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Arthur RIMBAUD « Le poète aux semelles de vent » I. « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans » Arthur Rimbaud est né le 20 octobre 1854, à Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Son enfance est marquée par une mère autoritaire mais attentionnée, qui éleva seule ses quatre enfants. Rimbaud se montre à l'école un élève sage et brillant, remportant bon nombre de prix, notamment en vers latins. Il compose tôt ses premiers poèmes, inspirés au début par l'école parnassienne. En classe de rhétorique il rencontre un jeune professeur, Georges Izambard, qui lui fait découvrir la littérature française. Les poèmes composés pendant cette période d'adolescence se détachent progressivement des conventions littéraires. Quand en 1870 éclate la guerre entre la France et la Prusse c'est pour Rimbaud l'époque des premières fugues vers Paris et la Belgique, l’univers étouffant de Charleville lui devenant insupportable. Ses pérégrinations sont multiples mais le ramènent toujours à Charleville. Un an plus tard, Rimbaud compose la Lettre du Voyant qu’il adresse à son ami Paul Démeny et où il proclame « qu’il faut être voyant, se faire voyant » par « un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens », et son poème Le Bateau ivre, textes essentiels pour comprendre la dimension nouvelle que Rimbaud veut donner à sa poésie. Fasciné par Verlaine qui l'y invite, Rimbaud gagne Paris. Entre le jeune poète et Verlaine, c’est le coup de foudre, le début d’amours infernales. Ce dernier, qui voit en Arthur la révélation du siècle, l’initie aux cercles littéraires. Rimabud s’y montre odieux et moqueur. Mais Verlaine est fou amoureux. Rapidement confronté aux ambiguités d’un amant marié, Rimbaud accepte de s'éloigner, mais Verlaine finit par le suivre en Belgique. En septembre 1872, ils partent tous deux en Angleterre. Cette période correspond à un moment intense de création littéraire, Rimbaud écrivant alors ses poèmes des Illuminations. La relation de Verlaine et de Rimbaud est très souvent orageuse. La rupture se fait le 10 juillet 1873 quand après une nuit de dispute, Verlaine tire sur Rimbaud et le blesse légèrement. Rentré à Charleville, Rimbaud compose sa dernière oeuvre, Une Saison en enfer , sorte de confession autobiographique de poèmes en prose qu'il publie à compte d'auteur. Commence alors la deuxième partie de la vie de Rimbaud. Les voyages le mènent successivement en Italie, en Hollande, en Afrique, en Suède, au Danemark, à Chypre. Mais Rimbaud revient assez régulièrement passer l’hiver à Charleville. L’ultime partie de la vie de Rimbaud se passe en Abyssinie. Il renie complètement son passé de poète et se livre à des activités d'exploration et de commerce plus ou moins légales. En 1891, il est obligé de rentrer à Marseille à cause d’une tumeur au genou droit, espérant trouver en Provence un climat plus propice. Son état s’aggrave pourtant et il est amputé. Après un court retour chez les siens, il s’apprête à regagner son poste africain mais, épuisé, meurt à Marseille le 10 novembre 1891. II. Une poésie nouvelle et complexe L’œuvre rimbaldienne se compose donc : - d'un recueil d'extrême jeunesse (Poésies, 1872) - d'une oeuvre en prose (Une Saison en enfer, 1873) - d'un recueil de poèmes en prose, révolutionnaires dans leur écriture (Les Illuminations, 1874-1875) La poésie de Rimbaud a bouleversé la poésie : elle rompt rapidement avec les courants littéraires - le Parnasse et le Symbolisme - qui l’avaient d’abord inspirée le langage y exprimant les visions hallucinées du « Voyant ». Le recueil intitulé Poésies regroupe les poèmes de jeunesse, composés par Rimbaud de 1869 à 1872 : il s'ouvre sur le texte Les Étrennes des Orphelins , se poursuit avec 22 poèmes dont les célèbres Dormeur du Val et Le bateau ivre recopiés par Rimbaud pour son ami Demeny en 1870, puis avec plusieurs textes inspirés par la guerre et Charlestown, la Charleville étouffante. On repère trois grands thèmes à l'intérieur de ce premier recueil : le bonheur, à travers l'évocation heureuse des voyage et des vagabondages ; la colère, par la dénonciation violente et provocante des hypocrisies de la société et de l'histoire contemporaine, et enfin la Voyance, fondée sur la volonté de fixer des images nouvelles, qui doivent résulter d’une poésie absolue dans laquelle le poète n’est qu’un interprète. « Je est un autre » dira Rimbaud ! Dans Une Saison en Enfer, composée entre avril et août 1873, Rimbaud fait le bilan de ses expériences poétiques et spirituelles, et notamment de sa liaison avec Verlaine. Il s’agit, en quelque sorte, d’une analyse où le je est continuellement présent Rimbaud y dénonce même ses errances passées et condamne son entreprise destructrice de Voyant. Les Illuminations, composées entre 1874 et 1875, même s’il semble qu’elles aient été écrites avant une Saison en enfer, apparaissent comme une éclaircie après la tempête. Eblouissement de la sensation, intuition vivante du monde, les Illuminations résonnent comme le dernier cri, le dernier élan de vie dans la poésie de Rimbaud. D’aucuns y voient d’ailleurs un prélude au silence du poète. Aube et Mystique, deux grands poèmes en prose laissent déjà entrevoir une nouveauté littéraire dont Rimbaud semble être le précurseur : le vers libre. Viendra ensuite le silence énigmatique de Rimbaud : comment comprendre cette image du poète de génie qui tourne si radicalement le dos à sa poésie, refusant même qu’on le dise poète ? Ce silence contribua et contribue encore à la dimension mythique de l’œuvre colossale et du poète. MemoPage.com SA © / 2006 / Auteur : Stéphane Fouénard

Arthur Rimbaud

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Page 1: Arthur Rimbaud

Arthur RIMBAUD

« Le poète aux semelles de vent »

I. « On n’est pas sérieux quand on a 17 ans » Arthur Rimbaud est né le 20 octobre 1854, à Charleville-Mézières, dans les Ardennes. Son enfance est marquée par une mère autoritaire mais attentionnée, qui éleva seule ses quatre enfants. Rimbaud se montre à l'école un élève sage et brillant, remportant bon nombre de prix, notamment en vers latins. Il compose tôt ses premiers poèmes, inspirés au début par l'école parnassienne. En classe de rhétorique il rencontre un jeune professeur, Georges Izambard, qui lui fait découvrir la littérature française. Les poèmes composés pendant cette période d'adolescence se détachent progressivement des conventions littéraires. Quand en 1870 éclate la guerre entre la France et la Prusse c'est pour Rimbaud l'époque des premières fugues vers Paris et la Belgique, l’univers étouffant de Charleville lui devenant insupportable. Ses pérégrinations sont multiples mais le ramènent toujours à Charleville. Un an plus tard, Rimbaud compose la Lettre du Voyant qu’il adresse à son ami Paul Démeny et où il proclame « qu’il faut être voyant, se faire voyant » par « un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens », et son poème Le Bateau ivre, textes essentiels pour comprendre la dimension nouvelle que Rimbaud veut donner à sa poésie. Fasciné par Verlaine qui l'y invite, Rimbaud gagne Paris. Entre le jeune poète et Verlaine, c’est le coup de foudre, le début d’amours infernales. Ce dernier, qui voit en Arthur la révélation du siècle, l’initie aux cercles littéraires. Rimabud s’y montre odieux et moqueur. Mais Verlaine est fou amoureux. Rapidement confronté aux ambiguités d’un amant marié, Rimbaud accepte de s'éloigner, mais Verlaine finit par le suivre en Belgique. En septembre 1872, ils partent tous deux en Angleterre. Cette période correspond à un moment intense de création littéraire, Rimbaud écrivant alors ses poèmes des Illuminations.

La relation de Verlaine et de Rimbaud est très souvent orageuse. La rupture se fait le 10 juillet 1873 quand après une nuit de dispute, Verlaine tire sur Rimbaud et le blesse légèrement. Rentré à Charleville, Rimbaud compose sa dernière oeuvre, Une Saison en enfer , sorte de confession autobiographique de poèmes en prose qu'il publie à compte d'auteur. Commence alors la deuxième partie de la vie de Rimbaud. Les voyages le mènent successivement en Italie, en Hollande, en Afrique, en Suède, au Danemark, à Chypre. Mais Rimbaud revient assez régulièrement passer l’hiver à Charleville. L’ultime partie de la vie de Rimbaud se passe en Abyssinie. Il renie complètement son passé de poète et se livre à des activités d'exploration et de commerce plus ou moins légales. En 1891, il est obligé de rentrer à Marseille à cause d’une tumeur au genou droit, espérant trouver en Provence un climat plus propice. Son état s’aggrave pourtant et il est amputé. Après un court retour chez les siens, il s’apprête à regagner son poste africain mais, épuisé, meurt à Marseille le 10 novembre 1891.

II. Une poésie nouvelle et complexe L’œuvre rimbaldienne se compose donc :

− d'un recueil d'extrême jeunesse (Poésies, 1872) − d'une oeuvre en prose (Une Saison en enfer, 1873) − d'un recueil de poèmes en prose, révolutionnaires dans leur écriture (Les Illuminations, 1874-1875)

La poésie de Rimbaud a bouleversé la poésie : elle rompt rapidement avec les courants littéraires - le Parnasse et le Symbolisme - qui l’avaient d’abord inspirée le langage y exprimant les visions hallucinées du « Voyant ». • Le recueil intitulé Poésies regroupe les poèmes de jeunesse,

composés par Rimbaud de 1869 à 1872 : il s'ouvre sur le texte Les Étrennes des Orphelins , se poursuit avec 22 poèmes dont les célèbres Dormeur du Val et Le bateau ivre recopiés par Rimbaud pour son ami Demeny en 1870, puis avec plusieurs textes inspirés par la guerre et Charlestown, la Charleville étouffante. On repère trois grands thèmes à l'intérieur de ce premier recueil : le bonheur, à travers l'évocation heureuse des voyage et des vagabondages ; la colère, par la dénonciation violente et provocante des hypocrisies de la société et de l'histoire contemporaine, et enfin la Voyance, fondée sur la volonté de fixer des images nouvelles, qui

doivent résulter d’une poésie absolue dans laquelle le poète n’est qu’un interprète. « Je est un autre » dira Rimbaud !

• Dans Une Saison en Enfer, composée entre avril et août 1873, Rimbaud fait le bilan de ses expériences poétiques et spirituelles, et notamment de sa liaison avec Verlaine. Il s’agit, en quelque sorte, d’une analyse où le je est continuellement présent Rimbaud y dénonce même ses errances passées et condamne son entreprise destructrice de Voyant.

• Les Illuminations, composées entre 1874 et 1875, même s’il semble qu’elles aient été écrites avant une Saison en enfer, apparaissent comme une éclaircie après la tempête. Eblouissement de la sensation, intuition vivante du monde, les Illuminations résonnent comme le dernier cri, le dernier élan de vie dans la poésie de Rimbaud. D’aucuns y voient d’ailleurs un prélude au silence du poète. Aube et Mystique, deux grands poèmes en prose laissent déjà entrevoir une nouveauté littéraire dont Rimbaud semble être le précurseur : le vers libre.

Viendra ensuite le silence énigmatique de Rimbaud : comment comprendre cette image du poète de génie qui tourne si radicalement le dos à sa poésie, refusant même qu’on le dise poète ? Ce silence contribua et contribue encore à la dimension mythique de l’œuvre colossale et du poète.

MemoPage.com SA © / 2006 / Auteur : Stéphane Fouénard