieur, la consolidation osseuse est acquise.

La deuxième phase de sevrage de la contention et de récupération des qualités analytiques du rachis

cervical peut débuter après contrôle radiographique et avec l’autorisation du chirurgien. Le sevrage de la

contention doit être progressif et doit avoir lieu en situation contrôlée durant les séances de kinésithérapie

puis déborde progressivement sur la vie quotidienne. Lorsque le sevrage est réalisé trop rapidement, il

peut s’en suivre des douleurs d’origine musculaire conséquences du déconditionnement, plus ou moins

important, qui suit l’immobilisation.

Le problème principal qui se pose à ce stade est celui de la raideur cervicale, dont l’importance dépend de

la nature des lésions initiales et du traitement chirurgical ainsi que du degré et de la durée de la

contention. Quelque soit son importance, la récupération de la mobilité cervicale doit se faire de façon

douce et progressive par des mouvements cervicaux actifs, de préférence couplés à une activité oculaire

selon la technique de la rééducation oculo-cervicale bien connue des rééducateurs.

Le travail de tonification des muscles cervicaux 4 faces en statique peut être intensifié et un travail de

gainage en co-contraction des fléchisseurs-extenseurs peut être progressivement introduit

concomitamment à la mise en place d’un travail proprioceptif. Le travail des muscles de la ceinture

scapulaire et du tronc peut être intensifié. Au décours de cette phase le patient a recouvré une mobilité

cervicale et un contrôle musculaire satisfaisants compatibles avec le retour à une vie quotidienne normale.

La phase trois n’a de mise que chez le sportif chez lequel la récupération d’un excellent tonus

musculaire cervical est essentielle. Cette troisième phase n’est donc qu’une intensification du programme

de renforcement musculaire et de rééducation neuro-motrice initiés durant la phase précédente. Elle est

orientée sur trois axes :

7

- le travail musculaire cervical analytique

- le gainage en co-contraction et contrôle neuro-moteur

- le renforcement de la ceinture scapulaire

La mise en œuvre d’un programme d’entretien du rachis cervical, après la reprise d’un sport à risque, est

indispensable (voir tableau 5 et 6).

Les critères de reprise du sport

Si la reprise des sports n’impliquant pas l’existence de contraintes élevées sur le rachis cervical reste

possible, dans la mesure ou le sportif ne présente pas de douleur et a récupéré une mobilité cervicale

satisfaisante, il n’en est pas de même lorsque la pratique concerne celle d’un sport réputé comme

contraignant pour le rachis cervical. Il importe, dans ce cas, de discuter cette reprise avec l’intéressé en

fonction d’un certains nombre de critères, en exposant clairement les risques encourus.

- Le type de sport pratiqué

Il constitue un élément déterminant dans le retour à l’activité sportive. Morganti classe les sports en 5

catégories en fonction de leur dangerosité [9].

Plus simplement, on peut classer les sports en 3 catégories.

a) - les sports impliquant des collisions, comme le football américain, le rugby, le hockey sur glace

constituent des sports à dangerosité élevé.

b) - les sports à dangerosité modérée, susceptibles de provoquer des chutes potentiellement

traumatisantes pour le rachis cervical comme la lutte, la gymnastique ou comme certains sports de

vitesse (snow-board) ou exposant le rachis cervical à des micro-traumatismes répétés (plongeon).

c) - les sports à faibles dangerosités sont représentés par les sports, à la fois peu contraignant pour le

rachis cervical et où le risque de chute est exceptionnel.

- Le type de lésion

Pour J. Sénégas [13], la fusion sur 1 niveau ne constitue pas une contre-indication à la reprise du rugby,

contrairement aux fusions sur 2 niveaux ou plus. Lorsque la fusion concerne l’étage C1C2 ou C2C3, il

s’agit d’une contre-indication. [4].

- Une séquelle neurologique

L’existence d’une lésion médullaire séquellaire constitue pour cet auteur une contre-indication absolue,

8

- Des lésions dégénératives

L’existence d’une sténose canalaire, telle qu’elle peut se rencontrer chez le rugbyman représente,

lorsqu’elle s’associe à un antécédent de neurapraxie ou d’accident médullaire régressif, une contre-

indication absolue, en raison du risque d’accident médullaire irréversible. L’indice de Torg, rapport entre

le diamètre sagittal du canal cervical et le diamètre sagittal du corps vertébral, est précieux pour dépister

une sténose canalaire. On considère que le canal cervical est étroit si cet indice est inférieur ou égal à 0.8.

Il faut alors étudier le rapport médullo-canalaire (RMC) par IRM qui correspond au rapport du diamètre

médullaire sur le diamètre du canal cervical. Ce rapport est normalement de 0.5. Il devient pathologique

au delà de 0.7 [2, 6].

Certaines études ont montré que l’indice de Torg diminue proportionnellement à l’âge et au niveau sportif

chez le rugbyman de première ligne, comparativement à une population de sujets témoins, tandis que le

RMC varie inversement [1]. Cette sténose canalaire dégénérative liée à la répétition des

microtraumatismes accroît le risque d’accident médullaire.

- Des séquelles douloureuses, une raideur cervicale, une récupération musculaire incomplètes.

Il s’agit d’une contre-indication à la reprise d’un sport à risque en raison du risque accrue de blessure

itérative.

Sur une série de 5 cas d’entorses graves du rachis cervical inférieur opérés suivis entre 1 et 4 ans,

Lapporte [5] fait état du résultat suivant : Les douleurs sont absentes à très modérées, la reprise du sport

intervient dans un délai moyen de 4 mois. 4 ont repris le sport dont 2 au niveau antérieur, 1 n’a pas repris

en raison d’une tétraplégie non régressive.

Sénégas [13] nous fait part de son expérience sur 111 cas de traumatismes cervicaux graves survenus

chez des rugbymen entre 1972-96 : 50 (45%) ne présentent aucune séquelle parmi lesquels 11 (10% de la

population totale) ont repris le rugby. 37 (33%) conservent des séquelles mineures mais pour 16 d’entres

eux (14%) la reprise du rugby s’est avérée possible. 22 (20%) ont gardé des séquelles majeures, parmi

lesquels 15 sont en fauteuil roulant. 2 sont décédés (2%).

Dans notre étude aucun des rugbymen n’a repris le sport antérieur. Mais Lorsque la reprise d’un sport à

risque, comme le rugby, est contre-indiquée, la pratique d’un sport à risque faible ou modéré reste, bien

entendu, tout à fait possible, même à un niveau élevé (cf tableau 3)

La prévention

La prévention d’un accident traumatique cervical repose sur une sensibilisation des entraîneurs et des

préparateurs physiques à l’égard du risque traumatique cervical inhérent à la pratique de certains sports, à

risque élevé comme le rugby. Il faut insister, tout d’abord, sur l’importance d’une bonne préparation

9

physique destinée à renforcer la musculature rachidienne et de la ceinture scapulaire et sur l’utilité de

développer les mécanismes de protection neuro-musculaire. Il importe également, de réaliser des

exercices d’échauffement et d’assouplissement des muscles cervicaux avant l’entrée sur le terrain. Ces

mesures concernent tous les sports entraînant des contraintes mécaniques élevées sur le rachis cervical.

A cet égard, nous avons réalisé, avec la participation de nos préparateurs physique, un programme de

prévention primaire et secondaire des blessures du rachis cervical, avec 2 niveaux de difficultés (voir

tableau 5 et 6).

Rappelons également l’intérêt de certaines mesures préventives concernant certains sports comme le

rugby, à savoir l’éviction de la poussée en mêlée des sujets trop jeunes, l’importance de proposer lors de

la mêlée un engagement séquentiel ligne par ligne, dos à l’horizontale et de sanctionner les placages hauts

et les mêlées écroulées. Quant aux mêlées tournées, elles sont interdites pour les moins de 19 ans.

Il faut, en outre, éviter d’avoir recours à un joueur de 3ème

ligne pour suppléer l’absence d’un joueur de

1ère

ligne. Ce remplacement n’est d’ailleurs autorisé que si 2 joueurs de première ligne sont à leur poste.

Les sports de combats susceptibles d’entraîner des chutes avec traumatisme cervical, requièrent

l’apprentissage et la maîtrise des techniques de chute.

Conclusion

Au total, la survenue d’une arthrodèse cervicale après un grave traumatisme, chez le sportif jeune, peut

signifier l’arrêt du sport pratiqué si celui-ci est potentiellement à risque. En revanche la poursuite ou la

reconversion vers un sport peu ou pas dangereux demeure possible, même à un niveau élevé.

Il faut insister, en cas de pratique d’un sport à dangerosité élevée, sur l’importance de la prévention des

blessures du rachis cervical dans la pratique sportive, qu’il s’agisse d’une prévention primaire chez le

sportif indemne de toute blessure ou d’une prévention secondaire chez le sportif ayant présenté un

antécédent traumatique cervical.

10

Tableau 5 : PROGRAMME DE NIVEAU I

Echauffement

Flexions-Extensions 10 répétitions

Inclinaisons droite et gauche 10 répétitions

Rotations droite et gauche 10 répétitions

Circumduction du rachis cervical droite et gauche alternée (photo 1) 10 répétitions

Circumduction du moignon des épaules 10 répétitions

Renforcement musculaire de la ceinture scapulaire1

Trapèzes (photo 2) Avec élastique

Stabilisateurs d’omoplates (photo 3) Avec élastique

Grands Dorsaux (photo 4) Avec élastique

Pompes sur plan incliné ou au sol 3 séries de 10 à 20 répétitions

Renforcement musculaire du rachis cervical

Extenseurs en isométrique en position assise (photo 5) 5 séries de 10 répétitions de 10 sec de travail, 10

sec de repos

Fléchisseurs en isométrique en position assise (photo 6) 5 séries de 10 répétitions de 10 sec de travail, 10

sec de repos

Gainage sur plan stable en appui frontal (photo 7) 5 séries de 10 répétitions de 10 sec de travail, 10

sec de repos

Gainage sur plan stable en appui occipital (photo 8) 5 séries de 10 répétitions de 10 sec de travail, 10

sec de repos

Gainage sur plan stable en appui pariétal droit et gauche (photo9) 5 séries de 10 répétitions de 10 sec de travail, 10

sec de repos

Relâchement - Détente

Grands-Pectoraux 10 sec d’étirement

Circumduction du rachis cervical droite et gauche alternée

1 En cas de douleur ou de fatigabilité cervicale par surentraînement le protocole doit être adapté au profit par exemple d’un

travail avec élastique.

11

Tableau 6 PROGRAMME DE NIVEAU II

Echauffement

Flexions-Extensions 10 répétitions

Inclinaisons droite et gauche 10 répétitions

Rotations droite et gauche 10 répétitions

Circumduction du rachis cervical droite et gauche alternée 10 répétitions

Circumduction du moignon des épaules 10 répétitions

Renforcement musculaire de la ceinture scapulaire2

Trapèzes 3 séries de 10 répétitions à 50% à 70% de la 10 RM

Fixateurs d’omoplates en décubitus ventral (photo 10) 3 séries de 10 répétitions à 50% à 70% de la 10 RM

Grands Dorsaux (Photo 11) 3 séries de 10 répétitions à 50% à 70% de la 10 RM

Pompes sur plan incliné ou au sol 3 séries de 10 à 20 répétitions

Renforcement musculaire du rachis cervical

Gainage en ponté-occipital (photo 12) 5 séries de 10 répétitions de 10 sec de travail, 15 sec

de repos

Gainage en ponté-frontal (photo 13) 5 séries de 10 répétitions de 10 sec de travail, 15 sec

de repos

Gainage sur plan instable appui frontal (photo 14) 5 séries de 10 répétitions de 10 sec de travail, 10 sec

de repos

Gainage sur plan instable appui occipital (photo 15) 5 séries de 10 répétitions de 10 sec de travail, 10 sec

de repos

Gainage sur plan instable appui pariétal droit et gauche 5 séries de 10 répétitions de 10 sec de travail, 10 sec

de repos

Travail des fléchisseurs en statique à différents angles de travail puis

en dynamique lent sur de courte amplitudes (photo 16 et 17)

Casque avec élastique ou charge additionnelle.

Travail des extenseurs en statique à différents angles de travail puis

en dynamique lent sur de courte amplitudes (photo 18)

Casque avec élastique ou charge additionnelle.

Relâchement - Détente

Grands-Pectoraux 10 sec d’étirement

Circumduction du rachis cervical droite et gauche alternée

2 En cas de douleur ou de fatigabilité cervicale par surentraînement le protocole doit être adapté et revenir à un travail plus

doux, avec élastique par exemple.

12

Photo 1 : Circumduction du

rachis cervical

Photo 2 : Renforcement des

Trapèzes Photo 3 : Renforcement des

fixateurs d’omoplate

Photo 4 : Renforcement des

Grands-Dorsaux

Photo 5 : Renforcement des

extenseurs en isométrique

Photo 6 :Renforcement des

fléchisseurs en isométrique

Photo 7 : Gainage sur plan

stable en appui frontal

Photo 8 : Gainage sur plan

stable en appui occipital

Photo 9 : Photo 8 : Gainage

sur plan stable en appui

pariétal

Photo 10 : Renforcement des

fixateurs d’omoplate.

Photo 11 : Renforcement des

Grands-Dorsaux

Photo 12 : Gainage en ponté-

occipital

Photo 13 : Gainage en ponté-

frontal

Photo 14 : Gainage sur plan

instable appui frontal Photo 15 : Gainage sur plan

instable appui frontal

Photo 16 : Renforcement des

fléchisseurs avec casque et

élastique

Photo 17 : Renforcement des

fléchisseurs avec casque et

charge additionnelle Photo 18 : Renforcement des

extenseurs avec casque

13

Bibliographie : [1] – Berge J, Marque B, Vital JM, Senegas J, Caille JM. Age-related changes in the cervical spines of

front-line rugby players. Am J Sports Med 1999, 27, 422-9

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