Article éval_Revue Fiduciaire 1996

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  • 8/2/2019 Article val_Revue Fiduciaire 1996

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    Lvaluation dentreprise

    Jean-Florent Rrolle1

    out actif, quil soit financier ou physique, a une valeur quil est essentiel de mesurer.

    Cet exercice dvaluation est naturellement indispensable si lon se place dans une

    perspective dinvestissement ou de dsinvestissement. Il est galement vital lorsquon

    sinscrit dans une logique de gestion de la valeur. La valeur devient alors un indicateur permanent de

    la performance de gestion de lquipe dirigeante. Cette conception de la valeur nest pas encore trs

    rpandue en France o lintrt social sert souvent dalibi aux dirigeants pour dnier aux

    actionnaires le droit dexiger le respect de leur intrt. Aux Etats-Unis, de nombreux dirigeants ont

    t remercis par leurs actionnaires qui leur reprochaient davoir insuffisamment fait fructifier les

    fonds qui leur avaient t confis. Nous pensons quavec lapparition des fonds de pension

    amricains sur le march financier franais, cette proccupation viendra rapidement au premier plan

    en France.

    De nombreuses entreprises pensent que lvaluation dentreprise est un ensemble de techniques quil

    est apparemment ais de manipuler pour aboutir la valeur que lon souhaite obtenir. Cette vision

    cynique, laquelle ne sopposent pas en gnral les praticiens, nest pas celle que nous

    dvelopperons. Dune part, parce quil est facile de remettre en cause une valuation qui ne

    respecterait ni des standards professionnels minimaux, ni la logique financire. Dautre part, il est

    moins important de trouver LA valeur que de comprendre les ressorts de sa formation, pour mieuxles matriser par la suite. Il convient de rester humble face la complexit de la valeur dun actif, tout

    en exerant son professionnalisme dans son analyse. Cest ce prix que lon peut viter les

    mauvaises dcisions de gestion2.

    Lobjectif de ce dossier est de dcrire la problmatique de lvaluation moderne en insistant sur les

    aspects les plus critiques de son application concrte3.

    I. Lvaluation : typologie et choix des mthodesA.Remarques pralables

    1. Le processus dvaluation lui mme est plus important que la valeur finale laquelle il permetdaboutir. Cest en effectuant consciencieusement lvaluation que lanalyste comprendra comment

    se forme la valeur de lentreprise, quels sont ses lments cls de performance, ses points faibles et

    ses atouts concurrentiels. Une valuation bien faite doit logiquement dboucher sur des pistes

    damlioration de la gestion de lentreprise. Cette philosophie nous conduit habituellement carter

    toute mthode simpliste.

    1 Associ Ernst & Young Corporate Finance. Responsable de lactivit Value Based Management (Evaluation dentreprises et gestion de la valeur). Il

    enseigne la finance HEC et lESCP .

    2 Dans une tude portant sur 116 programmes dacquisition entre 1972 et 1983, le cabinet McKinsey a dcouvert quun nombre trs faible dacquisitions

    dentreprises stait rvl tre un succs (23%). Dans 61% des cas, la valeur actuelle nette de lopration avait t ngative. Une analyse plus

    approfondie des ressorts de la valeur aurait certainement permis dviter cette situation.

    3 Compte tenu de labondante littrature qui existe sur ce sujet, nous avons pris le parti de dvelopper essentiellement les points que lexprience a rvl

    tre les plus mal compris ou les plus mal appliqus par les praticiens. Pour une description dtaille des diffrentes mthodes, il existe dexcellents

    ouvrages comme celui de Didier Pne, Evaluation et prise de contrle de lentreprise , tome 2, Economica, 1990, ou celui de McKinsey, La

    Stratgie de la valeur , Interditions, 1991.

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    2. La meilleure faon de calculer la valeur dune entreprise est encore de regarder quel est soncours de bourse. Comme on le verra par la suite, les marchs sont efficients. De nombreuses tudes

    ont montr quil est impossible de battre constamment le march, que les investisseurs se comportent

    de manire sophistique, et quils ont souvent une meilleure analyse que les directions gnrales

    elles-mmes.

    Il est cependant utile de procder lvaluation dune entreprise cote pour mettre en vidence lesanalyses implicites des investisseurs, ou bien simuler limpact que pourrait avoir telle ou telle

    initiative sur le cours de bourse ( la condition quelle fasse lobjet dun signal suffisamment

    explicite pour le march). En ce qui concerne les entreprises non cotes, le travail dvaluation a

    pour but dessayer de reconstituer lanalyse laquelle se livreraient implicitement des investisseurs si

    lentreprise faisait lobjet dune cotation.

    3. On fait frquemment la distinction entre le prix et la valeur. - Cette distinction est assezartificielle dans la mesure o, si une entreprise peut faire lobjet dune acquisition un certain niveau

    de prix, les investisseurs doivent logiquement tenir compte de la probabilit de cette opration dans

    leur calcul dvaluation. Plus on se rapprochera de cette hypothse de reprise, plus la valeur se

    rapprochera du prix potentiel.

    A tout moment, il est possible de dresser plusieurs scnarios quant la rentabilit future de

    lentreprise. Tel scnario sera fond sur des hypothses de croissance pessimistes, tel autre prendraen considration un relvement de la marge conomique, tel autre enfin retracera les consquences

    dune reprise de lentreprise par un concurrent, etc. Chaque scnario peut tre affect dune

    probabilit doccurrence. La valeur dune entreprise est gale la somme actualise de ses cash

    flows futurs pondre par leurs probabilits doccurrence.

    4. Une valuation est un exercice dat. - Une valuation seffectue compte tenu dun certainnombre dinformations sur lentreprise et son environnement. Le moindre changement affectant la

    profitabilit future de lentreprise ou les conditions conomiques gnrales (inflation, taux dintrt,

    ....) se traduira invitablement par des modifications quelquefois profondes dans la valeur de

    lentreprise.

    A.Typologie des mthodes.

    On peut classer les diffrentes mthodes en fonction de deux axes : le fondement thorique de

    lapproche (vision comptable ou vision conomique), et ses caractristiques opratoires (approche

    intrinsque ou extrinsque).

    1. Le fondement thorique. - on appellera vision comptable celle qui considre que la valeur

    dune entreprise est principalement le reflet de son rsultat net. Dans sa conception la plus simpliste,

    elle soutient que les ractions des investisseurs sont lies de manire quasi mcanique aux

    changements dans le rsultat net, le dividende, ou encore lactif net.

    Les mthodes conomiques considrent que la valeur dune entreprise dpend avant tout de ses cash

    flows disponibles actualiss par un taux reprsentatif du risque encouru par lentreprise. Elles

    examinent autant le rsultat dexploitation que la capacit de lentreprise gnrer ce rsultat avec

    aussi peu de capitaux que possible.

    2. Les caractristiques opratoires . - lapproche intrinsque sattache apprcier la valeur delentreprise partir dlments internes, indpendamment de toute rfrence des entreprises

    similaires. Lapproche extrinsque repose sur lanalyse dentreprises comparables pour lesquelles

    une valorisation de march est disponible (cotation ou transaction rcente) et partir de laquelle sont

    dtermins des critres dvaluation applicables lentreprise valoriser.

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    Le tableau suivant prsente les diffrentes mthodes dvaluation en fonction de ces deux grandes

    segmentations.

    Intrinsque Analogique

    Comptable Actif net, Actif net rvalu,

    Goodwill, Bates, PER thorique

    PER, Modle de Holt, Multiple du

    chiffres daffaires, de la situation

    nette, Dlai de recouvrement

    Economique Cours, Cash flows actualiss,

    Profit conomique, Options

    Multiples du cash flow, de

    lexcdent brut dexploitation, de

    lexcdent net dexploitation, de

    lactif conomique

    B.Le choix des mthodes

    Une ou plusieurs mthodes ? _ Lidal est bien entendu de pouvoir valuer lentreprise en utilisantplusieurs approches. Cest dailleurs ce qui est recommand par les autorits boursires ou

    ladministration fiscale. Pour sduisante quelle paraisse, lapproche multi-critres soulve cependantdans son principe quelques objections mthodologiques. En effet, elle part du principe que les

    rsultats des diffrentes approches doivent tre trs diffrents. On est alors conduit en faire une

    moyenne simple ou pondre pour obtenir le rsultat final, opration dont la rigueur financire est

    pour le moins douteuse4.

    En ralit, sur le plan thorique, lapplication des diffrentes mthodes doit dboucher sur un rsultat

    proche. Ce cas de figure sobserve toujours lorsque lapplication des mthodes est rigoureuse 5. Dans

    ces conditions, lintrt dune approche multi-critres systmatique nous parat limit.

    Le choix des mthodes est souvent dict par les contraintes matrielles auxquelles lanalyste se

    heurte dans son travail, que ce soit des contraintes de dlai, ou des contraintes informationnelles.

    Trop souvent, les directions gnrales saperoivent au dernier moment quil est ncessaire de

    conduire une valuation, ou doivent la raliser dans des conditions peu propices la rflexion

    (opration dacquisition ou de cession). Par ailleurs, linformation qui est la matire premire de cetype dexercice manque parfois cruellement. Il en est ainsi des business plans qui reprsentent le

    socle de toute approche srieuse. Mme sil existe des documents prvisionnels, ceux-ci sont soit

    confidentiels (pour lacheteur), soit trop anciens, soit encore insuffisamment arguments.

    Cependant, mme sil existe dexcellentes raisons pour simplifier lexercice dvaluation, voire

    mme le bcler comme nous le voyons trop souvent, la conscience professionnelle doit nous

    conduire refuser ce type de situation et demander les moyens ncessaires pour mener une

    diligence dvaluation qui nous permette de rdiger un rapport avis6 et circonstanci.

    4

    Comment par exemple marier des approches aussi diffrentes que lactif net avec une approche fonde sur la rentabilit ? Soit lentreprise est capablede dgager une rentabilit suffisante dans lavenir, auquel cas sa valeur dcoule avant tout de ses rsultats futurs. Soit on la juge incapable de rmunrer

    les capitaux qui sy investissent, et auquel cas une approche liquidative peut tre concevable.

    5 Il a t dmontr plusieurs reprises que lapplication de mthodes dvaluation diffrentes devait ncessairement conduire au mme rsultat ...

    condition que lon applique correctement les mthodes usuelles (Voir Jean-Florent Rrolle, Evaluation dentreprise : comment viter les liaisons

    dangereuses entre les taux et les mthodes ? , Banque & Marchs, Mai-juin). Naturellement, cette remarque ne couvre pas les recettes ( rules of

    thumb ) qui sont parfois utilises dans lvaluation dentreprise de tel ou tel secteur.

    6 On observe encore trop souvent en France des rapports dvaluation de complaisance. Comme aux Etats Unis ou en Grande Bretagne, cette pratique

    devrait disparatre terme avec des mises en causes de plus en plus nombreuses des experts les moins dlicats.

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    La logique tant celle de lconomie de march et de la thorie financire moderne, il est prfrable

    de privilgier les mthodes conomiques intrinsques, puis dexaminer dans un second temps les

    rsultats auxquels conduit lapplication de mthodes complmentaires dans le but de conforter ou

    dclairer les premiers rsultats.

    1. Les mthodes conomiques intrinsques doivent tre privilgies pour des raisons thoriques et

    pratiques.

    a) Elles refltent davantage le comportement des investisseurs. Lobjectif dune valuation est dimiter

    le comportement du march. De nombreuses tudes ralises sur les marchs financiers occidentaux7

    ont montr que ce comportement est rationnel.

    Il sinscrit dans le cadre dun march que la thorie qualifie de semi-efficient , ce qui signifie que

    la valeur des titres dune entreprise reflte toute linformation disponible du moment. Pour

    linvestisseur, la valeur dun actif est gale la somme actualise des flux (dividendes et cession de

    lactif) quil espre en retirer dans le futur. Les recherches qui ont t menes ont montr que le

    march :

    tient compte des perspectives long terme contenues dans les dcisions dinvestissement des

    entreprises,

    est capable de faire la distinction entre les politiques qui augmentent la valeur de lentreprise et

    celles qui la dtruisent,

    ne tient pas compte des changements de principes comptables qui affectent artificiellement le

    rsultat net sans avoir dimpact sur le cash flow de lentreprise.

    b) Elles obligent lanalyste sinterroger sur les ressorts de la valeur. La capacit dune entreprise a

    dgager une rentabilit suffisante dans le futur est bien entendu incertaine. Elle doit donc tre

    analyse le plus finement possible pour mesurer opportunits et risques. Parce quelles mettent en

    vidence les hypothses principales sur lesquelles le management sappuie pour faire son pari sur

    lavenir, les mthodes reposant sur des projections de rsultats sont les seules qui permettent

    danalyser et de comprendre les ressorts de la valeur dune entreprise.

    2. Les autres mthodes doivent tre utilises avec prcaution.

    a)Les mthodes analogiques doivent tre systmatiquement testes en analysant correctement la naturedes entreprises ou des transactions ayant servi lexercice. Elles sont cependant trop simplistes pour

    donner lieu des analyses de sensibilit qui permettraient de mieux comprendre le comportement de

    la valeur de lentreprise tel ou tel changement dhypothse8.

    b) Le recours des mthodes statiques comme les approches purement comptables (actif net ou actif

    net rvalu) ne peuvent tre vraiment utiles lanalyste :

    les retenir suppose implicitement que les actifs en place dgagent et dgageront lavenir une

    rentabilit exactement gale celle exige par les investisseurs, ce qui est pour le moins arbitraire ;

    la porte des mthodes comptables doit tre trs relativise, car elles comportent des

    inconvnients importants (voir p.) : elles sont sensibles aux choix comptables ; elles ignorent les

    notions de risque et de temps ; elles reposent sur des hypothses dexploitation sous-jacentes

    simplistes ; et enfin, elles sont faiblement corrles avec les observations empiriques.

    7 Lessentiel de ces tudes a t ralis aux Etats-Unis. Il serait trop long den reproduire ici la liste. Le lecteur est invit se reporter aux bibliographies

    abondantes donnes dans tous les bons manuels de finance . Voir par exemple louvrage de rfrence de Pierre Vernimmen, Finance dentreprise ,

    Dalloz, 1994.

    8 Il est toujours surprenant de constater que les chefs dentreprise acceptent souvent des valuations simplistes ( ralises grce des formules dont la

    logique financire apparat peu claire), alors mme quils se plaisent rpter que leur entreprise est unique et quelle ne peut se rduire un modle

    aussi complexe soit-il.

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    II. La prparation et lanalyse des donnes ncessaires lvaluation

    Une tape dcisive

    Le recueil des informations et leur analyse sont plus quun pralable la mise en uvre des

    techniques dvaluation. Cette phase sinscrit dans une perspective de gestion de la valeur qui veut

    que lentreprise dispose sans cesse des donnes stratgiques, industrielles, commerciales et

    financires utiles pour valuer (ou comprendre) la valeur de march des actifs mis en place par le

    management.

    Face ses actionnaires, le rle dune direction est avant tout de grer des actifs. Les indicateurs de

    gestion ne sont pertinents que dans la mesure o ils permettent de juger de la capacit du

    management raliser ses objectifs. Lobjectif suprme tant de maximiser la valeur des apports des

    actionnaires, lindicateur suivre de manire permanente est la valeur de lentreprise. Pour une

    entreprise cote, cest une tche aise. Pour la socit non cote, ltablissement de cet indicateur est

    plus dlicat. Pour les deux types dentreprises, une meilleure comprhension des lments cls de la

    valeur est le pralable une amlioration de la gestion dans lintrt des actionnaires.

    Cependant, avant mme la mise en uvre des mthodes, ce sont le recueil de donnes et le travail

    analytique conduit sur ces donnes qui offrent le plus dopportunits damlioration de la gestion.

    Cest cette occasion que le management peut sinterroger sur ses objectifs moyen et long

    termes, sur les opportunits stratgiques que lui offre le secteur, sur ses capacits industrielles,

    commerciales et financires datteindre ces objectifs.

    Les donnes ncessaires llaboration du business plan.

    Donnes stratgiques, industrielles et commerciales. - Le recueil et lanalyse de ces informationsconstituent la phase la plus critique dans lvaluation dune entreprise

    9. Il est impossible danalyser

    convenablement tant le pass que les projections dune entreprise si lon nest pas mme de les

    replacer dans une perspective stratgique. Dans ce cadre, les informations recueillir visent :

    identifier les diffrents segments stratgiques de lentreprise et qualifier leur maturit

    stratgique ;

    analyser pour chacun dentre eux la dynamique concurrentielle (pouvoir des fournisseurs, des

    clients, menace de nouveaux entrants et de produits de substitution, influences sociales, rivalits

    intersectorielles ...). Tir de Stratgor 10, le schma ci-aprs illustre les diffrentes dimensions de

    lanalyse stratgique ;

    9 On peut considrer que 85% du temps dvolu lvaluation doit porter sur lanalyse stratgique et financire (actuelle et prospective), les 15% restants

    tant consacrs au choix des mthodes et leur mise en uvre.

    10 Ecrit par le corps professoral dHEC, Strategor (InterEditions, 1993) est, dans le domaine de lanalyse stratgique, une rfrence incontournable.

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    FOURNISSEURS

    CONSOMMATEURS

    Matires

    Premires et

    MarchandisesTechnologies Services

    Pouvoirs

    Publics

    V.P.C.

    Grand

    public

    et forces

    sociales

    Rseaux

    gnralistes

    Rseaux

    spcialiss

    Nouveaux

    Entrants

    Produits de

    Substitution

    Rivalit

    Intersectorielle

    Menaces

    Influences

    Pouvoir de

    march

    Pouvoir demarch

    Salaris

    runir de linformation sur les principaux concurrents afin de comprendre leur stratgie. Si des

    socits comparables sont cotes, il importe de runir linformation boursire la plus riche possible.

    Celle-ci permettra ultrieurement de constituer un chantillon des fins de comparaison (mise en

    oeuvre de mthodes analogiques, et mesure du risque systmatique pour calculer le taux

    dactualisation) ;

    porter un jugement sur la capacit de lentreprise ou du segment stratgique analys btir des

    avantages comptitifs de nature satisfaire aux lments cls de succs que toute entreprise doitrespecter. A cet gard, il faut non seulement sinterroger sur la capacit du management

    restructurer son portefeuille dactivits (downsizing), adopter des amliorations permanentes dans

    sa gestion et reconfigurer ses processus (reengineering), mais aussi mesurer sa volont et son

    aptitude rinventer le secteur et rgnrer ses stratgies11.

    Donnes financires

    Les donnes historiques sont gnralement disponibles. Elles sont importantes pour comprendre

    comment lentreprise sest comporte dans le pass, comment elle a ragi face aux volutions

    concurrentielles, quelle a t la modification de sa structure financire au cours du temps, etc. Elles

    doivent tre compltes par des donnes financires sur les principaux concurrents de lentreprise.

    Les donnes prospectives sont essentielles. La valeur dune entreprise dpend avant tout de sa

    profitabilit future. Lvaluateur doit donc se procurer un business plan de lentreprise valuer.Bien souvent, lentreprise na pas tabli de projections, ou celles-ci sont trop anciennes pour tre

    exploites srieusement. Dans ces conditions, lvaluation fournit une occasion unique pour le

    management de se pencher sur le devenir stratgique et financier de lentreprise.

    11 Voir G.Hamel et CK Prahalad, la conqute du futur , ERPI, 1995.

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    Parfois, lentreprise refuse dlaborer ces projections sous prtexte que son activit est trop volatile

    ou trop incertaine. Cette situation soulve deux remarques. Tout dabord, il ne faut pas se mprendre

    sur lutilit des projections : elles ne peuvent en aucun cas tre considres comme une

    reprsentation fidle de lavenir. Il sagit seulement de faire, linstar de tout investisseur, un pari sur

    le ou les scnarios les plus probables. Lutilisation dun taux dactualisation risqu tient compte de

    lincertitude du niveau de rentabilit future. Par ailleurs, rares sont les entreprises dont les

    performances sont volatiles au point de ne pouvoir donner lieu aucune projection. Toutefois, si lonse trouve rellement face une activit de cette nature, lentreprise doit au moins essayer dtablir un

    compte de rsultat normatif pour lanne venir12

    .

    A. Le diagnostic financier.1. Lanalyse financire.

    Lvaluation dune entreprise repose essentiellement sur ses perspectives davenir. Il est cependant

    important de faire prcder lvaluation dune analyse financire. Les analyses financires classiques

    sont dune faible utilit pour lvaluateur. Trop statiques, elles napportent pas denseignements pour

    la prise de dcision. Lapproche doit tre plus dynamique dans ses finalits (a), ses outils (b), et sa

    mise en uvre (c).

    a) Finalits. - Dans une perspective dvaluation, les questions auxquelles lanalyse financire doitrpondre sont principalement au nombre de quatre :

    Les objectifs financiers et les stratgies de l'entreprise sont-ils cohrents avec sa nature

    (dmarrage, croissance rapide, maturit, dclin) et la situation de l'industrie (position comptitive) ?

    Les stratgies de l'entreprise l'aideront-elles atteindre ses objectifs financiers ?

    La structure financire de l'entreprise est-elle compatible avec ses objectifs ? (Quels sont les

    effets financiers des dcisions stratgiques de l'entreprise ?)

    Comment le management peut-il augmenter la valeur de l'entreprise, et par l, celle du patrimoine

    de ses actionnaires ?

    Lobjectif de lanalyse est de formaliser les liens qui existent ncessairement entre les stratgies de

    lentreprise et sa dynamique financire. La mise en vidence de ces liens permettra de mieuxexaminer le business plan et de porter une apprciation sur son caractre raliste ou raisonnable.

    b) En ce qui concerne les outils de lanalyse financire, il n'existe probablement aucun modlefinancier capable de rsoudre tous les problmes de gestion. Les modles du pass ont reu les plus

    vives louanges pendant leur priode de grandeur avant d'tre remplacs par d'autres toujours plus

    modernes. Depuis vingt ans, il y a eu ainsi une prolifration de thories et de modles, mais aucun

    n'a t considr universellement correct. Cependant, beaucoup de concepts invents par ces

    modles restent d'actualit et recouvrent des principes qui n'ont pas chang depuis des dcennies.

    Nous pensons que l'approche la plus adapte consiste reprendre les meilleurs et les intgrer au sein

    d'une approche oprationnelle, c'est--dire tourne vers la prise de dcision. A cet gard, deux

    modles13 nous semblent particulirement utiles : la matrice de positionnement stratgique et le

    modle de croissance soutenable.

    12 Voir le rapport dErnst & Young Corporate Finance, expert indpendant lors de lOPR obligatoire de la BIP (Les Echos, 16 novembre 1994).

    13 Ces deux outils sont la base dune mthodologie danalyse financire et dvaluation mise au point par Ernst &Young Corporate Finance. Ce dossier

    est largement inspir de cette mthode.

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    La matrice de positionnement stratgique14 offre une grille de lecture puissante pour comprendre

    les liens entre la position stratgique dune activit et ses caractristiques financires. On peut rpartir

    les entreprises en quatre catgories : en dmarrage, en croissance rapide, en maturit et en stagnation.

    Ces diffrentes phases sont lies entre elles par une logique dvolution laquelle lentreprise peut

    difficilement chapper.

    Le schma qui suit prsente les principales caractristiques de ces quatre catgories dentreprises.

    Les critres utiliss sont les suivants : le type de croissance, la source de la croissance, le facteur clde succs essentiel, la structure concurrentielle, le risque oprationnel, le risque financier, la structure

    financire, la capacit de gnration de cash flow, et enfin, lobjectif politique essentiel de

    lentreprise.

    Croissance forte, linaire

    Expansion du march

    FCS : Implantation commerciale

    Concurrence forte

    Risque oprationnel fort

    Risque financier faible

    Capitaux propres >= Dette

    Cash flow ngatif ou positifCroissance

    Croissance exponentielle

    Acceptation du march

    FCS : technologie

    Concurrence faible, volatile

    Risque oprationnel trs fort

    Risque financier trs faible

    Capitaux propres > Dette

    Cash flow ngatifSurvie

    Croissance faible

    Erosion concurrentielle

    FCS : Productivit

    Leaders stables

    Risque oprationnel moyen

    Risque financier moyen

    Capitaux propres =< Dette

    Cash flow positif

    Prennit

    Croissance nulle ou ngative

    Miracle

    FCS : Cots

    Oligopole

    Risque oprationnel faible

    Risque financier fort

    Capitaux propres < Dette

    Cash flow ngatif ou positif

    Survie

    Croissance rapide Dmarrage

    StagnationMaturit

    Le point cl de la matrice stratgico-financire est que ces quatre types d'entreprises sont dans des positions financires

    fondamentalement diffrentes et doivent donc avoir des stratgies financires et des objectifs financiers totalement distincts.

    Lentreprise qui scarte durablement de la logique financire dans laquelle la place sa situation stratgique risque de connatre

    bientt une situation difficile, tant il est vrai que lexprience montre que les moyens financiers sont une condition essentielle de

    la russite stratgique dun projet.

    14 Lanctre de cette matrice a t invente par le cabinet de stratgie McKinsey qui analysait la position stratgique dune entreprise en fonction de deux

    critres : la part de march relative et la croissance sectorielle. Il sagit ici dune matrice sensiblement diffrente car elle est labore partir de multiples

    critres dont les principaux ont t reproduit dans le schma qui suit. Elle nest pas mcanique, mais vise uniquement enrichir la rflexion stratgique et

    financire que lon doit dvelopper au cours dune valuation.

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    Le modle de croissance soutenable, cre depuis plusieurs dcennies par la firme Du Pont de

    Nemour, le modle de croissance soutenable met en vidence lensemble des leviers dont dispose

    lentreprise pour crer les conditions financires propices un dveloppement stratgique

    harmonieux.

    Rotation de l'actif

    Actif economique

    Chiffre d 'affaires

    Chiffre d'affaires

    Marge nette

    Rsultat net

    X

    Rentabilit nette

    Rsultat net

    Actif economique

    Levier

    Fonds pr. clt.

    Fonds pr. ouv.

    X

    Rentabilit financire

    Rsultat net

    Fonds pr. clt.

    Facteur de croissance

    X

    Croissance soutenable

    Rsultat net mis en

    rserve

    Fonds prop. ouv

    Croissancefonds propres

    Rsultat net

    Fonds pr. ouv.

    Taux de rtention

    Rsultat net mis en

    rserve

    Rsultat net

    X

    Actif conomique

    Fonds pr. clt.

    La marge nette reprsente lefficacit de la gestion du management, tandis que la rotation de lactif

    illustre son efficience. Le produit de ces deux ratios dbouche sur la rentabilit nette qui est un

    indicateur essentiel, en particulier pour les entreprises en croissance rapide. De son importance

    dpend la capacit de lentreprise sendetter pour crotre, capacit qui se calcule grce au levier.

    En multipliant la rentabilit nette par le levier on obtient un indicateur financier essentiel pour une

    entreprise en maturit : la rentabilit financire. Son importance est le gage dune politique de

    distribution significative, cohrente avec ltat stratgique de lentreprise.

    Lintgration du taux de rtention permet de calculer le taux de croissance soutenable qui est le taux

    auquel lentreprise peut crotre de manire harmonieuse (sans changement des principaux paramtres

    oprationnels ou financiers, cest--dire la rentabilit nette, le levier et le taux de rtention restant

    identiques).

    Mise en uvre. - Sur la base de ces deux modles il est possible de mener une analyse financiredynamique qui comporte idalement cinq grands volets :

    une description de la position stratgique de lactivit valuer qui permet den dduire les

    caractristiques financires thoriques de lentreprise ;

    une revue analytique des performances de lentreprise compares celles de ses principaux

    concurrents (niveau des marges, de rentabilit, politique de financement, croissance potentielle ...).

    Ces performances et leurs volutions doivent tre rapproches des caractristiques financires

    thoriques dfinies pralablement ;

    une analyse de sensibilit. La mise en uvre de modles simplifis utilisant la logique du

    modle de croissance soutenable permet de simuler, toute chose gale par ailleurs, la sensibilit desrsultats cls de lentreprise la modification dune variable donne (amlioration de 1% du prix de

    vente moyen, du volume de vente moyen, du cot des ventes moyen, des cots fixes ...) ;

    une tude du point mort du rsultat net et du cash flow. Le point mort est le niveau de volume

    des ventes actuelles qu'il est ncessaire d'assurer pour avoir un rsultat net gal 0. L'analyse de

    point mort prsente les relations qui existent entre le chiffre d'affaires total et les cots fixes (en

    proportion des cots variables). Il dtermine dans quelle mesure le point mort pourrait changer si

    l'entreprise modifiait son ratio charges fixes / charges variables. En outre, une analyse de point mort

    est applique au cash flow. Elle permet de dire jusqu' quel point une entreprise qui dgage un cash

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    flow positif peut se permettre de voir son volume baisser avant que ce cash positif ne disparaisse.

    Pour les entreprises qui ont un cash flow ngatif, elle montre dans quelle mesure le volume des

    ventes doit augmenter avant que ne soit atteint un cash flow positif ;

    une analyse de la dimension financire des choix stratgiques. Aprs avoir examin la sensibilit

    des rsultats de l'entreprise, le management est en mesure de dterminer quels sont les lments cls

    de performance (ECP) sur lesquels il faut agir en priorit pour atteindre les objectifs financiers. Cette

    analyse prsente les relations qui existent entre les lments principaux composant les lments clsde rsultats (ECR).

    Par exemple, la rentabilit nette = marge nette x rotation des actifs. Diffrentes combinaisons de marge nette et de rotation des

    actifs peuvent tre choisies par le management pour maintenir ou accrotre la rentabilit nette de l'entreprise.

    Cest dans cette phase que les liens entre la finance et la stratgie doivent tre mis jour comme le

    montre le schma ci-contre.

    Elts cl de performance

    Stratgie et

    gestion du

    management

    Action

    Changement dans :

    Prix de vente moyen

    Volume des ventes

    Cots de production

    BFRActifs immobiliss

    Dettes / Fonds propres

    Changement dans :

    Marges

    Chiffre d'affaires

    Cots

    Frais gnraux

    BFR

    Structure financire

    Cash flow

    Rsultat net

    Marge nette

    Rotation des actifsRentabilit nette

    Rentabilit financire

    Ratio d'endettement

    Effet

    Mesure

    Objectifs

    financiers du

    management

    Elts cl de rsultats

    Lanalyse permet alors douvrir des discussions avec le management, discussions qui devront

    s'orienter sur la latitude dont il dispose ou les contraintes qu'il devra affronter pour modifier l'un ou

    l'autre de ces ECR15. Par exemple, si l'entreprise est oblige de baisser ses prix de ventes, elle ne

    pourra maintenir sa rentabilit nette qu'en accroissant d'un certain montant la rotation de ses actifs.

    15 Lvaluation est un processus itratif. Ses qualits finales reposent en grande partie sur la capacit de lanalyste engager un dialogue efficace avec le

    management.

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    2. Lanalyse des projections (le business plan)

    Sil est trs difficile pour un valuateur externe de valider un business plan, il est en revanche

    indispensable den vrifier sa cohrence financire, et dexaminer si les hypothses dexploitation

    qui ont t retenues sont raisonnables. Cette analyse doit tre complte par celle du risque

    spcifique encouru par lentreprise.

    a) Les caractristiques du business plan.La dure. Le choix dune dure du business plan dpend de plusieurs lments, en particulier les

    donnes disponibles, et de la longueur du cycle de lindustrie concerne. Cependant, lide centrale

    est que le business plan doit couvrir une dure aussi longue que possible. Une priode de trois ans est

    un minimum, la dure optimale tant cinq ans. A lissue de la priode, lentreprise doit avoir atteint

    une certaine stabilit (croissance faible, structure concurrentielle cristallise, milieu dun cycle, etc.),

    afin que lanalyste puisse faire reposer ses calculs de valeur terminale sur des formules simplifies.

    Les donnes: afin de pouvoir contrler le caractre raisonnable des hypothses et la cohrence

    financire dun business plan, il est indispensable de disposer non seulement des comptes de rsultat

    prvisionnels, mais galement des bilans et des plans de financement prvisionnels. Trop souvent les

    projections qui sont effectues par les entreprises sarrtent au compte de rsultat (voire au rsultat

    dexploitation), rendant tout contrle de cohrence impossible. Par ailleurs, certaines hypothses

    doivent tre clairement prcises, en particulier lvolution des volumes vendus, du prix moyen et ducot des ventes moyen.

    Le business plan doit tre exprim en valeur nominale. Certes, sur le plan conceptuel, rien ne

    soppose ce que les donnes financires des projections soient dflates (en valeur relle). Il faut

    alors prendre un taux dactualisation galement dflat pour tre cohrent. Cependant, lexercice de

    projection est beaucoup moins sr. En effet, les lments dun compte dexploitation ne subissent

    pas tous la mme drive inflationniste, alors que le taux ne peut tre dflat que dun seul

    pourcentage.

    Si lon veut absolument raliser une valuation en francs constants, il est ncessaire de faire dabord des projections en francs

    courants, puis de dflater chaque ligne du business plan par un taux dinflation spcifique, et enfin, dappliquer aux cash flows

    rels ainsi obtenus un taux dactualisation dflat. Toutes ces oprations ne font que compliquer lexercice. Cest la raison pour

    laquelle il est conseill davoir recours un business plan exprim en valeur courante.

    La modlisation. Lensemble des donnes disponibles doit faire lobjet dune modlisation

    destine vrifier la cohrence du business plan et tester la sensibilit des rsultats aux

    changements des principales variables dexploitation. A cet gard, deux cueils doivent tre vits :

    celui de llaboration dun modle trop complexe, et celui du recours un modle standardis.

    Il est souvent tentant de chercher modliser de la manire la plus complte possible le

    fonctionnement conomique de lentreprise faisant lobjet de lvaluation. Trs satisfaisant et

    rassurant pour lesprit, cette pratique peut rapidement dboucher sur des erreurs de conception

    grossires. En effet, le modle subira inluctablement des modifications au fur et mesure de

    ltude. Il est alors frquent que certaines hypothses choisies initialement ne soient pas modifies.

    Un modle trop compliqu ne peut pas tre matris convenablement par lanalyste.

    Le second cueil est celui du recours un modle standardis : cette tentation interdit par dfinition

    toute prise en compte des spcificits de lentreprise, alors mme que lobjectif de lanalyse est de

    mieux comprendre comment elle construit (ou peut construire) des avantages comptitifs.

    Il faut donc raliser un modle simple, mais qui comprenne les principales variables cls de lexploitation :

    Variables oprationnelles : le chiffre daffaires rsultat dun mix prix/volume, le cot des ventes rsultat dun mixvolume/prix dachat, les dterminants des cots variables, les paliers de frais fixes, les drives des cots, les lments du BFR, les

    investissements ncessaires, et la politique damortissement.

    Variables financires : la politique dendettement et les taux dintrts, la politique de distribution, les augmentations decapital.

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    a) La revue du Business plan. - La crdibilit des projections sera dautant plus forte quelles aurontt tablies par une entreprise ayant un processus de planification rod et ayant fait ses preuves. Il

    conviendra cependant dexaminer quel fut lcart entre les estimations passes et les ralisations.

    Au del, il importe de faire subir au Business plan une revue analytique approfondie afin den

    dceler les incohrences et didentifier les approximations.

    A noter

    Les premires annes sont naturellement critiques. Certes, il est frquent que lvaluation repose largement sur une valeur

    terminale. Cependant, cette dernire est directement issue des annes prcdentes. On oublie trop souvent la sensibilit des

    rsultats et du cash flow aux principales variables dexploitation : la valeur de lentreprise est frquemment aussi sensible, toutes

    choses gales par ailleurs, une diminution de 1% du taux dactualisation qu une augmentation de 1% du niveau de prix

    moyen de la premire anne de la projection. Il est beaucoup plus important danalyser les volumes et les prix de vente des deux

    ou trois premires annes que de consacrer plusieurs jours dterminer le niveau de risque systmatique de lentreprise qui

    permettra de calculer prcisment le taux dactualisation.

    Lobjectif ici nest pas de dcrire les nombreuses diligences quil convient dexercer lorsque lon

    examine un business plan. Cependant, quelques principes doivent tre rappels :

    La primaut de lanalyse stratgique. Lvolution de lactivit et de la rentabilit de lentreprise

    doit tre en ligne avec le diagnostic stratgique ralis pralablement. Ainsi, une entreprise en

    croissance rapide peut-elle difficilement accrotre la fois la rotation de son actif conomique et samarge nette. Tout cart par rapport aux ralits stratgiques doit tre expliqu.

    Le ralisme oprationnel. Lanalyste doit acqurir une comprhension intime des liens

    oprationnels qui existent entre les diffrentes variables de lactivit. La construction du modle

    financier est un des moyens les plus efficaces pour atteindre cet objectif. En effet, il est difficile de

    raliser un modle sans sinterroger sur tous les aspects conomiques et financiers de lentreprise :

    cette phase de lvaluation a donc une vertu disciplinaire primordiale. Cependant, le bon sens et

    lexprience restent essentiels. Le benchmarking constitue galement un moyen de tester la

    cohrence interne dun business plan. En examinant la structure et la dynamique financires

    dentreprises du mme secteur (ou prsentant une problmatique conomique similaire), il est

    possible de discerner le champ du possible et du ralisable pour valider les hypothses du business

    plan.

    Le ralisme financier. Trop souvent les entreprises conoivent des plans de dveloppement quinintgrent pas la dimension du financement. Il est toujours instructif de regarder lvolution de la

    dette ou de lactif conomique lorsque lon se trouve devant des projections ambitieuses en termes de

    chiffre daffaires et de rentabilit. Bien souvent la dette fond rapidement jusqu' devenir ngative en

    quelques annes, ou bien, lissue de la priode de projection, lactif immobilis est gal 0 !

    Lexamen du financement de lactivit permet frquemment de remettre en cause des hypothses

    trop optimistes.

    b) La prise en compte du risque intrinsque.Comme on le verra ultrieurement, le risque systmatique (sensibilit des rsultats de lentreprise aux

    variations du march) est intgr au niveau du taux dactualisation. Le risque intrinsque (spcifique

    lentreprise) peut tre apprci grce trois approches suivantes :

    La technique de larbre de dcisionest utilise lorsque les dcisions sont squentielles et

    correspondent des choix qui peuvent tre effectus par tapes dans le temps. Les embranchementsde larbre correspondent soit une dcision de lentreprise (investissement ou non), soit un tat de

    la nature (succs ou chec dune recherche). La slection de la stratgie optimale seffectue de la

    manire suivante : a) calcul de la valeur des feuilles de larbre ; b) chaque embranchement

    correspondant un tat de la nature, on calcule lesprance mathmatique des gains ; c) chaque

    embranchement correspondant une dcision du management, on choisit la branche offrant la

    meilleure solution (optimisation de la valeur)16

    .

    16 Pour plus dinformation sur cette technique, voir par exemple Brealey et Myers, Principles of corporate finance , Mc Graw Hill, 1996.

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    La mthode des scnarios consiste simuler les consquences de diffrents vnements sur la

    valeur actuelle de l'investissement : entre d'un concurrent ou apparition d'un produit de substitution,

    chec dans le lancement d'une ligne de produit, augmentation brutale du prix d'une matire premire

    essentielle, changement dans la rglementation, etc. ...La mthode des scnarios permet de procder

    une analyse de la sensibilit des cash flows aux variations des lments cls de rentabilit. Ces

    vnements doivent affecter profondment la structure de l'industrie ou la rentabilit de l'entreprise

    ou du projet.

    Il ne faut pas se mprendre sur ce type dexercice : un scnario n'est pas une prvision, mais une

    situation future possible.

    Pour chaque scnario une analyse de sensibilit 17est mene sur les lments cls de la rentabilit du

    projet, comme une chute des prix ou des volumes, une augmentation non anticipe des cots, ou

    encore une modification de la structure des cots (charges variables/charges fixes).

    Sur le plan thorique, il conviendrait de retenir lensemble des scnarios les plus probables, et pour

    dterminer la valeur de lentreprise, daffecter leur rsultat dun coefficient de probabilit

    doccurrence.

    La mthode de Monte Carlosystmatise l'approche des scnarios. Les scnarios ne permettent

    d'analyser qu'un nombre limit de combinaisons de variables. La mthode de Monte Carlo permet deprendre en considration toutes les combinaisons possibles, lobjectif tant de dfinir la distributionde probabilits des cash-flows du projet. Les tapes de la mthode de Monte Carlo sont les

    suivantes :

    Dfinition des variables cls (chiffre d'affaires, cots ...) ;

    Identification des facteurs d'influence qui vont affecter les variables cls (part de march, prix de

    vente ...) ;

    Dfinition de l'incertitude par une distribution de probabilits pour chaque variable cl ;

    Mise en vidence des liaisons fondamentales : identification des liens temporels (influence de

    l'anne 1 sur l'anne 2) pour chaque variable, identification des liens entre les variables cls ;

    Lancement du programme de simulation : Slection alatoire (par l'ordinateur) de valeurs pour

    chaque variable cl et calcul du cash flow pour le jeu de donnes ainsi retenu. Cette procdure est

    rpte systmatiquement ;

    Analyse des rsultats : pour chaque anne on dispose du cash flow moyen, de la distribution de

    probabilit de ces cash flows, et de la probabilit que ces cash flows soient compris dans une certaine

    fourchette.

    Cette mthode appelle naturellement de nombreuses critiques dont les principales sont les suivantes :

    elle est trop chre et trop coteuse pour les petits projets dinvestissement ; le modle qui doit tre

    construit pour son application peut tre trs complexe ; elle ne peut prendre en compte toutes les

    interdpendances qui existent entre les variables cls ; dans une approche humaine , un grand

    nombre de scnarios nauraient jamais t pris en compte. Ces critiques expliquent la faible

    utilisation pratique de cette mthode.

    17 Il faut encore insister sur limportance des analyses de sensibilit ; dans une tude ralise sur 2463 entreprises aux Etats-Unis, le cabinet McKinsey a

    mesur l'impact sur le rsultat d'exploitation, toutes choses tant gales par ailleurs, d'une amlioration de 1% du prix (+11,1%), de 1% du cot variable

    (7,8%), de 1% du volume (+3,3%) et de 1% des frais fixes(+ 2,3%). Voir Harvard Business Review sept.-oct. 1992

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    II. Les approches conomiques intrinsquesA. Le cours de bourse

    Lorsque lentreprise valuer est cote, lapproche par le cours est naturellement la plus vidente, etla plus simple utiliser : elle consiste retenir la valeur dtermine par le march financier. On peut

    galement utiliser le cours de bourse de manire indirecte pour procder lvaluation dune filiale

    ou dune activit18 dune socit cote.

    Une mthode pleinement justifie. - La rfrence donne par le march financier est sur le planthorique la meilleure. Comme on la dit prcdemment, lobjectif de lvaluation est dimiter le

    comportement de linvestisseur. Pourquoi recourir une (ple ?) copie lorsque lon peut profiter de

    loriginal ?

    Cette position est quelque fois remise en cause sur le plan thorique et rejoint les critiques adresse

    au march financier : (a) le march financier serait myope (short-termist), (b) les investisseurs

    sintresseraient avant tout aux rsultats comptables, (c) le cours dune entreprise reflterait la valeur

    de quelques transactions minoritaires.

    Le march financier nest pas myope.Lhypothse defficience du march soppose cette vision. Sil en allait diffremment, les investisseurs long terme pourraient

    profiter de la sous-valuation des entreprises de croissance (investissements importants raliser), ou de celles prsentant un

    PER lev, ou encore de celles ayant un faible rendement. Par ailleurs, les investisseurs ragissent positivement une

    augmentation des investissements, ou un programme de R&D. Enfin, le march ragit rapidement et correctement une OPA.

    Les indicateurs court terme qui sont habituellement utiliss comportent des informations sur les perspectives davenir de

    lentreprise. Il en est ainsi de la politique de dividendes : les modifications de dividendes suivent les variations long terme des

    rsultats soutenables. De mme, les investisseurs tiennent compte dans les annonces de rsultats de la pratique du lissage

    (flexibilit comptable et comportements des directions). Enfin, comme nous le verrons ultrieurement, les PER incorporent des

    lments long terme (croissance, exigence de rentabilit ...) En dehors de ces signaux, le march cherche anticiper lavenir : il

    existe donc dautres sources dinformation utilises pour valoriser les entreprises.

    Les investisseurs ne sont pas dupes des ajustements comptables que lentreprise peut effectuer pour masquer des volutions

    dfavorables ou lisser des rsultats trop fluctuants (comptabilisation des stocks, amortissements, R&D, provisions, charges

    rpartir...). On a pu constater que le march interprte le contenu informationnel de ces modifications. Tout dabord, seuls les

    changements de mthodes comptables ayant un impact sur les cash-flows ont une incidence sur le cours (par exemple celles quipermettent des conomies fiscales). Ensuite, les modifications de politique comptable permettent parfois davoir des indications

    sur les perspectives de rentabilit future de lentreprise. Enfin, en cas de mauvaise interprtation (mthodes comptables

    expliques ultrieurement dans lannexe), lajustement des cours est toujours trs rapide.

    Le cours dune entreprise ne reflte pas la valeur de quelques transactions minoritaires , contrairement ce que lon croit

    gnralement. Deux raisons peuvent expliquer une transaction. La premire est celle dun besoin de liquidit : il sagit de

    linvestisseur qui vend ses actions car il souhaite placer diffremment ses fonds. La seconde, dcoule dun traitement de

    linformation : linvestisseur constate que lentreprise est insuffisamment valorise. Lexistence dinvestisseurs professionnels

    la recherche dopportunits permet de compenser celle dinvestisseurs non informs et motivs par des considrations de

    liquidit. La courbe de la demande pour une action est une ligne horizontale : les prix sont dtermins par linformation (et sa

    qualit) que les investisseurs les plus puissants dtiennent sur la valeur intrinsque de lentreprise.

    18 Il sagit l dune dmarche similaire celle de lapproche analogique (voir plus loin). En tout tat de cause, lorsque lon value une partie dune

    entreprise cote, il est toujours ncessaire de comparer le rsultat obtenu avec le cours actuel, et de vrifier si la diffrence entre la capitalisation boursire

    et la valeur de lactivit value pourrait tre raisonnablement retenue pour la partie non value.

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    Malgr les tudes qui ont fait la preuve de lefficience des marchs financiers, cette qualit reste

    encore largement mconnue. Il faut sans doute attribuer ce manque de reconnaissance au fait que

    march fait souvent preuve de plus de sagacit que les dirigeants eux mmes, ce qui peut tre

    agaant... Linformation disponible est mieux interprte par le march que par lentreprise (les

    dirigeants sont par nature optimistes, et ils ignorent frquemment comment se forment les cours des

    titres cots). Les marchs ont une vision long terme : ils intgrent immdiatement linformation

    disponible (la nouvelle et ses consquences sur la profitabilit de lentreprise). Naturellement, on nepeut pas leur reprocher de ne pas intgrer une information non divulgue. Enfin, le march financier

    est plus habile que ses commentateurs (les commentaires des analystes ont une porte toute relative

    sur les cours).

    1. La mise en uvre de lapproche

    Comment les actions sont-elles values ? Les investisseurs dterminent la valeur des actions en

    actualisant, dune part, les dividendes quils esprent recevoir tout au long de la dtention du titre, et

    dautre part, la valeur de revente attendue de ce mme titre, par un taux reprsentatif de leur exigence

    de rentabilit.

    La formule consacre est la suivante (la valeur de revente du titre disparat dans la mesure o celle-ci est elle mme fonction dela chane de dividendes futurs) :

    i =1

    n

    Prix =

    Div i

    (1+t i

    Un certain nombre de prcautions doivent cependant tre prises lorsque lon souhaite utiliser un

    cours pour valoriser une entreprise. Il faut tout dabord tre sr que le cours soit significatif. Il

    importe dexaminer le nombre de transactions journalires. Si ce nombre est trop faible, mieux vaut

    carter toute rfrence la valeur de march du titre.

    Mais la vritable question quil faut se poser est la suivante : existe-t-il des informations qui ne sont

    pas connues du public, et dont la diffusion aurait un impact sur le cours ? Si la rponse est ngative,

    lefficience des marchs joue son rle, et toutes les informations disponibles aujourdhui sont

    correctement intgres dans le cours actuel. Si la rponse est positive, il existe mcaniquement un

    cart entre le cours de bourse et la valeur intrinsque de lentreprise valuer. Il faut alors utiliser des

    mthodes dvaluation qui cherchent expliciter le raisonnement et les hypothses des investisseurs.

    B. Lactualisation des flux de liquidits disponibles (ou cash-flowsdisponibles).

    1. Prsentation gnralea) Dans une approche financire rigoureuse, la mthode de lactualisation des cash-flows doit tre

    retenue de manire prioritaire. Il sagit de la transposition de la mthode classique de la Valeur

    Actuelle Nette utilise dans le cadre de dcisions dinvestissement. Dans cette perspective, la valeur

    dun actif, quel quil soit, est gale la somme actualise des cash-flows quil sera capable de

    gnrer au cours de sa vie. On entend par cash flow le flux de liquidits disponibles pour

    linvestisseur, cest--dire aprs financement des investissements et des besoins en fonds de

    roulement ncessaire pour poursuivre la croissance de lactivit.

    Cette mthode est bas sur le principe de la sparation des dcisions oprationnelles et des dcisions

    purement financires : on investit avant tout parce quun projet est intrinsquement rentable, et non

    par ce quun montage financier habile permet dobtenir la rentabilit dsire. Lendettement,

    condition quil reste raisonnable apporte un supplment de valeur lentreprise : la valeur de

    lentreprise endette est gale la valeur de la mme entreprise non endette plus la valeur des

    conomies fiscales gnres par la structure financire.

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    b) Trois grandes approches sont possibles

    Lvaluation par les cash flows disponibles pour les apporteurs de fonds. Cette mthode consiste

    dterminer la valeur de lentreprise (valeur de march de lactif conomique) en additionnant la

    valeur actuelle des cash-flows disponibles futurs pendant la priode de projection celle de la valeur

    terminale de lentreprise lissue de cette mme priode. Cette valeur est calcule partir de cash-

    flows hors dette (sans prise en compte des frais financiers). Afin de dterminer la valeur des fonds

    propres, il convient de retrancher la valeur de lentreprise celle de lendettement au moment delvaluation. Compte tenu de la nature des cash-flows, le taux dactualisation doit tenir compte de

    lexigence de rentabilit des diffrents apporteurs de fonds (actionnaires et crancier) : cest le cot

    moyen pondr du capital qui est utilis.

    Lvaluation par le profit conomique19. Le Profit Economique est la diffrence entre le rsultat

    dexploitation aprs impts et une charge capitalistique qui est destine rmunrer les apporteurs de

    fonds. Cette charge capitalistique se calcule en multipliant lactif conomique douverture20 par le

    cot moyen pondr du capital. La valeur de lentreprise est alors gale lactif conomique mis en

    place au jour de lvaluation, auquel doit tre ajoute la somme actualise des profits conomiques

    futurs (ceux de la priode de projection explicite et ceux qui seront dgags postrieurement et qui

    servent calculer la valeur terminale). Comme pour la mthode prcdente, il convient de retrancher

    le montant de la dette actuelle pour obtenir la valeur de march des fonds propres. Cette mthode

    doit aboutir au mme rsultat que la prcdente.

    Lvaluation par les cash flows disponibles pour lactionnaire. Dans le cadre de cette approche,

    les flux de liquidits utiliss sont ceux revenant en totalit lactionnaire. Ils sont donc calculs non

    seulement aprs financement des investissements et des modifications du BFR, mais galement aprs

    paiement des frais financiers, et variation de lendettement net. Actualiss au cot des fonds propres,

    ces flux de liquidits permettent dobtenir directement la valeur de march des fonds propres de

    lentreprise.

    c) Dautres approches sont concevablesLa mthode de la valeur actuelle nette ajuste

    21 consiste calculer la valeur de lentreprise hors

    endettement, puis y ajouter la valeur des conomies fiscales futures. Pour ce faire, les flux de

    liquidits dexploitation avant prise en compte de lendettement, mais aprs impts et financement

    des besoins en fonds de roulement et des investissements, sont actualiss au cot des fonds propres

    hors dette. Le montant des conomies fiscales prvues dans le business plan est quant lui actualisau cot de la dette avant impts. La somme des deux valeurs est gale la valeur de lentreprise. En

    retranchant la valeur de lendettement, on obtient la valeur de march des fonds propres.

    19 Le profit conomique recouvre le mme concept que la Valeur Ajoute Economique (Economic Value Added) popularis au Etats Unis par le cabinet

    Stern Stewart.

    20 On rappelle que lactif conomique est compos des immobilisations nettes, et du besoin en fonds de roulement.

    21 Cette mthode est indispensable lorsque le levier de lentreprise se transforme profondment au cours du temps : cest le cas pour les entreprises

    faisant lobjet dun LBO. Dans cette situation, il nest pas appropri dutiliser un cot moyen pondr du capital unique pour lensemble de la priode.

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    Un modle simplifi peut tre utilis. Il sagit du modle de Modigliani Miller dont le point de

    dpart est le rsultat dexploitation aprs impts. Ses fondements conceptuels peuvent tre

    reprsents par le schma suivant :

    Taux

    d'investis.

    Rsultat

    dette nulle

    Capital

    investi

    RCI

    Nouveaux

    investiss.

    RNI

    Dure

    avantage

    comptitif

    CMPC

    Rs. dette

    nulle

    Valeur des

    opportunits

    de croissance

    Valeur de

    l'entreprise

    Valeur pr-

    stratgique

    La valeur dune entreprise est gale la valeur de ses actifs en place (valeur pr-stratgique) plus

    celle des opportunits de croissance quelle est capable de saisir dans le futur.

    La valeur pr-stratgique peut sanalyser comme le rsultat dette nulle (rsultat dexploitation aprs

    impts, lui mme rsultat de la rentabilit sur les capitaux investis aujourdhui) actualis linfini par

    le cot moyen pondr du capital (CMPC).

    La valeur des opportunits de croissance future va quant elle dpendre de quatre facteurs : les

    nouveaux investissements, leur rentabilit, la rentabilit exige (le CMPC), et la dure de lavantagecomptitif, cest--dire la priode pendant laquelle lentreprise peut investir dans des projets

    dinvestissement dont la rentabilit est suprieure au CMPC.

    Cette prsentation de la valeur dune entreprise est retranscrite dans la formule suivante :

    REAI1 ( r - CMPC)

    CMPC CMPC x (1 + CMPC)+ REAI1 x i% x N x

    o REAI1 est le rsultat dexploitation aprs IS de lanne en cours,

    r le taux de rentabilit des nouveaux investissements,

    i% le taux dinvestissement,

    CMPC, le cot moyen pondr du capital,

    et N la dure de lavantage comptitif.

    Ce modle simplifi doit naturellement tre manipul avec prcaution. Par conception, il ne peutintgrer les subtilits du Business plan, ni donner loccasion dune vritable tude de sensibilit.

    Dans ces conditions, il ne doit tre utilis que comme moyen pdagogique au mme titre que les

    modles de PER thorique dont il est question plus loin.

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    d) Le droulement de la mthode22. Analyse pralable: il est inutile de revenir longuement sur lanalyse pralable qui a t traite

    prcdemment dans ce dossier. Lessentiel du temps consacr lvaluation est concentr dans cette

    phase qui a pour objectif de porter un jugement sur le caractre raisonnable des hypothses

    stratgiques et oprationnelles du business plan, et sur sa cohrence financire.

    Elaboration dun chancier de flux sur la priode explicite. A la suite de la modlisation du

    Business plan, on obtient un chancier de flux qui, actualis au taux appropri, servira dterminer

    la valeur de lentreprise pendant la priode de projection.

    Dtermination du ou des taux dactualisation applicables. En utilisant les donnes de march

    (taux sans risque, prime de march, niveau de risque systmatique des entreprises du secteur) et

    celles de lentreprise (structure financire cible, cot de la dette), on procde lestimation des

    diffrents cots du capital : cot des fonds propres dette nulle (cot du risque oprationnel), cot

    des fonds propres, cot de la dette, cot moyen pondr du capital.

    Estimation de la valeur rsiduelle. Lvaluation dune entreprise seffectue traditionnellement

    linfini. En effet, sauf circonstances particulires (concession par exemple) une entreprise na pas

    vocation cesser son activit. La priode de projection doit sachever lorsque lentreprise a atteint un

    certain seuil de dveloppement (croissance modre, investissements couverts par lesamortissements, BFR stable, risque oprationnel rduit, etc.). La valeur rsiduelle est alors

    gnralement estime en utilisant une formule dvaluation simple.

    Analyse des rsultats et tests de sensibilit. La dernire phase est naturellement celle qui conduit

    examiner les rsultats de lvaluation et juger de leur robustesse. Il est vivement conseill de

    procder des analyses de sensibilit du rsultat en modifiant les principaux lments cls de

    lexploitation (prix, volume, cot des ventes, marge brute, hypothses de croissance long terme...)

    et les paramtres majeurs de lvaluation (composants du taux dactualisation, structure financire

    cible, ...).

    2. Points particuliers.Il existe trois points dlicats ou mal compris dans lapplication de ce type dapproche : le calcul des

    diffrents cash-flows, la construction du taux dactualisation, le calcul de la valeur terminale.

    a) Les diffrents cash-flowsLes flux conomiques et les flux financiers. Il importe tout dabord de bien comprendre que les flux

    conomiques sont ncessairement gaux aux flux financiers. Le tableau ci-aprs23

    montre cette

    quivalence qui est la base du raisonnement suivi en matire dvaluation :

    22 Il ne sagit que dune prsentation succincte de la dmarche. On reviendra plus longuement dans la suite de ce dossier sur les points les plus dlicats de

    celle-ci.

    23 Voir B. Husson et H. Jordan, Le choix des investissements , Delmas, 1988.

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    EBE

    - Variation du BFR

    = ETE

    - Impts dexploitation

    - Investissements

    + Cession d'actifs (nets d'impts)

    = Flux conomi ues dette nulle

    + Economies fiscales lies l

    Endettement

    = Flux conomi ues

    Dividendes

    + Rmunration de CCA

    + Retraits de CCA

    + Boni de liquidation

    - Apports en capitaux propres

    - Apports en CCA

    + Intrts financiers

    + Remboursements d'em runts

    - Nouveaux rts

    = Flux financiers

    Les flux conomiques sont composs :

    des flux lis lexploitation : lexcdent de trsorerie dexploitation (ETE) auquel il faut

    retrancher les impts dexploitation,

    des flux dinvestissement,

    des conomies fiscales lies lendettement.

    Les flux financiers sont composs des flux revenant aux actionnaires et de ceux dvolus aux

    cranciers.

    Les flux de liquidits disponibles pour lentreprise.

    Il sagit des flux les plus frquemment retenus dans une valuation par les cash-flows. Ces flux

    se calculent de la manire suivante :Rsultat dexploitation

    - Impts sur le rsultat dexploitation

    = Rsultat dexploitation dette nulle

    + Dotation aux amortissements

    = Cash flow brut

    - Investissements

    - Variation des Besoins en Fonds de Roulement= Cash flow disponible pour lentreprise

    Ces flux ne comportent donc pas les charges affrentes la dette, ni dailleurs lconomie dimpts

    quelles permettent.

    Les flux de liquidits disponibles pour lactionnaire.

    Plus rarement retenus dans une valuation par les cash-flows24, ils se calculent de la manire

    suivante :Rsultat dexploitation

    - Frais financiers

    = Rsultat courant

    - Impts

    = Rsultat net

    + Dotation aux amortissements

    = Capacit dautofinancement- Investissements

    - Variation des Besoins en Fonds de Roulement

    - Remboursement des dettes

    + Nouveaux emprunts

    = Cash flow disponible pour lactionnaire

    24 Le recours cette approche se justifie particulirement dans les valuations bancaires, o la distinction exploitation/financement na pas de sens.

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    Thoriquement, une entreprise devrait verser ce cash flow ses actionnaires sous forme de

    dividendes, moins quelle ne dcide den garder une partie en attendant de trouver des projets

    dinvestissements dont la rentabilit soit suprieure celle exige par ses investisseurs.

    Le Profit conomique se calcule de la manire suivante :Rsultat dexploitation

    - Impts

    = Rsultat courant

    - (Actif Economique douverture x CMPC)= Profit Economique

    Au-del de cette dfinition simple, il existe de nombreux ajustements qui doivent tre faits pour

    obtenir un actif et un profit vraiment conomique, cest dire dbarrasss de toutes les incidences

    qui ont pu tre crs par les choix comptables de la socit. Les principaux retraitements portent sur

    lamortissement du goodwill, les dpenses de crdit bail, les dpenses de publicit ou de recherche

    en dveloppement25.

    a) Le taux dactualisation (ou cot du capital).Les liens entre le risque et la rentabilit.

    Le cot du capital nest pas un cot rellement dcaiss. Il sagit dun cot dopportunit qui est li

    au risque de lentreprise. Les investisseurs ne sont prts placer leurs fonds dans une entreprise que

    si la rentabilit quils peuvent esprer en retirer est au moins gale celle quils constateraient sur uninvestissement prsentant un risque identique. Mais le monde conomique est un monde comptitif.

    Il ne suffit pas de servir la rentabilit exige. Il faut aller au-del car, dfaut, linvestisseur

    organisera un redploiement de ses fonds sur des investissements de mme risque, mais plus

    rentables.

    Du point de vue du financier, quelle que soit sa nature, un risque se traduit par une fluctuation de la

    valeur du titre financier (sa rentabilit). Plus un titre financier est risqu, plus son cours est volatil, et

    rciproquement. La rentabilit espre se mesure par lesprance mathmatique (la moyenne des

    rentabilits possibles, pondres par leur probabilit doccurrence). Le risque est mesur par lcart

    type (racine carre de la variance) qui mesure la dispersion des rentabilits autour de lesprance

    mathmatique.

    On distingue classiquement deux catgories de risque :

    le risque spcifique ou intrinsque qui affecte un domaine dactivit particulier. Il peut tre rduitpar la diversification (exemple : le dveloppement dun nouveau produit, lincendie du sige social,

    la disparition du Prsident ...)

    le risque systmatique qui touche lensemble des entreprises : cest le risque du titre corrl

    celui du march. Il ne peut pas tre rduit par la diversification.

    Seul le risque systmatique est rmunr par le march. On peut distinguer deux composantes dans

    ce type de risque :

    Le risque oprationnel qui est associ aux oprations de lentreprise et leur maturit. Il est

    influenc par la variabilit des cash-flows et par la sensibilit du rsultat dexploitation aux

    paramtres cls des oprations. Si lentreprise accrot son exposition linflation, ou aux cycles de

    lindustrie par exemple, la rentabilit exige sera suprieure.

    Le risque financier est associ la structure financire de lentreprise. Il est influenc par le levier

    financier. Cest un facteur de variabilit supplmentaire (lexistence de frais financiers vient accrotrele point mort global de lentreprise).

    25 Voir B.Stewart, The quest for value , Harper Business, 1991.

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    La structure financire cible

    Lendettement a deux effets sur la valeur de lentreprise. Dune part, il permet aux actionnaires de

    bnficier dconomies fiscales qui viennent sajouter la valeur de march quaurait lactif

    conomique sil tait financ entirement par fonds propres. Dautre part, comme on la soulign

    plus haut, il augmente la sensibilit des rsultats de lentreprise en augmentant ses charges fixes, et

    donc son point mort.

    Cependant, si lendettement a un impact globalement positif sur la valeur de lentreprise, un levier

    trop important peut avoir des consquences inverses en renforant la probabilit doccurrence de

    cots de faillites.

    Dans une optique dvaluation, il convient donc dtre trs prudent sur la structure financire qui sera retenue pour la

    dtermination du taux dactualisation (pondration des diffrentes rentabilits exiges par les pourvoyeurs de capitaux) : elle

    doit tre soutenable long terme26(il sagit dune structure financire cible) et elle doit tre exprime en valeur de march

    aussi bien pour les fonds propres que pour la dette (et non en valeur comptable).

    Plusieurs approches sont concevables pour la dtermination de la structure financire cible:

    prendre celle recommande par le management si celui-ci a une opinion tranche sur ce point ( condition quelle soitraliste),

    retenir une structure financire sectorielle ( partir dune comparaison des structures financires des principaux concurrents),

    utiliser la structure financire existante : la ncessit de retenir une structure financire de march soulve, dans le cas des

    entreprises non cotes, un problme de circularit (on a besoin du rsultat de lvaluation pour dterminer un coefficient dont ladtermination doit tre effectue pralablement la mise en uvre de lvaluation). Pour rsoudre ce problme, on est contraint

    de faire tourner le modle jusqu' ce que la structure financire ayant servi construire le taux dactualisation soit gale celle

    rsultant de lvaluation27. Ce travail itratif est trs simple en utilisant un ordinateur.

    un raffinement supplmentaire peut tre introduit pour la dtermination du montant de la dette. Grce aux moyensinformatiques modernes, celle-ci peut tre calcule en suivant la dmarche suivante : construction dun scnario dexploitation

    pessimiste ; identification des besoins de cash (investissements et variation du BFR) ; dtermination dun coussin financier

    minimum ; dtermination du besoin de dette initiale en fonction des besoins et des contraintes financiers futurs.

    Le cot des fonds propres.

    Le cot des fonds propres est le taux de rentabilit exig par les actionnaires. Il existe trois

    modles pour le dterminer .

    le modle de Gordon Shapiro qui est driv de la formule gnrale dvaluation qui veut que le

    cours dune action soit gal au prochain dividende divis par le taux de rentabilit exig moins le

    taux de croissance anticip : Cours = Div / (r - g). Appliqu au dividende linfini, ce taux decroissance ne doit pas tre sensiblement diffrent de la croissance de lconomie dans son ensemble.

    La rentabilit exige par lactionnaire serait donc gale au rendement de laction (Div / Cours) plus

    la croissance du dividende par action. Ce modle est videmment trop simpliste pour tre utilis

    srieusement, mme sil possde quelques vertus pdagogiques.

    le modle dquilibre des actif financiers (MEDAF) est lapproche moderne qui permet de

    dterminer rationnellement le cot des fonds propres. Il part de lobservation quil existe une

    corrlation positive entre la rentabilit dun titre et son risque systmatique. La rentabilit exige est

    gale au taux sans risque auquel vient sajouter une prime de risque calcule grce la prime de

    march moyenne pondre par un coefficient de risque (le coefficient Bta ).

    26 En particulier, il convient de sassurer quil sagit bien dune structure financire proche de celle anticipe la fin de la priode de projection en raison

    de limportance de la valeur terminale dans toute valuation dentreprise.

    27 Autrement dit, on teste successivement plusieurs valeurs des fonds propres dans la formule du cot moyen pondr du capital jusqu' ce que lon

    obtienne de lactualisation des cash-flows futurs une valeur des fonds propres similaire.

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    Prcisions:

    Le taux sans risque peut tre approch par le taux des obligations dEtat long terme (de mme maturit que lactif valuer).

    La prime de march retenir devrait tre thoriquement une prime prospective. Le praticien se heurte cependant une

    difficult mthodologique : les primes de march prospectives calcules par certains bureaux dtudes sont plus faibles que celles

    qui ont t observes par le pass. Privilgier ces donnes prospectives des observations historiques reviendrait donc accepter

    lune des propositions suivantes : soit le march sera, dans lavenir, moins risqu que par le pass ;

    soit les investisseurs attachent aux risques futurs un prix moindre que par le pass

    soit les analystes financiers qui laborent cette prime de risque prospective sont plus efficients que le march.

    Les deux premires propositions ne peuvent tre soutenues par aucun argument rationnel, tandis que la troisime conduirait

    remettre en cause la thorie financire moderne de lefficience des marchs. Dans ces conditions, il est plus raliste de retenir une

    prime de march historique qui slve pour la France, en fonction des bureaux dtude et de la longueur de la priode

    dobservation, un niveau compris entre 5 et 8 %.

    Le Bta mesure la sensibilit de la rentabilit des fonds propres de lentreprise aux variations de la rentabilit de lensemble du

    march financier. Il se calcule en examinant la corrlation qui existe entre les rentabilits successives de lentreprise et celles du

    march : le Bta est la pente de la droite de rgression qui est obtenue.

    Plus concrtement, le Bta du march tant par dfinition gal 1, un Bta suprieur 1 signifiera que les cash-flows de

    lentreprise sont, en moyenne, plus volatils que le march. A contrario, un Bta infrieur 1 sera rvlateur dune certaine

    capacit de lentreprise amortir les chocs conjoncturels.

    Si le Bta dune entreprise cote est relativement ais obtenir, celui dune entreprise non cote est plus dlicat dterminer. On

    peut lobtenir soit par comparaison avec dautres entreprises du secteur (auquel cas on prendra soin dajuster le rsultat de

    lanalyse par la structure financire respective des socits de lchantillon), soit de manire plus empirique en prenant en

    considration les dterminants fondamentaux du Bta :

    le secteur de lentreprise : maturit du secteur, risque oprationnel, taille et diversit (sectorielle et gographique) desactivits de lentreprise,

    la gestion de son actif conomique : stabilit et importance des BFR, intensit capitalistique, anciennet des installations,

    la structure des cots dexploitation (position par rapport au point mort),

    la qualit de linformation fournie au march,

    la structure financire de lentreprise (le Bta des fonds propres est gal au Bta sectoriel (sans endettement) multipli par1+ (1-Taux IS) x Dette/Fonds propres, le levier tant exprim en valeur de march).

    Le modle APT (Arbitrage Pricing Theory) constitue la troisime faon de calculer le cot desfonds propres. Le cot des fonds propres est gal la somme dun taux sans risque, dune ou

    plusieurs variables macro-conomiques affectes dun coefficient de sensibilit et enfin dun bruit

    propre lentreprise. Ce sont naturellement ces variables macro-conomiques qui affectent

    particulirement lentreprise valuer qui sont difficiles dterminer. Il peut sagir de linflation, du

    cours dune matire premire, dun niveau dactivit industrielle. Il sagit dune technique trs

    complique mettre en uvre, et donc peu utilise en pratique.

    Le cot de la dette.

    Le cot de la dette nest pas le cot historique auquel lentreprise a t en mesure de sendetter. Il

    sagit du cot prospectif, compte tenu de la situation oprationnelle et financire actuelle et future

    quelle prsente. Il doit tenir compte du niveau gnral des taux dintrt, du risque de dfaut de

    lentreprise et de lconomie fiscale lie lendettement. Trois dmarches sont concevables : (a) soit

    examiner les exigences de rentabilit du march sur des obligations cotes dentreprises similaires en

    terme de profil de rentabilit et de risque (b) soit examiner les conditions dans lesquelles desentreprises comparables parviennent aujourdhui sendetter pour des projets long terme (c) soit

    dappliquer un modle de rating lentreprise valuer et dduire le cot de son endettement de la

    note qui lui serait donne.

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    Le cot moyen pondr du capital.

    Le CMPC est la somme du cot des fonds propres et du cot de la dette pondre par leur part

    respective dans le pool de ressources. Il sexprime par la formule suivante :

    CMPC = CFP x FPm/( Dm+FPm)

    + CD x (1-IS) x Dm /( Dm+FPm)

    o CFP reprsente le cot des fonds propres,FPm et Dm respectivement les fonds propres et la dette en valeur de march,

    CD le cot de la dette et IS le taux dimposition.

    Il est essentiel de bien comprendre quil existe un lien entre les flux de liquidits utiliss pour

    lvaluation et les taux qui sont retenus pour les actualiser28.

    On retient :

    le cot moyen pondr du capital dans la mthode des flux de liquidit disponibles pour les apporteurs de fonds et celledu profit conomique ;

    le cot des fonds propres dans la mthode des flux de liquidit disponibles pour lactionnaire, ou toute autre approchefonde sur les dividendes ;

    le cot des fonds propres sans dette pour la mthode de la valeur actuelle nette ajuste.

    Lorsque plusieurs approches sont utilises, il est essentiel de vrifier que les hypothses sous- jacentes sont compatibles. Par exemple, lorsque lon applique un PER, il faut sassurer que les

    hypothses implicites que lon prend (taux de distribution, rentabilit des fonds propres, cot des

    fonds propres et croissance long terme) sont cohrentes avec celles que lon a retenues

    explicitement dans lutilisation dautres mthodes. A dfaut, il ne faut pas stonner que les rsultats

    des diffrentes mthodes divergent considrablement.

    b) Le calcul de la valeur terminale. -La valeur dune entreprise est gale la valeur actuelle des cash-flows qui seront dgags durant la

    priode de projection plus celle de ceux qui seront gnrs postrieurement. Pour mesurer cette

    seconde composante que lon appelle la valeur terminale, on est conduit mettre en uvre des

    formules dvaluation simplifies. Cette contrainte mthodologique est dlicate car il est frquent

    que la valeur totale de lentreprise dpende pour lessentiel de celle de la valeur terminale (de 70

    90%, voire mme plus de 100% pour certaines entreprises de haute technologie).

    Les approches conomiques sont les plus logiques lorsque lon utilise des mthodes des cash

    flows actualiss. Parmi les nombreuses formules qui sont utilises, deux nous semblent

    particulirement prcieuses :

    Dans une vision conservatrice et prudente on peut retenir comme hypothse qu lissue de la

    priode de projection explicite, les nouveaux investissements auront une valeur actuelle nette gale

    0 ; cela ne veut pas dire que lentreprise ne sera pas en mesure de poursuivre une certaine croissance,

    mais simplement que cette croissance napportera pas de valeur supplmentaire, car la rentabilit des

    nouveaux investissements sera gale celle exige par les apporteurs de fonds. La valeur terminale

    est alors gale au rsultat dexploitation aprs IS actualis linfini par le CMPC.

    Il est possible de raffiner cette approche en tenant compte dune priode de transition durant

    laquelle les nouveaux investissements auront une rentabilit suprieure au CMPC. On peut alors

    utiliser la formule de Modigliani-Miller dcrite plus haut page ?.

    Dautres formules sont concevables. Plusieurs dentre elles comportent des hypothses de croissance (par exemple lactualisation

    dun cash flow disponible linfini en utilisant un facteur de croissance : CFD / CMPC- g%). Il faut cependant sen mfier car, si

    lentreprise veut continuer crotre, il lui faut galement investir. Le montant de linvestissement de la dernire priode,

    reproduit linfini, est souvent incohrent avec lhypothse de croissance retenue dans ce type de formule.

    Il est galement possible de dterminer la valeur terminale de lentreprise en utilisant un multiple du rsultat dexploitation ou du

    cash flow dexploitation. Le choix de ce multiple tant largement arbitraire, il convient dtre prudent dans son utilisation.

    28 Voir Jean-Florent Rrolle, 1994, op. cit.

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    Les approches comptables sont a priori exclure si la dmarche qui est conduite est de nature

    conomique. Parmi celles-ci, on trouve :

    une approche base sur un multiple des rsultats qui se heurte la difficult de dterminer quel

    sera le PER applicable dans plusieurs annes ;

    les approches fondes sur une valeur de liquidation qui ne sont concevables que si,

    effectivement, il est prvu que lentreprise arrte son activit lissue de la priode de projection ;

    les approches fondes sur les cots de remplacement qui peuvent certes sappliquer aux actifs

    tangibles de lentreprise, mais qui sont totalement inapplicables pour la mesure de son goodwill

    (savoir-faire, fonds de commerce ...).

    Remarques

    Le rsultat dexploitation servant de base la formule dactualisation linfini doit tre celui de lanne qui suit la fin de la

    priode de projection. Il faut donc estimer la rentabilit n+1 des actifs mis en uvre la fin du business plan.

    Si lon dcide de recourir une formule labore (type Modigliani-Miller) le choix des paramtres doit tre effectu partir

    dune analyse stratgique long terme. Plus encore que dans lanalyse des donnes dont il a t question prcdemment, il est

    fondamental de bien faire le lien entre, dune part la position stratgique de lentreprise la fin de la priode, et dautre part ses

    performances financires et sa dynamique financire (cf. le modle de croissance soutenable).

    B.Lapproche par les options.Depuis la cration du premier march doptions ngociables Chicago en 1973, et les travaux de F.

    Black et M. Scholes sur leur valorisation durant la mme priode, on connat bien les caractristiques

    de ce produit complexe, utilis davantage par les financiers que par les entreprises. En ralit, la

    finance dentreprise peut emprunter cet outil la finance de march pour mieux comprendre la

    dimension de certaines dcisions oprationnelles ou interprter certaines problmatiques souleves

    par le gouvernement dentreprise (Corporate governance ).

    1. Fondements de lapproche du point de vue de la finance dentreprise

    a) Les dfauts de la mthode des cash flows.Si la mthode des cash-flows actualiss est la plus rigoureuse de celles utilises par les praticiens, elle

    prsente des dfauts importants.

    Tout dabord, elle exige de recourir un taux dactualisation dont on a vu quil pouvait trequelquefois dlicat construire.

    Ensuite, elle ne prend pas pleinement en compte les cash-flows qui dpendent dvnements futurs.

    Par exemple, la rentabilit dun projet de R&D dpend du succs de la recherche, et des conditions

    de march qui prvaudront le jour o ce projet sera commercialisable.

    Enfin et surtout, cette mthode ne tient pas compte de la flexibilit de la gestion. Elle value les

    projets de dveloppement ou les entreprises comme sil sagissait dinstruments obligataires. En

    ralit, tous les projets dinvestissement retracs explicitement ou implicitement dans le business

    plan pourront subir des modifications : un projet pourra tre abandonn, diffr, tendu ou contract

    pour sadapter aux nouvelles conditions du march. Cette flexibilit a une valeur que la mthode des

    cash-flows actualiss (et a fortiori toute autre mthode classique) est incapable de prendre en compte.

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    b) Les projets dinvestissements dune entreprise ont en fait des caractristiques plus proches desoptions.

    On rappelle quune option dachat (call) est le droit, et non lobligation, dacheter un actif un prix

    dtermin lavance (strike) et pendant une priode ou une date dfinie au pralable. Une option

    de vente (put) est le droit, et non lobligation de vendre un actif un prix dtermin lavance

    (strike) et pendant une priode ou une date dfinie au pralable. La valeur dune option comporte :

    une valeur intrinsque qui dpend du prix actuel de lactif sous-jacent et du prix dexercice une valeur temps qui dpend de la volatilit de lactif, de la date dexercice, du taux sans risque.

    Un projet dinvestissement dont le lancement est planifi pour les annes venir peut tre facilement

    assimil un call : tout dabord ses rendements sont incertains, ensuite il est toujours possible de

    diffrer la dcision de lancement, enfin, le management a la possibilit de prendre ou non la dcision

    en fonction des vnements du moment.

    2. Mise en uvre de lapproche

    La thorie des options peut tre utilise pour valuer la valeur de march des fonds propres et de la

    dette de lentreprise, pour estimer la valeur des options relles de lentreprise / ou encore pour

    valuer la valeur de march dune composante du passif (OBSA, ORA ...). Nous nous concentrerons

    ici sur les deux premires utilisations qui sont particulirement fcondes pour lvaluation

    dentreprise.

    a) Lvaluation de la valeur de march des fonds propres et de la dette de lentreprise.La socit anonyme cre une asymtrie fondamentale entre lactionnaire et le crancier. En effet, le

    premier a une perspective de profit illimits pour un risque de perte limite son apport. Le second

    ne peut esprer au mieux que rcuprer les flux du prt quil a consenti, si tout se passe bien. On peut

    dfinir la position de lactionnaire en utilisant la logique des options : il peut sapproprier les actifs de

    lentreprise si celle-ci est en mesure de rembourser les cranciers lchance de la dette. A cette

    date, soit la valeur globale de lentreprise est suprieure celle de la dette, et les actionnaires

    rcuprent la valeur rsiduelle, soit elle est infrieure, auquel cas les actionnaires abandonnent leurs

    actifs aux cranciers, ceux-ci devant accepter de perdre la diffrence entre la valeur des actifs et celle

    de la dette.

    La valeur des capitaux propres de lentreprise est donc quivalente celle dune option dachatdont la valeur de lactif sous-jacent est celle de lactif conomique, le prix dexerc