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l Vendredi 25 octobre 2013 l Tribune Bulletin Côte d’Azur l 29 l Lois et chiffres Lois et chiffres Avis d’expert Le Règlement européen n° 650/2012 du 4 juillet 2012 en matière de successions internationales Qui sera applicable à compter du 17 août 2015, par Me Agnès Proton, avocat au Barreau de Grasse, secrétaire fondatrice de l'association AvEC (Avocats & Experts-Comptables). l aura fallu près de trois ans pour que la proposition de Règlement du 14/10/2009 en matière de succession internationale soit adoptée dans sa forme définitive le 4 juillet 2012 pour entrer en vigueur le 16 août 2012. C’est un euphé- misme de relever que cette règlementation était impatiem- ment attendue des praticiens, tandis que tous les commen- tateurs s’accordent à souligner qu’elle introduit en la matière de profondes innovations. Cette mini-révolution explique sans doute le délai dont est assortie sa mise en application. A l’évi- dence, il sera utile de mettre ce délai à profit pour se fami- liariser avec le nouveau droit des successions européennes et internationales. Celui-ci se substituera à terme aux légis- lations des Etats membres, à l’exception du Royaume-Uni et de l’Irlande. Il en est de même du Danemark, lequel bénéficie d’une exclusion permanente dans le domaine de la justice. Pour déterminer son champ d’application, il sera rappelé à titre liminaire qu’il ne concerne ni les matières fiscales, doua- nières et administratives, ni l’état des personnes et les rela- tions familiales, ni les questions ayant trait à l’absence et la dis- parition ou celles relatives aux régimes matrimoniaux et à leur liquidation. En pratique, cette règlemen- tation a pour vocation de sim- plifier le traitement des succes- sions internationales et, plus particulièrement, des succes- sions européennes transfronta- lières. A cette fin, les nouvelles dispositions permettront la désignation de l’autorité com- pétente pour régler les succes- sions et, le cas échéant, trancher les litiges qui pourraient naître à l’occasion de leur règlement ; elles permettront aussi la déter- mination de la loi applicable, et la reconnaissance et l’exécution des décisions ainsi que des actes authentiques sur le territoire des Etats membres participants. Il s’agit donc de simplifier mais également d’accélérer et réduire les coûts du traitement des suc- cessions internationales. A cette fin, le Règlement crée un Certificat Successoral Euro- péen (CSE) uniformisé, qui pourra être utilisé dans tous les Etats membres participants. Cette uniformisation permet- tra de faciliter les démarches et les formalités, par exemple pour effectuer des paiements ou délivrer des legs. A cet égard, il appartiendra à chaque Etat participant de déterminer quelles seront les autorités com- pétentes sur son territoire pour délivrer ce CSE. L’unification de la loi applicable Avant l’entrée en application du Règlement, la loi compétente pour régir les successions inter- nationales reste, selon les Etats, la loi nationale du défunt ou, comme en France, la loi de son dernier domicile. Certains pays, dont le nôtre, opèrent par ail- leurs une distinction entre la loi applicable aux immeubles d’une part, et celle régissant la dévo- lution des meubles d’autre part. Ce système dit scissionniste ou dual conduit en pratique à l’application de plusieurs lois pour régler une seule et même succession, selon la nature des biens concernés. Il convient alors en pratique de régler les corrélatifs conflits de lois et autres renvois de compétence, délais, absence de prévisibilité et de sécurité juridiques qui sont autant de facteurs d’aug- mentation du «risque procédu- ral» (et des frais y afférant…). La situation sera radicalement différente sous le régime du nou- veau Règlement : là où il sera applicable, une seule loi régira l’ensemble de la succession, quelle que soit la nature ou le lieu de situation des biens. Par défaut, il s’agira de la loi de la résidence habituelle du défunt au jour du décès. Quelques exceptions sont cependant pré- vues à cette règle générale (si le défunt entretenait des liens plus étroits avec un autre pays, s’appliquera alors la loi de cet Etat, article 21-2, lois de Police de l’Etat de situation du bien qui pourront porter atteinte à cette compétence générale article 30, jeu du Renvoi prévu dans certaines hypothèses, art. 34, ou enfin correctif de l’Ordre Public, garde-fou classique et bien connu en Droit Internatio- nal Privé, qui permettra d’écar- ter une disposition de la loi nor- malement applicable si celle-ci était manifestement incompa- tible avec l’Ordre Public du for, art. 35). L’instauration de la professio juris Il s’agit donc de la possibilité de choisir une loi applicable à sa succession. Le législateur prend ici le parti de valoriser et res- pecter la volonté individuelle, dans certaines proportions toutefois puisque seule la loi nationale pourra être désignée (il s’agit de la loi nationale du disposant au moment de l’acte ou au moment du décès). Pour le cas où le disposant bénéficie- rait d’une double nationalité, il pourra désigner l’une de ces deux lois nationales (là encore, appréciée au jour du choix ou au moment du décès). Ce choix peut être exprès ou tacite, mais il doit résulter ou être déclaré sous la forme de dispositions à cause de mort. Il est évidem- ment recommandé d’exprimer clairement son choix, plutôt que de laisser ultérieurement aux héritiers et aux profes- sionnels intervenants la lourde tâche d’interpréter des dispo- sitions parfois ambigües… A noter ici que ce choix peut être formalisé dès aujourd’hui, c’est- à-dire avant l’entrée en applica- tion du Règlement, mais il ne sera alors effectif qu’au cas où le décès surviendrait postérieure- ment au 17 août 2015. Enfin, il est ici observé que ce Règlement est d’application universelle. En conséquence, toute loi désignée en vertu de ces nouvelles dispo- sitions s’appliquera quand bien même «cette loi n’est pas celle d’un Etat membre» (cf. article 20 du Règlement). La portée extensive de ce Règlement d’application uni- verselle pourrait en pratique être susceptible de porter atteinte à la réserve héréditaire française. Ainsi, un Anglais qui s’installerait définitive- ment dans notre pays pourrait désigner la loi anglaise, quand bien même le Royaume-Uni a décidé de ne pas participer à l’application du Règlement (cf. exclusion ci-dessus évoquée). Peu importerait alors que la succession de ce ressortissant anglais ne comprenne que des biens meubles et immeubles situés en France ; il pourrait par le biais de l’exercice de la professio juris décider de léguer tous ses biens à des tiers, même au cas où il aurait des enfants. Il lui suffirait à cette fin de choisir par testament l’application du droit anglais pour régir sa suc- cession, bénéficiant ainsi de la plus large liberté pour tester. Se posera alors une nouvelle fois la question du caractère d’ordre public de la réserve héréditaire française, ou, plus exactement, de la place de la réserve hérédi- taire au regard de l’ordre public international… I NOTAIRES Journée portes-ouvertes Les 34e Rencontres notariales se sont déroulées le 17 octobre dernier. Le thème : «se (re)lancer dans la vie». Dans notre département, c’est à la Chambre départementale à Nice que 23 notaires ont accueilli gratuitement près de 150 personnes. Pas d’inscription préalable, les visiteurs sont reçus individuellement en fonction de leur ordre d’arrivée de 17h à 19h30 : «ce qui permet aux actifs de se libérer pour venir prendre des conseils», explique Me Jean-Charles March, pré- sident de la Chambre 06. Tous les actes sont concer- nés: successions, donations, ventes immobilières, SCI… Me Jeanne Caspar ajoute : «nous avons des questions sur les dernières réformes, les plus-values… Ce sont souvent les thèmes d’actualité qui les font se rapprocher de nous, c’est une opportunité pour le public de venir avec sa question du moment.» Parfois de simples interrogations, mais il arrive aussi que les visiteurs arrivent avec un dossier personnel, qu’il soit déjà traité dans une étude ou pas encore : «les ren- contres notariales permettent à des personnes qui n’ont pas forcément les moyens d’aller consulter un notaire dans une étude de nous rencontrer. Parfois les gens hésitent à venir prendre conseil auprès d’un notaire pour des motifs financiers.» A noter qu'en plus de ces rencontres annuelles, la Chambre des notaires des Alpes-Maritimes organise des consultations gratuites sur rendez-vous deux mercredis soirs par mois. LP AVOCATS Premier Job Dating à Nice Ce 22 octobre à la Bibliothèque de l'Ordre, c'était soirée rencontres : deux heures durant, recruteurs et candidats, préalablement inscrits auprès de l'Union des Jeunes Avocats de Nice, ont joué aux chaises musi- cales avant de, peut-être, trouver chaussure à leur pied. Sur notre vidéo, Me Governa- tori, président de l'UJA, en dit plus sur cette originale initiative.

Article publié dans La Tribune Côte d'Azur par Me Agnès Proton 25.10.2013 p 29

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Le Règlement Européen n°650/2012 du 4 juillet 2012 en matière de successions internationales

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Page 1: Article publié dans La Tribune Côte d'Azur par Me Agnès Proton 25.10.2013 p 29

l Vendredi 25 octobre 2013 l Tribune Bulletin Côte d’Azur l 29 l

Lois et chiffresLois et chiffresAvis d’expertLe Règlement européen n° 650/2012 du 4 juillet 2012 en matière de successions internationalesQui sera applicable à compter du 17 août 2015, par Me Agnès Proton, avocat au Barreau de Grasse, secrétaire fondatrice de l'association AvEC (Avocats & Experts-Comptables).

l aura fallu près de trois ans pour que la proposition de Règlement du 14/10/2009 en matière de succession

internationale soit adoptée dans sa forme définitive le 4 juillet 2012 pour entrer en vigueur le 16 août 2012. C’est un euphé-misme de relever que cette règlementation était impatiem-ment attendue des praticiens, tandis que tous les commen-tateurs s’accordent à souligner qu’elle introduit en la matière de profondes innovations. Cette mini-révolution explique sans doute le délai dont est assortie sa mise en application. A l’évi-dence, il sera utile de mettre ce délai à profit pour se fami-liariser avec le nouveau droit des successions européennes et internationales. Celui-ci se substituera à terme aux légis-lations des Etats membres, à l’exception du Royaume-Uni et de l’Irlande. Il en est de même du Danemark, lequel bénéficie d’une exclusion permanente dans le domaine de la justice. Pour déterminer son champ d’application, il sera rappelé à titre liminaire qu’il ne concerne ni les matières fiscales, doua-nières et administratives, ni l’état des personnes et les rela-tions familiales, ni les questions ayant trait à l’absence et la dis-parition ou celles relatives aux régimes matrimoniaux et à leur liquidation.

En pratique, cette règlemen-tation a pour vocation de sim-plifier le traitement des succes-sions internationales et, plus particulièrement, des succes-sions européennes transfronta-lières. A cette fin, les nouvelles dispositions permettront la désignation de l’autorité com-pétente pour régler les succes-sions et, le cas échéant, trancher les litiges qui pourraient naître à l’occasion de leur règlement ; elles permettront aussi la déter-mination de la loi applicable, et la reconnaissance et l’exécution des décisions ainsi que des actes authentiques sur le territoire des Etats membres participants. Il s’agit donc de simplifier mais également d’accélérer et réduire les coûts du traitement des suc-cessions internationales.

A cette fin, le Règlement crée un Certificat Successoral Euro-péen (CSE) uniformisé, qui pourra être utilisé dans tous les Etats membres participants. Cette uniformisation permet-tra de faciliter les démarches et les formalités, par exemple pour effectuer des paiements ou délivrer des legs. A cet égard, il appartiendra à chaque Etat participant de déterminer quelles seront les autorités com-pétentes sur son territoire pour délivrer ce CSE.

L’unification de la loi applicableAvant l’entrée en application

du Règlement, la loi compétente pour régir les successions inter-nationales reste, selon les Etats, la loi nationale du défunt ou, comme en France, la loi de son dernier domicile. Certains pays, dont le nôtre, opèrent par ail-leurs une distinction entre la loi applicable aux immeubles d’une part, et celle régissant la dévo-lution des meubles d’autre part. Ce système dit scissionniste ou dual conduit en pratique à l’application de plusieurs lois pour régler une seule et même succession, selon la nature des biens concernés. Il convient alors en pratique de régler les corrélatifs conflits de lois et autres renvois de compétence, délais, absence de prévisibilité et de sécurité juridiques qui sont autant de facteurs d’aug-mentation du «risque procédu-ral» (et des frais y afférant…).

La situation sera radicalement différente sous le régime du nou-veau Règlement : là où il sera applicable, une seule loi régira l’ensemble de la succession, quelle que soit la nature ou le lieu de situation des biens. Par défaut, il s’agira de la loi de la résidence habituelle du défunt au jour du décès. Quelques exceptions sont cependant pré-vues à cette règle générale (si le défunt entretenait des liens plus étroits avec un autre pays, s’appliquera alors la loi de cet Etat, article 21-2, lois de Police de l’Etat de situation du bien qui pourront porter atteinte à cette compétence générale article 30, jeu du Renvoi prévu dans certaines hypothèses, art. 34, ou enfin correctif de l’Ordre Public, garde-fou classique et bien connu en Droit Internatio-nal Privé, qui permettra d’écar-ter une disposition de la loi nor-malement applicable si celle-ci était manifestement incompa-tible avec l’Ordre Public du for, art. 35).

L’instauration de la professio juris Il s’agit donc de la possibilité

de choisir une loi applicable à sa succession. Le législateur prend ici le parti de valoriser et res-pecter la volonté individuelle, dans certaines proportions toutefois puisque seule la loi nationale pourra être désignée (il s’agit de la loi nationale du disposant au moment de l’acte ou au moment du décès). Pour le cas où le disposant bénéficie-rait d’une double nationalité, il pourra désigner l’une de ces deux lois nationales (là encore, appréciée au jour du choix ou au moment du décès). Ce choix peut être exprès ou tacite, mais il doit résulter ou être déclaré sous la forme de dispositions à cause de mort. Il est évidem-ment recommandé d’exprimer clairement son choix, plutôt que de laisser ultérieurement aux héritiers et aux profes-sionnels intervenants la lourde tâche d’interpréter des dispo-sitions parfois ambigües… A noter ici que ce choix peut être formalisé dès aujourd’hui, c’est-à-dire avant l’entrée en applica-tion du Règlement, mais il ne sera alors effectif qu’au cas où le décès surviendrait postérieure-ment au 17 août 2015. Enfin, il est ici observé que ce Règlement est d’application universelle. En conséquence, toute loi désignée en vertu de ces nouvelles dispo-sitions s’appliquera quand bien même «cette loi n’est pas celle d’un Etat membre» (cf. article 20 du Règlement).

La portée extensive de ce Règlement d’application uni-verselle pourrait en pratique être susceptible de porter atteinte à la réserve héréditaire française. Ainsi, un Anglais qui s’installerait définitive-ment dans notre pays pourrait désigner la loi anglaise, quand bien même le Royaume-Uni a décidé de ne pas participer à l’application du Règlement (cf. exclusion ci-dessus évoquée). Peu importerait alors que la succession de ce ressortissant anglais ne comprenne que des biens meubles et immeubles situés en France ; il pourrait par le biais de l’exercice de la professio juris décider de léguer tous ses biens à des tiers, même au cas où il aurait des enfants. Il lui suffirait à cette fin de choisir par testament l’application du droit anglais pour régir sa suc-cession, bénéficiant ainsi de la plus large liberté pour tester. Se posera alors une nouvelle fois la question du caractère d’ordre public de la réserve héréditaire française, ou, plus exactement, de la place de la réserve hérédi-taire au regard de l’ordre public international…

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NOtaIREs Journée portes-ouvertes

Les 34e Rencontres notariales se sont déroulées le 17 octobre dernier. Le thème : «se (re)lancer dans la vie». Dans notre département, c’est à la Chambre départementale à Nice que 23 notaires ont accueilli gratuitement près de 150 personnes. Pas d’inscription préalable, les visiteurs sont reçus individuellement en fonction de leur ordre d’arrivée de 17h à 19h30 : «ce qui permet aux actifs de se libérer pour venir prendre des conseils», explique Me Jean-Charles March, pré-sident de la Chambre 06. Tous les actes sont concer-nés: successions, donations, ventes immobilières, SCI… Me Jeanne Caspar ajoute : «nous avons des questions sur les dernières réformes, les plus-values… Ce sont souvent les thèmes d’actualité qui les font se rapprocher de nous, c’est une opportunité pour le public de venir avec sa question du moment.» Parfois de simples interrogations, mais il arrive aussi que les visiteurs arrivent avec un dossier personnel, qu’il soit déjà traité dans une étude ou pas encore : «les ren-contres notariales permettent à des personnes qui n’ont pas forcément les moyens d’aller consulter un notaire dans une étude de nous rencontrer. Parfois les gens hésitent à venir prendre conseil auprès d’un notaire pour des motifs financiers.» A noter qu'en plus de ces rencontres annuelles, la Chambre des notaires des Alpes-Maritimes organise des consultations gratuites sur rendez-vous deux mercredis soirs par mois. LP

aVOCatsPremier Job Dating à Nice Ce 22 octobre à la Bibliothèque de l'Ordre, c'était

soirée rencontres : deux heures durant, recruteurs et candidats, préalablement inscrits auprès de l'Union des Jeunes Avocats de Nice, ont joué aux chaises musi-cales avant de, peut-être, trouver chaussure à leur pied. Sur notre vidéo, Me Governa-tori, président de l'UJA, en dit plus sur cette originale initiative.