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ARTICLE DE LA REVUE JURIDIQUE THÉMIS

On peut se procurer ce numéro de la Revue juridique Thémis à l’adresse suivante :Les Éditions ThémisFaculté de droit, Université de MontréalC.P. 6128, Succ. Centre-VilleMontréal, QuébecH3C 3J7

Téléphone : (514)343-6627Télécopieur : (514)343-6779Courriel : [email protected]

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Chroniques sectorielles

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Droit de la propriété intellectuelle comparé

Trente ans de droit d’auteur dans l’espace OAPI (Organisation africaine de la propriété intellectuelle)

Laurier Yvon NGOMBÉ*Docteur en droit de l’Université de Nantes, conseil formateur en propriétéintellectuelle

En 1962, Madagascar et onzeautres États africains créent àLibreville l’Office africain et malga-che de la propriété industrielle(OAMPI). L’institution a évolué pourdevenir une Organisation et sonchamp de compétence s’est étenduà la propriété littéraire et artis-tique. C’est par un accord signé àBangui le 2 mars 1977 (Républiquecentrafricaine) qu’est créée l’Orga-nisation africaine de la propriété

intellectuelle (OAPI)1 qui s’est subs-tituée à l’OAMPI2. La référence àMadagascar est effacée car cet États’était retiré de l’OAMPI. DouzeÉtats signataires (tous francopho-nes) ont créé la nouvelle organisa-tion et formé dès lors ce qu’il estconvenu d’appeler l’espace OAPI.Depuis 1977, de nouvelles adhésionsont été enregistrées, y compris au-delà de l’espace francophone3. L’es-pace OAPI s’étend actuellement sur

1 Pour un aperçu de cette évolution, voir : B. CAZENAVE, « L’organisation africaine de la pro-priété intellectuelle (OAPI). De Libreville à Bangui », (1989) Prop. Ind. 311.

2 Accord relatif à la création d’une Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle, cons-tituant révision de l’Accord relatif à la création d’un Office Africain et Malgache de la Pro-priété Industrielle (Bangui (République centraficaine), 2 mars 1977), disponible surInternet à l’adresse suivante : [http://www.wipo.int/clea/fr/fiche.jsp?uid=oa002].

3 Avec l’adhésion de la Guinée Équatoriale et de la Guinée Bissau.

* Monsieur Ngombé est l’auteur d’un ouvrage intitulé Le droit d’auteur en Afrique, paru en2004 à Paris chez L’Harmattan (préface d’André Lucas), en cours de réédition.

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un territoire comprenant pas moinsde seize États4.

L’idée d’une convention régionalesur le droit d’auteur remonte à 1963,date de la réunion de Brazzaville5,dont l’une des recommandationsétait relative à la « possibilité decréer un office africain du droitd’auteur ». À partir de 1967 l’OAMPIs’était saisie de la question de laprotection du droit d’auteur6. En1977, en même temps que fut crééel’OAPI par l’Accord de Bangui, untexte régional sur le droit d’auteurfut adopté (Annexe VII de l’accord)7.Il y a donc trente ans que l’OAPI alégiféré sur le droit d’auteur (l’entréeen vigueur de ce texte n’est cepen-dant intervenue qu’il y a vingt-cinqans)8.

Cet anniversaire est une occa-sion de faire une petite chroniquerétrospective sur le droit d’auteurdans l’espace OAPI depuis l’adop-tion de l’annexe VII de l’Accord deBangui, relative au droit d’auteur.Il est alors intéressant d’évoquerl’évolution législative (I), quelques

développements jurisprudentiels(II), l’enseignement du droit d’auteur(III), la gestion collective (IV) et, briè-vement, la question particulière dela lutte contre la piraterie (V).

I. Évolution législativeDepuis 1977, on peut dire qu’aussi

bien le texte régional que les textesnationaux ont connu des modifica-tions.

A. Texte régionalDepuis 1977, le texte régional a

subi une modification, laquelle estintervenue lors de la révision du24 mars 1999 (texte en vigueur de-puis le 24 février 2002)9.

Les dispositions relatives à lasupranationalité du texte régionalsur le droit d’auteur, jugée incom-plète dans le texte de 1977, n’ontpas changé en 1999 (1). En revan-che, le texte a évolué concernantl’objet de la protection (2), les béné-ficiaires de la protection (3) ainsique le contenu et la mise en œuvrede la protection (4).

4 Il s’agit des pays signataires (Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Congo, Côte d’Ivoire, Gabon,Mauritanie, Niger, République Centrafricaine, Sénégal, Tchad, Togo), rejoints depuis parquatre autres États (Mali, Guinée, Guinée Bissau et Guinée Équatoriale).

5 Réunion africaine d’étude sur le droit d’auteur, organisée par l’Union de Berne et l’Unescoà Brazzaville (Congo), du 5 au 10 août 1963 (voir : (oct. 1963) R.I.D.A. 244).

6 Sur ce point, voir : C.-J. KINGUÉ, La protection du droit d’auteur dans les États membres del’organisation africaine de la propriété intellectuelle, thèse, Paris II, 1985, p.18 et suiv.

7 Le corpus législatif régional comporte, d’une part, l’Accord de Bangui qui regroupe en par-ticulier les règles institutionnelles et, d’autre part, dix annexes consacrées aux matièressuivantes : Brevets d’inventions (Annexe I), Modèles d’utilité (Annexe II), Marques de pro-duits et de services (Annexe III), Dessins et modèles industriels (Annexe IV), Noms com-merciaux (Annexe V), Indications géographiques (Annexe VI), Propriété littéraire etartistique (Annexe VII), Protection contre la concurrence déloyale (Annexe VIII), Schémas deconfiguration des circuits intégrés (Annexe IX) et Protection des obtentions végétales(Annexe X).

8 Ce n’est qu’en 1982 que le nombre minimal de ratifications a été atteint.9 Accord portant révision de l’Accord de Bangui du 2 mars 1977 instituant une Organisation

Africaine de la Propriété Intellectuelle, disponible sur Internet à l’adresse suivante : [http://www.wipo.int/clea/fr/fiche.jsp?uid=cg003] (ci-après citée « l’Accord de Bangui »).

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1. Supranationalité de l’Annexe VII de l’Accord de Bangui

Dès 1977, l’OAPI décidait de doterles États membres d’une législationde la propriété intellectuelle. Néan-moins, si l’institution régionale am-bitionnait d’uniformiser le droit dela propriété industrielle, il en allaitautrement pour la propriété litté-raire et artistique. En effet, commel’a écrit une plume autorisée : « dansce domaine, il n’y a ni uniformité delégislation, ni centralisation admi-nistrative au niveau de l’OAPI »10.

Pour autant, il existe bien unevolonté d’harmoniser le droit d’au-teur dans l’espace OAPI. Le texterégional apparaît dès 1977 commeun texte fixant un minimum con-ventionnel. Parmi les arguments detexte permettant de considérer l’an-nexe VII bien plus qu’une simpleloi-type figurent notamment l’arti-cle 1er de l’annexe VII, aux termesduquel il s’agit du « régime com-mun» des États membres11. La ré-daction du texte (notamment lesrenvois aux lois nationales) est tellequ’on peut considérer qu’en matièrede droit d’auteur le texte régionalprévoit certaines règles communestout en laissant place à certainesdifférences entre les lois des Étatsmembres. Il y a donc, dans ce do-maine, à défaut d’uniformisation,une volonté d’harmonisation.

Le texte régional sur la propriétélittéraire et artistique s’inspirait dela loi-type de Tunis pour les paysen développement et se conformaitaux textes internationaux auxquelsles États membres étaient partiesou invités à devenir parties. Il tenaitainsi compte de la Convention Uni-verselle telle que révisée à Paris en1971 et de l’Acte de Paris de la Con-vention de Berne. Pour tenir comptede l’évolution du droit internatio-nal, de même que des progrès tech-nologiques, l’OAPI a révisé, en 1999,l’Accord de Bangui. La révision de1999 a permis de viser, en plus dela Convention Universelle et de laConvention de Berne, la Conven-tion de Rome de 1961 sur les droitsvoisins ainsi que l’Accord ADPIC(textes auxquels se conforme lenouveau texte).

2. Objet de la protectionLe texte régional de 1977 se limi-

tait au droit d’auteur stricto sensuet ne comportait pas de disposi-tions relatives aux droits voisins.En revanche ce texte protégeait lepatrimoine culturel. Il convient depréciser que la partie relative à laprotection du patrimoine culturelcomportait de nombreuses disposi-tions en permettant l’applicationimmédiate en droit interne (notam-ment le libellé des infractions etleurs sanctions précises). Ce qui

10 G. MEYO-M’EMANE, « L’organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) : Exem-ple original de coopération multinationale en matière de propriété industrielle », dansMélanges Paul Mathély, Paris, Litec, 1990, p. 257 et suiv., à la page 264.

11 Il faut également noter qu’aux termes de l’article 4(2) de l’Accord de Bangui, précité, note 9,l’accord et toutes ses annexes s’appliquent dans leur totalité dans les États membres. Parapplication de cette règle, les États membres devraient intégrer dans leur droit interne lesdispositions applicables (self executing) du texte régional et se conformer aux «directives »,pour les dispositions dont la rédaction ne permet pas l’application directe.

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n’était pas, et n’est toujours pas, lecas de la majorité des dispositionsrelatives au droit d’auteur12. Lenouveau texte comporte toujoursune partie relative au patrimoineculturel, y compris matériel.

Le texte de 1977 citait déjà parmiles œuvres protégées les œuvres dufolklore. Il soumettait la protectiondes œuvres photographiques à leurcaractère artistique ou documen-taire. La protection des œuvresd’arts appliqués était aussi expres-sément prévue dans la liste (nonexhaustive) du texte de 1977.

La révision de 1999 a permisd’étendre le champ de la protectionaux interprétations, aux phono-grammes et aux programmes desorganismes de radiodiffusion. Parailleurs, l’œuvre photographiqueest désormais protégée à la seulecondition d’être originale. L’énumé-ration indicative des œuvres proté-geables est plus longue que dans letexte de 1977. La liste actuelle in-clut notamment les programmesd’ordinateur et les bases de données.

3. Bénéficiaires de la protection

Le principe selon lequel la titu-larité originaire est reconnue aucréateur de l’œuvre était affirmédans le texte régional de 1977. Il estmaintenu dans le nouveau texte.Néanmoins, sur certains points par-ticuliers, il y a eu des modificationsou des précisions.

Parmi les innovations du nouveautexte régional sur le droit d’auteuron peut relever un changementconcernant la titularité des œuvres

créées dans «un lien d’engagement ».Le texte régional prévoit désormais,en effet, que les œuvres créées dansle cadre d’un contrat de travail oud’un contrat de commande sontprésumées avoir été cédées à l’em-ployeur ou au commanditaire, pourles besoins de son activité habi-tuelle. La rédaction du nouveautexte régional ne permet pas de sti-pulation contraire. L’ancien texteprévoyait que l’existence ou la con-clusion de ce contrat ne pouvaitemporter, en l’absence de stipula-tion expresse, cession des droits,ce qui était plus conforme à l’ap-proche personnaliste adoptée, dumoins il y a quelques années, par lamajorité des États d’Afrique franco-phone.

Quant à la titularité des œuvresaudiovisuelles, le texte de 1977l’attribuait aux créateurs indivi-duels, sans énumérer une listed’auteurs présumés (art. 24). Auxtermes du nouveau texte l’œuvreaudiovisuelle appartient toujours,à titre originaire, à ses créateursintellectuels. Néanmoins, suivanten cela la législation française etcertaines lois africaines, le texterégional cite une liste d’auteursprésumés : le réalisateur, l’auteurdu scénario, l’auteur de l’adapta-tion, l’auteur de la musique spécia-lement composée pour le film etl’auteur de l’œuvre originaire, encas d’adaptation.

Dès 1977, le législateur de Banguiavait également prévu, comme l’avaitfait avant lui le législateur sénéga-lais, que le folklore national appar-tient à l’État.

12 Voir, supra, I.A.1.

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Le nouveau texte ayant élargi lechamp de la protection aux droitsvoisins, les producteurs de phono-grammes, les artistes-interprèteset exécutants, les organismes deradiodiffusion ainsi que les pro-ducteurs de bases de données fontpartie des nouveaux bénéficiairesde la protection.

4. Contenu et mise en œuvre de la protection

Entre le texte de 1977 et celui de1999, la liste des prérogatives d’ordrepatrimonial reconnues à l’auteurs’est allongée. De même, la liste deslimitations a subi quelques modi-fications. Parmi les nouvelles pré-rogatives reconnues figure le droitde location, reconnu aussi bien àl’auteur13 qu’à l’artiste-interprète14

et au producteur15. Il s’agissait pourle législateur régional de se confor-mer à l’Accord ADPIC. Le législa-teur de Bangui est cependant alléplus loin que le texte de l’OMC. Eneffet, l’article 11 de l’ADPIC prescritd’accorder ce droit aux auteurs « aumoins pour les programmes d’ordi-nateurs et les œuvres audiovisuel-les ». Le texte de l’OAPI prévoit cetteprérogative pour toutes les œuvres.On peut même dire que le texte del’OAPI va également plus loin que

les traités de l’OMPI de 1996, soit leTraité de l’OMPI sur le droit d’auteur(WCT) et le Traité de l’OMPI sur lesinterprétations et exécutions et lesphonogrammes (WPPT)16.

Le droit de location est reconnuau titre du droit de distribution, cequi est de plus en plus fréquentdans les textes sur le droit d’auteur.Le texte de l’OAPI ne se prononcepas sur l’épuisement de ce droit dedistribution. La mise en vente d’unCD par exemple dans un État del’OAPI emporte-t-elle épuisementdu droit ? Dans l’affirmative, l’épui-sement international est-il admisou bien l’épuisement du droit est-illimité à l’espace régional OAPI? Sil’on raisonne en s’éclairant desrègles de la propriété industrielle,on en déduira que l’OAPI ne consa-crerait que l’épuisement régionaldu droit de distribution. En effet, lelégislateur OAPI n’a consacré quel’épuisement régional en matière depropriété industrielle17. On peutaussi considérer que le silence dutexte régional suppose des réponsesnationales sur la question. Dans cecas, les dispositions des réglemen-tations des Espaces sous-régionauxde libre échange existant à l’inté-rieur de l’OAPI18 conduiraient, auminimum, à l’adoption de la règle

13 Accord de Bangui, précité, note 9, Annexe VII, art. 9.1.iv.14 Id., art. 48.1.v.15 Id., art. 49.1.ii.16 Ainsi, alors que le WCT prévoit le droit de location pour les interprètes d’œuvres musicales,

le texte de l’OAPI ne semble pas le limiter à cette seule catégorie.17 Voir : R. KÌMINOU, «De l’épuisement des droits de propriété industrielle de l’OAPI (Organi-

sation africaine de la propriété intellectuelle) », (mars 2001) 121 R.D.P.I. 18.18 Il existe deux législations communautaires qui s’appliquent à la majorité des États de l’OAPI,

l’une en Afrique centrale, l’autre en Afrique de l’Ouest. En Afrique centrale s’applique lalégislation de la CEMAC (Communauté économique et monétaire d’Afrique Centrale) et enAfrique de l’Ouest, celle de l’UEMOA (Union économique et monétaire Ouest-Africaine).

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de l’épuisement communautaire(donc dans un espace plus restreintque celui de l’OAPI).

Quant aux limitations, le nouveautexte apporte des précisions con-cernant la copie à usage privé, no-tamment en excluant sa licéitépour certaines œuvres (la partition,par exemple). Le nouveau texte aajouté à la liste des limitations, lalibre utilisation pour l’enseigne-ment19 et l’importation à des finspersonnelles20. Enfin, la législationrégionale actuelle sur le droit d’au-teur a abandonné les licences detraduction et de reproduction quele texte de 1977 avait prévues (con-formément à l’annexe de la Con-vention de Berne et à l’article V dela Convention Universelle). Cettefaculté étant prévue par des textesprimant sur l’Accord de Bangui21,les États membres qui la maintien-draient dans leurs législations nes’exposeraient pas à la contrariétéau texte régional.

Le texte de 1999 a égalementétendu les durées de protection.Elles sont, pour l’essentiel, passéesde 50 ans à 70 ans post mortem oupost publicationem (selon les cas).Pour les œuvres d’arts appliqués,la durée de protection est demeu-rée de 25 ans.

Le nouveau texte régional sur ledroit d’auteur prévoit aussi, pourse conformer aux traités de l’OMPI

de 1996, la répression de « l’abusdes moyens techniques » de protec-tion. Conformément à l’esprit dutexte de l’OAPI, aucune sanctionprécise n’est prévue. Latitude estdonc laissée aux États sur ce point.En revanche, l’incrimination telleque prévue par le texte régionaldevrait, en principe, être transpo-sée dans l’ordre interne de chaqueÉtat membre. Certains textes natio-naux ont déjà transposé cette dis-position. Il convient de préciser,concernant les mesures techniquesde protection (MTP), que l’acte decontournement n’est pas visé enlui-même et que seuls sont visésdes actes intervenant en amont,tels que la fabrication, la vente oul’importation d’appareils ou de dis-positifs permettant le contourne-ment des MTP.

B. Textes nationaux22

On peut distinguer deux pério-des. La première est comprise entrel’adoption du texte de 1977 et larévision de 1999 alors que la secondecouvre les sept années écouléesdepuis la révision du texte régional.

1. De 1977 à 1999Avant l’adoption du texte régio-

nal sur la propriété littéraire etartistique, le Sénégal disposait déjàde son propre texte sur le droitd’auteur. Dans les autres États, la

19 Accord de Bangui, précité, note 9, Annexe VII, art. 13.20 Id., art. 21.21 Voir : Accord de Bangui, précité, note 9, art. 3 et 17.22 Textes en vigueur : Bénin – Loi du 25 avril 2006 ; Burkina Faso – Loi du 22 décembre 1999 ;

Cameroun – Loi du 19 décembre 2000 ; Congo – Loi du 7 juillet 1982 ; Côte d’Ivoire – Loi du25 juillet 1996 ; Gabon – Loi du 29 juillet 1987 ; Guinée – Loi du 9 août 1980 ; Mali – Loi du7 juin 1984 ; Niger – Ordonnance no 93-027 du 30 mars 1993 ; Sénégal – Loi du 4 décembre1973 ; Tchad – Loi du 2 mai 2003 ; Togo – Loi du 10 juin 1991.

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loi française a continué à être appli-quée.

Dès la fin des années 70, les Étatsmembres ont commencé à adopterleurs propres lois nationales23. C’estnotamment le cas du Mali (1977) etde la Côte d’Ivoire (1978). En 1980,c’est la Guinée qui adopte son texte.Suivent le Congo en 1982, la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) en 1983,la République Centrafricaine en1985, le Gabon en 1987 et le Niger(1993). Ces lois paraissaient toutesinspirées par le texte sénégalais etpar la loi-type de Tunis. Elles pré-sentaient néanmoins entre elles denombreuses différences. Il convientde préciser que parmi ces États, leMali et la Guinée n’étaient pas en-core membres de l’OAPI à la date del’adoption de leurs premières lois.

Quelques-unes parmi ces loisont été modifiées avant la révisiondu texte régional. Tel est le cas deslois malienne (modifiée en 1984,année de son adhésion à l’OAPI,puis en 1994), togolaise (modifiéeen 1991) et ivoirienne (modifiée en1996).

a. Objet de la protectionL’une des particularités des lois

des États de l’OAPI, du point de vuede l’objet de la protection, concernela protection des œuvres du folklore(et non du folklore dans sa globa-lité)24. Après un engouement géné-ral, certains spécialistes africainscommencent à émettre des doutesquant à la capacité de la législationsur le droit d’auteur à accueillir cescréations25. En réalité, de notre pointde vue, sur le plan théorique, l’idéede protéger les œuvres du folklorepar le droit d’auteur se défend aisé-ment26. Il est vrai, cependant, quela mise en œuvre d’une telle protec-tion n’est pas sans poser de diffi-cultés. Néanmoins, il ne s’agit pasde difficultés insurmontables27.

Une autre particularité, du moinsdans la majorité des lois votéesavant 1999, concerne les conditionsde protection des œuvres photogra-phiques. Ces œuvres sont, en effet,protégées à la condition d’être artis-tiques ou documentaires28. La loinigérienne de 1993 n’a pas requiscette condition que prévoyait lelégislateur français jusqu’en 198529.Le nouveau texte malien non plus.

23 Ainsi que le Mali en 1977.24 Le folklore (et non plus les seules œuvres du folklore) est protégé par les dispositions rela-

tives à la protection du patrimoine culturel. Voir sur la question : Laurier Yvon NGOMBÉ,Le droit d’auteur en Afrique, Paris, L’Harmattan, 2004, p. 36 et suiv.

25 Voir, par exemple : A.O. AMEGATCHER, « La protection du folklore par le droit d’auteur :une contradiction dans les termes », (2002) 36-2 Bull. dr. auteur 36.

26 Voir, notamment : Laurier Yvon NGOMBÉ, «Brèves observations sur la protection du folk-lore par le droit d’auteur », R.R.J. 2004.4.2367 ; Henri-Philippe SAMBUC, La protectioninternationale des savoirs traditionnels : la nouvelle frontière de la propriété intellectuelle,Paris, L’Harmattan, 2003, p. 40.

27 Voir : Laurier Yvon NGOMBÉ, «Protection of African Folklore by Copyright Law : QuestionsThat Are Raised in Practice », (2004) 52-2 J. Copr. Soc’y 437.

28 République Centrafricaine, art. 1er.29 Conditions que la quasi-totalité des États africains avaient, sans doute par mimétisme,

repris dans leurs lois sur le droit d’auteur.

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De même, à la faveur de la révisionde 1996, le législateur ivoirien aabandonné cette condition en sou-mettant l’œuvre photographique aurégime commun. Ce que devraientfaire les autres législateurs lors derévisions prochaines.

Par ailleurs, les premières loisadoptées à la fin des années 70 etau début des années 80 n’ont pasfait mention des logiciels et desbases de données, même si, théori-quement, ces œuvres ne sont pasexclues de la protection (au moinsles bases de données). En effet, nonseulement dans toutes ces lois, laliste des œuvres protégées n’estpas exhaustive mais, de plus, ceslois protègent toutes « compilationsde données ». Néanmoins, on nepeut que souhaiter une mentionexpresse de la protection des basesde données (notamment pour lessoumettre, éventuellement, à un ré-gime particulier) et des logiciels. C’estce qu’a fait, par exemple, le législa-teur togolais dans la loi de 1991.

Une majorité de lois votées aulendemain de l’Accord de Banguide 1977 ne prévoyait pas, suivanten cela le texte régional, de protec-tion des droits voisins. Tel était lecas de la loi béninoise (1977), de laloi malienne (1977), de la loi ivoi-rienne (1978) et de la loi voltaïque(1983). En revanche, d’autres textes,

comme ceux de la Guinée (1980) etdu Congo (1982), ont très tôt prévula protection des droits voisins.

b. Bénéficiaires de la protection

Toutes les lois des États mem-bres prévoyaient dans un premiertemps la titularité initiale du droitpar le créateur de l’œuvre et préci-saient que la conclusion d’un con-trat de travail ou d’un contrat decommande n’emportait pas cessionautomatique ni titularité au profitde l’employeur ou du commandi-taire. De ce point de vue, les textesnationaux étaient conformes autexte régional. Néanmoins, pour cer-taines œuvres, particulièrement lesœuvres cinématographiques, lesrègles variaient d’un État à l’autre.

Concernant les œuvres cinéma-tographiques, plusieurs lois votéesau lendemain de la signature del’Accord de Bangui ont opté pourl’attribution de la titularité initialeau profit du producteur. Tel est lecas de la loi malienne, de la loitogolaise et de la loi guinéenne30.Bien avant la révision de 1999, cestextes n’étaient pas conformes aux«directives » régionales. De primeabord, ils semblent moins protec-teurs que le texte de l’Accord deBangui. Mais les choses peuvent, àla vérité, se discuter31. Les textes

30 La Côte d’Ivoire (LDA, art. 16) et la Haute-Volta (art. 57) [actuel Burkina Faso] optaient déjàpour le système français en considérant l’œuvre audiovisuelle comme une œuvre de colla-boration dont certains contributeurs sont, en vertu d’une présomption simple, présumésauteurs. Soulignons aussi que la loi sénégalaise avait légiféré dans le même sens que leslois malienne (de 1977) et guinéenne. La Guinée et le Mali n’étaient alors pas encore mem-bre de l’OAPI.

31 Voir : Laurier Yvon NGOMBÉ, « L’œuvre audiovisuelle dans les États de l’Organisation afri-caine de la propriété intellectuelle », (2005) 17-2 C.P.I. 337 ; voir également : C. JOUBERT,«Commentaires sur la nouvelle loi sénégalaise relative au droit d’auteur », (1974) 81 R.I.D.A.35, 65.

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adoptés plus tard ont plutôt majo-ritairement rangé l’œuvre cinéma-tographique parmi les œuvres decollaboration en prévoyant, commele législateur français, une liste deco-auteurs présumés. Sont notam-ment concernés les textes congo-lais, gabonais, centrafricain32 et,plus récemment, nigérien.

Un autre bénéficiaire de la pro-tection est l’État, par l’intermédiairedu ministère de la Culture ou del’organisme de gestion collectivedes droits d’auteurs (et des droitsvoisins). En effet, c’est l’État qui esttitulaire du droit d’auteur sur lefolklore. De même, il est en quelquesorte titulaire d’un droit à rémuné-ration sur les œuvres du domainepublic33. Enfin il faut ajouter, pourcertains États, les titulaires de droitsvoisins.

c. Contenu de la protectionLes lois adoptées ou modifiées

pendant cette période prévoienttoutes, pour le droit d’auteur, laprotection des prérogatives d’ordremoral et d’ordre patrimonial. Ladurée de protection varie d’un Étatmembre à l’autre, même si, d’unemanière générale, sont retenus leprincipe et les cas particuliers pré-vus par le texte régional. Ainsi, leprincipe retenu est la durée postmortem auctoris de 50 ans. Pourles œuvres cinématographiques oupseudonymes, par exemple, il s’agitd’une durée post publicationem de50 ans. Pour les œuvres d’arts appli-

qués et les œuvres photographiques,cette durée est ramenée à 25 ans.Le Congo, la République centrafri-caine et le Gabon, notamment, ontlégiféré dans ce sens. D’autres Étatscomme la Guinée (1980) ou la Côted’Ivoire (dès 1978) ont opté pour desdurées de protection plus longues :quatre-vingts ans pour la Guinée etquatre-vingt-dix-neuf ans pour laCôte d’Ivoire.

Le droit moral est un droit per-pétuel. Les règles de sa dévolutionvarient, pas toujours de manièresensible, d’un État à un autre. Parmiles particularités, on peut relevercelle du texte béninois aux termesduquel l’exercice du droit moralpost mortem « appartient concur-remment aux successibles et aubureau béninois du droit d’auteur »(art. 19)34.

Quant aux exceptions, une majo-rité d’État a profité, à cette époque,de la faculté offerte par l’annexe del’Acte de Paris de la Convention deBerne et par l’article V de la Conven-tion Universelle. Ainsi, la Guinée, leCongo ou le Gabon ont prévu, parmiles « limitations au droit d’auteur »,la licence pour reproduction et lalicence pour traduction (que pré-voyait aussi le texte régional de 1977).D’une manière générale, sont sou-vent prévues des exceptions visantà faciliter l’accès au savoir. Ainsi, laloi nigérienne prévoit (art. 17.2)qu’il est permis aux bibliothèqueset services d’archives sans butlucratif de procéder, librement, au

32 Si le texte centrafricain affirme que l’œuvre cinématographique appartient à titre originaireaux créateurs intellectuels de l’œuvre, il ne prévoit pas de liste de coauteurs présumés. Encela il suivait exactement l’annexe VII de l’Accord de Bangui (version 1977).

33 Voir : L.Y. NGOMBÉ, op. cit., note 24, p. 62 et suiv.34 Cette disposition a été abandonnée par le nouveau texte adopté en 2006.

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prêt public d’œuvres écrites autresque des programmes d’ordinateurs.

Au titre des droits voisins, onpeut noter de nombreuses diffé-rences parmi les lois en ayantprévu la protection. Néanmoins,toutes sont conformes aux minimade la convention de Rome et/ou dela convention phonogramme. Con-cernant, par exemple, la durée desdroits patrimoniaux, certains Étatscomme le Congo ou le Gabon sesont limités à la durée de vingt ansprévue par la convention de Rome.D’autres textes sont allés au-delà :le Togo (25 ans), la Guinée (40 ans)et la Côte d’Ivoire (99 ans, depuis letexte de 1978).

Parmi les États ayant prévu laprotection des droits voisins, onpeut aussi distinguer entre ceuxprévoyant au profit des artistes-interprètes des attributs d’ordremoral et ceux n’en prévoyant pas.Dans les lois congolaise, gabonaiseet nigérienne, par exemple, ne figu-rent pas de mention d’un quelcon-que attribut d’ordre moral au profitdes artistes-interprètes. En revan-che, le texte guinéen et le nouveautexte ivoirien prévoient ces préro-gatives. Quant à la durée du droitmoral de l’artiste-interprète, le texteguinéen prévoit clairement qu’il estperpétuel. C’est une précision quel’on peut souhaiter de la part detous les législateurs des États del’OAPI.

Parmi les lois modifiées ou adop-tées avant 1999, la loi ivoirienne,malgré sa modification antérieure àla révision de l’Accord de Bangui,comporte de nombreuses disposi-tions conformes au texte régionaldans sa version révisée. Elle pré-voit, par exemple, des durées deprotection supérieures à celles pré-vues par l’Annexe VII de l’Accord deBangui. Elle prévoit également desrègles visant à prévenir le contour-nement des mesures techniques deprotection.

2. Depuis 1999Depuis la révision de l’Accord

de Bangui, certaines lois ont étémodifiées. Il s’agit des lois duCameroun35, du Burkina Faso etdu Bénin. D’autres États ont en-tamé un processus de révision deleur texte : la Guinée, le Mali, leSénégal et le Congo36. Alors que lamajorité des États africains, notam-ment parmi les membres de l’OAPI,avaient, à la fin des années 70 et audébut des années 80, adopté deslois sur le droit d’auteur, quelquesÉtats étaient restés « à la traîne ».Tel était le cas du Tchad qui s’est,enfin, doté de son propre texte surle droit d’auteur37. Sur de nombreuxpoints, ces lois sont conformes auxdispositions du texte régional. Sil’annexe VII paraît laisser toutelatitude aux États membres sur denombreux points, on peut penser

35 Pour un aperçu de cette loi, voir : Ch. SEUNA, « La nouvelle loi camerounaise relative auDroit d’auteur et aux Droits voisins », (2002) 192 R.I.D.A. 394.

36 Ce sera l’occasion pour ces États de mettre en conformité leurs lois avec la législation del’OAPI et en phase, autant que possible, avec leurs réalités locales.

37 Pour une présentation sommaire de ce texte, voir : (juillet 2005) 205 R.I.D.A. 487.

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que le texte régional comporte néan-moins quelques dispositions impé-ratives38. Or, certaines dispositionsnationales, parmi celles récemmentadoptées, ne sont pas conformesaux dispositions impératives dutexte régional.

a. Objet de la protectionSur ce point, il y a peu de chan-

gements. En effet, d’une part, lesœuvres protégées sont les mêmesque celles des textes adoptés après1990. D’autre part, dans la majo-rité des textes récemment adoptés,les œuvres photographiques sontprotégées à la seule condition d’êtreoriginales.

La nouvelle loi béninoise com-porte encore l’exigence du carac-tère documentaire ou artistique pourla protection des œuvres photogra-phiques, ce qui, d’une part, n’estpas conforme à la législation régio-nale et, d’autre part, est contraire àla tendance générale des États del’OAPI. Il est d’ailleurs fort probablequ’il s’agisse, hélas, d’un oubli.

Il convient aussi de relever queles textes récemment adoptés oumodifiés continuent, pour la majo-rité, à protéger les œuvres du folk-lore par les dispositions relativesau droit d’auteur. Le nouveau texteburkinabé ne cite plus les œuvresdu folklore parmi les créations pro-tégées par le droit d’auteur maisprévoit pour ces expressions undroit « sur les expressions du patri-moine culturel traditionnel ». Il s’agiten fait d’un simple changement for-mel car les règles applicables sont

exactement les mêmes que cellesque prévoyait l’ancien texte auxtermes duquel les œuvres du folk-lore étaient protégées par le droitd’auteur. Le législateur burkinabémaintient en tout cas la protectiondu folklore dans le texte sur la pro-priété littéraire et artistique. Quantà la loi béninoise, elle consacre untitre aux expressions du folklore etparaît les soumettre à un droit voi-sin du droit d’auteur. Mais la listedes œuvres protégées au titre dudroit d’auteur comporte toujours laréférence aux expressions du folk-lore.

Les textes modifiés après 1999prévoient également la protectiondes logiciels et des bases de don-nées.

b. Bénéficiaires de la protection

Les nouveaux textes ont subi,concernant la titularité des droits,l’influence du texte régional. Seul leTchad a conservé, sur ce point,l’approche personnaliste.

Alors que l’annexe VII de l’Accordde Bangui prévoit qu’une œuvrecréée dans le cadre d’un contrat detravail est présumée avoir été cédéeà l’employeur, le texte tchadien posele principe inverse. En effet, mêmeles créations salariées doivent fairel’objet d’une cession explicite, parécrit. Sur ce point précis, on peutestimer que le texte tchadien, commede nombreuses lois votées avant1999, n’accordent pas à l’auteurune protection moindre que celledu texte régional. En revanche, les

38 Sur ce point, voir : Laurier Yvon NGOMBÉ, «À propos de la supranationalité de la législationde l’organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) sur le droit d’auteur », (oct.2005) R.D.P.I. 9.

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nouveaux textes camerounais, béni-nois et burkinabé ont subi, dansune certaine mesure, concernantla création salariée ou sur com-mande, la même modification (oupresque) que le texte régional.

Il faut cependant préciser, sur cepoint, que le texte béninois prévoitune présomption de cession auprofit de l’employeur (art. 5, al. 4),alors qu’il dispose par ailleurs quel’existence ou la conclusion d’uncontrat de travail ou d’un contrat decommande «n’emporte aucune dé-rogation à la jouissance du droitd’auteur » (art. 2). Plus clair est letexte burkinabé qui prévoit quel’existence ou la conclusion d’uncontrat de commande n’emportepas dérogation à la jouissance dudroit d’auteur (art. 29). Ce principene concerne pas le contrat de tra-vail qui, lui, emporte présomptionde cession au profit de l’employeur(art. 30).

Aux termes de la loi tchadienne,la création dans le cadre d’un con-trat de travail n’a d’effet automati-que sur la titularité que pour ce quiconcerne les logiciels. Le droit d’au-teur sur ces œuvres appartient,sauf stipulation contraire, à l’em-ployeur (art. 19).

Concernant les œuvres cinéma-tographiques, les textes adoptés oumodifiés après 1999 sont confor-mes au texte régional. En effet, cestextes prévoient que l’œuvre audio-visuelle appartient à titre originaire

à ses créateurs intellectuels dontcertains bénéficient d’une présomp-tion simple39. Suivant en cela letexte régional, ces lois prévoientaussi que l’auteur de l’œuvre adap-tée est assimilé aux auteurs del’œuvre audiovisuelle. Sur ce pointla rédaction de certaines lois laisseperplexe. Ainsi, dans le texte béni-nois, cette assimilation concerne« les auteurs des œuvres préexis-tantes adaptées ou utilisées pourles œuvres audiovisuelles » (art. 30),ce qui peut considérablement allon-ger la liste des auteurs « assimi-lés »40.

c. Contenu et mise en œuvre de la protection

Parmi les changements notablesdans les nouveaux textes figure lamention, parmi les droits patri-moniaux, du droit de location et deprêt dans les lois burkinabé ettchadienne. Si la loi camerounaisene mentionne pas expressément ledroit de location, elle inclut impli-citement (au moins pour le droitd’auteur) le droit de prêt (consenti àtitre onéreux)41.

Les exceptions au droit d’auteur(et aux droits voisins), ont pour cer-taines, été précisées, dans l’espritdu texte régional. Ainsi, l’exceptionde copie privée a été davantage cir-conscrite dans les nouveaux textes.Il est désormais précisé qu’elle nes’applique pas à la reproduction departition, à l’intégralité d’un ouvrage

39 Voir : L.Y. NGOMBÉ, loc. cit., note 31, 337. 40 Pour une critique de cette « assimilation », voir id., 342 et suiv.41 Voir l’article 17 de la loi camerounaise qui mentionne, au titre du droit de distribution, la

location et « tout autre acte de mise à disposition à titre onéreux ».

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imprimé, à la reproduction d’œuvresarchitecturales, à une partie subs-tantielle d’une base de donnée42.

Les lois des États membres necomportaient que des dispositionsrelatives au contrat d’édition, aucontrat de représentation et aucontrat de production audiovisuelle.Le nouveau texte burkinabé a enplus, mais de manière laconique,prévu le contrat de commande pourla publicité.

Au nombre des changementssurvenus depuis 1999, il faut aussinoter l’exigence par certains textes,sous peine de poursuites judiciai-res, de l’apposition de vignettes (oustickers) délivrées par des sociétésde gestion collective. Ces vignettessont censées distinguer les exem-plaires licites des exemplaires pira-tes et contribuer ainsi à la luttecontre la piraterie. De nombreuxÉtats ont prévu cette exigence.Ainsi, le Mali, le Burkina Faso, laCôte d’Ivoire, le Togo43 et le Sénégalont, par voie réglementaire44, prévuce dispositif, mais non la loi tcha-dienne. Par contre, d’autres texteslégislatifs, hors de l’espace OAPI,ont prévu cette obligation d’apposi-tion de stickers45.

D’autres points des nouveauxtextes nationaux adoptés dans

l’espace OAPI méritent d’être évo-qués. Il s’agit de la durée de pro-tection et de la répression ducontournement des mesures tech-niques de protection.

Pour ce qui est de la durée de pro-tection, certains textes des États nesont pas conformes aux minima del’Accord de Bangui. Pour de nom-breux États, cela peut s’expliquerpar le fait que leurs lois n’ont passubi de modification depuis la révi-sion de l’Accord de Bangui. Tel estle cas du Gabon ou du Congo, parexemple. Peut-on alors invoquer,sur ce point, l’Accord de Banguidans les États membres, d’autantplus que le texte conventionnel estpostérieur au texte national46 ? Letexte nigérien paraît répondre clai-rement à la question en posantqu’« en cas de conflit entre les dis-positions de la présente ordonnanceet celles d’un traité internationalauquel est partie le Niger, les dispo-sitions du traité international serontapplicables ». En revanche, le douteest permis pour une loi postérieureà la révision de l’Accord de Bangui.La loi tchadienne, par exemple, neprévoit qu’une durée de protectionde 50 ans post publicationem, pourcertaines œuvres, alors que le texterégional prévoit une durée de pro-

42 Cameroun, Bénin et Burkina (sauf pour les partitions).43 Voir : Denis BOHOUSSOU, «Vers l’établissement d’un cadre juridique pour le fonctionne-

ment du système de “banderole” dans les pays francophones d’Afrique : Analyse des pro-grammes de “banderole” au Bénin, en Côte d’Ivoire et au Togo », dans Creative Ideas forIntellectual Property – The ATRIP Papers 2000-2001, Lausanne, CEDIDAC, 2002, p. 477.

44 Par des textes édictés par le gouvernement (et non par le parlement).45 Voir, notamment : LDA – Kenya (2001) section 36.46 Pour une discussion sur ce point, voir : Laurier Yvon NGOMBÉ, «Mise en œuvre du droit

d’auteur dans les États membres de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle etquestions de droit international privé », (2006-2) JDI-Clunet 563, plus particulièrement auno 16.

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tection de 70 ans pour les mêmesœuvres (ainsi l’œuvre collective)47.

Concernant la répression du con-tournement des mesures techniques,elle était prévue par la loi ivoirienneavant la révision de l’Accord deBangui (en des termes différents deceux prévus par l’accord). Depuisla révision de l’annexe VII de l’Accordde Bangui, la répression du con-tournement des MTP figure dans laloi camerounaise, dans la loi béni-noise et dans la loi burkinabé. Onrelèvera que la loi tchadienne (adop-tée en 2003) ne prévoit pas cetterépression pourtant prévue par l’an-nexe VII de l’Accord de Bangui.Sans doute le législateur tchadiena-t-il opté pour la prudence en dif-férant la transposition en droitinterne de cette « directive » du texterégional. La transposition de cetterègle dans les États membres devraintervenir à plus ou moins brefdélai.

Les nouvelles lois béninoise etburkinabé prévoient, notamment,la répression de la vente ou del’importation de dispositif ou desystème de contournement de me-sures techniques de protection. Elleréprime également la suppressionou la modification, sans autorisa-tion, des informations relatives aurégime des droits. Toutes ces in-fractions sont prévues par le texterégional. On relèvera dans les nou-veaux textes béninois et burkinabél’absence de répression de l’acte pré-cis de contournement des mesurestechniques de protection lui-même.

Les textes béninois et burkinabésemblent plutôt s’attacher (commele texte régional) à la répression dela fabrication et de la mise à dispo-sition des dispositifs de contourne-ment des MTP.

En revanche, la loi camerounaisevise l’acte même de contournementdes mesures techniques. En effet,aux termes de cette loi, c’est la «neu-tralisation frauduleuse » des MTPqui est réprimée (art. 81.1.d.)

Au chapitre des droits voisins, onsoulignera, dans le nouveau textebéninois, la protection du droit moralde l’artiste interprète pendant unedurée illimitée.

Relevons, enfin, que certains Étatsmembres ont ratifié les traités OMPI(WCT et WPPT) et que ces États de-vront se conformer non seulementaux dispositions impératives dutexte régional, mais aussi à ces deuxtraités. Ainsi, le Togo et le Gabon,parties aux traités de l’OMPI, de-vront, par exemple, prévoir desattributs d’ordre moral au profit,au moins, des artistes-interprètesd’œuvres musicales48.

II. Développements jurisprudentiels

Dans le cadre d’un bilan d’unetrentaine d’années, on aurait pus’attendre à avoir à compiler plu-sieurs centaines de pages de juris-prudence, à ployer sous la charged’une tâche difficile et passionnante.On aurait pu s’attendre à trouver,parmi une jurisprudence abondante,un florilège de décisions des diffé-

47 Comparé, par exemple l’article 41 LDA – Tchad avec l’article 25 de l’annexe VII de l’Accordde Bangui.

48 Art. 5 WPPT.

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rentes juridictions des États mem-bres de l’OAPI. Hélas, les décisions,dans ce domaine, sont encore rareset, parmi celles-ci, seules quelques-unes sont accessibles. Si la pressegénérale fait parfois écho à desaffaires retentissantes, les quelquesdécisions sur le droit d’auteur sontrarement, hélas, rapportées dansdes revues juridiques africaines.Preuve, ou indice en tout cas, del’intérêt encore insuffisant accordéà cette discipline par les juristesafricains. Quelques affaires fort in-téressantes, pour la plupart récen-tes, sont évoquées ici. En l’absencede juridiction régionale, il ne s’agitque de certaines décisions étatiques.

A

.

Plagiat (1 et 2) – antériorité de l’œuvre (preuve) (1 et 2) – originalité (1) – adaptation du folklore

1. Trib. 1

re

instance Cotonou, 8

e

ch. Civ. 8 avr. 1998

49

L’affaire opposait la chanteuseAngélique Kidjo à un compositeurbéninois. Le tribunal a reconnu lecaractère original de deux œuvresde ce dernier du seul fait de leur en-registrement à la SACEM: «Attenduque […] –ces deux œuvres ont étéenregistrées au répertoire de la So-ciété des auteurs compositeurs etéditeurs de musique (SACEM) […] –à partir de cet instant ces deuxœuvres acquièrent un caractèreoriginal et sont de ce fait protégées

en tant que droit de propriété in-corporelle […] ».

On ne peut déduire d’un tel enre-gistrement l’originalité d’une créationmusicale. En effet, cela conduirait àprésumer dépourvues d’originalitédes œuvres qui n’auraient pas étéenregistrées, ce qui irait à l’encon-tre du principe selon lequel l’œuvreest protégée du seul fait de sa créa-tion. Ce principe est clairementénoncé dans la loi béninoise.

On peut certes tirer des consé-quences de l’enregistrement d’unechanson au répertoire d’une sociétéde perception et de répartition desdroits. Ainsi, la date de l’enregistre-ment peut permettre d’apporter lapreuve de l’antériorité de la créa-tion

50

. Il aurait donc suffi au tribu-nal de relever les ressemblancesentre les deux œuvres, de déduirede l’antériorité de l’enregistrementdes œuvres à la SACEM l’antério-rité de leur création et d’en tirer lesconséquences

51

. Mais pour ce qui est de l’origi-

nalité de la première œuvre, elle estprésumée. L’auteur de l’œuvre atta-quée, dont les paroles et/ou la mu-sique sont identiques à la première,peut alors démontrer l’absence d’ori-ginalité de l’œuvre enregistrée an-térieurement. C’est d’ailleurs ce quetenta de faire en l’espèce AngéliqueKidjo qui, pour nier l’originalité desœuvres du demandeur, soutint quele demandeur n’avait fait que pui-ser dans le folklore béninois. Maiscet argument n’a pas convaincu les

49

(2002) 36-2

Bull. dr. auteur

63, commentaire H.G. Adoukonou.

50

C’est ce qu’a fait, en partie, le tribunal de Dakar dans l’affaire

Viviane N’dour

citée ci-après.

51

Encore que la date de leur publication soit aussi importante, notamment pour écarter toutepossibilité de rencontre fortuite.

06-Chronique-Ngombe Page 773 Lundi, 17. décembre 2007 3:08 15

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juges. En effet, relève à juste titre letribunal, bien qu’elles puisaientleurs paroles dans le folklore béni-nois, ces œuvres avaient été com-posées par la partie demanderesseet ne perdaient pas du seul fait decet emprunt leur caractère original.Il s’agit en fait dans ce cas d’uneadaptation du folklore et non d’unesimple interprétation du folklore.

L’adaptation du demandeur étantantérieure à celle de la défende-resse, on pouvait en déduire que laseconde œuvre copiait la première.

2. Trib. 1re instance Dakar, 23 juillet 2003, El Hadj Faye c. Viviane N’dour

L’affaire a été largement couvertepar la presse quotidienne sénéga-laise compte tenu de la célébritédes plaideurs. Le compositeur ElHadj Faye, auteur de la chansonBoubou ngary, reprochait à VivianeN’dour (Choriste de Youssou N’dour)de l’avoir plagié dans la chansonSammina figurant sur l’album de lachanteuse. Cette dernière contes-tait au demandeur la paternité del’œuvre qu’elle attribuait à un troi-sième «protagoniste », MadembaDiop. Ces arguments n’ont pas con-vaincu le tribunal. L’œuvre d’El HadjFaye avait été enregistrée au BSDAdès 1979, longtemps avant celle deViviane N’dour. C’est l’un des élé-ments de preuve ayant permis à lajuridiction dakaroise de juger qu’enl’espèce le plagiat était bien consti-tué et d’entrer en condamnation.La chanteuse a été condamnée à ver-ser 5 000 000 (soit environ 7 500euros) de francs CFA de dommages-intérêts au compositeur.

À la différence du tribunal deCotonou, le tribunal de Dakar a tiréde l’antériorité de l’œuvre présuméecontrefaite la preuve du plagiat allé-gué par le demandeur, ce qui estune démarche plus simple et pluscompréhensible d’un point de vuejuridique.

B. Contrat général de représentation – non respect par l’utilisateur – application de la clause pénale – exploitation au-delà du terme du contrat – dommages-intérêts

Cour d’appel de Dakar, arrêt no 412, 22 juillet 1982, Société Lagon II c. BSDA52

Dans cette affaire, un utilisateur(en l’occurrence une société gérantun hôtel débitant des boissons etdiffusant de la musique) du réper-toire administré par le Bureau sé-négalais du droit d’auteur (BSDA)n’avait pas respecté les clauses duContrat général de représentationle liant à la société de gestion col-lective. D’une part, la société LagonII n’avait pas procédé à la déclara-tion des œuvres diffusées, ce quiest une obligation stipulée par lecontrat général de représentation(le délai imparti pour procéder à ladéclaration étant de 10 jours) etsanctionnée par une clause pénale.D’autre part, ladite société a conti-nué à diffuser les œuvres du réper-toire du BSDA au-delà du terme ducontrat, alors qu’elle aurait dû endemander la reconduction. Le BSDAa demandé et obtenu, en premièreinstance, puis en appel, le paiement

52 C.A. Dakar, arrêt no 412, Société Lagon II c. BSDA, Revue EDJA, no 10, déc. 1988, p. 17.

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DROIT DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE COMPARÉ 775

des pénalités prévues par le con-trat général de représentation, soit310 676 francs CFA (environ 950euros)53, ainsi que des dommages-intérêts d’un montant de 50 000francs CFA (environ 154 euros)54.

C. Œuvre picturale, cession, droit moral

Tribunal civil et commercial de Libreville (Gabon), Mme Christine Rossano c. Société Sovingab55

Une artiste peintre avait été solli-citée par une société qui lui a achetéun de ses tableaux. La société acqué-reuse a fait cession dudit tableau àune tierce société. Cette dernière a,pour les besoins de sa publicité,utilisé le tableau comme support àla confection de calendriers. Ce quia conduit à la réduction du formatde l’œuvre et au retrait du nom del’artiste. Les calendriers ont faitl’objet d’une large diffusion, y com-pris dans des pays voisins. L’artistepeintre a alors assigné la sociétééditrice des calendriers aux motifs :– du préjudice subi du fait du

retrait de son nom et de la ré-duction du format de son œuvre ;

– de l’illicéité de l’acquisition dutableau par la société éditrice ducalendrier car la première sociétéacquéreuse n’était pas autoriséeà vendre le tableau.

La Cour a considéré que l’auteuravait cédé à titre onéreux ses droitsd’exploitation, mais avait, confor-mément à la loi de 1987, conservéses attributs d’ordre moral et intel-lectuel. Par conséquent, elle n’a faitdroit à la demande de l’artiste pein-tre qu’en ce qui concerne l’atteinteà l’intégrité de son œuvre, du fait desa réduction, et l’atteinte au droitau nom, du fait de son retrait.

Le jugement ne permet pas dedire si la cession du tableau parl’auteur était constatée par un écrit,ni, le cas échéant, si cet acte inter-disait les cessions ultérieures. Laloi gabonaise exige l’écrit pour toutecession d’œuvre. Le tribunal nedevait-il pas dès lors vérifier si cettecondition était remplie ? On peutpenser que, pour la juridiction ga-bonaise, l’écrit n’est exigé qu’adprobationem et qu’en l’espèce, lescirconstances permettaient de pen-ser qu’il y avait effectivement cessiondes droits au profit de la premièresociété. Pour autant, la seule exis-tence d’un contrat emportait-ellecession sans aucune limitation? Laloi gabonaise exigeant que l’éten-due de la cession soit précisée, lejuge du fond ne devait-il pas véri-fier si cette condition était remplie ?

53 En tenant compte du taux de conversion entre francs CFA et francs français à cette époque.54 En tenant compte du taux de conversion entre francs CFA et francs français à cette époque.55 Rapporté par A. APOUNGO (sans précision de date) dans Académie sur la mise en œuvre

des droits de propriété intellectuelle À l’attention des magistrats des pays en développementde droit continental, Paris et Genève, mai 2000 et 2001, OMPI 2002, p. 95.

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D. Contrefaçon – débit d’ouvrages contrefaisants

1. Trib. 1re instance Bamako, commune IV, Ch. correctionnelle, 16 novembre 2004, Ministère public c. A. Landouré, A. Yattara, M. Sidibé et T. Cissé

Le célèbre chanteur malien SalifKéïta découvre un jour sur le mar-ché une cassette portant pour titre« les meilleurs de Salif Kéita ». Lemusicien porte alors plainte contrele producteur de la cassette mise àla disposition du public sans sonaccord, contre un complice du pro-ducteur, ainsi que contre deux agentsdu Bureau malien du droit d’auteur(BMDA) soupçonnés d’avoir per-mis, en connaissance de cause,l’apposition des vignettes d’authen-tification (ou stickers)56. Suite à undésistement d’instance du musi-cien, le litige n’oppose plus que leministère public aux différents pré-venus.

Le tribunal a jugé que les deuxagents du BMDA poursuivis étaientde bonne foi et a prononcé leurrelaxe. En revanche, le producteuret son complice ont été jugés cou-pables de contrefaçon57 et con-damnés à trois mois de prison avecsursis et 30 000 F CFA (soit environ46 euros) d’amende.

2. Trib. 1re instance Ouagadougou, 19 juillet 2005, Ministère public, BBDA c. S. Compaoré et Cons.

Cette affaire médiatisée a permis,entre autres, de relever les limitesdu système des vignettes d’authenti-fication dans la lutte anti-piraterie.Une opération conjointe de la gen-darmerie et du bureau burkinabédu droit d’auteur (BBDA) a permisla saisie de plus de 12 000 CD, VCDet DVD piratés. La saisie effectuéea aussi porté sur des exemplairesrégulièrement munis des stickersdélivrés par le BBDA. À l’audience,le représentant du BBDA a expli-qué qu’il avait fallu procéder ainsicar les contrefacteurs disposaientgénéralement de quelques exemplai-res licites parmi la masse d’exem-plaires contrefaits. Le ministèrepublic a distingué, parmi les pré-venus, entre les grossistes qui vontacquérir des exemplaires illicitesdans des pays limitrophes et lessimples revendeurs. Seuls les pre-miers, a-t-il relevé, sont contrefac-teurs. Par conséquent seule a étérequise la condamnation des gros-sistes à une peine de six mois deprison avec sursis ainsi que la con-fiscation des œuvres saisies. Leverdict du tribunal est plus sévèreque les réquisitions du ministèrepublic. D’une part, les revendeursont, comme les grossistes, été con-damnés pour contrefaçon. D’autrepart, la peine prononcée est plussévère : un an de prison avec sursis

56 Ces vignettes sont censées garantir la licéité des exemplaires sur lesquels elles sont appo-sées.

57 Notamment, car ils étaient également jugés pour d’autres chefs d’inculpation.

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ainsi que des dommages-intérêtsd’environ quatre millions de francsCFA au total (soit un peu plus de6 000 euros). Il s’agit d’une déci-sion exemplaire, et néanmoins con-forme à la loi burkinabé, dont onpeut espérer un impact pédago-gique.

III. Enseignement du droit d’auteur

Sur ce point, on peut distinguerentre les efforts accomplis par lesÉtats et ceux que l’on peut consta-ter au niveau de l’institution régio-nale.

A. Efforts nationauxOn aurait pu penser que trente

ans après l’adoption d’un texterégional sur la propriété littéraire etartistique, le droit d’auteur seraitune matière enseignée, au mini-mum, dans toutes les universitésdes États membres. Tel n’est, mal-heureusement, pas encore le cas.Des efforts restent donc à accom-plir sur ce point.

Néanmoins, quelques universitésdes États de l’espace OAPI ont fran-chi le pas, souvent avec l’appui oul’aide de l’UNESCO. Le droit d’auteurest ainsi enseigné au Cameroun etau Burkina Faso. Au Cameroun,cette matière a même fait l’objet derecherches doctorales. Cela mérited’être souligné car c’est un effortconsidérable sur le chemin de lasensibilisation à ce sujet.

Dans de nombreuses universitésde l’espace OAPI, la propriété litté-raire et artistique n’est hélas pasencore enseignée. Ceci prouve, dansune certaine mesure, que le degréde sensibilisation à cette branchedu droit est encore insuffisant, y

compris dans la sphère décision-nelle.

Si des efforts méritent d’être ac-complis au sein des universités, ilen faut tout autant dans d’autresétablissements d’enseignement telsque ceux se rapportant à l’art ou àla culture. Quelques heures de sen-sibilisation dans les écoles de beaux-arts, par exemple, ne seraient pasinutiles.

Au-delà de la formation, c’est àune sensibilisation massive qu’ilfaudrait penser. Celle-ci pourraitpasser notamment par des mes-sages en langue vernaculaire, surles ondes, dans des émissions con-sacrées à l’art ou à la culture.

B. Efforts régionauxAu niveau régional, les efforts

relatifs à l’enseignement du droitd’auteur sont plutôt récents, mêmesi la formation en droit d’auteur (et,d’une manière générale, en droit dela propriété intellectuelle) s’inscritdans les missions de l’OAPI depuis1977. Cette dernière a inauguré en2005 un Centre de Formation enpropriété intellectuelle qui porte lenom de l’ancien directeur de l’OAPI,Denis Ekani ; il est désigné sousl’abréviation CFDE (Centre de For-mation Denis Ekani). La forma-tion assurée par le centre régionals’adresse aux acteurs concernésdes États membres.

En 2006, le comité scientifiquedu CFDE a notamment inscrit àson ordre du jour la question del’harmonisation de l’enseignementde la propriété intellectuelle dansles États membres. Il est certainqu’une telle harmonisation seraplus facile à atteindre concernantle droit uniforme de la propriété

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industrielle. En effet, pour le droitd’auteur, s’il n’est pas impossibled’y arriver, le niveau d’harmonisa-tion sera sans doute moins élevéque pour la propriété industrielle.

La mission formative de l’OAPIdoit se conjuguer avec sa missioninformative. C’est la raison pourlaquelle il est souhaitable qu’elleredouble d’effort dans la sensibili-sation sur le droit d’auteur. L’undes moyens pour y parvenir seraitde contribuer à la publication,aussi bien des décisions des tribu-naux relatives à la propriété intel-lectuelle, que d’études consacréesà cette discipline.

IV. Gestion collectiveL’installation des sociétés de ges-

tion collective a été plutôt lentedans les États de l’OAPI. Un Étatfait du moins exception. Il s’agit duSénégal dont le bureau du droitd’auteur a été institué dès 1972.Dans une majorité des autres Étatstout au moins, les bureaux de droitd’auteur ont été créés dans lesannées 80 et ont bénéficié d’uneaide considérable de la SACEM58.La Société des auteurs et compo-siteurs de musique continue d’ail-leurs à apporter son expertise et àfaire bénéficier de sa longue expé-rience de nombreuses sociétés degestion collective africaines.

Les États de l’OAPI avaient alorsopté pour la création d’organismesparapublics chargés de la gestioncollective des droits d’auteurs. Sices organismes existent toujours

dans la majorité des États membres,un changement majeur est néan-moins intervenu au Cameroun. Eneffet, à la faveur de la révision del’ancienne loi, le législateur came-rounais a prévu deux nouveautés.La première est relative au nombrede sociétés de gestion collective. Laseconde concerne la forme de cessociétés. La nouvelle loi camerou-naise opte, en effet, pour une formeprivée et pour plusieurs sociétésspécialisées59. L’ancienne sociétéunique, la SOCADRA (Société came-rounaise du droit d’auteur), avait,suite à d’énormes difficultés, dû êtremise en liquidation. En républiquecentrafricaine, la dissolution du Bu-reau centrafricain du droit d’auteur(BUCADA) a été décidée en 2005.En Côte d’Ivoire, une modificationdu Bureau ivoirien du droit d’auteur(BURIDA) est envisagée, depuis leprintemps 2006, par le ministrechargé de la culture mais rencontreune vive opposition des artistes(musiciens principalement). La modi-fication envisagée porte sur la trans-formation du BURIDA (associationprofessionnelle sous tutelle de l’État)en une entreprise publique à carac-tère industriel et commercial quiserait dénommée Office national dudroit d’auteur (ONADA). Au Béninon relèvera un léger changement,sans doute sans conséquence. Eneffet, l’article 11 de l’ancienne loidéfinissait le Bureau béninois dudroit d’auteur (BUBEDRA) commeun établissement public à carac-tère professionnel, alors que la loi

58 V.N. N’DIAYE, « L’évolution du droit d’auteur en Afrique depuis les révisions de 1971 dansles conventions de Berne et de Genève », (oct. 1994) 162 R.I.D.A. 227.

59 Pour plus de détails, voir : Ch. SEUNA, « Les organismes de gestion collective au Cameroun »,(juill.-sept. 2004) e-Bull. dr. auteur.

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de 2006 le définit comme un éta-blissement public à caractère cul-turel.

Dans le cadre de la présente chro-nique, nous ne commenterons pasces changements ou ces projets dechangement de la nature des orga-nismes chargés de la gestion col-lective. Relevons simplement quecertaines difficultés semblent attri-buées à la nature même de cessociétés. Les solutions envisagéessont différentes. En Côte d’Ivoire,les autorités souhaitent renforcerle rôle de l’État en transformantl’organisme actuel en établissementpublic. Au Cameroun, le législateura opté pour la forme privée de cesorganismes.

Ces trente dernières années ontaussi été marquées par une actualitétumultueuse des sociétés d’auteur :constats d’échec et tentatives deredressement notamment par lesmodifications de formes des socié-tés d’auteur, querelles de personneset incompréhensions des usagers.Ainsi, au Congo, la redevance récla-mée aux « lieux sonores ambulants »a été mal comprise par les exploi-tants utilisant les œuvres du réper-toire du Bureau congolais du droitd’auteur (BCDA).

Les organismes de gestion collec-tive des États de l’OAPI ont, pen-dant longtemps, éprouvé d’énormesdifficultés à percevoir les redevan-ces dues par les utilisateurs publicsde leur répertoire, tels que les radioset les télévisions nationales. Depuisquelques années (particulièrementdepuis 2000-2001), de nombreu-ses télévisions nationales s’enga-

gent de plus en plus à régulariserleurs situations vis-à-vis des socié-tés d’auteurs. Ces engagements nesemblent pas, hélas, toujours tenus.C’est ainsi que, par exemple, en2006 la presse camerounaise a faitétat de la polémique opposant, surce sujet, la Cameroun Music Cor-poration (CMC) à la télévision pu-blique camerounaise. Cette dernièredéclarait avoir versé des sommesvivement contestées par la sociétéde gestion collective.

Les sociétés de gestion collectivede l’espace OAPI font égalementl’objet de critiques de la part desauteurs et interprètes. Ces derniersreprochent aux sociétés d’auteurleur irrégularité dans le versementdes droits.

On relèvera aussi une lacune, etpas la moindre, concernant l’exis-tence même des organismes de ges-tion collective. Ainsi, au Tchad, cen’est qu’en 2003, dans la nouvelleloi, qu’est envisagée la créationd’un Bureau du droit d’auteur.

Il n’en demeure pas moins que,d’une manière générale, les socié-tés de gestion collective existantesdans l’espace OAPI sont loin d’êtrepassives. Certaines mènent de nom-breuses actions de sensibilisation,d’autres n’hésitent pas, dans lecadre de leur mandat et de leursattributions légales, à intenter desactions en justice60. Toutes, ou pres-que, se livrent, avec les moyensdont elles disposent, à une lutteaussi acharnée que possible contrela piraterie (particulièrement desœuvres musicales et audiovisuel-les), véritable fléau en Afrique.

60 Voir, supra, II.B. et II.D.2.

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V. Lutte contre la piraterieIl suffit de faire ses emplettes

dans un marché d’une grande villeafricaine pour y voir, sur des étala-ges ou entre les mains de vendeursambulants, des CD ou des DVDdont une proportion importante estillicite. Le phénomène est depuislongtemps décrié, mais jamais en-digué. Les quelques actions menéesjusqu’ici n’ont pas abouti aux ré-sultats escomptés.

L’apposition des vignettes holo-grammes (stickers)61 devait consti-tuer une arme redoutable contre lapiraterie. Les premiers bilans sem-blaient satisfaisants puisque cer-tains bureaux de droit d’auteuravaient constaté une augmentationde la perception des droits de re-production mécanique. Ce moyende lutte contre la piraterie a com-mencé à montrer ses limites. Eneffet, on a déjà pu constater dansde nombreuses capitales africainesdes falsifications de ces stickers.

Dans certains États membres del’OAPI, des Comités de lutte contrela piraterie ont également vu le jour.Ces comités réunissent générale-ment tous les acteurs intéressés,du policier au douanier, en passantpar les entrepreneurs de la culture.

Par ailleurs, les services desdouanes et les organismes de ges-tion collective organisent de tempsen temps des « opérations coup depoing ». Ceci ne suffit pas à enrayerle phénomène. Les acteurs intéres-

sés ne baissent cependant pas lesbras. De nombreux séminaires ré-gionaux sont organisés dont le butest aussi bien de sensibiliser lepublic que d’échanger des idées surles moyens de lutte contre la pira-terie.

D’une manière général, on s’ac-corde sur un point : l’implicationinsuffisante des autorités concer-nées.

Il faut aussi, selon nous, déplorerune utilisation insuffisante de l’arse-nal législatif par les premières per-sonnes intéressées, qu’il s’agissedes producteurs ou des créateurs.Sans doute faut-il aussi ajouter àcela la lenteur de la justice.

Néanmoins, il nous semble bienque ces dernières années les effortsaccomplis sont tout de même per-ceptibles.

** *

De nombreuses lois, particulière-ment celles qui n’ont subi aucunemodification surtout après 1999,sont aussi bien en déphasage parrapport à l’évolution technologiqueou juridique internationale62 qu’auxdispositions impératives du texterégional. Indépendamment mêmedes questions relatives aux récentsdéveloppements de la technologieet du droit international, sur denombreux points un effort d’har-monisation reste à accomplir63. Onpeut déplorer, d’une manière géné-

61 Voir, supra, I.B.2.c.62 Voir, notamment : Denis L. BOHOUSSOU, « La conformité à l’accord ADPIC des lois relatives

au droit d’auteur : le cas des États membres de l’OAPI », (2001) Penant 269.63 Voir : Laurier Yvon NGOMBÉ, « Le droit d’auteur dans les États membres de l’organisation

africaine de la propriété intellectuelle : une harmonisation inachevée? », (janv.-mars 2005)e-bull. dr. auteur.

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rale, une lenteur dans la transposi-tion des dispositions régionales, demême que l’absence de mécanis-mes contraignants au niveau del’OAPI.

Les lois existent dans la majoritédes pays. Là où elles existent, ellessont appliquées mais moins qu’ellesne devraient l’être. On note néan-moins, petit à petit, une mise enœuvre plus fréquente de la protec-tion de la propriété littéraire etartistique. On peut dire que le bilande ces trente premières années estplutôt mitigé. Le défi pour les Étatsde l’OAPI sera surtout, dans lesmois et les années qui viennent,nous semble-t-il, d’une part de for-mer davantage les juristes et lesacteurs culturels et, d’autre part,d’appliquer plus souvent les textes.

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