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arXiv:math/0407471v2 [math.NT] 24 Jan 2006 EQUIDISTRIBUTION QUANTITATIVE DES POINTS DE PETITE HAUTEUR SUR LA DROITE PROJECTIVE CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER ESUM ´ E. Nous introduisons une classe de hauteurs ad´ eliques sur la droite pro- jective dont nous donnons une estimation du minimum essentiel, et pour lesquelles nous d´ emontrons un r´ esultat d’´ equidistribution des points de petites hauteurs en toutes les places (finies et infinies), avec estimation pr´ ecise de la vitesse de con- vergence. A toute fraction rationnelle R en une variable et d´ efinie sur un corps de nombres K, est associ´ ee une hauteur normalis´ ee sur sa clot ˆ ure alg´ ebrique K. Nous montrons que ces hauteurs dynamiques sont ad´ eliques en notre sens, et en d´ eduisons des r´ esultats d’´ equidistribution de pr´ eimages par R en toutes les places. Notre approche suit celle de Bilu, et s’appuie sur la th´ eorie du potentiel dans C, ainsi que dans l’espace de Berkovich associ´ e` a la droite projective de Cp, pour chaque nombre premier p. ABSTRACT. We introduce a new class of adelic heights on the projective line. We estimate their essential minimum and prove a result of equidistribution (at every place) for points of small height with estimates on the speed of conver- gence. To each rational function R in one variable and defined over a number field K, is associated a normalized height on the algebraic closure of K. We show that these dynamically defined heights are adelic in our sense, and deduce from this equidistribution results for preimages of points under R at every place of K. Our approach follows that of Bilu, and relies on potential theory in the complex plane, as well as in the Berkovich space associated to the projective line over Cp, for each prime p. TABLE DES MATI ` ERES 1. Introduction 2 2. Th´ eorie du potentiel dans le cas complexe 11 3. L’espace de Berkovich de C p . 19 4. Energie dans C p 23 5. Hauteurs ad´ eliques. 31 6. Dynamique des fractions rationnelles. 38 ef´ erences 45 Date: 30 aoˆ ut 2018. 2000 Mathematics Subject Classification. Primary : 11G50, Secondary : 37F10. Le premier auteur tient ` a remercier chaleureusement le project MECESUP UCN0202, ainsi que l’ACI “Syst` emes Dynamiques Polynomiaux” qui ont permis son s´ ejour ` a l’Universit´ e Catholique d’Antofagasta. Le deuxi` eme auteur est partiellement soutenu par le projet FONDECYT N 1040683. Enfin, nous remercions le rapporteur pour sa lecture d´ etaill´ ee de l’article. 1

arxiv.org · arXiv:math/0407471v2 [math.NT] 24 Jan 2006 EQUIDISTRIBUTION QUANTITATIVE DES POINTS DE PETITE HAUTEUR SUR LA DROITE PROJECTIVE CHARLES FAVRE …

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    ath.

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    ] 24

    Jan

    200

    6 EQUIDISTRIBUTION QUANTITATIVE DES POINTS DE PETITEHAUTEUR SUR LA DROITE PROJECTIVE

    CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    RÉSUMÉ. Nous introduisons une classe de hauteurs adéliques sur ladroite pro-jective dont nous donnons une estimation du minimum essentiel, et pour lesquellesnous démontrons un résultat d’équidistribution des points de petites hauteurs entoutes les places (finies et infinies), avec estimation précise de la vitesse de con-vergence. A toute fraction rationnelleR en une variable et définie sur un corpsde nombresK, est associée une hauteur normalisée sur sa clotûre alg´ebriqueK.Nous montrons que ces hauteurs dynamiques sont adéliques en notre sens, eten déduisons des résultats d’équidistribution de préimages parR en toutes lesplaces. Notre approche suit celle de Bilu, et s’appuie sur lathéorie du potentieldansC, ainsi que dans l’espace de Berkovich associé à la droite projective deCp, pour chaque nombre premierp.

    ABSTRACT. We introduce a new class of adelic heights on the projectiveline.We estimate their essential minimum and prove a result of equidistribution (atevery place) for points of small height with estimates on thespeed of conver-gence. To each rational functionR in one variable and defined over a numberfield K, is associated a normalized height on the algebraic closureof K. Weshow that these dynamically defined heights are adelic in oursense, and deducefrom this equidistribution results for preimages of pointsunderR at every placeof K. Our approach follows that of Bilu, and relies on potential theory in thecomplex plane, as well as in the Berkovich space associated to the projectiveline overCp, for each primep.

    TABLE DES MATIÈRES

    1. Introduction 22. Théorie du potentiel dans le cas complexe 113. L’espace de Berkovich deCp. 194. Energie dansCp 235. Hauteurs adéliques. 316. Dynamique des fractions rationnelles. 38Références 45

    Date: 30 août 2018.2000Mathematics Subject Classification.Primary : 11G50, Secondary : 37F10.Le premier auteur tient à remercier chaleureusement le project MECESUP UCN0202, ainsi que

    l’ACI “Systèmes Dynamiques Polynomiaux” qui ont permis son séjour à l’Université Catholiqued’Antofagasta. Le deuxième auteur est partiellement soutenu par le projet FONDECYT N 1040683.Enfin, nous remercions le rapporteur pour sa lecture détaillée de l’article.

    1

    http://arxiv.org/abs/math/0407471v2

  • 2 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    1. INTRODUCTION

    L’objet de cet article est de définir une large classe de hauteurs sur la droite pro-jective sur un corps de nombre, et de montrer de manière quantitative, c’est-à-direavec estimation des restes, que toute suite de points algébriques dont la hauteur tendvers zéro s’équidistribue en toutes les places finies et infinies, selon une mesure nedépendant que de la hauteur. Nous appliquons de plus ces résultats à l’étude dy-namique de fractions rationnelles à coefficients algébriques.

    Le premier résultat d’équidistribution des points de petite hauteur a été obtenupar Szpiro-Ullmo-Zhang [SUZ] en lien avec la conjecture de Bogomolov, et con-cerne l’équidistribution des points de petite hauteur dans les variétés abéliennespar rapport à la mesure de Haar. Cet article fondateur a inspiré depuis lors de nom-breux travaux. Tout d’abord par Bilu qui s’est intéressé dans [Bi] au cas de la hau-teur standard dans les espaces projectifs ; puis à Rumely qui a étendu l’approchede Bilu pour une classe de hauteurs sur la droite projective issues de la théoriedu potentiel complexe. Autissier [Au] a ensuite démontréune vaste généralisationdes théorèmes de Bilu et Szpiro-Ullmo-Zhang dans le cas des courbes définiessur un corps de nombre et en dimension supérieure. Enfin plusrécemment, Bakeret Hsia dans [BH] ont démontré des résultats d’équidistribution aux places finiesdans un contexte dynamique pour une classe particulière depolynômes. Nous ren-voyons à [U] pour des références plus complètes concernant d’autres résultatsd’équidistribution en arithmétique.

    Deux approches parallèles ont jusqu’à présent été privilégié dans ces problèmesd’équidistribution arithmétique. La première développée par Szpiro-Ullmo-Zhanget poursuivie par Autissier est d’inspiration géométrique. Les propriétés d’équi-distribution résulte dans ce cadre d’un théorème d’Hilbert-Samuel arithmétiqueconvenablement énoncé en théorie d’Arakelov.

    L’autre approche initiée par Bilu, et adaptée par Rumely et Baker-Hsia partd’une interprétation des hauteurs en termes de la théoriedu potentiel. C’est celle-cique nous allons adopter dans la suite.

    Un ingrédient nouveau et important dans notre approche estl’utilisation inten-sive d’une théorie du potentiel convenable sur la droite projective définie sur uncorpsp-adique. La topologiep-adique étant totalement discontinue, elle se prêtede fait mal à l’analyse et tout particulièrement à la théorie de la mesure et du po-tentiel. On est donc naturellement amené à travailler dans un espace plus gros dontla topologie est plus maniable : la droite projective au sensde Berkovich. Cet es-pace est un arbre réel muni d’une topologie compacte, et on peut y développer unethéorie du potentiel complètement analogue au cas complexe. Il a ainsi été con-struit par M. Jonsson et le premier auteur dans [FJ] un opérateur de Laplace, et sespropriétés caractéristiques ont déjà été utiliséavec succès pour la construction demesures invariantes en dynamiquep-adique, voir [FR]. Nous donnons ici d’autreséléments de théorie du potentielp-adique, mais nous nous sommes restreints àceux nécessaires à l’énoncé et à la preuve de nos résultats principaux. Nous ren-voyons aux travaux indépendants de Baker-Rumely [BR2] pour une étude plus

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 3

    approfondie, ainsi qu’aux travaux de thèse récents d’Amaury Thuillier [Th]. En-fin mentionnons que Chambert-Loir [CL] a donné quelques éléments pour étendrecette théorie en dimension supérieure.

    1.1. Places, compĺetions et hauteurs ad́eliques. Commençons tout d’abord parmettre en place quelques notations avant de définir les hauteurs que nous étudieronspar la suite.

    Soit MQ l’ensemble constitué de tous les nombres entiers premiersauquel onajoute∞. On désigne par| · |∞ la norme usuelle surQ et pour un nombre premierp on désigne par| · |p la normep-adique, normalisée par|p|p = p−1. Pour touteextension finieK deQ, on désignera parMK la collection de toutes les normes surK qui étendent l’une des normes| · |v, avecv ∈ MQ. Un élément deMK est appeléplace. Pour toute placev, on notera encore| · |v la norme surK correspondante.On dira quev estinfinie lorsque sa restriction àQ coı̈ncide avec| · |∞ et quev estfinie sinon.

    Pour toutv ∈ MK , on noteKv le complété du corps valué(K, | · |v), et Qvl’adhérence deQ dansKv. On poseNv = [Kv : Qv]/[K : Q], ainsi que‖ · ‖v =| · |Nvv . La norme| · |v s’étend de façon unique à la clotûre algébrique deKv.On désignera parCv le complété de ce corps. Le corpsCv est alors complet etalgébriquement clos. En toute place infinie, il est isomorphe au corps des nombrescomplexesC.

    Aux places finies,(Cv, | · |v) est à la fois totalement discontinu et non locale-ment compact, ce qui rend délicat toute analyse sur cet espace. Pour contournerces difficultés, suivant [Be] on définit la droite projective au sens de BerkovichP1(Cv) comme la complétion (pour une métrique convenable) de l’ensemble des

    boules de rayon fini ou infiniB(z, r) = {w; |z − w|v ≤ r} dansCv. Cet espaceest naturellement un arbre réel métrique dans lequel les ensembles de la forme{B(z, r); r ∈ [0,+∞]} sont des segments, et dont le bord à l’infini s’identifiecanoniquement à la la droite projective standard. On peut de plus le munir d’unetopologie qui le rend localement connexe et localement compact. Il est alors possi-ble de définir une classeP de fonctions surP1(Cv) à valeurs réelles, et un opérateur∆ défini surP et à valeurs dans les mesures surP1(Cv) qui joue le rôle analoguede l’opérateur de Laplace sur la droite projective complexe.

    Après ces préliminaires, rappelons brièvement la définition de la hauteur de Weilstandard, ce qui permettra de motiver la définition de hauteur adélique. SoitKune clotûre algébrique deK. La hauteur de Weil(ou hauteur näıve) d’un sous-ensemble finiF deK, et invariant par l’action du groupe de Galois Gal(K/K),est par définition1

    hnv(F ) := |F |−1∑

    α∈F

    v∈MK

    log+ ‖α‖v . (1)

    Ici |F | désigne la cardinalité deF et log+ ‖ · ‖v = logmax{1, ‖ · ‖v}. On définitaussi la hauteur naı̈ve d’un élémentα deK parhnv(α) = hnv(F ), oùF est l’orbitede α sous l’action du groupe de Galois Gal(K/K). On étendhnv à P1(K) =

    1dans tout l’articlelog désigne le logarithme népérien

  • 4 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    K ∪ {∞} en posanthnv(∞) = 0. Notons que par construction cette hauteur estinvariante sous l’action de Gal(K/K).

    L’équation (1) admet une interprétation simple en terme de théorie du potentiel.Pour expliquer celà, notonsDiagv = {(z, z) ; z ∈ Cv} la diagonale deCv × Cv.Lorsquev est infinie, pour chaque paire de mesures boréliennesρ, ρ′ supportéesdansP1(Cv), et telles que la fonctionlog

    + ‖z − w‖v soit intégrable par rapport àρ⊗ ρ′ surCv × Cv \Diagv, on pose

    (( ρ, ρ′ ))v := −∫

    Cv×Cv\Diagv

    log ‖z − w‖v dρ(z) ⊗ dρ′(w) .

    Pour simplifier les notations, pour tout ensemble finiF , on notera[F ] la mesurede probabilité atomique équidistribuée sur les points deF . Notons maintenant que((λv, λv ))v = 0 et que

    (( [α], λv ))v = − log+ ‖α‖v , (2)pour toutα ∈ Cv, oùλv est la mesure de probabilité proportionnelle à la mesurede Lebesgue sur le cercle unitéS1 ⊂ Cv. Lorsquev est finie, un accouplement(( ·, · ))v peut être défini de façon analogue. Dans ce cas, la formule(2) reste validepour toutα ∈ Cv si l’on remplaceλv par la masse de Dirac située au point deP1(Cv) associé àB(0, 1). On vérifie que((λv, λv )) = 0 pour toutv dansMK , et

    que la formule du produit donne∑

    MK(( [F ], [F ] )) = 0. De (1) et (2), on tire enfin

    hnv(F ) =1

    2

    v∈MK

    (( [F ]− λv, [F ]− λv ))v , (3)

    pour tout sous-ensemble finiF deP1(K) invariant par l’action du groupe de GaloisGal(K/K).

    Nous proposons une définition de hauteurs basée sur cette ´egalité.

    Définition 1.1. Unemesure ad́eliqueρ est la donnée en chaque place d’une mesurede probabilitéρv supportée dansP1(Cv), telle queρv = λv hors d’un nombre finide places, et telle queρv admette un potentiel continu en toutes les places, i.e.ρv = λv +∆g avecg continue.

    Définition 1.2. La hauteur ad́eliquehρ associée à la mesure adéliqueρ est pardéfinition donnée par

    hρ(F ) :=1

    2

    v∈MK

    (( [F ]− ρv, [F ]− ρv ))v , (4)

    pour tout ensemble finiF ⊂ K invariant par Gal(K/K). Pour toutα ∈ P1(K), onposerahρ(α) = hρ(F ), oùF est l’orbite deα sous l’action du groupe de GaloisGal(K/K).

    Les hauteurs adéliques peuvent toutes être définies de manière équivalente parune formule du type Mahler.

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 5

    Proposition 1.3. Soitα ∈ K et soitP ∈ K[T ] le polyn̂ome (unitaire) minimal deα surK. Alors on a

    hρ(α) = hρ(∞) +1

    deg(α)

    v∈MK

    P1(Cv)log ‖P‖v dρv .

    Aux places finies telles queρv = λv, l’intégrale∫P1(Cv)

    log ‖P‖v dρv est égaleà la norme de Gauss du polynômeP =

    ∑aiT

    i i.e.max{|ai|v}. Ceci montre quele membre de droite est en réalité une somme finie. Dans le cas de la hauteur naı̈ve,l’égalité ci-dessus se réduit à la formule de Mahler habituelle.

    1.2. Résultats principaux. Les énoncés ci-dessous résument les propriétés gén´e-rales des hauteurs adéliques.

    Théorème 1.Pour toute mesure adéliqueρ, la fonctionhρ est une hauteur de Weildont le minimum essentiel est non-négatif.

    En d’autres termes, la différencehρ − hnv est uniforḿement borńee surP1(K),et pour toutε > 0, l’ensemble{α ∈ P1(K); hρ(α) < −ε} est fini.Théorème 2. Soit {Fn}n≥0 une suite d’ensembles finis distincts deuxà deux etGal(K/K)-invariants telle quelimn→∞ hρ(Fn) = 0. Alors pour toute placev deMK on a convergence faible au sens des mesures[Fn] → ρv lorsquen → ∞.

    Nous donnerons aussi des estimations quantitatives précises de la vitesse de con-vergence[Fn] → ρv du Théorème 2. Afin d’éviter d’introduire trop de terminolo-gie, nous ne mentionnons ici qu’un énoncé aux places infinies, et nous renvoyonsau Théorème 7 en§5.5 pour un énoncé analogue aux places finies.Théorème 3. Soitρ une mesure ad́elique admettant un potentiel Hölder en toutesles places. Alors il existe une constanteC > 0 telle que, pour tout ensemble finiF ⊂ K, invariant par l’action du groupe de Galois et de cardinalité |F |, pourtoute place infiniev ∈ MK , et pour toute fonctionϕ de classeC1 surP1(Cv), on a∣∣∣∣∣

    1

    |F |∑

    α∈F

    ϕ(α) −∫

    ϕdρv

    ∣∣∣∣∣ ≤(hρ(F ) + C

    log |F ||F |

    )× Lip (ϕ) ,

    où Lip (ϕ) = supx 6=y |ϕ(x) − ϕ(y)|/d(x, y) et d est la ḿetrique sph́erique surP1(Cv).

    Afin de comprendre la force de cette énoncé, mentionnons lecorollaire nouveausuivant dans le cas de la hauteur naı̈ve. IciλS1 est la mesure de Haar sur le cercleunité.

    Corollaire 1.4. Il existe une constanteC > 0 telle que pour tout ensemble finiF ⊂ Q, invariant par l’action du groupe de Galois et de cardinalité |F |, et pourtoute fonctionϕ de classeC1 surP1(C), on a

    ∣∣∣∣∣1

    |F |∑

    α∈F

    ϕ(α) −∫

    ϕdλS1

    ∣∣∣∣∣ ≤(hnv(F ) + C

    log |F ||F |

    )× Lip (ϕ) .

    Dans un travail récent, Petsche [Pe] a obtenu une estimation moins forte, maispour une classe de fonctions plus générales.

  • 6 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    1.3. Exemples et applications dynamiques.Les hauteurs adéliques que nousavons construites recouvrent essentiellement toutes les constructions de hauteursdéjà considérées dans la littérature (sur la droite projective). Elles coı̈ncident avecles hauteurs issues de métriques (sur le fibréO(1)) ditesadéliques int́egrables, dontla construction a été réalisée par Zhang et étendue parChambert-Loir [CL] dansun travail indépendant du nôtre. On voit ainsi que notre Théorème 2 est équivalentà [CL, Théorème 4.2] dans le cas de la droite projective. Nous nous contenteronsici de décrire deux types de situations dans lesquelles lesThéorèmes 1, 2, et 3permettent d’étendre et de préciser certains résultatsdéjà connus.

    Supposons donné en chaque place infinie, un compact du plan complexeEv decapacité logarithmique strictement positive. Pour touteplace finie, posonsρv = λv,et pour toute place infinie notonsρv la mesure d’équilibre (au sens de la théorie dupotentiel) deEv. Toutes ces mesures sont à potentiel localement bornée etsousl’hypothèse supplémentaire que ces potentiels sont continus, on peut donc leur as-socier une hauteur adéliquehρ. Dans ce cadre, le Théorème 1 implique la partieaisée du théorème de Fekete-Szegö et montre la finitude du nombre de points en-tiers dont tous les conjugués sont dans un voisinage fixe deEv (en toutes les placesinfinies) sous une hypothèse convenable sur la capacité des Ev. Le Théorème 3quant à lui nous donne une version quantitative de [Ru2, Th´eorème 1].

    De notre point de vue cependant, les applications les plus significatives concer-nent une classe de hauteurs issues des systèmes dynamiques. Soit doncR une frac-tion rationnelle à coefficients dans un corps de nombresK et de degréD ≥ 2.On peut montrer que la limitelimn→∞D−nhnv ◦Rn existe et définit une hauteurde WeilhR qui vérifiehR ◦ R = DhR. Nous allons voir quehR est une hauteuradélique, mais pour ce faire, il nous faut tout d’abord décrire quelques résultats denature dynamique.

    En toute place infiniev ∈ MK , les itérés{Rn}n≥0 deR induisent un systèmedynamique sur la sphère de Riemann. Bien que la nature des suites {Rn(z)}n≥0dépendent très fortement du choix du pointz, l’action par images inverses deRprésente des propriétés d’uniformité tout à fait remarquable. On démontre en effetqu’il existe une mesure de probabilitéρR,v, ditemesure d’́equilibre, telle que pourtout z0 ∈ P1(C) non exceptionnel pourR, on a

    limn→∞

    D−n[R−n{z0}] = ρR,v . (5)

    Rappelons qu’un point est ditexceptionnelpourR si son orbite inverse est finie,et qu’une fraction rationnelle donnée admet au plus deux points exceptionnels.Ce résultat est dû à Brolin [Br] dans le cas des polynômes, et indépendemment àLyubich [L] et à Freire-Lopez-Mañé [FLM], dans le cas desfractions rationnelles.La mesureρR,v est supportée sur son ensemble de Julia

    2, et permet d’obtenir denombreuses informations sur le système dynamique induit parR. C’est de plus unemesure à potentiel continue (et même Hölder), voir§ 6.6.

    En toute place finiev, une mesureρR,v satisfaisant à une propriété analoguea été construite dans [FR]. Celle-ci n’est pas supportéeen général dans l’espace

    2la partie de la sphère de Riemann où la dynamique est chaotique.

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 7

    projectif standardP1(Cv), mais dans l’espace de Berkovich associé, et elle estaussi à potentiel continu.

    On peut maintenant énoncer le

    Théorème 4. Soit R une fraction rationnelle de degré au moins2 et à coef-ficients dans un corps de nombreK. Pour chaque placev de K soit ρR,v lamesure d’́equilibre deR correspondante. AlorsρR = {ρR,v}v∈MK est une mesureadélique et la hauteur normaliséehR cöıncide avec la hauteurhρR définie par lamesure ad́eliqueρR.

    La Proposition 1.3 s’applique donc, et nous donne ainsi une formule de Mahlerpour toutes ces hauteurs. Dans ce cadre, celle-ci avait ét´e énoncée et démontréedans [PST].

    La hauteurhR est aussi redevable des Théorèmes 1, 2 et 3 ci-dessus. Notonscependant que le Théorème 1 ne nous donne aucune information. En effet, on apar constructionhR ≥ 0, et le minimum essentiel dehR est nul, car{hR = 0}qui est constitué des points prépériodiques deR, est toujours infini. Par contre,le Théorème 2 permet d’obtenir des résultats d’équidistribution remarquables. Onobtient ainsi le corollaire suivant, qui donne une preuve arithmétique d’un résultatdû à [L] dans le cas complexe.

    Corollaire 1.5. SoientR et S deux fractions rationnelles̀a coefficients dans uncorps de nombresK, avecdeg(R) ≥ 2. Pourn ≥ 1, notonsFn le sous-ensembledes solutions dansK à l’ équationRn = S. Si pourn grand les ensemblesFn sontdistincts deux̀a deux, alors pour toute placev ∈ MK , on a

    limn→∞

    [Fn] = ρR,v .

    LorsqueS(z) = z, l’ensembleFn est égal à l’ensemble des points périodiquesdeR dansK, de périoden. Dans ce cas les ensemblesFn sont distincts deux àdeux (pourn grand) et on obtient l’équidistribution des points périodiques deRselon la mesure d’équilibre. C’est un résultat nouveau pour toute place finie.

    Lorsquez0 ∈ K n’est pas exceptionnel pourR et lorsque la fraction rationnelleS est constante égale àz0, on sait que les ensemblesFn sont distincts deux àdeux. On obtient alors le résultat d’équidistribution des préimages itérées dez0,mentionné ci-dessus en (5).

    C’est dans ce contexte que plusieurs cas particuliers du Corollaire 1.5 ont étéobtenus précédemment. Bilu [Bi] l’a tout d’abord démontré pour les morphismesde puissance. Autissier [Au] a ensuite obtenu ce résultat `a la place infinie pourtoutes les fractions rationnelles comme un cas particulierd’un résultat concernantles courbes arithmétiques. Le Corollaire 1.5 a récemmentété démontré pour lespolynômes par Baker-Hsia [BH] à la place infinie et, sous certaines hypothèses,aux places finies.

    Finalement, dans des travaux indépendants des nôtres, Baker-Rumely [BR1]d’une part et Chambert-Loir [CL] d’autre part ont démontr´e le Corollaire 1.5 pourS(z) = z en toutes les places (finies et infinies).

  • 8 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    La mesure adéliqueρR est à potentiel Hölder (voir§ 6.6) et par conséquent lahauteur normaliséehR vérifie toutes les conditions du Théorème 3. Ceci permetd’obtenir immédiatement la version quantitative suivante du Corollaire 1.5.

    Corollaire 1.6. SoitR une fraction rationnelle de degréD ≥ 2 a coefficients dansQ, et notonsρR sa mesure d’́equilibre surP1(C). Alors il existe une constanteC > 0 telle que pour toute fonctionϕ de classeC1 sur P1(C), pour tout pointz ∈ P1(Q) non exceptionnel, et pour toutn ≥ 0, on ait

    ∣∣∣∣∣∣1

    Dn

    α∈R−n{z}

    ϕ(α) −∫

    ϕdρR

    ∣∣∣∣∣∣≤(hR(z) + Cn

    Dn

    )× Lip (ϕ) .

    Ce résultat est tout à fait surprenant dans la mesure où pour une fraction ra-tionnelle à coefficients complexes quelconques, l’estimation ennD−n ne semblepas connue. Des estimations enexp(−√n) ont été obtenues dans [DPU] (et pourdes fonctionsf Hölder), et raffinées enσn pour unσ < 1 proche1 dans [H], voiraussi [PS] pour des résultats plus faibles.

    Il nous semble intéressant de mentionner aussi le corollaire suivant dont unepreuve directe par des méthodes complexes semble délicate. Ce corollaire nous aété inspiré par [BH, Theorem 8.13] dont le théorème ci-dessous en est une versionquantitative. Fixons un entierD ≥ 2, et regardons l’ensemble des polynômes de laformePc(z) = zD + c pourc ∈ C. Il est intéressant de regarder l’ensemble dit deMandelbrot et notéMD, constitué des paramètresc pour lesquels l’orbite dez = 0pourPc est bornée. On montre queMD est un ensemble compact. On peut doncconsidérer sa mesure harmoniqueµD, qui est caractérisée de manière dynamiquepar la formuleµD = limn→∞D−n∆ log

    + |Pnc (0)|.On dit qu’un paramètrec ∈ C estcritiquement fini, s’il existe des entiers dis-

    tinctsn etm tels quePnc (0) = Pmc (0). Notons que pour de tel paramètres,c ∈ Q̄.

    Théorème 5. Il existe une constanteC > 0 telle que pour tout ensemble fini etGal(Q̄/Q)-invariant F ⊂ C de param̀etres critiquement finis et toute fonctionϕde classeC1 surP1(C), on a

    ∣∣∣∣∣|F |−1∑

    α∈F

    ϕ(α) −∫

    ϕdµD

    ∣∣∣∣∣ ≤ Clog |F ||F | × Lip (ϕ) .

    En particulier pour toute suite d’ensembles finis{Fn}n≥1 distincts deux̀a deuxvérifiant les propríet́es ci-dessus, on a[Fn] → µD.

    La preuve du Théorème 5 est donné en§ 6.5. Nous indiquons maintenant rapi-dement la preuve du Corollaire 1.5.

    Démonstration du Corollaire 1.5.On fixe tout d’abord des constantesB,C > 0telles quehR(S(z)) ≤ B · hR(z) +C (on peut en fait prendreB = deg(S)). Pourtout z ∈ Fn, on a alorsDnhR(z) = hR(Rn(z)) = hR(S(z)) ≤ B · hR(z) + C,donc

    hR(z) ≤C

    Dn −B pour toutz ∈ Fn .

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 9

    CommeR et S sont à coefficients dansK, les ensemblesFn sont Gal(K/K)-invariant, et l’estimation précédente donnelimn→∞ hR(Fn) = 0. Sous l’hypothèsesupplémentaire que les ensemblesFn sont distincts deux à deux, le Théorème 2s’applique et donne alorslimn→∞[Fn] = ρR,v. �

    1.4. Stratégie de la preuve.Nous indiquons maintenant comment démontrer nosrésultats principaux, les Théorèmes 1 et 2.

    Le fait que pour toute mesure adéliqueρ, la fonctionhρ soit une hauteur deWeil résulte directement de notre hypothèse de continuité sur les potentiels desmesuresρv. Les deux autres énoncés, le fait que le minimum essentieldehρ soitpositif et le résultat d’équidistribution, sont en réalité la conséquence d’une mêmeestimation de positivité de chacun des termes(( [F ] − ρv, [F ] − ρv ))v intervenantdans la définition dehρ, que nous expliquons dans le cas des places infinies.

    Etant différence de deux mesures de probabilité, chaque mesure[F ]− ρv s’écrit∆g pour une fonctiong définie globalement sur la sphère de Riemann. Une intégra-tion par partie montre alors que3 (( [F ] − ρv, [F ] − ρv ))v =

    ∫P1(Cv)

    dg ∧ dcg dèsque cette intégrale est bien définie. C’est le cas lorsqueg est lisse, ce que nousallons supposer un instant pour les besoins de la discussion. Dans ce cas

    ∫dg ∧

    dcg =∫|∂g/∂x|2 + |∂g/∂y|2 dxdy est positif et s’annule si et seulement sig est

    constante, ou bien de manière équivalente si et seulementsi [F ] − ρv = ∆g = 0.On expliquera en§2.5 que tout ceci reste vrai sous l’hypothèse plus faible que gest continue.

    Cependant la mesure[F ] est atomique et doncg n’est même pas localementbornée. L’idée consiste alors à approcher[F ] par une famille de mesures lisses[F ]ε (en convolant par un noyau lisse), et le point clé est d’estimer précisément ladifférence(( [F ] − ρv, [F ] − ρv ))v − (( [F ]ε − ρv, [F ]ε − ρv ))v . C’est le contenudes Lemmes 2.9 et 2.10, qui permettent de contrôler cette différence en termes duparamètreε et de la cardinalité deF .

    La même analyse est possible aux places finies, si l’on remplace l’espace pro-jectif standard par la droite projective au sens de Berkovich. On utilise dans ce casun procédé de régularisation de nature élémentaire (basé sur la structure d’arbre deP1(Cv)) pour estimer la positivité des termes(( [F ] − ρv, [F ] − ρv )). Ceci aboutit

    aux Lemmes 4.10 et 4.11.Une fois ces estimations faites, la preuve du Théorème 1 est une application

    simple du théorème de Northcott sur la finitude des points de hauteur (naı̈ve) et dedegré bornés. Concernant le Théorème 2, siFn est une suite d’ensembles finis tellequehρ(Fn) → 0, nos estimations de positivité et le fait que|Fn| → ∞ impliquenten toutes les placeslimn→0(( [Fn]−ρv, [Fn]−ρv ))v = 0, dont on déduit[Fn] → ρv.

    Notons finalement que les estimations de positivité que nous donnons sont es-sentiellement optimales. Nous décrivons en§6.7 un exemple qui montre qu’en tousles cas ces estimations sont nécessaires. On construit en effet une hauteur adélique(de type dynamique)hρ, une suite d’ensemble finiFn invariant sous Gal(K/K) et

    3à une constante multiplicative près tenant compte du faitquev est réel ou non.

  • 10 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    de cardinalité tendant vers l’infini, pour lesquels il existe une place (finie) telle que(( [Fn]− ρv, [Fn]− ρv )) < 0 pour toutn.1.5. Plan de l’article. Cet article est divisé en cinq parties. Dans la Section 2, nousrappelons les éléments de théorie du potentiel surC nécessaires à notre analyse.Bien que le contenu de cette partie soit classique, le traitement que nous donnonsici est adaptée précisément à nos besoins et sert de baseau traitement de la théoriedu potentiel que nous développons aux places finies par la suite. Dans la Section 3,nous faisons quelques rappels sur la géométrie de la droite projective au sens deBerkovich surCp. Dans la Section 4, nous décrivons les résultats de théorie dupotentiel surCp analogues à ceux de la Section 2. La Section 5 est dédiée auxpreuves des Théorèmes 1, 2, et 3. Enfin nous montrons dans ladernière Section 6le Théorème 4 établissant que les hauteurs dynamiques sont des hauteurs adéliques,ainsi que le Théorème 5.

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 11

    2. THÉORIE DU POTENTIEL DANS LE CAS COMPLEXE

    2.1. Forme de Dirichlet. On identifieC à R ⊕ iR et pourz = x + iy ∈ C onposez̄ = x− iy. Toute application linéaire réelle définie surC et à valeurs dansC,s’écrit de façon unique comme une combinaison linéaire complexe des applicationsz 7→ z et z 7→ z̄. Toute1-formeω surC se décompose donc uniquement sous laformeω = ω1,0dz+ω0,1dz̄ ; la formeω1,0dz (resp.ω0,1dz̄) est la composante ditede type(1, 0) (resp.(0, 1)) de la formeω. Si f : C → C est une fonction de classeC1, on notedf = ∂f + ∂̄f , où∂f est la composante de type(1, 0) et ∂̄f celle detype(0, 1) dedf . On posedcf := 12πi(∂f− ∂̄f). C’est un opérateur réel au sens oùdcf = dcf . Si f et g sont deux fonctions de classeC1 à valeursréelles, on vérifieque

    df ∧ dcg = dg ∧ dcf =(∂f

    ∂x

    ∂g

    ∂x+

    ∂f

    ∂y

    ∂g

    ∂y

    )dx ∧ dy

    2π. (6)

    Fixonsf, g deux fonctions réelles de classeC1. Pour tout ouvert connexeD ⊂ C,on notera〈f, g〉D :=

    ∫D df ∧dcg ∈ R. Cet accouplement est appelé classiquement

    forme de Dirichlet. Il est clair que〈·, ·〉D définit une forme bilinéaire positive surl’espace des fonctions de classeC2 et que l’on a〈f, g〉2D ≤ 〈f, f〉D · 〈g, g〉D avecégalité si et seulement si il existe une constantec ∈ R telle que la fonctionf − cgsoit constante surD.

    Enfin, on notera que pour toute fonction de classeC2, on addcf = (∆f)dx∧dy,où ∆f = (2π)−1

    (∂2f∂x2

    + ∂2f

    ∂y2

    )est le Laplacien standard def surC. On verra à

    la section suivante la justification du choix de normalisation par2π. Enfin on ferasouvent l’abus de notations∆f = ddcf .

    2.2. Fonctions sous-harmoniques.Dans la preuve du théorème principal, nousaurons besoin de travailler avec la forme de Dirichlet appliquée à des fonctions declasse de régularité plus faible queC1. Ceci est possible si les fonctions possédentdes propriétés de convexité compatible avec la structure complexe. Commençonspar une définition.

    Définition 2.1. Une fonctionu : C → R ∪ {−∞} non identiquement−∞ estdite sous-harmonique si elle est semi-continue supérieure, et qu’elle vérifie entout point et pour tout rayonr > 0, l’inégalité dite de sous-moyenneu(z) ≤∫[0,2π] u(z + re

    it) dt2π .

    On vérifie que toute fonction sous-harmonique est localement intégrable. Grâceaux inégalités de sous-moyenne, on montre que par convolution toute fonctionsous-harmonique est limitedécroissantede fonctions sous-harmoniqueslisses. Onen déduit alors que pour toute fonction sous-harmoniqueu, la distributionddcu estune mesurepositive. Réciproquement, on montre que toute fonctionL1loc dont leddc au sens des distributions est une mesure positive est égalepresque partout àune fonction sous-harmonique.

    Pour toutz0 ∈ C, la fonctionz 7→ log |z − z0| est sous-harmonique et on addc log | ·−z0| = [z0] (c’est pour que cette formule soit valide que l’on a normaliséle laplacien en divisant par2π) . Par intégration, on en déduit que pour toute mesure

  • 12 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    de probabilitéρ surC et à support borné, la fonctiongρ(z) :=∫Clog |z−w| dρ(w)

    est sous-harmonique dansC, et l’on a∆gρ = ρ. Lorsqueρ := λ1 est la mesure deprobabilité proportionnelle à la mesure de Lebesgue sur le cercle unité, on obtientgλ1(z) = log

    + |z|.Dans toute la suite, on désignera par potentiel d’une mesure ρ définie sur un

    domaineΩ, toute fonction sous-harmoniqueu définie surΩ et telle que∆u = ρ.Un potentiel est défini à une fonction harmonique près. Ondira queρ est à potentielcontinu (resp. borné) siρ = ∆u avecu continue (resp. bornée). Ceci ne dépendpas du choix du potentiel car toute fonction harmonique est lisse.

    2.3. Régularité des potentiels.Comme la fonctionz 7→ log |z| est un noyau fon-damental pour le laplacien, pour toute fonction sous-harmoniqueu définie dans ledisque unité, la fonctionu(z) −

    ∫|z|≤1 log |z − w|∆u(w) , est harmonique, donc

    lisse. On déduit de ce fait qu’une fonction sous-harmonique est dansLploc pour tout1 ≤ p < ∞ (car c’est le cas pourlog |z|) ; et que ses dérivées partielles∂u∂x et ∂u∂ysont dansL2−εloc pour toutε > 0 (car c’est le cas pour la dérivée| · |−1 de la fonctionlog | · |). En particulier,du est une1-forme à coefficientsL2−εloc .

    Notons cependant que, étant donnée une partie ouverte et connexeD deC, cespropriétés ne suffisent pas pour pouvoir définir〈u, v〉D pour un couple arbitrairede fonctions sous-harmoniquesu et v. La condition la plus faible sous laquelle ceproduit est défini et pour laquelle l’inégalité de Cauchy-Schwartz est vérifiée estnaturellementu ∈ L1(ddcv). Cependant, dans ce cas la2-forme du ∧ dcv n’estque mesurable en général, ce qui complique nettement l’exposition. Nous nouscontenterons donc de résultats plus faibles.

    Lemme 2.2. Soitu une fonction sous-harmoniquelocalement bornée. Alors la1-formedu està coefficientsL2loc.

    Il est en fait vrai queu ∈ L1loc(ddcu) équivaut au fait quedu est à coefficientsL2loc, mais nous n’aurons pas besoin de ce résultat plus fort.

    Démonstration.On fixe donc une suite décroissante de fonctions sous-harmoni-ques lissesun convergeant versu. On peut construireun par convolution, et onmontre alors queun → u dansLploc pour tout1 ≤ p < ∞, et quedun → dudansL2−ε pour toutε ∈ (0, 1). Soitχ une fonction lisse positive dansD à supportcompact. Stokes donne :∫

    Dd (χund

    cun) =

    ∂Dχun d

    cun = 0

    =

    Dχdun ∧ dcun +

    Dun dχ ∧ dcun +

    Dχun dd

    cun .

    On a donc0 ≤∫D χdun ∧ dcun = −

    ∫D un dχ ∧ dcun −

    ∫D χun dd

    cun. On vamontrer que les deux derniers termes sont bornés uniformément enn. On peut doncextraire une sous-suite de la suite de1-formesdun convergeant faiblement dans

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 13

    L2loc. Commedun → du presque partout, le théorème de convergence dominé im-plique que la limite est nécessairementdu, ce qui montre quedu est à coefficientsL2loc.

    On a tout d’aborddcun → dcu dansL2−εloc pour toutε > 0, etun → u dansLploc

    pour toutp > 0 doncundcun → udcu dansL1loc. Commeχ est lisse à supportcompact, la suite

    ∫D un dχ ∧ dcun converge donc vers

    ∫D u dχ ∧ dcu ∈ R.

    Ensuite,un ≥ u donc∫D χun dd

    cun ≥∫D χudd

    cun. La fonctionu est bornéeinférieurement sur le support deχ par une constanteC. On a donc l’inégalité∫D χun dd

    cun ≥ C∫D χdd

    cun. Ce dernier terme est uniformément borné. Cecitermine la preuve du lemme. �

    Nous aurons aussi besoin du lemme suivant.

    Lemme 2.3. Soientu et v deux fonctions sous-harmoniques. Siv est localementbornée, alorsu est localement intégrable par rapport̀a la mesureddcv.

    Démonstration.Soientun → u, vm → v deux suites régularisantes etχ unefonction test définie sur un domaineD. On a vu à la preuve du Lemme 2.2 quepour toutn,

    Dχdun ∧ dcvm +

    Dun dχ ∧ dcvm +

    Dχun dd

    cvm = 0;

    Dχdvm ∧ dcun +

    Dvm dχ ∧ dcun +

    Dχvm dd

    cun = 0 .

    Comme précédemment, les termes∫D un dχ∧dcvm et

    ∫D vm dχ∧dcun convergent

    respectivement vers∫D u dχ ∧ dcv et

    ∫D v dχ ∧ dcu et sont finis. Quandn → ∞,

    ddcun → ddcu et commev est localement bornée,C ≥ vm ≥ −C pour uneconstanteC > 0 et pour toutm. La suite

    ∫D χvm dd

    cun est donc uniformémentbornée. Enfin on a la symétriedun ∧ dcvm = dvm ∧ dcun. On en déduit donc que∫D χun dd

    cvm est uniformément bornée enn,m. Commeddcvm → ddcv et undécroit versu, il s’ensuit queu ∈ L1loc(ddcv). �

    2.4. Energie. NotonsDiag = {(z, z) ; z ∈ C} la diagonale deC × C. Soientρ et ρ′ deux mesures signées surP1(C). Notons|ρ| et |ρ′| leur mesure trace etsupposons quelog |z−w| ∈ L1(|ρ|⊗|ρ′|) dansC2\Diag. On définit alors l’énergiemutuelle deρ etρ′ par l’intégrale :

    (ρ, ρ′) := −∫

    C×C\Diaglog |z − w| dρ(z) ⊗ dρ′(w) . (7)

    Lorsqueρ =∑

    mi[zi], ρ′ =∑

    m′j [z′j ] sont deux mesures à support fini, l’hy-

    pothèse d’intégrabilité est immédiatement satisfaite, et on a

    (ρ, ρ′) = −∑

    S

    mim′j log |zi − z′j | avecS = {(i, j) ; i 6= j, zi 6= ∞, z′j 6= ∞} .

    Dans la suite, on utilisera aussi le critère d’intégrabilité suivant. Pour toute mesurepositiveρ définie surP1(C), on utilisera la locutionρ est àpotentiel continupourdire que localement en tout point deP1(C), ρ = ∆u avecu continu.

  • 14 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    Lemme 2.4. Soitρ une mesure sigńee dont la mesure trace està potentiel continu.Soit de plusρ′ une mesure satisfaisantà l’une des propríet́es suivantes :

    • ρ′ est une mesurèa support fini ne chargeant pas l’infini ;• |ρ′| està potentiel continu.

    Alors log |z − w| ∈ L1(|ρ| ⊗ |ρ′|) dansP1(C) × P1(C). En particulier,(ρ, ρ′) estbien d́efini.

    Démonstration.Dans le premier cas, il suffit par linéarité de montrer quelog |z −w0| ∈ L1(|ρ|) pour toutw0 ∈ C fixé. Localement en un pointz ∈ C, celà résultedu Lemme 2.3 car|ρ| admet un potentiel continu. Au point infini, on peut faire lechangement de variableZ = 1/z et on a alorslog |z−w0| = log |1−Zw0|−log |Z|qui est une différence de deux fonctions sous-harmoniques. Donc log |z − w0| estaussi localement intégrable par rapport à|ρ| au voisinage de l’infini.

    Pour démontrer l’intégrabilité delog |z − w| dans le second cas, on remarqueque par linéarité, il suffit de le vérifier lorsqueρ et ρ′ sont des mesures positivesà potentiel continu. C’est complètement clair dansC × C privé de la diagonale.Localement en un point de la diagonale, celà résulte commeprécédemment duLemme 2.3, combiné maintenant au théorème de Fubini. En un point de la forme(∞, w) avecw ∈ C, le changement de variablesZ = 1/z donnelog |z − w| =log |1 − Zw| − log |Z|, qui est localement une différence de deux fonctions sous-harmoniques. Le raisonnement précédent s’applique donc. Au point (∞,∞), onposeZ = 1/z etW = 1/w. On a alorslog |z − w| = log |Z − W | − log |Z| −log |W |. On conclut de même quelog |z−w| est intégrable par rapport à|ρ| ⊗ |ρ′|en ce point. On a donc prouvé quelog |z − w| ∈ L1(|ρ| ⊗ |ρ′|). �Lemme 2.5.Soientρ, ρ′ deux mesures signées telles quelog |z−w| ∈ L1(|ρ|⊗|ρ′|)dansP1(C)×P1(C). Alors la fonctiongρ(z) :=

    ∫Clog |z−w| dρ(w) est int́egrable

    par rapport à ρ′ et on a

    (ρ, ρ′) = −∫

    C

    gρdρ′ . (8)

    Démonstration.L’hypothèse implique tout d’abord queρ⊗ρ′ ne charge niDiag, ni{∞}×P1(C), ni P1(C)×{∞}. De plus, Fubini implique quegρ(z) :=

    ∫Clog |z−

    w|dρ(w) est bien défini pour presque toutz et que l’on agρ ∈ L1(|ρ′|). On peutdonc écrire :

    (ρ, ρ′) = −∫

    C×C\Diaglog |z − w| dρ(z) ⊗ dρ′(w) =

    = −∫

    C×Clog |z − w| dρ(z) ⊗ dρ′(w) =

    = −∫

    w∈C

    [∫

    z∈Clog |z − w| dρ(z)

    ]dρ′(w) = −

    C

    gρdρ′ .

    Ce qui conclut la preuve. �

    2.5. Positivité. On va maintenant montrer que l’énergie d’une mesureρ possèdedes propriétés de positivité, au moins lorsqueρ(P1(C)) = 0 et lorsqueρ admet

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 15

    un potentiel suffisamment régulier. Pour mémoire, notonsqu’une mesure signéeρdéfinie surP1(C) s’écrit ρ = ∆g avecg : P1(C) → R localement intégrable si etseulement siρ(P1(C)) = 0.

    Proposition 2.6. Soitρ une mesure sigńee surP1(C) telle queρ(P1(C)) = 0, etdont la mesure trace està potentiel continu. On peut alorśecrire ρ = ∆g avecgcontinue, et(ρ, ρ) est bien d́efinie. De plus,dg est une1-formeà coefficientsL2 eton a

    (ρ, ρ) =

    P1(C)dg ∧ dcg ≥ 0 . (9)

    De plus(ρ, ρ) = 0 si et seulement siρ = 0.

    Démonstration.Ecrivons la décomposition de Jordan de∆g sous la forme∆g =ρ1 − ρ2, avecρ1 et ρ2 deux mesures positives de même masse. Par hypothèse,localement en tout point,ρ1 et ρ2 admettent des potentiels continus. Au voisinaged’un point p, on peut donc bien écrireρ = ∆h avech continue. Maisg − h estharmonique, doncg est aussi continue. Le fait que(ρ, ρ) est bien définie résulte duLemme 2.4. Pour montrer quedg est à coefficientsL2, on applique le Lemme 2.2aux potentiels locaux deρ1 et ρ2. Les formesdg et dcg sont donc toutes deuxlocalement à coefficientsL2, donc globalementL2 par compacité deP1(C). Onfixe alorsR > 0 très grand. Stokes donne :

    ∫D(0,R) dg ∧ dcg = −

    ∫D(0,R) g dd

    cg+∫{|z|=R} gd

    cg. Commeg est continue, et quitte à remplacerg parg−g(∞), on peutsupposer queg → 0 à l’infini, donc le dernier terme tend vers0 pour une sous-suiteRn croissant vers l’infini, convenablement choisie. En passant à la limite, on endéduit que ∫

    P1(C)dg ∧ dcg = −

    P1(C)g ddcg . (10)

    Le Lemme 2.5 implique quegρ(z) =∫w∈C log |z − w| dρ(w) est bien définie et

    intégrable par rapport àρ. Mais∆gρ = ρ = ∆g doncgρ−g est constante. Commeρ a un potentiel local continu en l’infini, on aρ{∞} = 0. Doncρ(P1(C)) = 0implique limz→∞ gρ(z) = 0 = g(∞). On conclut queg = gρ. Finalement (8)implique

    (ρ, ρ) = −∫

    C

    gρ dρ = −∫

    C

    g ddcg =

    P1(C)dg ∧ dcg .

    Ceci démontre (9). Enfin(ρ, ρ) = 0 impliquedg = 0 presque partout (rappelonsquedg est une1-forme à coefficientsL2). La continuité deg et le fait queg(∞) = 0implique queg ≡ 0. En particulier,ρ = 0. �

    2.6. Energie et régularisation. Dans ce paragraphe, on démontre la Proposi-tion 2.8. Ce résultat sera fondamental dans le reste de l’article.

    On fixe dans toute la suite une fonction lisse décroissanteϕ : [0,∞) → [0, 1],telle queϕ ≡ 0 hors du segment[0, 1] et

    ∫ 10 ϕ = 1. Pour toutε > 0, on note

  • 16 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    ϕε(r) = ε−1ϕ( rε ). Pour toute fonction continueχ surP

    1(C), on définit

    χε(z) :=

    ∫ ε

    0

    [∫ 2π

    0χ(z + reit)

    dt

    ]ϕε(r)dr , (11)

    avec la conventionχε(+∞) = χ(∞). C’est une fonction lisse surC, continue surP1(C), etχε tend uniformément versχ lorsqueε → 0. Pour toute mesure signéeρsurP1(C), on définit sa convoléeρε := ϕε ∗ ρ en posant

    ∫χdρε :=

    ∫χεdρ pour

    toute fonction continueχ. Si ρ est une mesure de probabilité,ρε est encore unemesure de probabilité. On vérifie facilement le

    Lemme 2.7. Pour toute mesure signéeρ, on aρε → ρ lorsqueε → 0. Pour toutesuite de mesures signées telle queρn → ρ, on aρn,ε → ρε. Enfin siρ està supportcompact dansC, alorsρε està potentiel continu.

    En particulier, siz ∈ C, la mesure de probabilité[z]ε est une mesure à potentielcontinu. Dans la suite, on utilisera la terminologie suivante. Si F ⊂ C est unensemble fini de cardinal|F |, on notera

    [F ] = |F |−1∑

    z∈F

    [z] et [F ]ε = |F |−1∑

    z∈F

    [z]ε .

    Dans la proposition suivante on note parλ1 la mesure de probabilité proportion-nelle à la mesure de Lebesgue sur le cercle unité.

    Rappelons qu’unmodule de continuité pour une fonction continueh surP1(C)est une fonctionη : R+ → R+, telle que pour tous pointsz, w ∈ P1(C) tels qued(z, w) ≤ ε, on ait|h(z)−h(w)| ≤ η(ε). Ici d dénote la métrique sphérique sur lasphère de Riemann. Notons que la métrique euclidienne| · | surC est plus grandeque la métrique sphérique, donc tout module de continuit´e pourd est un module decontinuité pour| · |.Proposition 2.8. Soit ρ une mesure de probabilité à potentiel continu, soit̂η unmodule de continuité d’un potentiel deρ− λ1 et posonsη(ε) := η̂(ε) + ε. Alors ilexiste une constanteC > 0 telle que pour toutε > 0 et tout sous ensemble finiFdeC, on ait

    ([F ]− ρ, [F ]− ρ) ≥ ([F ]ε − ρ, [F ]ε − ρ)− 2 η(ε) − |F |−1(C + log ε−1) (12)≥ −2 η(ε) − |F |−1(C + log ε−1) (13)

    La preuve, qui sera donnée ci-dessous, repose sur l’étudedu comportement del’énergie après régularisation des mesures.

    Lemme 2.9. Soientρ et η comme dans la proposition. Alors pour tout ensemblefini de pointsF ⊂ C, on a

    |([F ], ρ) − ([F ]ε, ρ)| ≤ η(ε) . (14)Lemme 2.10. Il existe une constanteC telle que pour toutε > 0 et tout ensemblefini F de points, on ait

    ([F ]ε, [F ]ε) ≤ ([F ], [F ]) + |F |−1(C + log ε−1) . (15)

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 17

    Preuve de la proposition 2.8.Commeρ et [F ]ε sont des mesures de probabilité àpotentiel continu, il existe une fonctiong définie et continue surP1(C) telle que∆g = ρ − [F ]ε. L’équation (9) implique alors([F ]ε − ρ, [F ]ε − ρ) ≥ 0. Enparticulier, (12) implique (13).

    Le résultat est alors une conséquence immédiate des Lemmes 2.9 et 2.10. �

    Preuve du Lemme 2.9.On traite tout d’abord le cas oùρ = λ1. On a alorsgλ1(z) =∫Clog |z −w| dλ1(w) = log+ |w| surC. Pour toutz ∈ C, les équations (8) et (11)

    donnent alors :

    ([z]ε, λ1)− ([z], λ1) =∫

    C

    log+ |w|(ϕε ∗ [z]− [z]) =

    =

    ∫ ε

    0

    [∫ 2π

    0

    (log+

    ∣∣z + reit∣∣− log+ |z|

    ) dt2π

    ]ϕε(r)dr .

    On vérifie facilement que∣∣log+

    ∣∣z + reit∣∣− log+ |z|

    ∣∣ ≤ ε pour toutz, t et toutr ≤ ε. On a donc|([z]ε, λ1)−([z], λ1)| ≤ ε et par suite|([F ]ε, λ1)−([F ], λ1)| ≤ ε.

    Dans le cas général on écritρ − λ1 = ∆h sur P1(C). Par hypothèseh estcontinue et la fonction̂η est un module de continuité deh. SurC, on a alorsρ = ∆gavecg := log+ |w| + h. De (8), on déduit

    ([F ], ρ) − ([F ]ε, ρ) =∫

    C

    g d([F ]ε − [F ]) =

    =

    C

    hd([F ]ε − [F ]) + ([F ]ε, λ1)− ([F ], λ1) .

    Ce dernier terme est borné parη(ε) := η̂(ε) + ε, ce qui termine la démonstrationdu lemme. �

    Preuve du Lemme 2.10.Fixonsr, r′ > 0 etz, z′ ∈ C distincts. Alors∫

    [0,2π]2log∣∣∣(z + reit)− (z′ + r′eit′)

    ∣∣∣ dt⊗ dt′

    (2π)2=

    =

    [0,2π]max

    {log |z − (z′ + r′eit′)|, log r

    } dt′2π

    ≥ max{∫

    [0,2π]log |z − (z′ + r′eit′)| dt

    2π, log r

    }≥

    ≥ max{log |z − z′|, log r′, log r} ≥ log |z − z′| .Pour tousz, z′ ∈ C distincts, on obtient([z]ε, [z′]ε) ≤ − log |z − z′| = ([z], [z′])en intégrant cette suite d’inégalités. Lorsquez = z′, les inégalités précédentes seréécrivent∫

    [0,2π]2log∣∣∣(z + reit)− (z + r′eit′)

    ∣∣∣ dt⊗ dt′

    (2π)2=

    =

    [0,2π]2log∣∣∣reit − r′eit′

    ∣∣∣ dt⊗ dt′

    (2π)2= max{log r, log r′} ,

  • 18 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    et donc

    ([z]ε, [z]ε) ≤ −∫

    [0,ε]2max{log r, log r′}ϕε(r)ϕε(r′) dr ⊗ dr′ ≤

    ≤ −∫ ε

    0log r · ϕε(r)dr = C + log ε−1 ,

    pour une certaine constanteC. On déduit de tout celà :

    ([F ]ε, [F ]ε) =1

    |F |2∑

    z 6=z′∈F

    ([z]ε, [z′]ε) +

    1

    |F |2∑

    z∈F

    ([z]ε, [z]ε) ≤

    ≤ 1|F |2∑

    z 6=z′∈F

    ([z], [z′]) +1

    |F |2∑

    z∈F

    ([z]ε, [z]ε) =

    = ([F ], [F ]) +1

    |F |2∑

    z∈F

    ([z]ε, [z]ε) .

    Le dernier terme se majore par(C+log ε−1)/|F |, ce qui termine la démonstration.�

    2.7. Le résultat clef. Nous pouvons maintenant démontrer le résultat clef quinous servira dans la preuve du théorème principal de l’article.

    Proposition 2.11.Soitρ une mesure de probabilité surP1(C), telle que localementen tout point, il existe une fonctiong continue v́erifiant ρ = ∆g. SoitFn ⊂ P1(C)une suite d’ensembles finis telle que|Fn| → ∞. Alors

    limn→∞([Fn]− ρ, [Fn]− ρ) ≤ 0 implique limn→∞

    [Fn] = ρ .

    Démonstration.Tout d’abord notons que l’on peut toujours supposer queFn ⊂ C.En effet, par construction([Fn] − ρ, [Fn] − ρ) → 0 et |Fn| → ∞ impliquent([Fn \ {∞}] − ρ, [Fn \ {∞}]− ρ) → 0.

    Pour démontrer la proposition, on se ramène à la Proposition 2.6 en régulari-sant les mesures[Fn]. Les mesures[Fn]ε sont absolument continues par rapportà la mesure de Lebesgue surC, on peut donc écrire[Fn]ε − ρ = ∆gn,ε avecgn,ε continues, que l’on normalisera pargn,ε(∞) = 0. On va montrer que∆gn,εconverge faiblement vers la mesure nulle lorsque l’on fait tendren → ∞ puisε → 0. Comme les mesures∆gn,ε sont de masse totale égale à0, il suffit demontrer que pour toute fonction lisseχ à support compact dansC on a

    limε→0

    limn→∞

    C

    χddcgn,ε = 0. (16)

    En effet, prenons un point d’adhérenceρ̃ de la suite de mesures de probabilité[Fn].On peut donc trouver une sous-suite[Fnk ] → ρ̃. L’opérateur de régularisation estcontinue dans l’espace des mesures, donc pour toutε > 0, on a [Fnk ]ε → ρ̃ε,voir Lemme 2.7. L’équation (16) se traduit par l’égalitélimε→0 ρ̃ε = ρ, et on endéduit donc̃ρ = ρ. Tous les points d’adhérence de[Fn] étant égaux àρ, on conclut[Fn] → ρ.

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 19

    Pour montrer (16), on procède comme suit. De (12), on tire

    ([Fn]ε − ρ, [Fn]ε − ρ) ≤ ([Fn]− ρ, [Fn]− ρ) + |Fn|−1(C + log ε−1) + 2η(ε) .Comme|Fn| → ∞ et que par hypothèselimn→∞([Fn]− ρ, [Fn] − ρ) ≤ 0, on endéduit que

    limε→0limn→∞([Fn]ε − ρ, [Fn]ε − ρ) ≤ 0 . (17)De (9), on tire([Fn]ε−ρ, [Fn]ε−ρ) =

    ∫Cdgn,ε∧dcgn,ε ≥ 0. Au vu de (17), on

    en déduitlimε→0 limn→∞∫Cdgn,ε ∧ dcgn,ε = 0, puislimε→0 limn→∞ dcgn,ε = 0

    dansL2, donc dansL1. Siχ est une fonction à support compact dansC quelconque,le Théorème de Stokes implique

    limε→0

    limn→∞

    C

    χddcgn,ε = limε→0

    limn→∞

    −∫

    C

    dχ ∧ dcgn,ε = 0.

    Ceci termine la preuve de la proposition. �

    3. L’ESPACE DEBERKOVICH DE Cp.

    L’espaceCp muni de sa normep-adique est un espace totalement discontinu etnon localement compact et de ce fait se prète mal à l’analyse ou à la théorie de lamesure. Pour contourner cette difficulté, on “connexifie”Cp en construisant un ar-breA1(Cp) dans lequelCp s’identifie à un sous-espace de ses bouts. Cette construc-tion dûe à Berkovich s’avère tout à fait fondamentale. Nous verrons au paragraphesuivant qu’il est ainsi possible de construire un opérateur de Laplace convenablesurA1(Cp). Dans ce paragraphe, nous décrivons les propriétés topologiques essen-tielles deA1(Cp).

    3.1. Le corps Cp. Fixons une clôture algébriqueQ du corps des nombres ra-tionnelsQ et un nombre premierp. On désigne par| · | la normep-adique surQ, normalisée par|p| = p−1. Cette norme s’étend de façon unique en une normedéfinie sur la complétionQp du corps valué(Q, |·|), puis sur une clotûre algébriqueQp. On désignera toutes ces normes par| · |. On notera enfinCp la complétion de(Qp, | · |). Le groupe

    |C∗p| = {|z|; z ∈ C∗p}est appelé legroupe des valeurset il est égal à{pr; r ∈ Q}. Enfin, on noteraP1(Cp) la droite projective deCp, que l’on peut identifier naturellement àCp ∪{∞}.

    3.2. L’espace des semi-normes.SoitA1(Cp) l’espace de toutes les semi-normesmultiplicatives définies surCp[T ], dont la restriction àCp est égale à| · |. On notede plusS∞ la fonction définie surCp[T ], qui est constante égale à∞ sur tous lespolynômes non constants deCp et telle que pour chaque polynôme constantP ≡ aon aitS∞(P ) = |a|. On poseP1(Cp) = A1(Cp) ⊔ {S∞} et on munitP1(Cp) dela topologie la moins fine telle que pour chaqueP ∈ Cp[T ] la fonctionS 7→ S(P )soit continue. L’espaceP1(Cp) est alors compact et sa topologie admet une basedénombrable. On l’appelleespace analytique de Berkovichassocié àP1(Cp).

  • 20 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    Tout z ∈ Cp induit une semi-normeSz définie parSz(P ) = |P (z)|. L’applica-tion z 7→ Sz est un homéomorphisme deP1(Cp) = Cp∪{∞} sur son image. Dansla suite, on identifieraP1(Cp) avec son image dansP1(Cp).

    A chaque bouleB = {|z−z0| ≤ r} correspond la semi-normeSB dansA1(Cp),définie parSB(P ) = supB |P (z)|. Plus généralement, toute suite décroissante{Bi}i≥0 de boules deCp induit une semi-normeP 7→ limi→∞ SBi(P ). Récipro-quement, toute semi-norme dansA1(Cp) est de cette forme et les points deP1(Cp)se rangent donc dans l’une des quatre catégories suivantes(voir par exemple [Be,p.18]) :

    i) les points deP1(Cp) ;

    ii) les points rationnels, de la formeSB , avecB = {|z−a| ≤ r} etr ∈ |C∗p| ;iii) les points irrationnels, de la formeSB, avecB = {|z − a| ≤ r} et r 6∈

    |C∗p| ;iv) les points singuliers, associés à une suite décroissante de boules deCp dont

    l’intersection est vide.

    Notons que tous les points de type (ii), (iii) et (iv) sont desnormes qui s’étendent àCp(T ), alors que la semi-norme associée à un pointz ∈ P1(Cp) vérifieSz(T−z) =0.

    On appellepoint canoniquela norme associée à la boule unité{|z| ≤ 1} et onle noteScan. Etant donné un point rationnel ou irrationnelS, on désigne parBS laboule deCp correspondante. Lorsquez ∈ Cp on poseBz = {z}.

    Chaque fonction rationnelleR ∈ Cp(T ) agit surP1(Cp) \ P1(Cp), envoyanttoute normeS sur la normeR∗(S) définie parR∗(S)(P ) := S(P ◦R). Cette actions’étend continûment en une action deR∗ sur P1(Cp) qui coı̈ncide avec l’actionnaturelle deR surP1(Cp).

    C’est un fait fondamental queP1(Cp) possède une structure d’arbre, que nousallons maintenant décrire brièvement. Considérons l’ordre partiel≤ défini sur l’es-paceP1(Cp) par :S ≤ S ′ si et seulement si pour toutP ∈ Cp[T ] on aS(P ) ≤S ′(P ). LorsqueS et S ′ sont non singuliers, on aS ≤ S ′ si et seulement siBS ⊂ BS′ . On vérifie que le pointS∞ est l’unique élément maximal deP1(Cp) etque l’ensemble des éléments minimaux coı̈ncide avec l’union deCp et des pointssinguliers.

    Etant donnésS etS ′ dansP1(Cp), on définitS ∧ S ′ ∈ P1(Cp) par(S ∧ S ′)(P ) = inf{Ŝ(P ); Ŝ ∈ P1(Cp), S ≤ Ŝ, S ′ ≤ Ŝ}.

    On vérifie qu’on aS ∧ S ′ = S si et seulement siS ′ ≤ S et queS ∧ S ′ = S∞ si etseulement siS ouS ′ est égale àS∞. LorsqueS etS ′ sont des points non singuliersdansA1(Cp), le pointS ∧ S ′ est la semi-norme associée à la plus petite boule deCp qui contientBS etBS′ .

    L’ordre partiel≤ définit alors une structure d’arbre dansA1(Cp) (resp.P1(Cp))au sens suivant. Pour chaque paire de points distinctsS etS ′, l’ensemble

    [S,S ′] = {S̃; S ≤ S̃ ≤ S ∧ S ′ ou S ′ ≤ S̃ ≤ S ∧ S ′}.

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 21

    est l’unique arc topologique dansA1(Cp) (resp.P1(Cp)) ayantS et S ′ commeextrémités. Un ensemble de la forme[S,S ′] est appelésegment. On dira qu’unpoint S est entre les pointsS ′ et S ′′ lorsqueS ∈ [S ′,S ′′]. Dans ce cas on a[S ′,S ′′] = [S ′,S] ∪ [S,S ′′]. Notons que pour chaque triplet de pointsS, S ′ etS ′′ il existe un unique point qui est entreS etS ′, entreS ′ etS ′′ et entreS ′′ etS.

    3.3. La fonction sup{·, ·}. Diverses fonctions définies surCp s’étendent de ma-nière naturelle àA1(Cp) et jouent un rôle fondamental dans la suite. La fonctionsup mentionnée dans le titre étend la norme|z− z′| et nous permettra (entre autre)de définir une métrique naturelle surP1(Cp) \ P1(Cp).

    Commençons par définir les fonctions| · | et diam : A1(Cp) → [0,∞) commesuit. Pourz ∈ Cp on posePz(T ) = T − z ∈ Cp[T ]. Alors,

    |S| = S(P0) et diam(S) = infz∈Cp

    S(Pz) .

    LorsqueS est un point non singulier deA1(Cp), on a|S| = sup

    BS

    |z| et diam(S) = diam(BS).

    En particulier, la restriction de| · | àCp coı̈ncide avec la norme deCp. La fonction| · | s’annule uniquement au point0. Pour toutS ∈ A1(Cp), on a|S| ≥ diam(S) etdiam(S) = 0 si et seulement siS ∈ Cp. Enfin, les deux fonctions| · | etdiam sontcontinues et s’étendent continûment àP1(Cp) en posant|∞| = diam(∞) = ∞.

    A l’aide des fonctions précédentes, on définit maintenant :

    sup{S,S ′} = diam(S ∧ S ′) , pourS,S ′ ∈ P1(Cp) .LorsqueS etS ′ sont des points non singuliers deA1(Cp), on a

    sup{S,S ′} = sup{|z − z′|; z ∈ BS , z′ ∈ BS′} ,et en particulier pour toutz, z′ ∈ Cp on asup{z, z′} = |z−z′|. On vérifie aisémentque

    sup{·, 0} = | · | et sup{·,Scan} = max{| · |, 1} .Introduisons maintenant quelques notations. Unebouleouverte (resp. fermée) deA1(Cp) est un ensemble de la forme{sup{S, z} < r} (resp.{sup{S, z} ≤ r}),

    où z ∈ Cp et r > 0. Une boule ouverte (resp. fermée) deP1(Cp) est une bouleouverte (resp. fermée) deA1(Cp) ou le complémentaire dansP1(Cp) d’une boulefermée (resp. ouverte) deA1(Cp). Il est facile de voir que toute boule deP1(Cp)est connexe. Les boules ouvertes deP1(Cp) forment une sous-base de la topologiedeP1(Cp).

    3.4. Produit de Gromov dans l’espace hyperboliqueHp. NotonsHp l’ensembleP1(Cp) \ P1(Cp). La fonctiond définie par

    d(S,S ′) = 2 log sup{S,S ′} − log diam(S)− log diam(S ′),est une distance surHp. On ad(S,S ′) = log (diam(S)/diam(S ′)) lorsqueS ≤S ′. L’espace métrique(Hp, d) est complet et c’est un arbre réel au sens de J. Tits :

  • 22 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    pour chaque paire de pointsS,S ′ dansHp, l’arc [S,S ′] est isométrique à l’inter-valle [0, d(S,S ′)] deR. Notons de plus qued est invariante par l’action du groupedes automorphismes deP1(Cp).

    Fixons un point baseS0 ∈ Hp. Le produit de Gromov est la fonction〈· , ·〉S0 :P1(Cp) × P1(Cp) → [0,∞] définie comme suit. Etant donnésS,S ′ ∈ P1(Cp),

    notonsS ′′ l’unique point deP1(Cp) qui est entreS etS ′, entreS etS0 et entreS ′etS0. On pose alors

    〈S,S ′〉S0 ={d(S ′′,S0) si S ′′ ∈ Hp ;∞ si S ′′ ∈ P1(Cp) .

    On vérifie facilement que〈S,S ′〉S0 = ∞ si et seulement siS = S ′ ∈ P1(Cp) ;et que〈S,S ′〉S0 = 0 si et seulement siS0 ∈ [S,S ′]. En particulier, pour toutS ∈ P1(Cp) on a 〈S,S0〉S0 = 0. En général, on a〈S,S ′〉S0 ≤ d(S,S0), avecégalité si et seulement siS ∈ [S ′,S0]. LorsqueS,S ′ ∈ Hp, on vérifie la formule :

    2〈S,S ′〉S0 = d(S,S0) + d(S ′,S0)− d(S,S ′) ,et par conséquent, pour toutS,S ′,S0,S1 ∈ Hp, on a

    〈S,S ′〉S0 − 〈S,S1〉S0 = 〈S,S ′〉S1 − 〈S ′,S0〉S1 . (18)Chacun des termes à gauche et à droite est défini et continupourS,S ′ ∈ P1(Cp),cette égalité est donc aussi valable lorsqueS ouS ′ appartiennent àP1(Cp).Lemme 3.1.PourS,S ′ ∈ A1(Cp) etS0 ∈ Hp on alog sup{S,S0} = 〈S,∞〉S0+log diam(S0) et

    log sup{S,S ′} = 〈S,∞〉S0 + 〈S ′,∞〉S0 − 〈S,S ′〉S0 + log diam(S0) . (19)Démonstration.On a

    〈S,∞〉S0 = d(S ∧ S0,S0)= log diam(S ∧ S0)− log diam(S0)= log sup{S,S0} − log diam(S0) .

    De la même façon on a〈S ′,∞〉S0 = log sup{S ′,S0} − log diam(S0).LorsqueS0 ≤ S ∧ S ′ on a

    sup{S,S ′} = max{sup{S,S0}, sup{S ′,S0}} et〈S,S ′〉S0 = logmin{sup{S,S0}, sup{S ′,S0}} − log diam(S0) ,

    d’où on obtient l’équation désirée. D’autre part, lorsqueS0 6≤ S ∧ S ′, on adiam((S ∧ S ′) ∧ S0) = sup{S,S0} = sup{S ′,S0}

    et par la première formule,

    〈S,S ′〉S0 = d(S0, (S ∧ S ′) ∧ S0) + d((S ∧ S ′) ∧ S0,S ∧ S ′)= 2 log diam((S ∧ S ′) ∧ S0)− log diam(S0)− log diam(S ∧ S ′)= 〈S,∞〉S0 + 〈S ′,∞〉S0 − log sup{S,S ′}+ log diam(S0) .

    Ceci conclut la preuve. �

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 23

    4. ENERGIE DANSCp

    Comme dans le cas complexe, notre preuve du théorème principal repose demanière essentielle sur une théorie du potentiel adaptée surP1(Cp). Dans cettesection, nous indiquons les éléments les plus importantsde cette théorie, c’est-à-dire la construction d’un opérateur Laplacien∆, défini sur un espace convenablede potentielsP et à valeurs dans les mesures signées surP1(Cp). Cette théorierepose de manière fondamentale sur [FJ, Chapitre 7]. Ensuite nous introduisonsla notion d’énergie mutuelle pour deux mesures dansP1(Cp) et nous démontronspour celle-ci les résultats analogues à ceux du paragraphe 2.

    4.1. Opérateur de Laplace. MunissonsP1(Cp) de la tribu des boréliens associéeà sa topologie faible. On noteM+ l’ensemble des mesures boréliennes positives etfinies, supportées dansP1(Cp). On désigne parM l’espace vectoriel des mesuresréelles signées, différences de mesures dansM+. CommeP1(Cp) est compact(et admet une base dénombrable), toute suite de mesures de probabilité dansM+admet une sous-suite convergente pour la topologie de la convergence vague. No-tons que toute mesure dansM est de Radon et est donc représentée par une formelinéaire continue sur l’espace des fonctions continues deP1(Cp) (voir par exem-ple [FJ, Proposition 7.14]).

    Nous allons maintenant définir l’espaceP et l’opérateur∆ mentionnés ci-des-sus. Pour celà, fixons un point baseS0 ∈ Hp. Notons que pour toutS ∈ Hp, lafonctionS ′ 7→ 〈S,S ′〉S0 est non-négative et majorée pard(S,S0). Etant donnéeune mesure borélienneρ ∈ M, on peut donc définir̂gρ : Hp → R par

    ĝρ(S) := −ρ(P1(Cp))−∫

    P1(Cp)〈S,S ′〉S0 dρ(S ′),

    et on l’appelle lepotentiel deρ baśe enS0. Notons qu’on âgρ(S0) = −ρ(P1(Cp))et quêg[S0] est la fonction constante égale à−1 sur toutP1(Cp). Plus généralement,ĝ[S′](S) = −1 − 〈S,S ′〉S0 . On désigne parP l’ensemble de tous les potentiels.C’est un espace vectoriel qui contient toutes les fonctionsde la forme〈· ,S ′〉S0.

    Il résulte de [FJ, Théorème 7.50] que l’applicationρ 7→ ĝρ induit une bijectionentreM etP. On peut donc poser

    ∆ĝρ = ρ− ρ(P1(Cp)) · [S0] .Ceci définit une application linéaire∆ : P → M que l’on appellele Laplacien.Par construction, pour toutg ∈ P on a∆g(P1(Cp)) = 0. Réciproquement, toutemesure vérifiantρ(P1(Cp)) = 0 est le Laplacien d’une fonction deP. Dans toutela suite, on appellerapotentield’une mesure borélienneρ toute fonctiong ∈ Ptelle queρ = ∆g. Notons que l’on a

    ∆〈· ,S〉S0 = [S0]− [S] .Le Lemme 3.1 implique donc

    ∆ log sup{·,S} = [S]− [∞] . (20)

  • 24 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    Pour toutg ∈ P, la fonction ĝ∆g − g est constante. On en déduit que pour deuxpotentielsg etg′, on a∆g = ∆g′ si et seulement si la fonctiong−g′ est constante.Proposition 4.1. L’espace des potentielsP et le Laplacien∆ : P → M nedépendent pas du choix du point base. De plus, la différence des potentiels d’unemesure, pris par rapport̀a des points base distincts, s’étend en une fonction définieet continue surP1(Cp).

    Démonstration.ChoisissonsS0,S1 ∈ Hp deux points base. Etant donné une mesureρ ∈ M, on désigne parg0 etg1 les potentiels deρ basés enS0 etS1 respectivement.Lorsqu’on intègre (18) contre la mesureρ, on obtient

    g0(S)− C 〈S,S1〉S0 = g1(S)− g1(S0) , (21)avecC = ρ(P1(Cp)). Par conséquent, la différenceg0−g1 s’étend en une fonctiondéfinie et continue surP1(Cp). Pour montrer que l’espace des potentiels ne dépendpas du point base, il suffit de montrer que la fonctiong1 ci-dessus est un potentiellorsqueS0 est choisi comme point base. Ceci résulte immédiatemmentde (21), carles deux fonctionsg0 et 〈·,S1〉S0 sont des potentiels. Enfin si∆0 et∆1 dénotent lesopérateurs de Laplace avecS0 etS1 pour point base respectivement, on a

    ∆1g0 = ∆1g1 + C∆

    1〈·,S1〉S0 == ρ− C [S1] + C∆1〈·,S0〉S1 = ρ− C [S0] = ∆0g0 ,

    ce qui termine la preuve. �

    4.2. Le cas des potentiels̀a support fini. Bien que celà ne soit pas pas stricte-ment nécessaire pour la suite, nous allons indiquer ici de manière plus concrète lefonctionnement de l’opérateur de Laplace sur une classe particulière de fonctions.

    FixonsT un sous-arbre deP1(Cp) donné comme enveloppe convexe d’un nom-bre fini de points deHp. Cet arbre possède un nombre fini de points de branche-ments, et on l’écrit comme réunion de segments fermésT = I1 ∪ · · · ∪ In de tellesorte que pour toutk 6= l, Ik ∩ Il est soit vide, soit réduit à un point.

    Soit maintenantg une fonction surP1(Cp) satisfaisant aux propriétés suivantes :– g est localement constante hors deT ;– la restriction deg surT est continue ;– la restriction deg sur chaque segmentIk est de classeC2.

    Il n’est pas difficile de montrer queg est un potentiel au sens précédent. La mesure∆g est alors une combinaison de deux termes. La restriction surl’intérieur dessegments est le laplacien standard au sens réel (c’est-à-dire qu’il est donné par ladérivée seconde) ; aux points de branchement la masse de∆g se calcule de manièrecombinatoire.

    De manière précise, sur chaque segmentIk, fixons un point extrémalSk, et no-tonsαk : Ik → R+ la fonctionαk(S) = d(S,Sk). Cette fonction induit uneisométrie deIk sur son image, et on noteαk 7→ Sαk son inverse. Alors la re-striction de∆g sur l’intérieur du segmentIk est donnée par− d

    2

    dα2k

    g(Sαk ). Fixonsmaintenant un point extrémalS∗ d’un des segments recouvrantT . La dérivée sor-tante deg enS∗ le long d’un segmentIk contenantS∗, est par définition le nombre

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 25

    ddαk

    ∣∣∣0g(Sαk ) siαk(S∗) = 0, et − ddαk

    ∣∣∣αk→αk(S)

    g(Sαk ) sinon. On note ce nombreDIkg(S∗). On a alors

    ∆g{S∗} =∑

    k,S∈Ik

    DIk g(S∗) .

    4.3. Régularité des potentiels.Fixons un point baseS0 ∈ Hp. On dira qu’unemesure de probabilitéρ est à potentiel borné (resp. continu) siρ − λp = ∆gpour une fonctiong uniformément borné surHp (resp. définie à valeurs dansRet continue surP1(Cp)). De manière équivalente,ρ est à potentiel borné (resp.continue) si il existe un pointS0 tel que le potentiel deρ basé enS0 est borné(resp. continue). D’après la proposition précédente, ces propriétés ne dépendentpas du choix du point base (bien que le potentiel lui-même endépende). Toutecombinaison linéaire de masses de Dirac situées en des points deHp est à potentielcontinu (donc borné). Par ailleurs, le potentiel d’une masse de Dirac en un pointz ∈ P1(Cp) tend vers l’infini en ce point. On en déduit qu’une mesure positive àpotentiel borné ne charge pas les points deP1(Cp).

    L’analogue du Lemme 2.3 démontré dans le cas complexe s’énonce de la maniè-re suivante.

    Lemme 4.2. Soitρ une mesure positive finie surP1(Cp) à potentiel borńe. Alorstoute fonction dansP est int́egrable par rapport̀a ρ.Démonstration.Notonsg = −ĝρ.

    On démontre tout d’abord que pour toutS ∈ P1(Cp), on agS := 〈· ,S〉S0 ∈L1(ρ). LorsqueS ∈ Hp, ceci est clair cargS est bornée et par définition on a∫P1(Cp)

    gS dρ = g(S) + C avecC = −ρ(P1(Cp)). On peut donc supposer queS = z ∈ P1(Cp). Pour toutt ≥ 0, on noteSt l’unique point du segment(z,S0]à distancet de S0. Pour toutt ≥ 0, on a〈· ,St〉S0 = min{t, 〈· , z〉S0}, donc lasuite de fonctionsgSt converge en croissant versgz lorsquet tend vers l’infini. Parconvergence monotone, on obtient

    0 ≤∫

    gzdρ = limt→∞

    ∫gStdρ = lim

    t→∞g(St) + C .

    Mais le potentielg deρ est borné uniformément dansHp par hypothèse, doncgzest bien intégrable par rapport àρ, et on a0 ≤

    ∫gzdρ ≤ sup |g| + |C| quantité

    indépendante dez. Il est alors facile d’en déduire par intégration queg′ ∈ L1(ρ)pour tout potentielg′ ∈ P. �4.4. Energie. NotonsDiag = {(z, z), z ∈ Cp} la diagonale deCp dansA1(Cp)×A1(Cp). Pour chaque paire de mesuresρ, ρ′ ∈ M, telle que la fonctionlog sup{·, ·}

    soit intégrable par rapport àρ⊗ ρ′ dansA1(Cp)× A1(Cp) \Diag, on pose

    (ρ, ρ′) = −∫

    A1(Cp)×A1(Cp)\Diaglog sup{S,S ′} dρ(S) ⊗ dρ′(S ′) .

    Comme dans le cas complexe, lorsque les mesure sont atomiques ρ =∑

    mi[Si],ρ′ =

    ∑m′j[S ′j ], l’hypothèse d’intégrabilité est automatiquement satisfaite et on a

  • 26 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    (ρ, ρ′) = −∑mim′j log sup{Si,S ′j}, la somme étant prise sur les indices tels queSi 6= Sj etSi,Sj 6= ∞. De même pour toutS ∈ A1(Cp), on a

    ([S], [Scan]) = − log sup{S,Scan} = − log+ |S| .

    Grâce au Lemme 4.2 ci-dessus, la preuve du Lemme 2.4 se recopie mot à mot dansle casp-adique et on a donc :

    Lemme 4.3. Soitρ une mesure sigńee dont la mesure trace està potentiel continu.De plus soitρ′ une mesure satisfaisant l’une des propriét́es suivantes :

    • ρ′ est une mesurèa support fini ne chargeant pas l’infini ;• |ρ′| està potentiel continu.

    Alors log sup{·, ·} ∈ L1(|ρ| ⊗ |ρ′|) dansP1(Cp)× P1(Cp). En particulier,(ρ, ρ′)est bien d́efini.

    De même la preuve du Lemme 2.5 s’adapte au casp-adique pour donner lelemme suivant.

    Lemme 4.4. Soientρ, ρ′ deux mesures signées telleslog sup{·, ·} ∈ L1(|ρ| ⊗ |ρ′|)dansP1(Cp)× P1(Cp).

    Alors la fonctiongρ(S) :=∫A1(Cp)

    log sup{S,S ′} dρ(S ′) est int́egrable parrapport à ρ′ et on a

    (ρ, ρ′) = −∫

    A1(Cp)gρ dρ

    ′ . (22)

    4.5. Positivité. On cherche à démontrer un analogue de la Proposition 2.6.Fixons un point baseS0 ∈ Hp. On définit la relation d’ordre4 par,S 4 S ′ si

    et seulement siS ∈ [S0,S ′]. Etant donnée une mesure borélienneρ, on désignepar fρ : P1(Cp) → R la fonction nulle surP1(Cp) et telle que pourS ∈ Hp onait fρ(S) = ρ{S 4 ·}. On introduit aussiλ la mesure surP1(Cp) qui est nulle surP1(Cp) et qui coı̈ncide avec la mesure de Hausdorff de dimension 1 sur Hp, parrapport à la distanced. En particulier,λ[S,S ′] = d(S,S ′) pour toutS,S ′ ∈ Hp.

    Proposition 4.5. Soitρ une mesure sigńee surP1(Cp) telle queρ(P1(Cp)) = 0, etdont la mesure trace està potentiel continu. Alors(ρ, ρ) est bien d́efinie, la fonctionfρ définie ci-dessus est dansL2(λ) et on a

    (ρ, ρ) =

    Hp

    f2ρ dλ ≥ 0 . (23)

    De plus(ρ, ρ) = 0 si et seulement siρ = 0.

    Remarquons que cette équation indique que l’énergie d’une mesure de massetotale nulle, est invariante par le groupe des automorphismes deP1(Cp). Ainsi,lorsqueρ = [S] − [S ′] avecS,S ′ ∈ Hp on vérifie que(ρ, ρ) = d(S,S ′) (enutilisant directement la définition ou en appliquant (23)).

    La démonstration de cette proposition dépend du lemme suivant.

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 27

    Lemme 4.6.Soitρ une mesure positive dont la mesure trace està potentiel continu.Notonsfρ(S) = ρ{S 4 ·} et g̃ρ(S) =

    ∫[S0,S]

    fρ dλ. Alors g̃ρ appartientà P, on a∆g̃ρ = −ρ+ ρ(P1(Cp))[S0] et

    Hp

    f2ρ dλ =

    P1(Cp)g̃ρ dρ . (24)

    Plus ǵeńeralement, cettéequation est valide pour toute mesure borélienne sigńeedès quefρ ∈ L2(ρ).

    Preuve de la Proposition 4.5.Par hypothèse,|ρ| est à potentiel continu. Par le lem-me précédent, on déduit queg̃|ρ| est un potentiel pour−|ρ| et qu’il est donc définiet continu dansP1(Cp). En particulier, l’intégrale

    ∫P1(Cp)

    g̃|ρ|d|ρ| est finie. Donc|fρ| ≤ f|ρ| ∈ L2(λ) par (24). Le lemme précédent s’applique alors à la mesuresignéeρ et (24) donne

    ∫g̃ρ dρ =

    ∫f2ρdλ ≥ 0.

    Pour démontrer (23), on va relierg̃ρ à la fonctiongρ, définie dans le Lemme 4.4.En intégrant (20) et utilisant l’hypothèseρ(P1(Cp)) = 0, on obtient∆gρ =∫P1(Cp)

    ([S]− [∞]) dρ(S) = ρ. Doncgρ diffère de la fonction−g̃ρ d’une constanteet de (22) on tire finalement

    (ρ, ρ) = −∫

    gρ dρ =

    ∫g̃ρ dρ =

    ∫f2ρdλ ≥ 0 .

    Enfin si (ρ, ρ) = 0, alorsfρ = 0 pourλ-presque tout point. Pour toutS ∈ Hp,on peut trouver une suiteSk → S croissante pour4 et telle quefρ(Sk) = 0.Mais fρ(Sk) = ρ{Sk 4 ·} → ρ{S 4 ·} = fρ(S), donc fρ = 0 pour toutpoint deHp. On remarque maintenant que tout ensemble de la forme{S 4 ·} estune boule fermée deP1(Cp). Réciproquement, toute boule deP1(Cp) est de cetteforme quitte à faire varier le point base. On en déduit finalement queρ(B) = 0pour toute boule fermée deP1(Cp). L’ensemble des boules forme une base de latopologie deP1(Cp) etρ est régulière, doncρ = 0. �

    Preuve du Lemme 4.6.PourS ∈ Hp, notonsT := d(S0,S) et soitSt l’uniquepoint du segment[S0,S] à distancet deS0. Notons que dans ce cas〈S,S ′〉S0 ≤ Tpour toutS ′ ∈ P1(Cp). On a alors l’équation suivante :∫

    P1(Cp)〈S,S ′〉S0 dρ(S ′) =

    ∫ T

    0ρ{〈S, · 〉S0 ≥ t} dt =

    ∫ T

    0ρ{St 4 · } dt =

    =

    ∫ T

    0fρ(St) dt =

    [S0,S]fρ dλ = g̃ρ(S) .

    Par définition du laplacien on a

    ∆g̃ρ(S) = ∆(∫

    P1(Cp)〈S, ·〉 dρ

    )= −ρ+ ρ(P1(Cp))[S0] .

  • 28 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    Pour démontrer (24), on écrit les égalités suivantes :

    P1(Cp)g̃ρ dρ =

    P1(Cp)

    [∫

    [S0,S]fρ dλ

    ]dρ(S) =

    =

    S′4S,S′∈Hp

    fρ(S ′) dλ(S ′)⊗ dρ(S) =

    =

    S′∈Hp

    fρ(S ′)× ρ{S ′ 4 S}dλ(S ′) =∫

    Hp

    f2ρdλ .

    Lorsqueρ est signée et quefρ ∈ L2(λ), on vérifie que tous les termes ont un senset que donc l’égalité (24) reste valide. Ceci termine la preuve du lemme. �

    4.6. Régularisation des mesures.Comme dans le cas complexe, la régularisationdes mesures est fondamentale dans notre approche. Dans le cas présent, l’opérationde convolution est remplacée par une procédure de projection que nous étudionstout d’abord.

    Etant donnéε ≥ 0, on désigne parπε : P1(Cp) → P1(Cp) l’application envoy-antS sur l’unique pointS ′ ∈ [S,∞] tel quediam(S ′) = max{diam(S), ε}. Surl’ensemble

    Hε = {S ∈ P1(Cp), diam(S) ≥ ε}on aπε = id, tandis queπε(P1(Cp)) = Hε. Il est clair queH0 = P1(Cp) et queπ0 = id surP1(Cp). Enfin pour toutε, ε′ ≥ 0, on aπε ◦ πε′ = πmax{ε,ε′}.Lemme 4.7. Pour toutε ≥ 0 et toute bouleB deP1(Cp), on a

    π−1ε (B) =

    ∅ si B ∩Hε = ∅ ;P1(Cp) si Hε ⊂ B ;

    B si B ∩Hε 6= ∅ etHε 6⊂ B .En particulier la fonctionπε : P1(Cp) → P1(Cp) est faiblement continue.Démonstration.Considérons la bouleB′ = P1(Cp) \ B et notons que les ensem-blesπε−1(B) etπε−1(B′) forment une partition deP1(Cp). LorsqueB (resp.B′)est disjointe deHε = πε(P1(Cp)), on aπε−1(B) = ∅ (resp.πε−1(B′) = ∅). Ilsuffit donc de montrer que lorsqueB (resp.B′) rencontreHε, on aB ⊂ πε−1(B)(resp.B′ ⊂ πε−1(B′)). On se ramène au cas de la bouleB.

    Pour toutS ∈ P1(Cp) et toutS0 ∈ Hε, le point πε(S) appartient à[S,S0].Comme la bouleB est connexe, lorsqueS appartient àB etS0 appartient àB∩Hε,on aπε(S) ∈ [S,S0] ⊂ B. On a doncS ∈ πε−1(B). �

    A l’aide de cette projection, on définit la régularisée d’une mesure borélienneρsurP1(Cp), en posantρε = πε∗ρ et on vérifie facilement le lemme suivant.

    Lemme 4.8. Pour toute mesure signéeρ surP1(Cp), on aρε = ρ lorsqueε → 0.Pour toute suite de mesures signéesρn → ρ, on aρn,ε → ρε.

    Enfin, siF ⊂ A1(Cp) est un ensemble fini, notons[F ] = |F |−1∑

    z∈F [z] lamesureéquidistribúee sur les points deF . Alors pour toutε > 0 la mesure deprobabilité [F ]ε està potentiel continu.

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 29

    Plus généralement, on peut montrer que pour toute mesureρ dont le supportévite le point∞, les mesuresρε sont à potentiel borné.

    4.7. Energie et régularisation. Ce paragraphe est consacré à la preuve du résultatsuivant. Rappelons qu’unmodule de continuité pour une fonction continueh surP1(Cp) est une fonctionη : R+ → R+, telle que pour tous pointsS,S ′ ∈ P1(Cp)

    tels qued(S,S ′) ≤ ε, on ait |h(S) − h(S ′)| ≤ η(ε). Ici d dénote la métriquechordale surP1(Cp), qui peut être définie par

    d(S,S ′) := sup{S,S′}

    max{1, |S|}max{1, |S ′|} −diam(S)

    2max{1, |S|}2 −diam(S ′)

    2max{1, |S ′|}2 .

    Notons que pour tousS,S ′ ∈ P1(Cp) on ad(S,S ′) ≤ sup{S,S ′}.Proposition 4.9. Soitρ une mesure de probabilité à potentiel continu et soitη unmodule de continuité d’un potentiel deρ− [Scan]. Alors pour toutε ∈ (0, 1) et toutsous ensemble finiF deA1(Cp) on a

    ([F ]− ρ, [F ]− ρ) ≥ ([F ]ε − ρ, [F ]ε − ρ)− 2η(ε) − |F |−1 log ε−1 (25)≥ −2η(ε) − |F |−1 log ε−1 (26)

    Comme dans le cas complexe, la preuve repose sur les deux lemmes suivants.

    Lemme 4.10. Soit ρ une mesure de probabilité surP1(Cv) à potentiel continuet soit η un module de continuité d’un potentiel deρ − [Scan]. Alors pour toutε ∈ (0, 1) et pour tout sous ensemble finiF deA1(Cp) on a

    |([F ], ρ) − ([F ]ε, ρ)| ≤ η(ε) .Démonstration.On peut supposer queF est réduit à un pointz ∈ Cp. Pourε ≥ 0,on désigne parz(ε) l’unique point deA1(Cp) tel quez(ε) ≥ z etdiam(z(ε)) = ε ;on a par définitionz(0) = z et [z]ε = [z(ε)] (cf. §4.6).

    Notonsgρ(S) =∫P1(Cp)

    log sup{S,S ′} dρ(S ′). Le Lemme 4.3 implique que lafonctionlog sup{·, ·} appartient àL1(|ρ|⊗[z]) et àL1(|ρ|⊗[z(ε)]) et le Lemme 4.4implique que([z], ρ) − ([z(ε)], ρ) = −gρ(z) + gρ(z(ε)). On va maintenant reliergρ à un potentiel deρ.

    Pour ce faire, on intègre l’équation (20). On obtient∆gρ = ρ − [∞]. Fixonscomme point base le pointScan ∈ Hp et remarquons queg[Scan](S) = log+ |S|.Comme∆g[Scan] = [Scan]− [∞], on a finalement∆(gρ− g[Scan]) = ρ− [Scan]. Lafonctionh := gρ − g[Scan] définit donc un potentiel deρ. Par hypothèse c’est unefonction continue ayantη comme module de continuité. Alors pour tousz, z′ ∈A1(Cp) distincts on a|h(z) − h(z′)| ≤ η(sup{z, z′}). Pour toutε > 0, on a

    sup{z, z(ε)} = z(ε) et lorsqueε ∈ (0, 1) on alog+ |z| = log+ |z(ε)|, donc

    |([z], ρ) − ([z]ε, ρ)| = |gρ(z)− gρ(z(ε))| ≤≤ |h(z)− h(z(ε))| +

    ∣∣log+ |z| − log+ |z(ε)|∣∣ ≤ η(ε) .

  • 30 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    Lemme 4.11.Pour toutε > 0 et tout sous-ensemble finiF deA1(Cp), on a

    ([F ]ε, [F ]ε) ≤ ([F ], [F ]) + |F |−1 log ε−1 .Démonstration.Pour toutz 6= z′ ∈ Cp, on a sup{z(ε), z′(ε)} ≥ sup{z, z′}.Commesup{z(ε), z(ε)} = ε on obtient

    ([F ]ε, [F ]ε) = −|F |−2∑

    z,z′∈F

    log(sup{z(ε), z′(ε)})

    ≤ ([F ], [F ]) + |F |−1 log ε−1 .�

    Preuve de la Proposition 4.9.Comme[F ]ε est une mesure de probabilité qui estune combinaison linéaire de masses de Dirac situées en despoints deHp, elleadmet un potentiel défini et continu surP1(Cp). Le Lemme 4.5 implique alors quel’énergie([F ]ε − ρ, [F ]ε − ρ) est bien définie et qu’on a([F ]ε − ρ, [F ]ε − ρ) ≥ 0.

    Le résultat est alors une conséquence immédiate des Lemmes 4.10 et 4.11. �

    4.8. Le résultat clef.

    Proposition 4.12. Soitρ une mesure de probabilité admettant un potentiel définiet continu surP1(Cp). Soit{Fn}n≥0 une suite de sous-ensembles finis deP1(Cp),tels que|Fn| → ∞. Alors

    limn→∞([Fn]− ρ, [Fn]− ρ) ≤ 0 implique limn→∞

    [Fn] = ρ .

    Démonstration.Comme dans la preuve de la Proposition 2.11, on peut supposerqueFn ⊂ Cp pour toutn.

    Quitte à prendre une sous-suite, on suppose de plus que[Fn] converge vague-ment vers une mesureρ′. C’est une mesure de probabilité surP1(Cp). Commeπεest faiblement continue, on alimn→∞[Fn]ε = ρ′ε et limε→0 limn→∞[Fn]ε = ρ

    ′.On va montrer que pour chaque bouleB ouverte deP1(Cp) on aρ′(B) ≥ ρ(B).

    Commeρ etρ′ sont des mesures de probabilité, ceci implique queρ′ = ρ.Fixons alors une bouleB ouverte deP1(Cp). Choisissons de plusS0 ∈ Hp un

    point base et notons comme précédemment4 la relation d’ordre telle queS 4 S ′si et seulement siS ∈ [S0,S ′]. On choisitS0 dans le complémentaire deB, de tellefaçon qu’il existe un pointS distinct deS0 tel queB = {S ≺ ·}. Pour toutn, ε, onintroduit alors la fonctionfn,ε(S) := ([Fn]ε − ρ){S 4 ·}.

    Les mesures[Fn]ε sont à support fini inclus dansHp, donc à potentiel continu.On peut donc appliquer la Proposition 4.5 et on obtient

    ([Fn]ε − ρ, [Fn]ε − ρ) =∫

    Hp

    f2n,ε dλ ≥ 0 .

    De (25), on tire∫

    Hp

    f2n,ε dλ = ([Fn]ε−ρ, [Fn]ε−ρ) ≤ ([Fn]−ρ, [Fn]−ρ)+η(ε)+|Fn|−1 log ε−1 .

  • POINTS DE PETITE HAUTEUR 31

    Comme|Fn| → ∞ et que par hypothèselimn→∞([Fn]− ρ, [Fn] − ρ) ≤ 0, on endéduit que

    limε→0limn→∞

    Hp

    f2n,ε dλ = 0 (27)

    En particulier sur tout segment deHp on afn,ε → 0 lorsquen → ∞ et ε → 0, etce, presque partout par rapport à la mesureλ.

    Choisissons deux pointsS0 4 S ′ 4 S ′′ 4 S tels quelimε→0

    limn→∞

    fn,ε(S ′′) = 0 .

    On a alors

    [Fn,ε]{S ′ ≺ ·} ≥ [Fn,ε]{S ′′ 4 ·} = ρ{S ′′ 4 ·}+ fn,ε(S ′′) ,doncρ′{S ′ 4 ·} ≥ limε→0limn→∞[Fn,ε]{S ′ ≺ ·} ≥ ρ{S ′′ 4 ·}. On peut main-tenant faire tendreS ′ etS ′′ versS et on obtientρ′(B) ≥ ρ(B). Ce qui termine lapreuve. �

    5. HAUTEURS ADÉLIQUES.

    Après quelques généralités au§ 5.1, on introduit la hauteur définie par unemesure adélique et on décrit ses premières propriétésau § 5.2. On montre la for-mule de Mahler au§ 5.3 et l’équidistribution des points de petite hauteur au§ 5.4.Enfin, on montre la version quantitative de l’équidistribution au§ 5.5, dans le casoù la mesure adélique est à potentiel Hölder.

    5.1. Généralit és et notations.Pour toute cette section, nous renvoyons à [HS,Part B] pour plus de précisions.

    Soit MQ l’ensemble constitué de tous les nombres entiers premiersauquel onajoute∞. On note| · |∞ la norme usuelle surQ, et pour chaque nombre premierpon note| · |p la normep-adique, normalisée de telle sorte que|p|p = p−1. Pour toutα ∈ Q∗, il existe au plus un nombre fini dev ∈ MQ tel que|α|v 6= 1, et on a

    v∈MQ

    |α|v = 1 .

    Fixons maintenant une extension finieK deQ. On désigne parMK la collectionde toutes les normes surK qui étendent l’une des normes| · |v, avecv ∈ MQ. Unélément deMK est appeléplace. Pour toute placev deK, on notera encore| · |vla norme surK correspondante. On dira quev ∈ MK est infinie lorsque| · |v estune extension de la norme| · |∞, et quev estfinie sinon. Pour toute placev ∈ MQ,il n’existe qu’un nombre fini d’éléments deMK qui étendent la norme| · |v. Enparticulier, le nombre d’éléments infinis deMK est fini.

    Pourv ∈ MK fixée,Kv désignera la complétion du corps valué(K, | · |v), etQvle complété deQ dansKv. On pose alorsNv = [Kv : Qv]/[K : Q] et‖·‖v = |·|Nvv .On montre que pour toutα ∈ K∗, il n’existe qu’un nombre fini dev ∈ MK tel que|α|v 6= 1, et on a laformule du produit∏

    v∈MK

    ‖α‖v = 1 .

  • 32 CHARLES FAVRE AND JUAN RIVERA-LETELIER

    Pour toute placev ∈ MK , la norme| · |v s’étend de manière unique à la clôturealgébriqueKv deKv. On désignera parCv le complété de(Kv, | · |v). Lorsquev est infinie, le corpsCv est isométriquement isomorphe au corps des nombrescomplexesC. Lorsquev est finie, la restriction de| · |v àQ est une norme associéeà un nombre premierp, etCv est isométriquement isomorphe au corpsCp.

    Pourv ∈ MK finie, on désigne parP1(Cv) = Cv ∪ {∞} la droite projectivecorrespondante et parP1(Cv) l’espace des semi-normes décrit au§3.2. Lorsquevest infinie, on désignera indifféremment parP1(Cv) ouP1(Cv) la droite projectivesurCv.

    On noteMv l’espace des mesures boréliennes à support dansP1(Cv), et (·, ·)vl’accouplement définie au§2.4 lorsquev est infinie et au§4.4 lorsquev est finie.Par commodité, on pose

    (( ·, · ))v = Nv (·, ·)v .Enfin,λv désignera la mesure de probabilité proportionnelle à lamesure de Lebesguedu cercleS1 ⊂ Cv lorsquev est infinie, et à la masse de Dirac située au pointcanoniqueScan dansP1(Cv) lorsquev est finie. Notons que pour toutv ∈ Mv etα ∈ Cv, on a

    log+ |α|v = −([α], λv)v et log+ ‖α‖v = −(( [α], λv ))v .

    5.2. Mesures ad́eliques et hauteurs.On pose tout d’abord la définition suivante.