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ASF-Belgium RECUEIL DE JURISPRUDENCE CONTENTIEUX DU GENOCIDE TOME III Ce Recueil a été réalisé par Avocats Sans Frontières-Belgique en partenariat avec le Département des Cours et Tribunaux de la Cour Suprême du Rwanda avec le soutien de l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie, de la Commission Européenne, de la Coopération Belge et de la Coopération Néerlandaise.

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TOME III Ce Recueil a été réalisé par Avocats Sans Frontières-Belgique en partenariat avec le Département des Cours et Tribunaux de la Cour Suprême du Rwanda avec le soutien de l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie, de la Commission Européenne, de la Coopération Belge et de la Coopération Néerlandaise. ASF-Belgium

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ASF-Belgium

RECUEIL DE JURISPRUDENCE

CONTENTIEUX DU GENOCIDE

TOME III

Ce Recueil a été réalisé par Avocats Sans Frontières-Belgique

en partenariat avec le Département des Cours et Tribunaux

de la Cour Suprême du Rwanda avec le soutien

de l'Agence Intergouvernementale de la Francophonie,

de la Commission Européenne,

de la Coopération Belge et de la Coopération Néerlandaise.

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TABLE DES MATIERES

PREFACE ………………………………………………………………………………………...5

PREMIERE PARTIE : TRIBUNAUX DE PREMIERE INSTANCE ET

CHAMBRES SPECIALISEES

A. T.P.I. BUTARE :

N°1 : Le 30/11/2001, Ministère Public C/NTEZIRYAYO Emmanuel et Consorts ……………..11

B. CS BYUMBA :

N°2 : Le 02/05/1997, Ministère Public C/KANYABUGANDE François et Consorts…………..55

C. CS CYANGUGU :

N°3 : Le 06/08/1998, Ministère Public C/RWAMULINDA Antoine et Consorts ………………95

D. T.P.I. GIKONGORO :

N° 4 : Le 20/02/2002, Ministère Public C/BIZIMANA Antoine……………………………….115

E. CS GISENYI :

N°5 : Le 26/06/1997, Ministère Public C/BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie………..143

F. CS GITARAMA :

N°6 : Le 02/04/1999, Ministère Public C/BUGIRIMFURA Emmanuel et Consorts …………159

G. CS KIBUNGO :

N°7 : Le 22/09/2000, Ministère Public C/BIZURU André et Consorts ………………………..175

H. CS KIBUYE :

N°8 :Le 22/03/2000, Ministère Public C/BUREGEYA Edison et UWITONZE Bernard ……..193

I. CS KIGALI :

N°9 : Le15/01/1999 : Ministère Public C/MUKAKAYIJUKA Hadidja ………………………205

J. CS NYAMATA :

N°10 : Le 31/07/2000, Ministère Public C/MUKANSANGWA Pascasie ……………………..221

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4

K. CS RUHENGERI :

N°11 : Le 12/12/2000, Ministère Public C/NTAHONDI Ildéphonse …………………………..229

L. CS RUSHASHI :

N°12 : Le 21/09/2000, Ministère Public C/GASANA Apollinaire et Consorts ………………..239

DEUXIEME PARTIE : COURS D’APPEL

A. CA CYANGUGU :

N° 13 : Le 06/07/1999, MUNYANGABE Théodore C/Ministère Public ……………………...255

B. CA KIGALI :

N°14 : Le 26/12/2000, KAYIJUKA Célestin C/Ministère Public ……………………………...271

C. CA NYABISINDU :

N°15 : Le 20/03/1998, NEMEYIMANA Israël C/Ministère Public ……………………………285

D. CA RUHENGERI :

N°16 : Le 25/11/1998, BARITIMA Jules C/Ministère Public………………………………….295

TROISIEME PARTIE : JURIDICTION MILITAIRE

CONSEIL DE GUERRE

N°17 : Le 26/11/1998, Auditorat Militaire C/SGT GD BARAYAGWIZA Ildephonse ……….309

ANNEXES

TABLE ALPHABETIQUE DES DECISIONS ……………………………………………381

INDEX ANALYTIQUE DES DECISIONS ………………………………………………….383

LOI ORGANIQUE N°8/96 DU 30/08/1996 SUR L’ORGANISATION DES

POURSUITES DES INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU CRIME DE

GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE, COMMISES A

PARTIR DU 1er

OCTOBRE 1990 ……………………………………………………………387

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5

PREFACE

Ce troisième tome du « Recueil de jurisprudence » concernant le contentieux du génocide et des

crimes contre l’humanité tel qu’il est traité par les juridictions rwandaises est le fruit de la

poursuite d’un important travail, rendu possible grâce à la confiance que le Département des

Cours et Tribunaux de la Cour Suprême a accordée à Avocats Sans Frontières.

Depuis la parution du 1er

tome, en janvier 2002, la méthode s’est affinée. D’une part,

l’expérience a permis d’améliorer la qualité des traductions. D’autre part, les réactions recueillies

de la part des acteurs judiciaires –magistrats, avocats et défenseurs judiciaires – nous ont amenés

à ajuster la méthode d’indexation, de manière à répondre au plus près à leurs attentes et à leurs

besoins. Enfin, les contacts systématiques instaurés avec l’ensemble des juridictions du pays ont

permis de recueillir des décisions émanant de chacune d’entre elles : c’est ainsi que ce recueil

rassemble des décisions prononcées par tous les Tribunaux de première instance, par le

Conseil de Guerre, et par toutes les Cours d’appel. Dix-sept décisions qui nous paraissent

représentatives de la justice rendue à ce jour par les tribunaux rwandais.

Elles sont présentées ici dans leur intégralité. Certaines d’entre elles sont très longues : c’est le

prix de la pratique qui consiste à retranscrire l’ensemble des débats dans le corps du jugement,

pratique grâce à laquelle le lecteur dispose d’une source d’information unique sur l’histoire

et le déroulement du génocide et des massacres.

L’observateur relèvera également le souci grandissant des magistrats de motiver leurs décisions

en droit, d’entendre les victimes, de respecter les droits de la défense, de distinguer selon le degré

de responsabilité, mais également de sanctionner par un acquittement les accusations abusives.

Le présent recueil paraît à l’heure où les juridictions gacaca ont entamé leur travail.

Dans l’immédiat, les juridictions ordinaires restent saisies des affaires qui leur avaient été

transmises par le Parquet avant le 15 mars 2001, date d’entrée en vigueur de la Loi organique du

26 janvier 2001 portant création des « juridictions gacaca » et organisation des poursuites des

infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité. Elles continuent,

dans ces dossiers, à appliquer la Loi organique du 30 août 1996 (publiée ici en annexe).

Certaines des dispositions contenues dans la Loi organique de 2001 sont cependant

d’application immédiate : c’est le cas notamment de son article 96 qui supprime les Chambres

spécialisées des Tribunaux de première instance et des juridictions militaires, et prévoit que les

affaires dont elles avaient été saisies seront jugées par les juridictions dont faisaient partie ces

Chambres spécialisées : c’est ainsi que figurent, parmi les décisions sélectionnées, deux

décisions postérieures au 15 mars 2001, prononcées par des Tribunaux de première instance, et

non plus par des Chambres spécialisées.

Rappelons par ailleurs qu’en vertu de la Loi organique du 26 janvier 2001 portant création des

« juridictions gacaca » et organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de

génocide ou de crimes contre l’humanité, et la Loi du 22 juin 2001 qui la modifie et la complète,

les personnes relevant de la première catégorie restent justiciables des juridictions ordinaires.

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6

A l’issue de l'«instruction » menée par les assemblées générales des juridictions gacaca de

cellules, les juridictions ordinaires seront donc prochainement appelées à appliquer

intégralement la Loi organique de 2001.

La jurisprudence et l’expérience développées par les Chambres Spécialisées et les Cours d’appel

sous l’empire de la Loi organique de 1996 constituera, à cet égard, une importante source

d’interprétation. En mettant à la disposition des praticiens du droit de nouvelles décisions, nous

espérons leur offrir un outil de travail pertinent et nourrir le débat juridique.

Enfin, en poursuivant la publication de ces jugements qui témoignent du génocide et des

massacres et de leur répression, nous souhaitons rendre hommage à ceux qui, en âme et

conscience, œuvrent au quotidien à rendre justice à toutes les victimes.

Caroline STAINIER,

Responsable de projet,

Avocats Sans Frontières.

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PREMIERE PARTIE

TRIBUNAUX DE

PREMIERE INSTANCE

ET

CHAMBRES

SPECIALISEES

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TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE

BUTARE

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N°1

Jugement du Tribunal de Première Instance de BUTARE

du

30 novembre 2001.

Ministère Public et parties civiles C/ NTEZIRYAYO Emmanuel et Consorts.

ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE (FONDEMENT; LIEN DE CAUSALITE) –

ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281 ET 282

CP) – AVEUX (COMPLETS; FORCE PROBANTE A L'EGARD DES TIERS) –

CATEGORISATION (2ème

CATEGORIE; ART. 2 L.O. 30/08/1996) – CRIME DE

GENOCIDE – CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DESCENTE DU TRIBUNAL SUR

LE LIEU DES FAITS – DEVASTATION DU PAYS PAR MASSACRES, DESTRUCTION

ET PILLAGE (ART. 168 CP) – DOMMAGES ET INTERETS

(CONDAMNATION IN SOLIDUM) – DROITS DE LA DEFENSE (DROIT D'ETRE

ASSISTE) – PEINE (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE ET DEGRADATION

CIVIQUE) – PREUVE (ABSENCE DE; FORCE PROBANTE DE) – PROCEDURE

D'AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (AVANT PUBLICATION DU NOM

SUR LA LISTE DES PERSONNES DE PREMIERE CATEGORIE : ART 9 L.O.

30/08/1996; RECEVABILITE: ART. 6 L.O. 30/08/1996) – RESPONSABILITE DE

L’ETAT (ART. 91 L.O. 26/01/01) – TEMOIGNAGES (A CHARGE; A DECHARGE;

CONCORDANTS) – VIOLATION DE DOMICILE ( ARTS. 304 ET 305 CP) – ZELE ET

MECHANCETE EXCESSIVE ( ART. 2 CATEGORIE 1c L.O. 30/08/1996).

1. Droit d'être assisté d'un défenseur – remise.

2. Procédure – témoins tenus hors des débats avant déposition – descente du Tribunal sur le

lieu des faits.

3. 1er

prévenu – défaut de preuve - témoignages à décharge – infractions non établies –

acquittement et ordre de libération immédiate.

4. 2ème

prévenu – procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité avant publication du nom sur

la liste des personnes de première catégorie – conformité à l'article 6 de la Loi organique du

30/08/1996 – infractions établies.

5. 2ème

prévenu – zèle et méchanceté excessive – première catégorie déclassée en deuxième

catégorie (article 9 alinéa 2 de la Loi organique du 30/08/1996) – emprisonnement à

perpétuité et dégradation civique (article 18 de la Loi organique du 30/08/1996).

6. Action civile – responsabilité civile de l'Etat dans le génocide (article 91 de la Loi organique

du 26/01/2001) – condamnation solidaire du 2ème

prévenu et de l'Etat – dommages moraux

ex- æquo et bono – dommages matériels suivant la valeur du préjudice.

7. Action civile liée à une infraction non poursuivie – demande sans fondement – rejet.

8. Disjonction de l'action publique – prévenus non identifiés.

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1. L'audience est remise afin de permettre aux prévenus d'accomplir les démarches nécessaires

pour bénéficier de l'assistance d'un conseil.

2. Les témoins tant à charge qu'à décharge sont exclus de la salle d'audience jusqu'au moment

de leur déposition. Le Tribunal décide d'effectuer une descente sur le lieu des faits afin

d'interroger la population.

3. Ni les éléments produits par le Ministère Public, ni les témoignages à charge ne permettent

d’établir la part de responsabilité que le 1er

prévenu aurait eue dans le génocide.

- Doit être écartée comme inexacte l’allégation selon laquelle le prévenu aurait désigné un

comité de dix personnes chargé d’assurer la sécurité, comité dont certains membres ont ensuite

été impliqués dans des massacres, les témoignages recueillis établissant que ces personnes

avaient été élues par la population.

- Est également inexacte l’affirmation selon laquelle il ordonnait les assassinats, les témoignages

recueillis lors de la descente sur le lieu des faits établissant au contraire qu’il a fait ce qui était en

son pouvoir pour que les victimes soient épargnées, notamment en fournissant aux personnes

menacées des pièces d’identité en remplacement de celles qui faisaient mention de leur ethnie

Tutsi.

Il est acquitté de l’ensemble des infractions et sa libération immédiate est ordonnée.

4. La procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité du 2ème

prévenu est acceptée tant par le

Ministère Public que par le Tribunal comme conforme au prescrit de l'article 6 de la Loi

organique du 30/08/1996. Le prévenu est reconnu coupable de l'ensemble des infractions à sa

charge.

5. Le zèle et la méchanceté excessive dont a fait preuve le 2ème

prévenu, notamment en utilisant

une hache pour tuer une dame âgée avec laquelle il entretenait de bonnes relations,

permettent de le ranger en première catégorie; en raison de son plaidoyer de culpabilité

intervenu avant la publication de son nom sur la liste des personnes relevant de la première

catégorie, il doit être rangé en deuxième catégorie conformément à l'article 9 alinéa 2 de la

Loi organique du 30/08/1996.

Il est condamné à l'emprisonnement à perpétuité et à la dégradation civique.

6. L’Etat, qui a reconnu sa responsabilité dans le génocide, doit être condamné au paiement des

dommages et intérêts alloués aux parties civiles, solidairement avec le prévenu reconnu

coupable, selon les dispositions de l'article 91 de la Loi organique du 26/01/2001 portant

création des juridictions Gacaca.

Les dommages et intérêts moraux réclamés apparaissent excessifs; tenant compte des liens de

parenté, ils sont fixés ex- æquo et bono car « un être humain n’a pas de prix ». Les dommages

matériels doivent être alloués en tenant compte de la valeur des biens endommagés.

7. Ne peut être reçue, l'action civile d'une partie qui est fondée sur une infraction dont le

Tribunal n'a pas été saisi.

8. L’action publique concernant les prévenus dont l’identification est restée incomplète est

disjointe.

(NDLR: L'appel du Ministère Public est pendant devant la Cour d'appel de NYABISINDU).

(Traduction libre)

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RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001

RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE

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1er

feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BUTARE EN ITINERANCE A

NYANZA, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMES

CONTRE L’HUMANITE, A RENDU LE 30/11/2001 LE JUGEMENT DONT LA

TENEUR SUIT :

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1. NTEZIRYAYO Emmanuel fils de KAJANGWE ET NYIRANDIMURWANGO, né en

1950 à KIVUMU-BUSASAMANA-NYABISINDU-BUTARE, y résidant, marié à

KABAGEMA, père de 8 enfants, Rwandais, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires

connus ;

2. NSANGANIRA Eugène fils de ZIKAMABAHARI et NYIRADURI, né en 1959 à

KIVUMU-BUSASAMANA-NYABISINDU-BUTARE, y résidant, marié à

NYIRAMARIZA, père de 6 enfants, Rwandais, cultivateur, sans antécédents judiciaires

connus ;

3. MUSAFIRI : non autrement identifié.

4. NKUNDABAGENZI : non autrement identifié.

5. HABIYAMBERE : non autrement identifié.

6. MUNYANKINDI : non autrement identifié.

7. SEMBU : non autrement identifié.

8. NTAGANZWA : non autrement identifié.

9. MASONGA François : non autrement identifié.

10. NDAGIJIMANA : non autrement identifié.

11. SEGEMA : non autrement identifié.

12. MPUNGIREHE Laurent : non autrement identifié.

13. MIKWEGE : non autrement identifié.

14. NCAMIHIGO Idrissa : non autrement identifié.

15. RUGAMBA : non autrement identifié.

16. BAJENEZA Damascène : non autrement identifié .

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RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001

RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE

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17. RUFANGURA : non autrement identifié.

18. JUMA : non autrement identifié.

19. MISAGO Vianney : non autrement identifié.

20. Gérard : non autrement identifié.

21. KAREGE Ildephonse : non autrement identifié.

22. MUNYAMBUGA Phénéas : non autrement identifié.

23. SHEMU : non autrement identifié.

PREVENTIONS :

A charge de NTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène, NKUNDABAGENZI

Alphonse, MPUNGIREHE Laurent, MIKWEGE, NCAMIHIGO Idrissa, RUGAMBA,

BAJENEZA Damascène, RUFANGURA, JUMA, MISAGO Vianney, NDAGIJIMANA

Gérard, KAREGE Ildephonse et MUNYAMBUGA Phénéas :

- Avoir à KAVUMU, BUSASAMANA, NYABISINDU, BUTARE, République Rwandaise,

entre avril et juillet 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par les

articles 89, 90 et 91 du Code pénal, organisé et mis à exécution le plan du génocide et

d’autres crimes contre l’humanité, infraction

2ème

feuillet.

prévue par la Convention du 09/12/1994 sur la répression du crime de génocide, la Convention

du 12/08/1949 sur la protection des personnes civiles en temps de guerre et les Protocoles

Additionnels, la Convention du 26/11/1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des

crimes contre l’humanité telles que ratifiées par Décret-loi n° 08/75 du 12/02/1975, ainsi que par

la Loi organique du 30/08/96 en son article premier.

A)- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs ou

complices, commis l’infraction d’association de malfaiteurs prévue et réprimée par les articles

89, 90 et 91 du Code pénal Livre I (sic).

B)- Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu, en date du 22/04/1994, comme auteurs,

coauteurs ou complices, assassiné NYIRABANANI Cécile, NYIRABAKEKA, Pauline et son

enfant, MUKANGWIJE Suzanne, NGARAMBE, l’épouse de KADENESI et ses deux enfants,

l’épouse de Gervais, l’épouse de NYAMBIRIRA, l’épouse de KANYABIHAHO Xavier , la fille

de RUBINDO ainsi que NSABUMUKUNZI, infraction prévue et réprimée par l’article 3 de la

Loi organique n° 08/96 du 30/08/96, les articles 89, 90 et 91 du livre I et 312 du Code pénal

Livre II.

A charge de NSANGANIRA Eugène, HAVUGIMANA Mussa, BAJENEZA,

NKUNDABAGENZI et SHEMU.

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RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001

RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE

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C)- Avoir, au même endroit que ci-dessus au cours du génocide d’avril à juillet, comme auteurs,

coauteurs ou complices, commis l’infraction de dévastation du pays par les massacres, les

destructions de maisons et de bétail ainsi que les pillages, infraction prévue et réprimée par les

articles 89, 90 du livre I ainsi que les articles 169, 144 du livre II du Code pénal(sic).

D)- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis l’infraction de violation de

domiciles d’autrui, infraction prévue et réprimée par les articles 304 et 305 du livre II du Code

pénal.

PARTIES CIVILES.

1. MUSAYIDIRE Eugénie fille de BWICAMANUMA et MUKANGWIJE Suzanne, née le

25/12/1952 à BUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE, résidant

actuellement en Allemagne.

2. NYIRANTEGEYINKA Véronique fille de RUCEGE Charles et MUTWAKAZI Marie,

résidant à BUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE.

3. MUNYANSHONGORE Mussa fils de NDEKEZI et NYIRABANAMA Cécile, résidant à

BUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE.

4. MUKARUBAYIZA Virginie fille de NDEKEZI et NYIRABANAMA, résidant à

BUSASAMANA, ville de NYANZA, province de BUTARE.

3ème

feuillet.

5. RWAGATARE Jean fils de KIMONYO Grégoire et MUKAMUZIMA, né à RUHASHYA,

résidant à BUSASAMANA, ville de NYANZA.

LE TRIBUNAL,

Vu l’instruction préparatoire de cette affaire par le parquet de la République à BUTARE après

laquelle le dossier a été transmis pour fixation au Tribunal de Première Instance de BUTARE et a

été inscrit au rôle sous le n° RP 84/2/2001 ;

Vu l’ordonnance du Président du Tribunal pris en date du 11/06/2001 fixant l’audience au

22/11/2001 à NYANZA à 8 heures du matin ;

Vu que seuls deux des vingt-deux prévenus poursuivis par le Ministère Public ont été identifiés,

NTEZIRYAYO Emmanuel et NSANGANIRA Eugène ont été régulièrement cités à

comparaître, qu’ils ont comparu à cette date en présence du représentant du Ministère Public et

de quelques-unes des parties civiles ;

Vu que l’une des parties civiles à savoir MUSAYIDIRE Eugénie résidant à BUSASAMANA est

accompagnée par des journalistes allemands et par un journaliste rwandais de la télévision

nationale en la personne de RUTAREKA Alexis qui demandent au Tribunal de les autoriser à

faire un reportage sur le déroulement de l’audience, qu’après avis du Ministère Public, cette

autorisation leur est accordée dans le cadre des bonnes relations entre le Rwanda et l’Allemagne

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et notamment certains de ses Lands, que le reportage ne doit pas servir à des fins commerciales ;

Vu la lettre que NTEZIRYAYO Emmanuel a remise au Tribunal au cours de la matinée à 10

heures dix minutes avant le début de l’audience et par laquelle il sollicite le report d’audience au

motif qu’il s’est adressé au Bureau de Consultation et de Défense du Corps des Défenseurs en

date du 09/11/2001 pour solliciter une assistance judiciaire, qu’à la question de savoir s’il ne peut

pas assurer personnellement sa défense, il répond par la négative et dit qu’il espère qu’un

défenseur sera disponible dans les prochains jours ;

Attendu qu’à la question posée à NSANGANIRA Eugène de savoir s’il accepte de plaider sa

cause, celui-ci répond qu’il le souhaite ardemment surtout qu’il entend plaider coupable ;

Attendu que la parole est accordée à quelques-unes des parties civiles pour émettre leur avis, que

MUSAYIDIRE Eugénie dit qu’elle a accusé NSANGANIRA Eugène seul, mais que

NTEZIRYAYO Emmanuel peut faire un effort pour assurer personnellement sa défense étant

donné qu’ils ont fait un long voyage à partir de l’Allemagne pour suivre l’audience, que

NYIRANTEGEYINKA dit quant à elle qu’elle et MUSAYIDIRE Eugénie poursuivent la même

action civile et qu’à ce titre, elle ne saurait s’en tirer seule au cas où cette dernière partirait sans

que l’affaire soit clôturée ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public SHUMBUSHO Daniel demande au Tribunal de

téléphoner au Bureau de Consultation et de Défense pour savoir si la lettre de demande

d’assistance judiciaire de NTEZIRYAYO Emmanuel y a été reçue et si elle fera l’objet d’une

suite favorable ;

4ème

feuillet.

Vu que l’audience est suspendue jusqu’à 14 heures pour que le Tribunal puisse entrer en

communication avec le Bureau de Consultation et de Défense avant de décider la date à laquelle

l’audience doit être reportée ;

Vu que le Bureau de Consultation et de Défense informe le Tribunal qu’il n’a pas reçu la lettre de

NTEZIRYAYO Emmanuel datée du 09/11/2001 ;

Vu que l’audience est reportée au 27/11/2001 pour qu’une copie de la lettre de demande

d’assistance judiciaire soit envoyée à KIGALI (au BCD et au CDDH) par FAX ;

Vu qu’en date du 27/11/2001 les deux prévenus comparaissent, NTEZIRYAYO Emmanuel étant

assisté par Maître SAYINZOGA J. Pierre, NSANGANIRA Eugène étant quant à lui assisté par

Maître SENDAMA Cyrdion, les parties civiles ayant pour Conseil Maître NKURIKIYIMFURA

Innocent ;

Vu que d’autres parties civiles se sont constituées et qu’elles sont ainsi au total au nombre de

cinq ;

Attendu qu’il est fait lecture de l’identité des prévenus et des préventions libellées à leur charge ;

Attendu qu’à la question de savoir si des témoins tant à charge qu’à décharge se trouvent dans la

salle d’audience, l’Officier du Ministère Public dit qu’il y a des détenus qui ont été cités comme

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RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001

RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE

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témoins à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’ils sont tous invités à sortir pour être appelés

à la barre au moment opportun ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre demande lui aussi que les témoins à décharge soient

exclus de la salle d’audience pour être entendus le moment venu ;

Attendu qu’après un rappel des préventions à charge des prévenus, NSANGANIRA Eugène est

invité à dire s’il maintient son recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité et qu’il

répond par l’affirmative, que l’audience se déroule alors selon la procédure prévue par l’article

10 de la Loi organique du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide et des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990 ;

Attendu que la parole est accordée au Ministère Public pour présenter son réquisitoire, que

l’Officier du Ministère Public requiert que NSANGANIRA Eugène soit rangé dans la deuxième

catégorie et bénéficie d’une diminution de la peine suite à son plaidoyer de culpabilité ;

Attendu que le greffier fait lecture de tous les procès-verbaux contenant les aveux de

NSANGANIRA Eugène portant sur le lieu, les dates et les victimes de ses actes, l’identité de ses

coauteurs ainsi que les excuses qu’il présente ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a volontairement recouru à la procédure d’aveu et s’il a

été informé de la peine prévue par la loi pour les actes à propos desquels il plaide coupable, ainsi

que de l’impossibilité d’interjeter appel contre le jugement de condamnation consécutif à cette

procédure, il répond qu’il a volontairement avoué mais que le Ministère Public ne l’a pas

informé de l’interdiction d’interjeter appel en pareille circonstance, qu’à la question de savoir

5ème

feuillet.

s’il est prêt à accepter la peine qui sera prononcée par le Tribunal en vertu de la Loi organique

n°08/96 du 30/08/1996, il répond par l’affirmative mais dit que l’Officier du Ministère Public a

été injuste à son égard en requérant qu’il soit rangé dans la première catégorie alors qu’il n’a pas

agi en qualité d’autorité ;

Vu que NSANGANIRA Eugène est informé que la décision sur la recevabilité de ses aveux sera

prononcée le 28/11/2001, qu’ensuite l’audience se poursuit ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit qu’il a des

inquiétudes sur le cas de NSANGANIRA Eugène à cause de la méchanceté excessive dont il a

fait preuve lors du meurtre d’une vieille dame au cours duquel il a fait usage d’une hache qui

d’ordinaire est lourde et du fait qu’il ne précise pas le nombre de coups de hache qu’il a donnés à

la victime, et que par ailleurs, tout en reconnaissant qu’ils ont gardé des gens pendant la nuit, il

ne donne aucun renseignement sur les actes qu’ils ont commis sur eux, qu’il demande que les

prévenus soient poursuivis du chef de l’infraction de séquestration prévue par l’article 388 du

Code pénal livre II, que la peine requise par le Ministère Public soit majorée dès lors que

l’intéressé n’indique pas pourquoi il s’en est pris à cette vieille dame mais se plaint plutôt de ce

que la peine requise par le Ministère Public est élevée ;

Attendu que Maître SEMANDA Cyrdion, Conseil de NSANGANIRA Eugène, dit qu’il parlera

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en temps opportun de la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de son client, mais qu'il

demande que la loi soit respectée car il ne comprend pas comment le Tribunal peut prononcer

une peine non prévue par la loi, qu’il reconnaît le caractère extrêmement grave des infractions

commises par NSANGANIRA Eugène, mais qu’il en plaide justement coupable et notamment

celle d’avoir tué une vieille dame alors qu’il était en patrouille pendant la journée et que, selon

l’entretien qu’il a eu avec son client, celui-ci a commis ce crime sur ordre de

NKUNDABAGENZI Alphonse ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que l’action introduite par le Conseil des parties

civiles sur base de l’article 388 du Code pénal Livre II est irrégulière en la forme, car il devrait

plutôt porter plainte auprès du Ministère Public dont l’inaction pendant une période de 6 mois

pourrait alors ouvrir la voie à la citation directe ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des partis civiles, dit que l’article 39

de la Loi organique n° 08/96 dispose que toutes les formes de saisine des juridictions non

contraires aux lois ordinaires demeurent d’application en matière de génocide, qu'ainsi l'on ne

peut empêcher les parties civiles de faire la citation directe et qu’il a d’autres éléments qu’il

souhaite soumettre aux membres du siège dans cette affaire ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit qu’ils ne

s’opposent pas à la sanction de toutes les infractions qui ont été commises, mais qu’il faut

respecter la procédure ;

Attendu que la parole est accordée à l’Officier du Ministère Public pour qu’il donne son avis sur

l’incident soulevé par l’avocat des parties civiles, qu’il dit que le Ministère Public a libellé huit

(8) préventions après l’instruction préparatoire, mais que l’Officier du Ministère Public est

également compétent pour relever d’autres infractions non découvertes auparavant, qu’il

demande que cet incident soit examiné conformément à la loi et dit que NSANGANIRA Eugène,

en faisant valoir être victime d’injustice de la part de l’Officier du Ministère Public qui le

6ème

feuillet.

range dans la première catégorie alors qu’il n’était pas une autorité, fait semblant d’ignorer que

certains prévenus ont acquis une renommée à cause du zèle qui les a caractérisés en tuant les

victimes à coups de petites houes usagées ;

Attendu qu’à la question de savoir le but qu’il vise en invoquant devant le Tribunal des

infractions dont celui-ci n’a pas été saisi et s’il souhaite que l’audience soit reportée pour que le

Ministère Public puisse engager des poursuites du chef des infractions concernées, Maître

NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des partis civiles, répond que son objectif est la

manifestation de la vérité, qu’à celle de savoir si le Tribunal peut connaître de ces infractions

sans en avoir été saisi il répond qu’il y a lieu de voir si les prévenus veulent présenter leurs

moyens de défense sur le champ ou à une autre date mais qu’il vaudrait mieux que l’affaire soit

examinée rapidement ;

Attendu qu’après examen des avis respectifs de l’avocat des parties civiles en la personne de

NKURIKIYIMFURA Innocent, du Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel et de l’Officier du

Ministère Public, le Tribunal constate que la détermination de la peine à charge de

NSANGANIRA Eugène se fera selon le prescrit de la loi, spécialement la Loi organique sur

l’organisation des infractions constitutives du crime de génocide, que l’action relative aux faits

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qualifiés de nouveaux par NKURIKIYIMFURA Innocent est irrecevable car elle est irrégulière

en la forme dès lors qu’il ne précise pas s’il s’agit d’une exception qui par ailleurs devrait être

invoquée au seuil des débats sur le fond, qu’il décide à cet égard que l’audience doit se

poursuivre par la défense de NTEZIRYAYO Emmanuel ;

Attendu qu’interrogé sur les infractions qui lui sont reprochées, NTEZIRYAYO Emmanuel dit

qu’il plaide non coupable ;

Attendu que le Ministère Public est invité à rapporter les preuves à la base des poursuites à

charge de NTEZIRYAYO Emmanuel pour lui permettre d’y répliquer ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO Emmanuel était conseiller de

secteur et qu’il a agi en coaction avec un groupe de 10 individus qu’il a choisis lui-même pour la

mise en exécution du plan de génocide ; qu’en date du 21/04/1994, ils ont mené une expédition

au cours de laquelle ils se sont saisis de 13 tutsi et les ont conduits à l’endroit où une barrière

était érigée et où ils ont passé la nuit, qu’ils les ont tués le lendemain dans un boisement se

trouvant à proximité, qu’il poursuit en disant que les intéressés, après avoir tué les victimes,

incendiaient et détruisaient leurs maisons et mangeaient leur bétail, que NTEZIRYAYO

Emmanuel reconnaît les faits et notamment la formation d’une association de malfaiteurs

composée de 10 personnes, que c’est lui qui donnait chaque fois l’ordre de tuer tel que cela

apparaît dans les procès-verbaux portant les cotes 6 et 10 du dossier ;

Attendu qu’invité à présenter ses moyens de défense, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il y a

lieu d’interroger la population du secteur qu’il dirigeait sur sa conduite au cours du génocide,

qu’il n’a fait aucune discrimination entre les Rwandais et qu’il s’est plutôt opposé aux massacres

tel que NSANGANIRA l’a confirmé, qu’il poursuit en demandant au Tribunal d’interroger la

population de tout le secteur de BUSASAMANA et dit qu’il a en vain formulé le même souhait

auprès du Ministère Public, qu’il déclare avoir, à l’époque du génocide, secouru

MUKAMURIGO et sa fille, KAMASHARA, les membres de la famille NZAYISOMA (cellule

BUNYESHYIRA) si bien qu’ils ont même attrapé des tueurs auxquels ils ont pris une petite

hache, qu’interrogé sur l’identité de ces tueurs il répond qu’ils ont établi un procès-verbal qu’ils

ont remis au responsable de la cellule, et que parmi eux figuraient les nommés Chadrack,

SHEMBU, le fils de MUNYENDAMUTSA, le fils de

7ème

feuillet.

KIMONYO qui est mort, ainsi que celui de BIMENYIMANA, que cette liste se trouve entre les

mains de l’actuel conseiller de secteur qui était le responsable de cellule à l’époque des faits ;

Attendu qu’invité à s’expliquer sur la liste des tueurs qu’il lui est reproché d’avoir établie,

NTEZIRYAYO Emmanuel répond qu’il ne l’a pas dressée et que ces individus ont été au

contraire choisis par toute la population pour assurer la sécurité dans tout le secteur ; que

concernant les quatre barrières il dit qu’elles ont été érigées par les militaires et qu’il ne

comprend pas pourquoi le Ministère Public l'en rend responsable, qu’à la question de savoir s’il a

participé à la réunion relative aux massacres (réunion des conseillers de secteurs), il répond ne

pas avoir pris part à une quelconque réunion autre que celle qui a eu lieu un mercredi au cours de

laquelle le commandant de gendarmerie s’est informé sur la situation sécuritaire et qu’on lui a

demandé à cette occasion d’expliquer pourquoi il plaçait des tutsi aux barrières à l’exemple du

père de GISAGARA JMV qui a été tué parce qu’il s’opposait aux massacres ;

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Attendu qu’à la question de savoir si KAREGE ne lui a pas fait parvenir un message émanant du

bourgmestre, NTEZIRYAYO Emmanuel répond par la négative et dit que ces affirmations sont

de pures inventions de la part des autres prévenus qui visent l’acceptation de leurs aveux, qu’il

poursuit en disant que GISAGARA qui était bourgmestre à cette époque venait d’être tué alors

qu’ils s’étaient tous deux opposés aux massacres, que lui-même a subi à son domicile une

attaque à la grenade ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO Emmanuel reconnaît avoir

participé à une réunion au cours de laquelle les massacres ont été planifiés mais qu’il n’explique

pas pourquoi ceux-ci ont commencé dans le secteur immédiatement après cette réunion, que cela

prouve qu’il a mis en exécution les décisions prises ;

Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit que le Ministère Public se fonde essentiellement sur

les déclarations des plaignants figurant dans différents dossiers sans daigner tenir compte du fait

qu’il y avait d’autres personnes dans ce secteur qui peuvent confirmer que ladite réunion n’avait

pas pour objet la planification des massacres, qu’il est cependant vrai que ceux qui l’ont dirigée

étaient des tueurs si bien que quelques-uns d’entre eux avaient déjà commis des tueries et

menaçaient de s’en prendre à son secteur (le secteur de BUSASAMANA) dont la population ne

s’était pas impliquée dans les massacres ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J . Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que le

bourgmestre GISAGARA JMV et NTEZIRYAYO E. étaient tous deux membres d’un même

parti politique (PSD) et s’opposaient aux massacres, qu’après la mort de GISAGARA JMV, le

nommé MASONGA François a été désigné bourgmestre et s’en est pris à NTEZIRYAYO

Emmanuel, lui en voulant de ne pas avoir pris part aux tueries, que les dix personnes dont il est

question dans l’accusation ont été choisies par la population de toutes les ethnies au cours d’une

réunion convoquée par le conseiller de secteur mais sur ordre du bourgmestre GISAGARA JMV

dans le but de veiller à leur sécurité, qu’il poursuit en disant qu’il était reproché au PSD de

collaborer avec les INKOTANYI si bien qu’une réunion a eu lieu au cours de laquelle son client

a été réprimandé et que, en prenant ses fonctions, MASONGA François a vivement reproché à

l’intéressé le fait que rien n’avait été fait dans son secteur relativement aux massacres, que la

population charge le conseiller d’avoir dirigé une réunion sans cependant indiquer une victime

qu’il aurait tuée ou menacée, que l’acceptation des aveux d’un prévenu ne confère point à ses

déclarations la force probante et que, NSANGANIRA dit lui-même que NTEZIRYAYO

Emmanuel était pourchassé parce qu’il cachait les tutsi, qu’il termine en demandant au Ministère

Public de rapporter un quelconque acte répréhensible commis par NTEZIRYAYO Emmanuel ;

Attendu qu’à la question de savoir quand GISAGARA JMV est mort, NTEZIRYAYO

Emmanuel répond que c’est en avril, qu’à celle de savoir si des victimes n’étaient pas

8ème

feuillet.

mortes auparavant il répond qu’elles ont été tuées par les militaires et des jeunes hommes, que

concernant le message émanant du bourgmestre dont il est question, il dit qu’il n’a jamais existé

et qu’il est par ailleurs prêt à se plier à la sanction s’il est établi qu’il a désigné les 10 personnes

qu’on l’accuse d’avoir réunies dans une association de malfaiteurs ;

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Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que Maître SAYINZOGA J . Pierre fait valoir que

le Ministère Public n’a pas rapporté de preuves, alors que le prévenu n’a pas nié la tenue de la

réunion incriminée et que les 10 personnes dont il est question qui ont été désignés pour assurer

la sécurité ont plutôt contribué à l’insécurité ; que Maître NKURIKIYIMFURA Emmanuel,

avocat des parties civiles, renchérit en disant que NTEZIRYAYO Emmanuel a demandé au

Tribunal d’entendre la population du secteur qu’il dirigeait sur sa conduite à l’époque du

génocide alors que ceux qui ont été interrogés, dont NSANGANIRA, en font partie et qu’ils ont

affirmé que c’est NTEZIRYAYO qui a formé un comité de 10 personnes auxquelles il a donné

des instructions et que, dans la soirée, celles-ci ont commencé à ériger des barrières et à tuer,

qu’il devrait dès lors indiquer la nature du conflit qui l’oppose à ces personnes qui le mettent en

cause ; qu’il continue en disant que si des personnes qui étaient pourchassées et que

NTEZIRYAYO Emmanuel aurait défendues sont encore en vie, elles devraient être citées à

comparaître aux fins de témoigner sur les circonstances dans lesquelles il les a secourues, qu’il

arrivait cependant que quelqu’un sauve certaines personnes et en tue d’autres plus nombreuses ;

qu’il termine en demandant que NTEZIRYAYO poursuive sa défense sur les faits qui lui sont

reprochés et que les personnes qu’il a sauvées puissent témoigner par la suite ; que relativement

au moyen de défense du prévenu qui dit avoir été réprimandé lors des réunions pour l'inactivité

de son secteur dans les tueries, il demande que le prévenu produise le compte rendu de la réunion

au cours de laquelle ces faits ont eu lieu ; que le prévenu rétorque cependant que le bourgmestre

ne l'a pas invité à ladite réunion ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les nommés KABERA Adiel, RUKEBESHA

Aloys, HATEGEKIMANA et MPUNGIREHE qui ont été condamnés à la peine de mort dans

l’affaire RMP 49457/S7 ainsi que DUSINGIZIMANA Israël (ex-conseiller) qui est encore

prévenu mais est passé aux aveux ont mis NTEZIRYAYO Emmanuel en cause ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que son confrère, Conseil des parties civiles,

invoque comme preuves les déclarations figurant au dossier et faisant état de la réunion de la

population qui a eu lieu, que cependant NTEZIRYAYO Emmanuel ne nie pas la tenue de cette

réunion à laquelle a pris part la population de toutes les ethnies, que des gens peuvent se révéler

bons lors de leur élection et changer par la suite, mais que NTEZIRYAYO Emmanuel ne saurait

aucunement répondre de ce changement, qu’il termine en demandant au Tribunal de bien vérifier

si les 10 personnes ont été désignées par NTEZIRYAYO E. ou choisies par la population et qu'il

dit que l’Officier du Ministère Public s’appesantit sur les réunions comme preuves à charge sans

cependant en indiquer la date ni démontrer ce qui y a été débattu, qu’il déclare également ne

point approuver les déclarations des détenus qui ont été définitivement condamnés ;

Attendu qu’interrogé sur les victimes que DUSABEMARIYA Marguerite l’accuse d’avoir tuées

tel que cela apparaît à la cote 20 du dossier, NTEZIRYAYO répond que l’intéressée devrait

expliquer au Tribunal les circonstances des faits allégués et qu’il estime quant à lui que cette

accusation relève de l’habitude que les gens avaient adoptée à la fin de la guerre en 1994 de faire

de fausses dénonciations ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que la

déclaration de DUSABEMARIYA figurant à la cote 20 n’est point crédible car une seule

personne ne peut pas en toute logique tuer d’aussi nombreuses victimes qui sont au nombre de 15

personnes, qu’il demande au Tribunal d’en faire un examen avec délicatesse et de punir son

client si les faits sont avérés ;

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22

9ème

feuillet.

Attendu qu’invité à répliquer aux déclarations des témoins à sa charge, NTEZIRYAYO dit que

ces témoins se fondent sur l’unique réunion qu’il a dirigée, qu’il estime que Israël peut le

disculper s’il le veut, car il sait bien que les massacres ont commencé quand MASONGA

François est entré en fonction, qu’à la question de savoir s’il a envoyé à Hassan un message lui

interdisant de relâcher toute personne arrêtée même s’il ne s’agissait que d’un simple passant, il

répond que c’est une fausse accusation et termine en disant qu’il n’a jamais pratiqué la

discrimination ethnique et que le compte rendu de la réunion au cours de laquelle les 10

personnes ont été choisies est gardé par le responsable de cellule qui est l’actuel conseiller de

secteur ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO E, dit que le procès-

verbal portant la cote 20 n’a aucune force probante car il n’a pas été établi conformément aux

règles de procédure et que le verbalisant n’est pas clairement identifié ;

Attendu qu’invité à présenter ses moyens de défense sur les preuves rapportées par le Ministère

Public et spécialement les déclarations des détenus condamnés, il répond que même en prison où

ils se trouvent, ces détenus lui en veulent beaucoup, notamment le nommé RUKEBESHA, car

celui-ci a été fortement ébranlé par la peine d’emprisonnement à perpétuité à laquelle il a été

condamné, que ces détenus ne supportent pas qu’il n’ait pas subi le même sort si bien que lors

des séances dites Gacaca, RUKEBESHA a dit aux autres de lui attribuer faussement des

infractions, qu'il ne leur en tient cependant pas rigueur quant à lui, mais qu’il va prier pour eux ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les déclarations faites par les détenus avant

leur condamnation doivent être considérées comme crédibles ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit que

NTEZIRYAYO Emmanuel persiste à plaider non coupable alors qu’après l’élection des 10

personnes il est resté avec elles et que par la suite des gens sont morts, qu’il n’explique ni

pourquoi il est resté avec eux ni comment il a fait un suivi des activités de ce comité ;

Attendu qu’invité à répliquer aux arguments du Conseil des parties civiles, NTEZIRYAYO

Emmanuel dit que les 10 personnes ont été choisies par toute la population et qu’elles ont

entretemps été utiles jusqu’à l’arrivée des militaires qui a provoqué une scission au sein de ce

comité si bien que quelques-unes d’entre elles ont pris part aux massacres, qu’il a fait au mieux

pour faire un suivi de ses activités ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il est satisfait par la réponse donnée par le prévenu

NTEZIRYAYO Emmanuel, NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit que

c’est avant la mise sur pied du comité dont il est question que le prévenu a sauvé des gens mais

que les victimes ont été tuées après la désignation dudit comité, que ses moyens de défense n’ont

pour but que de semer le doute dans l’esprit du Tribunal ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il est resté avec les personnes qui venaient d’être

choisies, NTEZIRYAYO Emmanuel répond que c’était pour les enregistrer, que ce comité n'était

pas destiné à exécuter les massacres et qu’il n’en faisait pas partie, qu’à celle de savoir s’il a

collaboré avec MASONGA François après la mort de GISAGARA JMV il répond par

l’affirmative et dit qu’ils avaient une réunion chaque vendredi et que MASONGA l’accusait de

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placer les Tutsi à la barrière si bien qu’il lui est arrivé d’amener 6 militaires pour vérifier cette

accusation, qu’il poursuit en disant que la population peut confirmer ce qu’il dit, que les gens qui

fréquentaient les cabarets où ils mangeaient de la viande grillée avaient pour objectif de perpétrer

des tueries dans le secteur BUSASAMANA où la population s’était abstenue de les commettre ;

10ème

feuillet.

Attendu qu’interrogé sur la façon dont MASONGA François l’a persécuté, NTEZIRYAYO

Emmanuel répond qu’ils étaient en réunion au bureau communal quand il lui a demandé

pourquoi il place des Tutsi à la barrière et notamment le père de GISAGARA JMV, qu’ils l’ont

mis à bord d’un véhicule pour aller vérifier le fait sur les lieux, qu’à la question de savoir s’il a

changé de comportement à l’époque où MASONGA François était en fonction après la mort de

GISAGARA JMV qui s’opposait aux massacres, il répond qu’il s’est gardé de participer aux

méfaits, que la déclaration de NSANGANIRA selon laquelle le bourgmestre lui a envoyé un

message est fausse, car GISAGARA JMV avait fui et qu’il a gardé ses distances à l’égard de

MASONGA François si bien qu’il n’allait au bureau communal que les vendredi dans les

réunions hebdomadaires ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NTEZIRYAYO a lui aussi supervisé les

massacres car il reconnaît que MASONGA François est venu lui demander des informations ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre souhaite que NSANGANIRA E soit interrogé sur les

circonstances dans lesquelles il a entendu parler du message que le bourgmestre a envoyé à

NTEZIRYAYO le menaçant de commencer par tuer les membres de sa famille s’il continuait à

s’abstenir de prendre part aux massacres ;

Attendu qu’invité à donner des éclaircissements sur ce message qui a été envoyé au conseiller

NTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène dit qu’il a participé aux réunions comme il

l’a déjà dit dans sa déclaration figurant au procès-verbal portant la cote 1 et que même Israël qui

participait à cette réunion le charge, qu’à la question de savoir comment ce message a été

communiqué à NTEZIRYAYO, il répond que c’est son collègue de service à la laiterie, en la

personne de KAREGE, qui le lui a rapporté au moment où ils étaient au service ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il est satisfait par la réponse donnée par NSANGANIRA,

Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il se peut que, contrairement à cette affirmation, ce

message n’ait pas été communiqué à NTEZIRYAYO ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il est sûr que ce message dont il a eu connaissance au

service à la laiterie est effectivement parvenu à NTEZIRYAYO, NSANGANIRA répond par

l’affirmative et dit que NTEZIRYAYO s’est d’abord opposé aux tueries mais qu’il a par la suite

fait preuve de faiblesse et a participé à une réunion au bureau communal, qu’interrogé sur la

nature de cette faiblesse et sur les moyens dont disposait le prévenu, il répond que l’intéressé a

une part de responsabilité dans les massacres car, dès qu’ils ont commencé, il n’a organisé

aucune réunion en vue de demander pourquoi des gens étaient tués, qu’il doit ainsi en répondre

devant le Tribunal ;

Attendu que Maître SENDAMA Cyrdion, Conseil de NSANGANIRA, demande que

NTEZIRYAYO soit invité à expliciter son propos selon lequel aucun message ne lui est parvenu

parce que le bourgmestre avait fui, que l’intéressé répond que ce message ne lui est pas parvenu,

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mais que le bourgmestre dont parle NSANGANIRA est GISAGARA qui avait fui car il était

menacé, que NSANGANIRA affirme quant à lui qu’il parle du bourgmestre MASONGA

François ;

Attendu qu’à la question posée par Maître NKURIKIYIMFURA Innocent de savoir si la fonction

de bourgmestre était assurée par GISAGARA ou MASONGA quand les victimes ont été tuées

après la constitution du comité, NTEZIRYAYO répond que c’est à l’époque où cette fonction

était exercée par MASONGA François ;

11ème

feuillet.

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que la

population était divisée et que MASONGA François est allé rendre visite à NTEZIRYAYO,

qu’ils se sont alors concertés et que celui-ci lui a obéi, que c’est à ce moment que les victimes

innocentes ont commencé à être tuées ;

Attendu que maître SAYINZOGA J. PIERRE, Conseil de NTEZIRYAYO, dit que durant la

période où GISAGARA était encore bourgmestre, les gens n’ont pas été tués, que la population a

changé de comportement et a participé aux massacres à l’époque où cette fonction était exercée

par MASONGA François qui a été un meurtrier, qu’il se peut que le message envoyé à

NTEZIRYAYO ait existé mais qu’il ne lui soit pas parvenu, qu’il termine en disant que seul le

bourgmestre doit répondre des tueries qui ont été commises étant donné que le conseiller ne

pouvait d’ailleurs rien faire pour résister à six militaires ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu’il estime que c’est le conseiller qui a

ordonné les massacres car il est resté avec les membres du comité après sa constitution et que les

victimes ont été tuées le lendemain ;

Attendu qu’invité à répliquer aux arguments de Maître NKURIKIYIMFURA Innocent,

NTEZIRYAYO Emmanuel dit que ce comité a été constitué par la population, que cela peut être

confirmé par les militaires qui étaient en service à cette époque et qui sont encore en vie ainsi que

par la population qu’il dirigeait à l’exception de ceux qui ont commis les tueries qui actuellement

le mettent injustement en cause ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que NTEZIRYAYO Emmanuel reconnaît que les

individus qui ont été élus par la population sont restés pour se faire enregistrer après la réunion,

que Maître NKURIKIYIMFURA argumente que ces personnes sont restées pour recevoir des

instructions sans cependant indiquer comment celles-ci ont été données ni la voie par laquelle il

en a eu connaissance ;

Attendu qu’invité à dire quelque chose sur la réunion au cours de laquelle les personnes chargées

du maintien de la sécurité dans le secteur BUSASAMANA ont été élues, l’Officier du Ministère

public répond que NTEZIRYAYO devrait lui aussi dire au Tribunal si cette réunion de sécurité a

atteint ses objectifs ;

Attendu que NTEZIRYAYO dit que ce comité a mené ses activités dans la cellule

BUNYESHWA de façon qu’il a même pris à un groupe de malfaiteurs une hache qui devait

servir à commettre les tueries, mais qu’il s’est dissout après que des gens ont été tués par balles à

la laiterie par les militaires, que par ailleurs, des gens avaient reçu des grenades de sorte qu’il ne

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pouvait pas les affronter, qu’il termine en disant que quelques- uns de ces individus ont commis

les massacres mais qu’en ce qui le concerne, il y a lieu d’interroger la population qu’il dirigeait

pour qu’elle témoigne à sa décharge ; qu’à la question de savoir si quelques-uns des membres de

ce comité chargé de la sécurité n’ont pas pris part aux massacres il répond par l’affirmative et

cite KAMATALI et AMULI, qu’interrogé sur l’ordre du jour des réunions hebdomadaires qu’ils

tenaient au bureau communal à l’époque du génocide, il dit qu’ils examinaient des questions

relatives à la sécurité ainsi que la situation qui prévalait aux barrières, qu’à la question de savoir

si des victimes ont été tuées aux endroits où des barrières étaient érigées dans son secteur, il dit

que cela est arrivé aux barrières que surveillaient NSANGANIRA et sa bande, mais qu’aucune

victime n’a été tuée aux autres barrières où il a pu se rendre et notamment celle érigée chez

KITUMVA ;

Attendu que NSANGANIRA dit qu’il ne connaît pas KAMATALI mais qu’il a vu AMULI

portant une tenue militaire emmener des victimes, que NTEZIRYAYO relève que le recours à la

procédure d’aveu emporte le fait de dire toute la vérité, que si NSANGANIRA n’a pas dénoncé

AMULI auparavant, cela est la preuve qu’il ment, que Maître SAYINZOGA J. Pierre demande

au Tribunal d’examiner attentivement le plaidoyer de culpabilité de NSANGANIRA

12ème

feuillet.

étant donné qu’il ajoute de nouveaux éléments si bien qu’il y a lieu de se demander pourquoi il

n’a pas fait ces révélations auparavant ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent demande que NTEZIRYAYO Emmanuel

soit interrogé sur le contenu des rapports qu’il faisait lors des réunions hebdomadaires qui

avaient lieu chaque vendredi au bureau communal, que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’au

cours de ces réunions, il lui était reproché de placer les Tutsi aux barrières et qu’on lui demandait

de dire où se trouvait GISAGARA, que le conseiller du secteur GAHONDO peut témoigner sur

les persécutions dont il faisait l’objet ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA demande à NTEZIRYAYO Emmanuel s’il a, lors de

ces réunions, parlé des victimes qui ont été tuées dans son secteur ; que le prévenu répond que

ces victimes n’avaient pas encore été tuées et qu’il n’a appris l’identité de quelques-unes d’entre

elles que lors des séances Gacaca en prison ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit que la responsabilité d’une personne ne se

limite pas aux seuls faits dommageables commis par elle, mais qu’elle s’étend également aux

dommages causés par ceux qu’elle a la charge de diriger et qu’à cet égard le prévenu n’a fait

aucun suivi des activités du comité de sécurité, qu’il termine en demandant que

KANYANDEKWE, KANAZI et NYIRANTEGEYINKA soient admis à faire leur témoignage ;

Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il lui est reproché de n’avoir pas fait de rapports

sur les crimes qui étaient commis alors qu’il en a fait une fois quand une victime avait été tuée

par balle mais que, l’ayant remis au commandant de place, celui-ci lui a dit qu’il ne voulait pas

un quelconque rapport de ce genre au motif que c’était l’état de guerre ;

Attendu qu’invité à donner l’identité des victimes tuées et ayant des liens de parenté avec lui, la

partie civile KANYANDEKWE Eugène dit que ce sont son père KANYANDEKWE Canisius,

ses oncles paternels NSABIMANA et NSHUNGUYINKA Jean, son beau-frère MBARAGA

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Egide, sa sœur MUGIRANEZA Renata, sa cousine KAYISIRE Béata, sa sœur UMUHOZA, son

petit frère GISAGARA JMV, son petit frère KAYIRANGA J. Claude et sa mère

MUKANDUTIYE Vénantie, qu’à la question de savoir si toutes ces victimes ont été tuées dans

le secteur BUSASAMANA il répond que les trois dernières ont été emmenées d’autres endroits

pour être tuées à NYANZA, qu’à celle de savoir s’il vivait à cette époque à NYANZA il répond

qu’il vivait à KIGALI et qu’il n’est arrivé à NYANZA que le 19/04/1994, qu’interrogé sur ce

qu’il a vu après son arrivée à NYANZA il répond qu’il a vu beaucoup de choses mais qu’il

entend principalement parler du cas du conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’il s’excuse

quand même pour ne pas s’être constitué partie civile auparavant car il ignorait que

NTEZIRYAYO Emmanuel avait été retrouvé, qu’il poursuit en disant que l’exercice des

fonctions de bourgmestre de la commune par son frère GISAGARA a été caractérisé par l’unité

de la population mais que tout a changé à partir du 24/04/1994 quand les massacres ont

commencé à MWOGO après une réunion qui a été dirigée à BUTARE par le Président du

gouvernement intérimaire et à laquelle son petit frère a assisté, qu’entre temps GISAGARA est

intervenu à MWOGO avec les policiers communaux pour mettre fin aux massacres qui étaient

commis par des gens venus de GIKONGORO pour rechercher à NYANZA les personnes

pourchassées qui y avaient trouvé refuge, qu’il dit avoir, du champ de sorgho où il se cachait, vu

NTEZIRYAYO dans le véhicule qui a servi au transport de 7 personnes qui se trouvaient au

domicile de la famille KANYANDEKWE et qui ont été conduites au stade et tuées, que le

nommé RUKEBESHA Aloys, lors de sa défense devant le Tribunal dans l’affaire à sa charge, a

également témoigné à charge du prévenu en affirmant que c’est lui qui lui a montré ces victimes

qui ont été tuées au stade ; qu’à la question de savoir s’il sait quelque chose sur le cas de

NSANGANIRA il répond qu’il ne le connaissait pas et qu’il l’a vu pour la première fois au

Tribunal ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que toute action doit être introduite dans la

forme légale, qu’il estime que son client ne peut pas présenter ses moyens de défense sur cette

nouvelle prévention qui n’a point été libellée par le Ministère Public, que la vérité doit triompher

car il se peut que le témoin ne mente pas mais, qu’ils doivent se borner à se défendre sur les

crimes faisant l’objet des présentes poursuites ;

13ème

feuillet.

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que le

témoignage de KANYANDEKWE est une façon de montrer les autres actes répréhensibles

commis par NTEZIRYAYO, qu’il demande au Tribunal d’en connaître car à son avis

NTEZIRYAYO est accusé de peu d’infractions, que Maître SAYINZOGA J. Pierre, conseil du

prévenu, dit qu’ils ne s’opposent pas à ce que d’autres plaintes soient déposées, mais qu’il faut

respecter la procédure prévue à cet effet ;

Attendu que la partie civile NYIRANTEGEYINKA Véronique dit que ses proches parents ont

été tués à savoir sa belle-sœur Catherine MUJAWAYEZU, sa nièce KAYIREBWA, sa belle-

sœur MUKARUZIGA Marguerite, sa belle-fille MUKARUSHEMA et ses quatre enfants ainsi

que UWAYEZU Alphonsine, qu’à la question de savoir si elle se trouvait dans la région lors des

événements qui ont coûté la vie à ces victimes elle répond qu’elle s’y trouvait au début des

massacres et dit que ce sont les prévenus qui dirigeaient les expéditions meurtrières et que

NTEZIRYAYO a donné l’ordre d’ériger des barrières dont l’une se trouvait devant le domicile

de sa famille (sur la route) ; qu’elle poursuit en disant que NSANGANIRA a dit au nommé

TWAGIRAYEZU, le fils de KADENESI, que la barrière devait être déplacée et surveillée par

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des personnes munies de cartes d’identité complètes ; qu’un samedi, un groupe de gens en

provenance de BUSASAMANA a emporté deux vaches, qu’ils sont revenus et ont pillé les biens

se trouvant dans les maisons ; qu’interrogée sur la part de responsabilité du conseiller

NTEZIRYAYO Emmanuel, elle dit que c’est lui qui envoyait des messagers mais qu’elle n’en a

pas été témoin à part en avoir entendu parler, car même NSANGANIRA qui a déplacé la barrière

a dit que c’est sur ordre du conseiller qu’il le fait ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle a autre chose à ajouter à sa déclaration,

NYIRANTEGEYINKA dit qu’elle n’était pas dans la région tout au long des massacres à part

qu’elle s’y trouvait au début;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, déclare vouloir

apporter quelques précisions sur les victimes car les renseignements que le Ministère Public a

donnés sont incomplèts, qu’il dit que Pauline est l’épouse de NSABUMUKUNZI tandis que le

mari de KADENESI est TWAGIRAYEZU, que le Ministère Public a parlé de deux enfants

victimes alors qu’ils sont quatre, que MUKAMUZIMA est l’épouse de Grégoire et non de

Gervais, qu’il y a l’épouse de NYARUHIRIRA nommée MUJAWAYEZU Catherine, l’épouse

de KANYABIHORO qui est également la fille de RUBINDO et s’appelait KAYITESI, que les

noms des enfants de KADENESI sont MUKASHYAKA Olive, KIBWANA,

NKURIKIYIMFURA et SHEMA ;

Attendu que Maître SEMANDA Cyrdion demande si Véronique a vu NSANGANIRA Eugène

lors des pillages ; qu’elle répond avoir dit au Tribunal qu’elle l’a vu portant une machette, qu’à la

question de savoir si elle l’a vu porter un bagage, elle répond qu’ils étaient nombreux quand elle

les a vus, qu’ils transportaient une vache morte et conduisaient d’autres encore en vie, qu’elle

termine en disant qu’elle n’a rien à ajouter ;

Attendu qu’invité à témoigner sur les prévenus qui ont comparu, KANAZI dit que

NTEZIRYAYO Emmanuel était un ami de la vieille dame MUKANGWIJE à qui il avait

d'ailleurs offert un poste radio à son retour d'Europe ; que le jour de l'assassinat, la victime avait

été rendre visite à KANAZI et que, en rentrant, elle a croisé les prévenus qui l'ont alors tuée,

qu’il poursuit en disant que NSANGANIRA l'a tuée à un endroit où était érigée une barrière,

qu’invité à faire des observations sur le moyen

14ème

feuillet.

de défense de NTEZIRYAYO selon lequel la population peut le disculper, il dit qu’il ne peut pas

le disculper et que ceux qui peuvent le faire sont ses coauteurs ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de Emmanuel NTEZIRYAYO, dit qu’il y a

lieu de demander à KANAZI s’il a été témoin oculaire de ce qu’il rapporte ou s’il l’a appris, qu’il

répond que c’est son épouse qui le lui a dit et qu’elle ne peut pas lui mentir ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève que la déclaration de NTWALI figurant à la

cote 10 ne concorde pas avec celle de KANAZI en ce que NTWALI a dit que MUKANGWIJE a

accouru pour voir son fils qui avait été appréhendé et qu’elle lui apportait du thé ;

Attendu qu’invité à dire laquelle de ces deux déclarations différentes est véridique, KANAZI dit

qu’elle a communiqué au Tribunal l’identité de la personne qui lui a appris les faits ;

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Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA, avocat des parties civiles, dit que les deux

déclarations sont complémentaires car l’objectif de tuer MUKANGWIJE a été atteint ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que ces deux déclarations sont plutôt

contradictoires dès lors que selon l’une, cette vieille dame a été emmenée de la maison pour être

tuée et que selon l’autre, elle apportait du thé à la barrière, qu’il y a lieu de les examiner

attentivement ;

Attendu que Maître Innocent NKURIKIYIMFURA, avocat des parties civiles, demande que

NSANGANIRA qui a tué cette vieille dame en explique les circonstances ;

Attendu qu’invité à répliquer aux témoignages à sa charge, NTEZIRYAYO Emmanuel dit que

toux ceux qui témoignent à sa charge déclarent rapporter ce qu’ils ont entendu dire, que

NDAHAYO est le gendre de ces témoins si bien qu’ils se sont entendus sur le témoignage à

faire, que la sœur de RUKEBESHA nommée Marie se trouvait à la barrière et donnait le

signalement des victimes et qu’il a quant à lui expliqué les circonstances dans lesquelles il a été

appréhendé, qu’interrogé sur la barrière dont il a ordonné le déplacement ainsi que sur deux

vaches qui ont été pillées, il dit qu’il n’en sait rien ;

Attendu que l’audience est suspendue pour continuer le 28/11/2001 par l’audition des témoins de

toutes les parties c’est-à-dire à charge ou à décharge ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que chaque

prévenu devrait indiquer les faits sur lesquels il souhaite que les témoins le disculpent, qu’il

demande également au Tribunal de faire une descente sur les lieux des infractions en vue d’une

meilleure manifestation de la vérité, qu’à cette date six témoins en liberté ainsi que quatre

témoins détenus présentés par le ministère Public ont comparu ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il revient en principe au Tribunal de décider

les faits sur lesquels il va interroger chaque témoin ou que le témoin à décharge répond selon les

questions qui lui sont posées, qu’il désapprouve dès lors l’argument de Maître

NKURIKIYIMFURA Innocent ;

15ème

feuillet.

Vu que seul le Tribunal doit diriger les débats en audience en se conformant à la loi en vue d’une

meilleure manifestation de la vérité, qu’à cet égard NTEZIRYAYO Emmanuel est invité à

préciser les éléments sur lesquels il souhaite voir RWANDENZI Donatus le disculper, qu’il

répond que l’intéressé peut témoigner à sa décharge sur les circonstances dans lesquelles

MASONGA et les militaires sont venus à bord d’un véhicule et celles dans lesquelles il a

secouru les personnes qui étaient sur le point d’être tuées dans un boisement, que l’une des

personnes sauvées peut le confirmer et que le témoin, peut par ailleurs parler de sa conduite à

l’époque du génocide car ils sont voisins ;

Attendu que RWANDENZI Donatus prête serment de dire la vérité ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a des liens de parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel,

RWANDENZI Donatus dit qu’il n’en a pas, qu’ils sont voisins, qu’il poursuit en disant que

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l’intéressé a été élu conseiller de secteur en 1991, qu’interrogé sur les crimes atroces commis

dans son secteur il dit qu’il se trouvait à la maison et n'a pas suivi le déroulement de ces crimes,

qu’interrogé également sur les circonstances dans lesquelles NTEZIRYAYO Emmanuel, en sa

qualité d’autorité, a défendu selon ses moyens les personnes qui étaient pourchassées, il répond

qu’il a protégé MUJAWIMANA et UWAMAHORO Béatrice quant l’une d’entre elles lui a dit

que ses beaux-frères étaient sur le point d’être tués, qu’il n’avait cependant pas les moyens de les

secourir sinon qu’il a requis l’intervention d’un gendarme qui avait accepté de l’aider, qu’ils se

sont rendus ensemble dans un boisement où ils ont trouvé une vieille dame qui avait été tuée et

que NTEZIRYAYO Emmanuel et MUJAWIMANA Collette y étaient, qu’à la question de savoir

ce que NTEZIRYAYO faisait dans ce boisement il répond que seul l’intéressé peut y répondre,

qu’interrogé sur le rôle qu’a joué NTEZIRYAYO dans la protection de cette enfant il dit qu’il a

empêché les tueurs de la tuer et l’a gardée près de lui jusqu’à ce qu’elle soit sauvée, qu’interrogé

sur les moyens qu’avait NTEZIRYAYO Emmanuel pour protéger les victimes, il dit qu’il n’en

avait pas et que ce sont les militaires qui disposaient des moyens, qu’il poursuit en disant que

NTEZIRYAYO se comportait bien en interdisant aux gens de s’entre-tuer et qu’il ne sait pas si

l’intéressé a par la suite changé de comportement;

Attendu que RWANDENZI Donatus est interrogé sur l’endroit d’où son beau-frère qui allait être

tué a été emmené, qu’il répond que l’intéressé a été emmené de GATUMBA où la mère de

MUNYESHYAKA avait été tuée, qu’invité à parler du véhicule qui a transporté les membres de

la famille KANYANDEKWE et des circonstances de mise sur pied du comité chargé de la

sécurité, il dit ne pas avoir vu ce véhicule car il n’était pas présent, qu’il n’était pas présent non

plus lors de la désignation des membres du comité de sécurité, qu’il dit cependant qu’il a appris

que ce sont dix personnes qui ont été désignées pour assurer la sécurité en faisant le tour et

pourchasser les INYENZI ; qu’à la question de savoir si de son point de vue ces gens assuraient

réellement la sécurité, il répond ne pas avoir eu le temps de le vérifier car les INKOTANYI sont

très vite arrivés et que la population a fui ; qu’à celle de savoir pourquoi à son avis les massacres

ont tardé à commencer dans son secteur, il répond que c’est parce que NTEZIRYAYO

Emmanuel empêchait les gens de s’entre-tuer, que même s’il y a eu des victimes, il a fait de son

mieux pour empêcher les gens de s’impliquer dans les tueries ;

Attendu qu’invité à faire ses observations sur les témoignages faits au cours de l’audience du

27/11/2001 selon lesquels le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté au

moment où GISAGARA était encore bourgmestre et s’opposait aux massacres au point d'avoir

été tué pour cette raison, mais que l’intéressé a changé de conduite quand MASONGA François

qui encourageait les tueries est entré en fonction,

16ème

feuillet.

il répond qu’il ne l'a pas, quant à lui, vu changer de comportement à moins qu’il ait commis des

tueries ailleurs, mais qu’il n’entretenait pas de conversation avec lui, qu’à la question de savoir

s’il connaît NSANGANIRA Eugène il répond qu’ils ne sont pas voisins et qu’il ne peut pas le

charger car il ne l’a pas vu, qu’il dit également qu’il ne connaissait pas la vieille dame nommée

MUKANGWIJE Suzanne ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, demande que

RWANDENZI dévoile le nom du gendarme qui était son ami, que l’intéressé répond qu’il

s’appelait MBARAGA, que l’avocat renchérit en disant que ce MBARAGA était un tueur et

collaborait avec le conseiller et qu’il en veut pour preuve la déclaration selon laquelle

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NTEZIRYAYO Emmanuel et MBARAGA se trouvaient dans un boisement où il y avait des

victimes tuées et d’autres en vie, que cela démontre le pouvoir qu’avait NTEZIRYAYO

Emmanuel de tuer ou sauver qui il voulait, qu’il poursuit en disant que RWANDENZI est un ami

de NTEZIRYAYO Emmanuel car il semble le protéger dès lors qu’il dit d’une part qu’il ne sait

pas s’il a commis des crimes et d’autre part qu’il empêchait aux gens de s’entre-tuer ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que le nommé RUKEBESHA Aloys a, dans

l’affaire RMP 49457/S7 dont le jugement a été rendu le 27/11/2000, affirmé que NTEZIRYAYO

Emmanuel se trouvait à bord du véhicule qui transportait les militaires ; que Maître

SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, relève que l’Officier du

Ministère Public invoque des éléments de preuve qu’il n a pas versés au dossier pour qu’ils

puissent y répliquer, que l’Officier du Ministère Public rétorque que le jugement existe et qu’il

peut être remis à quiconque le souhaite pour consultation ;

Attendu qu’invité à parler du cadavre qu’il a trouvé dans un boisement, NTEZIRYAYO

Emmanuel dit qu’il y est arrivé après avoir été alerté et y a vu des gens qu’il n’approchait jamais

et qui ont tué cette vieille dame, que Maître NKURIKIYIMFURA l’accuse injustement car il

essayait au contraire de donner des pièces aux personnes pourchassées pour les aider à passer aux

endroits où les barrières avaient été érigées ;

Attendu que RWANDENZI dit que ce n’est pas en compagnie de MBARAGA qu’il est allé dans

le boisement mais bien un autre gendarme, qu’il a appris cependant que ce dernier est mort ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, ICYIMPAYE dit qu’il n’a aucun lien de parenté avec

NTEZIRYAYO et que, au cours du génocide, il l’a vu une fois être conduit par des militaires

dans leur camp, qu’interrogé sur le comportement de l’intéressé quand deux personnes n’ayant

pas la même position sur les massacres ont successivement exercé les fonctions de bourgmestre,

il répond que GISAGARA s’est opposé aux massacres, qu’il a été tué pour cette raison mais qu’il

avait d’abord fui, qu’il ignore cependant quel a été le climat de collaboration entre

NTEZIRYAYO et MASONGA, qu’il accuse le nommé DUSINGIZIMANA d’être arrivé dans le

secteur BUSASAMANA à bord d’une motocyclette en possession de deux fusils et d’avoir dit

que rien n’y avait été fait alors qu’ailleurs les tueries étaient terminées, que les Interahamwe sont

venus le lendemain pour tuer, qu’à cette époque la fonction de bourgmestre était assurée par

MASONGA François, qu’il poursuit en déclarant ignorer comment MASONGA François

collaborait avec les conseillers NTEZIRYAYO Emmanuel et Israël DUSINGIZIMANA, qu’il

n’a cependant jamais vu MASONGA François chez NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’interrogé sur

l’endroit d’où les militaires ont emmené NTEZIRYAYO Emmanuel et l’ont conduit au camp

militaire en vue de lui faire signer pour que les Tutsi soient tués, il répond qu’ils l’ont emmené

de chez lui par force et qu’il leur a dit qu’il n’y avait pas de Tutsi dans son secteur, qu’il est

directement tombé malade à son retour du camp militaire de sorte qu'il ne l’a plus revu,

17ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir si des victimes n’ont pas été tuées là où il habite,

ICYIMPAYE Z. répond qu’elles ont été tuées par des Interahamwe envoyés par le conseiller du

secteur MUSHIRARUNGU et qu’on affirmait que NTEZIRYAYO Emmanuel devait lui aussi

être tué parce qu’il était un complice ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, dit que

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ICYIMPAYE introduit dans son témoignage des éléments que le prévenu n’a pas fait valoir et

qu’à cet égard il veut le protéger, que sa déclaration ne doit pas être considérée comme crédible,

que Maître SAYINZOGA J. Pierre relève qu’il ne revient pas à son confrère d’accorder une

valeur probante aux déclarations faites, mais que cela est de la compétence du Tribunal, que

concernant les moyens de défense que NTEZIRYAYO n’a pas invoqués, il dit que l’audience se

poursuit et qu’il a donc encore le temps de s’en prévaloir ;

Attendu qu’invité à faire ses observations sur le témoignage et les arguments des deux avocats,

NTEZIRYAYO Emmanuel dit que ICYIMPAYE dit la vérité, que relativement aux éléments

dont il n’a pas parlé, il dit que cela est dû au fait qu’il vient de passer un temps long en prison si

bien qu’il oublie au fur et à mesure certaines preuves dont il devrait se prévaloir à sa décharge ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public souhaite que le Tribunal demande au prévenu s’il

participait aux réunions qui avaient lieu au bureau communal, que l’intéressé répond que c’est

par force qu’il prenait part aux réunions administratives mais qu’il se gardait de mettre en

exécution les recommandations qui y étaient formulées et disait qu’il n’y avait pas de Tutsi dans

son secteur ;

Attendu qu’à la question de savoir si les Tutsi n’ont plus été tués à son retour du camp militaire,

il répond que quelques-uns ont été tués par les militaires et d’autres par les malfaiteurs qui se

promenaient pendant la nuit, qu’à celle de savoir s’il n’a pas eu de problème avec les militaires

quand les gens ont commencé à être tués alors qu’il leur avait dit qu’il n’y avait pas de Tutsi dans

son secteur, il répond qu’il n’a plus paru en public pour cause de maladie ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a rien fait pour sauver MUKANGWIJE Suzanne

alors que les éléments recueillis au cours de l’instruction préparatoire et le témoignage de

KANAZI Athanase montrent qu’ils entretenaient des relations amicales, NTEZIRYAYO

Emmanuel répond que l’endroit où habitait cette vieille dame n’était pas très proche de chez lui

et qu’il était par ailleurs malade, que concernant le témoignage de KANAZI, il dit qu’il n’est pas

véridique ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKASHARANGABO Bernadette dit qu’elle n’a pas de

lien de parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’à la question de savoir ce qu’elle a à dire sur

les préventions mises par le Ministère Public à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel d’avoir

incité la population aux tueries et pillages et d’avoir désigné dix personnes dans le secteur

chargés de pourchasser les gens menacés, elle répond que les dix personnes ont été désignées par

la population en vue du maintien de la sécurité, mais qu’elle ignore comment ils sont finalement

devenus des tueurs, qu’elle était elle aussi présente lors de leur élection, qu’elle poursuit en

disant que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté et qu’elle n’a entendu parler d’aucune

victime qu’il aurait tuée, mais qu’ils ne se promenaient pas ensemble, qu’à la question de savoir

s’il y a des tueurs que NTEZIRYAYO Emmanuel envoyait commettre ces crimes, elle répond ne

pas en avoir entendu parler, qu’en réponse à la question de savoir si elle connaissait

MUKANGWIJE Suzanne,

18ème

feuillet.

elle dit qu’elle la connaissait, mais qu’elle n’a appris sa mort que le lendemain de son assassinat

et qu’elle n’a eu aucun renseignement sur les circonstances de ce crime tout comme celles de

l’assassinat d’autres victimes qui ont été tuées sur sa colline ;

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Attendu qu’à la question de savoir si elle faisait partie des Rwandais pourchassés,

MUKASHARANGABO Bernadette répond par l’affirmative et dit qu’elle figurait au nombre des

gens qui devaient mourir, qu’elle n’a été sauvée que par les INKOTANYI à leur arrivée à

NYANZA, qu’à la question de savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel est arrivé là où elle se

trouvait au cours de cette période elle répond par la négative ;

Attendu qu’interrogée sur le comportement de NTEZIRYAYO Emmanuel au moment où

MASONGA François était bourgmestre de leur commune, MUKASHARANGABO Bernadette

dit qu’elle ignore quand NTEZIRYAYO Emmanuel et MASONGA François se sont vus, qu’à la

question de savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel n’a pas changé de comportement à l’époque où

MASONGA François exerçait les fonctions de bourgmestre, elle répond qu’elle n’a remarqué

aucun changement dans le chef du prévenu à son égard ; qu’à celle de savoir pourquoi le prévenu

est resté avec les dix personnes qui venaient d’être désignées pour le maintien de la sécurité elle

répond que la réunion de la population a été immédiatement suivie par celle des membres des

comités de cellule au cours de laquelle des instructions relatives à la sécurité ont été données,

qu’en réponse à la question de savoir s’il est arrivé à NTEZIRYAYO Emmanuel d’être agressé

pour ne pas avoir exécuté les ordres des autres tueurs, elle dit que l’intéressé était convoqué au

camp militaire, mais qu’elle ignore quel était le motif de ces convocations, qu’elle l’a cependant

vu une fois s’y rendre car elle habitait à proximité du camp militaire, qu’elle termine en disant

que NTEZIRYAYO Emmanuel doit expliquer comment les victimes ont été tuées dans le secteur

dont il avait la charge ;

Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il est difficile d’expliquer comment les victimes

ont été tuées, mais qu’il a fait de son mieux pour contrecarrer les tueurs comme le confirme

MUKASHARANGABO Bernadette, mais que les victimes sont quand même mortes, que

Bernadette le sait, car elle était membre du comité de cellule ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, demande

que MUKASHARANGABO soit interrogée sur le comportement du prévenu face au problème

ethnique, qu’elle répond que l’intéressé considérait les gens sur un pied d’égalité sans

discrimination ethnique, qu’à la question de savoir si le conseiller de secteur a donné aux

membres des comités de cellules des consignes pour commettre les massacres lors de leur

réunion, elle répond par la négative et dit qu’il leur a au contraire demandé de veiller à la sécurité

pour éviter que des malfaiteurs sans pièces administratives n’entrent dans leurs cellules,

qu’interrogée sur celui qui, de GISAGARA et MASONGA François, était bourgmestre à

l’époque de cette réunion des membres des comités de cellule elle répond qu’il se peut que ce

soit MASONGA François, mais qu’elle ne s’en souvient pas bien, que NTEZIRYAYO

Emmanuel intervient et dit que c’est MASONGA François ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA, Conseil des parties civiles, souhaite qu’il soit

demandé à MUKASHARANGABO Bernadette si, quand elle a vu NTEZIRYAYO Emmanuel se

rendre au camp militaire, celui-ci était accompagné par des militaires, et si, quand il l’a informé

de son renvoi, il lui en a appris le motif, qu’elle répond qu’aucun militaire ne conduisait

NTEZIRYAYO quand ils se sont rendus au camp militaire et que concernant son renvoi, il lui a

dit qu’il attendait l’acte émanant de l’autorité communale ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit qu’il est

clairement établi que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est volontairement rendu au camp militaire,

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qu’il allait donc faire son rapport et que le fait que

19ème

feuillet.

Bernadette a été exclue des dirigeants des cellules constitue lui aussi la preuve qu’elle était

réellement pourchassée ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, avocat de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit qu’il

ignore d’où Maître NKURIKIYIMFURA Innocent tire les arguments qu’il fait valoir car ils ne

figurent pas au dossier comme par exemple celui consistant à dire que NTEZIRYAYO

Emmanuel a apporté un rapport au camp militaire alors que le concerné dit qu’il y a été conduit

par les militaires, qu’il est faux de dire que MUKASHARANGABO a été exclue des membres

des comités de cellule car il l’a laissée assister à la réunion alors qu’il avait le pouvoir de l’en

écarter, mais qu’il ne l’a pas fait car aucun conflit ne les opposait ;

Attendu que ICYIMPAYE est invité à dire si sa déclaration est plus véridique que celle de

Bernadette qui dit que NTEZIRYAYO Emmanuel s’est rendu lui-même au camp militaire alors

qu’il affirme quant à lui qu’il était conduit par les militaires ; qu’il répond avoir vu lui-même ce

qu’il a dit car l’intéressé était conduit par deux militaires et qu’ils se trouvaient encore sur la

route et n’avaient pas encore atteint le camp militaire quand ils l’ont interrogé, que les victimes

ont été tuées par les gens qui sont actuellement en fuite et d’autres qui sont décédés, que

MUKASHARANGABO termine quant à elle en disant qu’elle n’a rien à ajouter ;

Attendu qu’invité à donner l’identité de la personne qui l’a chargé de dire à

MUKASHARANGABO qu’elle ne faisait plus partie des membres des comités de cellules,

NTEZIRYAYO Emmanuel dit que c’était une façon de la protéger car on l’accusait de placer des

Tutsi aux barrières ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAMURINA Julienne dit qu’elle n’a pas de lien de

parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel ; qu’interrogée sur l’endroit où elle vivait à l’époque du

génocide et sur le comportement de NTEZIRYAYO Emmanuel qui était conseiller de secteur,

elle répond qu’elle vivait à BUSASAMANA et qu’elle ignore la conduite du prévenu car dit-elle,

après l’assassinat de son fils Emmanuel, elle a commencé à se cacher dans des boisements avec

d’autres membres de sa famille, qu’à la question de savoir de quoi elle disculpe NTEZIRYAYO

qui l’a présentée comme témoin à décharge elle dit qu’à un moment, on a dit que la paix avait été

rétablie et que ceux qui se cachaient sont sortis de leur cachette, qu’il y a eu par la suite une

attaque au cours de laquelle elle a reçu un coup de hache, que ceux qui étaient avec elle sont

morts sur le coup, mais qu’elle n’est pas morte quant à elle, que le nommé MUREGO est arrivé

sur les lieux et que, constatant qu’elle respirait encore, il l’a conduite chez le conseiller

NTEZIRYAYO Emmanuel qui lui a donné une lettre de recommandation qu’elle a remise à

BISOMA chez qui elle est restée jusqu’à l’arrivée des INKOTANYI à NYANZA ; qu’interrogé

sur la conduite de NTEZIRYAYO Emmanuel avant la guerre elle répond que la situation était

bonne ;

Attendu que NTEZIRYAYO Emmanuel dit que MUKAMURINA Julienne a crié au secours et

qu’il a accouru en compagnie des dix personnes chargées de la sécurité et élues par la population

si bien qu’ils ont attrapé ceux qui lui ont donné les coups d’une petite hache, qu’ils en ont établi

un procès-verbal, qu’il poursuit en disant que l’attaque avait été menée chez KAMASHARA et

chez MUKAMURIGO la fille de NZAYISOMA ;

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Attendu que l’avocat des parties civiles, Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, dit que

NTEZIRYAYO Emmanuel sauvait qui il voulait et faisait tuer qui il voulait, que c’est ainsi qu’il

donnait des pièces à qui il voulait et que ceux à qui il les refusait étaient tués ;

Attendu que Maître Jean Pierre SAYINZOGA, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, dit que si

Maître NKURIKIYIMFURA Innocent a besoin de plus amples explications, il peut s’adresser au

Tribunal pour qu’il pose des questions y relatives, que le prévenu NTEZIRYAYO Emmanuel a

suffisamment et clairement dit que même ceux à qui il donnait ces pièces les présentaient en

cachette ;

20ème

feuillet.

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAMAZINA dit qu’elle n’a pas de lien de parenté

avec NTEZIRYAYO Emmanuel, mais qu’ils sont voisins, qu’interrogée sur ce dont elle le

disculpe puisqu’il l’a présentée comme témoin à décharge, elle dit qu’elle n’en sait rien, qu’à la

question de savoir où elle se trouvait à l’époque du génocide elle répond qu’elle était à la maison

attendant de mourir, qu’interrogée sur l’origine de la chance qu’elle a eu elle répond qu’elle ne

doit son salut qu’à Dieu, mais que le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel leur donnait des

pièces tenant lieu de cartes d’identité et attestant que celles mentionnant leur ethnie ont été

perdues, qu’elle poursuit en disant que NTEZIRYAYO ne refusait ces pièces à personne ;

Attendu qu’invitée à faire des observations sur les témoignages selon lesquels NTEZIRYAYO

Emmanuel a bien agi au moment où GISAGARA assumait les fonctions de bourgmestre mais

qu’il a changé quand ce poste a été occupé par MASONGA après l’assassinat du premier,

MUKAMAZINA répond qu’ils l’ont vu être emmené de force pour signer en vue de l’exécution

des massacres, qu’il est immédiatement tombé malade à son retour et qu’il n’a commis aucun

méfait, mais qu’un militaire nommé MUSAFIRI s’est révélé méchant, qu’à la question de savoir

si NTEZIRYAYO Emmanuel n’a pas changé après avoir signé, elle répond par la négative et dit

que les gens lui ont demandé des pièces, qu’il les leur a données et que le cachet de la commune

y était apposé et ce, dans le but de les protéger ;

Attendu qu’invité à dire ce qu’il pense du témoignage de MUKAMAZINA, NTEZIRYAYO

Emmanuel dit que ce qu’elle affirme est vrai ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKARUGOMWA J. d’Arc dit qu’elle n’a pas de lien de

parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel, qu’elle vivait dans le secteur BUSASAMANA à

l’époque du génocide et qu’elle faisait partie des personnes recherchées, qu’interrogée sur les

circonstances dans lesquelles elle a échappé aux massacres elle répond qu’ils se sont d’abord

cachés, mais qu’il a été dit que ceux qui se cachent ont quelque chose à se reprocher, qu’ils ont

quitté leurs cachettes et ont regagné leurs domiciles où ils sont restés, qu’interrogée sur les

préventions mises à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel par le Ministère Public dont celle

d’incitation au génocide, elle répond qu’elle ne l’a pas vu commettre ces infractions, qu’il n’est

pas arrivé chez elle et qu’elle ne l’a pas vu emmener des gens, qu’à la question de savoir si elle

n’a pas entendu après la guerre parler des faits répréhensibles qu’il aurait commis, elle répond

qu’il exerçait les fonctions de conseiller de secteur, mais qu’elle n’a pas personnellement entendu

parler d’une personne à qui il aurait fait du mal ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît des personnes qui étaient pourchassées et que le

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conseiller aurait protégées, elle répond qu’au début des massacres, elle lui a personnellement

envoyé son enfant à qui il a donné des pièces tenant lieu de cartes d'identité pour elle et ledit

enfant, qu’à la question de savoir si le conseiller ne fait pas partie de ceux qui les ont empêchés

de se cacher, elle répond que c’est le nommé SEMBU qui le leur a interdit en disant qu’ils les

trouveraient chez eux quand ils le voudraient ;

Attendu qu’invité à dire s’il a un démenti à apporter au témoignage de MUKARUGOMWA J.

d’Arc, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il n’a rien à y ajouter, que Maître NKURIKIYIMFURA

demande que NTEZIRYAYO Emmanuel dise si c’est lui qui a envoyé SEMBU aux personnes

qui se cachaient, que le prévenu répond par la négative et dit que l’intéressé faisait partie des

tueurs qu’il combattait ;

Vu que l’audience est suspendue pour reprendre à 15 heures par le prononcé de la décision du

Tribunal sur la recevabilité de la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de

NSANGANIRA Eugène ;

21ème

feuillet.

Vu qu’après examen du prescrit de l’article 6 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, le

Tribunal constate que la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de NSANGANIRA

Eugène est recevable en vertu de l’article 10 de cette même loi (sic);

Vu qu’il y a des témoins qui ont été présentés par le Ministère Public qui ne peuvent pas être

admis à faire des dépositions car ils ont été définitivement condamnés à la dégradation civique

prévue à l’article 66 du livre I du Code pénal à savoir les nommés KABERA, RUKEBESHA et

HATEGEKIMANA, qu’il y a cependant lieu de faire recours aux procès-verbaux de leur audition

établis dans l’affaire à leur charge dont le jugement a été déjà rendu ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public, SHUMBUSHO Daniel dit qu’il y a également lieu

d’entendre les membres du comité de sécurité du secteur BUSASAMANA dont font partie

MUKASHARANGABO Bernadette, KABANDA et KIMONYO Aaron ainsi que d’autres

témoins qui sont en liberté à savoir Antoine SIBOMANA, NAHAYO Hassan et

SINDIKUBWABO ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit que le Ministère Public a indiqué dans le dossier

judiciaire les témoins qu’il voulait faire citer devant le Tribunal et qui ont été entendus au cours

de l’instruction préparatoire, que ceux qu’il présente actuellement auraient dû être entendus eux

aussi de façon que les procès-verbaux de leurs déclarations soient versés au dossier, qu’il estime

dès lors que le Ministère Public a eu un retard dans cette tâche du moment que l’affaire est déjà

passée en audience ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que la loi autorise le Tribunal à rechercher des

preuves pour pallier à la carence du Ministère Public, qu’il peut à ce titre entendre ces témoins

surtout quand le Ministère public les lui indique ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J . Pierre dit que les témoignages déjà recueillis suffisent,

mais que le Tribunal peut entendre d’autres témoins s’il le juge nécessaire, que Maître

SEMANDA Cyrdion, Conseil de NSANGANIRA Eugène, dit qu’il y a des témoins que le

Ministère Public a entendus, mais qu’il veut faire citer devant le Tribunal, qu’il estime que c’est

une façon de faire traîner le procès, qu’il y a lieu pour le Ministère Public d’entendre ces témoins

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s’il le faut, et de verser au dossier les procès-verbaux subséquents ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que le Tribunal devrait faire une descente sur les

lieux des infractions s'il le souhaite, que le Tribunal pourrait à cette occasion recueillir d’autres

témoignages qu’il estime nécessaires ;

Attendu que le Tribunal estime nécessaire d’interroger le témoin DUSINGIZIMANA Israël, l’un

des témoins présentés par le Ministère Public mais qui est prévenu dans une autre affaire non

encore jugée et qui a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité et était à

l’époque des faits le conseiller du secteur MUSHIRARUNGU ; qu’après avoir prêté serment et à

la question de savoir combien de fois GISAGARA qui était bourgmestre de la commune

NYABISINDU a tenu des réunions avec eux, il répond que de nombreuses réunions ont eu lieu

mais que, au début des massacres, il a fui si bien qu’il n’a tenu aucune autre réunion,

qu’interrogé sur l’identité de la personne qui les a conviés à des réunions après la fuite de

GISAGARA, il répond que ce sont le capitaine BILIKUNZIRA, le conseiller remplaçant le

bourgmestre en la personne de MASONGA François et le Sous-Préfet KAYITANA G. qui ont

tenu environ trois réunions, que le but desdites réunions était l’extermination des Tutsi et qu’ils

écoutaient les ordres donnés et les mettaient à exécution dès leur arrivée dans les secteurs sous

leur autorité si bien que celui qui s’abstenait de le faire ne retournait pas à la réunion, mais était

plutôt pourchassé et tué à l’exemple de

22ème

feuillet.

MPIRWA Azarias qui était le conseiller du secteur GAHONDO et MUTAGANDA qui était le

conseiller du secteur NYANZA qui ont été tués pour cette raison ;

Attendu qu’à la question de savoir comment NTEZIRYAYO Emmanuel se comportait lors de

ces réunions, DISINGIZIMANA Israël dit qu’ils étaient ensemble mais qu’ils ne prenaient pas la

parole à part qu’un jour le capitaine BILIKIUNZIRA a donné l’ordre de rechercher GISAGARA

que l’on soupçonnait de se cacher dans le secteur BUSASAMANA et que NTEZIRYAYO

Emmanuel n’a rien dit sinon que l’intéressé serait retrouvé s’il se cachait réellement dans ce

secteur ; qu’interrogé sur le temps pendant lequel il a exercé les fonctions de conseiller de

secteur, il répond qu’il les a assumées depuis le 20/01/1990 en même temps que NTEZIRYAYO

Emmanuel ; qu’à la question de savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel se caractérisait auparavant

par un esprit divisionniste, il répond par la négative et dit que cet esprit leur a été inculqué par les

autorités qui leur ont fait comprendre que leur ennemi était le Tutsi ; qu’à celle de savoir si

NTEZIRYAYO Emmanuel a lui aussi participé aux massacres il répond que chaque conseiller,

après avoir reçu les ordres, essayait de faire quelque chose à son arrivée dans son secteur, que

dans le cas où des victimes ne seraient pas mortes dans le secteur de BUSASAMANA, cela

signifierait que NTEZIRYAYO Emmanuel n’a pas commis des tueries ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir si des listes des Tutsi pourchassés ou de ceux qui

avaient été tués n’ont pas été établies, DUSINGIZIMANA Israël répond qu’ils n’en faisaient pas

usage car chacun connaissait les Tutsi habitant dans son secteur surtout que la mention ethnique

figuraient sur les cartes d’identité ; qu’interrogé sur la façon dont ils obtenaient les

renseignements sur l’identité des Tutsi qui étaient morts et ceux qui étaient encore en vie, il

répond que ceux qui étaient morts étaient directement identifiés à part qu’ils ont été tués à

différents endroits, qu’il dit que le comité de dix personnes chargées de la sécurité n’a pas existé

dans le secteur MUSHIRARUNGU et qu’il ne sait rien de ce comité dans le secteur

BUSASAMANA ; qu’à la question de savoir s’il a entendu dire que NTEZIRYAYO Emmanuel

a été persécuté pour avoir placé des Tutsi aux barrières, il répond par la négative ; qu’à celle de

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savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel était opposé à la manière dont le bourgmestre MASONGA

François exerçait ses fonctions, il répond qu’ils ont collaboré avec l’intéressé jusqu’à leur fuite et

que ceux qui étaient opposés à MASONGA ont été tués comme dit plus haut ;

Attendu qu’à la question de savoir dans quelle partie il peut ranger les conseillers qui ont eu le

courage de sauver des gens malgré l’adhésion au plan des massacres comme il le dit, à

l’exception de ceux qui ont été tués et notamment ceux des secteurs NYANZA et GAHONDO, il

répond qu’il a commis des tueries et a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité, qu’il a sauvé certaines victimes mais en a tué d’autres ; qu’à la question de savoir

dans quelle partie il classe un conseiller de secteur qui présente les victimes qu’il a sauvées et

contre lequel il n’existe pas la preuve qu’il a comploté contre une victime et n’a tué personne

tout en ayant pris part aux réunions au cours desquelles des ordres de commettre le génocide ont

été donnés, il répond que la participation aux réunions ne constitue pas une infraction, mais que

des gens ont commis les massacres dans le secteur BUSASAMANA dont certains sont en aveu à

l’exemple de HATEGEKIMANA qui a mis en cause le conseiller NTEZIRYAYO affirmant que

l’intéressé a dirigé l’attaque au cours de laquelle Madeleine et Languide ont été tuées ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’il reviendra au Tribunal d’apprécier la validité

du témoignage de DUSINGIZIMANA Israël mais qu’ils estiment quant à eux qu’il n’est pas

crédible dès lors que ICYIMPAYE a dit que c’est DUSINGIZIMANA Israël qui a déclenché les

massacres dans le secteur BUSASAMANA quand il est arrivé là à bord d’une motocyclette et

portant deux fusils ; qu’il ne peut pas dire la vérité surtout qu’il ne fait que rapporter ce qui lui a

été dit par des détenus condamnés à l’emprisonnement à perpétuité, qu’il ne sait rien d’autre que

ce qu’ils lui ont dit, qu’il devrait plutôt se préoccuper des faits à sa charge même s’il n’a pas

encore comparu pour présenter ses moyens de défense, qu’il n’était pas en mesure de savoir ce

qui s’est passé dans le secteur BUSASAMANA à part que c’est lui qui y a entraîné les

massacres ;

23ème

feuillet.

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les arguments de Maître SAYINZOGA J.

Pierre semblent être une intimidation du témoin DUSINGIZIMANA pour le contraindre à se

rétracter dans son témoignage, qu’il aimerait néanmoins que le Tribunal demande au témoin de

dire ce qu’il a fait lorsqu’il s’est rendu dans le secteur BUSASAMANA à bord d’une

motocyclette, ou si NTEZIRYAYO Emmanuel et lui se sont vus ;

Attendu que DUSINGIZIMANA dit que Maître J. Pierre SAYINZOGA devrait conseiller à

NTEZIRYAYO Emmanuel de plaider coupable des infractions qu’il a commises ; qu’il est arrivé

à BUSASAMANA à deux reprises, qu’il est cependant faux de dire qu’il portait deux fusils car il

n’en avait pas encore reçu à cette époque, qu’il était effectivement à bord d’une motocyclette et

était allé voir le policier communal que le capitaine BIRIKUNZIRA l’avait envoyé chercher pour

qu’il remette le fusil qu’il avait, qu’à la question de savoir si NTEZIRYAYO Emmanuel était

complimenté ou réprimandé au cours des réunions, il répond qu’on lui disait qu’il n’aurait pas de

problème dans son secteur de BUSASAMANA car il pourrait bénéficier de l’intervention des

militaires dont le camp se trouvait là, que les conseillers demandaient plus de moyens en

général ;

Attendu qu’à la question de savoir comment il a décidé de mettre sur pied un comité de dix

personnes dans son secteur alors que cela ne se faisait pas ailleurs, NTEZIRYAYO Emmanuel

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répond que cela a été fait à la demande de la population ;

Attendu qu’interrogé sur l’objet des réunions qui avaient lieu tous les mercredis,

DUSINGIZIMANA Israël dit que ces réunions qui se tenaient les mercredis ont eu lieu à

l’époque où GISAGARA exerçait les fonctions de bourgmestre, qu’il a parlé plus haut de celles

qui ont eu lieu au cours de la guerre, que NTEZIRYAYO intervient et dit que Israël ment car

d’autres conseillers qui sont en détention avec eux savent ce que l’intéressé disait auparavant ;

Attendu qu’invité à dire ce qu’il ajoute à sa déclaration, Israël DUSINGIZIMANA dit que ce

qu’il dit est vrai et qu’il conseille aux autres de plaider coupable sans crainte ;

Attendu que l’audience se poursuit sur les lieux des faits dans le secteur BUSASAMANA chez le

conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel et que le Tribunal interroge par surprise la population ;

Que le Tribunal arrive dans le secteur BUSASAMANA dans la ville de NYANZA en province

de BUTARE et ce, en présence des prévenus et de leurs Conseils, celle des parties civiles et de

leur avocat, ainsi qu’une population nombreuse de la colline où habite NTEZIRYAYO

Emmanuel et où se trouve le boisement dans lequel a été tuée la vieille dame qui était l’épouse

de MUNYESHYAKA et où RWANDENZI a dit avoir trouvé NTEZIRYAYO Emmanuel en

compagnie d’une jeune fille nommée Goretti MUJAWIMANA qu’ils devaient secourir ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles il est arrivé dans ce boisement,

NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il a été alerté par un militaire qui lui a dit que dans ce

boisement se trouvaient des personnes qui allaient être tuées et qu’il devrait intervenir, qu’il s’y

est rendu et y a trouvé des tueurs ayant en leurs mains MUJAWIMANA, qu’ils ont

immédiatement donné à une vieille dame un coup à la tête et qu’elle est tombée, que le militaire

a alors effectué les manœuvres de maniement de son fusil et qu’ils se sont sauvés en courant ;

Attendu que la question de savoir s’il y a quelqu’un qui a un témoignage à faire à charge de

NTEZIRYAYO Emmanuel, l’ex- conseiller de secteur, est posée à la population présente ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, la nommée NYINAWINGERI dit que NTEZIRYAYO

Emmanuel est leur protecteur car c’est à lui qu’ils doivent d’être encore en vie,

24ème

feuillet.

qu’il a bien agi à leur égard en leur donnant des pièces tenant lieu de cartes d’identité qui leur ont

permis d'échapper au génocide, qu’elle produit sur le champ la pièce qu’il lui a donnée et dont

lecture est faite en public, qu’à la question de savoir ce qu’elle dit sur les déclarations selon

lesquelles NTEZIRYAYO Emmanuel s’est bien comporté au moment où les fonctions de

bourgmestre étaient encore exercées par GISAGARA, mais qu’il a changé quand MASONGA

François est entré en fonction, elle répond que le prévenu n’a jamais mal agi à part que des gens

l’ont contourné et ont déclenché les massacres dans le secteur BUSASAMANA, qu’elle n’a

cependant pas pu connaître leur identité ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUJAWIMANA Collette dit qu’elle n’a pas de lien de

parenté avec NTEZIRYAYO Emmanuel à part que c’est un voisin ; qu’interrogée sur le

témoignage fait au Tribunal sur elle et selon lequel des malfaiteurs étaient sur le point de la tuer

dans ce boisement, elle répond que de nombreuses personnes sont arrivées là dont

NSABIMANA, Fidèle et NTEZIRYAYO, mais que celui-ci n’avait pas d’arme, qu’à la question

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de savoir comment elle a finalement échappé aux massacres, elle répond qu’un militaire du nom

de RWAKIBIBI Emmanuel et le sieur RUTEBUKA ont eu connaissance du plan de les tuer et

les en ont avisé, qu’ils leur ont dit de sortir de leur cachette et que rien ne leur arriverait, qu’il

sont alors allés à la maison et qu’un jour, elle a été emmenée au cours d’une attaque, que

NTEZIRYAYO Emmanuel la suivait de près, disant aux tueurs de ne pas la tuer ni la toucher,

qu’ils ont été conduits dans un vallon où ils ont été sommés de s’asseoir par terre, qu’entretemps

NTEZIRYAYO s’est empressé d’alerter le militaire qui était au camp concerné ainsi que son

beau-frère RWANDENZI qui sont immédiatement accourus et sont arrivés après que la vieille

dame MUKAMUGEMA Madeleine venait d’être tuée, que les tueurs se sont sauvés en courant et

que c’est ainsi qu’ils ont échappé à ces crimes ; qu’elle continue en disant qu’elle témoigne à

décharge de NTEZIRYAYO Emmanuel car il l’a sauvée quand il a empêché les tueurs de la

toucher au moment où le militaire et son beau-frère n’étaient pas encore arrivés là où elle se

trouvait, qu’elle termine en disant que le prévenu leur avait donné auparavant des pièces tenant

lieu de cartes d’identité au vu lesquelles ils étaient considérés comme étant de l’ethnie Hutu ;

Attendu que l'heure est avancée, que l’enquête se poursuivra le 29/11/2001 à KAGURI dans le

secteur BUSASAMANA où des victimes ont été tuées et où habitait la vieille dame

MUKANGWIJE Suzanne ;

Attendu que dans la matinée du 29/11/2001, le Tribunal se rend à KAGURI où de nombreuses

victimes ont été tuées dont la vieille dame MUKANGWIJE Suzanne, son fils NGARAMBE,

NYIRABANAMA Cécile, NYIRABAHEKA, les membres de la famille KADENESI et d’autres,

ce souhait ayant été exprimé par Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties

civiles, ainsi que par MUSAYIDIRE Eugénie qui a perdu des membres de sa famille ;

Attendu que NSANGANIRA Eugène relate les circonstances dans lesquelles ces victimes ont été

tuées en disant qu’ils les ont emmenées en date du 22/04/9194, mais qu’ils ont d’abord tenu une

petite réunion à laquelle participaient MURINDABYUMA, SEBIRAZA, NSANGANIRA et

d’autres à l’issue de laquelle ils ont convenu de ce que la décision finale appartenait au conseiller

NTEZIRYAYO Emmanuel, que le messager qu’ils lui ont envoyé est revenu en disant que le

conseiller venait de décider que les victimes devaient être tuées, que c’est alors que

NKUNDABAGENZI Alphonse a ordonné aux victimes de se coucher par terre et a commencé à

les tuer à coups de massue, qu’il a été relayé par les gens originaires de GIKONGORO qui

logeaient chez MUHAMUDU, que NKUNDABAGENZI a donné à NSANGANIRA l’ordre de

tuer MUKANGWIJE Suzanne et que celui-ci s’est exécuté en donnant à la victime deux coups

de hache à la tempe, que le nommé NTWALI a été quant à lui sommé de tuer sa marâtre parce

qu’il l’avait cachée et qu’il l’a tuée à coups de massue ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre demande la parole et dit que l’allégation selon

laquelle c’est NTEZIRYAYO Emmanuel, alors conseiller de secteur, qui a donné l’ordre

25ème

feuillet.

de tuer ces victimes est un moyen de défense invoqué en désespoir de cause par les malfaiteurs

dont fait partie NSANGANIRA Eugène car ils ne produisent pas une pièce attestant cet ordre

qu’il leur aurait donné surtout qu’il aurait pu se rendre sur les lieux lui-même, que la preuve que

NSANGANIRA ment est qu’il n’a pas fait part de ce fait dans ses aveux qu’il a présentés

antérieurement ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, demande la

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parole et dit que c’est avec une méchanceté extrême que NSANGANIRA a commis les faits à sa

charge et que ses aveux sont incomplets dès lors qu’il ne précise pas si ceux qu’il met en cause

pour lui avoir donné l’ordre de les commettre lui ont également ordonné de se promener en

portant une hache, qu’il veut ainsi se décharger de sa responsabilité dans les actes atroces qu’il a

commis dont l’assassinat de la marâtre de NTWALI qu’il attribue faussement à ce dernier alors

qu’il est de notoriété publique que c’est lui qui l’a fait arrêter pour être mise en détention ;

Attendu qu’invité à répliquer au témoignage de NSANGANIRA Eugène, NTEZIRYAYO

Emmanuel dit que ce que dit l’intéressé est faux car il ne leur a pas envoyé un messager, qu’il

s’opposait quant à lui aux tueries comme le confirme la population ;

Attendu que l’enquête sur les lieux des faits est terminée et que l’audience se poursuit là où le

Tribunal siège en itinérance ; que l’avocat des parties civiles dit qu’une dame veut dire quelque

chose sur la conduite de NTEZIRYAYO Emmanuel lors de l’assassinat des membres de la

famille GISAGARA, que la parole est accordée à cette dame nommée MUKESHIMANA Marthe

qui dit qu’elle veut porter plainte contre NTEZIRYAYO Emmanuel pour avoir fait tuer son mari

RURANGIRWA Emmanuel, que le Tribunal lui dit qu’elle devrait suivre la voie légale pour

déposer sa plainte et lui conseille de s’adresser à l’Officier du Ministère Public ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, est invité à

expliciter les dommages et intérêts qu’ils réclament ainsi qu’à produire les preuves à la base de

leur action, qu’il commence par faire la genèse des actes atroces qui ont eu lieu au Rwanda et qui

ont coûté la vie à de nombreuses victimes dont celles dont la mort sert de fondement aux

dommages intérêts réclamés, qu’il dit que dès le début de la guerre de libération du pays en 1990,

la population de l’ethnie Tutsi a été persécutée par le régime en place, qu’elle a été tuée et fait

l’objet de pillages et d’autres méfaits, qu’un plan de son extermination a été conçu et mis en

exécution après la mort de l’ex-Président, que ce plan a été déclenché dans la province de

BUTARE par le Président du régime qui s’est déclaré être un régime des sauveurs quand, dans

un discours tenu à GISAGARA dans la commune NDORA, il a dit que la population de

BUTARE se comportait comme si elle n’était pas concernée, ainsi que par le Premier Ministre de

ce régime quand il a dit que toute la population doit pourchasser l’ennemi partout où il est,

l’ennemi à cette époque étant le Tutsi, que c’est dans ce cadre qu’ont été institués des comités de

sécurité qui en réalité avaient pour mission de rassembler tous les Tutsi pour qu’ils soient tués,

que le conseiller NTEZIRYAYO a agi de la même manière dans son secteur ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMLFURA dit que les dommages et intérêts réclamés par ses

clients sont fondés sur trois motifs qui sont avoir perdu les moyens par lesquels ils subsistaient,

avoir perdu toute valeur dans leur vie de sorte que quelques-uns sont désespérés et d’autres

mènent une vie solitaire, que les actes de NTEZIRYAYO Emmanuel et sa bande dont fait partie

NSANGANIRA Eugène en sont l’origine, et que c’est pour ce motif qu’ils doivent réparer

solidairement les dommages causés ;

26ème

feuillet.

Que concernant les preuves, Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu’ils fondent leur action

sur le plaidoyer de culpabilité de NSANGANIRA qui a expliqué comment les massacres ont été

planifiés et mis à exécution, sur le fait que le conseiller NTEZIRYAYO Emmanuel a reconnu

que c’est lui qui a mis sur pied le comité qualifié comme étant chargé de la sécurité et ce, de sa

propre initiative, ainsi que sur les témoignages recueillis tant par le parquet que par le Tribunal

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dont celui du conseiller DUSINGIZIMANA Israël qui a expliqué comment ils ont été autorisés à

tuer les Tutsi et à s’emparer de leurs biens, qu’il relève que le Tribunal a effectué une descente

sur les lieux des faits ;

Que Maître NKIRIKIYIMFURA Innocent dit qu’en droit, leur action est fondée spécialement sur

les Conventions internationales dont celle du 09/12/48 relative à la répression du crime de

génocide et des crimes contre l’humanité, celle de Genève portant sur la protection des personnes

civiles en temps de guerre ainsi que celle du 26/11/1968 relative à l’imprescriptibilité du crime

de génocide et des crimes contre l’humanité, de même que sur la Loi organique n° 08/96 du

30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide et

des crimes contre l'humanité commises entre le 1/10/1990 et le 31/12/1994, sur le Code pénal

rwandais en ce qui concerne les infractions d’assassinat, de destruction des biens et d’animaux,

de pillage, de violation de domiciles, d’enlèvement et séquestration et d’autres ;

Que l’action en dommages et intérêts est fondée sur les articles 135 et 136 du Code

d’organisation et compétence judiciaires, sur les articles 71 et 72 du Code de procédure pénale,

sur l’article 91 de la Loi organique n° 40/2000 du 26/01/2001 portant création des juridictions

GACACA, sur les articles 27 à 32 de la Loi organique n° 08/96 du 30/01/1996 sur la répression

du génocide, sur les articles 258, 259 et 260 du Code civil livre V ainsi que les articles 197 à 211

du Code civil livre I ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, dit qu’elles

réclament des dommages moraux fondés sur la douleur ressentie suite à la perte des parents

proches qui leur étaient chers ainsi que des dommages matériels fondés sur la perte de leurs biens

qui ont été pillés, détruits, et des maisons incendiées, ces dommages étant conçus ainsi comme

suit :

1. DOMMAGES MORAUX

LIENS DE PARENTE DOMMAGES MORAUX RECLAMES

Perte d’un parent, père ou mère 10.000.000 Frw

Perte d’un enfant 8.000.000 Frw

Perte d’un frère ou sœur 5.000.000 Frw

Perte de tout autre parent proche (neveu ou

nièce, oncle paternel, tante maternelle, …)

3.000.000 Frw

1. DOMMAGES MATERIELS

BIENS ENDOMMAGES DOMMAGES MATERIELS RECLAMES

1. Une vache d’origine rwandaise (sic)

27ème

feuillet

2. Une vache d’origine étrangère 300.000 Frw

3. Une chèvre 20.000 Frw

4. Une poule 2.000 Frw

5. Un lapin 1.000 Frw

6. Une maison en bois couverte de tôles 2.000.000 Frw

7. Une maison en briques cuites avec des

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portes métalliques 5.000.000 Frw

8. Articles ménagers 5.000.000 Frw

9. Récoltes 1.000.000 Frw

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit qu’il réclame en faveur de

MUSAYIDIRE Eugénie des dommages moraux de 10.000.000 Frw pour la perte de sa mère

MUKANGWIJE Suzanne, 5.000.000 Frw pour la perte de son frère NGARAMBE, 3.000.000

Frw pour la perte de sa tante maternelle MUKARUBUGA ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent réclame en faveur de NYIRANTEGEYINKA

Véronique des dommages moraux de 3.000.000 Frw pour la perte de MUJAWAYEZU Catherine

l’épouse de NYAMPIRIRA qui était sa belle-sœur, 3.000.000 Frw pour la perte de KAYITESI la

fille de RUBINDO qui était sa nièce, ainsi que des dommages matériels de 23.200.000 Frw ;

Attendu que l’avocat des parties civiles réclame en faveur de MUNYANSHONGORE

10.000.000 Frw pour la perte de sa mère NYIRABANAMA, 10.000.000 Frw en faveur de

MUKARUBAYIZA pour la perte de sa mère NYIRABANAMA Cécile, qu’il ne réclame

cependant pas de dommages matériels en faveur de ces deux parties civiles ;

Attendu également que le Conseil des parties civiles réclame en faveur de RWAGATARE Jean

des dommages moraux de 10.000.000 Frw pour la perte de sa mère MUKARUZIMA qui était

l’épouse de KIMONYO G., 5.000.000 Frw pour la perte de sa sœur UWAYEZU qui était

l’épouse de KANYABIHOHO, 3.000.000 Frw pour la perte de chacune des victimes suivantes :

sa belle-sœur MUKARUSHEMA Grâce l’épouse de KADENESI et ses quatre enfants

MUKASHYAKA Olive, KIBWANA, NKURIKIYIMFURA et SHEMA, ainsi que des

dommages matériels de 15.342.000 Frw, tous étant à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel et

NSANGANIRA Eugène ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, avocat des parties civiles, poursuit en disant

que sur base de l’article 207 du Code d’organisation et compétence judiciaires il demande au

Tribunal de leur accorder le bénéfice de l’exécution provisoire, qu’il termine en demandant

également au Tribunal de déclarer recevables et fondées l'action du Ministère Public et l’action

civile, les prévenus reconnus coupables devant être condamnés au paiement des dommages

intérêts en fonction de la catégorie à laquelle ils sont rattachés ;

28ème

feuillet.

Attendu qu’invité à présenter son réquisitoire, l’Officier du Ministère Public dit qu’il ne peut rien

dire d’autre sinon faire ses réquisitions à charge des prévenus, qu’il poursuit en disant que

NTEZIRYAYO Emmanuel était une autorité au niveau du secteur à l’époque du génocide, qu’il

fait dès lors partie des organisateurs et des exécutants du génocide, que c’est ainsi qu’il a pris

part à deux réunions après lesquelles il a érigé des barrières et mis sur pied des comités soi-disant

chargés de la sécurité dont les membres ont tué de nombreuses victimes tel que cela figure au

dossier, qu'il a personnellement pris part aux attaques comme le dit MUJAWIMANA qui affirme

que NTEZIRYAYO Emmanuel dirigeait l’attaque qui a été menée chez eux, qu’il disposait du

droit de vie et de mort dans son secteur ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public poursuit en disant que NSANGANIRA plaide

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coupable et met en cause son coprévenu, que même si NTEZIRYAYO ne pouvait pas sortir de la

maison, il doit cependant répondre des actes qui ont été commis par les personnes qu’il avait la

charge de diriger, que même s’il plaide non coupable il reconnaît avoir mis sur pied le comité

prétendument chargé de la sécurité, qu’il requiert que l’intéressé soit rangé dans la première

catégorie et puni de la peine de mort, que NSANGANIRA Eugène ayant recouru à la procédure

d’aveu et de plaidoyer de culpabilité qui a été acceptée, il requiert qu’il soit rangé dans la

deuxième catégorie et puni de la peine d’emprisonnement à perpétuité, qu’il requiert enfin que

NTEZIRYAYO et NSANGANIRA soient condamnés au paiement des frais d’instance et qu’il y

ait disjonction des poursuites à charge des prévenus non identifiés ;

Attendu qu’invité à présenter sa défense sur l’action civile, NTEZIRYAYO Emmanuel dit qu’il

ne peut pas payer les dommages intérêts car il n’a commis aucune infraction, que si cependant le

Tribunal estime sa culpabilité établie, des dommages intérêts peuvent être alloués aux parties

civiles ; qu’à la question de savoir s’il n’y a pas une exagération dans les dommages intérêts

réclamés relativement aux maisons, il répond que c’est la vérité et qu’il ne peut formuler aucune

contestation sur ce point, qu’il dit que ce que dit l’Officier du Ministère Public est faux car le

comité dont il est question a été désigné par la population qui l’a d’ailleurs confirmé lors des

témoignages, qu’il n’a pas procédé par discrimination dans la délivrance des pièces aux gens

comme le dit l’Officier du Ministère Public car, il délivrait ces pièces à ceux qui avaient perdu

leurs cartes d’identité et à ceux qui le lui demandaient, qu’il termine en disant que la

catégorisation d’un prévenu doit être faite en fonction des infractions commises par lui, qu’il

revient au Tribunal d’examiner s’il en a réellement commis ;

Attendu qu’invité à présenter sa défense sur l’action civile, NSANGANIRA Eugène dit qu’il n’a

pas suffisamment de connaissances juridiques, et qu’il demande à son Conseil d’intervenir, que

le Tribunal lui dit que celui-ci peut l’assister mais qu’il faut qu’il présente sa défense d’abord,

que l’intéressé dit alors qu’il plaide coupable d’avoir mangé du bétail et emporté des tuiles, des

tôles, ainsi que la baratte de MUKANGWIJE, qu’il doit en principe répondre des dommages

qu’il a causés, qu’il demande au Tribunal d’examiner attentivement les faits et qu’il est prêt à se

plier à sa décision à part qu’il se demande comment il pourra payer les dommages intérêts dès

lors qu’il est en prison ;

Attendu que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent dit au Tribunal de leur accorder une

exécution provisoire en ce qui concerne les dommages et intérêts car les actes qui ont été

perpétrés sont atroces ;

Attendu que Maître SEMANDA Cyridion, Conseil de NSANGANIRA Eugène, invité à faire sa

plaidoirie, commence par rappeler les infractions pour lesquelles NSANGANIRA Eugène est

poursuivi et le fait qu’il a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité ; qu’il dit

que cela est un acte courageux de sa part, que les aveux de son client concordent par ailleurs avec

les éléments que le Ministère Public a recueillis au cours de l’enquête et que c’est pourquoi il les

a acceptés, qu’il ne comprend cependant pas comment il est qualifié de tueur de renom alors

qu’il n’a tué qu’une seule victime étant donné qu’en général, le tueur de renom est celui qui a eu

une renommée à cause du zèle qui l'a caractérisé et qui a tué beaucoup de victimes tel que cela

figure dans le commentaire de Daniel de BEER sur la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996

relative à la répression du génocide ;

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29ème

feuillet.

Attendu que Maître NSANGANIRA Emmanuel dit que son client devrait être rangé dans la

deuxième catégorie et bénéficier d’une diminution de la peine, qu’il mérite à ce titre d’être

condamné à la peine allant de 7 à 11 ans car il a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité avant les poursuites et que cela constitue une circonstance atténuante qui devrait

entraîner une diminution de la peine jusqu’à un an d’emprisonnement en vertu de l’article 83, 3°

du livre I du Code pénal ;

Attendu que relativement aux dommages intérêts réclamés, Maître SEMANDA Cyridion dit

qu’ils doivent être alloués en fonction de l’économie du pays, que les biens qui ont fait l’objet de

réparation ne doivent pas être pris en compte, que les parties civiles doivent en outre prouver les

liens de parenté qu’ils ont avec les victimes tuées ainsi que le lien de causalité entre les

dommages subis et les actes commis par les prévenus ; que chacun des prévenus doit être

responsable des dommages qu’il a causés sans que ceux-ci soient l’objet d’une évaluation

excessive, que celui qui réclame des dommages intérêts en faveur des orphelins doit produire

l’acte attestant que c’est lui qui a la charge de les éduquer, que des dommages intérêts ne peuvent

pas être alloués pour les biens qui ont été endommagés mais dont la valeur n’est pas clairement

déterminée ;

Attendu que Maître SEMANDA Cyridion termine en demandant au Tribunal de déclarer que

NSANGANIRA a été entraîné dans les massacres par les autorités, et de lui accorder le bénéfice

d’une diminution de peine car il a dit la vérité sur les événements de 1994 et a ainsi facilité la

tâche au Tribunal ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre, Conseil de NTEZIRYAYO Emmanuel, après avoir

rappelé les préventions mises à charge de l’intéressé, dit qu’il en a plaidé non coupable car il n’a

à aucune fois pratiqué la discrimination, qu’au contraire, en 1994, l’ex-conseiller du secteur

BUSASAMANA en la personne de NTEZIRYAYO Emmanuel, en collaboration avec le

bourgmestre GISAGARA JMV, a poursuivi les miliciens Interahamwe et de la CDR si bien que

GISAGARA a été tué pour cette raison, que face à cette situation la population de

BUSASAMANA a demandé au conseiller de convoquer une réunion au cours de laquelle 10

personnes ont été choisies pour être chargées du maintien de la sécurité, mais que le nommé

MASONGA François, après avoir accédé au poste de bourgmestre, s’en est mêlé et a persécuté

NTEZIRYAYO au motif qu’il a refusé de tuer les Tutsi ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre poursuit en disant que les preuves sur lesquelles le

Ministère Public fonde ses poursuites à charge de NTEZIRYAYO ne sont point fondées dès lors

que les témoignages invoqués ne font pas ressortir clairement la part de responsabilité de son

client, qu’ils évoquent seulement le fait qu’il a dirigé la réunion au cours de laquelle les dix

personnes ont été désignées alors que cela ne constitue pas une infraction étant donné que ces

personnes ont été élues par la population comme le témoin SINKUNDWANABOSE V. présenté

par le Ministère Public l’a confirmé dans son audition figurant à la cote 17 du dossier, que le

nommé NAHAYO Hassan parle de cette réunion sans en indiquer l’objet, que d’autres

témoignages sont divergents à l’exemple de ceux de KANAZI Athanase et NTWALI Selemani

relativement à l’assassinat de MUKANGWIJE Suzanne ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre continue en demandant au Tribunal de ne point

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prendre en considération le témoignage du détenu DUSINGIZIMANA Israël, l’ex-conseiller du

secteur MUSHIRARUNGU, qui veut attribuer à NTEZIRYAYO Emmanuel les actes qu’il a

personnellement commis tels qu’ils sont confirmés par les rescapés qui, tout en affirmant que

l’intéressé tuait les victimes et s’abreuvait de leur sang, remercient cependant NTEZIRYAYO de

les avoir sauvées, qu’une personne dont les mains sont tâchées de sang ne peut nullement

souhaiter à quelqu’un d’autre de vivre en toute tranquillité, surtout que l’intéressé est allé dans le

secteur que dirigeait le prévenu comme les témoins entendus l’ont confirmé ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre dit qu’environ 9 témoins entendus par le Tribunal et

dont la majorité est constituée de rescapés, ont affirmé qu’ils doivent d’être encore en vie à

Emmanuel car il les a aidés en

30ème

feuillet.

leur délivrant des pièces qui les faisaient passer pour des personnes de l’ethnie Hutu, qu’il l’a fait

pour MUKASHARANGABO Bernadette qui était responsable de cellule qui a dit n’avoir

connaissance d’aucun méfait de la part du prévenu, ainsi que pour MUKAMAZINA E. ,

MUKAMURIGO Julienne, MUKARUGOMWA Jeanne d’Arc, NYINAWINGERI et

MUJAWIMANA qui ont toutes affirmé que le conseiller NTEZIRYAYO les a aidées,

MUKAMAZINA ayant d’ailleurs remis au Tribunal la pièce qu’il lui a donnée dans ce but, que

la déclaration de NSANGANIRA Eugène qui plaide coupable par laquelle il dit que c’est le

conseiller qui, par l’intermédiaire du nommé Enéas, a autorisé l’assassinat des victimes dont

faisait partie MUKANGWIJE Suzanne est une pure invention, car il n’a pas fait cette révélation

lors de son recours à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité figurant aux cotes 6, 7 et 8

du dossier, que les témoignages des détenus définitivement condamnés ne peuvent être examinés

dès lors qu’ils sont frappés par la dégradation civique prévue à l’article 66 du Code pénal et sont

donc déchus du droit de témoigner ;

Attendu que Maître SAYINZOGA J. Pierre termine en demandant au Tribunal de déclarer que

NTEZIRYAYO a protégé sa population jusqu’au moment où il a été surpassé par les attaques

venues d’autres secteurs, de déclarer non fondée l’action du Ministère Public, d’ordonner la

libération immédiate de NTEZIRYAYO et de mettre les frais d’instance à charge de

NSANGANIRA Eugène qui plaide coupable ;

Vu qu’en date du 30/11/2001, les parties ont dépose au Tribunal des conclusions écrites, que

Maître NKURIKIYIMFURA a saisi l’occasion pour remettre les pièces portant sur les liens de

parenté existant entre les parties civiles et les victimes et sur les biens endommagés ou pillés,

toutes ces pièces ayant été délivrées par la mairie de la ville de NYANZA le 29/11/2001 ;

Vu que les débats sont clos et que la date du prononcé est fixée au 30/11/2001 à 13 heures, que

l’affaire est mise en délibéré ;

Constate que l’action du Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme ;

Constate que l’action civile est elle aussi recevable car elle est régulière en la forme ;

Constate que le Ministère Public a engagé les poursuites à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel,

NSANGANIRA Eugène et 21 autres prévenus non identifiés pour les infractions suivantes :

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A charge de NTEZIRYAYO Emmanuel, NSANGANIRA Eugène, NKUNDABAGENZI

Alphonse, MPUNGIREHE Laurent, MIKWEGE, NCAMIHIGO Idrissa, RUGAMBA,

BAJENEZA Damascène, RUFANGURA, JUMA, MISAGO Vianney, NDAGIJIMANA

Gérard, KAREGE Ildephonse et MUNYAMBUGA Phénéas :

- Avoir à KAVUMU, BUSASAMANA, NYABISINDU, BUTARE, République Rwandaise,

entre avril et juillet 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par les

articles 89, 90 et 91 du Code pénal, organisé et mis à exécution le plan du génocide et

d’autres crimes contre l’humanité.

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs ou

complices, commis l’infraction d’association de malfaiteurs

- Avoir, dans les mêmes circonstances de lieu, en date du 22/04/1994, comme auteurs,

coauteurs ou complices,

31ème

feuillet.

assassiné NYIRABANAMA Cécile, NYIRABAKEKA Pauline et son enfant,

MUKANGWIJE Suzanne, NGARAMBE l’épouse de KADENESI et ses deux enfants,

l’épouse de Gervais, l’épouse de NYAMBIRIRA, l’épouse de KANYABIHOHO Xavier , la

fille de RUBINDO ainsi que NSABUMUKUNZI.

A charge de NSANGANIRA Eugène, HAVUGIMANA Mussa, BAJENEZA,

NKUNDABAGENZI et SHEMU :

- Avoir, au même endroit que ci-dessus, comme auteurs, coauteurs ou complices, commis

l’infraction de dévastation du pays par les massacres, les destructions de maisons et de bétail

ainsi que les pillages

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis l’infraction de violation de

domiciles d’autrui.

Constate que seuls ont comparu NTEZIRYAYO Emmanuel et NSANGANIRA Eugène

respectivement assistés par Maître SAYINZOGA J. Pierre et Maître SEMANDA Cyridion du

Corps des Défenseurs de KIGALI, que les 21 autres prévenus ne sont pas identifiés ;

Constate que 6 parties civiles se sont constituées à savoir MUSAYIDIRE Eugène,

NYIRANTEGEYINKA Véronique, MUNYANSHONGORE Mussa, MUKARUBAYIZA,

RWAGATARE Jean et KANYANDEKWE Eugène, toutes étant assistées par Maître

NKURIKIYIMFURA I. lui aussi du Corps des Défenseurs de KIGALI ;

Constate que NSANGANIRA Eugène a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité qui a été acceptée par le Ministère Public et ensuite reçue par le Tribunal ;

Constate que les infractions pour lesquelles NSANGANIRA Eugène plaide coupable à savoir

celles de génocide, d’association de malfaiteurs, d’assassinat et spécialement les assassinats de

la vieille dame MUKANGWIJE Suzanne et d’une autre dame dont il n’a pas pu connaître le

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nom, de pillage, de destruction de bétail et de maisons, de violation de domiciles, sont en

concours idéal et qu’elles le rangent dans la catégorie 1 c à cause du zèle et de la méchanceté

excessive qui l’ont caractérisé (L.O 08/96 art.2 cat.1c) ;

Constate que même si les infractions commises par NSANGANIRA Eugène le rangent dans la

première catégorie, son nom n’avait pas encore été publié sur la liste des personnes de la

première catégorie tel que prévu par l’article 9 alinéa 2 de la Loi organique ci-haut citée, que son

plaidoyer de culpabilité ayant été reçu, il doit être classé dans la deuxième catégorie et puni en

vertu de l’article 18 de cette Loi organique ;

Constate que le Ministère Public fonde ses poursuites à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel sur

les témoignages affirmant que c’est lui qui a mis sur pied une association de malfaiteurs

composée de 10 personnes dans le secteur dont il était le conseiller (BUSASAMANA) chargées

de pourchasser les tutsi et qu’il a décidé les massacres de ces derniers, ces témoignages émanant

principalement de NTWALI Selemani, NAHAYO Hassan, SINKUNDWANABOSE Vérédianne

et NSANGANIRA Eugène qui plaide coupable, et d’autres dont l’un a été condamné dans

l’affaire RMP 49457/S7/NKR/MSD ;

32ème

feuillet.

Constate que NTEZIRYAYO Emmanuel plaide non coupable de toutes les infractions en disant

que le Ministère Public n’a pas accédé à son souhait exprimé de voir mener une enquête dans le

secteur qu’il dirigeait, qu’il affirme n’avoir tué ou agressé personne, mais qu’il a au contraire

protégé de nombreuses personnes parmi celles qui étaient pourchassées et cite comme témoins à

sa décharge quelques-unes d’elles notamment MUKASHARANGABO Bernadette qui était

responsable de cellule KIVUMU dans le secteur BUSASAMANA, MUKAMURIGO Julienne,

MUKAMAZINA Eustochie, MUKARUGOMWA Jeanne d’Arc, et d’autres qui ont été témoins

de sa conduite dont RWANDENZI et ICYIMPAYE ;

Constate que Maître NKURIKIYIMFURA Innocent, Conseil des parties civiles, affirme que

NTEZIRYAYO Emmanuel a été un bon dirigeant à l’époque où les fonctions de bourgmestre

étaient exercées par GISAGARA JMV qui a été tué au motif qu’il avait rejeté toute

discrimination au sein de la population sous ses ordres, mais qu’il a changé quand MASONGA

François a accédé à ce poste et s’est joint aux malfaiteurs, cette affirmation étant également

soutenue par KANYANDEKWE Eugène le frère de feu GISAGARA ;

Constate que le Tribunal, lors de son enquête faite dans le secteur BUSASAMANA, ville de

NYANZA, où une population nombreuse étai présente, a demandé si quelqu’un a quelque chose

à dire sur NTEZIRYAYO Emmanuel qui exerçait les fonctions de conseiller à l’époque du

génocide, que seuls des témoins à décharge ont pris la parole à savoir NYINAWINGERI qui a

affirmé qu’elle lui doit la vie et a produit la pièce tenant lieu de carte d’identité qu’il lui a donnée

le 27/05/1994 mentionnant qu’elle est de l’ethnie Hutu pour la protéger en cas de nécessité, ainsi

que MUJAWIMANA Collette qui a affirmé que NTEZIRYAYO Emmanuel l’a aidée jusqu’à ce

que le militaire du nom de RWAKIBIBI Emmanuel intervienne ;

Constate que les preuves invoquées par le Ministère Public en soutien aux poursuites contre

NTEZIRYAYO Emmanuel ne sont pas fondées car aucun des témoignages produits ne montre la

part de responsabilité du prévenu dans le génocide et les autres infractions qui ont été commis

dans le secteur qu’il dirigeait, l’accusation d’avoir désigné les 10 personnes dont il est question

étant fausse, car les personnes entendues dont des rescapés affirment que ces personnes ont été

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élues par toute la population sans distinction, qu’il est également faux de dire que c’est lui qui

décidait de tuer les victimes, car au contraire, la population a affirmé qu’il a tout fait pour les

protéger en leur donnant des pièces, en remplacement de cartes d’identité qui mentionnaient

l’ethnie menacée à savoir celle des Tutsi ;

Constate qu’il est aussi faux de dire que NTEZIRYAYO Emmanuel a changé quand MASONGA

François a accédé au poste de bourgmestre et s’est joint aux malfaiteurs car il a été établi qu’il

n’a jamais été caractérisé par des idées discriminatoires, surtout qu’il a délivrés les pièces

susmentionnées à l’époque où MASONGA François était en fonction ;

Constate que l’argument de Maître SEMANDA Cyridion tendant à obtenir que NSANGANIRA

Eugène puisse bénéficier d’une diminution de peine jusqu’à un an d’emprisonnement en vertu

des articles 15 de la Loi organique n° 08/96 et 83 du Code pénal au motif qu’il a été entraîné

dans les massacres par les autorités et qu’il ne peut être rangé dans la première catégorie car il

n’a tué qu’une seule victime n’est pas fondé car son client a avoué avoir tué deux victimes en

compagnie d’autres tueurs et qu’il a fait preuve d’une méchanceté excessive en faisant usage

d’une arme particulière que les autres ne portaient pas (une hache) lors de l’assassinat d’une

vieille dame avec laquelle il avait vécu en très bonnes relations ;

Constate que l’argument de Maître SAYINZOGA J. Pierre tendant à obtenir l’acquittement de

NTEZIRYAYO Emmanuel pour défaut de preuves tangibles est fondé tel que dit aux 13ème

et

14ème

exposés des motifs ;

33ème

feuillet.

Constate que les dommages intérêts réclamés doivent être alloués en fonction des liens de

parenté existant entre les parties civiles et les victimes tuées, mais qu’ils doivent être évalués ex

æquo et bono car ceux qui sont réclamés sont excessifs alors qu’en principe l’être humain n’a pas

de prix, et que les dommages matériels doivent être alloués en fonction de la valeur réelle des

biens endommagés, pillés ou détruits, que ces dommages intérêts doivent être mis solidairement

à charge des personnes reconnues coupables et de l’Etat qui reconnaît sa responsabilité dans le

génocide et ce, conformément à l’article 91 de la Loi organique n° 40/2000 du 26/01/2001

portant création des juridictions GACACA ;

Constate que des dommages intérêts ne peuvent être alloués à KANYANDEKWE qui s’est

constitué partie civile en cette affaire car le Tribunal n’a pas été saisi de l’infraction à la base de

son action ;

PAR CES MOTIFS ;

Vu la Convention du 09/12/1948 sur la répression du crime de génocide, la Convention de

Genève du 12 août 1949 sur la protection des personnes civiles en temps de guerre et celle du

26/11/1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ;

Vu la Loi fondamentale de la République Rwandaise, spécialement la Constitution du 10 juin

1991 telle que modifiée et complétée à ce jour, spécialement aux articles non modifiés, 12, 14,

16, 22, 34, 86-88, 91,95 et le Protocole des Accords de Paix relatifs au partage du pouvoir,

spécialement aux articles 25-26 ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 du 07/07/1980 portant Code d’organisation et de compétence

judiciaires, spécialement les articles 6-12, 47, 57, 76, 77, 85, 87, 88, 104, 107, 108, 118, 119,

129, 135, 136, 199, 201 ;

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Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990, spécialement les articles 1, 2, 4, 6, 8, 9, 10, 17, 18, 24, 29, 36, 37, et 39 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,

spécialement les articles non modifiés à savoir 16, 19, 20, 24, 25, 26, 37, 40, 41, 59, 61, 63, 71,

73, 80, 81, 90, 130, 138 ;

Vu le Décret-loi n° 21/77 du 18/08/1977 instituant le Code pénal tel que complété à ce jour,

spécialement les articles 28, 30, 32, 33, 34, 39-39, 66,(1°,3° et 5°), 90-92, 93, 94, 95, 168, 281,-

283, 304, et 311 ;

Vu l’article 258 du Code civil livre III ;

Vu la Loi n° 03/97 du 19/03/1997 portant création du barreau rwandais, spécialement les articles

1, 2, 6, 49-50 ;

34ème

feuillet.

Vu la Loi n° 40/2000 du 26/01/2001 portant création des juridictions GACACA spécialement

l’article 91 ;

STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;

Déclare recevables, l’action du ministère Public et l’action civile car elles sont régulières en la

forme, et les déclare partiellement fondées ;

Déclare établies à charge de NSANGANIRA Eugène les infractions qui lui sont reprochées,

qu’elles le rangent dans le première catégorie et sont en concours idéal, qu’il doit en être puni tel

qu’expliqué du 6ème

au 8ème

exposés des motifs, qu’il doit être puni par la peine la plus sévère ;

Déclare non établies à charge de NTEZIRYAYO Emmanuel les infractions qui lui sont

reprochées tel qu’expliqué du 12ème

au 14ème

et au 16ème

exposés des motifs ;

Déclare que des dommages intérêts doivent être alloués à MUSAYIDIRE Eugène,

NYIRANTEGEYINKA Véronique, MUNYANSHONGORE Mussa, MUKARUBAYIZA et

RWAGATARE Jean car ils ont produit les attestations qui leur ont été délivrées par la mairie de

la ville de NYANZA sur leurs liens de parenté avec les victimes tuées tel qu’expliqué eu 17ème

exposé des motifs ;

Déclare que NSANGANIRA Eugène perd la cause, que NTEZIRYAYO Emmanuel obtient gain

de cause ;

Ordonne à NSANGANIRA Eugène de payer la ½ des frais d’instance s’élevant à 13.400 Frw

dans le délai légal et édicte une contrainte par corps de 10 jours faute d’exécution volontaire,

suivie de l’exécution forcée sur ses biens ;

Le condamne à la peine d’emprisonnement à perpétuité et à celle de dégradation civique prévue à

l’article 66, 2°, 3°, et 5° du Code pénal ;

Page 50: ASF_JurisprudenceGénocide_3

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001

RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE

50

Acquitte NTEZIRYAYO Emmanuel des infractions qui lui sont reprochées et ordonne sa

libération immédiate ;

Condamne NSANGANIRA Eugène au paiement solidaire avec l’Etat rwandais de dommages

moraux de 34.000.000 Frw et de dommages matériels de 15.202.000 Frw tel que figurant au

tableau annexé à ce jugement, soit au total 49.202.000 Frw payables dans les trois mois et édicte

une contrainte par corps d’un mois à l’encontre de NSANGANIRA Eugène faute d’exécution

volontaire de sa part, suivie de l’exécution forcée ;

Ordonne à NSANGANIRA Eugène de payer le droit proportionnel de 4% équivalent à 1.196.080

Frw : 2 = 984.040 Frw dans le délai légal sinon exécution forcée sur ses biens ;

Décide la disjonction des poursuites à charge des prévenus ci-après :

1. MUSAFIRI

35ème

feuillet.

2. NKUNDABAGENZI Alphonse 13. RUGAMBA

3. HABIYAMBERE 14. BAJENEZA Damascène

4. MNYANKUNDI 15. RUFANGURA

5. SEMBU 16. JUMA

6. NTAGANZWA 17. MISAGO Vianney

7. MASONGA François 18. Gérard

8. NDAGIJIMANA 19. KAREGE Ildéphonse

9. SEGEMA 20. MUNYAMBUGA Phénéas

10. MPUNGIREHE Laurent 21. SHEMU

11. MIKWEGE

12. NCAMIHIGO

Rappelle que le délai d’appel est de 15 jours ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 30/11/2001 PAR LE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BUTARE SIEGEANT EN ITINERANCE A

NYANZA DONT LE SIEGE EST COMPOSE DE : MUHIZI Samuel, Président,

RWENYAGUZA Emmanuel ET MUREKEZI Eugène, Juges, EN PRESENCE DE

L’OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC SHUMBUSHO Daniel ET DU GREFFIER

NAKAREMA Nadine.

JUGE PRESIDENT JUGE

RWENYAGUZA Emmanuel MUHIZI Samuel MUREKEZI Eugène

(sé) (sé) (sé)

GREFFIER

NAKAREMA Nadine

Page 51: ASF_JurisprudenceGénocide_3

RP 84/2/2001 JUGEMENT du 30/11/2001

RMP 44223/S8/KA TPI BUTARE

51

Victimes tuées Liens de

parenté

Dommages

moraux

Dommages

matériels

Condamnés au

paiement des

dommages

intérêts

1.Musayidire

Eugénie

1.Mukangwije

Suzanne

Sa mère 5.000.000 Frw 6.200.000 Frw Nsanganira

Eugène et l’Etat

rwandais

2. Ngarambe Son frère 3.000.000 Frw - ‘’

3.Mukarubuga

Catherine

Sa tante

maternelle

1.000.000 Frw - ‘’

TOTAL 9.000.000 Frw 6.200.000 Frw ‘’

2. Nyirantegeyinka

Véronique

1. Mujawayezu

Catherine

Sa belle

soeur

1.000.000 Frw ‘’

2. Kayitesi Sa nièce 1.000.000 Frw 5.240.000Frw ‘’

TOTAL 2.000.000Frw 5.240.000 Frw ‘’

3. Munyanshongore

Mussa

1.Nyirabanani

Cécile

Sa mère 5.000.000 Frw - ‘’

TOTAL 5.000.000 Frw

36ème

feuillet.

4. Mukarubayiza Nyirabanama

Cécile

Sa mère 5.000.000 Frw - Nsanganira

Eugène et l’Etat

rwandais

5. Rwagatare Jean 1.Mukamuzima

2.Uwayezu

3.Mukarushema

Grâce

4.Mukashyaka

Olive

5.Kibwana

6.Nkurikiyimfu

ra

7.Shema

Sa mère

Son frère

Sa belle

sœur

Sa belle

sœur

Son beau

frère

Son beau

frère

Son beau

frère

5.000.000 Frw

3.000.000 Frw

1.000.000 Frw

1.000.000 Frw

1.000.000 Frw

1.000.000 Frw

1.000.000 Frw

3.962.000 Frw

TOTAL 13.000.000 Frw 3.962.000 Frw

Page 52: ASF_JurisprudenceGénocide_3

. 52

Page 53: ASF_JurisprudenceGénocide_3

. 53

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE BYUMBA

Page 54: ASF_JurisprudenceGénocide_3

. 54

Page 55: ASF_JurisprudenceGénocide_3

. 55

N°2

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de BYUMBA

du

02 mai 1997.

MINISTÈRE PUBLIC C/ KANYABUGANDE François et Consorts.

ACQUITTEMENT ACTION CIVILE (DISJONCTION DE) ASSASSINAT (ART. 312

CP) ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281 ET 282 CP) ATTENTAT

AYANT POUR BUT DE PORTER LA DEVASTATION, LE MASSACRE OU LE

PILLAGE (ART.168 CP) AVEUX (COMPLETS; VALIDITE DE; RETRACTATION

DE) CATEGORISATION (ART. 2 L.O. 30/8/96; 1ère

CATEGORIE; PLANIFICATION,

POSITION D'AUTORITE - TUEUR DE GRAND RENOM ; 2ème

CATEGORIE)

CIRCONSTANCES ATTENUANTES CONNEXITE -CONFLIT D'INTERETS DANS

LA DEFENSE CRIME DE GENOCIDE DEGRADATION CIVIQUE

DEONTOLOGIE DES AVOCATS – DESTRUCTION VOLONTAIRE DE

CONSTRUCTIONS APPARTENANT A AUTRUI (ART. 444 CP) DETENTION

ILLEGALE D'ARME A FEU (DECRET-LOI DU 7 MAI 1979) DROIT DE

COMPARUTION PERSONNELLE DROIT DE LA DEFENSE - DROIT D'ETRE

ASSISTE D’UN AVOCAT ENQUETE (COMPLEMENT D’) - JONCTION DE

DOSSIERS MEURTRE - NON-ASSISTANCE A PERSONNES EN DANGER (ART.

256 al.1 CP) PEINES (DE MORT; EMPRISONNEMENT A PERPETUITE;

EMPRISONNEMENT A TEMPS) PREUVE (ABSENCE DE; TEMOIGNAGES;

VALIDITE DE) -PROCEDURE D'AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE

(AVANT POURSUITES; APRES POURSUITES ; POUR LA PREMIERE FOIS A

L’AUDIENCE) TENTATIVE D'ASSASSINAT (ARTS. 21, 22 ET 312 CP)

USURPATION DE FONCTIONS OU TITRES (ART. 217 CP) VIOLATION DE

DOMICILE (ART. 304 CP) VOL AVEC VIOLENCE (ART. 401 CP).

1. Procédure - nouveaux dossiers liés au dossier initial jonction des dossiers – complément

d’enquête - remise.

2. Défense des prévenus conflit d'intérêts entre prévenus déontologie - désistement de

l’avocat.

3. Droit de comparution personnelle des prévenus droit de prendre part aux débats sur sa

cause.

4. 1er

prévenu infractions non établies (détention illégale d'armes à feu, usurpation de

fonctions ou titres pour ériger des barrières et vols à l'aide de violence).

Page 56: ASF_JurisprudenceGénocide_3

. 56

5. 1er

prévenu infractions établies (association de malfaiteurs, assassinat, tentative

d'assassinat, pillage et destruction, non-assistance à personnes en danger, violation de

domicile).

6. 1er

prévenu – position d'autorité au niveau de la cellule première catégorie (article 2- 1 b,

Loi organique du 30/08/1996) peine de mort et dégradation civique totale et perpétuelle.

7. 2ème

prévenu infractions établies (crime de génocide, non-assistance à personnes en

danger) infraction non établie (détention illégale d'arme à feu).

8. 2ème

prévenu position d'autorité (conseiller de secteur) organisateur, encadreur et

superviseur du génocide première catégorie (article 2-1 a et b Loi organique du

30/08/1996) peine de mort et dégradation civique totale et perpétuelle.

9. 3ème

prévenu infractions établies (association de malfaiteurs, complicité d'assassinat,

violation de domiciles, pillage et destruction).

10. 3ème prévenu - position d'autorité (responsable du parti MRND au niveau de cellule)

première catégorie peine de mort et dégradation civique totale et perpétuelle.

11. 4ème et 6

ème prévenus procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité avant poursuites 4

ème

prévenu - tueur de grand renom (non) ;

4ème

et 6ème

prévenus deuxième catégorie 10 ans de prison (article 15 Loi organique du

30/08/1996) et dégradation civique limitée (article 66, 2°, 3° et 5° CP).

12. 10ème

, 12ème

, 14ème

et 16ème

prévenus infractions établies (associations de malfaiteurs,

assassinat, violation de domicile, pillage et destruction) deuxième catégorie

emprisonnement à perpétuité et dégradation civique totale et perpétuelle.

13. 5ème, 7

ème, 8

ème, 11

ème 15

ème et 17

ème prévenus procédure d'aveu et de plaidoyer de

culpabilité pour la première fois à l’audience 2ème

catégorie 12 ans de prison (article 16

Loi organique du 30/08/1996) et dégradation civique limitée (article 66, 2°, 3° et 5° CP).

14. 18ème

prévenu infraction d'assassinat seule établie deuxième catégorie contrainte à la

participation criminelle circonstances atténuantes 2 ans d'emprisonnement.

15. 9ème prévenu absence de preuve du Ministère Public témoignage à charge non crédible

(vengeance) prévenu ayant intercédé en vain pour les victimes acquittement.

1. Le Ministère Public demande et obtient la jonction au dossier initial des dossiers connexes de

personnes poursuivies comme coauteurs du prévenu principal et qui viennent de rentrer

d'exil. Une remise est prononcée, afin de permettre au Ministère Public d’approfondir ses

enquêtes.

Page 57: ASF_JurisprudenceGénocide_3

. 57

2. L’existence de conflits d’intérêts entre différents prévenus assistés par un même avocat

justifie que celui-ci se retire de la défense de ceux qui n’avouent pas et sont mis en cause par

d’autres qui eux, sont en aveux. Une remise est prononcée, afin de permettre aux prévenus

dépourvus d’avocat d’exercer leur droit d’être assisté d’un conseil.

3. Est écartée la demande du Ministère Public visant à ce que les prévenus qui n'avouent pas

soient exclus de la salle d'audience au moment des dépositions de ceux qui avouent; il est fait

droit à l’argument de la défense selon lequel ces prévenus doivent pouvoir suivre l'affaire à

leur charge et préparer ainsi leur défense, d’autant plus qu'ils sont mis en cause par ceux qui

avouent.

4. Les infractions de détention illégale d'armes à feu, d’usurpation de fonctions ou de titres par

l’érection de barrières et celle de vols à l'aide de violence ne sont pas établies à charge du 1er

prévenu:

La détention illégale d'armes à feu n'est pas établie, car le prévenu avait reçu le fusil qu'il

détenait des autorités compétentes.

L'infraction d'usurpation de fonctions ou de titres par l’érection de barrières n'est pas

établie, car lesdites barrières ont été instituées par le régime de l'époque auquel il devait

obéissance en sa qualité de responsable de cellule.

L'infraction de vol avec violences n'est pas établie, car le Ministère Public n'a pas spécifié

les objets qui auraient fait l’objet du vol et le prévenu n'en est pas accusé par les témoins à

l'exception d'une plaignante dont la seule déclaration ne peut emporter la conviction du

Tribunal.

5. Sont déclarées établies à charge du 1er

prévenu, les infractions de :

Association de malfaiteurs, car il est mis en cause par ceux qu'il dirigeait en sa qualité de

responsable de cellule, ainsi que par les membres des familles des victimes.

Assassinat, car les accusations de ses coprévenus, des témoins résidant dans la cellule

dont il était responsable et des membres des familles des victimes concordent à établir que

toutes les victimes ont péri dans des attaques qu’il dirigeait dans ce but.

Tentative d’assassinat, car il est constant que c’est lui qui a donné l’ordre de tirer sur trois

personnes qui ont eu la chance de ne pas être atteintes.

Pillage et destruction, car de nombreux témoins l'en accusent, ces actes ayant été commis

lors des attaques menées par le prévenu.

Non-assistance à personnes en danger, car le prévenu, fort de sa qualité d’autorité et

possédant un fusil, aurait pu défendre les victimes s'il n’avait pas fait partie des attaques.

Violation de domicile, car ses co-prévenus ont confirmé que les membres des attaques

qu’il dirigeait s’introduisaient dans les maisons à la recherche des victimes à tuer.

6. Le 1er

prévenu a commis les infractions établies à sa charge en qualité de responsable de

cellule. Le Tribunal le range en première catégorie en tant que personne ayant agi en position

d'autorité et le condamne à la peine de mort et à la dégradation civique totale et perpétuelle.

Page 58: ASF_JurisprudenceGénocide_3

. 58

7. Les allégations du deuxième prévenu selon lesquelles les aveux qu’il avait formulés en cours

d’instruction lui auraient été soutirés sous la contrainte ne sont pas crédibles, les aveux en

question, consignés par écrit, proposant une description précise de la façon dont les

massacres ont été organisés, et le prévenu ne fournissant aucune preuve de la torture qu’il

invoque, comme des certificats médicaux indiquant qu’il aurait dû se faire soigner par la

suite. Le crime de génocide est établi à sa charge, le prévenu ayant organisé, encadré et mis à

exécution le génocide en tenant des réunions, en tant que conseiller de secteur, avec les

responsables de cellules, réunions au cours desquelles il ordonnait que lui soient

communiquées les listes des victimes à tuer. L’infraction de non-assistance à personne en

danger est établie, le prévenu ayant lui-même reconnu qu'il n'a pas mis fin aux massacres

perpétrés dans le secteur dont il était le conseiller, et soutenant qu'il a défendu les biens de sa

famille au détriment de la population.

N'est pas, par contre, établie à charge du 2ème

prévenu, l'infraction de détention illégale

d'arme à feu, le fusil qu'il détenait lui ayant été remis par l'autorité compétente.

8. Le Tribunal range le 2ème

prévenu en première catégorie en tant que personne ayant agi en

position d'autorité comme conseiller de secteur et en tant qu'organisateur, encadreur et

superviseur du génocide. Il le condamne à la peine de mort et à la dégradation civique totale

et perpétuelle.

9. Sont déclarées établies à charge du 3ème

prévenu, les infractions de :

Association de malfaiteurs, car les personnes qu'il prétend avoir secourues lors de

l'attaque le mettent en cause, de même que ses propres témoins à décharge.

Complicité d'assassinat, car les victimes ont été tuées par des gens qui étaient dans le

même groupe que lui, et il était responsable du parti MRND au niveau de la cellule

Violation de domicile, car le prévenu et les gens de son groupe s’introduisaient dans les

maisons pour en déloger les victimes.

Pillage et destruction, car ces actes ont été commis publiquement par le groupe dont il

faisait partie au moment du génocide.

10. Les infractions retenues à charge du 3ème

prévenu ont été commises alors qu'il était

responsable du parti politique MRND au niveau de la cellule. Le Tribunal le range en

première catégorie en tant que personne ayant agi en position d'autorité au sein d'un parti

politique au niveau de la cellule. Il est condamné à la peine de mort et à la dégradation

civique totale et perpétuelle.

11. Les aveux du 4ème

et du 6ème

prévenus qui ont recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer

de culpabilité avant les poursuites, sont acceptés.

En dépit des réquisitions du Ministère Public visant le classement du 4ème

prévenu en

première catégorie en tant que tueur de grand renom, il est fait droit aux arguments de la

défense selon laquelle les aveux d’un prévenu n’impliquent pas nécessairement la

reconnaissance de la catégorisation proposée par le Ministère Public et l’acceptation de la

peine requise. Les nombreux témoignages à charge de ce prévenu ne peuvent suffire à le

qualifier de tueur de grand renom, aucun élément n’indiquant qu’il se serait « caractérisé par

un zèle ou une méchanceté particulière par rapport à ses coauteurs ».

Page 59: ASF_JurisprudenceGénocide_3

. 59

Les deux prévenus sont rangés dans la deuxième catégorie et en application des réductions de

peines prévues à l'article 15 de la Loi organique du 30 août 1996, ils sont condamnés chacun

à 10 ans d'emprisonnement et à la dégradation civique limitée telle que prévue à l'article 66,

2°, 3° et 5° du Code pénal.

12. En dépit du fait qu’ils plaident non coupable, les infractions d'association de malfaiteurs,

d’assassinat, de violation de domicile, de pillage et de destruction sont établies à charge des

10ème

, 12ème

, 14ème

et 16ème

prévenus, car ils sont mis en cause par ceux qui, parmi leurs co-

prévenus, ont recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité Ils sont rangés en

deuxième catégorie et sont condamnés à l'emprisonnement à perpétuité ainsi qu'à la

dégradation civique totale et perpétuelle.

13. En application de l'article 11 de la Loi organique du 30 août 1996, et nonobstant les

réquisitions contraires du Ministère Public, tout prévenu peut recourir à la procédure d'aveu

tant que son audition n'est pas close; le bénéfice de la procédure d'aveu et de plaidoyer de

culpabilité présentée après poursuites est accordé aux 7ème

, 8ème

, 11ème

, 15ème

et 17ème

prévenus, qui avouent pour la première fois à l’audience et au 5ème

prévenu qui a avoué

devant le Tribunal, après avoir tenté de rétracter des aveux qu’il avait faits devant le

Ministère Public . Ils sont rangés en deuxième catégorie et, en application des réductions de

peines prévues à l'article 16 de la Loi organique du 30 août 1996, sont condamnés chacun à

12 ans de prison et à la dégradation civique limitée telle que prévue à l'article 66, 2°, 3°, 5°,

du Code pénal.

14. Seule l'infraction d'assassinat est établie à charge du 18ème

prévenu. Il est rangé en deuxième

catégorie. Mais pour avoir été contraint à la participation criminelle par ses coauteurs qui lui

ont donné un coup de machette pour l'obliger à tuer, il doit bénéficier de la clémence du

Tribunal. En raison de cette circonstance atténuante, il est condamné à 2 ans

d'emprisonnement.

15. Doivent être écartés comme non probants les témoignages des personnes qui mettent en

cause le 9ème

prévenu qui a toujours nié les faits, car il apparaît que leurs auteurs sont mus par

la vengeance, le prévenu ayant tenté de les empêcher de tuer.

En l'absence de preuves du Ministère Public, et au regard des témoignages qui attestent de ce

que ce prévenu a souvent intercédé, en vain, en faveur des personnes qui allaient être tuées,

le Tribunal le reconnaît innocent et l'acquitte de l'ensemble des préventions à sa charge.

(NDLR: Par arrêt en date du 09/12/1997 la Cour d’appel de Kigali a déclaré irrecevable

l’appel des prévenus et confirmé ce jugement).

Page 60: ASF_JurisprudenceGénocide_3

. 60

Page 61: ASF_JurisprudenceGénocide_3

R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997

R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA

. 61

(Traduction libre)

1er

feuillet.

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE

BYUMBA, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMES

CONTRE L’HUMANITE, A RENDU CE 02/05/1997 LE JUGEMENT DONT LA

TENEUR SUIT :

EN CAUSE :LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1- KANYABUGANDE François, fils de RWABUZISONI et GATO Alvère, né dans la cellule

UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,

République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, âgé de 40 ans, marié à GATO

Annonciata, possédant une propriété foncière, sans antécédents judiciaires connus,

actuellement en détention préventive.

2- KAREKEZI Augustin, fils de KANGABO et NYIRAMAKUMI Daphrose , né en 1935 à

AKURUSIZI, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,

République Rwandaise, y résidant, veuf, père de six enfants, de nationalité rwandaise, ancien

conseiller du secteur GAKENKE, sans biens ni antécédents judiciaires connus, actuellement

en détention préventive.

3- NSENGIYUMVA Abdu, fils de MPOGOMA Isidore et NYIRAMILIMA Astérie, né en

1964 à GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA , République Rwandaise,

sans biens ni antécédents judiciaires connus, actuellement en détention préventive.

4- MUHOZI Samuel, fils de MPOGOMA et KANKINDI né en 1963 dans la cellule

UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA ,

République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, père d’un enfant, cultivateur,

sans biens ni antécédents judiciaires connus, actuellement en détention préventive.

5- NYILINKWAYA Pierre Damien alias Flèche, fils de GAKWAYA et KANZAYISA, né en

1960 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture

UMUTARA, République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, père de 4 enfants,

possédant une propriété foncière et une plantation d’eucalyptus, sans antécédents judiciaires

connus, actuellement en détention préventive.

6- RWAMAKUBA Hamada, fils de GAHILIMA et NYIRABAGENZI, né en 1960 dans la

cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,

République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié, père de deux enfants,

cultivateur, sans antécédents judiciaires connus, actuellement en détention préventive.

7- MAKUZA Jean Damascène, fils de NGURUBE et KABAGWIRA, né en 1968 dans la

cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,

République Rwandaise, père d’un enfant, de nationalité rwandaise, cultivateur, possédant une

propriété foncière, actuellement en détention préventive.

2ème

feuillet.

Page 62: ASF_JurisprudenceGénocide_3

R.M.P. 10.529/S3/ND/KB JUGEMENT DU 02/05/1997

R.P. 003/I/C.SP/96/BY C.S. TPI BYUMBA

. 62

8- GACACA Jérémie, fils de BINUGWA et NYIRAMPOGOMA, né en 1955 dans la cellule

UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,

République Rwandaise, y résidant, marié, père de 8 enfants, de nationalité rwandaise,

cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus, actuellement en détention

préventive.

9- NTUYEHE Simon, fils de GATEGABONDO et NYIRAMASENGESHO, né en 1954 à

KAWANGIRE, commune RUKARA, préfecture UMUTARA, résidant dans la cellule

UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA, de

nationalité rwandaise, marié à MUKANDANGA, père de 3 enfants, commerçant, possédant

une maison et une propriété foncière, sans antécédents judiciaires connus, actuellement en

détention préventive.

10- MUGABUSHAKA Jean Bosco, fils de RUKINGA Pierre et de MUKABAKUNDA Hélène,

né en 1970 dans la cellule UMUREHE, commune GAKENKE, préfecture UMUTARA,

République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à UWIZEYE Vestine,

père d’un enfant, cultivateur, possédant une propriété foncière, sans antécédents judiciaires

connus, actuellement en détention préventive.

11- KARANGWA Jean, fils de GAKWAYA Cyprien et de KANSAYIZA Daphrose, né en 1954

dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture

UMUTARA, République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à

MUKAKARANGWA Marie Jeanne, père de 6 enfants, cultivateur, possédant une propriété

foncière, actuellement en détention préventive.

12- RUKESHA Obed, fils de GAHENE et MUKANDANGA Thérésie, né en 1968 dans la

cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,

République Rwandaise, y résidant, marié à MUKAGAFURAMA Marianne, père d’un

enfant, de nationalité rwandaise, cultivateur, possédant une propriété foncière, sans

antécédents judiciaires connus, actuellement en détention préventive

13- NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney, fils de SEMBWA André et KAGAJU P., né en

1964 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture

UMUTARA, en République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à

MUKARUBAYIZA Bélancille, père de 4 enfants, cultivateur, possédant une propriété

foncière, sans antécédents judiciaires connus, actuellement en détention préventive.

14- NTUYEMBARUSHA Jean Claude, fils de GAKWAVU Tharcisse et NIBAGWIRE

Consolée, né en 1968 dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune

MURAMBI, préfecture UMUTARA, République rwandaise, y résidant, de nationalité

rwandaise, marié à MUKAGASANA Daphrose, père de 3 enfants, cultivateur, possédant une

propriété foncière et une maison, sans antécédents judiciaires connus, actuellement en

détention préventive.

15- MUNYABUGINGO Augustin, fils de BINEGURO et de NYIRAMAREMBO, né en 1956

dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture

UMUTARA, République Rwandaise, y résidant, marié à MANIRAGUHA, père de 6 enfants,

cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus, en détention préventive.

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3ème

feuillet.

16- MBONABUCYA Cyprien, fils de GAKINGA et de NYIRABUHIHI, né en 1943 dans la

cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,

République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à MUKANGARAMBE,

père de 9 enfants, cultivateur, possédant une bananeraie, un champ de caféiers et une

plantation d’eucalyptus, sans antécédents judiciaires connus, actuellement en détention

préventive.

17- HAVUGIMANA Jean Bosco, fils de GATARAYIHA et NIWEMUGORE, né en 1965 dans

la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,

République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à UWIMANA, père de 3

enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus, actuellement en détention

préventive.

18- KAGINA Félicien, fils de SEMBWA André et KAGAJU Thérèse, né en 1953 dans la

cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture UMUTARA,

République Rwandaise, y résidant, de nationalité rwandaise, marié à UWIMANA Marcienne,

cultivateur, possédant une propriété foncière, sans antécédents judiciaires connus,

actuellement en détention préventive.

PREVENTIONS :

A) A charge de KANYABUGANDE François.

Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture

UMUTARA, République Rwandaise, entre le 1er

octobre 1990 et le 11 avril 1994, étant

responsable de la cellule UMUREHE, commis le crime de génocide, infraction prévue par la

Convention internationale du 9 décembre 1948 relative à la prévention et la répression du crime

de génocide, la Convention de Genève du 12 août 1949 relative à la protection des personnes

civiles en temps de guerre et les Protocoles Additionnels et la Convention du 26 novembre 1968

sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, formé, dirigé et supervisé un groupe de

malfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi et les autres adversaires politiques au MRND

et à la CDR, infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loi

organique n° 08/96 du 30/8/1996, et les articles 281 et 282 du Code pénal rwandais.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, dirigé les expéditions meurtrières qui

ont coûté la vie à GATERA Claver, BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKULIYINDA,

BAZIGAGA Thérésie, NZEYIMANA, les membres de la famille NJONGO, la sœur de

SANKARA Aloys nommée UWIMANA, 6 fils de GATERA Claver qui se cachaient avec leur

mère SUMWIZA Philomène, KAYIRANGA, et HABIMANA, infraction prévue et réprimée par

les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loi organique supra-citée, et l’article 312 du Code

pénal rwandais livre II.

Avoir détenu illégalement un fusil, infraction prévue et réprimée par le Décret-loi n° 12/79 du 07

mai 1979.

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. 64

Avoir, portant ce fusil, érigé une barrière à RUBILI où il a placé ses hommes pour intercepter les

gens qu’il qualifiait de complices des INKOTANYI,

4ème

feuillet.

infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loi organique ci-haut

citée, et l’article 217 du Code pénal rwandais.

Avoir tenté d’assassiner les nommés Charles, NTAGANZWA Yahaya et MUNYANEZA

Selemani sur lesquels il a tiré en les qualifiant de complices des INKOTANYI mais n’a pas pu

les atteindre suite aux circonstances indépendantes de sa volonté, infraction prévue et réprimée

par l’article 2 de la Loi organique précitée, et les articles 21, 22 et 312 du Code pénal.

Avoir mené deux attaques chez GATERA Claver entre les mois d’octobre 1990 et décembre

1992 et y avoir commis des vols avec violences et menaces en traitant l’intéressé d'Inkotanyi,

infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 4 de la Loi organique sus-citée, et l’article

401 du Code pénal rwandais.

Avoir, en compagnie de ses acolytes, en avril 1994, commis des actes de pillages et de

destructions, et mangé le bétail des victimes tuées, infraction prévue et réprimée par l’article 2

catégorie 4 de la Loi organique sus-citée, et les articles 168 alinéa 1 et 444 du Code pénal

rwandais.

S’être abstenu de porter secours aux personnes menacées de mort alors qu’il en était capable et

qu’il était chargé de leur sécurité, infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 2 et 14(b)

de la Loi organique sus-citée, et l’article 256 alinéa 1 du Code pénal rwandais.

S’être introduit, hors les cas où la loi le permet, aux domiciles d’autrui, infraction prévue et

réprimée par l’article 2 catégorie 3 de la Loi organique sus-citée, et l’article 304 du Code pénal

rwandais.

B) A charge de KAREKEZI Augustin.

Avoir, dans le secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture d’UMUTARA,

République Rwandaise, en avril 1994, étant conseiller du secteur GAKENKE, commis le crime

de génocide, infraction prévue et réprimée par la Convention internationale du 9 décembre 1948

sur la répression du crime de génocide, la Convention internationale de Genève du 12 août 1949

sur la protection des personnes civiles en temps de guerre et les Protocoles Additionnels, ainsi

que la Convention internationale du 26 novembre 1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de

guerre et des crimes contre l’humanité.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, organisé, encadré et mis à exécution les

actes de génocide en tenant des réunions des responsables des cellules de son ressort auxquels il

a demandé de lui remettre les listes des victimes à tuer, infraction prévue et réprimée par l’article

2 catégorie 1(a et b) et 14(a) de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, et par l’article 312 du

Code pénal rwandais.

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5ème

feuillet.

Avoir détenu illégalement un fusil, infraction prévue et réprimée par le Décret loi n° 12/79 du 7

mai 1979.

S’être abstenu de porter secours aux personnes menacées de mort alors qu’il en était capable et

qu’il était chargé de leur sécurité, infraction prévue les articles 2 alinéa 3 et 14 b de la Loi

organique sus-citée et par l’article 256 du Code pénal rwandais.

C) A charge de NSENGIYUMVA Abdu

Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture

d’UMUTARA, République Rwandaise, en avril 1994, étant le président du MRND au niveau de

la cellule UMUREHE, commis le crime de génocide, infraction prévue par les Conventions

internationales citées plus haut.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, fait partie d’une association des

malfaiteurs dont le but était de porter atteinte aux personnes et à leurs propriétés, infraction

prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de la Loi organique supracitée, et par

les articles 281 et 282 du Code pénal rwandais.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur ou complice , assassiné

les nommés GATERA Claver, BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKULIKIYINDA,

BAZIGAGA Thérèsie, NZEYIMANA , les membres de la famille Pie NJONGO, la soeur de

SANKARA nommée UWIMANA, 6 fils de GATERA Claver, KAYIRANGA et HABIMANA

en raison de leur ethnie, infraction prévue et réprimée par les articles 2 catégorie 1(b) et 14(a) de

la Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 312 du Code pénal rwandais.

S’être, comme auteur ou complice, et hors les cas où la loi le permet, introduit dans les domiciles

d’autrui contre leur gré dans l’intention de tuer; infraction prévue et réprimée par l’article 2

catégorie 3 de la Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 304 du Code

pénal rwandais.

D) A charge de MUHOZI Samuel

Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, Préfecture

d’UMUTARA, République Rwandaise , au cours du mois d’avril 1994, commis le crime de

génocide, infraction prévue par les Conventions internationales citées plus haut.

S’être distingué dans le milieu où il résidait et partout où il est passé à cause du zèle et de la

méchanceté qui l’ont caractérisé dans les tueries, infraction prévue et réprimée par

6ème

feuillet.

les articles 2 catégorie 1(c) et 14(a) de la Loi organique précitée, et par l’article 312 du Code

pénal rwandais.

S’être, comme auteur ou complice, et hors les cas où la loi le permet, introduit dans les domiciles

d’autrui contre la volonté des occupants avec l’intention de tuer et piller, infraction prévue et

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. 66

réprimée par l’article 2 catégorie 3 de la Loi organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et

304 du Code pénal rwandais.

Avoir, comme auteur ou complice, commis des actes de pillage et de destruction et mangé le

bétail appartenant aux victimes tuées. Infraction prévue par l’article 2 catégorie 4 de la Loi

organique précitée, et par les articles 89, 90, 91,168 al.1 et 444 du Code pénal rwandais.

E) A charge de :

1. NYILINKWAYA Pierre Damien alias FLECHE

2. RWAMAKUBA Hamada

3. MAKUZA Jean Damascène

4. GACACA Jérémie

5. NTUYEHE Simon

6. MUGABUSHAKA Jean Bosco

7. KARANGWA Jean

8. RUKESHA Obed

9. NTIVUGURUZWA J.M.Vianney

10. NTUYEMBARUSHA Jean Claude

11. MUNYABUGINGO Augustin

12. MBONABUCYA Cyprien

13. HAVUGIMANA Jean Bosco

14. KAGINA Félicien :

Avoir, dans la cellule UMUREHE, secteur GAKENKE, commune MURAMBI, préfecture

d’UMUTARA, République Rwandaise, comme auteurs ou complices :

- commis le crime de génocide, infraction prévue et réprimée par les Conventions

internationales ci-haut citées.

- créé une association de malfaiteurs dans le but d’exterminer les Tutsi et d’autres personnes

opposées au MRND – CDR, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90, 91, 281 et

282 du 89, 90, 91 et 311 du Code pénal rwandais.

- assassiné les personnes précitées à cause de leur appartenance ethnique, infraction prévue et

réprimée par les articles 2 catégorie 2 et 14(b) de la Loi organique précitée, et par les articles

89, 90, 91 et 311 du Code pénal.

- Etre entrés illégalement dans les domiciles d’autrui contre la volonté des occupants avec

l’intention de tuer et de piller, infraction prévue et réprimée par l’article 2 catégorie 3 de la Loi

organique précitée, et par les articles 89, 90, 91 et 304 du Code pénal.

- Avoir volé et tué le bétail de leurs victimes, fait prévu par la Loi organique précitée en son

article 2 catégorie 4, prévu et puni également par les articles 89, 90, 91, 168 alinéa 1 et 444 du

Code pénal.

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7ème

feuillet.

Le Tribunal,

Attendu que les enquêtes préliminaires terminées, le Ministère Public a transmis le dossier au

Tribunal en date du 04/12/1996 pour fixation, que ce dossier a été inscrit au rôle sous le

n°RP003/I/C.SP/96/BY ;

Vu l’ordonnance du Président de la Chambre Spécialisée du Tribunal de 1ère

Instance de

BYUMBA du 27/12/1996 fixant la date d’audience au 08/01/1997 à 8 heures du matin ;

Attendu qu’aux jour et heure indiqués, KANYABUGANDE François comparait assurant

personnellement sa défense ;

Attendu que KANYABUGANDE François reconnaît comme sienne l’identité qui lui est lue par

le greffier mais plaide non coupable de toutes les infractions ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public précise que d’autres personnes ayant participé avec

KANYABUGANDE François à la perpétration des infractions poursuivies s’étaient exilées mais

viennent de rentrer, qu’il estime mieux de joindre leur dossier et celui de KANYABUGANDE

François et demande au Tribunal de surseoir à statuer sur le fond de la présente affaire pour

permettre au Ministère Public de faire une enquête rapide et approfondie ;

Attendu que KANYABUGANDE François dit qu’à son avis l’audience devrait continuer car il

ne sait pas si d’autres personnes seront impliquées dans cette affaire ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public indique que d’autres infractions ont été constatées,

qu’il demande qu’elles puissent être examinées dans ce dossier et que les parties civiles aient la

possibilité de comparaître ;

Attendu que KANYABUGANDE François dit que le Ministère Public peut faire les enquêtes

nécessaires pour qu’à son tour il puisse connaître l’identité de ces personnes ainsi que les faits

qu’elles vont mettre à sa charge ;

Attendu que l’audience est reportée pour permettre au Ministère Public d’approfondir les

enquêtes, qu’elle aura lieu lorsque ces enquêtes seront terminées ;

Attendu que le Ministère Public a transmis en date du 06/02/1997 à la Chambre Spécialisée une

note de versement des dossiers portant les numéros RMP 11513, 11527, 11301. 11414, 11324,

11413, 11525, 11515, 11516, 11526, 11521, 11522, 11523, 11529, 11518 et11517/S3/CT/KB

dans celui portant le n°10529/S3/ND/KB à charge de KANYABUGANDE François ;

Attendu qu’après la clôture des enquêtes sollicitées par lui, le Ministère Public a porté une

nouvelle action devant le Tribunal par sa lettre n°1/0063 du 17/02/1997 ;

Attendu qu’aucune nouvelle inscription au rôle n’a eu lieu et que le n°RP003/1/C.SP/96/BY a été

seul maintenu ;

Attendu que les prévenus ont été régulièrement cités à comparaître en date du 09/04/1997 à 8

heures du matin ;

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. 68

Attendu que les prévenus comparaissent au jour et à l’heure indiqués, KANYABUGANDE

François, KAREKEZI Augustin, MUHOZI Samuel et NSENGIYUMVA Abdu étant assistés par

Maître Luc WALLEYN tel qu’attesté par l’autorisation de plaider n°1314/06.25 qui lui a été

délivrée en date du 08/04/1997 par le Ministre de la Justice, les autres prévenus étant assistés par

BIMENYIMANA André, tandis que les parties civiles sont représentées par Maître Josette

KADJI, en présence de l’Officier du ministère Public MUSUHUKE François ;

8ème

feuillet.

Attendu que KANYABUGANDE reconnaît comme sienne l’identité telle que lue par le greffier,

que KAREKEZI Augustin relève qu’on a omis de mentionner les biens qu’il possède à savoir un

bois de 5 ha, une plantation de caféiers, une bananeraie de 60 ares, un champ cultivable de 2ha,

une maison au centre commercial de KIRAMURUZI et qu’il est père de 4 enfants, que

NSENGIYUMVA fait observer qu’il a été omis dans son identité le fait qu’il est marié à

MUKARUSAGARA et père de 3 enfants et qu’il possède 3 boisements sis à l’endroit où il

habite, que MUHOZI Samuel dit quant à lui qu’il possède un bois et une bananeraie, que

RWAMAKUBA Hamada reconnaît son identité mais précise qu’il est aussi marié, que

GACACA Jérémie reconnaît que son identité telle que lue par le greffier est exacte mais ajoute

qu’il est marié à NYIRANEZA E, que MAKUZA Jean Damascène reconnaît comme exacte son

identité mais dit qu’il faut mentionner qu’il est marié à NIYONSABA Joséphine, que

NTUYEHE Simon reconnaît que son identité est exacte mais dit qu’il n’est plus commerçant,

que MUGABUSHAKA Jean Bosco, NTUYEMBARUSHA, NTIVUGURUZWA JMV,

KARANGWA Jean Baptiste et RUKESHA Obed reconnaissent comme exacte chacun en ce qui

le concerne, l’identité lue par le greffier, que MUNYABUGINGO Augustin reconnaît comme

exacte son identité ajoutant cependant qu’il possède une maison couverte de tôles et une

bananeraie, que MBONABUCYA Cyprien, HAVUGIMANA Jean Bosco, KAGINA Félicien et

NYILINKWAYA Pierre reconnaissent eux aussi comme exacte l’identité lue ;

Attendu que HABIMANA Aloys, fils de MAYIRA et MUKANGIRENTE, né en 1969 à

KANOMBE, commune KANOMBE, préfecture de KIGALI NGALI, interprète de Maître Luc

WALLEYN , prête serment de remplir sa mission en honneur et conscience ;

Attendu que Maître BIMENYIMANA André déclare qu’il assiste les quatorze prévenus restants ;

Attendu que Maître WALLEYN, ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit qu’il a demandé

au Ministre de la Justice l’autorisation de plaider à BYUMBA mais qu’une erreur s’est glissée

dans la réponse, qu’il se demande si celle-ci ne peut pas constituer un motif de remise

d’audience ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit avoir adressé

au Ministre de la Justice en date du 2/4/1997 une lettre qui est parvenue dans ses bureaux le

04/04/1997, que le délai de l’autorisation a commencé à courir à partir du 08/04/1997, date à

laquelle il a reçu la réponse à sa lettre ;

Attendu que Maître WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète déclare qu’il avait

mandat d’assister 4 prévenus mais qu’il a constaté que des contradictions ressortent de leurs

moyens de défense, qu’il ne peut pas assurer la défense des prévenus ayant des conflits

d’intérêt ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit que

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KANYABUGANDE est victime d’une certaine injustice, que MUHOZI Samuel avoue les faits

mis à sa charge et charge KANYABUGANDE, que la déontologie professionnelle interdit

d’assister des personnes ayant des conflits d’intérêts ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit qu’il va

assister MUHOZI Samuel et qu’il va se charger de chercher un autre avocat pour assister

KANYABUGANDE et les autres qui ne sont pas assistés ;

Attendu que KANYABUGANDE François déclare qu’il ne peut plaider sans être assisté par un

défenseur, mais qu’il pourrait plaider pour éviter de retarder le procès ;

Attendu que BIMENYIMANA André dit qu’il ne peut pas lui aussi assister KANYABUGANDE

François et ses coaccusés sous peine de violer la déontologie professionnelle, et qu’il y a lieu de

leur chercher un autre avocat ;

Attendu que SIBOMANA Modeste, fils de KARERA Simon et de NYIRAMBYUKO D., né à

RUTONDE, commune RUTONDE, préfecture KIBUNGO prête serment d’accomplir sa

mission en honneur et conscience en servant d’interprète à Maître KADJI Josette, avocat des

parties civiles ;

Attendu que Maître KADJI Josette, ayant SIBOMANA Modeste pour interprète déclare que la

liste des parties civiles n’est pas complète puisqu’il y a d’autres qu’elle n’a pas pu joindre,

qu’elle demande le report d’audience en vue de permettre aux parties civiles constituées de

chercher les pièces administratives requises pour soutenir leur action ;

9ème

feuillet.

Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA Modeste déclare que

seules 3 parties civiles ont été assignées et que les autres ont spontanément comparu, que

d’autres enfin l’ont contactée après cette comparution et que c’est à ce moment qu’il leur a donné

les formulaires à remplir, qu’elle demande que l’affaire soit renvoyée à une autre date, soulignant

que les parties civiles ne sont pas instruites sur la procédure judiciaire ;

Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA Modeste dit qu’elle

souhaite d’abord obtenir les attestations à délivrer par l’autorité communale, que même les

parties civiles qu’elle devait représenter en ce jour n’en ont pas encore obtenu ;

Attendu que Maître BIMENYIMANA André dit qu’il assiste les prévenus qui avouent et plaident

coupables ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public demande que les prévenus qui plaident non coupable

soient invités à sortir de la salle d’audience au moment où ceux qui plaident coupable vont être

entendus ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il n’est pas

de l’avis du Ministère Public, car même les prévenus qui n’avouent pas doivent suivre les débats

en audience et être informés des faits dont leurs co-prévenus les accusent pour pouvoir présenter

leurs moyens de défense le moment venu ;

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. 70

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que l’objection de Maître WALLEYN n’est pas

fondée car les prévenus qui avouent devront, le moment venu, être appelés à la barre pour

témoigner à charge des prévenus qui plaident non coupable ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il ne

comprend pas pourquoi les prévenus qui plaident non coupable ne pourraient pas suivre les

débats en audience sur l’affaire à leur charge ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les prévenus qui plaident coupable mettent en

cause ceux qui plaident non coupable, que c’est le motif pour lequel il estime que ces derniers ne

doivent pas assister à l’audition de leurs co-prévenus, qu’il demande au Tribunal de prendre une

décision à ce sujet ;

Attendu que le représentant du Ministère Public dit que de tous les prévenus qui ont recouru à la

procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, seuls MUHOZI Samuel, RWAMAKUBA

Hamada, MUNYABUGINGO Augustin et HAVUGIMANA Jean Bosco ont maintenu leurs

aveux que le Tribunal est appelé à examiner ;

Attendu que le Ministère Public dit que ces prévenus doivent être rangés dans la deuxième

catégorie en vertu de la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 au vu de leurs aveux et plaidoyer

de culpabilité, qu’il requiert la peine d’emprisonnement à perpétuité à charge de MUHOZI

Samuel au motif qu’il a été un tueur de renom, 15 ans d’emprisonnement à charge des autres

ainsi que la dégradation civique de chacun d’eux, de même que la condamnation au paiement des

frais de justice, les parties civiles pouvant se constituer ;

Attendu que MUHOZI Samuel dit qu’il plaide coupable comme il l’a fait devant le Ministère

Public ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN, avocat de MUHOZI Samuel, ayant pour interprète

HABIMANA Aloys, dit qu’il existe une différence entre les faits infractionnels que son client

avoue et ceux dont parle le Ministère Public qui range l’intéressé dans la première catégorie, que

le prévenu désapprouve la peine requise à son encontre par le Ministère Public, qu’il devrait être

rangé dans la deuxième catégorie pour les deux motifs suivants : 1°. Il ne suffit pas de dire que

son client est un tueur de renom, il faut en produire les preuves, et 2°, il a participé à deux

meurtres et ce, faisant partie d’un groupe d’autres meurtriers, il doit être rangé dans la même

catégorie que les autres qui plaident coupables ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant HABIMANA Aloys pour interprète dit que même au

cas où MUHOZI Samuel aurait été un tueur de renom, il ne devrait pas être fait application de

l'article 5 al.3 mais plutôt de l'art. 9 al.2 qui dispose que la personne qui a recouru à la procédure

d’aveu et de plaidoyer de culpabilité avant la publication de son nom sur liste de la première

catégorie et dont les aveux sont sincères, doit être rangé dans la deuxième catégorie,

10ème

feuillet.

qu’il ne devrait pas encourir la peine d’emprisonnement à perpétuité mais plutôt la peine de 12 à

15 ans d’emprisonnement, qu’il ajoute par ailleurs qu’il devrait être fait application de l’article

15 au lieu de l’article 16 car son client a spontanément avoué l’infraction avant toute poursuite

quand il s’est livré lui-même à la gendarmerie en date du 26/12/1996, que ses déclarations du

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20/01/1997 ne sont appuyées par aucune preuve à part les faits qu’il avait avoués, qu’il a recouru

à cette procédure depuis le début jusqu'à ce jour pour pouvoir bénéficier de l’avantage de ne pas

être condamné à la peine de mort, qu’il doit être condamné à la peine prévue par l’article 15 (a) à

savoir 7 à 11 ans d’emprisonnement ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN, avocat de MUHOZI Samuel ayant HABIMANA Aloys

pour interprète, demande au Tribunal de condamner son client à une peine réduite au motif qu’il

n’a pas fait d’études, est jeune et a exécuté les ordres reçus des autorités, qu’il a rendu visite à

l’intéressé en prison où il a constaté qu’il regrettait profondément ses crimes et était tellement

traumatisé qu’il n’a pas su lui dire l’âge de son enfant, qu’il poursuit en implorant la mansuétude

des juges, en leur demandant de tenir compte des excuses que MUHOZI continue à présenter et

de lui appliquer une peine qui peut lui permettre de dédommager les victimes de ses actes ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public déclare qu’il n’est pas d’accord avec Maître Luc

WALLEYN, Conseil de MUHOZI, quand il dit que son client ne peut pas être rangé dans la

première catégorie mais plutôt dans la deuxième, qu’en application de la Loi organique, ce sont

ses actes qui le rangent dans la première catégorie, lesquels actes sont rapportés par les témoins à

sa charge et ont fait de lui un tueur de renom dans la région où il habitait, qu’il s’est rendu

célèbre par le zèle qui l’a caractérisé dans les tueries qu’il a perpétrées partout où il est passé,

ceci étant par ailleurs attesté par les témoins à sa charge dont le nombre s’élève à plus de 13 et

dont les déclarations sont consignées dans les procès-verbaux cotés 7, 14, 24, 34, 45, 66, 69, 115,

138, 195, 197 et 227 dans le dossier, qu’ainsi l’avis selon lequel MUHOZI doit être rangé dans la

première catégorie est fondé sur ses actes, qu’il n’est pas exact de dire que l’article 9 n’a pas été

observé car ses actes le rangent dans la première catégorie mais que, suite à son recours à la

procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité avant la publication de son nom sur la liste des

personnes de la première catégorie, il a été rangé dans la deuxième catégorie, que le ministère

Public estime non fondée l’application de l’article 15 au lieu de l’article 16 tel qu’invoqué par

Maître Luc WALLEYN car il est faux de prétendre que MUHOZI a avoué de son propre gré

étant donné qu’il était recherché quand il s’est livré à la brigade à son retour d’exil ;

Attendu que Maître Josette KADJI, avocat des parties civiles ayant pour interprète SIBOMANA

Modeste, demande au Tribunal d’appeler les témoins à charge à la barre pour qu’ils puissent

appuyer le Ministère Public par leurs témoignages ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys, dit qu’il ne voit

pas pourquoi SUMWIZA Philomène doit être interrogée comme témoin à charge dès lors que

MUHOZI Samuel a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, qu’il ne peut y

avoir de déposition de témoins en pareilles circonstances et que la partie civile ne doit rien

réclamer ;

Attendu que l’audience est suspendue à 13 heures pour prendre un repos, qu’elle se poursuit à 14

heures ;

Attendu que RWAMAKUBA Hamada dit qu’il a avoué sans contrainte les faits qui lui sont

reprochés et qu’il maintient ses aveux ;

Attendu que Maître BIMENYIMANA André, Conseil de RWAMAKUBA Hamada, dit que son

client a effectivement avoué les infractions pour faciliter la tâche à la justice, que cela constitue

un repentir et une façon de présenter des excuses aux victimes de ses actes, que l’intéressé est

jeune et a été entraîné dans les crimes comme l’ont été beaucoup d’habitants de ce pays, que

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RWAMAKUBA Hamada est prêt à réparer les dommages qu’il a causés et à entretenir de bonnes

relations avec ceux qui ont subi un préjudice résultant de ses actes, que c’est pour cette raison

qu’il insiste pour implorer la clémence du Tribunal, cette clémence pouvant se fonder sur des

circonstances atténuantes consistant en ce que RWAMAKUBA Hamada a fait preuve d’une

bonne conduite depuis sa naissance jusqu’au jour où il fut entraîné dans les crimes, qu’il n’a pas

d’antécédents judiciaires, qu’il n’a pas pu résister aux ordres émanant de mauvais dirigeants qui

l’ont contraint à prendre part à des actes criminels, qu’ainsi le Tribunal peut faire preuve de

perspicacité et de clémence dans la fixation de la peine, qu’il continue en disant que

RWAMAKUBA Hamada et ses coaccusés sont des jeunes gens constituant les forces vives du

pays et qu’à cet égard, ils ne faudrait pas qu’ils continuent à croupir en prison où ils doivent être

nourris au lieu de reconstruire le pays dans ces mauvais moments où il a besoin de tous ses

citoyens qui doivent resserrer les coudes pour que le Rwanda recouvre son image d'antan ;

11ème

feuillet.

Attendu que MUNYABUGINGO dit qu’il continue à avouer les infractions à sa charge comme il

l’a fait auparavant sans contrainte et qu’il présente ses excuses ;

Attendu que Maître BIMENYIMANA André, Conseil de MUNYABUGINGO, dit qu’il demande

au Tribunal, comme il l’a fait pour le cas de RWAMAKUBA Hamada, de faire preuve de

mansuétude et de prononcer une peine réduite ;

Attendu que HAVUGIMANA dit qu’il maintient ses aveux tels que faits antérieurement sans

contrainte ;

Attendu que Maître BIMENYIMANA André, Conseil de HAVUGIMANA, implore la clémence

du Tribunal à l’égard de HAVUGIMANA pour qu’il puisse travailler pour le pays ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys, dit qu’il est prêt

à assister n’importe quel prévenu dont les intérêts ne sont pas en conflit avec ceux des prévenus

qu’il a assistés le même jour, mais qu’il compte quitter le pays à la fin de la semaine et qu’il

vaudrait mieux que ces prévenus sollicitent l’assistance d’autres avocats lorsqu’ils auront obtenu

l’autorisation du Ministre de la Justice dans une semaine environ ;

Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète SIBOMANA dit qu’elle demande un

délai de deux semaines pour permettre aux parties civiles de se faire délivrer les attestations

requises car elles habitent des endroits séparés et éloignés ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que compte tenu des souhaits des avocats, il y a

lieu de reporter l’audience dans deux semaines ;

Attendu que l’audience est remise dans deux semaines pour permettre aux prévenus qui plaident

non coupable de chercher des avocats pour les assister ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il a des

observations à faire sur ce qu’a dit le Ministère Public, que concernant la catégorie dans laquelle

son client doit être rangé, le contenu de l’article 2 dans son point c ne se réfère point à la gravité

des faits reprochés au prévenu mais plutôt au fait que le prévenu a été qualifié de meurtrier de

grand renom, que s’il en avait été ainsi pour son client MUHOZI, celui-ci n’aurait pas été chargé

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par 13 personnes seulement, mais par plus d’une centaine de personnes de sa région, de sa

commune et voire même de tous les lieux où il est passé, que l’article 9 alinéa 2 doit être

interprété d’une seule façon relativement aux personnes de la première catégorie qui sont rangées

dans la deuxième catégorie, que même en cas d’interprétations différentes de la loi, seule celle

qui est favorable au prévenu doit prévaloir, que relativement au recours à la procédure d’aveu et

de plaidoyer de culpabilité avant les poursuites, le Ministère Public allègue que son client était

recherché avant qu’il ne se livre aux autorités habilitées mais que rien ne prouve cette allégation

car aucune pièce y relative ne figure au dossier, qu’il relève par ailleurs que le fait d’être

recherché ne signifie pas être poursuivi et qu’à cet égard, il n’estime pas que son client a été

poursuivi, que les lois pénales accordent aux Officiers de Police Judiciaire et Inspecteurs de

Police Judiciaire la compétence de constater et de rechercher les infractions, mais que les

poursuites relèvent de la compétence de l’Officier du Ministère Public, le parquet étant seul

compétent pour les exercer, qu’aucune pièce émanant du parquet et datée d’avant le 22/12/1997

ne figure au dossier, que cela démontre que MUHOZI a avoué et présenté ses excuses avant les

poursuites ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN ayant pour interprète HABIMANA Aloys dit qu’il termine

en demandant au Tribunal d’appliquer la loi et d’être clément à l’égard de son client MUHOZI,

que cela constituera un signe d’encouragement aux autres prévenus à recourir à la procédure

d’aveu et de faciliter ainsi la tâche à la justice ;

Attendu que Maître Luc WALLEYN, Conseil de MUHOZI, ayant pour interprète HABIMANA

Aloys explique qu’un meurtrier de grand renom doit être connu de tout le monde dans la région

où il réside et doit avoir été caractérisé par le zèle et la méchanceté extrême avec lesquels il a

perpétré les tueries, qu’il ajoute qu’il est regrettable que le législateur n’ait pas explicité ce qu’il

faut entendre par un meurtrier de grand renom mais qu’en pareille circonstance, seule

l’interprétation favorable au prévenu doit être retenue ;

12ème

feuillet.

Attendu qu’à cette date l’audience est reportée au 24/04/1997 à huit heures du matin pour

permettre aux prévenus n’ayant pas d’avocats de pouvoir bénéficier d’une assistance judiciaire ;

Attendu qu’en date du 24/04/1997, l’audience reprend en présence des prévenus, de Maître

Georges RAYMOND qui a pour interprète RUBANGO Epimaque et assiste les personnes

précisées sur l’autorisation de plaider portant le n°1416/06.25 du 7/4/1997, ainsi que de Maître

Josette KADJI, avocat des parties civiles ayant pour interprète NDIKUBWIMANA ;

Attendu que les interprètes prêtent serment d’accomplir leur mission en honneur et conscience ;

Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète RUBANGO Epimaque demande au

Tribunal de procéder à la disjonction de l’action civile au motif qu’elle ne s’est pas suffisamment

préparée ;

Attendu que KAREKEZI Augustin dit qu’il plaide non coupable de toutes les infractions qui lui

sont reprochées à l’exception de celle de détention d’une arme à feu ;

Attendu que KANYABUGANDE François, NSENGIYUMVA Abdu, MAKUZA, NTUYEHE,

MUGABUSHAKA, KARANGWA Jean, RUKESHA Obed, NTIVUGURUZWA,

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NTUYEMBARUSHA, MBONABUCYA et KAGINA Félicien plaident non coupable tandis que

GACACA Jérémie plaide coupable ;

Attendu que GACACA Jérémie dit qu’il a nié les faits en date du 09/04/1997 parce qu’il croyait

que son avocat allait venir avant la date d’audience de façon qu’ils puissent étudier le dossier

ensemble, que lui et ses co-prévenus pensaient que cet avocat pouvait leur être utile en vue d’une

éventuelle réduction de peine ;

Attendu que GACACA Jérémie dit que ce n’est pas volontairement qu’il a nié les faits à lui

reprochés lors de son interrogatoire par l’Officier du Ministère Public ;

Attendu que l’Officier du Ministère du Ministère Public relève que GACACA avait plaidé non

coupable lors de la dernière audience mais qu’il plaide coupable aujourd’hui, que son recours à la

procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité peut être acceptée en application de l’article 11

de la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 ;

Attendu que Maître Georges RAYMOND ayant pour interprète NDIKUBWIMANA dit qu’il

accepte d’assister GACACA Jérémie et qu’il présente des excuses pour lui, qu’il demande au

Tribunal de ne pas considérer seulement le fait que l’intéressé a auparavant plaidé non coupable

mais de faire application de l’article 15 de la Loi organique se rapportant à la procédure d’aveu

et de plaidoyer de culpabilité ;

Attendu que concernant la réduction de la peine demandée par Maître Georges RAYMOND en

faveur de GACACA, l’Officier du Ministère Public dit qu’il y a lieu d’appliquer l’article 16 a)

qui dispose que le prévenu qui recourt à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité après

les poursuites est puni de la peine d’emprisonnement de 12 à 15 ans, qu’il requiert à cet égard 15

ans d’emprisonnement à charge de GACACA ;

Attendu que GACACA dit que chacun des prévenus est poursuivi individuellement pour les

infractions qu’il a commises, qu’il n’était pas en compagnie de ses co-prévenus lors des faits ;

Attendu que Maître KADJI Josette ayant pour interprète NDIKUBWIMANA demande au

Tribunal d’autoriser les parties civiles à témoigner à charge des prévenus car elles sont sorties de

la salle d’audience ;

Attendu que KAREKEZI dit que les aveux qu’il a faits lors de son interrogatoire lui ont été

extorqués au moyen des coups qui lui ont été administrés ;

Attendu que KANYABUGANDE François dit qu’il plaide non coupable de toutes les infractions

et demande au Tribunal de procéder par chaque infraction pour qu’il puisse présenter ses moyens

de défense, que concernant la première infraction d’organisation du génocide, il dit qu’il n’était

pas en bons termes avec ceux qui l’en accusent car il a fait emprisonner celui qui a tiré, qu’il ne

pouvait donc pas oser aller commettre les infractions avec eux, qu’il plaide non coupable des

assassinats dont il est question dans le dossier en disant que ce sont ceux qui l’en chargent qui les

ont commis eux-mêmes car il n’était plus membre du parti politique MRND au moment des faits,

que le meeting dont il est question a été organisé par KAREKEZI qui était le conseiller de

secteur,

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. 75

13ème

feuillet.

car il avait quant à lui intégré le parti politique MDR, qu’il ne tranchait plus de litiges entre les

gens, que ceux qui l’accusent ont perdu des membres de leurs familles et s’en sont pris à lui

parce qu’il était seul présent étant donné que les auteurs de ces crimes étaient en exil ;

Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il plaide non coupable de détention illégale d’arme à

feu, que le fusil dont il est question était détenu par le milicien Interahamwe du nom de

MUSHIMIYIMANA Laurent et que le conseiller de secteur en était au courant, qu’il n’a pas

érigé la barrière à RUBIRI car seule l’autorité communale décidait de l’endroit où il faut placer

une barrière, qu’il ne pouvait donc pas s’opposer à ce que cette barrière soit érigée à cet endroit

dès lors qu’il n’en était pas chargé ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité des personnes qui ont surveillé la barrière,

KANYABUGANDE dit qu’il s’agit de KAGINA, NTUYEMBARUSHA, NTIVUGURUZWA,

KARANGWA et d’autres, qu’il déclare ignorer les circonstances de la mort de KAYIRANGA

qui a été tué par les gens qui se trouvaient à AKAMASINE ;

Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il n’a pas voulu tirer sur Yahaya et MUNYANEZA

Salomon qui ont été abattus par MUSHIMIYIMANA Laurent en sa présence et d’autres

personnes, qu’il ne pouvait pas l’empêcher de le faire car il n’avait aucune autorité sur lui,

l’intéressé étant sous les ordres des militaires ;

Attendu que KANYABUGANDE nie avoir mené une attaque au domicile de GATERA en le

traitant de complice des INKOTANYI et dit que SUMWIZA l’en accuse faussement car il est

inconcevable qu’il ait attaqué quelqu’un et que celui-ci n’ait pas fait appel à ses voisins pour le

secourir, qu’il y a lieu de demander au conseiller qui est présent si une plainte relative à cette

accusation aurait été portée devant lui, qu’il continue en disant que ceux qui témoignent contre

lui disaient à qui voulait les entendre quand ils étaient encore en exil en Tanzanie que, dès leur

retour, ils impliqueraient les gens qu’ils trouveraient au Rwanda ;

Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il a sauvé les gens qu’il a pu secourir de façon qu’ils ont

échappé au génocide, qu’il poursuit en disant que HABINEZA a emmené et livré SUMWIZA à

ses acolytes Interahamwe pour qu’ils la tuent, que ces derniers l’ont cependant épargnée et

n’ont tué que ses enfants, qu’il ignore l’identité des auteurs de ces crimes ;

Attendu que KANYABUGANDE nie avoir commis des pillages et avoir mangé le bétail

d’autrui, qu’il dit qu’il en est accusé à tort ;

Attendu que Maître Georges Raymond ayant pour interprété NDIKUBWIMANA, dit qu’il ne

peut pas assister KANYABUGANDE, à moins que celui-ci le demande de façon expresse s’il le

désire ;

Attendu que KAREKEZI dit qu’il était malade à son arrivée et que c’est à la gendarmerie et à la

commune qu’il a rédigé les déclarations écrites que fait valoir le Parquet, que c’est suite aux

coups qui lui ont été administrés qu’il a fait ces aveux pour sauver sa vie, que ce qu’il a écrit lui

était même dicté au fur et à mesure, qu’à la question de savoir s’il dispose des pièces médicales

attestant qu’il s’est fait soigner il répond les avoir données à son avocat ;

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Attendu que KAREKEZI dit qu’il réfute les témoignages à sa charge car leurs auteurs habitent

dans le secteur UMUREHE qui est très éloigné de son domicile et dans lequel il n’est pas arrivé,

que KANYABUGANDE qui était responsable de cellule peut le confirmer ;

Attendu que KAREKEZI dit qu’il n’a pas su que des personnes ont été tuées après la mort de

l’ex- chef de l'Etat HABYARIMANA, qu’il ne l’a appris qu’une fois en exil car, sitôt après la

mort du président, un communiqué des Forces Armées interdisant toute sortie à la population a

été diffusé et qu’il l’a observé en restant sur place avec ses voisins ;

Attendu que KAREKEZI dit qu’il détenait un fusil pour assurer sa sécurité et celle de la

population, qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas porté secours aux personnes qui étaient

tuées, il répond qu’il n’était pas à la hauteur de combattre les militaires ;

Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il plaide non coupable des infractions qui lui sont

reprochées, que ceux qui le chargent le font pour des motifs inavoués étant donné qu’il n’a

jamais quitté son domicile, que les massacres ont été commis par KANYABUGANDE et son

groupe de miliciens Interahamwe à l’exception de NTUYEHE Simon ;

Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il pense que c’est le nommé SANKARA qui le met

injustement en cause, que ZILINYINSHI et l’épouse de GATARE peuvent témoigner à sa

décharge parce qu’il leur a sauvé la vie ;

Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit que BARAHIRA le charge par peur d’être poursuivi car

il s’est approprié leurs biens de manière illicite et qu’il était jaloux du fait que NSENGIYUMVA

avait une plus grande clientèle à l’époque où tous les deux vendaient de l’essence ;

14ème

feuillet.

Attendu que KAREKEZI dit qu’il ne sait pas si NSENGIYUMVA Abdu a participé aux

massacres car il n’est jamais arrivé dans la cellule UMUREHE ;

Attendu que NSENGIYUMVA dit que la famille de BUGINGO n’a jamais été en sécurité à

partir du moment où KANYABUGANDE a eu un fusil en sa possession , qu’il s’y est rendu en

leur portant secours , que HAVUGIMANA dit qu’il n’a pas connaissance d’un quelconque

méfait que NSENGIYUMVA aurait commis ;

Attendu que MUHOZI Samuel dit que les déclarations de NSENGIYUMVA renferment des

mensonges car il dirigeait lui aussi des expéditions meurtrières en compagnie du conseiller, que

RWAMAKUBA dit que NSENGIYUMVA est victime d’injustice car il n’a aucune part de

responsabilité dans les massacres, que GACACA dit que NSENGIYUMVA est allé porter

secours à la famille de BUGINGO tandis que NYILINKWAYA dit qu’il n’a pas vu

NSENGIYUMVA tuer qui que ce soit à part qu’il l’a vu chez BUGINGO ;

Attendu que NSENGIYUMVA dit qu’il n’a jamais eu l’intention de tuer les membres des

familles de BUGINGO et de GATARE, qu’il y est allé pour leur porter secours car cette famille

leur avait donné une vache en cadeau, qu’il est prêt à se reconnaître perdant si quelqu’un vient à

affirmer l’avoir vu commettre des pillages aux domiciles des victimes après leur assassinat ou

manger leurs vaches ;

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Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il s’est réfugié en compagnie de ZIHINJISHI, que

celui-ci le charge sur l’instigation de SANKARA car ce dernier tient des réunions pour inciter ses

codétenus à porter des accusations;

Attendu que NSENGIYUMVA dit que le conflit qu’il a avec SANKARA vient du fait que

SANKARA qui lui avait donné sa maison en location l'en a expulsé avant le terme parce qu'il

était persécuté, qu'ils se sont tous exilés, mais que SANKARA est rentré d’exil avant lui et a fait

assassiner les membres de sa famille ;

Attendu que SUMWIZA Philomène, après avoir prêté serment de dire la vérité, affirme que

l’attaque qui a été menée à leur domicile était dirigée par NSENGIYUMVA qui a tué son mari

GATERA Claver et qu’il n’a rien fait pour les protéger malgré qu’ils lui avaient donné une vache

en cadeau ;

Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit que ce que vient de dire SUMWIZA n’a aucun

fondement car si cela était vrai, sa belle-mère ZIHINJISHI n’aurait pas cherché refuge auprès de

lui si elle savait qu’il avait commis des crimes à leur encontre ;

Attendu que SUMWIZA dit qu’en date du 11/04/1994, NSENGIYUMVA Abdu, en provenance

de chez son beau-père, est venu tuer ses enfants, qu’elle affirme disposer de témoins qui peuvent

confirmer les faits ;

Attendu que SUMWIZA dit qu’elle a vu NSENGIYUMVA tuer son mari à coups de machette,

que l’intéressé n’exerçait pas de fonction particulière dans la cellule sinon qu’il était le chef de la

milice Interahamwe ;

Attendu que NSENGIYUMVA dit que SUMWIZA ne peut pas être rendue responsable de ses

allégations car il y a des gens qui les lui dictent, qu’il n’aurait pas fui avec sa belle-mère si ce

qu’elle dit était vrai ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, ZIHINJISHI dit que NSENGIYUMVA a effectivement

accouru à leur secours mais qu’il faisait partie de l’expédition qui a coûté la vie à GATARE et à

son mari ;

Attendu que dans sa défense, NYILINKWAYA dit qu’il n’a jamais rencontré ceux qui le mettent

en cause et planifié les massacres avec eux, qu’il poursuit en disant être allé chez BUGINGO

sous la contrainte de HABIYAKARE Froduald et KANYABUGANDE qu’il venait de croiser en

chemin au moment où il allait pulvériser un pesticide sur ses tomates, qu’à leur arrivée sur les

lieux, BUGINGO avait déjà été tué par MUHOZI et MUNYABUGINGO, ainsi que

RUTAREMARA, MANIRAGUHA et HATEGEKA qui ne sont pas présents, qu’il a seulement

aperçu NSENGIYUMVA mais ne l’a pas vu tuer ;

Attendu que NYILINKWAYA dit que NSENGIYUMVA le charge injustement car ils ne se sont

vus que dans les circonstances qu’il vient de décrire et qu’il n’a par ailleurs pas commis d’actes

de pillage ;

Attendu que Maître Georges RAYMOND, conseil de NYILINKWAYA, ayant comme interprète

NDIKUBWIMANA, demande à NYILINKWAYA s’il n’a pas de témoins à décharge, que

NSENGIYUMVA dit avoir trouvé NYILINKWAYA chez BUGINGO mais qu’il n’a pas

connaissance d’un quelconque acte répréhensible sur son compte, tandis que NTUYEHE précise

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que ce qu’il peut dire sur le compte de NYILINKWAYA est que, quand le parquet l’a interrogé

sur la mort de BUGINGO, il a dit que l’intéressé y a pris part ;

15ème

feuillet.

Attendu que l’Officier du Ministère Public demande la parole et dit qu’il voudrait réagir à la

suggestion de Maître Georges RAYMOND qui demande à NYILINKWAYA de produire des

témoins à sa décharge, qu’il veut dire au Tribunal à ce sujet que des témoignages à charge du

prévenu figurent aux côtes 7, 14, 26, 42, 66, 69, 78, 115, 139, 166, 167, 178, 187, 227 et 239 du

dossier ;

Attendu que NYILINKWAYA dit qu’il ne connaît pas certains des témoins à sa charge, que les

aveux qu’il a faits lors de son interrogatoire lui ont été extorqués au moyen des coups qui lui ont

été administrés ;

Attendu que NYILINKWAYA dit qu’il mérite d’être acquitté des préventions à sa charge, que

c’est parce qu’il était dans un état critique qu’il a avoué les faits devant l’Officier du Ministère

Public et qu’il demande au Tribunal de mener une enquête à ce sujet ;

Attendu que l’audience est suspendue pour prendre une pause et qu’elle reprend à quatorze

heures trente ;

Attendu que Maître Georges RAYMOND, Conseil des prévenus ayant pour interprète

NDIKUBWIMANA, dit qu’il y a d’autres prévenus qui veulent recourir à la procédure d’aveu et

de plaidoyer de culpabilité à savoir KARANGWA Jean, MAKUZA Damien et

NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit qu’aux termes de l’article 11 de la Loi organique,

les aveux et le plaidoyer de culpabilité de KARANGWA, MAKUZA et NTIVUGURUZWA ne

peuvent pas être acceptés dès lors qu’il n’en ont pas formulé la demande directement après la

lecture des préventions à leur charge par le greffier ;

Attendu qu’en réplique à l’intervention de l’Officier du Ministère Public, Maître RAYMOND

Georges, Conseil des prévenus ayant pour interprète NDIKUBWIMANA, dit qu’il estime que

les aveux et le plaidoyer de culpabilité de ses clients peuvent être acceptés car le Tribunal n’a pas

encore clôturé leur interrogatoire ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit qu’en vertu de l’article 11 alinéa 2, lorsque le

prévenu en fait la demande directement après la lecture des préventions à sa charge, le recours à

la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité est acceptée à l’exemple du cas de GACACA,

que les concernés n’ont rien dit après la lecture des infractions à leur charge ;

Attendu que Maître Raymond Georges ayant pour interprète NDIKUBWIMANA dit que selon

l’article 11 de la Loi organique, le prévenu peut présenter des aveux et plaider coupable à

n’importe quelle étape de l’audience avant la clôture des débats, que le rejet par le Tribunal des

aveux de ses clients peut avoir des conséquences préjudiciables au pays, qu’il demande dès lors

que leur procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité soit acceptée, que le retard mis pour y

recourir est dû au fait qu’ils n’a jamais eu d’entretien avec eux pour leur expliquer l’intérêt de

cette procédure, que si le Tribunal estime que l’acceptation des ces aveux est impossible sur base

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de l’article 12, il demande que l’affaire soit renvoyée à une autre date ;

Attendu que NYILINKWAYA dit qu’il a auparavant prétendu pouvoir produire des témoins à sa

décharge mais que, après réflexion, il se rend compte qu’il ne peut pas en disposer, qu’il préfère

dès lors avouer, que l’expédition meurtrière à laquelle il a pris part a causé la mort de GATERA,

GATARE et BUGINGO, que ses coauteurs sont MUHOZI, HATEGEKA qui n’est plus en vie,

KANYABUGANDE, NSENGIYUMVA et NTUYEHE Simon ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public demande à NYILINKWAYA de faire une description

détaillée des faits conformément au prescrit de l’article 6 de la Loi organique ;

Attendu que Maître Georges RAYMOND, Conseil de NYILINKWAYA ayant pour interprète

NDIKUBWIMANA, dit que son client avait déjà avoué au parquet, qu’il demande au Tribunal

d’accepter ses aveux ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NYILINKWAYA avait présenté les aveux

mais qu’il s’est rétracté devant le Tribunal, que cela pourrait être envisagé également pour les

autres prévenus qui n’ont pas avoué devant le parquet ;

Attendu que KARANGWA dit avoir pris part en date du 07/04/1994, en compagnie de

NSENGIYUMVA, à une attaque dirigée par HABIYAKARE le chef des miliciens, que les

victimes ci-haut citées avaient déjà été tuées à son arrivée, qu’il a intercédé en faveur de

ZIHINJISHI, qu’il présente ses excuses pour avoir participé à cette attaque, que quand il est

retourné à la maison, soucieux du sort des enfants qui s’étaient cachés à son domicile, il les y a

retrouvés et qu’ils sont encore en vie ;

16ème

feuillet.

Attendu que MAKUZA dit qu’il avoue avoir mangé des vaches et pillé des haricots chez

KARASIRA, que les victimes NZEYIMANA et GATARE ont été tuées en sa présence par

MUHOZI, RUTAREMARA, HATEGEKA et NTIRENGANYA, que sont eux qu’il a vus ;

Attendu que NTIVUGURUZWA dit qu’il reconnaît être parti en compagnie du responsable de

cellule en la personne de KANYABUGANDE et que, arrivés chez HABAMUNGU, ils ont

constaté que celui-ci s’était caché, qu’ils ont demandé à sa sœur où il était mais qu’elle leur a

répondu qu’elle n’en savait rien, qu’ils ont dit qu’il n’y avait pas de différence entre

NTIVUGURUZWA et les complices des INKOTANYI dès lors qu’il ne les aidait pas à tuer les

Tutsi, qu’il a été emmené de force en compagnie de HABIYAKARE Froduald qui avait un fusil

et que c’est dans ces circonstances qu’il a participé à l’attaque qui a coûté la vie à NJONGO Pie,

KAMBANDA et NYAMULINDA, qu’après ces crimes qui ont été commis en date du

07/04/1994 il est rentré chez lui où il est resté pendant la journée du 08/04/1994, qu’il a fui en

date du 09/04/1994 vers KAWANGIRE en compagnie des personnes qui avaient trouvé refuge

chez lui et avec lesquelles il est rentré d’ailleurs, qu’il présente ses excuses pour avoir pris part à

cette attaque mais qu’il n’a pas tué ;

Attendu que NTUYEHE Simon dit qu’il a lui aussi pris part à une expédition mais qu’il n’a

toutefois tué personne, qu’il est allé au domicile de BUGINGO pour lui porter secours et qu’il a

sauvé des gens tels que ZIHINJISHI et SUMWIZA Philomène, que cependant ZIHINJISHI qui

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se trouve dans la salle d’audience affirme que NTUYEHE ne lui a été d’aucune utilité ;

Attendu que NTUYEHE dit qu’il a quitté son domicile suite au cri d’alarme poussé par un jeune

homme nommé Mustafa à cause d’une attaque qui était menée chez BUGINGO, qu’ils sont

partis ensemble et que GATERA avait déjà été tué quand ils sont arrivés sur les lieux, qu’il a

alors intercédé auprès des tueurs en faveur de GATARE, ZIHINJISHI, le beau-frère de

SUMWIZA et MUKANYILIGIRA qui étaient encore en vie, que les tueurs auxquels il s’est

adressé sont NTEZIRYAYO John, NYILINKWAYA, MANIRAGABA et BAPFAKURERA

mais que ceux-ci ont malgré tout tué GATARE, qu’il était en compagnie de NSENGIYUMVA,

BARAHIRA, RUDASINGWA Mustafa et HABINEZA qui l’ont aidé à supplier les tueurs en vue

d’épargner les personnes citées ci-haut, que MUHOZI était sur les lieux et peut en témoigner,

qu’il relève enfin qu’il ne figure pas sur la liste que ZIHINJISHI a établie relativement à

l’identité des personnes qui ont tué les membres de sa famille, qu’il est prêt à se reconnaître

perdant s’il est avéré qu’il figurait sur la dite liste ;

Attendu que SUMWIZA Philomène qui est dans la salle d’audience dit qu’elle n’a pas vu

NTUYEHE à cette date où une attaque a été menée à leur domicile ;

Attendu que MUGABUSHAKA dit qu’il a entendu des cris dans la matinée du 07/04/1994, qu’il

est allé voir de quoi il s’agissait et a vu un groupe de gens dont faisaient partie

KANYABUGANDE et MUHOZI, mais que NSENGIYUMVA n’a pas su quant à lui ce qu’il en

était, qu’il a constaté que c’était une attaque menée chez GATERA et que les intéressés étaient

en train de rechercher son épouse, qu’il a, à son arrivée, intercédé en faveur des personnes

menacées en disant qu’elles n’ont jamais été complices des INKOTANYI, qu’ils les ont alors

envoyées loger chez HABINEZA ;

Attendu que MUGABUSHAKA dit qu’il n’a tué personne mais qu’il avoue avoir pourchassé des

gens, que c’est cette infraction qu’il estime établie à sa charge et que c’est pourquoi il en présente

ses excuses, qu’il poursuit en disant qu’il était en compagnie de RUTAREMARA,

NTEZIRYAYO, MANIRAGABA, NTEZIRIZAZA, HATEGEKA et RUKESHA, qu’il n’a

jamais chargé KANYABUGANDE, NYILINKWAYA, NTUYEHE et les autres dont il n’a pas

cité les noms plus haut ;

Attendu que RUKESHA dit qu’il plaide non coupable des infractions qui lui sont reprochées car

tout au long des faits, il s’était fait une foulure au moment où il se trouvait à l’endroit où était

érigée la barrière que lui et KANYABUGANDE contrôlaient, qu’il n’a cependant pas en sa

possession les ordonnances médicales qui lui ont été délivrées quand il s’est fait soigner, mais

que KANYABUGANDE est au courant de son accident, qu’il poursuit en disant qu’il réfute la

déclaration de MUGABUSHAKA par laquelle il le met en cause car il n’est allé nulle part à

cause de l’entorse dont il souffrait si bien que même ZIHINJISHI lui a demandé de la conduire

aux Interahamwe pour qu’ils la tuent, mais qu’il lui a répondu par la négative parce qu’il était

malade, qu’il est prêt à accepter d’être puni si des gens viennent à l’inculper ;

Attendu que NTUYEMBARUSHA plaide non coupable des faits qui lui sont reprochés et

poursuit sa défense en disant qu’il n’a jamais pris part aux expéditions meurtrières, qu’il y a eu

des cris en date du 07/04/1994 et qu’il a remarqué un va-et-vient ininterrompu de gens, que

quelques instants plus tard, il a entendu des gens dire que les maisons de BUGINGO et de

KARASIRA étaient en feu, que KANYABUGANDE le charge par vengeance par suite de son

refus de surveiller la barrière, qu’il se trouvait au centre de RUBILI quand il appris tout cela, que

les membres des familles de GATERA et BUGINGO ont été tués par MUHOZI qui a par ailleurs

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commis plusieurs infractions et est un voleur ;

Attendu que MBONABUCYA dit qu’il plaide non coupable des infractions qui lui sont

reprochées car le génocide a commencé deux jours après sa sortie de l’hôpital de

RWAMAGANA , qu’il a appris que HABYARIMANA qui était chef de l'Etat était mort et que

vers 11 heures, un communiqué radiodiffusé a donné injonction à la population de rester chez

elle, que c’est à ce moment qu’il a vu KANYABUGANDE et son fils commettre des tueries,

que la raison qui pousse KANYABUGANDE à le mettre injustement en cause est qu’ils n’étaient

pas membres d’un même parti politique et que KANYABUGANDE le mettait souvent en prison

pour ce motif, qu’il poursuit en disant que les biens qui ont été retrouvés dans sa maison

appartenaient à KANYABUGANDE et à son fils qui les lui avaient confiés pour qu’il les garde

pour eux ;

17ème

feuillet.

Attendu que KAGINA dit que sa défense consiste en ce qu’il disposait de la bière de sorgho qu’il

avait fait fermenter chez lui, qu’il n’est donc allé nulle part et n’a tué personne, qu’il n’a pris part

à aucune attaque, que cependant, RWAMAKUBA Hamada le charge d’avoir tué MUHIRE et

KARANGWA à KABARONDO, que dans sa défense, KAGINA dit que les miliciens

Interahamwe l’ont trouvé à KABARONDO, l’ont traité de vaurien et lui ont donné un coup de

machette au cou, que c’est sous la contrainte qu’il a tué ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que KAGINA est mis en cause par de nombreux

témoins d’avoir notamment, en compagnie de NTIVUGURUZWA, incendié la maison de

NDAMAGE Protais et d’avoir commis beaucoup d’autres actes répréhensibles qui sont

mentionnés dans le dossier ;

Attendu que KAGINA dit que tous les témoins qui le chargent le font injustement par haine

surtout qu’ils habitent dans les propriétés foncières de sa famille, qu’il n’était ni membre du

comité de cellule, ni conseiller de secteur ou une quelconque autre autorité, que RWAMAKUBA

Hamada le charge dans le cadre d’un complot ourdi contre sa personne et visant à ce qu’il soit

mis en prison avec eux, que les rescapés du génocide savent très bien qu’il n’a pas pris part aux

tueries ;

Attendu que le Ministère Public , sur base de l’article 2 de la Loi organique n°08/96 du

30/8/1996, demande au Tribunal de ranger KANYABUGANDE dans la catégorie 1(b) pour

avoir agi en position d’autorité au niveau de la cellule dont il était le responsable et requiert les

peines ainsi qu’il suit :

Pour l’infraction d’encadrement, incitation et supervision d’un groupe de malfaiteurs : 15 ans

d’emprisonnement ;

Pour l’infraction d’avoir dirigé les attaques ayant occasionné la mort des victimes : peine de

mort ;

Pour l’infraction de détention illégale d’arme à feu : un an d’emprisonnement;

Pour l’infraction d’avoir été un milicien et avoir érigé des barrières : 2 ans d’emprisonnement ;

Pour l’infraction de tentative d’assassinat : peine de mort ;

Pour l’infraction de vol commis à l’aide de violences ou menaces : 10 ans d’emprisonnement

Pour les infractions de pillage, de destruction des biens et des animaux : 20 ans

d’emprisonnement ;

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Pour l’infraction de non assistance à personnes en danger : 5 ans d’emprisonnement ;

Pour l’infraction de violation du domicile : 2 ans d’emprisonnement, et en vertu de l’article 18

de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, il requiert la peine de mort ;

Pour KAREKEZI Augustin, qu'il doit être rangé dans la catégorie 1 ( a et b) pour avoir été

incitateur, superviseur, encadreur du crime de génocide et avoir agi en position d’autorité en tant

que conseiller de secteur. Que les peines requises à sa charge sont :

Pour les infractions d’organisation, supervision et encadrement du crime de génocide : peine de

mort ;

Pour l’infraction de détention illégale d’arme à feu : 1 an d’emprisonnement ;

Pour l’infraction de non assistance à personnes en danger : 5 ans d’emprisonnement, et, en vertu

de l’article 18 de la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996, il requiert la peine de mort.

Pour NSENGIYUMVA Abdu, qu'il doit être rangé dans la catégorie 1(b) car il a commis les

infractions citées plus haut en qualité de responsable du parti MRND au niveau de la cellule :

Pour l’infraction d’avoir été membre d’une association des malfaiteurs : 15 ans

d’emprisonnement ;

Pour l’infraction d’assassinat : peine de mort ;

18ème

feuillet.

Pour l’infraction de violation de domiciles : 2 ans d’emprisonnement ;

Pour les infractions de pillage , de destruction des biens et des animaux : 20 ans

d’emprisonnement et, en vertu de l’article 18 de la Loi organique n° 8/96 du 30/8/96, il requiert

la peine de mort.

Pour MUHOZI Samuel, qu'il doit être rangé dans la catégorie I (c) pour avoir été un meurtrier de

grand renom qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou partout où il est passé à cause du

zèle et de la méchanceté excessive qui l’ont caractérise dans les tueries.

Pour l’infraction d’assassinat : peine mort ;

Pour l’infraction d’association de malfaiteurs : 15 ans d’emprisonnement ;

Pour l’infraction de violation de domiciles : 2 ans d’emprisonnement;

Pour les infractions de participation criminelle, de pillage , de destruction des biens et des

animaux : 20 ans d’emprisonnement soit par cumul la peine de mort en vertu de l’article 18 de la

Loi organique n° 08/96 du 30/8/96, mais, qu'en application de l’article 9 alinéa 2, il doit être

rangé dans le 2ème

catégorie car il a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité

avant que son nom soit publié sur la liste des personnes de la première catégorie et à cet égard, il

est requis la peine d’emprisonnement à perpétuité ;

A charge de :

MAKUZA, NTUYEHE, KARANGWA Jean , RUKESHA Obed, NTIVUGURUZWA Cyprien,

KAGINA Félicien et NYILINKWAYA : ils doivent être rangés dans la 2ème

catégorie car leurs

actes de participation criminelle ont causé la mort ;

Pour l’infraction d’association de malfaiteurs : 20 ans d’emprisonnement chacun ;

Pour l’infraction d’assassinat : peine de mort chacun ;

Pour l’infraction de violation de domiciles : 2 ans d’emprisonnement chacun ;

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Pour les infractions de pillage, destruction des biens et des animaux : 20 d’emprisonnement

chacun et, en vertu des articles 14 (b) et 18 de la loi organique n° 08/96 du 30/8/96, il requiert la

peine d’emprisonnement à perpétuité à charge de chacun ;

A charge de :

RWAMAKUBA Hamada, GACACA Jérémie, MUNYABUGINGO Auguste et

HAVUGIMANA J. Bosco qui ont plaidé coupable. Ils doivent être rangés dans la 2ème

catégorie

car leurs actes criminels ou de participation criminelle ont causé la mort :

Pour l’infraction d’association de malfaiteurs : 20 ans d’emprisonnement chacun ;

Pour l’infraction d’assassinat : 20 ans d’emprisonnement chacun ;

Pour l’infraction de violation de domiciles : 2 ans d’emprisonnement chacun ;

Pour les infractions de pillage , destruction des biens et du animaux : 20 ans d’emprisonnement ,

et, en vertu de l’article 18 de la loi organique n°08/96 du 30/8/96, la peine d’emprisonnement à

perpétuité, mais étant donné qu’ils ont recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité, il requiert, sur base de l’article 16(a), 15 ans d’emprisonnement ;

Il requiert en outre que les frais d’instance soient mis à leur charge, la disjonction de l’action

civile, la saisie de leurs biens, de même que la dégradation civique totale à charge de

KANYABUGANDE François, KAREKEZI Augustin, NSENGIYUMVA Abdu et MUHOZI

Samuel tel que prévu à l'article 17 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, la dégradation

civique à charge de NYILINKWAYA alias Flèche, RWAMAKUBA Hamada, GACACA

Jérémie, MAKUZA J. Damascène, MUNYABUGINGO Augustin et HAVUGIMANA J. Bosco.

19ème

feuillet.

Il demande par ailleurs au Tribunal d’allouer des dommages et intérêts aux victimes non encore

identifiées (art. 30 alinéa 3 de a Loi organique du 30/08/96) ;

Attendu que MUHOZI dit qu’il n’a rien à ajouter à ses moyens de défense à part présenter ses

excuses ;

Attendu que MUNYABUGINGO , GACACA, NTIVUGURUZWA , NYIRINKWAYA et

MAKUZA disent qu’ils présentent leurs excuses, tandis que KARANGWA dit qu’il a plaidé

coupable mais que le Ministère Public l’a rangé dans une autre catégorie;

Attendu que KANYABUGANDE dit qu’il est victime d’injustice et demande au Tribunal

d’examiner son cas ;

Attendu que KAREKEZI dit qu’il a rédigé ses aveux sous la torture à cause des coups qui lui

étaient administrés, que le fusil qu’il avait lui avait été donné par l’autorité communale et qu’il

n’a pas participé aux tueries ;

Attendu que NSENGIYUMVA Abdu dit qu’il réfute les déclarations de SANKARA, MUHOZI

et NYILINKWAYA, que les faits dont ils parlent ne sauraient être établis à sa charge et qu’il n’a

pris part à aucune attaque ;

Attendu que NTUYEHE dit qu’il ne figure pas sur la liste de ceux qui ont commis des tueries

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chez BUGINGO, qu’il ne faisait pas non plus partie des miliciens Interahamwe;

Attendu que MUGABUSHAKA dit qu’il n’a rien à ajouter sinon présenter ses excuses ;

Attendu que RUKEBESHA Obed dit qu’il n’ajoute rien à ses moyens de défense et qu’il n’a pris

part à aucune attaque ;

Attendu que NTUYEMBARUSHA dit qu’il réfute les déclarations de MUHOZI et

KANYABUGANDE, qu’il est victime d’injustice ;

Attendu que MBONABUCYA dit qu’il rappelle au Tribunal qu’il était malade; que KAGINA dit

quant à lui qu’un conflit l’oppose à RWAMAKUBA , NDAMAGE, SANKARA, et Marie ;

Attendu que Maître Georges RAYMOND, Conseil de quelques-uns des prévenus et ayant pour

interprète NDIKUBWIMANA , dit qu’il n’est pas facile d’assister 14 prévenus à la fois, mais

qu’ils ont beaucoup de points communs, qu’aucun d’entre eux n’était une autorité mais qu’ils

étaient de simples citoyens qui ont reçu les ordres de commettre les infractions, qu’ils ne

pouvaient pas agir autrement car toute résistance leur aurait coûté la vie, qu’après un examen

attentif le Tribunal constatera que les intéressés n’ont eu aucune responsabilité dans les faits qui

ont eu lieu, qu’il estime lourdes les peines requises par le Ministère Public à l’encontre de ses

clients, qu’ils devraient à son avis être rangés dans la 3ème

catégorie eu égard à la responsabilité

de chacun, qu’il y a lieu pour le Tribunal de procéder à la catégorisation des 14 prévenus étant

entendu qu’il doit être fait application de l’article 15 de la Loi organique aux 6 prévenus qui ont

recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité car ils ont avoué avant leur poursuite

par le Ministère Public, mais non l’article 16 de cette Loi organique, que le Tribunal doit tenir

compte des excuses qu’ils ont présentées, que concernant les prévenus qui ont cité des témoins à

leur décharge, il y a lieu d’entendre ceux-ci, que pour ceux qui n’en ont pas produit il faudra

considérer leurs propres témoignages, qu’ils ont participé aux attaques mais n’ont commis aucun

acte criminel, qu’il y a des circonstances atténuantes en leur faveur, que la dégradation civique

doit être prononcée par le Tribunal mais qu’il implore sa mansuétude car les prévenus n’étaient

pas des autorités, qu’il demande au Tribunal d’entendre les témoins que KAGINA souhaite

présenter à sa décharge ;

Attendu que le Tribunal, après examen des moyens de défense des prévenus, des arguments

développés par les avocats de la défense ainsi que des réquisitions du Ministère Public ;

Constate que l’action introduite par le Ministère Public est recevable car elle est régulière en la

forme ;

Constate que la responsabilité des 18 prévenus diffère par les actes qu’ils ont commis et par le

recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de quelques-uns qui ont en outre

présenté leurs excuses ;

20ème

feuillet.

Constate que l’infraction reprochée à KANYABUGANDE et consistant dans le fait d’avoir créé,

encadré, incité et supervisé un groupe de malfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi et

d’autres personnes qui étaient opposées au MRND et à la CDR et d’avoir mis ce plan en

exécution est établie à sa charge sans aucun doute car, même s’il en plaide non coupable, il est

mis en cause par ceux qu’il dirigeait en sa qualité de responsable de la cellule UMUREHE dans

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le secteur GAKENKE en commune MURAMBI et notamment les nommés MUHOZI Samuel,

NYILINKWAYA Pierre Damien, NSENGIYUMVA Abdu, GACACA Jérémie, MAKUZA Jean

Damascène, MUNYABUGINGO Augustin, RWAMAKUBA Hamada, NTUYEHE Simon,

KARANGWA Jean Baptiste, BAPFAKURERA Innocent, RUKESHA Obed, ainsi que par les

membres des familles auxquelles appartenaient les victimes qu’il a tuées ;

Constate que l’infraction d’avoir dirigé les attaques qui ont coûté la vie à GATERA Claver,

BUGINGO, GATARE, RWABAGABO, NKURIKIYINKA, BAZIGAGA Thérèse,

NZEYIMANA, les membres de la famille de Pie NJONGO, la sœur de SANKARA Aloys

nommée UWIMANA, 6 fils de GATERA Claver, KAYIRANGA et HABIMANA est également

établie à sa charge car toutes ces victimes ont péri lors des attaques dirigées par lui dans ce but, et

il en est chargé par ses co-prévenus, les membres des familles auxquelles appartenaient les

victimes qui ont été tuées ainsi que les témoins entendus qui résident dans la cellule dont il était

responsable ;

Constate que l’infraction de détention illégale de fusil reprochée à KANYABUGANDE F. n’est

pas établie à sa charge car il l’a reçu des autorités compétentes ;

Constate que l’infraction de s’être comporté en milicien en érigeant des barrières alors qu’il

portait un fusil, et d’avoir placé des hommes sous ses ordres en vue d’intercepter ceux qu’il

qualifiait de complices des INKOTANYI n’est pas établie à sa charge car lesdites barrières ont

été instituées par le régime de l’époque auquel il devait obéissance en sa qualité de responsable

de la cellule UMUREHE, qu’ainsi aucune intention délictueuse ne peut lui être imputée dans la

mise en place de cette barrière ;

Constate que l’infraction de tentative d’assassinat de Charles NTAGANZWA, YAHAYA et

MUNYANEZA Selemani est établie à charge de KANYABUGANDE car c’est lui qui a donné

au nommé BENDA Laurent l’ordre de tirer et que l’intéressé s’est exécuté, à part que les

victimes visées ont eu la chance de ne pas être atteintes par les balles ;

Constate que l’infraction à charge de KANYABUGANDE d’avoir commis des vols à l’aide de

violences et menaces au préjudice de GATERA Claver en le traitant de complice des

INKOTANYI entre octobre 1990 et décembre 1992 ne peut être retenue car le Ministère Public

n’a pas précisé les objets qu’il aurait volés et que les témoins entendus ne l’en chargent pas à

l’exception de SUMWIZA Philomène qui est plaignante, cette seule déclaration ne pouvant pas

être considérée comme crédible par le Tribunal ;

Constate que l’infraction d’avoir, en compagnie de ses acolytes, commis des actes de pillage, de

destructions des maisons et du bétail appartenant aux victimes qu’ils venaient de tuer telle que

reprochée à KANYABUGANDE est établie à sa charge car de nombreux témoins l’en chargent

et que ce bétail a été effectivement mangé et des maisons ont été détruites, qu’ainsi ces actes ont

été commis lors des attaques menées par lui ;

Constate que l’infraction de non assistance à personnes en danger reprochée à

KANYABUGANDE est établie à sa charge car, en sa qualité d’autorité et étant en possession

d’un fusil, il avait les moyens de s’opposer aux attaques et aurait pu défendre les victimes s’il ne

faisait pas partie desdites attaques ;

Constate que KANYABUGANDE est coupable de l’infraction de violation de domiciles après la

mort de Juvénal HABYARIMANA ancien chef de l’Etat (en avril 1994) car les membres des

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attaques dirigées par lui se sont introduits dans des maisons à la recherche des victimes à tuer

ainsi que dans tous les endroits où elles avaient trouvé refuge et se cachaient, ces actes ayant été

confirmés par certains de ses co-prévenus ;

Constate que toutes les infractions établies à charge de KANYABUGANDE sont en concours

réel ;

Constate que KAREKEZI est coupable de l’infraction à lui reprochée d’avoir organisé, encadré

et mis en exécution le génocide en tenant des réunions des responsables des cellules du secteur

dont il était le conseiller au cours desquelles il leur intimait l'ordre de lui communiquer la liste

des victimes à tuer même s’il en plaide non coupable en alléguant que les aveux qu’il a faits

devant l’Officier de Police Judiciaire lui ont été extorqués au moyen de coups, ce moyen de

défense ne pouvant pas lui être utile dès lors que ses aveux rédigés

21ème

feuillet.

en date du 18 janvier 1997 contiennent une description qui lève tout doute sur les circonstances

dans lesquelles les faits ont été organisés, et que rien ne prouve qu’il a rédigé ces aveux sous la

contrainte, que si même il avait été réellement battu, il n’a pas produit les ordonnances médicales

qui lui auraient été délivrées à l’occasion des soins médicaux reçus suite à ces coups ;

Constate que l’infraction de détention illégale de fusil n’est pas établie à charge de KAREKEZI

car il l’a reçu de l’autorité compétente ;

Constate que malgré son changement de déclaration, KAREKEZI Augustin a auparavant accepté

de plaider coupable de non assistance à personnes en danger, que cette infraction est établie à sa

charge car il reconnaît lui-même qu’il n’a pas mis fin aux massacres qui ont été commis dans le

secteur GAKENKE dont il était le conseiller, disant qu’il a défendu les biens de sa famille au

détriment de la population ;

Constate que les infractions à charge de KAREKEZI Augustin sont en concours réel,

Constate que NSENGIYUMVA Abdu est coupable de l’infraction d’association de malfaiteurs

qui lui est reprochée car, même s’il prétend avoir porté secours à la famille de BUGINGO, ce

moyen de défense ne peut pas lui être utile dès lors que les personnes qu’il dit avoir secourues

sont les premières à le mettre en cause tout comme ses co-prévenus MUHOZI Samuel,

NYILINKWAYA alias Flèche et HAVUGIMANA J.B, surtout que les témoins qu’il a présentés

à sa décharge l’ont eux aussi mis en cause tel SUMWIZA Philomène et ZIHINJISHI ;

Constate que l’infraction de complicité d’assassinat de GATERA, BUGINGO, GATARE,

RWABAGABO, NKULIKIYINKA, BAZIGAGA, NZEYIMANA, des membres de la famille

NJONGO, UWIMANA, 6 fils de GATERA claver, KAYIRANGA et HABIMANA est établie à

charge de NSENGIYUMVA Abdu car ces victimes ont été tuées par des gens qui étaient dans le

même groupe que lui, et qu’il était par ailleurs le responsable du parti politique MRND dans la

cellule UMUREHE, le fait de nier simplement les faits ne pouvant lui être d’aucune utilité ;

Constate que l’infraction de violation de domiciles est établie à charge de NSENGIYUMVA car

les victimes ont été tuées après avoir été dénichées de leurs maisons où des endroits où elles

avaient cherché refuge et se cachaient, la preuve éclatante étant qu’il prétend avoir été chez

BUGINGO pour porter secours à sa famille alors que l’épouse de la victime, en la personne de

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SUMWIZA, affirme que son objectif n’était point de leur porter assistance ;

Constate que l’infraction de pillage, destruction de maisons et de bétail est établie à sa charge car

ces actes ont été commis publiquement à l’époque du génocide par le groupe de malfaiteurs dont

il faisait partie ;

Constate que les infractions d’association de malfaiteurs dans le but de tuer les Tutsi et autres

opposants au MRND-CDR, d’assassinat de GATERA et des autres victimes dont il est question

au 5ème

exposé des motifs et ce, en raison de leur ethnie, de violation de domiciles dans le but de

commettre des tueries, des pillages, ainsi que celles de pillage, destruction de maisons et de bétail

sont établies à charge de MBONABUCYA Cyprien, NTUYEMBARUSHA, RUKESHA Obed et

MUGABUSAHAKA Jean Bosco car ils sont mis en cause par leurs co-prévenus qui ont recouru

à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité ;

Constate que MUHOZI Samuel et RWAMAKUBA Hamada ont recouru à la procédure d’aveu et

de plaidoyer de culpabilité avant les poursuites et qu’ils se sont livrés eux-mêmes à l’autorité

compétente à cause des infractions qu’ils ont commises ;

Constate que les infractions mises à charge de MUHOZI Samuel par le Ministère Public sont les

suivantes :

1. Avoir été un meurtrier de grand renom, qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou

partout où il est passé à cause du zèle qui l’a caractérisé dans les tueries et de la méchanceté

excessive avec laquelle elles ont été exécutées ;

22ème

feuillet.

2. Avoir fait partie d’une association des malfaiteurs dont le but était de porter atteinte aux Tutsi

et à leurs biens à l’époque du génocide ;

3. Violation de domiciles en vue de piller et de tuer ;

4. Pillage, destruction de maisons et de bétail ;

que rien ne prouve cependant que MUHOZI Samuel a été un meurtrier de grand renom tel qu’il

en est accusé, les 13 témoignages à sa charge ne pouvant pas suffire pour qu’il soit qualifié

comme tel dès lors qu’aucun élément du dossier ne montre qu’il a été caractérisé par un zèle ou

une méchanceté excessive particulière par rapport à ses coauteurs, qu’ainsi le Tribunal estime

qu’il doit être rangé dans la deuxième catégorie tel que prévu par l’article 2 de la Loi organique

n°08/96 du 30/8/1996 ;

Constate que les infractions mises à charge de RWAMAKUBA Hamada par le Ministère Public

sont les suivantes :

1. Avoir formé une association de malfaiteurs dans le but de massacrer les Tutsi et d’autres

adversaires politiques du MRND et de la CDR ;

2. Avoir tué avec préméditation les personnes citées plus haut en raison de leur ethnie ;

3. Violation de domiciles d’autrui dans le but de tuer et de piller des biens ;

4. Avoir pillé des biens, détruit des maisons, abattu le bétail appartenant aux victimes tuées en

raison de leur ethnie ;

Constate que les infractions reprochées à MUHOZI Samuel et de RWAMAKUBA Hamada et

dont ils ont plaidé coupables sont en concours réel tel que prévu par l’article 18 de la Loi

organique n°08/96 du 30/8/1996 et par l’article 94 du code pénal, Livre I ;

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. 88

Constate que MUNYABUGINGO Augustin, HAVUGIMANA Jean Bosco, GACACA Jérémie,

NYILINKWAYA Pierre Damien alias « Flèche », KARANGWA Jean, MAKUZA Jean

Damascène, NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney ont avoué et plaidé coupables des

infractions suivantes :

1. Avoir formé une association de malfaiteurs dans le but de massacrer les Tutsi et d’autres

adversaires politiques du MRND et de la CDR ;

2. Avoir volontairement tué GATERA et ses six enfants, BUGINGO, GATARE,

RWABAGABO, NKULIYINKA, BAZIGAGA, NZEYIMANA, les membres de la famille Pie

NJONGO, KAYIRANGA, UWIMANA et HABIMANA ;

3. Violation de domiciles ;

4. Pillage, destruction de maisons et de bétail appartenant aux victimes qu’ils venaient de tuer ;

ces infractions étant en concours réel ;

Constate que seule l’infraction de meurtre de KARANGWA et MUHIRE à KABARONDO est

établie à charge de KAGINA Félicien car RWAMAKUBA et MUGABUSHAKA l’en chargent,

que le Tribunal doit cependant faire preuve de clémence en sa faveur eu égard à la contrainte qui

a été exercée sur lui par ses coauteurs dont RWAMAKUBA qui le charge dès lors qu’ils lui ont

d’abord donné un coup de machette au cou pour le forcer à accepter de tuer, qu’il doit être

acquitté des autres infractions pour absence de preuves à sa charge ;

Constate que NTUYEHE Simon doit être acquitté de toutes les infractions à sa charge car le

Ministère Public n’en a pas rapporté de preuves tangibles, qu’il apparaît clairement au contraire

que c’est pour porter secours qu’il est arrivé au même moment que l’attaque, cela étant confirmé

par le fait qu’il n’a pas hésité à intercéder en faveur des personnes qui étaient menacées d’être

tuées même si ses supplications n’ont servi à rien puisque ces personnes ont malgré tout été

emmenées et tuées, que par ailleurs les personnes qui le chargent parmi lesquelles figurent

MUHOZI Samuel, MAKUZA, NYILINKWAYA et GACACA, le font par vengeance parce qu’il

les empêchait de tuer, l’autre preuve de son innocence étant que la majorité de ses co-prévenus

l’ont disculpé au cours des débats en audience et qu’il a lui-même nié les faits tout au long de la

procédure ;

23ème

feuillet.

PAR CES MOTIFS ;

Vu la Convention internationale du 9/12/1948 relative à la répression du crime de génocide et

des crimes contre l’humanité ;

Vu l’article I de la Loi Fondamentale du 26/5/1995 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité spécialement en ses articles 1

et 2, 1ère

catégorie a et b, 2ème

et 4ème

catégories, 4, 6, 9, 19, 11, 14a, 15, 16, 17, 18, 30 alinéas 1

et 2, 37 et 39 ;

Vu les articles 6, 12, 57, 1 04, 118, 119, 129, 199, 200 et 201 du Décret-loi n°09/80 du 7/7/1998

portant Code d’organisation et de compétence judiciaires au Rwanda ;

Vu les articles 58, 59, 61, 62, 63, 71, 73, 75, 76, 80, 83, 90, 129, 130 et 138 de la Loi du

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. 89

23/3/1963 portant Code de procédure pénale tel que modifiée jusqu'à ce jour par le Décret-loi

n°07/82 du 07/01/1992 ;

Vu les articles 25, 66 al.2, 3 et 5, 68, 69, 82, 83, 89, 90, 91, 94, 168 al.1, 256 al.1, 281, 282, 304,

311, 312 et 444 du Code pénal, livre I ;

Vu l’article 81 al.2 de la Loi du 15/07/1964 portant Code de procédure civile et commerciale tel

que modifiée par la Loi n°32/85 du 08/11/1985 ;

Vu la Loi n°12/84 du 12/5/1984 relative au mandat de représentation ou d’assistance en justice ;

STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT

Déclare recevable l’action du Ministère Public car régulière en la forme et la dit partiellement

fondée ;

Déclare KANYABUGANDE François coupable des infractions à sa charge mais l’acquitte des

infractions de détention illégale d’arme à feu et de participation à un groupe paramilitaire en

érigeant une barrière, comme cela est expliqué dans les motifs et le range dans la première

catégorie (b) ;

Déclare KAREKEZI Augustin coupable des infractions à sa charge mais l’acquitte de l’infraction

de détention illégale d’arme à feu comme expliqué dans les motifs et le range dans la première

catégorie (a et b) ;

Déclare NSENGIYUMVA Abdu coupable des infractions à sa charge comme expliqué dans les

motifs et le range dans la catégorie 1(b) ;

Déclare MBONABUCYA Cyprien, NTUYEMBARUSHA Jean Claude, RUKESHA Obed et

MUGABUSHAKA Jean Bosco coupables des infractions à leur charge tel qu’expliqué dans les

motifs et les range dans la 2ème

catégorie ;

Déclare MUHOZI Samuel et RWAMAKUBA Hamada coupables des infractions à leur charge

comme expliqué dans les motifs, mais comme ils ont recouru à la procédure d’aveu et de

plaidoyer de culpabilité avant les poursuites, ils doivent bénéficier d’une réduction de peine

comme prévu par la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 en son article 15 et sont rangés dans la

2ème

catégorie ;

Déclare que MUNYABUGINGO Augustin, HAVUGIMANA J.Bosco, GACACA Jérémie,

NYILINKWAYA P. Damier alias Flèche, KARANGWA Jean, MAKUZA J. Damascène et

NTIVUGURUZWA Jean Marie Vianney ont eux aussi recouru à la procédure d’aveu et de

plaidoyer de culpabilité mais après les poursuites, qu’ils doivent donc être punis en vertu de

l’article 16 de la Loi organique n°08/96 du 30/8/1996 et qu’ils sont rangés dans la 2ème

catégorie ;

24ème

feuillet.

Déclare KAGINA Félicien coupable de la seule infraction de meurtre commis sous la contrainte,

qu’il doit bénéficier d’une réduction de peine à cause de cette circonstance atténuante comme

expliqué dans les motifs et qu’il est rangé dans la 2ème

catégorie ;

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. 90

Acquitte NTUYEHE Simon de toutes les infractions qui lui sont reprochées comme expliqué

dans le dernier exposé des motifs;

Déclare KANYABUGANDE François, KAREKEZI Augustin, NSENGIYUMVA Abdu,

MBONABUCYA Cyprien, NTUYEMBARUSHA Jean Claude, RUKESHA Obed,

MUGABUSHAKA Jean Bosco, GACACA Jérémie, NYILINKWAYA Pierre Damien alias

Flèche, KARANGWA Jean, MAKUZA Jean Damascène et NTIVUGURUZWA Jean Marie

Vianney coupables, et NTUYEHE Simon innocent ;

Condamne KANYABUGANDE François à :

- 15 ans d’emprisonnement pour la première infraction ;

- la peine de mort pour la deuxième infraction ;

- acquittement pour le troisième infraction ;

- acquittement pour la quatrième infraction ;

- la peine de mort pour la cinquième infraction ;

- acquittement pour la sixième infraction ;

- 20 ans d’emprisonnement pour la septième infraction ;

- 5ans d’emprisonnement pour la huitième infraction ;

- 2 ans d’emprisonnement pour la neuvième infraction ;

Soit par cumul : la peine de mort et de dégradation civique totale et perpétuelle ;

Condamne KAREKEZI Augustin à :

- la peine de mort pour la première infraction ;

- acquittement pour la deuxième infraction ;

- 5 ans d’emprisonnement pour la troisième infraction ;

Soit par cumul : la peine de mort et de dégradation civique totale et perpétuelle ;

Condamne NSENGIYUMVA Abdu à :

- 15 ans d’emprisonnement pour la première infraction ;

- la peine de mort pour la deuxième infraction ;

- 2 ans d’emprisonnement pour la troisième infraction ;

- 20 ans d’emprisonnement pour la quatrième infraction ;

Soit par cumul : la peine de mort et de dégradation civique totale et perpétuelle.

Condamne MBONABUCYA, NTUYEMBARUSHA, RUKESHA et MUGABUSHA à :

- 20 ans d’emprisonnement chacun pour la première infraction ;

- la peine d’emprisonnement à perpétuité chacun pour la deuxième infraction ;

- 2 ans d’emprisonnement chacun pour la troisième infraction ;

- 20 ans d’emprisonnement chacun pour la quatrième infraction ;

Soit par cumul :peine d’emprisonnement à perpétuité et dégradation civique perpétuelle et totale

à charge de chacun.

Condamne MUNYABUGINGO, HAVUGIMANA, GACACA, NYILINKWAYA,

KARANGWA, MAKUZA et NTIVUGURUZWA à 12 ans d’emprisonnement chacun et à la

dégradation civique prévue par l’article 66, 2°,3°et 5° du Code pénal Livre I ;

Condamne MUHOZI et RWAMAKUBA Hamada à 10 ans d’emprisonnement chacun et à la

dégradation civique prévue par l’article 66,2°,3° et 5° du Code pénal livre I ;

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. 91

Condamne KAGINA Félicien à 2 ans d’emprisonnement ;

25ème

feuillet.

Déclare NTUYEHE Simon acquitté de toutes les infractions ;

Ordonne aux condamnés de payer solidairement les frais de justice correspondant aux 17/18 de

45.775, soit 43.231 francs, dans le délai légal (15 jours), et édicte une contrainte par corps de 30

jours chacun, suivie de l’exécution forcée sur leurs biens ;

Décide la disjonction de l’action civile ;

Dit que le délai d’appel est de 15 jours à partir du prononcé de ce jugement, mais que ceux qui

ont recouru à le procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité n’ont pas le droit d’interjeter

appel ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 2 MAI 1997 PAR LA

CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE BYUMBA

COMPOSEE DES MAGISTRATS : Président : RWAMAKUBA Laurent ; Juges :

GWAKANDI Jean et RUSENGATABARO Isidore, en présence de Barnabé

KABANDANA et François MUSUHUKE, Officiers du Ministère Public, et du Greffier

NTAGWABIRA Innocent.

SIEGE

Juge Président Juge Greffier

GAKWANDI RWAMAKUBA RUSENGATABARO NTAGWABIRA

Jean Laurent Isidore Innocent

(sé) (sé) (sé) sé)

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92

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93

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE CYANGUGU

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94

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95

N°3

Jugement de la Chambre spécialisée du Tribunal de Première Instance de CYANGUGU

du

6 août 1998.

Ministère Public et parties civiles C/ RWAMULINDA Antoine et Consorts.

ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE – ARRESTATION EN COURS DE PROCES

(NON ; ART. 55 CPP) – ARRESTATION ILLEGALE – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –

ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 et 283 CP) – AVEUX

(COMPLETS; PARTIELS) – CATEGORISATION (ART. 2 L.O. 30/08/1996 ; 1ère

CATEGORIE ; 2ème

CATEGORIE) – CRIME DE GENOCIDE– CRIMES CONTRE

L’HUMANITE – DESTRUCTION DE BIENS APPARTENANT A AUTRUI (ART. 444

CP) – DOMMAGES ET INTERETS –PEINE (DEGRADATION CIVIQUE ;

EMPRISONNEMENT A TEMPS; EMPRISONNEMENT A PERPETUITE; PEINE DE

MORT) – PROCEDURE D’AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (AVANT

POURSUITES : ART. 15 L.O. 30/08/1996 ; DEROULEMENT DE L’AUDIENCE : ART.

10 L.O. 30/08/1996) –PREUVE (CHARGE DE LA) – REDUCTION DE PEINE –

TEMOIGNAGES (A CHARGE; A DECHARGE; CONCORDANTS).

1. Procédure – 2ème

prévenu – procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité – déroulement

de l’audience (art. 10 L.O. du 30/08/1996).

2. 7ème

prévenu – détention préventive – demande formulée par le Ministère Public en cours de

procès – rejet (art. 55 CPP).

3. 2ème

prévenu – aveux et plaidoyer de culpabilité avant poursuites acceptés – infractions

établies (association de malfaiteurs, assassinat, génocide) – deuxième catégorie – réduction

de peine (art. 15 L.O. du 30/08/1996).

4. 1er

, 6ème

et 7ème

prévenus – charge de la preuve – absence ou insuffisance de preuve –

acquittement.

5. 7ème

prévenu – arrestation provisoire intervenue – illégalité – libération immédiate.

6. 4ème

et 5ème

prévenus – preuve – aveux partiels – témoignages – infraction établies –

assassinat (art. 312 CP) – association de malfaiteurs (arts. 281, 282 et 283 CP) - génocide –

catégorisation (art.2 L.O. du 30/08/1996)- deuxième catégorie – emprisonnement à

perpétuité.

7. 3ème

prévenu – témoignages - infractions établies – assassinat (art. 312 CP) – association de

malfaiteurs (arts. 281,282 et 283 CP) – génocide – catégorisation (art.2 L.O. du

30/08/1996) – président des jeunes du MRND - première catégorie – peine de mort et

dégradation civique.

8. Destruction volontaire d’habitations (art. 444 CP) – charge de la preuve – infraction non

établie.

9. Dommages et intérêts - préjudice moral – appréciation souveraine quant au montant.

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96

1- Le deuxième prévenu ayant recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité

avant poursuites, l’audience est organisée à son égard conformément au prescrit de l’article

10 de la Loi organique du 30 août 1996.

2- La demande du Ministère Public visant la mise en détention provisoire du 7ème

prévenu qui

comparaît librement est rejetée, l’article 55 du Code de procédure pénale exigeant que le

prévenu demeure jusqu’à la fin du procès dans la condition qui était la sienne au moment

où le Tribunal a été saisi.

3- Le bénéfice de la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité offerte avant les

poursuites est accordé au 2ème

prévenu qui a confirmé ses aveux et ses excuses devant le

Tribunal. Les infractions d’assassinat, d’association de mafaiteur et de génocide ainsi

établies le classent dans la deuxième catégorie visée à l’article 2 de la Loi organique du 30

août 1996. La réduction de peine prévue à l’article 15 de la Loi organique lui est accordée.

Il est condamné à une peine de 7 ans d’emprisonnement.

4- Il appartient au Ministère Public de prouver les faits objet de la poursuite ainsi que leur

imputabilité aux prévenus. Les 1er

, 6ème

et 7ème

prévenus sont acquittés aux motifs qu’aucun

élément figurant au dossier répressif, et aucun des témoignages reçus à l’audience ne

permet d’établir leur culpabilité.

5- L’arrestation du 7ème

prévenu, intervenue au cours du procès en dépit même de la décision

contraire du Tribunal est illégale.

6- Il résulte de leurs aveux partiels et des témoignages recueillis que les 4ème

et 5ème

prévenus

ont participé aux attaques qui leur sont imputées. Les infractions d’assassinat, d’association

de malfaiteurs et de génocide sont établies à leur égard. Leurs actes de participation

criminelle les rangent dans la deuxième catégorie. Ils sont condamnés à la peine de prison à

perpétuité et à la dégradation civique.

7- En dépit ses dénégations, les témoignages recueillis concordent à établir que le 3ème

prévenu était le chef des Interahamwe du secteur et qu’il a dirigé les massacres d’avril

1994 au cours desquels l’ont tuait les Tutsi et ceux qui partageaient leurs opinions. Les

infractions d’assassinat, d’association de malfaiteurs et de génocide sont établies à son

égard. Il est classé en première catégorie et condamné à la peine de mort et à la dégradation

civique perpétuelle.

8- Ni les éléments du dossier ni les témoignages recueillis ne permettent de retenir la

prévention de destruction volontaire d’habitations à charge des prévenus. Ils sont tous

acquittés de cette prévention.

9- Le Tribunal reçoit en la forme les actions civiles qui ont été introduites suivant les formes

prescrites. Les 2ème

, 4ème

et 5ème

prévenus sont condamnés solidairement au paiement des

dommages moraux dont le montant est fixé souverainement.

(NDLR: par arrêt de la Cour d'appel de CYANGUGU en date du 07/10/1999 ce jugement a

été partiellement réformé :

le 3ème

prévenu classé en première catégorie et condamné à mort en première instance

est acquitté ;

Page 97: ASF_JurisprudenceGénocide_3

97

Sur appel du Ministère Public, le 7ème

prévenu acquitté en première instance est rangé en

première catégorie et condamné à la peine de mort.

Sur appel du Ministère Public, le 6ème

prévenu acquitté en première instance est rangé en

deuxième catégorie et condamné à l'emprisonnement à perpétuité.

L'appel du 2ème

prévenu est déclaré irrecevable.

Page 98: ASF_JurisprudenceGénocide_3

98

Page 99: ASF_JurisprudenceGénocide_3

RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998

RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

99

(Traduction libre)

1er

feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE CYANGUGU, CHAMBRE

SPECIALISEE, Y SIEGEANT EN MATIERE D’INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU

CRIME DE GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE COMMISES A

PARTIR DU 1er

OCTOBRE 1990, A RENDU EN DATE DU 06/08/1998, LE JUGEMENT

DONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1. RWAMULINDA Antoine fils de NTAMFURAYINDA Léonard et KABAYUNDO Agathe,

né en 1954 dans la cellule KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA,

préfecture CYANGUGU, y résidant, marié à MUTUMWINKA Marie Immaculée, père de 4

enfants, agriculteur, possédant un cochon et 2 chèvres, sans antécédents judiciaires connus,

en détention préventive depuis le 10/11/1997 ;

2. GAHUNGU Célestin, fils de KAYONGA Ildephonse et MUKANYUNDO, né en 1958

dans la cellule KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture

CYANGUGU, y résidant, marié à MUKARUGINA Anastasie, père de 4 enfants, agriculteur,

possédant une plantation de café, sans antécédents judiciaires connus, en détention préventive

depuis le 01/12/1994 ;

3. UWIBAMBE Jean Pierre fils de KISHI Crispe et NYIRAMINANI Suzanne, né en 1963 à

KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, y

résidant, marié à MUKAKALISA Spéciose, père d’un enfant, agriculteur, sans biens ni

antécédents judiciaires connus, en détention préventive depuis le 17/11/1997 ;

4. HABIMANA Vénuste fils de NGARUKIYE Charles et NYIRAMUGOBOKA Geneviève,

né en 1967 à KARENGE, RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, y

résidant, célibataire, agriculteur, sans antécédents judiciaires connus, en détention préventive

depuis le 13/08/1997 ;

5. TWAGIRAMUNGU Trojan fils de MAHURURU Athanase et KANKINDI Candide, né en

1953 à KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU,

y résidant, divorcé, père de 2 enfants, agriculteur, sans biens ni antécédents judiciaires

connus, en détention préventive depuis le 21/08/1995 ;

2ème

feuillet.

6. RUHINGUBUGI Jean fils de NTAMFURAYINDA Léonard et KABAYUNDO Agathe, né

en 1960 à KARENGERA, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture

CYANGUGU, y résidant, marié à NYIRASHYIRAMBERE Marie Agnès, père de 2 enfants,

agriculteur, sans biens ni antécédents judiciaires connus, en détention préventive depuis le

10/11/1997 ;

Page 100: ASF_JurisprudenceGénocide_3

RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998

RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

100

7. BAZABAZWA Déogratias fils de NTAMFURAYINDA Léonard et KABAYUNDO

Agathe, né en 1948 à KARENGERA, secteur RWAMBOGO, commune GISHOMA,

préfecture CYANGUGU, y résidant, marié à MUKAMUGEMA Antoinette, père de 4

enfants, ex- inspecteur scolaire, sans biens ni antécédents judiciaires connus.

PARTIES CIVILES

1. NYIRANTIBIRAMIRA Cécile fille de RUSATSI Luc et NYARABAGWIZA Cansilde, née

dans le secteur NTENYI, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, résidant dans le

secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU, mariée à MIRUHO

Casimir fils de BIZERINKA et KANGEYO Cécile ;

2. NYIRANDARUHUTSE Eugènie fille de SEKAMANZI et NYIRANKIRE, née à NTENZI,

commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU et résidant à RWIMBOGO, commune

GISHOMA, préfecture CYANGUGU, marié à MUNYANKINDI fils de RUVURA et

NYIRABAJUMBURA ;

PREVENTIONS :

1. Avoir, dans le secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, préfecture CYANGUGU,

République Rwandaise, en avril 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices, commis le

crime d’assassinat, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90, 91 et 312 du Code

pénal ;

2. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs ou

complices commis le crime de génocide, infraction prévue et réprimée par les articles IIIa,

IIIc, et IIIe de la Convention internationale du 9/12/1948 sur la prévention et la répression du

crime de génocide, et l’article 1b de la Convention internationale du 26/11/1968 sur

l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, infraction prévue et

réprimée également par les articles 1, 2, 3, 14, 17 de la Loi organique du 30/8/1996;

3ème

feuillet.

3. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs ou

complices, volontairement détruit les maisons appartenant à autrui, infraction prévue et

réprimée par l’article 444 du Code pénal et l’article 14d de la Loi organique du 30/8/1996;

4. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, crée une association de malfaiteurs,

infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 du Code pénal;

LE TRIBUNAL,

Vu l’action publique introduite par le Premier Substitut du Procureur de la République à

CYANGUGU par sa lettre n° 0120/RMP 78.868/S12/KRL du 29/04/1998 et l’affaire inscrite au

rôle sous le n° RP 0010/98/C.S.C;

Vu l'ordonnance du Président de la Chambre Spécialisée fixant la date d’audience au

21/05/1998;

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RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998

RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

101

Vu que les prévenus se sont vus régulièrement signifier la date d’audience à laquelle ils ont

comparu, le Ministère Public étant représenté par KARANGWA R. Laurent et en présence des

parties civiles ;

Attendu que le greffier fait lecture de l’identité de tous les prévenus et des préventions mises à

leur charge à savoir celles d’assassinat, de génocide, de destruction volontaire des maisons et

d’association de malfaiteurs, que les prévenus reconnaissent chacun en ce qui le concerne,

l’exactitude de l’identité lue ;

Attendu que les parties civiles NYIRABATIRAMIRA Cécile et NYIRANDARUHUTSE

Eugènie déclinent elles aussi leurs identités ;

Attendu que le greffier fait lecture du procès-verbal de recueil des aveux de GAHUNGA Célestin

par l’Officier du Ministère Public, que GAHUNGA reconnaît comme sienne la déclaration

contenue dans ledit procès-verbal et confirme ses aveux tout en présentant ses excuses, qu’il dit

avoir avoué volontairement en toute conscience et sachant les avantages de recourir à cette

procédure ;

Attendu que dans son réquisitoire, le Ministère Public dit que les vérifications faites ont établi la

sincérité des aveux de GAHUNGA qui portent notamment sur le fait d’avoir, dans la cellule

4ème

feuillet.

KARENGE, secteur RWIMBOGO, commune GISHOMA, le 21/04/1995 à 15 heures, donné un

coup de bâton (massue) à un jeune garçon nommé Révocate le fils de MIRUHO Casimir et

NYRANTIBIRAMIRA Cécile, que HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan l’ont

achevé ;

Attendu que NYIRANTIBIRAMIRA Cécile réclame à GAHUNGU des dommages moraux

s’élevant à 20.000.000 Frw pour avoir tué son fils nommé Révocate qui était âgé de 25 ans, que

GAHUNGU Célestin dit que ces dommages moraux sont fondés mais qu’il estime que

NYIRANTIBIRAMIRA mérite 2.000.000 Frw de dommages-intérêts, qu’il ajoute être prêt à se

plier à la décision du Tribunal ;

Attendu que lecture des préventions d’assassinat, de génocide et d’association de malfaiteurs

mises à sa charge lui faite, UWIBAMBE Jean Pierre est invité à présenter ses moyens de défense

sur chacune d’elles ;

Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit qu'il n'a commis aucune des infractions qui lui sont

reprochées, qu’il est victime de fausses accusations ;

Attendu que l'Officier du Ministère Public affirme que UWIBAMBE Jean Pierre a tué le mari de

NYIRANTIBIRAMIRA Cécile (MIRUHO Casimir), ses cinq enfants et ceux de

NYIRANDARUHUTSE Eugènie, que UWIBAMBE réfute catégoriquement les faits en disant

que les enfants de NYIRANTIBIRAMIRA à savoir Révocate et Samuel sont morts après son

arrivée sur les lieux mais qu’il ne les a pas tués, qu’il y a trouvé GAHUNGU Célestin et

beaucoup d'autres personnes en train de discuter sur le meurtre de ces enfants qui étaient chez

HATEGEKIMANA Ladislas, qu’ils les ont tués sous ses yeux;

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RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998

RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

102

Attendu qu’interrogé sur l’identité des personnes qui ont tué les enfants de

NYIRANTIBIRAMIRA Cécile, UWIBAMBE Jean Pierre dit que ce sont GAHUNGU Célestin,

TWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANA Vénuste;

Attendu qu’à la question de savoir d’où il venait quand il est arrivé sur le lieu où ces enfants

Révocate et Samuel ont été tués et pourquoi il y est resté, UWIBAMBE J. Pierre répond qu’il se

trouvait dans un centre de négoce local et que le vieil homme BAYAVUGE Cyprien les a alertés

en disant qu’il était attaqué par des animaux, qu’ils ont accouru et ont constaté qu’il s’agissait

d'êtres humains et non des animaux ;

Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit que les témoins HATEGEKIMANA Ladislas,

Madame Félicitée, NDEREYA, CYUMA et MUSHEDIYO résidant à GISHOMA peuvent

confirmer ce qu’il dit ;

5ème

feuillet.

Attendu qu’interrogé sur la part de responsabilité de BAYAVUGE Cyprien dans l’assassinat de

ces enfants, UWIBAMBE Jean Pierre dit que l’intéressé a alerté ceux qui les ont tués ;

Attendu qu’invité à présenter sa défense sur l’infraction d’association de malfaiteurs,

UWIBAMBE Jean Pierre dit qu’il en plaide non coupable car il n’est pas parti en compagnie de

ceux qui ont tué Samuel et Révocate ;

Attendu qu’à la question de savoir si, comme le dit le Ministère Public, il était le chef des

miliciens Interahamwe au niveau du secteur, UWIBAMBE Jean Pierre répond qu’il était le chef

de la jeunesse du MRND dans le cadre de l’animation ;

Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit qu’il y avait dans son secteur deux groupes de jeunes

du MRND, qu’il était le président de toute la jeunesse du MRND ;

Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre dit que TWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANA

Vénuste font partie de la jeunesse dont il était le président ;

Attendu que lecture des préventions à sa charge lui étant faite, HABIMANA Vénuste dit qu’il a

décidé de dire la vérité sans fatiguer inutilement les juges ;

Attendu que HABIMANA Vénuste dit qu’il plaide coupable de l’assassinat de REBAHINO

Samuel et NGABONZIZA Révocate qu’il a commis en compagnie de GAHUNGA Célestin et

TWAGIRAMUNGU Trojan ;

Attendu qu’il dit que sa part de responsabilité consiste en ce qu’il a donné des coups de massue à

ces enfants, que TWAGIRAMUNGU leur a quant à lui donné des coups de machettes;

Attendu que HABIMANA déclare n’avoir pas vu UWIBAMBE faire quoi que ce soit à ces

enfants sinon qu’ils sont partis ensemble jusqu’à l’endroit où ils étaient ;

Attendu que HABIMANA Vénuste dit que ces enfants ont été tués à cause de leur appartenance à

l'ethnie Tutsi ;

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RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

103

Attendu qu’interrogé sur les circonstances de la mort des autres enfants de MIRUHO, Vénuste

dit qu’il n’en sait rien ;

6ème

feuillet.

Attendu qu’interrogé sur sa part de responsabilité dans l’assassinat des trois enfants de

NYIRANDARUHUTSE Eugènie, HABIMANA Vénuste dit qu’il n’a pas participé à ce crime et

qu’il n’en connaît pas les auteurs ;

Attendu qu’après lecture des préventions à sa charge, TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’il

plaide coupable d’avoir tué à coups de machettes deux enfants de MIRUHO Casimir à savoir

REBAHINO Samuel et NGABONZIZA Révocate ;

Attendu qu’invité à dire la raison pour laquelle il s’en est pris à ces enfants, TWAGIRAMUNGU

dit qu’il n’en sait rien, sinon qu’il avait entendu dire que ces enfants avaient pourchassé ceux de

Cyprien ;

Attendu que TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’il entendait dire que les personnes qui étaient

tuées à cette époque étaient des Tutsi ;

Attendu que TWAGIRAMUNGU Trojan nie catégoriquement avoir fait partie d’un groupe de

malfaiteurs et dit qu'il ne pouvait pas refuser de tuer REBAHINO Samuel et NGABONZIZA

Révocate car la situation était mauvaise ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances de la mort des autres enfants de MIRUHO Casimir et

de ceux de NYIRANDARUHUTSE Eugénie, TWAGIRAMUNGU Trojan dit qu’il n’en sait

rien ;

Attendu que lecture des préventions à charge de BAZABAZWA Déogratias lui est faite ;

Attendu que dans sa défense, BAZABAZWA dit qu’il n’a pas pris part au génocide, qu’il a

plutôt été attaqué par les Interahamwe qui voulaient piller ses biens et tuer son épouse qui était

de l’ethnie Tutsi et qui vivait dans un buisson où elle se cachait ;

Attendu que BAZABAZWA dit qu’en date du 13/04/94, il a été victime d’actes de pillage et de

destruction commis par la bande dirigée par MUGUNDA et dont faisaient partie

TWAGIRAMUNGU Trojan et HABIMANA Vénuste ;

Attendu que BAZABAZWA dit qu'il a encore été la cible de l’attaque du 16/04/94 dirigée par

KANYAMAHANGA Vianney et dont faisaient partie TWAGIRAMUNGU Trojan et

HABIMANA Vénuste, au cours de laquelle quelques-uns des membres de la famille de

MIRUHO Casimir ont été tués ;

7ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir comment il ose nier faire partie des personnes qui ont tué les

enfants de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile alors qu’il a pris les devants pour s’approprier sa

propriété foncière, il répond qu’elle lui a été octroyée par la commune et qu’une quittance lui a

été délivrée à cet effet ;

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104

Attendu que dans sa défense sur l’infraction d’association de malfaiteurs, BAZABAZWA dit

qu’il n’a pas pris part aux attaques et n’a pas appris comment elles étaient organisées ;

Attendu que les témoins présentés à sa décharge par BAZABAZWA sont entendus à savoir

HATEGEKIMANA Ladislas et MPIMUYE François, qu’ils disent que BAZABAZWA ne fait

pas partie des personnes qu’ils ont vues prendre part aux massacres car il était tout le temps chez

lui, qu’il était d’ailleurs seul à la maison car son épouse était pourchassée et se cachait dans des

buissons où BAZABAZWA lui envoyait à manger par l’intermédiaire de son petit frère

RWAMULINDA Antoine ;

Attendu que RWAMULINDA Antoine nie avoir commis les infractions qui lui sont reprochées,

que les témoins HATEGEKIMANA Ladislas et MPIMUYE François, interrogés, affirment ne

jamais l’avoir vu dans une attaque ;

Attendu que dans sa déclaration, NYIRANTIBIRAMIRA Cécile n’apporte pas

d’éclaircissements sur la part de responsabilité de RWAMULINDA Antoine dans les infractions

qui lui sont reprochées à savoir celles d’assassinat et d’association de malfaiteurs ;

Attendu que RUHINGUBUGI Jean plaide non coupable des infractions de génocide, d’assassinat

et d’association de malfaiteurs en disant qu’il n’y a pas pris part, les témoins entendus ayant

affirmé ne pas l’avoir vu dans les attaques ;

Attendu qu’invitée à expliquer les dommages et intérêts qu'elle réclame, NYIRANTIBIRAMIRA

Cécile dit que son action est dirigée contre BAZABAZWA Déogratias, GAHUNGA Célestin,

HABIMANA Vénuste, TWAGIRAMUNGU Trojan, RUHINGUBUGI Jean et RWAMULINDA

Antoine, qu’elle réclame des dommages moraux de 20.000.000 Frw à BAZABAZWA au motif

que celui-ci était à la tête de ceux qui ont tué les membres de sa famille à savoir KAYIRANGA

Canisius, NGABONZIZA Révocat, REBAHINO Samuel, MURWANASHYAKA Théogène,

RUGEMINTWAZA et son père Casimir ;

8ème

feuillet.

Attendu que NYIRANDARUHUTSE Eugénie dit qu’elle réclame à TWAGIRAMUNGU Trojan

et HABIMANA Vénuste des dommages moraux de 10.000.000 Frw pour la perte de ses enfants

NIYIBIZI Théoneste et HABIMANA Théodore, ainsi que des dommages matériels de 5.000.000

Frw pour ses biens endommagés ;

Attendu que le Ministère Public fait un exposé des preuves à charge de GAHUNGA Célestin,

TWAGIRAMUNGU Trojan, HABIMANA Vénuste, BAZABAZWA Déogratias,

RUHINGUBUGI Jean et RWAMULINDA Antoine ;

Attendu que le Ministère Public requiert à l’encontre de UWIBAMBE Jean Pierre, HABIMANA

Vénuste, TWAGIRAMUNGU Trojan et BAZABAZWA Déogratias la peine de mort sur base de

l’article 14 de la Loi organique, ainsi que la dégradation civique perpétuelle sur base de l’article

17 a de la Loi organique ;

Attendu que le Ministère Public requiert à charge de RUHINGUBUGI Jean et RWAMULINDA

Antoine la peine d’emprisonnement à perpétuité sur base de l’article 14 de la Loi organique, ainsi

que la dégradation civique perpétuelle sur base de l’article 66, 2°, 3°, 5° du Code pénal ;

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RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

105

Attendu que le Ministère Public dit que GAHUNGA Célestin a recouru à la procédure d’aveu et

de plaidoyer de culpabilité, qu’il requiert contre lui la peine d’emprisonnement de 11 ans sur

base de l’article 15 de la Loi organique, ainsi que la dégradation civique perpétuelle prévue à

l’article 66, 2°, 3°, 5° du Code pénal ;

Attendu que le Ministère conclut la présentation de ses réquisitions ;

Attendu que l'audience est suspendue pour reprendre le 22/05/1998;

Attendu que le 22/05/1998 toutes les parties comparaissent devant le Tribunal et que l'audience

continue;

Attendu que UWIBAMBE Jean Pierre plaide non coupable en disant qu’il n’a pas pris part aux

assassinats qui lui sont reprochés, mais qu’il en a été témoin oculaire car il se trouvait sur les

lieux ;

9ème

feuillet.

Attendu que UWIBAMBE dit que la preuve qu'il n'a pas commis ces crimes est qu’aucun de ses

coprévenus ne l'en accuse ;

Attendu que relativement à l’action civile, UWIBAMBE dit qu’il ne peut pas être redevable des

dommages et intérêts car il ne se reconnaît pas coupable ;

Attendu que HABIMANA Vénuste dit qu’il plaide coupable mais qu’il réfute le fait d’avoir

détruit un boisement et une bananeraie ;

Attendu que HABIMANA dit qu’il peut être rendu redevable des dommages et intérêts en faveur

de NYIRANTIBIRAMIRA mais qu’il n’a pas les moyens de les payer ;

Attendu que la parole est donnée à TWAGIRAMUNGU Trojan qui dit qu’il plaide coupable de

l’assassinat des enfants de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile mais qu’il rejette toute part de

responsabilité dans l’assassinat des enfants de NYIRANDARUHUTSE Eugénie ;

Attendu que concernant l’action civile, TWAGIRAMUNGU reconnaît qu’il est redevable de

dommages moraux à NYIRANTIBIRAMIRA mais dit qu’il n’en a pas les moyens ;

Attendu que BAZABAZWA Déogratias dit qu’un conflit l'oppose au nommé KAYINAMURA

qui a été présenté comme témoin à charge par le Ministère Public, que ce conflit est né du fait

qu’il a acheté la propriété foncière de KAYINAMURA lors d’une vente aux enchères et qu’un

sentiment de haine s’est installé entre eux ;

Attendu que le Ministère public émet le souhait que BAZABAZWA soit immédiatement mis en

détention préventive parce qu’il y a lieu de craindre sa fuite après les réquisitions à son encontre ;

Attendu que BAZABAZWA Déogratias demande au Tribunal de ne point prendre en

considération l’argument du Ministère public et ce, sur base de la présomption d’innocence

reconnue au prévenu par la loi tant qu’un jugement définitif de condamnation n’est pas encore

intervenu ;

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RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

106

Attendu que BAZABAZWA Déogratias dit qu’il sera redevable des dommages-intérêts s’il est

reconnu coupable ;

10ème

feuillet.

Attendu que le Tribunal se retire en délibéré en date du 22/05/1998 sur l’incident soulevé par le

Ministère Public concernant la mise en détention préventive de BAZABAZWA Déogratias

jusqu'au prononcé du jugement, que sur base de l'article 55 du Code de procédure pénale qui

dispose que le prévenu reste dans l’état où il se trouve au moment où la juridiction est saisie

jusqu’au jugement, il déclare la requête du Ministère Public non fondée et que BAZABAZWA

doit rester en liberté jusqu'à ce que le Tribunal se prononce définitivement sur les infractions qui

lui sont reprochées ;

Attendu que quelques-uns des prévenus demandent que des témoins à leur décharge soient cités,

que quelques-unes des parties civiles formulent une demande dans le même sens ;

Attendu que le Tribunal rend un jugement avant dire droit en date du 25/05/1998 et décide que

les témoins présentés par les parties doivent être cités avant le jugement définitif, que la

réouverture des débats est fixé au 11/06/1998 ;

Attendu qu’à cette date le prévenu BAZABAZWA ne comparait pas, que Me

RUGERINYANGE Eloi et Me SINGENDA Gérard, avocats de la défense, disent que le défaut

de comparution de BAZABAZWA Déogratias est dû au fait qu’il est en détention au siège de la

commune GISHOMA, qu’ils ne peuvent pas le représenter en son absence ;

Attendu que l'Officier du Ministère Public est invité à expliquer cette détention de

BAZABAZWA et qu’il dit que le Ministère Public n’en est pas informé ;

Attendu que l'un des prévenus n’ayant pas comparu parce qu’il est en détention, l’audience est

reportée au 26/06/1998;

Attendu que l’audience se poursuit en date du 26/06/1998 par l’audition des témoins à savoir

MPIMUYE François qui dit qu'il ne sait rien sur les infractions reprochées à BAZABAZWA

sinon qu’il le voyait chez lui entrain de veiller sur son épouse, HATEGEKIMANA Ladislas qui

dit avoir été témoin oculaire de l’assassinat des enfants de NYIRANTIBIRAMIRA à savoir

NGABONZIZA Révocate et de REBAHINO Samuel qui ont été tués par TWAGIRAMUNGU

Trojan, HABIMANA Vénuste et GAHUNGA Célestin mais que BAZABAZWA n'a aucune part

de responsabilité dans les faits qui lui sont reprochés, MUKANDOLI Candide qui dit qu'elle n'a

pas vu BAZABAZWA, RUHINGUBUGI et RWAMULINDA dans les expéditions meurtrières,

qu’elle a cependant entendu dire qu’ils participaient aux rondes ;

11ème

feuillet.

Attendu que tous les témoins n'ayant pas été entendus, l'audience est remise au 09/07/98;

Attendu qu'à cette date l'audience se poursuit en présence de toutes les parties par l'audition des

témoins, que NSABIMANA André dit qu'il sait que les enfants de Casimir à savoir

NGABONZIZA Révocate et REBAHINO Samuel ont été tués par TWAGIRAMUNGU Trojan,

HABIMANA Vénuste et GAHUNGA Célestin ;

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RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

107

Attendu que le témoin BARANZAMBIYE Jacques, invité à parler de la mort des enfants de

NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et de son mari ainsi que de celle des enfants de

NYIRANDARUHUTSE Eugénie, dit au Tribunal qu’il a un lien de parenté avec

NYIRANTIBIRAMIRA mais qu’il ne sait rien sur les circonstances de la mort des enfants et du

mari de celle-ci, ainsi que de ceux de NYIRANDARUHUTSE Eugénie car il n’en a pas été

témoin oculaire, qu’il ne peut pas ainsi être utile au Tribunal ;

Attendu que Maître Boubou DIABIRA, Conseil des parties civiles, dit qu’il ne change rien sur

les déclarations des témoins entendus mais qu’il faudrait en entendre d’autres ;

Attendu que Me RUGERINYANGE Eloi et Me SINGENDA Gérard, avocats de la défense, ont

été remplacés par Me Véronique et Me MANIRAGUHA Damien ;

Attendu que Me Véronique dit qu’aucune preuve sur l’implication de BAZABAZWA,

RWAMULINDA et RUHINGUBUGI dans le génocide ou dans des actes de destruction ne

ressort ni des débats ni des preuves rapportées par le Ministère Public, et encore moins des

témoignages recueillis ;

Attendu que Me MANIRAGUHA P. Damien, Conseil de GAHUNGA Célestin, HABIMANA

Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan, dit que de tous les témoins entendus, seule

MUKANDOLI Candide a dit que ses clients ont tué les enfants de NYIRANTIBIRAMIRA

Cécile et ceux de NYIRNDARUHUTSE Eugénie et qu’elle est la tante de ces enfants, qu’elle a

donc un intérêt dans l’affaire et qu’à ce titre, elle ne peut pas être considérée comme témoin ;

Attendu que la parole est donnée en dernier lieu aux prévenus et que les débats sont ensuite clos,

le prononcé étant fixé au 16/7/1998 ;

12ème

feuillet.

Attendu qu’à cette date le prononcé n’a pas lieu car l’un des membres du siège est malade, qu’en

date du 21/07/1998, le Tribunal reçoit un procès-verbal subséquent émanant du parquet et relatif

au cas de BAZABAZWA Déogratias seul, faisant état du motif de détention du prévenu, qu'il dit

que ce motif n'a aucun lien avec les faits criminels poursuivis en cette affaire, mais que le

Tribunal déclare que cela n'est pas fondé ;

Quant au pénal

Constate que l’action introduite par le Ministère public est recevable car elle est régulière en la

forme et, après examen, constate qu’elle est partiellement fondée ;

Constate que GAHUNGA Célestin est poursuivi pour génocide, assassinat et association de

malfaiteurs ;

Constate que GAHUNGA Célestin a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité ;

Constate que lors des débats en audience, GAHUNGA Célestin a confirmé son plaidoyer de

culpabilité et présenté ses excuses ;

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RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

108

Constate que les infractions pour lesquelles GAHUNGA Célestin est poursuivi sont en concours

idéal, qu’il doit être condamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle de

génocide ;

Constate que les infractions reprochées à GAHUNGA Célestin le rangent dans la 2ème

catégorie ;

Constate que GAHUNGA a avoué et plaidé coupable du crime de génocide, qu’il doit bénéficier

d’une réduction de peine tel que prévu par l’article 15 de la Loi organique n°08/96 du

30/08/1996 ;

Constate que UWIBAMBE Jean Pierre est poursuivi pour assassinat, génocide et association de

malfaiteurs ;

Constate que UWIBAMBE Jean Pierre a nié catégoriquement toutes les infractions à sa charge,

mais qu’il ressort des témoignages de KAYINAMURA Callixte, MURANGA Faustin et

HATEGEKIMANA Ladislas qui a été cité par BAZABAZWA, que UWIBAMBE J. Pierre était

le chef des Interahamwe au niveau du secteur, et qu’il a dirigé les massacres en avril 1994 à

l’époque où l’on tuait les Tutsi et ceux qui partageaient leurs opinions ;

13ème

feuillet.

Constate que les infractions reprochées à UWIBAMBE sont en concours idéal, qu’il doit être

condamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle de génocide ;

Constate que les infractions à charge de UWIBAMBE Jean Pierre le rangent dans la première

catégorie ;

Constate que HABIMANA Vénuste est poursuivi pour assassinat, génocide et association de

malfaiteurs ;

Constate que de toutes les infractions qui lui sont reprochées, HABIMANA Vénuste plaide

coupable de l’assassinat des enfants de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile à savoir NGABONZIZA

Révocate et REBAHINO Samuel à cause de leur appartenance à l’ethnie Tutsi, qu’il plaide non

coupable des autres infractions, mais qu’il est établi qu’il a participé à l’attaque qui a coûté la vie

à MIRUHO Casimir le mari de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et ses 3 fils KAYIRANGA

Canisius, MURWANASHYAKA Théogène et RUGEMINTWAZA Louis, et qu’il a participé

également à l’assassinat des enfants de NYIRANDARUHUTSE Eugénie à savoir NIYIBIZI

Théoneste et HABIMANA Théodore ;

Constate que ces infractions reprochées à HABIMANA Vénuste sont en concours idéal, qu’il

doit être condamné à la peine prévue pour l’infraction la plus grave à savoir celle de génocide ;

Constate que les infractions reprochées à TWAGIRAMUNGU Trojan le rangent dans la 2ème

catégorie ;

Constate que RWAMULINDA Antoine est poursuivi pour assassinat, génocide et association de

malfaiteurs ;

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RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

109

Constate qu’aucune preuve tangible de la culpabilité de RWAMULINDA ne se dégage ni des

éléments du dossier établi par le Ministère Public ni des témoignages recueillis, qu’il doit en être

acquitté ;

Constate que RUHINGUBUGI Jean est poursuivi pour assassinat, génocide et association de

malfaiteurs ;

Constate cependant qu’il n’y a aucune preuve sur laquelle le Tribunal peut se baser pour le

déclarer coupable, qu’aucune infraction n’est établie à sa charge et qu’il doit être acquitté ;

14ème

feuillet.

Constate que BAZABAZWA Déogratias est poursuivi pour assassinat, génocide et association de

malfaiteurs ;

Constate cependant qu’aucune preuve sur laquelle le Tribunal peut se baser pour le déclarer

coupable ne se dégage ni du dossier établi par le Ministère Public ni des témoignages recueillis ;

Constate que concernant l’arrestation de BAZABAZWA Déogratias dont il est question dans le

procès-verbal subséquent transmis au Tribunal par le Ministère Public, il ressort de l'examen de

ce procès-verbal que cette détention de BAZABAZWA est illégale, qu’il doit être libéré;

Constate que l’infraction de destruction volontaire de maisons habitées n’est établie à charge

d’aucun prévenu car le Ministère Public n’en a pas rapporté la preuve et que les témoins

entendus ne l’ont pas confirmée ;

2° Quant à l’action civile

Constate que l’action introduite par NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et NYIRANDARUHUTSE

Eugénie est recevable car elle est régulière en la forme ;

Constate que HABIMANA Vénuste, TWAGIRAMUNGU Trojan et GAHUNGA Célestin ont eu

une part de responsabilité dans l’assassinat des enfants de NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et de

NYIRANDARUHUTSE Eugénie, qu’ils doivent être condamnés au paiement des dommages-

intérêts en cette affaire ;

Constate que GAHUNGA Célestin, HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan

doivent payer solidairement des dommages moraux s’élevant à 6.100.000 Frw à allouer à

NYIRANTIBIRAMIRA Cécile, soit 1.000.000 Frw pour la perte de chaque enfant ainsi que

1.100.000 Frw pour celle de leur père ;

Constate également que HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan doivent payer

solidairement des dommages moraux s’élevant à 2.000.000 Frw à allouer à

NYIRANDARUHUTSE Eugénie, soit 1.000.000 Frw pour la perte de chaque enfant ;

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RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998

RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

110

PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;

15ème

feuillet.

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise, spécialement la Constitution du 10 juin

1991 telle que modifiée à ce jour en ses articles 12, 14, 92, 93 et 94, et les Accords de Paix

d’Arusha dans leur partie relative au partage du pouvoir spécialement en ses articles 27 et 33 ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 du 07/07/1980 portant Code d’organisation et compétence judiciaires

au Rwanda tel que modifié à ce jour en ses articles 6, 12, 104, 123, 135, 136, 139, 199 et 200 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises depuis le 1er

octobre 1990 spécialement en ses articles 12, 14, 15, 17, 20, 21, 23, 30, 36, 37, 39 ;

Vu le Décret-loi du 23 novembre 1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce

jour en ses articles 16, 17, 19, 20, 58, 61, 71, 76, 83, 90 ;

Vu le Décret-loi n°21/77 du 18 août 1977 instituant le Code pénal rwandais tel que modifié à ce

jour spécialement en ses articles 82, 83 et 312 ;

Déclare recevable l’action introduite par le Ministère Public car elle est régulière en la forme et,

après examen, la déclare partiellement fondée ;

Déclare que GAHUNGA Célestin, HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan perdent

le procès, que NYIRANTIBIRAMIRA Cécile et NYIRANDARUHUTSE Eugènie obtiennent

gain de cause ;

Déclare que RWAMULINDA Antoine, RUHINGUBUGI Jean et BAZABAZWA

Déogratias ne sont pas coupables ;

Condamne GAHUNGA Célestin à 7 ans d’emprisonnement ;

Condamne HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan à la peine d’emprisonnement à

perpétuité et à la dégradation civique prévue à l’article 66, 2°, 3° et 5° du Code pénal ;

Condamne UWIBAMBE Jean Pierre à la peine de mort et à la dégradation civique perpétuelle ;

16ème

feuillet.

Déclare RWAMULINDA Antoine, RUHINGUBUGI Jean et BAZABAZWA Déogratias

acquittés ;

Ordonne à GAHUNGA Célestin, HABIMANA Vénuste, et TWAGIRAMUNGU Trojan de

payer solidairement à NYIRANTIBIRAMIRA Cécile 6.100.000 Frw de dommages moraux dans

le délai légal sinon exécution forcée sur leurs biens ;

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RMP 78 868/S2/KRL JUGEMENT DU 06/08/1998

RP 0010/98 C.S.CYANGUGU

111

Ordonne à HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan de payer à

NYIRANDARUHUTSE Eugènie 2.000.000 Frw de dommages moraux dans le délai légal sinon

exécution forcée sur leur biens ;

Ordonne à HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan de payer solidairement le droit

proportionnel de 4% équivalent à 80.000 Frw dans le délai légal sinon exécution forcée sur leurs

biens ;

Ordonne à GAHUNGU Célestin, HABIMANA Vénuste et TWAGIRAMUNGU Trojan de payer

solidairement les frais d’instance s’élevant à 62.900 Frw dans le délai légal sinon exécution

forcée sur leurs biens ;

Rappelle aux parties que le délai d’appel est de 15 jours ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 06/08/1998 PAR

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE CYANGUGU CHAMBRE

SPECIALISEE DONT LE SIEGE EST COMPOSE DE HABIMANA Védaste,

PRESIDENT, SEBAHIZI Alexandre ET BITSINDINKUMI Innocent, JUGES, EN

PRESENCE DE KARANGWA Laurent, OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC, ET DU

GREFFIER NYIRAHAGENIMANA Enatha.

SIEGE

JUGE PRESIDENT JUGE

SEBAHIZI Al. HABIMANA V. BITSINDINKUMI I.

(Sé) (Sé) (Sé)

GREFFIER

NYIRAHAGENIMANA E.

Page 112: ASF_JurisprudenceGénocide_3

112

Page 113: ASF_JurisprudenceGénocide_3

113

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE

GIKONGORO

Page 114: ASF_JurisprudenceGénocide_3

114

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115

N°4

Jugement du Tribunal de Première Instance de GIKONGORO

du

20 Février 2002.

Ministère Public C/ BIZIMANA Antoine Alias MABUYE.

ACTION CIVILE (LIEN DE CAUSALITE) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –

ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET 283 CP) –

CATEGORISATION (3ème

CATEGORIE – ART 2 L.O. 30/08.96) – CRIME DE

GENOCIDE – CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DESCENTE DU TRIBUNAL SUR

LE LIEU DES FAITS – DESTRUCTION DE MAISON D'AUTRUI (ART. 444 CP) –

HUIS CLOS – NON-ASSISTANCE A PERSONNE EN DANGER (ART. 256 CP) -PEINE

(5 ANS D'EMPRSIONNEMENT; DEGRADATION CIVIQUE) – PREUVE

(ADMINISTRATION DE; VALIDITE DE) –– SUSPICION LEGITIME -

TEMOIGNAGES (A CHARGE; A DECHARGE; CONTRADICTION ET FAUX

TEMOIGNAGES; SUBORNATION DE) – VIOLATION DE DOMICILE (ART. 305 CP).

1. Saisine du Tribunal – renvoi par la Cour de Cassation suite à requête en suspicion légitime.

2. Descente sur les lieux.

3. Témoins – huis clos – dénonciation de faux témoignages organisés et de subornation de

témoins.

4. Témoin ayant suivi les débats – témoin ayant un lien de parenté avec le prévenu – audition

hors serment.

5. Prévenu – infractions non établies (assassinat, violation de domicile, destruction de maison,

non-assistance à personnes en danger, détention illégale d'arme à feu).

6. Prévenu – infraction établie (association de malfaiteurs) – troisième catégorie – cinq ans

d'emprisonnement et dégradation civique.

7. Action civile – préjudice lié à des infractions non établies –action recevable mais non fondée.

1. Le Tribunal est saisi sur renvoi prononcé par la Cour de cassation qui a fait droit à la requête

en suspicion légitime introduite par le prévenu à l’encontre de la Chambre Spécialisée du

Tribunal de Première Instance de Butare devant laquelle l’examen de l’affaire avait été

entamé.

2. Le Tribunal procède à une descente sur les lieux des faits.

3. L’huis clos est accordé à un témoin qui dénonce l’organisation de faux témoignages, afin

qu’il puisse dénoncer ceux qui ont l’ont incité à mettre en cause le prévenu.

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116

4. Le Tribunal fait droit à la demande du prévenu visant à ce que un témoin à charge qui a suivi

les débats lors des audiences précédant sa déposition ne soit pas entendu sous serment Il fait

également droit à la demande de l'avocat des parties civiles visant à ce que un témoin qui a un

lien de parenté avec le prévenu ne soit pas entendu son serment.

5. Sont déclarées non établies à charge du prévenu, les infractions de:

Assassinat, car les témoins qui le mettent en cause ne précisent pas l’identité des victimes de

la mort desquelles il serait responsable, et même son principal accusateur ne lui attribue pas

cette infraction. Les témoignages concernant l’arme dont il aurait fait usage ne peuvent être

considérés comme probants dès lors qu’ils se contredisent.

Violation de domicile, car les témoins entendus ne l’accusent pas d’être entré dans des

maisons.

Destruction de maisons, dont il est disculpé par les différents témoignages recueillis,

l’accusation restant en défaut de réfuter les affirmations du prévenu selon lesquelles la

maison en cause aurait été détruite avant son arrivée dans la région, et selon lesquelles les

matériaux qu’il déclare avoir achetés ne provenaient pas des maisons détruites.

Non-assistance à personnes en danger, car d'une part, l’accusation reste en défaut de

démontrer que le prévenu avait les moyens de porter secours aux victimes sans risque pour

lui et se serait abstenu de le faire, et d'autre part, le prévenu ne peut se voir reprocher de

s’être abstenu de secourir les personnes dont il est en même temps accusé d’avoir voulu la

mort.

Détention illégale d'arme à feu car les infractions constitutives du crimes de génocide visées

par la Loi organique du 30 août 1996 sont celles prévues par le Code pénal. L’infraction de

détention illégale d’arme à feu n'étant pas prévue par le Code pénal, elle ne peut faire l’objet

de poursuites dans un procès de génocide.

6. Est déclarée établie à charge du prévenu, l'infraction d'association de malfaiteurs, car même

s'il n'a pas commis de meurtre, les témoignages entendus démontrent qu'« il avait l'habitude

de se promener en compagnie de quelques-uns des tueurs» parmi lesquels figurait son petit

frère, qu’il a participé à des réunions, qu’il a pris part à une perquisition en compagnie des

malfaiteurs, et qu’il suivait de près les actes des tueurs. L’infraction établie range le prévenu

en troisième catégorie. Il est condamné à 5 ans d'emprisonnement ainsi qu'à la dégradation

civique.

7. L’action des parties civiles est déclarée recevable mais non fondée, le préjudice qu’elles

invoquent étant lié à la perte de membres de leur famille ou à des atteintes à leurs biens pour

lesquels la responsabilité du prévenu n’a pas été retenue.

(NDLR: Par arrêt de la Cour d'appel de NYABISINDU en date du 11/12/2002, ce jugement a

été réformé : l’appel du prévenu y est déclaré recevable et fondé, et il est acquitté de

l’ensemble des infractions).

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RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002

RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO

117

(Traduction libre) 1er

Feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GIKONGORO SIEGEANT A

GIKONGORO EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMES CONTRE

L’HUMANITE, A RENDU LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

BIZIMANA Antoine alias MABUYE, fils de KANYAMIGANDA André et

MUKAGAKWAYA Marie, né en 1954 à NDOBOGO, secteur GIHINDAMUYAGA, Commune

MBAZI, Préfecture BUTARE, République Rwandaise, résidant dans la cellule KANSEREGE,

secteur KAMUTWA, commune KICUKIRO, Préfecture de la ville de KIGALI, marié à

MUKASINE Marie Claire, père de 3 enfants, ex-agent de l’Etat, possédant deux maisons sises

respectivement à NDOBOGO et KACYIRU, sans antécédents judiciaires connus.

PREVENTIONS :

- Avoir, dans le secteur GIHINDAMUYAGA, Commune MBAZI, Préfecture BUTARE,

République Rwandaise, entre avril et juillet 1994, comme auteur, coauteur ou complice tel

que prévu par l’article 3 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 et les articles 89, 90 et

91 du Code pénal Livre I, commis le crime de génocide et d’autres crimes contre l’humanité

prévus par la Convention du 09/12/1948 sur la répression du crime de génocide, la

Convention de Genève du 12/08/1949 sur la protection des personnes civiles en temps de

guerre ainsi que les Protocoles Additionnels, la Convention du 26/11/1968 sur

l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, toutes trois ratifiées

par le Rwanda par le Décret-loi n°08/75 du 12/02/1975 ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur, coauteur ou

complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, commis des

assassinats dans le but de détruire le groupe ethnique Tutsi, infraction prévue et réprimée par

l’article 312 du Code pénal livre II ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux comme auteur, coauteur ou

complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, fait partie d’une

association de malfaiteurs dont le but était d’exterminer les Tutsi, infraction prévue et

réprimée par les articles 281, 282 et 283 du Code pénal livre II ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, violé les domiciles d’autrui,

infraction prévue et réprimée par l’article 305 du Code pénal livre II ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur, coauteur ou

complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, détruit les maisons

d’autrui, infraction prévue et réprimée par l’article 444 du Code pénal livre II ;

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RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002

RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO

118

2ème

Feuillet.

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur, coauteur ou

complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, omis de porter

assistance ou de provoquer du secours en faveur des personnes en péril alors qu’il ne pouvait

en résulter aucun danger pour lui, infraction prévue et réprimée par l’article 256 du Code

pénal livre II ;

LE TRIBUNAL :

Vu qu’après l’instruction préparatoire par le Parquet de la République à BUTARE, les pièces de

la procédure ont été communiquées au Tribunal de Première Instance de BUTARE, que

l’instruction d’audience qui avait commencé a dû être suspendue suite à la requête de renvoi pour

cause de suspicion légitime introduite à la Cour de Cassation ;

Vu que par arrêt de renvoi RPP006 du 24/10/2000 rendu par la section Cour de Cassation de la

Cour Suprême, l’affaire a été renvoyée pour connaissance au fond à la Chambre Spécialisée du

Tribunal de Première Instance de GIKONGORO ;

Vu l’inscription de la présente affaire au rôle en date du 10/12/2000 sous le N° RP

0098/3/GIRO ;

Vu l’ordonnance du Président du Tribunal pris en date du 12/06/2001 et fixant l’affaire au

18/09/2001 ;

Vu qu’à cette date l’audience n’a pas lieu car deux des magistrats du siège participaient à un

séminaire de formation à KIGALI, qu’elle est reportée au 18/10/2001, date à laquelle elle a lieu,

le prévenu BIZIMANA Antoine ayant pour Conseil Me GRACIAS NOUTAIS-HOLO de

l’association « Avocats Sans Frontières » et Me BIZINDORI Robert, les parties civiles étant

représentées par Me RWANGAMPUHWE François, avocat au barreau du Rwanda ;

Attendu que BIZIMANA Antoine plaide non coupable et dit que les accusations portées contre

lui sont de pures inventions, que ceux qui le mettent en cause n’ont pas été témoins oculaires de

ce qu’ils allèguent et qu’il y a de nombreux témoins qui peuvent le disculper ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il y a de nombreuses pièces irrégulières, soit celles qui

sont incomplètes, soit celles qui lui attribuent mensongèrement les faits qui lui sont reprochés,

qu’ainsi les accusations portées à son encontre ne sont pas fondées ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit que l’allégation de l’Officier du Ministère Public selon

laquelle le prévenu avait accès à toute correspondance parvenue aux services du Premier Ministre

est fausse dès lors qu’il n’était pas, en date du 20/06/1997, un agent de ces services, que même la

lettre écrite par le Bourgmestre de la commune MBAZI n’a pas de valeur dès lors qu’elle n’a pas

de destinataire ;

Attendu que BIZIMANA Antoine soulève l’irrégularité des procès-verbaux cotés de 285 à 289

ainsi que ceux cotés de 298 à 303,

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RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO

119

3ème

Feuillet.

en ce que les premiers ne mentionnent pas leur auteur et ne sont même pas signés, et que ce n’est

pas la lettre envoyée au Premier Ministre qui a fait l’objet du rapport établi mais que c’est plutôt

le procès-verbal dressé par le Sergent KABASHA qui a été envoyé sans cependant comporter la

formule de serment de cet officier de police judiciaire, qu’il poursuit en disant qu’il conteste

également les procès-verbaux cotés de 304 à 309 car le Procureur Général près la Cour d’Appel

de NYABISINDU a relevé les noms des témoins à charge de BIZIMANA Antoine ainsi que les

faits dont ils l'incriminent sans que les procès- verbaux de leurs auditions aient été établis et qu’il

est fait mention d’un Officier du Ministère Public inexistant nommé MUYOBOKE Félicien,

qu’il dit qu’aucune force probante ne doit être attachée à ce procès-verbal dès lors que le dossier

n’était pas encore au degré d’appel quand le Procureur Général à NYABISINDU l’a dressé ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’aucune force probante ne doit également être attachée

aux procès-verbaux cotés de 274 à 283 ainsi qu’à celui du Dr. RUCYAHANA même s’il ne

l’incrimine en rien, qu’il poursuit en disant qu’il n’était pas au Rwanda avant la guerre et n’a pas

pris part aux activités des partis politiques, qu’il en produit pour preuve un passeport et souligne

qu’il aurait quitté le pays s’il avait réellement commis le génocide, qu’il dit qu’il avait reçu un

éclat aux jambes de sorte qu’il était incapable de se livrer à des meurtres et produit des

documents médicaux délivrés à BUTARE qui sont versés au dossier;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il existe des rapports établis par le Parquet de BUTARE

qui confirment son innocence et notamment ceux cotés de 290 à 294 et de 295 à 297, que leur

contenu concorde avec celui des rapports établis par les services de renseignements ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il se trouvait à KIBABARA mais qu’il est accusé de

faits perpétrés à GIHINDAMUYAGA, qu’il produit la carte portant sur les emplacements de ces

endroits qui est versée au dossier ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit que l’autre preuve de son innocence est que quarante trois

personnes qui ont été interrogées par le parquet ont dit qu’il n’a pas participé au génocide, que le

nommé "M" a par ailleurs indiqué dans un écrit que ceux qui accusent BIZIMANA Antoine lui

ont demandé un concours à cet effet ;

Attendu que l’audience est suspendue et reportée au 19/10/2001 ;

Attendu que l’audience continue le 19/10/2001 et que BIZIMANA poursuit sa défense en disant

que les accusations à sa charge ne sont pas étayées par des preuves palpables, qu’il demande au

Tribunal d’inviter le Ministère Public à produire les preuves afin qu’il puisse présenter ses

moyens de défense en connaissance de cause ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public fait un exposé sur les circonstances de lieux des

infractions reprochées à BIZIMANA Antoine ;

Attendu que BIZIMANA dit que le crime de génocide est d’une très grande gravité si bien qu’il

faudrait en produire des preuves formelles, que cela n’est cependant pas le cas de la part du

Ministère Public ;

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RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO

120

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il va aborder sa défense par le témoignage du Dr.

RUCYAHANA Alexandre qui est à l’origine de toutes ces accusations, qu’il explique qu’il se

trouvait à GISENYI avant la guerre et qu’il est venu à BUTARE pour la fête de Pâques mais que,

arrivé à KIGALI, il a logé à KACYIRU jusqu’au 18/04/1994, date à laquelle un projectile tiré sur

son domicile l’a blessé ainsi que son épouse, qu’ils sont passés par BUTARE mais que, suite aux

nombreuses barrières qui jalonnaient leur itinéraire, le conducteur du véhicule à bord duquel ils

se trouvaient a refusé de les conduire au Monastère de GIHINDAMUYAGA

4ème

Feuillet.

où il a vécu chez son petit frère HABYARIMANA Joseph qui était le voisin du Dr.

RUCYAHANA Alexandre et où ils sont arrivés dans la soirée du 19/04/1994, car ils devaient se

faire soigner et chercher comment survivre étant donné qu’ils n’avaient rien sur eux, que cela

dément les affirmations du Dr. RUCYAHANA selon lesquelles il est arrivé là le 15/04/1994,

qu’il n’était donc pas sur les lieux quand des jeunes hommes ont commis, aux dates des 18 et

19/04/1994, les faits dont parle le Dr. RUCYAHANA qui va jusqu’à affirmer que BIZIMANA

était présent ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas assisté à un quelconque meurtre durant son séjour à

GIHINDAMUYAGA car même ceux qui sont morts à GIHINDAMUYAGA ont été tués en date

du 22/04/1994 au camp des jeunes en face du domicile de son petit frère où il se trouvait ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’ils sont allés se faire soigner à BUTARE le 20/04/1994

et sont revenus le 21/04/1994, date à laquelle les miliciens Interahamwe venus de tous les coins

ont encerclé RUGANGO, le camp des jeunes et SOVU sous la direction de REKERAHO, que

BIZIMANA était à ce moment chez son petit frère en compagnie de celui-ci, et que c’est là où se

cachait Bonifride si bien que BIZIMANA était présent quand REKERAHO et les miliciens

Interahamwe l’ont enlevée ;

Attendu que BIZIMANA dit que de nombreuses personnes étaient dans les différentes chambres

de cette maison, que BIZIMANA se cachait car il était opposé aux miliciens Interahamwe et

pouvait même être tué à cause des fonctions qu’il exerçait ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit que KAYITESI qui le charge d’avoir trempé dans le

meurtre de Bonifride se trouvait à cette date à KIGALI, qu’il relève que KAMPOGO Jeanne,

dans son témoignage figurant à la cote 28, affirme avoir vu BIZIMANA dans l’attaque qui a

coûté la vie à Bonifride au moment où elle se cachait dans des bambous mais change de

déclaration à la cote 140 et dit qu’elle ignore où la victime a été tuée, que cela prouve que

KAMPOGO ment ;

Attendu que BIZIMANA dit que MUKAMULIGO Bonifride a vu REKERAHO amener

Bonifride car elle a été tuée au camp des jeunes alors que BIZIMANA était toujours au lit pour

cause de maladie, qu’il n'a pas parlé à REKERAHO et n’est pas arrivé à SOVU ou au camp des

jeunes à cette date, qu’ils ne sont arrivés au camp des jeunes qu’en date du 26/04/1994 pour

enterrer les victimes sur demande de l’Abbé Jean, qu’il ne sait rien sur les victimes qui y ont été

tuées ;

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RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO

121

Attendu que BIZIMANA dit que KAMPOGO ment quand elle affirme l’avoir vu à SOVU le

20/04/1994, car elle se trouvait chez MUKANTAGARA Jacqueline à cette date, que même

REKERAHO, lors de ses aveux des crimes commis à SOVU, n’a point dit que BIZIMANA en a

été son coauteur ;

Attendu que BIZIMANA déclare être arrivé à la paroisse de RUGANGO en date du 26/04/1994

juste à la fin de l’enterrement des victimes qui avaient été tuées le 22/04/1994, que c’est avant

l’enterrement qu’on leur a dit qu’il y avait dans les cadavres un enfant encore en vie, que la

population a alors décidé de chercher le Dr. RUCYAHANA qui est venu et que l’enfant a été

transporté à l’hôpital, mais qu’ils ne sont pas arrivés là où se trouvait l’enfant ;

Attendu que BIZIMANA Antoine dit qu’il n’a eu aucune part de responsabilité dans les

assassinats de KAREMERA Vital, BUTERA J. Paul, BUTERA Marthe et BUTERA Antoine car

l’auteur de l’assassinat de KAREMERA est mentionné dans les procès-verbaux cotés de 280 à

294 et que le curé du monastère en a détaillé les circonstances, et que

5ème

Feuillet.

MUKAMULIGO et SERUSATSI qui était le responsable de la cellule affirment que BIZIMANA

n’a tué personne ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il se trouvait à KIBABARA lors de l’assassinat des enfants de

Marceline en date du 25/04/1994 et que cela est confirmé par les témoignages de

MUKAKARUTA, BAKUNDUKIZE Isaïe, NDASUBIRA Alphonse, BAGARAGAZA Thadée

et SEKAMANA Déo, qu’il continue en disant qu’il était également à KIBABARA lors de

l’assassinat des enfants de MBUNGIRA ;

Attendu que BIZIMANA dit que ce n’est pas lui qui a tué les moines car le curé a donné

l’identité de leurs assassins et a bien spécifié que BIZIMANA n’en faisait pas partie, que même

les autres frères religieux ont dit que les auteurs de ces assassinats sont REKERAHO et les

miliciens Interahamwe ;

Vu que l’audience est reportée au 24/10/2001, qu’à cette date BIZIMANA poursuit sa défense en

disant qu’il ne pouvait rien faire pour défendre Bonifride étant donné que REKERAHO dirigeait

les attaques en appliquant les consignes qui lui étaient données par les autorités et étant avec des

militaires ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il y a lieu d’entendre le médecin qui l’a soigné le 21/04/1994

pour établir qu’il n’est pas personnellement arrivé au camp des jeunes à cette date car il avait

subi un examen de radiographie le 20/04/1994 ;

Attendu que la partie civile UWIRINGIYE Agnès dit que les tueries qui ont été perpétrées au

camp des jeunes n’ont pas eu lieu le 22/04/1994 mais plutôt le 21/04/1994, qu’elle a vu, en date

du 25/05/1994, BIZIMANA en compagnie de REMERA et HABYARIMANA et que c’est à

cette date que les 4 enfants de NYIRAMUKAMISHA ont été tués et jetés dans les latrines de

MBUNGIRA, de même que deux fils de KARUYUNDO et les enfants de

MUKARUTEGANYA, que la responsabilité de BIZIMANA réside en ce qu’il disait qu’il ne

voulait plus les revoir et qu’il avait une massue ;

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122

Attendu que BIZIMANA dit qu’il plaide non coupable d’association de malfaiteurs, car il est

faux de dire qu’il se trouvait au camp des jeunes en date du 21/04/1994 en compagnie de

REKERAHO et HABYARIMANA étant donné qu’il était allé voir le médecin à BUTARE ;

Attendu que BIZIMANA relève que tous ceux qui le chargent ne sont pas unanimes quant aux

habits qu’il portait quand ils l’ont vu ;

Attendu que MUKARUTEGANYA Spéciose déclare avoir vu BIZIMANA le 25/04/1994 dans

l’attaque qui a eu lieu chez MBUNGIRA quand elle apportait de la nourriture aux enfants qui y

avaient trouvé refuge, que l’intéressé n’avait rien à part qu’il avait un bandage au bras et qu’il

boitait ;

Attendu que BIZIMANA émet le souhait que le Tribunal demande à MUKARUTEGANYA

pourquoi, l’ayant vu dans cette attaque, elle ne l’a point dénoncé auparavant, que

MUKARUTEGANYA répond l’avoir mis en cause après les inhumations qui ont eu lieu à

MBAZI ;

Vu que l’audience est reportée au 26/10/2001, mais qu’à cette date, les parties sont informées de

la décision ordonnant une enquête préalable, que l’audience est encore remise au 30/10/2001 ;

6ème

Feuillet.

Vu qu’à cette date du 26/10/2001 le Tribunal fait une descente à KIBABARA, et à NDOBOGO,

lieu de naissance de BIZIMANA Antoine et que, après une visite des lieux, il entend la mère de

BIZIMANA en la personne de MUKAGAKWAYA Marie qui dit que la maison de

HABYARIMANA a été construite en 1976, que les briques qui ont servi à la construction des

murs de la maison de BIZIMANA leur ont été données par un frère religieux blanc ;

Attendu que la sœur de BIZIMANA nommée NYIRAHABIMANA Antoinette dit que les

maisons qui sont là existaient quand elle a atteint l'âge de raison, que les murs ont été construits

après, que celui se trouvant du côté méridional et sans crépissage a été construit en 1994 au

moyen des briques que Antoine a achetées à MATENE, BAKUNDUKIZE Isaïe et

BAGARAGAZA Thadée qui les lui apportaient ;

Attendu que NYIRAHABIMANA dit qu’elle ne se souvient pas de la date à laquelle BIZIMANA

est arrivé chez eux, mais qu’il avait été blessé et que les tueries avaient pris fin ;

Attendu que l’enquête s’est poursuivie à KABAKONO et que MUKANDEKEZI Vestine, après

avoir prêté serment, dit qu’elle connaît BIZIMANA et que celui-ci vivait à GISENYI, que les

miliciens Interahamwe l’ont blessé à coups de machettes et que le nommé Joseph l’a fait soigner,

qu’interrogée sur l’identité des victimes que BIZIMANA a tuées, elle répond qu’il ne vivait pas

dans la région à moins qu’il n’ait commis des tueries à GISENYI ;

Attendu que UWIMANA Françoise, après avoir prêté serment, déclare ne pas avoir vu

BIZIMANA en 1994 car il ne vivait pas dans la région, qu’elle n’entend pas dire que

BIZIMANA s’est livré aux massacres ;

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Attendu que NYIRASONI Madeleine, après avoir prêté serment, dit que son mari et ses enfants

ont été tués à SOVU au cours des attaques dirigées par REKERAHO et KAMANAYO, que les

attaques qui ont eu lieu à NDOBOGO étaient dirigées par NDAGIJIMANA, NTAMUNOZA et

BIHEHE, que HABYARIMANA s'est lui aussi mal comporté mais qu’elle ne connaît pas

BIZIMANA et n’a pas connaissance des tueries qu'il aurait commis ;

Attendu que MUKANDEKEZI Anastasie, après avoir prêté serment, dit qu’elle a vu le nommé

Xavier originaire de NYANZA lors des massacres commis à SOVU, que BIZIMANA n’y est pas

arrivé car il ne vivait pas dans la région et qu’elle ne sait rien sur lui à cette époque ;

Attendu que poursuivant son enquête, le Tribunal arrive à la paroisse RUGANGO où elle trouve

Sœur Suzanne qui lui dit qu’elle se trouvait au BURUNDI où elle avait été mutée à l’époque des

faits, que constatant qu’elle ne peut pas lui être utile, le Tribunal se rend à RUGANGO à

l’endroit où se trouvait le domicile de MBUNGIRA avant les massacres ;

Attendu que MUKAMUSONI Thacienne, après avoir prêté serment, dit qu’elle était la voisine de

MBUNGIRA et que celui-ci est mort en avril 1994 tandis que son épouse et morte des suites

d’une maladie avant le génocide, que les tueurs avaient cependant épargné MBUNGIRA et qu’il

est décédé environ une semaine après l’attaque à son domicile ;

Attendu que NYIRANSEKANABO Dorothée, après avoir prêté serment, dit que les sieurs

NYANDWI, NTIBAHANGANA et SINYAGIRA ont pris part à l’attaque qui a eu lieu au

domicile de MBUNGIRA sous la direction de l’Adjudant REKERAHO Emmanuel, que

HABYARIMANA n’en faisait pas partie ;

7ème

Feuillet.

Attendu que MAYONGA Fidèle, employé du monastère de GIHINDAMUYAGA, après avoir

prêté serment, dit qu’il était le voisin de MBUNGIRA et que celui-ci est mort des suites d’une

maladie à l’époque du génocide tandis que son épouse est décédée avant le génocide, que

l’attaque au domicile de MBUNGIRA était dirigée par HABYARIMANA Joseph et un homme

qui habite à KIGALI ;

Attendu que MAYONGA dit que ce sont REMERA et REKERAHO qui dirigeaient les attaques,

qu’il ne connaît pas BIZIMANA à part entendre parler de lui ;

Attendu que l’enquête est clôturée à 16 heures et demie ;

Attendu que l’audience continue le 30/10/2001, que les témoins qui ont comparu sont priés de

rester en dehors de la salle d’audience et que BIZIMANA Antoine et les parties civiles sont

informées des résultats de l’enquête du 26/10/2001 ;

Attendu qu’invité à y répliquer, BIZIMANA dit que ce qui a été dit au cours de l’enquête est vrai

car il n’a pas trempé dans des actes de génocide ;

Attendu que BIZIMANA dit que les actes de destruction de maison qui lui sont reprochés sont

des accusations mensongères car le Ministère Public n’indique ni les maisons détruites ni leurs

propriétaires et qu’au contraire le nommé BAGARAGAZA est mis en cause par

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BAKUNDUKIZE d’avoir détruit la maison de MBARAGA à une date à laquelle BIZIMANA

n’était pas encore arrivé à KIBABARA ;

Attendu que dans sa défense sur l’infraction de non assistance aux personnes en danger, il dit

qu’il n’avait pas les moyens d’assister ces personnes étant donné qu’il était malade, qu’il

poursuit en disant qu’il n’était membre d’aucun parti politique pour que des adeptes aient pu

l’aider à s’opposer aux actes qui étaient commis surtout que Bonifride a été tuée au cours d’une

attaque dirigée par REKERAHO et composée de nombreuses personnes armées de fusils de

manière que BIZIMANA n’aurait pas pu lui barrer la route, qu’il ne pouvait pas non plus

provoquer du secours dès lors que ces actes étaient soutenus par les autorités ;

Attendu que concernant l’infraction de détention illégale de fusil, il dit qu’elle n’est pas fondée

car ceux qui l’accusent n’indiquent pas le type de fusil qu’il avait ou l’endroit où ils l’ont vu le

porter et notamment à KIBABARA, alors que le nommé NYIRAMUKAMISHA a dit lors de son

audition que BIZIMANA se promenait armé de massue d’une part, et qu’elle a dit d’autre part

qu’il n’a jamais eu un fusil au moment où les uns parlent de gourdin, d’autres de massues et

d’autres enfin affirment qu’il n’avait pas d’arme ;

Attendu que l’audience est suspendue pour reprendre le lendemain 31/10/2001 par les

dépositions des témoins ;

Attendu que BIZIMANA dit que MUKAKARUTA Spéciose peut témoigner à sa décharge sur

les tueries qui ont été commises au camp des jeunes et qu’elle sait que MUKARUTEGANYA a

amené ses enfants chez MBUNGIRA où elle les a laissés et s’en est aussitôt allée ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAKARUTA Spéciose dit qu’elle se trouvait chez elle

au moment des massacres commis au camp des jeunes, qu’elle a entendu des explosions de

grenades mais qu’elle n’a pas vu les tueurs à part qu’elle a entendu par la suite parler de

SEKUGABANYA et NYIRIMANA ;

8ème

Feuillet.

Attendu que MUKAKARUTA dit que ceux qu’elle a vu emmener Bonifride sont NDANGA

Alfred, SEKUGABANYA et de nombreux autres qu’elle n’a pas identifiés, que REKERAHO

était à la tête de ces assaillants ;

Attendu que MUKAKARUTA Spéciose dit qu’elle se trouvait sur les lieux lorsque BIZIMANA

Antoine a été arrêté à MBAZI, que NZAMWITAKUZE Claire lui a demandé d’affirmer que

Antoine porte les habits de son mari mais qu’elle a refusé, qu’elle termine en soulignant qu’au

contraire, Antoine n’a pas pris part au génocide ;

Attendu qu’interrogé sur les faits relatifs aux infractions dont peut le disculper "M", BIZIMANA

dit qu’il peut parler du contenu de sa lettre ainsi que des tueries commises au camp des jeunes car

il était sur les lieux et qu’à ce titre, il peut donner l’identité des personnes qu’il a vues sur place ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, "M" dit qu’il était au camp des jeunes quand les massacres

y ont été perpétrés, que cela peut être confirmé par son cousin DUSABE, sa mère Salomée et ses

enfants qui étaient avec elle ;

Attendu que "M" dit que NYIRAMARIZA ne sait pas ce qui s’est passé au camp des jeunes car

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elle a quitté le camp des jeunes auparavant tandis que Spéciose a emmené ses enfants et n’est

revenue qu’une fois quand elle apportait à son mari des patates douces, qu’il est parti avec sa

mère, mais que celle-ci est restée chez Suzanne, que "M" a poursuivi sa route avec sa grand-

mère, DUSABE et DUSENGUMUREMYI, que NDAMAGE n’est pas quant à lui arrivé au camp

des jeunes même s’il a fui avec les autres personnes de chez lui ;

Attendu que "M" dit que, lors de l’attaque au camp des jeunes, il est sorti avec sa mère mais que

celle-ci a été tuée après des discussions, les uns disant qu’il ne fallait pas la tuer car elle a été

mariée à un Hutu, que leur employé Fidèle a été tué, qu’il dit que son petit frère a été brûlé à

l’intérieur de la maison car il l’a attendu mais en vain, qu’il a alors regagné leur domicile à

MPUNGWE et est revenu après 6 jours, qu’il a croisé MUSENGAMANA qui avait alors forcé

DUSABE Alice à s’unir avec lui et que celui-ci l’a poursuivi en courant, que quand ils sont

arrivés à SOVU, l’intéressé lui a demandé pourquoi il ne lui a pas donné de l’argent alors qu’il a

bien tué sa mère ;

Attendu que NDAMAGE dit qu’il ne se trouvait pas au camp des jeunes au cours des tueries

mais qu'il se cachait près de là, qu’il a appris que "M" n’était pas sur les lieux ;

Attendu que "M" dit que les tueurs qui sont venus au camp des jeunes sont REKERAHO,

KABAGEMA, RUGAMBWA, MUSENGAMANA, HABYARIMANA Joseph, NTIGURA et

MACUMU, que BIZIMANA n’est pas arrivé au camp des jeunes ;

Attendu que "M" dit qu’il se trouvait sur les lieux au moment de l’arrestation de BIZIMANA à

MBAZI car il était allé participer à l’inhumation des restes des victimes en compagnie de

NDAMAGE, KAYITESI Béatrice, MUKAKALISA Régine et Gertrude, qu’il était environ dix

heures et qu’ils étaient en train de causer en disant que VORIVORI a lui aussi été inhumé avec

les leurs, que BIZIMANA est alors arrivé et les a salués, que NDAMAGE a dit que BIZIMANA

est bon mais que HABYARIMANA Joseph est un meurtrier, qu'après la messe, le bourgmestre a

pris la parole et parlé des circonstances du génocide à MBAZI, que lorsque lecture de la liste des

tueurs a été faite, HABYARIMANA le petit frère de BIZIMANA a été mentionné et que c’est

alors que Régine s’est adressée aux autres en se demandant ce qu’est venu faire son "salaud" de

grand frère, qu’il était alors entre midi et quatorze heures, que Marie BUTERA est arrivée et que,

ayant entendu de quoi ils parlaient, elle leur a demandé qui était BIZIMANA car elle ne le

connaissait pas ;

9ème

Feuillet.

qu’ils le lui ont montré là où il se tenait debout, qu’elle leur a dit de faire en sorte qu’il ne leur

échappe pas, que la dame qui était avec Marie BUTERA a dit que c’est bien d’agir contre une

personne de haut rang comme lui car les instances supérieures en seront informées et les a

exhortés à le faire, que BIZIMANA est alors descendu de la tribune et que Marie BUTERA l’a

attrapé de derrière en disant que même les habits qu’il portait appartenaient à son mari ;

Attendu que "M" dit que le militaire qui assurait la garde rapprochée de BIZIMANA a failli tirer

sur NDAMAGE et ceux qui étaient avec lui, mais que les agents de l’ordre se sont saisis de

BIZIMANA et ont invité ceux qui ont des accusations à formuler contre lui à aller témoigner à sa

charge, que Marie BUTERA est venue au moment où Marcella disait à "M" qu’elle ne sait rien

sur BIZIMANA, et a demandé à sa camarade si elle a déjà oublié ses enfants qui ont été tués et à

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"M" s’il a oublié sa mère, que Marcella a alors pleuré ;

Attendu que "M" dit que Marcella est descendue et allée là où on avait conduit BIZIMANA et

que, interrogée sur ce qu’elle sait sur son compte, elle a pleuré sans répondre, que les militaires

l’ont alors chassée disant qu’elle est en état d’ivresse, qu’elle est rentrée aussitôt et que "M" en a

fait de même ;

Attendu que "M" dit qu’il a demandé à MUKARUTEGANYA ce qu’elle en sait et qu’elle lui a

répondu qu’elle ne peut pas faire un faux témoignage à charge d’un fils rwandais, que c’est à

cette date et en peu de minutes que le dossier de BIZIMANA a été ainsi monté, que par la suite,

quand il croyait que l’affaire était terminée, "M" s’est vu contacter par des gens qui lui disaient

de témoigner à charge de BIZIMANA, qu’interrogé sur l’identité de la personne qui l’a contacté,

il répond qu’il ne peut pas le dire en audience publique, que le Tribunal décide alors de

l’entendre à huis clos ;

Attendu que "M" dit que toutes ces dames qui sont venues témoigner à charge de BIZIMANA y

ont été incitées par l’Association des Rescapés du Génocide, qu’ils sont arrivés à

GIHINDAMUYAGA et ont invité "M" à venir témoigner à charge de BIZIMANA, qu’ils ont

tenu des réunions à cet effet, mais que tous ceux qui étaient avec "M" à MBAZI plaignaient le

prévenu disant qu’il est victime des actes perpétrés par son petit frère HABYARIMANA Joseph,

qu’il poursuit en disant que ce problème l’a brouillé avec sa sœur NYIRAMARIZA et

NYIRAMUKAMISHA Marcella qui a dit une fois qu’il faut que BIZIMANA livre ses "salauds"

d’enfants pour qu’on les tue afin qu’ils soient sur un pied d’égalité ;

Attendu que "M" dit qu’après avoir constaté qu’il n’adhérait pas à leur projet, elles sont allées

dire à l’Officier du Ministère Public nommé Azarias qu’il ne faut pas que "M" fasse un

témoignage, que ledit Officier du Ministère Public est venu le voir au service à KIGALI et lui a

enjoint de faire un témoignage écrit, qu’il l’a fait car l’autre croyait qu’il s’agit d’un témoignage

à charge de BIZIMANA, mais que, constatant que ce n’est pas le cas, on a commencé à le

menacer d’emprisonnement ;

Attendu que "M" dit qu’aucune des personnes qui sont venues témoigner à charge de

BIZIMANA n’était avec lui au camp des jeunes, que leur attitude est en grande partie guidée par

la volonté de se voir allouer des dommages intérêts car, avant le début du procès à BUTARE,

l’Association des Rescapés du Génocide leur a demandé de faire l’inventaire des biens

endommagés auxquels ils ont affecté des sommes très élevées comme contre-valeur à leur

allouer, que la majorité d’entre elles agissent par convoitise de l’argent car on leur promettait

d’être désintéressées sitôt après le procès, qu’il précise que ces témoins à charge sont les

membres de sa famille ;

10ème

Feuillet.

Attendu que BIZIMANA Antoine dit que MUKAMULIGO Bonifride peut témoigner en sa

faveur sur les tueries qui ont été commises au centre des jeunes tandis que Agnès peut le faire sur

celles qui ont été perpétrées au domicile de MBUNGIRA ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, UMUHOZA Agnès déclare avoir demandé à Spéciose de

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lui dire ceux qui ont emmené de chez son grand-père MBUNGIRA les enfants pour les tuer et

qu’elle lui a parlé de NYIRIMANA et SEKAZUNGU, mais qu’elle ne lui a pas dit que

BIZIMANA Antoine participait à cette attaque ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, DUSABE Alice dit qu’elle se cachait chez

MUSENGIMANA lors de l’attaque qui a été menée chez son grand-père MBUNGIRA, que cette

attaque était composée de Fidèle, NSENGIMANA, Emmanuel originaire de RUGANGO,

MINANI le fils de NDIMUBANZI, KALISA et MUSENGIMANA, qu’elle ne connaît pas

BIZIMANA Antoine mais qu’elle a entendu dire que l’intéressé n’était pas présent lors de

l’assassinat des enfants de MUKARUTEGANYA ;

Attendu que DUSABE Alice dit qu’elle a cherché refuge au camp des jeunes après l’incendie de

la maison de sa famille, qu’elle a quitté le camp un mercredi et que les tueries y ont été commises

un jeudi, qu’elle était avec "M" au camp des jeunes et que celui-ci n’aurait pas manqué

d’identifier une nouvelle figure si BIZIMANA avait pris part à cette attaque car celle-ci n’était

composée que des membres de la population locale ;

Attendu que MUKAMULIGO Bonifride prête serment et dit que c’est NYIRAMUKAMISHA

qui lui a appris l’attaque qui a eu lieu chez MBUNGIRA en lui parlant de ses enfants tués, que

les enfants de NYIRAMUKAMISHA ont été emmenés par SEKAZUNGU, MAREMBO, un

policier du nom de MPOZENZA Charles, MUROGORO et NYIRIMANA, mais que

BIZIMANA n’était pas présent tout comme REKERAHO et HABYARIMANA ;

Attendu que DUSABE dit que Spéciose n’était pas présente lors de l’assassinat de ses enfants car

elle s’en était allée, que DUSABE dit qu'il a suggéré à Spéciose d’aller chercher refuge pour ses

enfants chez KAMANZI, mais qu’elle lui a répondu qu’elle n’a pas à se préoccuper de ceux dont

le sort est réglé, qui vont inévitablement périr;

Attendu que MUKABONERA prête elle aussi serment et dit que SEKAZUNGU,

SEKUGABANYA et NYANDWI sont passés à son domicile et ont perquisitionné sa maison

quand ils se rendaient chez MBUNGIRA, qu’à la question de savoir comment les enfants de

Spéciose sont arrivés chez MBUNGIRA, elle répond que c’est Spéciose qui les y a conduits et

que quand SEBAZUNGU lui a demandé pourquoi elle les amenait là, elle a dit que quand Dieu

veut reprendre ce qu’il t’a prêté, tu ne discutes pas ;

Attendu que MUKABONERA dit qu’elle connaissait BIZIMANA mais qu’il n’est pas arrivé sur

les lieux, qu’il se peut que les gens lui en veuillent à cause de son petit frère HABYARIMANA ;

11ème

Feuillet.

Attendu qu’après avoir prêté serment, NYIRAHABIYAMBERE Salomée déclare avoir réchappé

aux massacres qui ont été commis au camp des jeunes où elle a passé deux jours car elle s’est

cachée dans les chambres quand les tirs ont été déclenchés, que quand les tueurs se sont

retrouvés à court de munitions, les victimes ont couru, qu’elle est sortie et que GAKURU

Emmanuel lui a donné un coup de bâton, qu’il y avait là SORINYA, le fils de

MUVUZANKWAYA, GAKURU, KALISA et d’autres qui tuaient, qu’elle connaît BIZIMANA,

mais que celui-ci n’est pas arrivé au camp et qu’elle ne l’a vu aller chez lui que lorsque les

tueries au camp des jeunes avaient déjà été commises ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKARWEGO Marguerite dit qu’elle connaît

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BIZIMANA, que la maison de MBARAGA a été détruite à la fin du mois d’avril 1994, mais que

BIZIMANA n’était pas encore arrivé à KIBABARA, que les maisons de MBARAGA avaient

déjà été détruites quand elle a vu BIZIMANA ;

Attendu que MUKARWEGO poursuit en disant qu’elle est arrivée chez BIZIMANA vers le mois

de mai alors que le nommé HITIYAREMYE construisait un mur, qu’elle y a vu un petit tas de

briques ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAMBONYI Béata déclare avoir été témoin oculaire

de l’attaque qui a été menée chez MBUNGIRA et composée de SEKAZUNGU Joseph,

KUBWIMANA Fidèle, MUSENGIMANA et d’autres, qu’elle se trouvait chez MBUNGIRA et

qu’elle les a vus emmener les enfants de Marcella, que Spéciose n’était pas présente mais qu’elle

se trouvait plutôt à MBOGO, qu’elle poursuit en disant que BIZIMANA ne faisait pas partie de

ladite attaque mais qu’elle a plutôt vu REMERA et REKERAHO ;

Attendu que l’audience est suspendue en vue de continuer le 06/11/2001 par l’audition des

témoins à charge ;

Attendu que MUKANGENZI Aloysie, présentée comme témoin par les parties civiles, dit que ce

qu’elle sait est que, en 1994, BIZIMANA faisait partie d’un groupe de meurtriers à NDOBOGO,

que c’est lui qui, au cours de la réunion qui a eu lieu chez BIHEHE et dont son père

NZABAMWITA a été exclu, a précisé comment les choses devaient se passer, que les dirigeants

des attaques qui ont été désignés sont BUCYANA Pascal, BIHEHE, MUTALI Pancrace et de

nombreux autres, que BIZIMANA dirigeait cette réunion mais qu’il est parti aussitôt et n’a pas

dirigé d’attaque ;

Attendu que MUKANGENZI Aloysie dit que les victimes qui ont été tuées à NDOBOGO après

cette réunion sont tous les Tutsi qui y résidaient tels NZABAMWITA, NGARAMBE Vincent et

ses 7 enfants, deux grandes sœurs de MUKANGENZI à savoir NIKUZE et HATEGEKIMANA

ainsi que les membres de la famille HABIMANA, qu’elle poursuit en disant qu’au cours de la

réunion, BIZIMANA a dit qu’il faut tuer les victimes et détruire les maisons, mais qu’elle ne se

souvient pas de l’arme qu’il avait, qu’elle ne le connaissait pas et qu’elle a plutôt entendu parler

de lui, que d’autres réunions se sont tenues sous la direction de BIHEHE et ses acolytes ;

12ème

Feuillet.

Attendu qu’invité à parler de la conduite de BIZIMANA à l’époque du génocide, NDAMAGE

dit que l’intéressé s’est manifesté à GIHINDAMUYAGA comme incitateur au génocide, qu’il ne

vivait pas là, qu’à son arrivée la population de MBAZI était unie, qu’il est arrivé à BUTARE le

19/04/1994 quand une réunion y avait été organisée, que SIBOMANA a transporté ceux qui

étaient chargés du maintien de la sécurité aux limites des communes MBAZI et MARABA, que

KABAGEMA est arrivé et quand il a entendu des cris, il a dit qu’il fallait séparer le bon grain de

l’ivraie, que KABAGEMA voulait s’approprier les vaches que NDAMAGE avait confiées à

HABYARIMANA, mais que cela n’a pas marché, qu’il a dit que NYIRAMASUHUKO a décrété

la mort des Tutsi et que MABUYE est venu, qu’il s’en est suivi une chasse à l’homme, que

NDAMAGE est allé en vain chercher refuge au monastère et que, regagnant son domicile, il a

constaté que les autres étaient allés se cacher dans des champs de haricots, qu’il est allé se cacher

dans un buisson tout près du monastère dans la nuit du 19/04/1994, qu’il est allé chez Marie

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BUTERA dans la matinée du 20/04/1994, mais a regagné le buisson dans la soirée, que

l’insécurité s’est maintenue le 21/04/1994 et qu’une attaque d’envergure a eu lieu là où il était,

ceux qui la composaient poussant des cris, qu’ensuite sont venus BIZIMANA, REKERAHO,

REBERO et HABYARIMANA qui se dirigeaient vers le camp des jeunes, que les gens de

MBAZI étaient solidaires et que ce sont plutôt les attaques en provenance de MARABA qui

étaient les plus dangereuses, qu’il est apparu que BIZIMANA est un planificateur du génocide

car REKERAHO l’en a chargé en disant qu’ils étaient ensemble dans toutes les réunions, qu’il a

également joué le rôle de superviseur du génocide à GIHINDAMUYAGA ;

Attendu que NDAMAGE dit que les témoins qui ont déposé à décharge de BIZIMANA ont été

contactés par "M", que celui-ci était présent lors de l'arrestation de BIZIMANA ;

Attendu que BIZIMANA dit que c’est à tort que NDAMAGE le qualifie d’instigateur,

planificateur et superviseur car il ressort de la copie du jugement à charge de REKERAHO que

ce dernier ne l’a point mis en cause ;

Attendu que l’audience est suspendue pour continuer le 24/11/2001, date à laquelle la partie

civile KARUYUNDO Stéphanie dit qu’elle ne s’est pas cachée, qu’elle habite à

GIHINDAMUYAGA, qu’elle poursuit en disant que BIZIMANA a commis le génocide en mai

1994, mais que par la suite elle se ravise et dit que BIZIMANA n’a pas tué mais a plutôt amené

des tueurs qui, après avoir tué les enfants de Marcella chez MBUNGIRA, sont venus chez elle et

ont tué ses petits enfants dont MUNYEBWATO Abel et son fils KANYAMUNEZA Innocent,

que BIZIMANA avait une massue mais qu’il n’en a pas fait usage car il ne faisait que donner des

ordres, qu’elle ne l’a pas revu ailleurs dans des attaques ;

Attendu que KARUYUNDO dit qu’elle sait que Spéciose était présente lors des tueries qui ont

eu lieu au domicile de MBUNGIRA, qu’elle n’oublie rien sur le comportement de BIZIMANA ;

Attendu qu’à propos de l’audition de BAKUNDUKIZE, BIZIMANA dit que l’intéressé a assisté

aux débats lors des audiences des 18 et 19/10/2001, qu’il ne peut donc être autorisé à faire une

déposition, que, quoique BAKUNDUKIZE nie avoir assisté à une quelconque audience, le

Tribunal décide que l’intéressé ne va pas déposer sous serment pour ce motif ;

Attendu que BAKUNDUKIZE déclare avoir vu REKERAHO Emmanuel, HABYARIMANA et

BIZIMANA Antoine à NDOBOGO le 22/04/1994, que HABYARIMANA était armé d’un fusil,

REKERAHO ayant une grenade alors que BIZIMANA n’était pas armé, que c’est à cette date

13ème

Feuillet.

que les membres de la famille MBARAGA ont été tués mais que ces hommes étaient partis après

en avoir donné l’ordre, qu’il sait également que des gens se rencontraient chez BIZIMANA chez

qui ils apportaient les matériaux provenant des maisons qu’ils détruisaient, que ces actes ont été

commis le 22/04/1994 et le 23/04/1994 sous la supervision de BIZIMANA, mais que les

victimes de ces actes de pillage n’ont pas vu BIZIMANA et que c’est BAKUNDUKIZE qui

assistait aux faits pour son compte ;

Attendu qu'après avoir prêté serment Umulissa Agnès a déclaré que pendant le génocide elle se

trouvait à Gihindamuyaga dans un camp des jeunes (en français dans le texte) où elle avait trouvé

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refuge, qu'elle était partie de là peu de temps après son arrivée mais qu'elle était au courant de ce

qui y a été fait, qu'elle a continué disant qu'elle avait vu Bizimana et Habyarimana à bord d'une

voiture de marque Suzuki de couleur blanche, qu'ils étaient armés de fusils, qu'ils apportaient de

l'essence, qu'elle avait en outre vu Bizimana, Habyarimana et beaucoup d'autres se diriger à la

Cure, qu'elle avait également vu Bizimana chez le Dr RUCYAHANA portant un fusil, qu'en

même temps que les autres il avait dit qu'il fallait livrer Umulisa Agnès ;

Attendu que BIZIMANA relève que, compte tenu de ses déclarations faites au cours de

l’instruction préparatoire, UMULISA se contredit ;

Attendu que UMULISA dit qu’elle était présente lors de l’arrestation de BIZIMANA, qu’il a été

arrêté après la messe par Marie BUTERA, Jeanne KAMPOGO, MUKASHYAKA Josepha et

NDAMAGE Théophile, que Marie BUTERA lui demandait ses enfants, que BIZIMANA a été

appréhendé par un garçon natif de KIBABARA, que UMULISA et d’autres se sont alors saisi de

lui et l’ont conduit à MBAZI ;

Attendu que l’audience est reportée au 05/12/2001 mais qu’elle n’a pas lieu pour cause d’absence

de l’Officier du Ministère Public, que l’affaire est renvoyée au 10/12/2001, date à laquelle

l’Officier du Ministère Public demande le report de l’audience pour permettre à l’avocat des

parties civiles de déposer ses conclusions car l’audience a commencé avant qu’il n’arrive ;

Attendu que Me ISSA, conseil du prévenu, demande au Tribunal de concilier les intérêts des

deux parties et de remettre l’audience à une date proche, qu’il ajoute cependant qu’il y a lieu de

poursuivre les débats si le Tribunal l’estime ainsi ;

Attendu que les parties civiles UWIRINGIYE, MUKARUTEGANYA et NYIRAMARIZA

disent qu’il faut attendre leur avocat ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE, avocat des parties civiles dit que les témoins qui ont été

assignés n’ont pas comparu, qu’il demande ainsi au Tribunal d’accorder un crédit aux

déclarations qu’ils ont faites à BUTARE et précise qu’ils sont parties civiles ;

Attendu que l’audience est reportée au 17/12/2001 en vue de permettre la comparution de ces

témoins faute de quoi l’audience devra continuer, l’avocat des parties civiles étant alors appelé à

prendre ses conclusions ;

14ème

Feuillet.

Attendu que l’audience reprend le 17/12/2001 par l’audition des témoins présentés à charge de

BIZIMANA, mais qu’un doute sur la qualité de Marie BUTERA est soulevé pour savoir si elle

doit être considérée comme témoin ou partie civile, qu’après avoir entendu les deux parties, le

Tribunal décide de l’entendre à titre de témoin ;

Attendu que Marie BUTERA dit qu’elle habitait et vivait à GIHINDAMUYAGA au moment du

génocide, que ce sont BIZIMANA Antoine, HABYARIMANA Joseph, REMERA, REKERAHO

et KABANZA Innocent qui organisaient et exécutaient les massacres ;

Attendu que Marie BUTERA dit qu’elle a cherché refuge chez le Dr. RUCYAHANA et y est

restée, qu’elle a eu connaissance des massacres commis au camp des jeunes car elle a entendu les

explosions des grenades et les détonations ;

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Attendu que Marie BUTERA dit que BIZIMANA est venu chez le Dr. RUCYAHANA en

compagnie de HABYARIMANA et sa bande, qu’ils leur ont dit d’aller chercher de la chaux pour

recouvrir les cadavres car ils avaient attiré une nuée de mouches, qu’elle les a entendus, qu’ils

ont dit que Bonifride qui était chez HABYARIMANA a été tuée, que RUCYAHANA leur a dit

alors que Marie, l’épouse de Vital, se trouvait chez lui, qu’ils ont dit qu’il faut la cacher et que

c’est alors qu’on l’a cachée dans le plafond ;

Attendu que Marie BUTERA dit que le jour où on est allé enterrer les cadavres à RUGANGO,

les intéressés sont, à leur retour, passés chez Alexandre RUCYAHANA et lui ont dit qu’il y a un

enfant encore en vie au milieu des cadavres, qu’elle a regardé à travers les fenêtres et a vu

BIZIMANA mais qu’elle n’a pas vu les armes qu’ils portaient, que la participation de

BIZIMANA dans les massacres lui a été rapportée par Alexandre ;

Attendu que Marie BUTERA déclare avoir quitté le domicile de RUCYAHANA le 27/04/1994

après avoir mis au monde, qu’on l’a alors conduite à l’hôpital de BUTARE, qu’elle a revu

BIZIMANA à MBAZI lors de l’inhumation des restes des victimes car elle vivait à NYAMATA

au BUGESERA.

Attendu que Marie BUTERA déclare avoir entendu quelqu’un dire : « Voici BIZIMANA », ce

qui l’a surprise, qu’ils se trouvaient à MBAZI, que tous les rescapés de cette région ont alors

passé la ceinture des agents de l’ordre pour se saisir de BIZIMANA qu’ils ont remis aux mains

de ces mêmes agents de l’ordre, que Marie BUTERA était avec Jeanne, Béatrice, Agnès,

Scolastique et Béatrice de GIHINDAMUYAGA, qu’elle dit que "M" était présent car c’est lui

qui lui a rapporté les propos que tenaient les meurtriers à l’instar de MACUMU, que

NDAMAGE également était présent ;

Attendu que Marie BUTERA dit qu’elle ne sait rien de ce qui est dit sur le fait que BIZIMANA,

lors de son arrestation, portait les habits de son mari, que cela est possible mais qu’elle ne saurait

en témoigner car les vêtements peuvent se ressembler ;

15ème

Feuillet.

Attendu que BIZIMANA dit que Marie BUTERA ment et en donne pour preuve que l’intéressée

a, au cours de son audition au parquet, déclaré ne pas l’avoir vu parmi les personnes qui sont

venues chez RUCYAHANA car, répondant à la question qui lui était posée sur l’identité des

auteurs des massacres à GIHINDAMUYAGA, elle a cité plus de vingt personnes mais n’a à

aucun moment cité le nom de BIZIMANA.

Attendu qu’après avoir prêté serment, MUKAKALISA Régine dit qu’elle est allée à la paroisse

RUGANGO entre le 10 et le 15/04/1994, qu’il y régnait une insécurité telle qu’elle n’y a pas

passé la nuit et a préféré se cacher sur la colline où elle dormait à la belle étoile, que voulant se

rendre à BUTARE, elle a dû se cacher dans les buissons au monastère où elle a passé un temps

assez long après le 15/04/1994, qu’elle a vu après le 18/04/1994 HABYARIMANA,

NYANDWI, SEKUGABANYA, KIMWETERI et REKERAHO, qu’elle dit que ce sont eux qui

ont commis les massacres à RUGANGO et à GIHINDAMUYAGA ;

Attendu que MUKAKALISA Régine dit qu’elle s’est cachée seule du 18/04/1994 au 27/04/1994,

se nourrissant de peu de nourriture qu’elle avait emportée de la maison ;

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Attendu qu’interrogée sur la responsabilité de BIZIMANA dans le génocide, MUKAKALISA

répond qu’il disait aux gens rassemblés sur les routes de ne pas avoir peur de tuer ;

Attendu que MUKAKALISA déclare avoir revu BIZIMANA à MBAZI quand Marie BUTERA

et d’autres l’avaient arrêté, mais qu’elle n’a pas quant à elle participé à cette arrestation car elle

attendait le début du procès au Tribunal pour dire ce qu’elle sait ;

Attendu qu’à la question de savoir si lors de son arrestation, BIZIMANA portait les habits du

mari de BUTERA Marie, elle répond qu’elle ne le sait pas car les habits se ressemblent ;

Attendu que BIZIMANA relève que l’actuelle déclaration de MUKAKALISA diffère de celle

qu’elle a faite devant l’Officier du Ministère Public, que par ailleurs, sa grande sœur Scolastique

a dit que MUKAKALISA n’est jamais arrivée à GIHINDAMUYAGA et que même NDAMAGE

et NYIRAMUKAMISHA, eux aussi témoins à charge de BIZIMANA, affirment que les tueries

avaient pris fin quand elle y est arrivée ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, KAMPOGO Jeanne dit qu’elle est arrivée au camp de

jeunes, à SOVU et à GIHINDAMUYAGA, qu’elle a cherché refuge à RUGANGO où elle a

laissé son père, sa mère et son frère, qu’elle est arrivée au camp des jeunes avant les tueries et

que celles-ci ont eu lieu un jour après son arrivée, qu’elle y a passé une seule nuit, qu’elle est

allée à SOVU le 17/04/1994 et le 18/04/1994 où elle a trouvé de nombreuses personnes, que

c’est pour cette raison qu’elle est revenue au camp des jeunes où elle a passé la nuit, qu’elle a

quitté ce camp des jeunes le 19/04/1994, qu’elle dit que les tueries ont eu lieu le 21/04/1994

après celles de RUGANGO, que lorsque les gens étaient en train de dépecer la vache de Claude à

midi, elle est allée s’asseoir sur des bambous se trouvant à environ 20 mètres du couvent des

prêtres avec ses deux enfants, qu’elle a vu quelques instants après l’abbé Baudouin appeler Vital

mais qu’elle n’a pas vu ce dernier, que c’est à treize heures 20 minutes

16ème

Feuillet.

qu’elle a entendu des coups de sifflets des Interahamwe qui battaient également le tambour en se

dirigeant vers le camp des jeunes, qu’elle est restée là où elle était, essayant de calmer ses

enfants qui avaient peur, que le nommé RUTAYISIRE se cachait également à cet endroit et

qu’elle n’y a vu personne d’autre, que ces miliciens se sont alors livrés aux tueries, qu’elle a vu

BIZIMANA, REMERA, NSHIMIYE, NYANDWI, MUSONI et REKERAHO circuler avec

d’autres qu’elle ne connaît pas en provenance de chez HABYARIMANA, que BIZIMANA avait

une grenade, HABYARIMANA ayant un fusil, REKERAHO étant lui aussi armé d’un fusil alors

que REMERA avait un morceau de bois, que BIZIMANA n’a pas fait usage de la grenade qu’il

avait ;

Attendu que KAMPOGO Jeanne déclare avoir vu BIZIMANA à RUGANGO entre le 16 et le

19/04/1994 chez HABYARIMANA, qu’elle l’a encore vu le 21/04/1994 quand il dirigeait

l’attaque, que l’intéressé avait été légèrement blessé à KIGALI quand elle l’a vu ;

Attendu que KAMPOGO Jeanne dit qu’elle a quitté sa cachette après les tueries au camp des

jeunes et est allée passer la nuit au milieu des cadavres, que quand les miliciens Interahamwe

subalternes ont donné des coups de sifflets, elle est allée à SOVU à 23 heures ;

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Attendu que KAMPOGO dit qu’elle a quitté SOVU en compagnie de ses enfants et a rejoint

MAKOMBE à la CONFIGI et que celui-ci l’a mise dans une étable, qu’elle a entendu par la suite

Victor dire à Claude que des massacres ont été commis au camp des jeunes, que KAMPOGO est

retournée à SOVU et a dit à ceux qui étaient là qu’elle ne va pas rester sur place, que les

Interahamwe sont retournés chez MAKOMBE Siméon à huit heures et que KAMPOGO est allée

derrière la maison de Victor, qu’elle a cherché refuge chez Jacqueline à KARUBANDA quand

les militaires ont commencé à rassembler les gens ;

Attendu que KAMPOGO déclare ne pas avoir vu BIZIMANA lors de l’attaque qui a eu lieu à

SOVU et qu’il y avait longtemps qu’elle l’avait vu, qu’elle l’a encore vu à MBAZI lors de

l’inhumation, que BIZIMANA a été appréhendé par elle, BUTERA et d’autres ;

Attendu que KAMPOGO dit avoir vu NDAMAGE au camp des jeunes, mais qu’elle ignore si

Marie BUTERA était là ;

Attendu que KAMPOGO déclare avoir survécu en trouvant refuge chez Jacqueline

MUKANTABANA, que la bande à REKERAHO est venue la chercher à KARUBANDA mais

qu’elle n’a pas vu BIZIMANA, qu’elle ne se souvient pas de la couleur des habits qu’il portait au

moment où elle l’a vu ;

Attendu que KAMPOGO Jeanne déclare avoir entendu dire que UMULISA Agnès et Marie

BUTERA se cachaient ensemble au camp des jeunes, que NYIRAMALIZA était avec elle et que

c'est la population qui l'a sauvée en disant qu’elle ignorait son ethnie ;

Attendu que KAMPOGO dit qu’il reviendra au Tribunal de déterminer laquelle de ses

déclarations faites devant le Ministère Public et devant le Tribunal est crédible ;

17ème

Feuillet.

Attendu que BIZIMANA dit que, comparativement à sa déclaration faite devant le Ministère

Public, KAMPOGO ment, étant donné que, ayant dit auparavant que BIZIMANA avait une

massue, elle dit au Tribunal qu’il avait une grenade et qu’elle est passée dans des buissons

jusqu’à KARUBANDA, affirmant que les faits ont eu lieu à la même date du 21/04/1994 ;

Attendu que l’audience est reportée au 20/12/2001, qu’elle se poursuit par l’audition des

témoins ;

Attendu que RUTAYISIRE Innocent prête serment et dit qu’il ne peut que témoigner sur les

assassinats des frères religieux de GIHINDAMUYAGA ainsi que des voisins du monastère de

GIHINDAMUYAGA car il ne sortait pas ;

Attendu que RUTAYISIRE Innocent dit que les Frères religieux de GIHINDAMUYAGA ont été

tués au camp des jeunes avec d’autres membres de la population, qu’ils ont été emmenés de leur

couvent par REKERAHO Emmanuel, HABYARIMANA Joseph et un motard de haute taille qui

habitait près du terrain de football, que BIZIMANA et REMERA sont arrivés sur les lieux ;

Attendu que BIZIMANA dit que RUTAYISIRE ment étant donné qu’il ne fait que reprendre le

contenu de la déclaration de RUCYAHANA comme le fait d’ailleurs Marie BUTERA, mais

qu’ils ne le font pas fidèlement car le Dr. RUCYAHANA dit qu’ils étaient au nombre de 3 alors

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que RUTAYISIRE dit qu’ils étaient deux, qu’il relève par ailleurs qu’il ne pouvait pas être chez

HABYARIMANA et à la plantation de café au même moment ;

Attendu que NZABIRINDA Benoît s’apprête à déposer sous serment comme témoin, mais que

l’avocat des parties civiles, Me RWANGAMPUHWE, dit que l’intéressé a des liens de parenté

avec BIZIMANA, que celui-ci dit que son neveu NDAKEMWA est le mari de la sœur de

NZABIRINDA nommée MUKAKINANI Agnès, que le Tribunal décide de l’entendre sans lui

faire prêter serment ;

Attendu que NZABIRINDA dit qu’ils se trouvaient au monastère quand les tueries ont

commencé à GIHINDAMUYAGA, qu’ils ont entendu des explosions de grenades mais n’ont pas

pu sortir, que les nommés REKERAHO, REMERA, HABYARIMANA et Alexandre sont

arrivés et leur ont dit qu’un colonel voulait les voir, qu’ils ont eu un doute mais sont finalement

partis, qu’un peu en contrebas, ils les ont refoulés leur disant qu’ils voulaient parler à GATERA

Gaëtan, RUTAGWENA Innocent et Antoine, qu’ils emmenaient environ neuf personnes et qu’ils

leur ont demandé de leur montrer leurs pièces d’identité, mais que certains d’entre eux n’ont pas

pu les leur montrer car ils les avaient laissées au monastère, qu’ils ont dit que RUTAGWENA a

exercé les fonctions d’inspecteur de police judiciaire et a un différend avec REKERAHO, qu’ils

sont restés et que les autres ont été refoulés au monastère à coups de pierre, que c’est le groupe

des personnes qu’il a citées qui a commis les massacres ;

Attendu que NZABIRINDA dit qu’il n’a pas vu BIZIMANA parmi ceux qui ont emmené les

Frères religieux et qu’il le connaissait ;

18ème

Feuillet.

Attendu que l’audience est reportée au 27/12/2001, date à laquelle l’avocat des parties civiles

prend ses conclusions ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE François dit qu’il n’a pas encore obtenu les pièces de ses

clients dont le nombre s’élevait à 305 parties civiles, que la cause en est la réforme

administrative récente, qu’il demande également à être autorisé à poser des questions à

BIZIMANA sur les témoignages, qu’il déclare disposer de ses conclusions mais qu’il ne les a pas

encore communiquées à la partie adverse, qu’il poursuit en disant qu’il pourrait déposer les

pièces manquantes ultérieurement étant donné que les pièces dont dispose le Tribunal ne

concernent pas plus de quarante parties civiles, qu’il lui est pourtant rappelé que le Tribunal n’a

que des pièces de 9 parties civiles seulement ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE François dit que cinq cent personnes figurent sur la liste

des parties civiles, mais que les pièces disponibles ne concernent que trois cent cinq d’entre elles

seulement ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que REKERAHO était l’épée et que BIZIMANA

était son cerveau, que BIZIMANA a fait suffisamment d’études si bien que l’ordre qu’il donnait

était exécuté, que ce sont ses idées qui ont guidé le génocide à MARABA, MBAZI, HUYE et

ailleurs ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit qu’il existe des rapports qui disculpent BIZIMANA à

tort car il est mis en cause d’avoir pris part aux massacres à certains endroits, qu’il a été

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vivement touché par la mort de NYIRAMUKAMISHA Marcelle qui était un témoin principal,

qu’il espère qu’il y aura justice de sorte que le génocide ne se reproduira pas ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE demande au Tribunal de lire le procès des sœurs

religieuses de SOVU qui, quoique ayant donné de l’essence et commis plusieurs actes criminels,

ne sont pas malgré tout inculpées de faits aussi graves que BIZIMANA ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que les miliciens Interahamwe détruisaient les

maisons et en apportaient les matériaux à BIZIMANA qui s’en servait dans la construction de ses

maisons, qu’ils ont en vain demandé la jonction des dossiers à charge de BIZIMANA et

REKERAHO, que la bande de BIZIMANA collaborait avec celle du Colonel MUVUNYI, du

Colonel SIMBA, NZEYIMANA et d’autres, qu’une liste de cinq cents personnes qui devaient

être tuées à GIHINDAMUYAGA avait été établie ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que BIZIMANA a été depuis longtemps caractérisé

par une idéologie discriminatoire tel que cela ressort du rapport établi par l’Association des

Rescapés du Génocide – MPUHWE, qu’il a même été un partisan du MDR Power ;

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que les parties civiles fondent leur action sur quatre

motifs à savoir la perte d’un descendant, l’incapacité de travail, l’altération de la santé et la perte

de considération qui se traduit par la solitude ;

19ème

Feuillet.

Attendu que Me RWANGAMPUHWE dit que l’allocation des dommages – intérêts devra se

faire sur base des articles 258 et 260 du livre III du code civil et d’autres éléments mentionnés

dans les conclusions écrites qu’il va déposer ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’est pas nécessaire que Me RWANGAMPUHWE fasse

lecture de ses conclusions quant aux dommages-intérêts réclamés car il les connaît, qu’il ne va

se préoccuper pour sa part que de produire les preuves de son innocence ;

Attendu que l’audience est reportée au 15/01/2002, qu’elle n’a pas lieu à cette date et est remise

au 12/02/2002, date à laquelle la parole est donnée à l’Officier du Ministère Public KANANIYE

Théoneste pour présenter son réquisitoire ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public KANANIYE Théoneste, après l’énoncé des

préventions, des circonstances des infractions et des preuves à la base des présentes poursuites,

dit que BIZIMANA est rangé dans la première catégorie car il fait partie des instigateurs et

encadreurs du génocide, qu’il requiert dès lors la peine de mort et la dégradation civique totale à

charge du prévenu, qu’il dit que l’intéressé doit être rendu responsable des dommages causés à

travers tout le pays et que le Ministère Public demande des dommages-intérêts de 100.000.000

Frw en faveur des autres victimes non encore identifiées qui ont été tuées à GIHINDAMUYAGA

et demande que BIZIMANA Antoine soit condamné au frais d’instance ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il a produit de nombreuses preuves de son innocence dès le

début du procès, que le Ministère Public n’a pas rapporté de preuve de sa culpabilité à part les

témoignages mensongers et contradictoires à sa charge, qu’il poursuit en disant que l’action du

Ministère Public s’appuie sur des procès-verbaux irréguliers ;

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Attendu que BIZIMANA dit qu’il existe des rapports établis par le Ministère Public lui-même

sur son innocence et qui ont été communiqués au Ministre de la Justice, aux hautes instances du

pays et autres, qu’un de ces rapports démontre qu’il n’a pas pris part au génocide et prouve plutôt

que le Dr. RUCYAHANA Alexandre a remis à UMULISA Agnès et Marie BUTERA un écrit sur

lequel elles se sont appuyées pour porter plainte contre lui ;

Attendu que BIZIMANA dit que les services de renseignements ont fait une enquête et que,

ayant conclu à son innocence, il a été libéré ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis l’infraction de planification et d’incitation au

génocide étant donné qu’il ne pouvait pas en sa qualité de diplomate, se livrer à des activités

politiques, qu’il ne pouvait pas quitter GISENYI où il était un agent de la CEPGL et dépasser

KIGALI pour aller tuer un citoyen

20ème

Feuillet.

à GIHINDAMUYAGA, qu’il a d’ailleurs dit au Ministère Public qu’il avait un éclat dans la

jambe à son arrivée à BUTARE ;

Attendu que BIZIMANA dit que NYIRAMUKAMISHA, KAMPOGO et NDAMAGE qui le

chargent affirment qu’il est arrivé à BUTARE au moment où la population fuyait, que même le

Dr. RUCYAHANA a dit que les massacres avaient été déjà organisés quand BIZIMANA est

arrivé à GIHINDAMUYAGA et qu'il était blessé;

Attendu que BIZIMANA dit que REKERAHO et KAMANAYO ont été jugés par le Conseil de

Guerre à BUTARE et ont plaidé coupables de certaines des préventions à leur charge, qu’il leur a

été demandé ce qu’ils savent sur la responsabilité de BIZIMANA dans les massacres perpétrés à

GIHINDAMUYAGA, mais qu’ils ont répondu qu’ils n’ont pas connaissance de sa participation

au génocide, que plus de quarante personnes entendues par le Ministère Public ont bien dit que

BIZIMANA n’a pas commis le génocide, qu’il ajoute que les autres éléments de sa défense

seront consignés dans les conclusions ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis d’assassinat, que l’Officier du Ministère

Public n’a pas indiqué la victime qu’il a tuée et l’endroit du crime, que les plaignants

KANAMUGIRE, MUKAREMERA, KARUYUNDO et BAKUNDUKIZE Isaïe se sont

contredits et ont dit que BIZIMANA n’a tué personne ;

Attendu que BIZIMANA dit que le fait qu’il logeait chez son petit frère ne prouve pas qu’il a

commis l’infraction d’association de malfaiteurs, que REKERAHO a été interrogé sur les

réunions supposées avoir eu lieu au domicile de HABYARIMANA, qu’il a répondu qu’ils étaient

des amis, mais que des réunions n’ont pas été tenues chez HABYARIMANA ;

Attendu que BIZIMANA dit que la prévention de violation de domiciles n’est pas fondée car, en

parlant des personnes qui sont venues faire une perquisition à son domicile à la recherche de

Marie BUTERA, le Dr. RUCYAHANA ne l’a point cité ;

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Attendu que BIZIMANA dit que le Ministère Public l’accuse injustement, que la catégorie dans

laquelle il est rangé ne convient pas car il n’avait aucun intérêt à détruire des maisons et tuer ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il n’a pas commis d’actes de destruction, qu’il ne pouvait pas le

faire alors qu’il n’était pas présent ;

Attendu que BIZIMANA dit qu’il ne s’est pas rendu coupable de détention illégale de fusil car il

n’en a jamais eu en sa possession ;

Attendu que BIZIMANA dit que les peines requises à son encontre n’ont pas de fondement dès

lors qu’elles s’appuient sur des mensonges, qu’il demande au Tribunal de l’acquitter et de

21ème

Feuillet.

déclarer l’action civile non fondée ;

Attendu que Me Laurent KENNES, Conseil de BIZIMANA, soutient que BIZIMANA dit la

vérité et fait une plaidoirie à l’appui de cette affirmation, qu’il remet au Tribunal les conclusions

écrites ;

Attendu que Me BIZINDOLI, Conseil de BIZIMANA, dit qu’il se base sur les moyens de

défense de BIZIMANA ainsi que sur ce qu’a dit Me Laurent KENNES, qu’il dit que ceux qui

témoignent à charge de BIZIMANA mentent car ils ne font que rapporter ce qui leur a été dit et

que leurs déclarations divergent, que tous ces éléments sont mentionnés dans ses conclusions ;

Attendu que Me BIZINDOLI dit que les dommages-intérêts réclamés par Me

RWANGAMPUHWE ne sont plus d'actualité, qu’il devrait réclamer des dommages- intérêts

«actuels et authentiques» ;

Attendu que Me BIZINDOLI demande au Tribunal d’acquitter purement et simplement

BIZIMANA car toutes les accusations portées contre lui sont mensongères ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir s’il a quelque chose à ajouter, BIZIMANA dit

qu’il a produit toutes les preuves de son innocence, que ses conseils en ont également rapporté,

que la dernière preuve dont il entend se servir est qu’il a été réintégré au service sur demande du

Vice Président de la République et que, en date du 11/04/1996, un passeport diplomatique lui a

été délivré et qu’il est allé en Belgique, en Suisse et en Allemagne, qu’il ne serait pas revenu au

pays s’il avait ces crimes sur la conscience, qu’il termine en remettant au Tribunal ledit passeport

ainsi que ses conclusions écrites ;

Attendu que les débats sont clos et que les parties sont informées que la date du prononcé est

fixée au 20/02/2002 à 11 heures ;

Attendu que tous les moyens sont épuisés ;

Constate que dans cette affaire, BIZIMANA Antoine alias MABUYE est poursuivi pour avoir, à

GIHINDAMUYAGA ex- commune MBAZI, Province de BUTARE, République Rwandaise,

entre avril et juillet 1994, commis le crime de génocide constitué des assassinats dans le but de

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détruire le groupe ethnique Tutsi, d’association de malfaiteurs, de violation de domiciles, de

destruction de maisons, de non-assistance à personnes en danger et de détention illégale d’arme à

feu ;

Constate que le crime d’assassinat n’est pas établi à charge de BIZIMANA Antoine car aucun

des témoins qui le mettent en cause n’indique aucune victime que BIZIMANA a tuée ou fait tuer,

même le Dr. RUCYAHANA Alexandre n’accuse pas BIZIMANA d’assassinat, les allégations

selon lesquelles il avait une arme étant fausses dès lors que les uns parlent de massue, d’autres

parlent de grenade, d’autres enfin de fusil, une autre partie de témoins affirmant qu’il n’avait pas

d’arme ;

22ème

Feuillet.

Constate que l’infraction d’association de malfaiteurs est établie à charge de BIZIMANA

Antoine car, même s’il n’a pas commis de meurtre, il avait l’habitude de se promener en

compagnie de quelques-uns des tueurs tels que REKERAHO, REMERA, KAMANAYO et

HABYARIMANA Joseph son petit frère que l’on dit avoir dirigé les attaques, cela ayant été

confirmé par les témoins entendus tant au cours de l’instruction préparatoire qu’au cours des

débats en audience, ces derniers ayant également dit que BIZIMANA participait aux réunions

dont le but était d’organiser les massacres mais ne prenait aucune décision et qu’il a continué à

accompagner ce groupe de malfaiteurs notamment lors de la perquisition du domicile de

RUCYAHANA Alexandre ou des réunions, surtout que BIZIMANA a dit au Dr. RUCYAHANA

qu’il y avait un enfant qui n’était pas mort et qui se trouvait à la paroisse de RUGANGO, cela

étant la preuve qu’il se promenait avec les tueurs car il suivait de près leurs actes ;

Constate que l’infraction de violation de domiciles n’est pas établie à charge de BIZIMANA

Antoine car les témoins entendus n’ont pas dit, qu’il est entré dans des maisons surtout que le

crime d’assassinat n’est pas établi à sa charge ;

Constate que l’infraction de destruction de maisons n’est pas établie à sa charge car les témoins

entendus tant par le Ministère Public que par le Tribunal le disculpent, et que ceux qui l’accusent

de cette infraction ne l'ont fait que quand ils ont vu les briques et les tôles dont il s’est servi pour

construire et ont prétendu que ces matériaux proviennent des maisons qui ont été détruites, alors

que la maison de MBARAGA dont il est question a été détruite avant l’arrivée de BIZIMANA

dans cette région et que BIZIMANA dit avoir acheté ses briques et tôles, ceux qui le chargent

n’ayant pas prouvé que ces matériaux proviennent des maisons qui ont été détruites ou que ceux

qui ont détruit ces maisons étaient en compagnie de BIZIMANA Antoine ;

Constate que l’infraction de non-assistance à personnes en danger n’est pas établie à charge de

BIZIMANA Antoine car rien ne démontre qu’il avait les moyens de porter secours à ces

personnes mais qu’il ne l’a pas fait, le Ministère Public et les plaignants étant restés en défaut de

prouver qu’il pouvait le faire sans risque pour lui, et que, l’intéressé étant accusé de vouloir tuer

ces personnes, il s’ensuit qu’il ne pouvait pas porter secours à ceux dont il souhaitait la mort ;

Constate que l’infraction de détention illégale de fusil n’est pas constitutive du crime de génocide

car, aux termes de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996, les infractions constitutives du

génocide sont celles qui sont prévues par le Code pénal, que cette infraction n’étant dès lors pas

prévue par ce Code, il ne peut, pour cette raison, en être poursuivi dans un procès de génocide ;

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RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002

RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO

139

Constate que l’infraction retenue à charge de BIZIMANA Antoine le range dans la troisième

catégorie ;

Constate que BIZIMANA Antoine ne peut pas être condamné au paiement de dommages-intérêts

car les parties civiles se fondent sur la mort des membres de leurs familles ou sur la perte des

biens qui ont été endommagés, et que BIZIMANA n’a pas commis d’assassinat ou une

quelconque autre infraction qui aurait causé un préjudice aux parties civiles ;

23ème

Feuillet.

Constate que tous les moyens sont épuisés ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT :

Vu la Convention du 09/12/1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise, le Protocole des Accords de Paix

d’Arusha sur le partage du pouvoir aux articles 25 et 26, la Constitution du 10 juin 1991

spécialement en ses articles 12, 33, 92, 93 et 94 ;

Vu le Décret-loi n°09/80 du 07/07/1980 portant Code d’organisation et de compétence

judiciaires spécialement en ses articles 8, 12, 57, 58, 76, 104, 125, 135, 136, 199, 200 et 201 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises à partir du

01/10/1990 en ses articles 1, 2, 14, 17, 36 et 39 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,

spécialement en ses articles 2, 16, 17, 19, 37, 39, 59, 61, 62, 63, 67, 80, 83, 90, 113, 123, 138,

140, 144, et 145 ;

Vu les articles 1, 6, 7, 20, 25, 27, 35, 36, 48, et 90 du livre I du Code pénal, et les articles 281 et

283 du livre II du Code pénal,

Déclare recevables l’action du Ministère Public et celle des parties civiles car régulières en la

forme, mais déclare celle du Ministère Public partiellement fondée et celle des parties civiles non

fondée ;

Déclare établie à charge de BIZIMANA Antoine l’infraction d’association de malfaiteurs ;

Déclare que BIZIMANA Antoine et les parties civiles perdent le procès ;

Condamne BIZIMANA Antoine à 5 ans d’emprisonnement ;

Le condamne à la dégradation civique tel que prévu par la loi;

Ordonne à BIZIMANA Antoine de payer la moitié de 161.050 Frw de frais de justice soit 80.925

Frw dans le délai de trois mois et à défaut, édicte une contrainte par corps de 30 jours suivie de

l’exécution forcée sur ses biens ;

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RMP. 42.031/S8/NKM/NRA JUGEMENT DU 20/02/2002

RP. 0098/3/GIRO T.P.I. GIKONGORO

140

Met la moitié des frais à charge du Trésor Public ;

24ème

Feuillet.

Rappelle que le délai d’appel est de 15 jours à dater du prononcé ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 20 FEVRIER 2002 PAR

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GIKONGORO SIEGEANT A

GIKONGORO ET COMPOSE DE : S. MUNYANEZA (Président), NTAMBARA

NDUSHABANDI Innocent (Vice- Président) ET TH. HABIYAMBERE (Juge) EN

PRESENCE DE BUDENGELI Boniface (O.M.P.) ET J. Damascène NDABAGARUYE

(Greffier- Huissier).

SIEGE

PRESIDENT VICE PRESIDENT

Sacto MUNYANEZA NTAMBARA N.Innocent

(Sé) (Sé)

JUGE GREFFIER

Thadée HABIYAMBERE NDABAGARUYE J.Damascène

(Sé) (Sé)

Page 141: ASF_JurisprudenceGénocide_3

141

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE GISENYI

Page 142: ASF_JurisprudenceGénocide_3

142

Page 143: ASF_JurisprudenceGénocide_3

143

N°5

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de GISENYI

du

26 juin 1997.

Ministère Public et parties civiles C./ BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie.

ACTION CIVILE (RECEVABLE) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DE

MALFAITEURS (ART. 281 CP) - ATTENTAT AYANT POUR BUT LA DEVASTATION,

LE MASSACRE OU LE PILLAGE (ART 168 CP) - CATEGORISATION ( 1ère

et 2ème

CATEGORIE ; ART. 2 L.O. 30.8.96) ) - COMPLICITE - CONCOURS IDEAL

D'INFRACTIONS – CRIME DE GENOCIDE – DESTRUCTION DE BIEN IMMEUBLE

APPARTENANT A AUTRUI (ART. 444 CP) - DOMMAGES ET INTERETS (EX ÆQUO

ET BONO) – ENQUETE DU TRIBUNAL – PREUVE (MOYENS DE) – PEINE (DE

MORT) – TEMOIGNAGES (CONCORDANTS).

1. Procédure – mise en continuation – enquête et comparution des parties civiles.

2. 1er

prévenu – infractions établies (assassinat – génocide – attentant – association de

malfaiteurs) - moyens de preuve (témoignages et enquêtes) – zèle – première catégorie –

concours idéal – peine capitale.

3. 2ème

prévenue – infractions établies (complicité d’assassinat et génocide) – moyens de

preuve (témoignages et enquêtes) – deuxième catégorie.

4. Dommages et intérêts – sagesse du Tribunal.

1. L’affaire est mise en continuation afin de permettre au Tribunal de poursuivre ses enquêtes et

d’assurer la comparution des parties civiles.

2. Se fondant sur les témoignages recueillis et les résultats des enquêtes effectuées et nonobstant

ses dénégations, le Tribunal déclare établies à l’encontre du 1er

prévenu les infractions

d’assassinat, de génocide, d’attentat en vue de porter la dévastation, le pillage ou le massacre

et d’association de malfaiteurs. Le 1er

prévenu est rangé en première catégorie en raison du

zèle dont il a fait preuve et des atrocités commises. Les infractions ayant été commises en

concours idéal dans le but d’exterminer une partie de la population, seule la peine la plus

lourde est prononcée. Il est condamné à la peine de mort.

3. Se fondant sur les témoignages recueillis et les résultats des enquêtes effectuées et nonobstant

ses dénégations, le Tribunal déclare établies à l’encontre de la seconde prévenue les

infractions de complicité d’assassinat et de génocide, car il apparaît que c’est elle qui est allée

chercher l'une des victimes avant que les Interahamwe viennent chez elle pour l’y tuer. Ses

actes la rangent en deuxième catégorie. (NDLR : le tribunal ne précise pas la condamnation

prononcée à son égard).

Page 144: ASF_JurisprudenceGénocide_3

144

4. Le Tribunal accorde des dommages et intérêts aux parties civiles constituées, statuant « dans

sa sagesse » ; les deux prévenus sont condamnés solidairement à leurs paiement.

(NDLR: Par arrêt de la Cour d’appel de RUHENGERI en date du 25/11/1998, ce jugement est

partiellement réformé. L’arrêt est publié dans le présent Recueil, décision n° 16).

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RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI

145

(Traduction libre)

1er

feuillet.

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE

GISENYI, Y SIEGEANT EN MATIERE DE CRIME DE GENOCIDE ET DES CRIMES

CONTRE L’HUMANITE COMMIS A PARTIR DU 1ER

OCTOBRE 19990, A RENDU CE

26 JUIN 1997 LE JUGEMENT DONT VOICI LA TENEUR:

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE:

1. BARITIMA Jules, fils de SHYIRAKERA et de BAVUGABWOSE, né en 1950, résidant

dans la cellule KIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU, préfecture GISENYI, marié à

NYIRARUGERO, menuisier de profession, de nationalité rwandaise.

2. NYIRASHAKO Lénie, fille de SEBARABONA et de NTACYOBAMPENZE, née à

KIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU, préfecture GISENYI et y résidant, mariée à

RUDAHINYURA, agricultrice de nationalité rwandaise,

PREVENTIONS :

Avoir, entre le 07/04/1994 et le 17/07/1994, dans le secteur GISENYI, commune RUBAVU,

préfecture GISENYI en République Rwandaise, comme auteurs, coauteurs ou complices tel

que prévu par les articles 89, 90, et 91 du Code pénal rwandais livre I, commis le crime de

génocide tel que prévu par la Convention du 9/12/1948 en ses articles 1, 2, 3, et 4, la

Convention du 12/08/1949 en ses articles 146 et 147 et la Convention du 26/11/1968 en ses

articles 1 et 2 toutes trois ratifiées par le Rwanda par le Décret-loi n° 08/75, et par la Loi

organique n°08/96 du 30/8/96 en ses articles 1, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 ;

A charge de BARITIMA Jules :

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur, coauteur ou

complice tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal rwandais livre I, assassiné

KARUHIMBI et RUTAYISIRE ;

A charge de tous :

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, assassiné

KABALISA Dieudonné et sa mère KARUHIMBI, infraction réprimée par l'article 312 du

Code pénal livre II;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteurs, coauteurs ou

complices, tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, commis

l'infraction de dévastation, pillage et massacres, infraction réprimée par l'article 168 du Code

pénal livre II;

- Avoir dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, intentionnellement détruit et dégradé

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RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997

RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI

146

des maisons de particuliers, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 90 et 91 du Code

pénal livre I, et par l'article 444 du Code pénal livre II;

LE TRIBUNAL :

Vu l’instruction préparatoire menée par le parquet de GISENYI au terme de laquelle le dossier,

enregistré au rôle sous le n°R.P.33/R1/97/G, a été transmis à la présente juridiction pour fixation

et jugement ;

Vu l’ordonnance du président de ce Tribunal du 26/05/1997 fixant l’audience au 05/06/1997 à 8

heures du matin, date à laquelle l’audience n’a pas lieu pour cause de rôle chargé, d’où elle est

reportée au 12/06/1997 à 8 heures du matin ;

Vu la notification par le greffier aux prévenus de leur citation à comparaître à la date fixée par

ordonnance du président, date à laquelle les prévenus sont effectivement présents ;

Attendu que l’audience a lieu le 12/06/1997, qu’invité à présenter ses moyens de défense sur les

préventions à sa charge, BARITIMA Jules déclare qu’il plaide non coupable ;

Attendu qu’invitée à présenter ses moyens de défense sur les faits qui lui sont reprochés,

NYIRASHAKO Lénie répond qu’elle ne les reconnaît pas ;

Attendu qu’invité à expliciter les faits à charge des prévenus dès lors que ceux-ci plaident non

coupable, KAYITSINGA Emile qui représente le Ministère Public soutient que les deux

2ème

feuillet.

prévenus ont perpétré le crime de génocide, commis des actes de pillage et tué KARUHIMBI,

KABALISA et beaucoup d’autres victimes citées dans le présent dossier ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles les victimes qu’il est accusé d’avoir

tuées ont trouvé la mort, BARITIMA répond que c’était le matin lorsqu'est arrivé un militaire

accompagné d’une personne qui allait lui montrer le domicile de KAREMERA, qu’ils ont détruit

le plafond de la maison de ce dernier en y recherchant des victimes potentielles, que ne les ayant

pas trouvées, le militaire et cet individu se sont rendus au bureau communal, que pendant ce

temps KAREMERA et sa mère se trouvaient dans la famille de BARITIMA, qu’ils leur ont

conseillés de fuir de peur qu’ils ne se fassent tuer par le militaire et son ami, que dans la foulée,

des Interahamwe ont mené une attaque à laquelle prenait part le nommé KIGINGI, que lorsque

ces miliciens sont arrivés chez NYIRASHAKO ils y ont délogé KABALISA qui leur a échappé

par la suite, mais que celui-ci a finalement été tué par MUSSA à coups de massue, qu’enfin la

mère de KABALISA aurait été tuée à la barrière par le nommé SEDERI ;

Attendu qu’à la question de savoir si MUSSA faisait partie d’un groupe d’assaillants qui sont

venus fouiller chez eux, BATITIMA Jules répond que MUSSA n’était pas présent lors de cette

attaque, car il était resté sur la route ;

Attendu que le Ministère Public demande que BARITIMA Jules explique les circonstances dans

lesquelles KABALISA est décédé et qu’il dit que, bien que mis en cause, MUSSA ne pouvait pas

prendre part à cette attaque parce que la victime était sa voisine;

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RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI

147

Attendu qu’invitée à expliquer les circonstances de la mort de KABALISA et sa mère,

NYIRASHAKO Lénie répond qu’un jour, trois jeunes gens sont venus s’asseoir sur la véranda de

sa maison, que lorsqu’elle est allée se mettre à leurs côtés elle a vu des Interahamwe qui se

trouvaient déjà à l’intérieur de son enclos, qu'entre-temps KABALISA est venu frapper à sa

porte, qu’après lui avoir ouvert elle lui a conseillé de trouver refuge ailleurs, que cependant ce

dernier ne l’a pas entendu de cette oreille et disait qu’il ne pouvait aller nulle part ailleurs, que le

lendemain à 11 heures, est arrivé un groupe d’assaillants qui a fouillé sa maison de fond en

comble et délogé KABALISA, qu’elle a proposé 80.000 Frw à ces tueurs pour qu’ils laissent la

vie sauve à KABALISA mais en vain, que ces assaillants l’ont sérieusement battue, qu’elle a

préféré rester dans sa maison, que par la suite elle a entendu les enfants dire que ces assaillants

avaient assassiné KABALISA sur la route, qu’elle précise cependant ignorer tout de la mort de la

mère de KABALISA à laquelle elle apportait de la nourriture dans sa cachette, mais qu’elle a

cessé de le faire lorsque elle ne l’a plus retrouvée dans ladite cachette, qu’elle a demandé à

BARITIMA Jules l’endroit où elle pouvait bien se trouver et que celui-ci lui a répondu qu’elle

avait été tuée à la barrière ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il aurait été interrogé par le Ministère Public, BARITIMA

répond par l’affirmative ;

Attendu qu’à la question de savoir si ses actuelles déclarations ne contredisent pas celles qu’il a

faites devant le Ministère Public, BARITIMA Jules répond par la négative ;

Attendu que pour sa part NYIRASHAKO Lénie dit que ce qu’elle vient de déclarer n’est

aucunement en contradiction avec les déclarations qu’elle a faites devant le Ministère Public ;

Attendu que le Ministère Public affirme que NYIRASHAKO Lénie a reconnu qu’elle s’était

rendue au domicile de FAYI pour inviter les membres de cette famille à venir se cacher chez elle

et soutenu qu’elle se trouvait à RUHENGERI lorsque la mère de KABALISA fut tuée alors que

sa fille affirme qu’elle était bel et bien à la maison ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle s'était rendue chez FAYI, NYIRASHAKO Lénie

répond qu’elle n’y a jamais mis les pieds ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle a des liens de parenté avec KABALISA Dieudonné,

elle répond par la négative ;

Attendu qu’interrogée sur les circonstances dans lesquelles KABALISA a trouvé refuge chez

elle, NYIRASHAKO déclare que KABALISA s’est réfugié chez elle comme il pouvait trouver

refuge partout ailleurs où sa sécurité pouvait être assurée ;

Attendu que le représentant du Ministère Public est invité à apporter les preuves que

NYIRASHAKO s’est rendue chez FAYI et qu’elle a tué KABALISA, qu’il explique que les

preuves se trouvent dans le dossier et que UWIMBABAZI FAYI a bien expliqué cela;

Attendu qu’interrogée sur l’endroit où elle se trouvait lorsque KABALISA a été emmené et sur

un conflit qui l’opposerait à FAYI, NYIRASHAKO Lénie répond qu’elle était chez elle parce

que les assaillants venaient de la battre et de la dépouiller de 80.000 Frw, et qu’aucun conflit ne

l’oppose à FAYI ;

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148

Attendu qu’interrogée sur d’autres victimes qui auraient été tuées dans leur quartier,

NYIRASHAKO répond qu’à sa connaissance il n’y a pas eu d’autres victimes sur leur avenue

mais que sur d’autres avenues il y en a eu beaucoup ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi elle continue de dire qu’elle n’était pas à la maison

pendant cette période des massacres alors que le Ministère Public soutient que sa fille a bien dit

qu’elle n’a jamais quitté son domicile, NYIRASHAKO répond qu’elle ne vivait pas là bas ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi elle a dit à KABALISA de retourner d’où il venait

en prétextant que les Interahamwe savaient qu’il y était, après quoi elle l’a mis hors de sa maison,

NYIRASHAKO répond que les Interahamwe sont venus la chercher ainsi que son domestique

sans savoir que KABALISA s’y trouvait ;

3ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir si personne d’autre ne se cachait dans sa maison et si

BARITIMA était un voisin à elle, elle répond qu’il n’y avait personne d’autre dans sa maison et

que BARITIMA était un proche voisin à elle ;

Attendu que BARITIMA Jules est invité à expliquer ses allégations selon lesquelles MUSSA a

tué KABALISA et à préciser l’endroit où il se trouvait lorsque cela a eu lieu, qu’il déclare qu’il

était chez lui et précise qu’on peut voir ce qui se passe sur la route bitumée à partir de son

domicile ;

Attendu qu’invitée à produire les preuves tangibles attestant qu’elle a effectivement donné de

l’argent aux assaillants pour racheter la vie de KABALISA, NYIRASHAKO répond que tout le

monde est au courant de cette affaire ;

Attendu que le Ministère Public dit que NYIRASHAKO soutient que seul KABALISA se cachait

chez elle alors que dans son audition devant le Ministère Public( P.V.n°16) la nommée Vestine a

déclaré que beaucoup de gens se cachaient chez NYIRASHAKO, que KABALISA a été tué sur

la route et non chez cette dernière et que BARITIMA Jules était en compagnie des meurtriers de

KABALISA ;

Attendu qu’interrogé sur le nombre de coups de massue administrés à KABALISA, BARITIMA

Jules répond qu’il ne se trouvait pas sur le lieu des faits et qu’il suivait la scène de très loin ;

Attendu qu’invité à expliquer au Tribunal ce qu’il a fait en sa qualité de responsable de cellule

pour mettre fin à ces exactions qui étaient commises dans la cellule qu’il dirigeait, BARITIMA

Jules répond que, sans arme, il ne pouvait rien faire face à des gens armés surtout qu’il s’agissait

des militaires de la Garde Présidentielle, des Interahamwe, des partisans de la C.D.R et autres ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il n’organisait pas de réunions, il répond que c’est le

responsable en personne qui tenait des réunions et que son rôle à lui se limitait à superviser les

travaux communautaires (Umuganda) et à prodiguer des conseils à ceux qui l’entouraient ;

Attendu que le Ministère Public dit que BARITIMA ne dit pas la vérité, que les travaux

communautaires ordinaires avaient cessé pendant cette période et que la seule activité qui était

faite en commun était celle de faire la chasse aux Tutsi et aux opposants au régime de l’époque ;

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149

Attendu qu’invité à réagir aux allégations du Ministère Public, il répond qu’il supervisait les

travaux communautaires (Umuganda) même avant la guerre ;

Attendu qu’interrogée sur les raisons qui l’ont poussée à ne prévenir que VESTINE tout en

condamnant les autres à se débrouiller, NYIRASHAKO répond que l’épouse de MINGA qui est

la tante maternelle de VESTINE a envoyé cette dernière se cacher au domicile de

NYIRASHAKO ;

Attendu que le Ministère Public soutient que NYIRASHAKO a reconnu que les Interahamwe

sont venus à son domicile chercher sa belle-fille VESTINE, mais que ces miliciens y ont trouvé

KABALISA au lieu de VESTINE, ce que NYIRASHAKO réfute catégoriquement ;

Attendu que le Ministère Public affirme que NYIRASHAKO s’est activement impliquée dans la

perpétration du génocide et en donne pour preuve le fait que c’est le militaire qui vivait chez

NYIRASHAKO qui, le premier, frappa KARUHIMBI, que NYIRASHAKO réagit à cette

accusation en disant que ce militaire vivait chez elle parce qu’il y avait trouvé refuge ;

Attendu qu’à la question de savoir ce que ce militaire aurait dit à KARUHIMBI, si ce militaire

vivait dans la même maison qu’elle et ce qu’elle aurait fait pour voler au secours de

KARUHIMBI lorsque ce militaire l’a battue au point de lui arracher les dents, NYIRASHAKO

répond qu’elle vivait effectivement avec ce militaire, qu’avant de fuir, KARUHIMBI lui a dit

qu’elle se rendait au Zaïre et a pris pour toute provision de la bière de sorgho en se faisant passer

pour une vendeuse, qu’elle a chauffé de l’eau pour masser KARUHIMBI à la suite des coups qui

lui avaient été administrés par ce militaire et qu’enfin elle a saisi de ce cas les autorités en

commençant par celles au niveau de cellule;

Attendu qu’interrogé sur la manière dont on a arraché les dents à KARUHIMBI, BARITIMA

Jules explique qu’il l’a vue saigner mais qu’il n’a rien vu d’autre ;

Attendu que le Ministère Public soutient que ce militaire est sorti de la maison de

NYIRASHAKO en disant que les minables Tutsi lui rendaient la vie difficile, que

NYIRASHAKO était bien là, que ce militaire a aussitôt frappé KARUHIMBI, que celle-ci a

appelé BARITIMA Jules à son secours mais en vain, que cependant Jules explique qu’il n’avait

pas les moyens de la secourir ;

Attendu qu’invité à émettre son avis, BARITIMA Jules répond que THERESE l’a fait arrêter à

un endroit dit «ETAG » directement après son retour d’exil, que les témoins à sa charge à savoir

NYIRANGIRUMPATSE, KAREMERA, UWIMBABAZI, MUKANYIRIGIRA,

NZAYISENGA, NYIRAMABIRIKA, SAFARI et UZABUMUKOBWA se sont en même temps

constitués parties civile et qu’il ne connaît même pas les trois derniers témoins ;

4ème

feuillet.

Attendu qu’invitée à émettre son dernier avis, NYIRASHAKO dit que sa belle-fille VESTINE

l’accuse injustement parce qu’à l’époque des faits elle était séparée de son mari, qu’elle lui a

conseillé d’aller chez sa tante maternelle qui est aussi l’épouse de MINGA parce que deux

enfants se cachaient déjà à son domicile et qu’elle craignait que les Interahamwe ne reviennent et

ne l’y trouvent, qu’elle ajoute que ceux qui l’accusent sont issus d’une même famille et qu’ils lui

en veulent parce qu’elle a plus de biens qu’eux, que dès lors, elle demande au Tribunal de

l’acquitter des infractions à sa charge ;

Page 150: ASF_JurisprudenceGénocide_3

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RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI

150

Attendu que les parties civiles n’ont pas été invitées à se constituer dans les délais, que la seule

partie civile qui a pu se présenter à l’audience a demandé au Tribunal de leur accorder

suffisamment de temps pour pouvoir se constituer et que le Tribunal a accédé à cette requête ;

Attendu que la parole est accordée à KATISIGA Emile qui représente le Ministère Public et que

dans ses réquisitions il retrace l’historique du présent procès, qu’il clôture son réquisitoire en

demandant que les deux prévenus en l’occurrence BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie

soient respectivement rangés dans la première et deuxième catégorie en application de la Loi

organique n°08/96 du 30/08/1996, qu’il requiert contre eux la peine capitale pour le crime de

génocide et l’infraction d’assassinat, une peine d’emprisonnement de 20 ans pour l’infraction de

dévastation du pays, de massacre et de pillage, une peine d’emprisonnement de 10 ans pour

l’infraction d’association de malfaiteurs, une peine d’emprisonnement de 5 ans pour l’infraction

de destruction et de dégradation de maisons d’autrui, une peine d’emprisonnement de 2 ans pour

l’infraction de violation de domicile au moyen de menaces, la peine d'emprisonnement à

perpétuité pour l’infraction de participation criminelle prévue aux articles 89 et 90, 3° du Code

pénal Livre I, que dans la mesure où toutes ces infractions sont en concours idéal tel que prévu

par l’article 93 du Code pénal Livre I, il requiert spécialement contre NYIRASHAKO Léonie la

peine d’emprisonnement à perpétuité et la dégradation civique prévue par l’article 66 du Code

Pénal Livre I, qu’il demande enfin que les frais d’instance soient mis à charge des deux prévenus

et que des dommages et intérêts soient alloués aux parties civiles ;

Vu qu’en date du 20/06/1997 le Tribunal décide de mener des enquêtes supplémentaires et

reporte l’audience au 26/06/1997, date à laquelle l’audience est mise en continuation ;

Vu que les parties civiles se présentent à l’audience pour se faire enregistrer ;

Attendu qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, NDAYISENGA Claude

répond qu’il demande des dommages et intérêts sur base de la douleur qu’il ressent suite à la

perte de sa mère KARUHIMBI et de son grand frère KABALISA, qu’il dirige son action contre

ceux qui les ont tués à savoir BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie, qu’il poursuit en

disant que cette dernière a induit en erreur sa mère à laquelle elle a arraché les dents en lui

demandant de trouver refuge ailleurs, que celle-ci a fini par partir mais que dans sa fuite elle est

arrivée sur une barrière tenue par le frère de BARITIMA et que c’est là qu’elle a trouvé la mort ;

Attendu qu’à la question de savoir le nom du frère de BARITIMA, NDAYISENGA Claude

déclare qu’il ne connaît pas son nom mais que tout ce qu’il sait est qu’il était un militaire ;

Attendu que UWIMANA Jeanne d’Arc, fille de SAGATWA John et de MUKAMKUZA

Anastasie, résidant dans la cellule KIVUMU, secteur GISENYI, préfecture GISENYI, dit qu’elle

accuse BARITIMA d’avoir assassiné son oncle paternel qui s’appelle RINGA parce que c’est

bien lui qui l’a emmené de son domicile après avoir pillé tout ce qu’il y avait dans la maison ;

Attendu que KAREMERA charge BARITIMA Jules d’avoir assassiné sa mère KARUHIMBI et

son petit frère KABALISA avec l’aide de NYIRASHAKO Léonie et qu’il leur demande de

l’indemniser, qu’invité à produire les preuves de ce qu’il avance, il répond que NYIRASHAKO

est venue à leur domicile et y a enlevé KABALISA et qu’une heure plus tard celui-ci a été tué,

que RUTAYISIRE et lui se cachaient ensemble derrière le domicile de Jules, que lorsqu’ils ont

voulu se réfugier ailleurs, ils ont dû aider RUTAYISIRE à escalader la clôture mais que celui-ci

n’y est pas parvenu, que c’est de cette façon que Jules l’a trouvé là et l’a tué ;

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RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997

RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI

151

Attendu qu’invitée à expliciter les dommages et intérêts qu’elle réclame, MUREKATETE dit

que ces dommages et intérêts résultent de la perte de sa mère tuée par BARITIMA, que celui-ci a

vu cette dernière lorsqu’il était venu piller des biens dans leur maison, qu’il est directement allé

alerter les miliciens Interahamwe qui sont venus à bord d’un véhicule dans lequel ils ont emmené

sa mère au bureau communal où il y avait une grande fosse au fond de laquelle des victimes

étaient précipitées, que son père à lui a passé trois jours dans cette fosse avant de rendre l’âme,

mais que Jules y est retourné pour l’achever, et que Jules a tué beaucoup d’autres victimes en les

brûlant avec du pétrole ;

Attendu qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, SAYIDI déclare que son

action est dirigée contre BARITIMA Jules qui a assassiné sa tante paternelle KARUHIMBI qui

payait ses frais d’études et au domicile de laquelle il passait ses vacances, qu’il soutient donc que

c’est bien lui qui a tué sa tante puisqu’après son forfait il a changé la disposition de la porte de la

maison de cette dernière de manière à ce que celle-ci donne directement sur sa maison à lui et

qu’après ces transformations il a mis la maison de sa tante en location ;

Attendu qu’invité à expliciter les dommages et intérêts qu’il réclame, SAFARI dit que

BARITIMA a tué son père avec la complicité de l’Etat au service duquel il agissait, qu’il ne

doute pas un seul instant

5ème

feuillet.

que c’est bien lui et ses acolytes qui l’ont tué parce qu’ils les a vu l’emmener, car il était dans les

environs lorsque cela est arrivé, que pour cette raison il réclame les dommages et intérêts

s’élevant à 50.000.000 Frw parce qu’il a perdu un père qui les nourrissait, lui et ses six petits

frères à savoir DUSABIMANA, MUGABO, DIANE, DIDIER, BOBO et ASHIHE, et qu’ils ont

tous dû suspendre leurs études pour cause de manque de moyens ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a quelque chose à ajouter à sa demande, il demande au

Tribunal de leur rendre justice au plus vite dans la mesure où ils mènent actuellement une vie très

difficile ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, le nommé NGIRUMPATSE explique qu’il a vu de ses

propres yeux, à partir de chez RUCANANKUBIRI où il se cachait, NYIRASHAKO conduire

KABALISA chez elle d’où BARITIMA l’a ensuite emmené, après quoi ils l’ont directement tué ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, UMUTONI explique qu’elle se cachait tout près de chez

NYIRASHAKO lorsqu’elle a vu KABALISA là où on l’avait fait asseoir, que plus tard elle

entendra BARITIMA se vanter que l’ennemi KABALISA venait de mourir ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, NIWEMWANA explique qu’en date du 30/04/1994 elle

était avec d’autres personnes lorsqu’elle a croisé BARITIMA Jules en compagnie des miliciens

Interahamwe armés de machettes, que ceux-ci leur ont demandé de présenter leurs cartes

d’identité après quoi ils sont allés chercher un véhicule pour les emmener, qu’à l’arrivée du

véhicule ils ne les ont pas fait monter à bord pour des raisons qu’elle ignore, que cette opération

ayant tourné court, BARITIMA est allé piller des biens dans leur domicile suite à quoi ils ont fui,

que cependant il avait vu auparavant BARITIMA brûler avec du pétrole une femme inconnue,

ainsi que le nommé Emmanuel qui faisait du commerce au marché, qu’elle soutient que toutes

les attaques qui ont été menées dans cette région étaient dirigées par BARITIMA parce qu’il était

responsable de cellule ;

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RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI

152

Attendu qu’interrogé sur le montant des dommages et intérêts qu’il réclame, NDAYISENGA

explique qu’étant donné leurs biens qui ont été pillés et l’importance des membres de sa famille

tués, surtout que ce sont eux qui payaient son minerval et subvenaient à ses autres besoins, qu'il

demande que l’Etat rwandais soit condamné solidairement avec les auteurs des faits qui lui ont

causé un préjudice à lui verser les dommages et intérêts de 22.000.000 Frw ;

Attendu qu’invitée à préciser le montant des dommages et intérêts qu’elle réclame,

MUREKATETE dit qu’étant donné tout ce que son père représentait pour sa famille elle

demande pour cette dernière des dommages et intérêts s’élevant à 15.000.000 Frw ;

Attendu qu’interrogé sur le montant des dommages et intérêts qu’il réclame, SAYIDI demande

qu’il lui soit alloué des dommages et intérêts de 10.000.000 Frw ;

Attendu qu’invitée à préciser le montant des dommages et intérêts qu’elle réclame, UWIMANA

Jeanne d’Arc dit que son oncle RINGA subvenait à tous ses besoins et que pour cela elle

voudrait être indemnisée pour un montant de 12.000.000 Frw ;

Attendu qu’invité à réagir aux accusations portées contre lui par ceux qui le chargent et dont

certains se sont constitués parties civiles, BARITIMA Jules répond que toutes ces personnes

l’accusent injustement, que concernant les dommages et intérêts, il dit qu’il ne saurait les payer

parce qu’il n’a rien fait ;

Attendu qu’interrogé sur le sort qui serait le sien au cas où sa culpabilité serait retenue, il répond

qu’il appartient au Tribunal de se prononcer et qu’en tout état de cause il ne possède pas

suffisamment de biens pour désintéresser ces parties civiles ;

Attendu que la parole est accordée à KATISIGA Emile qui représente le Ministère Public et qu’il

dit que les preuves qu’il a pu rassembler contre les prévenus sont amplement suffisantes, qu’il

trouve plutôt que les dommages et intérêts réclamés ne sont pas suffisants au vu des faits

accablants reprochés aux prévenus ;

Attendu qu’invitée à réagir aux accusations dont elle fait l’objet de la part des personnes dont

certaines se sont constitués parties civiles, NYIRASHAKO Lénie répond qu’outre le fait d’être

injustement accusée elle trouve que les dommages et intérêts qui lui sont réclamés dépassent

largement les moyens dont elle dispose, qu’elle rappelle toutefois qu’elle n’a pas encore perdu la

cause et demande que des enquêtes supplémentaires soient menées ;

Attendu que la parole est accordée à KAYITSINGA Emile qui représente le Ministère Public et

qu'il dit que les enquêtes qui ont été menées jusqu’ici sont amplement suffisantes et qu’une

nouvelle enquête serait sans objet, que quant aux dommages et intérêts demandés, il les trouve

très en deçà du montant qui aurait dû être réclamé compte tenu du nombre des victimes tuées par

BARITIMA, surtout que le nombre de parties civiles pourrait augmenter à l’avenir, que pour

cette raison, il a ajouté 50.000.000 Frw au montant global des dommages et intérêts réclamés par

les actuelles parties civiles en faveur de celles qui sont présentement inconnues ;

Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner et qu’il y a lieu de se

retirer pour dire le droit ;

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RMP 60.501/S5/ML/GB JUGEMENT DU 26/06/1997

RP 33/R1/97/G C.S. T.P.I. GISENYI

153

Constate que l’action introduite par le Ministère Public ainsi que celle intentée par les parties

civiles sont recevables parce que régulières en la forme ;

Constate que BARITIMA Jules et NYIRASHAKO ont régulièrement été cités à comparaître

6ème

feuillet.

et qu’en date du 20/06/97 le Tribunal a suspendu l’audience pour mener ses propres enquêtes

puis l’a renvoyée au 26/06/1997, date à laquelle les deux prévenus ont comparu et plaidé

personnellement leur cause ;

Constate qu’une fois devant le Tribunal, BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie ont été

invités à se défendre sur les préventions dont celle de génocide mises à leur charge par le

Ministère Public ;

Constate qu’en date du 07/04/1994 et du 1707/1994 BARITIMA Jules a assassiné KARUHIMBI

et RUTAYISIRE ;

Constate que BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie ont tué KABALISA Dieudonné et sa

mère KARUHIMBI, que la preuve en est les procès - verbaux d’audition transmis au Tribunal

par le Ministère Public ainsi que les déclarations des témoins en l’occurrence NDAYISENGA,

SAYIDI, NIWEMWANA, MUREKATETE, NGIRUMPATSE, UWIMANA, UMUTONI et

beaucoup d’autres qui chargent BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie de ces atrocités,

infractions qu’ils ont commises avec l’unique intention d’exterminer une partie de la population ;

Constate que ces témoins sont venus déposer à charge de BARITIMA Jules et NYIRASHAKO

Léonie à l’audience du 12/06/1997, à celle du 15/06/1997 ainsi qu’à celle du 26/06/1997 et que

leurs témoignages s’accordent sur un point, à savoir que les deux prévenus ont perpétré des

tueries ;

Constate que BARITIMA Jules est poursuivi pour génocide, assassinat, association de

malfaiteurs et dévastation du pays, massacre et pillage ;

Constate que BARITIMA Jules a tué KARUHIMBI, RUTAYISIRE et KABALISA Dieudonné

avec le concours de NYIRASHAKO Lénie ;

Constate que la prévention d’assassinat est établie à charge de BARITIMA Jules tel qu’il ressort

des déclarations des témoins entendus, de l’instruction menée par le Ministère Public et des

résultats de l’enquête effectuée par le Tribunal ;

Constate que la prévention d’association de malfaiteurs est établie à charge de BARITIMA Jules

tel qu’explicité dans les précédents « Constate » ;

Constate que les préventions à charge de BARITIMA Jules sont en concours idéal tel que prévu

par l’article 93 Code Pénal Livre I, qu'ainsi BARITIMA Jules doit être condamné pour la

prévention la plus grave à savoir la prévention de génocide ;

Constate que BARITIMA a commis toutes ces infractions avec la ferme intention d’exterminer

une partie de la population par exemple en portant atteinte à leur intégrité physique, qu’il a

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154

commis ces faits entre le 07/07/1994 et le 17 /07 /1994 avec une extrême méchanceté tel que

prévu par les lois nationales et les conventions internationales ;

Constate que NYIRASHAKO Lénie a fait tuer KABALISA Dieudonné avec le concours de

BARITIMA Jules ;

Constate que des témoins chargent NYIRASHAKO Lénie d’avoir été complice de l’assassinat de

KABALISA car, comme cela est soutenu par ces témoins, elle est allée le prendre à son domicile,

et que par la suite les Interahamwe l’ont trouvé chez NYIRASHAKO et lui ont donné la mort ;

Constate que NYIRASHAKO est poursuivie pour avoir comploté contre KABALISA

Dieudonné ;

Constate qu’aux dates susmentionnées les témoins se sont présentés à l’audience pour charger

NYIRASHAKO Lénie et qu’ils sont tous unanimes pour dire que cette dernière a fait tuer

KABALISA Dieudonné ;

Constate que NYIRASHAKO Lénie a intentionnellement fait tuer KABALISA Dieudonné ;

Constate que cette complicité d’assassinat est établie à charge de NYIRASHAKO Lénie tel qu’il

ressort des déclarations des témoins qui ont déposé à sa charge et qu’elle reconnaît que les

miliciens INTERAHAMWE ont tué KABALISA après l’avoir délogé de son domicile à elle ;

Constate que NYIRASHAKO Lénie a fait tuer KABALISA Dieudonné par pure méchanceté et

qu’ainsi elle est rangée dans la 2ème

catégorie ;

Constate que pour toutes les raisons développées ci-dessus BARITIMA Jules est rangé dans la

1ère

catégorie ;

Constate que les dommages et intérêts réclamés par KARUHIMBI, MUREKATETE, SAYIDI et

KAREMERA conjointement avec le Ministère Public pour la perte des membres de leur famille

et de leurs biens sont fondés, mais que le Tribunal va les évaluer dans sa sagesse;

Vu la Convention du 09/12/1948 en ses articles 1, 2, 3 et 4, la Convention du 12/08/1949 en ses

articles 146 et 147, et la Convention du 26/11/1968 en ses articles 1et 2, toutes trois ratifiées par

le Décret-loi n°08/75;

7ème

feuillet.

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise spécialement la Constitution du 10 juin

1990 en ses articles 14, 92, 93, 94, 95 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990 spécialement en ses articles 1, 2, 14, 18, 20, 21, 29, 30, 39 ;

Vu le Décret-loi n°09/80 du 07/07/1980 portant organisation et compétence judiciaires

spécialement en ses articles 199, 200, 201 ;

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155

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale en ses articles 16, 58, 59, 61, 71, 73,

76, 90 et 138 telle que modifiée à ce jour ;

Vu la Loi n°21/77 du 18/08/1997 portant Code pénal en ses articles 89,90, 91, 93, 168, 281, 282,

283, 304, 305, 312 et 444 ;

Décide de recevoir l’action intentée par les parties civiles énumérées ci-avant ;

Déclare que les infractions à charge de BARITIMA Jules sont en concours idéal, qu'ainsi il doit

être condamné pour l’infraction la plus grave c’est à dire celle de génocide ;

Déclare que BARITIMA Jules perd la cause et le condamne à la peine capitale ;

Lui ordonne de verser au trésor public les frais d’instance équivalant à 4.000 Frw sous peine de

s’exposer, en cas d’inexécution, à une contrainte par corps de 30 jours suivie d’une exécution

forcée sur ses biens ;

Lui ordonne de verser au titre de dommages et intérêts, solidairement avec NYIRASHAKO

Lénie, à la famille KARUHIMBI la somme de 5.000.000 Frw, à MUREKATETE la somme de

4.000.000 Frw, à SAYIDI la somme de 2.000.000 Frw et à UWIMANA Jeanne d’Arc la somme

de 2.000.000 Frw, que le total des dommages et intérêts dont ils sont redevables est de

13.500.000 Frw, qu’ils sont tenus de payer cette somme dans un délai de trois mois sous peine de

s’exposer, en cas d’inexécution, à une contrainte par corps de 10 jours suivie d’une exécution sur

leurs biens ;

Leur ordonne de payer dès le prononcé de ce jugement la somme de 78.000 Frw au titre de droit

proportionnel de 4 % sinon exécution forcée sur leurs biens ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 26/06/1997 PAR LA

CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GISENYI

EN PRESENCE DES PREVENUS, DE BAMBANZA GREGOIRE (représentant du

Ministère Public) ET DES PARTIES CIVILES.

PRESIDENT JUGE JUGE

RUMANZI Jean NKAKA Séraphin MUNYAKAYANZA

MUNYAWERA Sophonie

Sé/ Sé/ Sé/

GREFFIER

BAYINGANA J.B

Sé/

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156

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157

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE GITARAMA

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158

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159

N° 6

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de GITARAMA

du

02 avril 1999.

Ministère Public C/ BUGIRIMFURA Emmanuel et Consorts.

ACTION CIVILE (LIEN DE CAUSALITE) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –

ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ART. 281 ET 282 CP) – AVEUX (COMPLETS

ET SINCERES ; PARTIELS) – CATEGORISATION (2ème

CATEGORIE ; ART.2 L.O.

30/8/96) – CRIME DE GENOCIDE – DOMMAGES ET INTERETS (EX- ÆQUO ET

BONO) – EXCUSES – NON-ASSISTANCE A PERSONNES EN DANGER (ART. 256

CP ; NON) – PEINE (DIMINUTION DE; EMPRISONNEMENT A PERPETUITE;

EMPRISONNEMENT A TEMPS; DEGRADATION CIVIQUE) – PREUVE

(ACCUSATIONS RECIPROQUES; TEMOIGNAGES) – PROCEDURE D'AVEU ET

DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (AVANT POURSUITES; ARTICLE 6 DE LA

LOI ORGANIQUE DU 30/08/1996) – TEMOIGNAGES (A CHARGE;

CONCORDANTS).

1. Non – assistance à personnes en danger – incompatibilité avec l'assassinat constitutif du

crime de génocide – acquittement de l’ensemble des prévenus pour cette prévention.

2. 1er

prévenu – procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité - aveux sincères et complets

(conformité à l'article 6 de la Loi organique du 30/08/1996) – deuxième catégorie – aveux

avant poursuites – réquisitions contraires - réduction de peine – art. 15a de la Loi

organique du 30/08/1996 – 10 ans d'emprisonnement.

3. 2ème

, 3ème

, 4ème

et 5ème

prévenus – infractions établies (assassinat ; association de

malfaiteurs ) – preuves (accusations des coaccusés et témoignages à charge).

4. 2ème

, 3ème

, 4ème

et 5ème

prévenus –concours idéal d'infractions – deuxième catégorie –

emprisonnement à perpétuité et dégradation civique limitée.

5. Action civile – recevable et partiellement fondée - dommages et intérêts moraux -

évaluation ex æquo et bono – dommages et intérêts matériels (non) – défaut de preuve et

de lien avec les infractions poursuivies.

1. Les prévenus ne pouvant pas raisonnablement tuer les victimes et leur porter secours en

même temps, ils sont tous acquittés de l’infraction de non-assistance à personnes en

danger, y compris le prévenu qui a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité pour l’ensemble des infractions.

2. Sont acceptés comme complets et sincères, conformément à l'article 6 de la Loi

organique du 30/08/1996, les aveux du 1er

prévenu qui a reconnu les faits, indiqué les noms

de ses victimes, dénoncé ses coauteurs et complices, et présenté ses excuses. Les

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160

infractions avouées par le 1er

prévenu le rangent en deuxième catégorie; contrairement aux

réquisitions du Ministère Public qui soutient que le prévenu a avoué après poursuites et

réclame une peine d’emprisonnement de douze ans, le Tribunal constate que le prévenu a

recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité avant poursuites, dès la

publication de la loi.

En application de l'article 15a de la Loi organique du 30/08/1996, il est condamné à une

peine d'emprisonnement de 10 ans.

3. Sont déclarées établies à charge des 2ème

, 3ème

, 4ème

et 5ème

prévenus, les infractions

d'assassinat et d'association de malfaiteurs, car :

- certains prévenus ont avoué, lors de l'instruction préparatoire, avoir participé à

l'assassinat des victimes ;

- les prévenus s'accusent mutuellement d'avoir participé aux assassinats ;

- leur coprévenu qui a recouru à la procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité les

met en cause ;

- les prévenus sont accusés par de nombreux témoins entendus lors de l'instruction

préparatoire ;

- même si certains prévenus disent être mis en cause injustement, ils n'indiquent pas la

raison pour laquelle ils auraient été accusés à tort ;

Les infractions établies sont constitutives du crime de génocide, car les victimes ont été

visées en raison de leur appartenance ethnique.

4. Les infractions établies à charge des 2ème

, 3ème

, 4ème

et 5ème

prévenus ont été commises en

concours idéal et les rangent dans la deuxième catégorie. Ces prévenus sont condamnés à

l'emprisonnement à perpétuité et à la dégradation civique telle que prévue par l'article 66,

2°, 3° et 5° du Code pénal.

5. L’action des parties civiles est recevable et partiellement fondée. Des dommages moraux

doivent être accordés tant à l’épouse et à la mère des deux victimes qu’aux enfants

survivants. Les montants réclamés à ce titre sont cependant excessifs, et le Tribunal

procède à une évaluation ex æquo et bono. La demande visant l’allocation de dommages

et intérêts matériels est rejetée, la partie civile restant en défaut de rapporter la preuve de

ces dommages, et les prévenus n’ayant pas été poursuivis pour destruction ou dégradation

de biens, infractions auxquelles se seraient rattachés les dommages réclamés .

( NDLR : En date du 11/03/2001, la Cour d'Appel de NYABINSINDU a déclaré recevable,

mais non fondé l'appel des prévenus).

Page 161: ASF_JurisprudenceGénocide_3

RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999

RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA

161

(Traduction libre)

1er

feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GITARAMA, CHAMBRE

SPECIALISEE, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE OU D’AUTRES CRIMES

CONTRE L’HUMANITE COMMIS ENTRE LE 1er

OCTOBRE 1990 ET LE 31

DECEMBRE 1994, A RENDU AU PREMIER DEGRE LE JUGEMENT DONT LA

TENEUR SUIT :

JUGEMENT DU 02/04/1999

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1. BUGIRIMFURA Emmanuel fils de GATORANO, né en 1952 à KARAMA commune

MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, Rwandais, cultivateur, marié à NYIRAMINANI,

père de 3 enfants, sans biens ni antécédents judiciaires connus (détenu).

2. RUHANIKA Michel fils de MUREKEZI et MUKAKABANDA, né en 1963 à KARAMA,

commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, y résidant, marié à NYIRANGIRENTE,

sans enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus (détenu).

3. HABIMANA Célestin fils de GATORANO Dominique et MUKAMUZIMA Marthe, né à

GIHEMBE, secteur KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA et y

résidant, marié à MUKAKAMANZI, père de 3 enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents

judiciaires connus (détenu).

4. MUSABYIMANA Théoneste fils de MPAKANIYE Athanase et NYIRARUMONDO, né à

NYAMYUMBA, secteur KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, en

1968, célibataire, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus (détenu).

5. FASHAHO Jean, fils de BICAMUMPAKA Dismas et NTAMUKIZA Xaverina, né à

KARAMA en 1953 et y résidant, marié à MUKANSHAGAYE Dorothée, père de 7 enfants,

maçon, sans biens ni antécédents judiciaires connus (détenu).

Préventions :

Avoir à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, République Rwandaise,

comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal

Livre premier, l’article 3a de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des

poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou d’autres crimes contre

l’humanité, entre avril et juillet 1994, commis les infractions ci-après dans le cadre du génocide

telles que prévues par le Décret-loi n°08/75 du 12/02/1975, la Loi organique n°08/96 du

30/08/1996 et la convention du 09/12/1948 ;

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RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999

RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA

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2ème

feuillet.

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteurs, coauteurs ou

complices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal Livre premier et l’article 3a de

la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996, assassiné NDAGIJIMANA Alexis et son fils

SINGIZIMANA Léonard, infraction prévue et punie par l’article 312 du Code pénal Livre II ;

- Avoir, à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, République

Rwandaise, formé une association de malfaiteurs, infraction prévue et punie par les articles 281,

282 du Code pénal ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, alors qu’ils en étaient capables et

qu’il ne pouvait en résulter aucun danger pour eux et pour les tiers, omis de porter secours aux

personnes qui se trouvaient en péril, infraction prévue et punie par l’article 256 du Code pénal

Livre II ;

PARTIES CIVILES :

NYIRAMASUKA Euphrasie fille de NTAMUHANGA et NYIRAMBUGUZA, originaire de

KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA et y résidant, mariée à feu

NDAGIJIMANA Alexis en 1962 ;

NYIRAGARUKA Eularie fille de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,

cultivatrice, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA,

Rwandaise, née en 1969 ;

HAKIZIMANA Bertin fils de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,

résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, né en 1976,

cultivateur, de nationalité rwandaise ;

MUKANYANDWI Annonciata fille de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA

Euphrasie, cultivatrice, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture

GITARAMA, Rwandaise, née en 1979 ;

NIWEMWALI Adria fille de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,

cultivatrice, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA,

Rwandaise, née en 1984 ;

NKURUNZIZA Célestin fils de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie,

cultivateur, résidant à KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, de

nationalité rwandaise, né en 1981 ;

MUZINDUTSI fils de NDAGIJIMANA Alexis et NYIRAMASUKA Euphrasie, résidant à

KARAMA, commune MUSHUBATI, préfecture GITARAMA, de nationalité rwandaise, né en

1988, élève ;

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LE TRIBUNAL,

Vu qu’après l’instruction préparatoire par le Parquet de la République à GITARAMA, le dossier

a été transmis à la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de GITARAMA pour

fixation en date du 29/12/1998 par lettre n°03/516/D2/B/PRORE du Premier Substitut près le

Tribunal de Première Instance de GITARAMA ;

3ème

feuillet.

Vu que le dossier de cette affaire a été inscrit au rôle sous le n° RP 70/GIT/CH.S/2/99 en date du

04/01/1999 ;

Vu que le Président de la Chambre Spécialisée a pris l’ordonnance du 11/03/1999 fixant la date

d’audience au 24/03/1999 à 8 heures du matin, que notification en a été faite au Ministère Public

et aux prévenus ;

Vu que l’audience a eu lieu à cette date en présence de toutes les parties ;

Attendu que la parole est accordée au représentant du Ministère Public qui dit que le prévenu

BUGIRIMFURA Emmanuel a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité

prévue par la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des

infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité, qu’il a décrit les

circonstances des faits tout en indiquant les noms de ses coauteurs et a présenté ses excuses ;

Attendu qu’en vertu de la loi ci-haut citée, le représentant du Ministère Public requiert la peine

de 12 ans d’emprisonnement à charge de BUGIRIMFURA Emmanuel ;

Attendu qu’invité à confirmer les déclarations rapportées par le représentant du Ministère

Public, BUGIRIMFURA Emmanuel dit que certaines personnes, à savoir MUTARAMBIRWA

Léonidas, BUGUMYA Eulade, MURWANASHYAKA fils de NSENGIYAREMYE et

MINANI fils de NTAWUGURANAYO, personnes qu’il a dénoncées pour avoir participé à

l’assassinat des regrettés sont encore en liberté ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a avoué volontairement et en connaissance de cause,

BUGIRIMFURA Emmanuel répond par l’affirmative et précise qu’il n’a pas voulu mentir alors

que les faits ont eu lieu publiquement ;

Attendu qu’invité à dire s’il ne va pas interjeter appel contre la décision qui sera prise par le

Tribunal sur son cas, il répond par l’affirmative ;

Attendu qu’il continue en disant qu’il est parti en compagnie de RUHANIKA Michel,

KABANDA et MUSABYIMANA et qu’ils sont allés voir HABIMANA Célestin avec lequel ils

se sont rendus chez NDAGIJIMANA où ils ont trouvé son épouse et ses trois enfants, qu’à ce

moment KABANDA a demandé à cette dame de lui présenter sa carte d’identité qu’il a

examinée, que RUHANIKA, MUSABYIMANA et HABIMANA Célestin sont entrés dans la

cuisine d’où ils ont sorti NDAGIJIMANA Alexis qui avait entre ses mains un maïs grillé, que

NCYUYUBUHORO Obald, KABANDA Edouard et Emile le fils de Balthazar ont sorti

SINGIZIMANA Léonard d’une autre maison et l’ont placé à côté de son père NDAGIJIMANA,

qu’ils leur ont demandé de leur donner leurs cartes d’identité mais que NDAGIJIMANA n’a pas

pu en produire tandis que SINGIZIMANA leur a montré la sienne ;

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Attendu qu’il déclare qu’ils ont dit à NDAGIJIMANA qu’étant donné que la carte d’identité de

son fils porte la mention de l’ethnie Tutsi, il est lui aussi Tutsi, qu’ils les ont alors emmenés chez

le nommé MPARAYE mais qu’ils n’avaient pas encore croisé FASHAHO à ce moment ;

Attendu que BUGIRIMFURA dit qu’arrivés chez FASHAHO, ils lui ont demandé sa carte

d’identité, qu’il n’a pas pu la leur montrer et leur a dit l’avoir égarée depuis longtemps, qu’ils lui

ont demandé si NDAGIJIMANA n’était pas son oncle, mais qu’il a nié avoir une parenté

quelconque avec lui, qu’il leur a dit être en possession de la carte d’identité de son grand frère et

qu’il peut la leur montrer pour vérification de son ethnie, qu’ils ont alors constaté que ladite carte

d’identité portait la mention de l’ethnie Hutu ;

4ème

feuillet.

qu’ils n’en ont pas été convaincus et sont allés s’informer auprès de BICAMUMPAKA qui leur a

confirmé que MPARAYE est de l’ethnie Hutu, qu’ils ont emmené NDAGIJIMANA et son fils

SINGIZIMANA Léonard et que, arrivés derrière le domicile de BUGUMYA, ils ont croisé

plusieurs personnes en provenance de GATONGATI qui ont commencé à donner des coups à

NDAGIJIMANA Alexis en exigeant qu’il produise sa carte d’identité ;

Attendu qu’il affirme que c’est à ce moment qu’il a suggéré à SINGIZIMANA Léonard de se

sauver car son père allait être tué, que SINGIZIMANA est descendu en courant mais qu’il a été

rattrapé et ramené, qu’il ne connaît cependant pas ceux qui l’ont rattrapé à part qu’ils étaient

nombreux ;

Attendu qu’invité à préciser la part de responsabilité de FASHAHO dans l’assassinat de

NDAGIJIMANA Alexis et son fils, il répond que FASHAHO faisait partie du groupe de gens qui

ont emmené SINGIZIMANA Léonard et qu’il lui donnait des coups comme les autres, qu’ils

l’ont par la suite tué au même endroit que son père, que RUHANIKA et HABIMANA ont frappé

et tué les victimes à coups de bâtons et de gourdins ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il plaide coupable des faits qui lui sont reprochés,

RUHANIKA Michel avoue avoir participé à l’attaque qui a coûté la vie à NDAGIJIMANA et

son fils, mais dit qu’il a agi sous la contrainte, qu’il n’a cependant rien fait à leur arrivée au

domicile de NDAGIJIMANA, qu’il reconnaît seulement avoir fait partie du groupe de gens qui

les ont emmenés et qui, arrivés derrière le domicile de BUGUMYA, ont croisé un groupe de

personnes en provenance de GATONGATI qui leur ont demandé où ils conduisaient les

victimes, ce à quoi ils ont répliqué les emmener à KABGAYI où étaient les autres, que c’est alors

qu’ils ont commencé à les rouer de coups et qu’il en présente ses excuses ;

Attendu que HABIMANA Célestin plaide coupable de non-assistance à personnes en danger et

reconnaît avoir fait partie des personnes qui ont emmené les victimes pour aller les

tuer, qu’ils ont commencé à leur administrer des coups au moment où ils ont atteint le boisement

appartenant au nommé Sylvain et que c’est à ce moment que SINGIZIMANA

Léonard s’est sauvé en courant, que BUGIRIMFURA a donné l’ordre de le ramener et qu’ils

l’ont tué ;

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Attendu que MUSABYIMANA Théoneste dit qu’il plaide coupable d’association de malfaiteurs

seulement et précise qu’il a été incorporé dans ce groupe par des gens qui l’ont trouvé chez lui,

que ce groupe de malfaiteurs n’avait pas pour but de sauver des gens mais plutôt de tuer et que

c’est ainsi qu’il a tué NDAGIJIMANA Alexis et son fils SINGIZIMANA Léonard, qu’il n’a pas

quant à lui pris part à ce crime auquel il assistait passivement pour cause de maladie car il venait

à peine de quitter l’hôpital de NYARUSANGE, que c’est à tort que FASHAHO et

BUGIRIMFURA le mettent en cause, mais qu’il ne saurait en indiquer le motif ;

Attendu que FASHAHO Jean plaide non coupable de toutes les infractions qui lui sont

reprochées et dit qu’il n’était pas présent au moment de leur perpétration, que BUGIRIMFURA

le met injustement en cause, lui en voulant de l’avoir vu chez NDAGIJIMANA Alexis qui venait

d’être tué avec son fils, qu’à la question de savoir ce qu’il allait faire chez NDAGIJIMANA alors

que celui-ci était mort, il répond qu’il voulait voir ce qui s’était passé là ;

Attendu que RUHANIKA Michel, interrogé sur la présence de FASHAHO sur les lieux où se

trouvaient les victimes, répond que l’intéressé était là et fait partie de ceux qui leur donnaient des

coups ;

Attendu qu’à la question posée à MUSABYIMANA de savoir si FASHAHO fait partie des gens

qui donnaient des coups aux victimes NDAGIJIMANA et son fils, il répond l’avoir vu sur les

lieux mais qu’il est arrivé après la mort desdites victimes, que HABIMANA Célestin affirme

quant à lui ne pas l’avoir vu à cet endroit ;

5ème

feuillet.

Attendu que la parole est accordée au représentant du Ministère Public qui dit que les prévenus

réfutent les faits qui leur sont reprochés alors qu’ils s’en sont rendus coupables, que

RUHANIKA a avoué lors de son premier interrogatoire mais qu’il s’est rétracté par la suite

alléguant avoir été soumis à la contrainte sans pouvoir le prouver, que le prévenu prétend qu’il se

trouvait à l’hôpital alors qu’il était en compagnie de son frère KABANDA Edouard, que ses co-

prévenus qui le mettent en cause n’ont pas confirmé la contrainte dont il aurait été l’objet ;

Attendu que le représentant du Ministère Public qualifie de mensongères toutes les allégations de

HABIMANA car dit-il, dans sa déclaration du 04/03/1996, il a affirmé avoir croisé ceux qui

venaient de tuer les victimes dont il est question dans le présent dossier, mais qu’il ne faisait pas

partie de ce groupe, qu’il a par ailleurs reconnu devant le Tribunal avoir fait partie du groupe qui

a emmené les victimes, qu’ainsi son système de défense n’a pour but que d’induire le Tribunal en

erreur, ignorant délibérément les témoignages faits à sa charge ;

Attendu qu’il poursuit en disant que dans sa défense devant le Tribunal, MUSABYIMANA dit

qu’il était malade quand NDAGIJIMANA et son fils ont été tués, alors que, dans son

interrogatoire du 03/11/1997, il a affirmé qu’il venait de rendre visite à son petit frère quand il est

arrivé sur les lieux du crime, que cependant cette première déclaration ne saurait être prise en

compte surtout que ses co-prévenus le chargent ;

Attendu qu’il dit que FASHAHO plaide non coupable alors qu’il se trouvait sur les lieux où

SINGIZIMANA a été tué et qu’il a participé à ce crime tel qu’il en est chargé par RUHANIKA et

BUGIRIMFURA dans leurs déclarations respectives, que c’est en désespoir de cause qu’il adopte

un tel système de défense qui ne saurait lui être utile, qu’il n’est pas étonnant par ailleurs que

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MUSABYIMANA et HABIMANA essaient de le disculper dès lors qu’ils ont eux-mêmes

commencé par réfuter les faits à leur charge et n’ont avoué qu’une fois devant le Tribunal, que

partant, le système de défense de FASHAHO est sans fondement ;

Attendu qu’en réplique, FASHAHO demande au Tribunal d’entendre le nommé NYANDWI

Faustin qui était son employeur car il sait qu’il est arrivé chez NDAGIJIMANA après avoir

quitté son travail, ainsi que NYIRAMASUKA qui est membre de la même famille que les

victimes, car elle l’a croisé au cours de sa fuite alors qu’il venait quant à lui du lieu où il

travaillait ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public prend la parole et dit que FASHAHO ne passait pas

toute la journée au service de NYANDWI Faustin, qu’il estime que NYANDWI Faustin ne

pourrait apporter aucun éclaircissement au Tribunal, à moins qu’il soit au courant de l’heure de la

mort de NDAGIJIMANA ;

Attendu que BUGIRIMFURA dit que FASHAHO ment car il est venu en compagnie de

BUNANI, faisant partie des personnes qui sont allées emmener SINGIZIMANA Léonard pour le

tuer, et qu’il a appelé NYIRAMASUKA quand ils sont arrivés chez BUGUMYA ;

Attendu que Maître Véronique CHAUVEAU, Conseil des parties civiles ayant pour interprète

KAKUZE Joséphine se présente, que l’interprète prête serment de remplir fidèlement la mission

qui lui est confiée ;

Attendu que Maître Véronique CHAUVEAU produit l’autorisation de plaider qui lui a été

délivrée en date du 11/03/1999 par le barreau du Rwanda en vue de représenter

NYIRAMASUKA et ses enfants qui se sont constitués parties civiles dans cette affaire ;

Attendu que Maître Véronique CHAUVEAU est accompagné par l’interprète KAKUZE

Joséphine qui prête serment de remplir fidèlement sa mission ;

6ème

feuillet.

Attendu qu’invitée à expliciter les dommages-intérêts réclamés par les parties civiles ainsi que

leur fondement, Maître Véronique CHAUVEAU dit que NYIRAMASUKA Euphrasie s’est

constituée partie civile en cette affaire suite à l’assassinat de son mari NDAGIJIMANA Alexis et

de son fils SINGIZIMANA Léonard, ainsi qu’à la destruction de sa maison et la dégradation de

sa bananeraie et des arbres fruitiers, qu’elle dit que NYIRAMASUKA a perdu son mari qui

devait l’aider à éduquer tous les enfants y compris ceux qui sont encore en bas âge, qu’elle

précise que leur action vise tant les dommages moraux que matériels ;

Attendu qu’elle dit que les dommages – intérêts qu’elle réclame pour NYIRAMASUKA et ses

ayants cause sont les suivants : 2.461.600 Frw de dommages matériels, 82.000.000 Frw de

dommages moraux pour NYIRAMASUKA et ses enfants suite à l’assassinat de son mari et de

son fils, soit au total 2.461.600 Frw + 82.000.000 Frw =84.461.600 Frw à allouer à

NYIRAMASUKA Euphrasie par tous les prévenus ;

Attendu que tous les prévenus présentent leur défense sur l’action civile, que BUGIRIMFURA

dit qu’il n’a rien endommagé au préjudice de NYIRAMASUKA Euphrasie et que ses biens ont

été plutôt détruits et dégradés par le groupe venu de GITONGATI, que RUHANIKA,

HABIMANA, FASHAHO et MUSABYIMANA disent tous qu’ils sont incapables de réunir les

sommes réclamées ;

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Attendu que la parole est accordée au représentant du Ministère Public qui remet au Tribunal la

note de fin d’instruction contenant l’exposé des faits et des preuves à charge de RUHANIKA

Michel, HABIMANA Célestin, MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean et dans

laquelle il requiert que BUGIRIMFURA Emmanuel soit rangé dans la deuxième catégorie et soit

condamné à la peine d’emprisonnement à perpétuité pour le crime d’assassinat, à 20 ans

d’emprisonnement pour association de malfaiteurs, à 5 ans d’emprisonnement pour non-

assistance aux personnes en danger, mais qu’il requiert en définitive la peine de 12 ans

d’emprisonnement prévue par l’article 16 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 au motif

que BUGIRIMFURA Emmanuel a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité

après les poursuites et que ses aveux remplissent les conditions prévues à l'article 6 de la loi ci-

haut citée ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public requiert que RUHANIKA Michel, HABIMANA

Célestin, MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean soient rangés dans la deuxième

catégorie et soient condamnés à l’emprisonnement à perpétuité pour assassinat, 20 ans

d’emprisonnement pour association de malfaiteurs, 5 ans d’emprisonnement pour non-assistance

à personnes en danger ainsi qu’à la dégradation civique et au paiement solidaire des frais de la

présente instance, l’action civile étant laissée à la diligence des parties lésées ;

Attendu que les prévenus sont invités à conclure, que RUHANIKA dit qu’il continue à plaider

coupable, que HABIMANA présente des excuses et dit qu’il a été entraîné dans un crime qui

n'était pas nécessaire, que MUSABYIMANA dit quant à lui qu’il est arrivé sur les lieux du crime

mais n’y a pas participé,

7ème

feuillet.

qu’il a fait une fausse déclaration au parquet en affirmant qu’il est passé à cet endroit en allant

rendre visite à son petit frère, que FASHAHO demande au Tribunal de faire une enquête ;

Attendu que les débats sont clos, que la date du prononcé est fixée au 02/04/1999 à 14 heures et

est annoncée publiquement et signifiée à toutes les parties, que le Tribunal prend l’affaire en

délibéré ;

Constate que l’action du Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme et, après

examen, constate que l’une des préventions n’est pas fondée ;

Constate que l’examen des infractions de génocide ou d’autres crimes contre l’humanité mises à

charge de BUGIRIMFURA Emmanuel et ses 4 co-prévenus par le Ministère Public doit être

précédé par celui de leurs éléments constitutifs ;

Constate que BUGIRIMFURA a, au cours de son interrogatoire par l’Officier du Ministère

Public et des débats en audience, reconnu les faits qui lui sont imputés et présenté ses excuses,

indiqué les noms de ses victimes tels que repris dans la prévention et ceux de ses coauteurs et

complices et ce, conformément au prescrit de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur

l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou des crimes

contre l’humanité dans son chapitre III relatif à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité ;

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Constate que BUGIRIMFURA Emmanuel s’est conformé sans contrainte à la loi susmentionnée

dès sa publication tel qu’il l’a lui-même confirmé au cours des débats, qu’il doit ainsi bénéficier

d’une diminution de la peine en vertu de l’article 15 a) de la loi organique n° 08/96 du

30/08/1996 ci- haut citée ;

Constate que même s’il plaide coupable de toutes les infractions, BUGIRIMFURA Emmanuel ne

peut être condamné du chef de non-assistance à personnes en danger étant donné qu’il ne pouvait

pas raisonnablement tuer les victimes et leur porter secours en même temps, qu’il doit ainsi être

puni pour les deux crimes restants qui constituent le crime de génocide ou autres crimes contre

l’humanité ;

Constate que BUGIRIMFURA doit être rangé dans la deuxième catégorie ;

Constate que le crime d’assassinat commis sur les personnes de NDAGIJIMANA Alexis et son

fils SINGIZIMANA Léonard en raison de leur appartenance à l’ethnie Tutsi est établi à charge de

RUHANIKA Michel, MUSABYIMANA Théoneste, HABIMANA Célestin et FASHAHO Jean,

car RUHANIKA Michel a, au cours de l’instruction préparatoire, avoué avoir, en compagnie de

CYUBUHORO non poursuivi dans la présente affaire, tué NDAGIJIMANA Alexis à coups de

massue, et qu’il est par ailleurs mis en cause par son co-prévenu FASHAHO Jean qui dit qu’ils

ont tué SINGIZIMANA Léonard, ainsi que par les témoins MINANI Pierre,

MUTARAMBIRWA Léonidas, MURAGIJEYEZU Hélène, SEBYENDA Védaste, BUGUMYA

Eulade, MPARAYE Emmanuel et NTAGUNGIRA Onesphore qui ont été entendus par le

Ministère Public au cours de l’instruction préparatoire ;

8ème

feuillet.

Constate que les moyens de défense de FASHAHO Jean qui plaide non coupable sont non fondés

pour les motifs cités précédemment, surtout que, au cours des débats en audience, son co-

prévenu BUGIRIMFURA Emmanuel qui plaide coupable l’a mis en cause en affirmant que

FASHAHO Jean faisait partie du groupe des personnes qui ont ramené SINGIZIMANA Léonard

pour le tuer au même endroit que son père et qu’il lui donnait des coups, FASHAHO n’ayant pas

pu contredire cette affirmation à part dire qu’il est injustement mis en cause sans cependant

indiquer le conflit qu’il a avec tous ceux qui le chargent, qu’il ne peut dès lors échapper à la

condamnation car tous ceux qui le chargent, y compris BUGIRIMFURA Emmanuel, affirment

l’avoir vu parmi les assassins des victimes, les faits ayant été perpétrés en plein jour ;

Constate que l’infraction d’association de malfaiteurs est elle aussi établie à charge des prévenus

tel que ci- haut démontré car ils ont tous ensemble tué NDAGIJIMANA Alexis et son fils

SINGIZIMANA Léonard, qu’ils doivent en être punis ;

Constate que toutes les infractions établies à charge des prévenus en cette affaire sont en

concours idéal car elles ont été commises dans l’intention de détruire le groupe ethnique Tutsi,

ainsi que les Hutu opposés au régime de l’époque ;

Constate que BUGIRIMFURA Emmanuel doit bénéficier d’une diminution de la peine car il a

plaidé coupable et présenté ses excuses ;

Constate que RUHANIKA Michel, HABIMANA Célestin, MUSABYIMANA Théoneste et

FASHAHO Jean doivent être rangés dans la deuxième catégorie et que chacun doit être

condamné aux peines les plus sévères ;

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Constate que NYIRAMASUKA Euphrasie et ses enfants se sont tous constitués parties civiles

dans la présente affaire, que leur Conseil, Maître Véronique CHAUVEAU, a démontré le

fondement des dommages – intérêts et prouvé l’existence des liens de parenté entre les parties

civiles et les victimes, que des dommages-intérêts doivent leur être alloués ex aequo et bono par

le Tribunal car ceux réclamés sont excessifs ;

Constate cependant que seuls les dommages moraux doivent être alloués en cette affaire car,

relativement aux dommages matériels, Maître Véronique CHAUVEAU n’en a pas rapporté la

preuve et que le Ministère Public n’a pas initié l’action publique de destruction ou dégradation

des biens qui devrait en constituer la base ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;

9ème

feuillet.

Vu la Loi Fondamentale, spécialement la Constitution du 10 juin 1991 en ses articles 12, 14, 16,

33, 92, 93 et 94 ;

Les Accords de Paix d'ARUSHA dans sa partie relative au partage du pouvoir spécialement en

ses articles 25, 26 ;

Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou d’autres crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990 jusqu’au 31/12/1994 en ses articles 2, 4, 6, 14, 15, 16, 17, 19, 24 ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 du 7 juillet 1980 portant Code d’organisation et compétence judiciaires

au Rwanda en ses articles 6, 76, 77, 104, 199, 200 et 201 ;

Vu le Code de procédure pénale spécialement en ses articles 58, 73, 76, 80, 90 ;

Vu les articles 281, 282 et 312 du Code pénal, Livre II ;

Vu le livre III du Code civil spécialement en ses articles 258 et 259 ;

Déclare recevables l’action du Ministère Public et celle des parties civiles car elles sont

régulières en la forme ;

Déclare que le contenu des 3ème

, 4ème

, 5ème

, 6ème

, 7ème

, 9ème

, 10ème

, 11ème

et 12ème

« constate » du

présent jugement doit être respecté ;

Déclare que BUGIRIMFURA Emmanuel, RUHANIKA Michel, HABIMANA Célestin,

MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean perdent la cause ;

Condamne BUGIRIMFURA à la peine principale de 10 ans d’emprisonnement ;

Condamne RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel, MUSABYIMANA Théoneste et

FASHAHO Jean à la peine principale de 10 ans d’emprisonnement chacun pour la troisième

infraction ;

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Condamne également RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel, MUSABYIMANA Théoneste

et FASHAHO Jean à l’emprisonnement à perpétuité pour l’assassinat de NDAGIJIMANA

Alexis et son fils SINGIZIMANA Léonard tel qu’explicité dans le 7ème

« constate » du présent

jugement, soit à charge de chacun, l’emprisonnement à perpétuité qui est une peine plus forte

que celle prévue pour l’infraction d’association de malfaiteurs, car ces infractions sont en

concours idéal tel que dit dans le 11ème

« constate » ;

Déclare tous les prévenus acquittés de l’infraction de non-assistance à personnes en danger ;

Condamne tous les prévenus à payer les frais de la présente instance s’élevant à 29.750 Frw dans

le délai immédiat sous peine d’une contrainte par corps de 30 jours suivie de l’exécution forcée

sur leurs biens ;

Condamne RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel, MUSABYIMANA Théoneste et

FASHAHO Jean à la dégradation civique prévue à l’article 66, 2°, 3° et 5° du Code pénal Livre

premier ;

10ème

feuillet.

Condamne BUGIRIMFURA Emmanuel, RUHANIKA Michel, HABIMANA Michel,

MUSABYIMANA Théoneste et FASHAHO Jean à allouer solidairement à NYIRAMASUKA

Euphrasie les dommages moraux évalués à 2.000.000 Frw suite à l’assassinat de son mari

NDAGIJIMANA Alexis et payables dès le prononcé du présent jugement sous peine d’une

contrainte par corps de 30 jours suivie de l’exécution forcée sur leurs biens ;

Les condamne en outre à lui allouer solidairement les dommages moraux évalués à 800.000 Frw

suite à l’assassinat de son fils SINGIZIMANA Léonard et payables dans le délai sous peine

d’une contrainte par corps de 30 jours suivie de l’exécution forcée sur leurs biens ;

Les condamne également à allouer solidairement à NYIRAMASUKA Euphrasie les dommages

moraux de 500.000 Frw déterminés ex aequo et bono en faveur de chaque enfant encore en vie à

savoir NIWEMWALI Adrie, MUKANYANDWI Annonciata, HAKIZIMANA Bertin,

MUZINDUTSI, NYIRAGARUKA, NIYOMUKESHA Vérène et NKURUNZIZA Célestin, soit

au total 3.500.000 Frw payables dans le délai immédiat sous peine d’une contrainte par corps de

30 jours suivie de l’exécution forcée sur leurs biens ;

Leur ordonne de payer à NYIRAMASUKA Euphrasie tous les dommages moraux s’élevant à

6.300.000 Frw dans le délai immédiat sous peine d’une contrainte par corps de 60 jours suivie de

l’exécution forcée sur leurs biens ;

Leur ordonne de payer solidairement 252.000 Frw représentant le droit proportionnel de 4% des

dommages intérêts dans le délai immédiat sinon exécution forcée sur leurs biens ;

Rappelle que le délai pour interjeter appel est de 15 jours à compter du prononcé ; mais que cela

ne concerne pas BUGIRIMFURA Emmanuel qui a plaidé coupable et présenté ses excuses tel

que prévu par la loi ;

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RMP 21.102/S4/K.C JUGEMENT DU 02/04/1999

RPN° 70/GIT/CH.S/2/99 CSTPI GITARAMA

171

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 02/04/1999 PAR

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE

GITARAMA, OU SIEGEAIENT : GAKWAVU Marc, Président ; MUJYAMBERE

Prosper et BIHIBINDI Isidore, Juges, EN PRESENCE DE ARIKA Fréderic, Officier du

Ministère Public, et USHIZIMPUMU Sylver, Greffier.

SIEGE

Juge Président Juge

MUJYAMBERE Prosper GAKWAVU Marc BIHIBINDI Isidore

(Sé) (sé) (sé)

Greffier

USHIZIMPUMU Sylvère

(sé)

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172

Page 173: ASF_JurisprudenceGénocide_3

173

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE KIBUNGO

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174

Page 175: ASF_JurisprudenceGénocide_3

175

N°7

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de KIBUNGO

du

22 septembre 2000.

Ministère Public C/ BIZURU André et consorts.

ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION

DE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 et 283 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUT DE

PORTER LA DEVASTATION DU PAYS, LE MASSACRE ET LE PILLAGE (ART. 168

CP) – AVEUX (COMPLETS; PARTIELS) – CATEGORISATION (2ème

CATEGORIE ;

ART. 2 L.O. 30/08/1996) – CIRCONSTANCES ATTENUANTES (ART. 83 CP) –

CONCOURS IDEAL D'INFRACTIONS – CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTRE

L'HUMANITE – DOMMAGES ET INTERETS (MORAUX; MATERIELS ; EX ÆQUO

ET BONO) – PEINE (DEGRADATION CIVIQUE; EMPRISONNEMENT A TEMPS;

REDUCTION DE) – PREUVE (ABSENCE DE; VALIDITE DE) – PROCEDURE

D'AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (APRES POURSUITES : ART. 16

L.O. 30/08/1996 ; AVANT POURSUITES : ART. 15 L.O. 30/08/1996 ; ACCEPTEE

APRES REJET DU MP : ART. 11 L.O. 30/08/1996) – TEMOIGNAGES

(CONTRADICTOIRES; RECUSATION DE).

1. 1er

prévenu – procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité examinée et reçue par le

Tribunal après rejet par le Ministère Public (article 11 de la Loi organique du 30/08/1996).

2. 1er

,2ème

, 3ème

4ème

, 5ème

, 6ème

, 7ème

, 9ème

et 10ème

prévenus – aveux - infractions établies (crime

de génocide, assassinat, attentat ayant pour but de porter dévastation, massacres et pillage).

3. 1er

prévenu – aveux – infraction de création d’une association de malfaiteurs établie

2ème

, 3ème

, 4ème

, 5ème

, 6ème

, 7ème

, 9ème

et 10ème

prévenus – aveux – infraction d’appartenance à

une association de malfaiteurs établie.

4. 1er

, 2ème

, 3ème

, 4ème

, 5ème

, 6ème

, 7ème

, 9ème

et 10ème

prévenus – intention délictueuse unique –

concours idéal.

5. 1er

prévenu – deuxième catégorie – procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité après

poursuites (article 16 de la Loi organique du 30/08/1996) - 15 ans d'emprisonnement et

dégradation civique limitée.

6. 2ème

, 3ème

, 4ème

et 5ème

prévenus – deuxième catégorie – procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité avant poursuites (article 15 de la Loi organique du 30/08/1996) – 11 ans

d’emprisonnement.

7. 6ème

, 7ème

, 9ème

et 10ème

prévenus – aveux pour la première fois devant le Tribunal –

circonstances atténuantes (article 83 CP) – réduction de peines.

Page 176: ASF_JurisprudenceGénocide_3

176

8. 8ème

, 11ème

et 12ème

prévenus – absence de preuve – infractions non établies – acquittement

et ordre de libération immédiate.

9. Action civile – preuve du lien de parenté – preuve des dommages subis - dommages et

intérêts ex æquo et bono.

1. En application de l’article 11 de la Loi organique du 30/08/1996, la procédure d’aveu et de

plaidoyer de culpabilité réitérée à l’audience par le premier prévenu alors qu’elle avait été

rejetée par le Ministère Public, est examinée par le Tribunal. Les aveux qui décrivent les

circonstances des faits mis à sa charge et indiquent l’identité des coauteurs et complices sont

conformes à l’article 6 de la Loi organique du 30/08/1996 et sont reçus par le Tribunal.

2. Sur la base des aveux recueillis dans le cadre de la procédure d’aveux et de plaidoyer de

culpabilité présentées par les 1er

, 2ème

, 3ème

, 4ème

et 5ème

prévenus, et sur la base des aveux

partiels que les 6ème

, 7ème

, 9ème

et 10ème

prévenus ont présentés pour la première fois à

l’audience, sont établies à leur charge les infractions de :

- génocide, les prévenus ayant formé un groupe et mené des attaques dans l’intention de

détruire le groupe ethnique Tutsi, sachant que de tels actes étaient commis dans tout le

pays car il s’agissait de la mise à exécution de l’ordre de l’autorité suprême du pays;

- assassinat, les prévenus reconnaissant leur participation aux assassinat de certaines

victimes;

- attentat ayant pour but le pillage, les massacres ou la dévastation, les attaques

menées ayant dévasté le secteur, et les tueries ayant été accompagnées d’actes de

pillage et de destruction.

3. La prévention de création d’une association de malfaiteurs est établie à l’égard du premier

prévenu, qui reconnaît avoir appelé des membres du secteur à mener des attaques contre les

Tutsi.

La prévention d’appartenance à une association de malfaiteurs est établie à l’égard des 2ème

,

3ème

, 4ème

, 5ème

, 6ème

, 7ème

, 9ème

et 10ème

prévenus, qui ont participé aux attaques dans

l’intention d’exterminer les Tutsi.

4. Les infractions établies à l’encontre des prévenus procèdent d’une intention délictueuse

unique, celle du génocide. Elles sont en concours idéal.

5. Les faits établis à charge du premier prévenu le rangent en deuxième catégorie. Ses aveux

étant intervenus après poursuites, il est condamné à une peine d’emprisonnement de 15 ans

en application de l'article 16 de la Loi organique du 30/08/1996.

6. Les faits établis à charge des 2ème

, 3ème

, 4ème

, et 5ème

prévenus qui ont recouru à la procédure

d’aveux et de plaidoyer de culpabilité avant poursuites, et dont les aveux avaient été acceptés

par le Ministère Public, les rangent en deuxième catégorie, et en application de l'article 15 de

la Loi organique du 30/08/1996, ils sont condamnés à 11 d'emprisonnement chacun.

Page 177: ASF_JurisprudenceGénocide_3

177

7. Les infractions établies à charge des 6ème

, 7ème

, 9ème

et 10ème

prévenus les rangent en

deuxième catégorie. Le fait d’avoir facilité la tâche du Tribunal par leurs aveux est

constitutif de circonstances atténuantes, et le bénéfice des réductions de peine prévues par

l’article 83 du Code pénal doit leur être accordé.

Les 6ème

, 9ème

et 10ème

prévenus sont condamnés à une peine d'emprisonnement de 16 ans,

tandis que le 7ème

prévenu est condamné à une peine d'emprisonnement de 8 ans.

8. En l’absence de toute preuve tangible produite par le Ministère Public et eu égard au fait

que leurs explications relatives aux conflits personnels qui auraient amené le seul

cinquième coaccusé à persister dans sa mise en cause paraissent crédibles, les préventions

de génocide, d’assassinat, d’association de malfaiteurs et de dévastation ne sont pas

établies à l’encontre des 8ème

, 11ème

et 12ème

prévenus qui plaident non coupable. Ils en

sont acquittés et leur libération immédiate est ordonnée.

9. Le Tribunal ne peut faire droit à la demande de dommages moraux réclamés par une partie

civile restée en défaut de produire les pièces établissant son lien de parenté avec la

victime. Sont déboutées de leur action les parties civiles qui ne se sont pas présentées

devant le Tribunal pour la soutenir. Les dommages et intérêts moraux et matériels sont

fixés par le Tribunal ex æquo et bono.

(NDLR : ce jugement n'a pas été frappé d'appel).

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RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO

179

(Traduction libre).

1er

feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIBUNGO, CHAMBRE

SPECIALISEE, SIEGEANT EN MATIERE PENALE, A RENDU CE 22 SEPTEMBRE

2000 LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE : Le Ministère Public

CONTRE :

1. BIZURU André fils de MUSASI Pierre et NYIRAMPFAKARAMYE, né en 1943, dans

la cellule BUGARURA, secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de

KIBUNGO, y résidant, marié à NYABUHORO Félicité, père de 5 enfants, cultivateur, ex-

conseiller, sans biens ni antécédents judiciaires connus.

2. MBWIRUWUMVA Claver fils de RUTAZIHANA Pierre et MUKAMUGANGA, né en

1956, dans la cellule KIGABIRO, secteur KAGABIRO, commune GITESI, préfecture

KIBUYE, résidant à RWANTERU, secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture

KIBUNGO, veuf, père d’un enfant, de nationalité rwandaise, cultivateur, sans biens ni

antécédents judiciaires connus.

3. BUGINGO Célestin fils de RUTOZI Christophe et KAHIRE Valentine, né en 1968, dans

la cellule RWANTERU, commune RUSUMO, Préfecture de KIBUNGO, y résidant, marié

à MUREKEYISONI Clotilde, père d’un enfant, cultivateur, possédant une bananeraie,

sans antécédents judiciaires connus.

4. KABAGEMA Célestin fils de NDABATEZE Augustin et MUKAMUZUNGU Léocadie,

né en 1955 dans la cellule RWANTERU, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO

résidant à RUGANDO, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, marié à

MUKABATABAZI Agnès, père de trois enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents

judiciaires connus.

5. HABUMUGISHA François fils de NTAGASIGUMWAMI et KANYANGE, né en 1969

à RWANTERU, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, y résidant, marié à

NYIRANSABIMANA Victoire, père de deux enfants, sans biens ni antécédents

judiciaires connus.

6. NZIRORERA François fils de BARIGIRA et MUKANGWIJE , né en 1949 à

MUSENYI, secteur MUSENYI, commune GISHYITA, préfecture de KIBUYE, résidant à

MUSENYI, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, marié à MUKARUBUGA,

sans enfant, maçon, sans biens ni antécédents judiciaires connus.

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RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO

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2ème

feuillet.

7. BUGINGO Wilson fils de GATARAYIHA et MBAMBAGWA, né en 1965, dans la

cellule KAVUZO, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, y résidant, célibataire,

cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires connus.

8. SEBAGABO fils de BIGAHAGA et KANYANGE, né en 1943 à RWANTERU, secteur

KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, y résidant, marié à

MUKABEZA, père de deux enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires

connus

9. NDARUHUTSE fils de NYUZAHAYO et NYANGORE, né en 1958 à RWANTERU,

secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, résidant à RUGANDO,

secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, marié à

MUKARUGINA , père de quatre enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires

connus.

10. RUGUMIRE fils de UWITONZE et KIBAZANYE, né en 1959 à BUGARURA, secteur

KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, y résidant, marié à

NYIRAMUYINGA, père de quatre enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents

judiciaires connus.

11. NSABIMANA Siméon fils de BUJEJE et NTIBATAMBE, né en 1962 à BUGARURA,

secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, y résidant, marié à

IYAKAREMYE, père de six enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents judiciaires

connus.

12. BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA fils de BITUNGWA et NYIRAWEJEJE, né en

1959 à RWANTERU, secteur KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, y

résidant, marié à ZIHINJISHI, père de cinq enfants, cultivateur, sans biens ni antécédents

judiciaires connus.

Préventions :

Avoir à KIGINA, commune RUSUMO, préfecture de KIBUNGO, République Rwandaise,

entre avril et juillet 1994, comme auteurs, coauteurs ou complices, tel que prévu par les

articles 89, 90, 91 du Code pénal rwandais livre I, commis le crime de génocide et d’autres

crimes contre l’humanité, infractions prévues par la Convention internationale de Genève du

09/12/1948 sur la répression du crime de génocide et la Convention internationale du

26/11/1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité,

toutes ratifiées par le Rwanda, par Décret-loi n° 08/75 du 12/02/1975, ainsi que par la Loi

organique n° 08/96 du 30/08/1996.

3ème

feuillet.

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis des assassinats,

infraction prévue et réprimée par l’article 312 du Code pénal Livre II et par la Loi

organique n° 08/96 du 30/08/1996.

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RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO

181

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, formé une association de

malfaiteurs, infraction prévue et réprimée par les articles 281 et 283 du Code pénal

rwandais Livre II et par la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996.

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, commis l’infraction d’attentat

ayant pour but de porter la dévastation du pays par les massacres ou les pillages,

infraction réprimée par l’article 168 Code pénal rwandais Livre II et par la Loi organique

n° 08/96 du 30/08/1996.

LE TRIBUNAL:

Vu la lettre n° J/0805/D2/B-a/ND/PRORE par laquelle le Premier substitut du Procureur de la

République a transmis au Président de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première

Instance de KIBUNGO pour fixation le dossier RMP n°80795/S4/ND à charge de BUGINGO

Célestin, KABAGEMA Célestin, BIZURU André, MBWIRUWUMVA Claver,

HABUMUGISHA François, NZIRORERA François, BUGINGO Wilson, SEBAGABO,

NDARUHUTSE, RUGUMIRE Antoine, NSABIMANA Siméon et BUGINGO Célestin alias

KAYIJUKA ;

Vu que le dossier a été enregistré au rôle sous le n° RP 0152/EX/R3/00/KGO, que le Président

a pris l’ordonnance fixant l’audience itinérante à la date du 11/09/2000 au Centre Communal

de Développement et de Formation Permanente de la commune RUSUMO, que notification

en a été faite aux prévenus et au Ministère Public ;

Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu assistés par Maître MUNYANKINDI, le

Ministère Public étant représenté par MBAYIHA MUSAFIRI Pierre ;

Vu que dans cette affaire, la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de

MBWIRUMVA CLAVER, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et

HABUMUGISHA a été acceptée par le Ministère Public, que malgré le rejet par le Ministère

Public des aveux de BIZURU André, celui-ci a confirmé sa volonté d’y recourir devant le

Tribunal qui le lui a accordé, tandis que BUGINGO Wilson, NZIRORERA François,

SEBAGABO, NDARUHUTSE, RUGUMIRE Antoine, NSABIMANA Siméon et BUGINGO

Célestin alias KAYIJUKA ont plaidé suivant la procédure prévue à l’article 76 du Code de

Procédure Pénale ;

4e feuillet.

Attendu que le Ministère Public présente son réquisitoire à charge de MBWIRUWUMVA,

BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et HABUMUGISHA ;

Attendu que le greffier fait lecture des procès verbaux des aveux de culpabilité de

MBWIRUWUMVA, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, et HABUMUGISHA ;

Attendu que MBWIRUWUMVA, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et

HABUMUGISHA reconnaissent chacun qu’ils n’ont été soumis à aucune contrainte pour

recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité et qu’ils ont commis ces

infractions sachant que de tels actes étaient perpétrés dans d’autres régions du pays, qu’ils ont

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182

été informés de la catégorie dans laquelle les rangent ces infractions et du fait que le jugement

consécutif à la procédure d’aveu n’est pas susceptible d’appel ;

Attendu que BIZURU André décrit des circonstances des faits à sa charge et indique l’identité

de ses coauteurs et complices, qu’il plaide coupable d’avoir dirigé l’expédition au cours de

laquelle NYIRANDORA a été assassiné, d’avoir encadré le génocide dans le secteur KIGINA

et d’avoir fait partie de groupes de malfaiteurs dont le but était de porter atteinte aux Tutsi et à

leurs propriétés ;

Attendu que NZIRORERA François plaide coupable de génocide, d’assassinat, d’association

de malfaiteurs et d’attentat ayant pour but de porter la dévastation du pays par les massacres et

les pillages en disant qu’il a pris part à l’expédition au cours de laquelle NYIRANDORA a été

tuée sur ordre d’un militaire dont il ignore le nom, qu’il a prêté main forte à ceux qui ont tué

MUTYARA l’épouse de BUHANDA Louis, NYABUKUMI, GASHONGO et plus de 30

autres victimes, qu’il a pillé des tôles chez MUDARA, qu’il a commis tous ces actes après en

avoir entendu parler à la radio et qu’il y a été incité par BIZURU qui était conseiller de

secteur, MBWIRUWUMVA, HABUMUGISHA, KABAGEMA et NYUZAHAYO ainsi

qu’un militaire dont il ignore le nom ;

Attendu que BUGINGO Wilson plaide coupable des faits qui lui sont reprochés et dit qu’il

faisait partie de l’attaque qui était dirigée par HABUMUGISHA et au cours de laquelle

MUTYARA a été tuée ainsi que de celle qui a été menée chez sa marâtre qui était de l’ethnie

Tutsi, qu’il a fait partie d’un groupe de malfaiteurs quand, au lieu de se rendre à son travail à

la paroisse, il s’est joint à HABUMUGISHA et d’autres pour tuer MUTYARA en raison de

son ethnie, qu’il reconnaît sa part de responsabilité dans l’attentat ayant pour but de porter la

dévastation du pays, mais nie toute participation aux actes de pillage ;

5ème

feuillet.

Attendu que SEBAGABO plaide non coupable et dit qu’il était lui-même menacé par ses

frères utérins dont HABUMUGISHA qui lui en voulaient du fait qu’il est né d’un père Tutsi

et en sont arrivés à le chasser pour cette raison, que c’est à cause de cette haine qu’ils ont

envers lui qu’ils l’ont mis sur la liste des auteurs du génocide alors qu’il n’y a pas pris part et

ne peut aucunement être inculpé de pillage ;

Attendu que dans sa défense, NDARUHUTSE plaide coupable d’avoir participé à l’attaque au

cours de laquelle Vasta et ses deux enfants ont été tués sachant que le but était d’exterminer

les Tutsi, ainsi qu’à celle au cours de laquelle GATARE, KAZINGO, NYIRABAJE et

Daphrose ont été tués, qu’il plaide également coupable de dévastation de son secteur de

KIGINA par les massacres et de participation au pillage ;

Attendu que RUGUMIRE Antoine plaide coupable d’avoir participé à l’attaque au cours de

laquelle Litira a été tuée sous la direction de NGOBOKA et à celle au cours de laquelle

ZIHINJISHI et son enfant ainsi que GAKWAYA ont été tués, qu’il a agi sous l’influence du

pouvoir en place ;

Attendu que NSABIMANA Siméon plaide non coupable et nie toute participation au

génocide en disant qu’il était lui-même menacé car il était suspecté de verser des cotisations

au FPR, que HABUMUGISHA le met en cause par vengeance parce qu’il n’a pas honoré la

promesse qu’il lui avait faite en compagnie d’un militaire dont il ignore le nom de leur donner

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183

une vache s’il parvenait à échapper au génocide, tandis que BUGINGO Wilson l’incrimine

pour qu’il soit emprisonné comme eux ;

Attendu que dans sa défense, BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA dit qu’il reconnaît que le

génocide a eu lieu mais nie son implication, qu’il dit qu’il était tout le temps à son travail à la

station service de RWANTERU où il était chargé de veiller sur les véhicules jour et nuit,

faisait la garde jour et nuit, que HABUMUGISHA le charge à tort à cause des relations

conflictuelles entre leurs familles ayant pour origine le viol que HABUMUGISHA a commis

sur sa sœur ;

6ème

feuillet.

Attendu qu’invité à présenter ses réquisitions, le Ministère Public requiert la peine de mort et

celle de dégradation civique à charge de BIZURU André, la peine de 20 ans

d’emprisonnement à l’encontre de BUGINGO, KAYIJUKA (sic), NDARUHUTSE,

NSABIMANA Siméon et SEBAGABO, 11 ans d’emprisonnement à charge de KABAGEMA

et MBWIRUWUMVA, 12 ans d’emprisonnement à charge de NZIRORERA, 9 ans

d’emprisonnement à charge de BUGINGO Célestin et HABUMUGISHA François, 8 ans

d’emprisonnement à charge de BUGINGO Wilson alias KAYIJUKA (sic) ainsi que leur

condamnation au paiement des frais de justice, l’action civile étant laissée à la diligence des

parties civiles ;

Attendu que les parties civiles en cette affaire disent que les dommages et intérêts réclamés

sont fondés sur la perte des membres de leur famille qui ont été tués par les prévenus qui ont

par ailleurs dégradé leurs biens ;

Attendu que MBWIRUWUMVA Claver, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin,

HABUMUGISHA et BIZURU sont invités à présenter leur défense sur l’action civile et que

chacun dit qu’il n’a rien à ajouter sinon présenter des excuses, que les dommages-intérêts

réclamés sont justifiés ;

Attendu que BUGINGO Wilson, NZIRORERA François, NDARUHUTSE et RUGUMIRE

Antoine disent eux aussi qu’ils présentent leurs excuses et acceptent de payer les dommages-

intérêts réclamés ;

Attendu que BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon,

disent qu’ils sont victimes d’une injustice car ils n’ont commis aucune infraction, qu’ils

demandent à être rétablis dans leurs droits ;

Attendu que Maître MUNYANKINDI Joseph, avocat de la défense, dit que ses clients sont en

deux catégories à savoir ceux qui ont fait recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité et ceux qui ont plaidé selon la procédure ordinaire, que ceux qui plaident coupable

doivent bénéficier d’une réduction de peine et que ceux contre lesquels le Ministère Public n’a

pas rapporté de preuves doivent être libérés ;

Attendu que le Tribunal reçoit les aveux de BIZURU, MBWIRUWUMVA Claver,

BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et HABUMUGISHA François ;

Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste qu’à dire le droit ;

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184

7ème

feuillet.

Constate que le crime de génocide est établi à charge de BIZURU André, BUGINGO

Célestin, KABAGEMA Célestin, MBWIRUWUMVA Claver, HABUMUGISHA François,

NZIRORERA François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE Antoine car

BIZURU André, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, MBWIRUWUMVA Claver et

HABUMUGISHA François ont tous avoué tant devant le Ministère Public que devant le

Tribunal en disant qu’au début du génocide en 1994, ils ont formé un groupe et ont mené des

attaques dans tous les coins du secteur KIGINA à la recherche des Tutsi qu’ils chassaient

comme des animaux partout où ils étaient, que leur intention était de détruire le groupe

ethnique Tutsi sachant que de tels actes étaient commis dans tout le pays car il s’agissait de la

mise à exécution de l’ordre de l’autorité suprême du pays et qu’ils ne s’attendaient pas à subir

les conséquences de leurs actes ;

Constate que le crime de génocide est établi à charge de NZIRORERA François, BUGINGO

Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE Antoine car, dans leur défense, ils avouent avoir

participé aux attaques menées contre les Tutsi dans le secteur KIGINA, munis d’armes

traditionnelles et sachant que de tels actes étaient commis dans tout le pays ;

Constate que le crime de génocide n’est pas établi à charge de BUGINGO Célestin alias

KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car le Ministère Public ne rapporte pas

de preuves tangibles de leur véritable part de responsabilité dès lors que, même si

HABUMUGISHA François dit qu’ils ont participé aux attaques à ses cotés, il n’indique pas

un quelconque acte répréhensible qu’ils auraient commis avec lui, et que même

MUKABUGINGO, partie civile, dit avoir vu NSABIMANA dans trois attaques sans indiquer

cependant l’acte criminel concret que l’intéressé aurait commis ;

Constate que l’infraction d’assassinat est établie à charge de BIZURU André,

MBWIRUWUMVA Claver, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, HABUMUGISHA

François, NZIRORERA François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE

Antoine car chacun d’eux reconnaît sa participation aux assassinats des victimes qui ont été

tuées à savoir NYIRANDORA, Vasta et ses trois enfants, MUTYARA l’épouse de Louis, 9

membres de la famille de RITIRA, ZIHINJISHI et son enfant, GAKWAYA et beaucoup

d’autres ;

8eme

feuillet.

Constate que l’infraction d’assassinat n’est pas établie à charge de BUGINGO Célestin alias

KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car le Ministère public n’a pas présenté

des preuves tangibles à leur charge surtout que les prévenus ont rapporté au Tribunal les

raisons qui poussent HABUMUGISHA à les mettre en cause et notamment qu’il n’était pas en

bons termes avec SEBAGABO au motif que celui-ci est son frère utérin si bien que même le

mari de la mère de l’intéressé le persécutait en lui disant de quitter les propriétés foncières de

ses enfants, tandis que BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA a dit que HABUMUGISHA a

violé sa sœur qui était encore mineure, ce que ce dernier a reconnu et qui a été à l’origine d’un

climat de haine entre les deux familles, NSABIMANA ayant quant à lui invoqué son refus de

leur donner la vache qu’il leur avait promise pour qu’ils ne le tuent pas car ils disaient qu’il

versait des cotisations au FPR ;

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RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO

185

Constate que l’infraction de création d’une association de malfaiteurs est établie à charge de

BIZURU André seul car il avoue avoir, à la demande d’un militaire dont il ignore le nom,

appelé quelques-uns des membres de la population qui habitait le secteur dont il était le

conseiller à prendre part aux attaques visant les Tutsi et notamment NYIRANDORA et

d’autres, que MBWIRUWUMVA Claver, BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin,

HABUMUGISHA François, NIZIRORERA François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et

RUGUMIRE Antoine ne sont coupables que d’avoir été membres d’une association de

malfaiteurs car ils avouent avoir volontairement participé aux attaques qui ont coûté la vie à

NYIRANDORA , MUTYARA, Vasta et d’autres victimes dans l’intention d’exterminer les

Tutsi ;

Constate que l’infraction d’association de malfaiteurs n’est pas établie à charge de BUGINGO

Célestin alias KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA car le Ministère Public n’a pas

rapporté de preuves tangibles à leur charge mis à part la déclaration de HABUMUGISHA qui

a fait recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, qu’il est inconcevable qu’il

soit le seul des 12 prévenus à affirmer que les intéressés ont pris part aux attaques alors que

ses autres coprévenus ne les mettent pas en cause, surtout que BUGINGO qui au début

incriminait NSABIMANA s’est rétracté par la suite et a dit publiquement l’avoir mis

injustement en cause ;

Constate que l’infraction d’attentat ayant pour but de porter la dévastation du pays par les

massacres et les pillages est établie dans le chef de BIZURU André, MBIRUWUMVA Claver,

HABUMUGISHA, RUGUMIRE Antoine, BUGINGO Wilson, NDARUHUSTE,

NZIRORERA François, KABAGEMA Célestin et BUGINGO Célestin, car ils avouent tous

que les attaques qu’ils ont menées ont dévasté le secteur KIGINA et que les tueries auxquelles

ils se sont livrés étaient accompagnées d’actes de pillage et de destruction ;

9ème

feuillet.

Constate que l’infraction d’attentat ayant pour but de porter la dévastation du pays par les

massacres et les pillages n’est pas établie à charge de BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA,

SEBAGABO et NSABIMANA Siméon car il ressort des déclarations sur lesquelles s’appuie

le Ministère Public à savoir celles de BUGINGO Wilson et HABUMUGISHA, que

BUGINGO dit au Tribunal qu’il a menti tandis que HABUMUGISHA maintient sa position

en affirmant qu’ils étaient ensemble dans les attaques, que cette contradiction entre les deux

déclarations provoque dans l’esprit du Tribunal le doute qui doit profiter aux prévenus ;

Constate que pour les dommages et intérêts, ils doivent être alloués ex aequo et bono à

quelques unes des parties civiles ainsi qu’il suit ;

1. A BUHANDA Louis et ses 5 enfants :

les dommages moraux pour la perte de son épouse

MUKAMUVARA Colette alias MUTYARA : 2.000.000 Frw

dommages matériels pour : deux maisons détruites 1.000.000 Frw

le matériel ménager 200.000 Frw

Total 3.200.000 Frw

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RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO

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a. A KAYITARAMIRWA Jeannette : dommages moraux pour

la perte de sa mère MUKAMUVARA Colette 1.500.000 Frw

b. KARANGWA Diogène : dommages et intérêt moraux pour

la perte de sa mère MUKAMUVARA 1.500.000 Frw

c. KAYITESI Josiane : dommages moraux pour la perte de sa mère

MUKAMUVARA 1.500.000 Frw

d. KAYIRANGWA Louise : dommages moraux pour la perte

de sa mère MUKAMUVARA 1.500.000 Frw

N.B : Total des dommages moraux alloués à ses 5 enfants 7.500.000 Frw

2. A KAGABO Augustin : dommages moraux pour la perte de :

-BARAMUKUNDA 800.000 Frw

- Son grand frère GASHIRABAMBA 800.000 Frw

- Son neveu MUDAHERAMWA 500.000 Frw

- Son neveu NKURUNZIZA 500.000 Frw

Les dommages matériels pour :

- Une maison 200.000 Frw

- Le matériel ménager et récoltes 1.000.000 Frw

- Le bétail 1.000.000 Frw

Total des dommages et intérêts 3.900.000 Frw

3. A HAVUGIMANA Egide : les dommages moraux pour

la perte de :

- Son père KABUTO 1.500.000 Frw

- Sa mère NIBOGORE Vasta 1.500.000 Frw

- Son petit frère NKURUNZIZA 800.000 Frw

10eme

feuillet.

- Son petit frère BAVUGE 800.000 Frw

- Sa sœur NIRERE 800.000 Frw

- Sa sœur NIKUZE 800.000 Frw

Dommages matériels pour :

- Deux maisons 800.000 Frw

- Le matériel ménager 80.000 Frw

- Le bétail (14 vaches et 15 chèvres) 555.000 Frw

Le total de dommages et intérêts 7.630.000 Frw

4. BAZIZANE : les dommages moraux pour la perte de :

- Son père GASHONGO 1.500.000 Frw

- Son frère GISAGARA 800.000 Frw

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187

- Son frère HAKIZAMUNGU 800.000 Frw

- Son frère MUREKEZI 800.000 Frw

Les dommages matériels pour :

- Deux maisons 250.000 Frw

- Le matériel ménager 90.000 Frw

Total 4.270.000 Frw

5. MUKAMAHIRANE : Les dommages moraux pour la perte de :

- Son frère GATARE 800.000 Frw

- Son neveu MUGIRANEZA 500.000 Frw

- Son neveu KAREKEZI 500.000 Frw

- Son neveu NYIRANSABIYEZE 500.000 Frw

- Son neveu UWINGABIRE 500.000 Frw

- Son neveu MUKANDERA 500.000 Frw

- Son neveu TWAHIRWA 500.000 Frw

- Son neveu MUKAMWEZI 500.000 Frw

- Son neveu MUKAMUSONI 500.000 Frw

- Sa belle sœur CYIZA 500.000 Frw

6. MUGENDANEZA : les dommages moraux pour la perte de :

- GASHIRABAMBA 2.000.000 Frw

- Son fils GAKURU 1.000.000 Frw

- Son fils BUTOTO 1.000.000 Frw

Les dommages matériels pour :

- Les biens endommagés 600.000 Frw

- 15vaches, 15poules 765.000 Frw

- Matériel ménager 40.000 Frw

Total 5.405.000 Frw

7. MUKAGATARE :

- Des dommages moraux ne peuvent lui être alloués pour la perte de NYIRABUKOKO

car elle n’a pas produit les pièces justifiant ses liens de parenté avec elle. Il lui est

alloué des dommages matériels équivalent à ses 10.000Frw qui ont été pillés.

11eme

feuillet.

7. MUKABUGINGO Claudine : Dommages moraux pour la perte de :

- Sa mère NYABUKUMI

- Son oncle GATARE 500.000 Frw

Dommages matériels pour :

- Une maison 80.000 Frw

- 6 chèvres et 8 poules 70.000 Frw

- Le matériel ménager 30.000 Frw

- Des récoltes ( Haricot, arachide, 2sacs de sorgho) 60.000 Frw

Total 2.240.000 Frw

8. NYAMURINDA Faustin : Dommages moraux pour la perte de :

- Sa femme NIRERE 2.000.000 Frw

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188

- Son enfant MUSHIMIYIMANA 1.000.000 Frw

- Son frère MUNANIRA 800.000 Frw

- Son frère MUHIGIRWA 800.000 Frw

- Sa sœur MUKABATABAZI 800.000 Frw

Dommages matériels pour

- Une maison en paille 40.000 Frw

- 7 chèvres et 20 poules 55.000 Frw

- Le matériel ménager et les récoltes 80.000 Frw

Total 575.000 Frw

9. NKUBA Ignace : Dommages moraux pour la perte de :

- Son père GASHIRABAMBA 1.500.000 Frw

- Son frère BUTOTO 800.000 Frw

- Son frère GAKURU 800.000 Frw

Dommages matériels pour :

- Une maison 200.000 Frw

- 5 chèvres 35.000 Frw

- Le matériel ménager 18.000 Frw

Total 3.318.000 Frw

Il n’y a pas de dommages et intérêts pour 15 vaches et 15 poules, car ils ont été alloués à sa

mère MUGENDANEZA.

10. NGENDAHIMANA Justin : Dommages moraux pour la perte de

sa mère NYABUKUMI 1.500.000 Frw

Dommages matériels pour :

- Une maison 80.000 Frw

- 8 chèvres 70.000 Frw

- Le matériel ménager 70.000 Frw

- Les récoltes (petits poids, sorgho, arachide et haricot) 50.000 Frw

Total 1.770.000 Frw

11. MUKAKAMARI : Dommages moraux pour la perte de

son mari GAKOBOGO 2.000.000 Frw

Dommages matériels pour :

- Une maison 350.000 Frw

- 5 vaches, 2 moutons, 8 chèvres 250.000 Frw

- Matériel de couchage 30.000 Frw

Total 2.630.000 Frw

12eme

feuillet.

Constate que des dommages et intérêts ne peuvent être alloués à MUKAMURUTA,

MUSABYEMARIYA et KAREGEYA car ils ne se sont pas présentés pour soutenir leur

action ;

Constate que les infractions à charge de BIZURU André, MBWIRUWUMVA Claver,

BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin, HABUMUGISHA François, NZIRORERA

François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE sont en concours idéal car

elles procèdent de l’intention délictueuse unique du génocide ;

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189

Constate que les infractions retenues à leur charge les rangent dans la deuxième catégorie

prévue par l’article 2 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 ;

Constate que sur base de l’article 15 de la même Loi organique, MBWIRUWUMVA Claver,

BUGINGO Célestin, KABAGEMA Célestin et HABUMUGISHA François doivent bénéficier

d’une diminution de peine et que BIZURU doit bénéficier d’une réduction de la peine en vertu

de l’article 16 de cette loi ;

Constate que sur base de l’article 83 du Code pénal livre I, NZIRORERA François,

RUGUMIRE, BUGINGO Wilson et NDARUHUTSE doivent bénéficier d’une diminution de

peine car ils ont facilité la tâche du Tribunal par leur aveux ;

Constate qu’aucune infraction n’est établie à charge de BUGINGO Célestin alias

KAYIJUKA, SEBAGABO et NSABIMANA Siméon ;

PAR CES MOTIFS , STATUANT PUBLIQUEMENT ET

CONTRADICTOIREMENT ;

Vu la Convention internationale du 09/12/1948 ratifiée par le Décret loi n° 08/75 du

12/02/1975 ;

Vu la Convention internationale du 26/11/1968 ratifiée par le Décret loi n° 08/75 du

12/02/1975 ;

Vu le Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda ;

13eme

feuillet.

Vu la Loi fondamentale de la République Rwandaise, spécialement la Constitution du 10 juin

1991 en ses articles 12, 14, 33, 91, 92, 93, 94, ainsi que les articles 25 et 26 du Protocole des

Accords de Paix d’ARUSHA du 30/10/1992 sur le partage du pouvoir et l’article 6 de la

révision de la Loi fondamentale du 18/01/1996 ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 portant Code d’organisation et compétences judiciaires tel que

confirmé par le Décret-loi n° 08/82 du 26/01/1982 modifié par la Loi organique n° 12/1985 et

le Décret-loi n° 002/94 du 28/11/1994 spécialement en ses articles 6, 12, 77, 104, 129, 139,

200 et 201 ;

Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide spécialement en ses articles 1, 2, 20, 21, 24, 30, 39, 15 ;

16, 39 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée partiellement

par les Décrets lois n° 01/82 et n°12/84 respectivement du 26/01/1982 et du 12/05/1984,

modifiée également par la loi n°31/85 du 08/11/1985, spécialement en ses articles 16, 17, 19,

58, 59, 61, 62, 63, 73, 76, 90, 95, 121, 130, 133 et 138 ;

Vu les articles 281, 282, 93, 83, 168 et 450 du Code pénal rwandais ;

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RP 0152/EX/R3/00/KGO C.S.T.P.I KIBUNGO

190

Déclare recevable l’action du Ministère Public et la dit fondée ;

Condamne BIZURU André à la peine d’emprisonnement de 15 ans et à la dégradation civique

prévue par l’article 66 , 2°, 3° et 5° du Code pénal rwandais ;

Condamne MBWIRUWUMVA Claver, HABUMUGISHA François, KABAGEMA Célestin

et BUGINGO Célestin à la peine d’emprisonnement de 11 ans chacun ;

Condamne NZIRORERA François, RUGUMIRE Antoine et NDARUHUTSE à la peine

d’emprisonnement de 16 ans chacun ;

Condamne BUGINGO Wilson alias KAJWIGIRA à la peine d’emprisonnement de 8 ans ;

14eme

feuillet.

Ordonne à BIZURU André, NZIRORERA François, RUGUMIRE Antoine,

MBWIRUWUMVA, HABUMUGISHA, KABAGEMA Célestin, BUGINGO Célestin,

NDARUHUSTE et BUGINGO Wilson de payer 45.900Frs de frais de justice, soit 3.825Frs

chacun dans le délai légal et édicte une contrainte par corps de 35 jours suivie de l’exécution

forcée sur leurs biens, met 11.475Frs de frais à charge du Trésor Public ;

Ordonne la libération immédiate de BUGINGO Célestin alias KAYIJUKA, SEBAGABO et

NSABIMANA ;

Déclare que ce jugement n’est pas susceptible d’appel pour BIZURU André,

HABUMUGISHA François, KABAGEMA Célestin, BUGINGO Célestin et

MBWIRUWUMVA Claver qui ont fait recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité, et que le délai d’appel est de 15 jours à dater du prononcé pour NZIRORERA

François, BUGINGO Wilson, NDARUHUTSE et RUGUMIRE Antoine ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 22/09/2000 AU

CENTRE COMMUNAL DE DEVELOPPEMENT ET DE FORMATION

PERMANENTE DE RUSUMO PAR LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE

KIBUNGO, CHAMBRE SPECIALISEE OU SIEGEAIENT : MUSAFIRI Ephrem,

Président, MUKWAYA RUSATIRA Jean ET MUHIZI RUZEZWA Moïse, Juges, EN

PRESENCE DE L’OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC MUSAFIRI MBAYIHA

Pierre ET DU GREFFIER NDACYAYISENGA Jean Paul.

JUGE PRESIDENT JUGE

MUHIZI R Moïse MUSAFIRI Ephrem MUKWAYA R. Jean

(sé) (sé) (sé)

GREFFIER

NDACYAYISNGA Jean Paul.

Page 191: ASF_JurisprudenceGénocide_3

191

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE KIBUYE

Page 192: ASF_JurisprudenceGénocide_3

192

Page 193: ASF_JurisprudenceGénocide_3

193

N° 8

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de KIBUYE

du

22 mars 2000.

Ministère Public C/ BUREGEYA Edison et UWITONZE Bernard.

ACQUITTEMENT ASSASSINAT (ART. 312 CP) ASSOCIATION DE

MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET 283 CP) CATEGORISATION (4ème

CATEGORIE ; ART. 2 L.O. 30/8/96) CRIME DE GENOCIDE DOUTE (BENEFICE

DU ; ART. 77 CP) DROITS DE LA DEFENSE (DROIT D'ÊTRE ASSISTE PAR UN

AVOCAT) PEINE ( 5 ANS DE PRISON AVEC SURSIS) PREUVE (ABSENCE DE;

INSUFFISANCE DE) RESPONSABILITE INDIVIDUELLE TEMOIGNAGES (A

CHARGE; A DECHARGE; CONTRADICTOIRES).

1. Remises droit d'être assisté d'un avocat.

2. 1er

prévenu témoignages à charge contradictoires absence de preuve du Ministère

Public - doute sur la culpabilité - infractions non établies - acquittement et ordre de

libération immédiate.

3. 2ème

prévenu témoignages à charge indirects témoin oculaire inconstant et témoignages

contradictoires infractions d'assassinat et crime de génocide non établies.

4. 2ème

prévenu aveu de consommation de la viande pillée témoignage concordant à l'aveu

- infraction d'association de malfaiteurs (en vue de piller) établie. 4ème

catégorie 5 ans

de prison avec sursis pendant 4 ans.

1. Le Tribunal décide de plusieurs remises afin de permettre aux prévenus d'être assistés d'un

avocat.

2. Les infractions d'assassinat, d’association de malfaiteurs et de crime de génocide sont

déclarées non établies à charge du premier prévenu car:

Même si certaines victimes ont été tuées devant le domicile de ce prévenu, comme il le

reconnaît, rien ne permet de retenir qu'il porte une part de responsabilité dans ces crimes

dès lors que les déclarations des témoins à charge divergent quant au rôle qu’il aurait joué.

Les témoignages qui chargent ce prévenu ne sont pas probants, car ils émanent des

personnes que le prévenu a dénoncées auparavant pour les actes criminels qu'elles ont

commis.

Le Ministère Public est resté en défaut de prouver que le prévenu a pris part aux attaques

volontairement, et non sous la contrainte, et qu'il est arrivé au lieu de l'attaque. Les

contradictions dans les témoignages à charge et l'absence de preuve de la part du Ministère

Public font subsister un doute quant à la culpabilité du 1er

prévenu. Le Tribunal l'acquitte

au bénéfice de ce doute et ordonne sa libération immédiate.

Page 194: ASF_JurisprudenceGénocide_3

194

3. Les infractions d'assassinat et de crime de génocide ne sont pas retenues à charge du 2ème

prévenu car:

Les témoignages qui le chargent sont indirects, et aucun des témoins n'affirme l'avoir vu

parmi ceux qui ont emmené l'une des victimes qu'il est accusé d'avoir assassinée.

La déclaration d’un témoin poursuivi par ailleurs ne peut être tenue pour crédible car il est

lui-même poursuivi pour l'assassinat des mêmes victimes et se contredit, proposant

plusieurs versions divergentes des faits. Ce même témoignage diverge d'avec celui de la

personne qui cachait les victimes et qui ne met point en cause le second prévenu.

4. Le second prévenu a avoué avoir consommé de la viande des vaches qui ont été pillées chez

les victimes, ceci étant confirmé par un témoignage. Le Tribunal retient comme établie

l'infraction d'association de malfaiteurs (en vue de pillage). Au regard de la seule infraction

d'association de malfaiteurs retenue à sa charge, le Tribunal range le second prévenu en

quatrième catégorie, et le condamne à une peine de cinq ans de prison avec sursis pendant

quatre ans.

(NDLR: cette décision n'a pas été frappée d'appel).

Page 195: ASF_JurisprudenceGénocide_3

R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000

R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE

195

(Traduction libre)

1er

Feuillet.

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE

KIBUYE, Y SIEGEANT AU PREMIER DEGRE EN MATIERE DE GENOCIDE ET

D’AUTRES CRIMES CONTRE L’HUMANITE, A RENDU EN AUDIENCE

PUBLIQUE CE 22/03/2000, LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1. BUREGEYA Edison, fils de MUHIZI et de NYIRAGUMIRIZA né en 1960 dans la

cellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, résidant dans la cellule

KINIHA, secteur BWISHYURA, commune GITESI, marié à NYIRAMARIZA, père de 3

enfants, cultivateur, sans antécédents judiciaires connus, actuellement en détention

préventive ;

2. UWITONZE Bernard alias Ismaël, fils de NZABONIMPA et de KIDEDELI né en1953

dans la cellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, y résidant, marié à

MUKAMISHA, père de 4 enfants, cultivateur, sans antécédents judiciaires connus,

actuellement en détention préventive.

PREVENTIONS :

A charge de BUREGEYA Edison.

1. Avoir, dans la cellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, préfecture

de KIBUYE, République Rwandaise, comme auteur, coauteur ou complice de

HABIYAKARE Frodouard, KARUTA Mathieu et BIMENYIMANA Jean, (prévenus dans

le dossier RMP.N°50056/S4/HS) tel que prévu par les articles 89, 90 et 91du Code pénal

Livre I, à une date inconnue, entre avril et juillet 1994, assassiné UWAMALIYA

NYIRACOROGO la fille de HITIMANA, et AKIMANA la fille de NTIHABOSE à cause

de leur appartenance ethnique, fait constitutif du crime de génocide tel que prévu par

l’article 2 de la Convention Internationale du 09/12/1998, ainsi que l’article 1er

de la Loi

organique n°08/96.

2. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, assassiné UWAMALIYA

NYIRACOROGO et AKIMANA, infraction prévue par l’article 312 du Code pénal Livre

II ;

3. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, formé une association de

malfaiteurs, infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 du Code pénal

Livre II ;

Page 196: ASF_JurisprudenceGénocide_3

R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000

R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE

196

A charge de UWITONZE Bernard alias Ismaël

1. Avoir, dans la cellule GITARAMA, secteur GITARAMA, commune GITESI, préfecture

de KIBUYE, République Rwandaise, comme auteur, coauteur ou complice de

SEBABUMBYI Gaspard, MUNYANDEKWE, NYAMPETA Amos et BUGURUSU

Léopold (prévenus dans le dossier RMP N°50056/S4/HS) tel que prévu par les articles 89,

90 et 91 du Code pénal Livre I, à des dates différentes entre avril et juillet 1994, assassiné

MUKARUSINE et NIWEMUKOBWA à cause de leur appartenance ethnique ;

2ème

Feuillet.

et comme coauteur ou complice de HABIYAKARE Frodouard, MASHYAKA Abel,

KURUTA Mathieu, GASANA Evariste, Alphonse MUNYANDEKWE et NDIKUBWAYO

Pascal, (prévenus dans le dossier RMP 50056/S4/HS), assassiné BAHIGANDE à cause de son

appartenance ethnique, infraction prévue par l’article 2 de la Convention internationale du

09/12/1948 et l’article 1er

de la Loi organique n°08/96 et réprimée par l’article 14 de la Loi

organique n° 8/96 ;

2. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, assassiné MUKARUSINE,

NIWEMUKOBWA et BAVUGANDE, infraction prévue par l’article 312 du Code pénal

Livre II ;

3. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, formé une association de

malfaiteurs, infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 Code pénal

Livre II ;

LE TRIBUNAL ,

Vu qu’après l’instruction préparatoire, le Premier Substitut a transmis pour fixation le dossier

à charge de BUREGEYA et UWITONZE portant le n° R.M.P 56886/S4/BA/KRE/KBY/2000;

Vu que l’affaire a été inscrite au rôle sous le n° RP. CH.SP.002/01/2000 et que le Président a

pris l’ordonnance fixant la date d’audience au 09/02/2000 ;

Vu que la date d’audience a été signifiée aux prévenus ;

Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu mais que l’audience n’a pas eu lieu au motif

qu’ils n’étaient pas assistés, que le même motif a été invoqué le 14/02/2000 et que l’audience

a été reportée au 21/02/2000 ;

Vu qu’à cette date l’affaire n’a pas été appelée et a été renvoyée au 22/02/2000, les prévenus

en ayant été informés ;

Vu qu’à cette date les prévenus ont comparu assistés par Maître NDONDERA Christian, le

Ministère Public étant représenté par Monsieur NSENGIYUMVA Eugène ;

Attendu que BUREGEYA est poursuivi du chef des infractions de génocide, d’assassinat et

d’association de malfaiteurs en rapport avec la mort de AKIMANA UWAMALIYA et

NYIRACOROGO ;

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R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000

R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE

197

Attendu que UWITONZE Bernard est poursuivi pour génocide, assassinat et association de

malfaiteurs en rapport avec la mort de MUKARUSINE, NIWEMUKOBWA et

BALIGANDE ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public prend la parole après que les deux prévenus aient

plaidé non coupables de toutes les préventions mises à leur charge et dit que BUREGEYA

avait requis l’aide d’un groupe de personnes qu’il avait placées chez lui en vue de protéger

son épouse, que le jour où sa mère a été blessée par un Tutsi, ce groupe de personnes a

accouru en compagnie de BUREGEYA et que, à leur retour, ces personnes ont tué deux

enfants sur ordre de BUREGEYA et ce, à cause de leur ethnie ;

3ème

Feuillet.

Attendu que dans sa défense, BUREGEYA dit qu’il est faussement accusé, car il ne pouvait

pas se rallier aux meurtriers alors que la première attaque a été menée à son domicile, que

HABIYAKARE et KARUTA ne s’étaient rendus chez lui que pour piller ses biens, qu’il nie

avoir ordonné le meurtre des victimes et affirme avoir eu au contraire des discussions avec les

tueurs en vue de les empêcher de commettre ces crimes ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que BUREGEYA veut induire le Tribunal en

erreur parce que ces personnes étaient ses proches parents, qu’il connaissait donc leurs

intentions surtout qu’elles fréquentaient son cabaret, qu’il a pris part à de nombreuses rondes

et attaques, qu’il doit montrer les cicatrices dues aux blessures à lui causées par les coups de

lance qu’il prétend avoir reçus ;

Attendu que BUREGEYA dit qu’il n’a jamais exploité un cabaret, que c’est parce qu’il

habitait à proximité du chemin qu’il a pu être au courant des intentions des tueurs, qu’il a par

ailleurs dit qu’ils l’ont brutalisé en le poussant et non qu’ils lui ont donné des coups de lances

pour qu’il soit invité à en montrer les cicatrices ;

Attendu qu’il dit qu’il donnait souvent de l’argent à ces tueurs qui le mettent injustement en

cause pour qu’ils ne tuent pas son épouse ;

Attendu que UWITONZE Bernard présente sa défense à son tour en disant que ces gens qui

l’accusent d’avoir collaboré avec eux mentent, car il cachait 3 personnes, même si l’une

d’elles a été tuée, qu’ils le qualifiaient de complice, que l’infraction de pillage de vaches lui

est faussement attribuée étant entendu qu’après ledit pillage, ces vaches ont été abattues près

de chez lui à la chapelle et qu'ils lui ont donné une part en prétendant que cela lui éviterait de

mourir d'envie;

Attendu qu’il poursuit en disant que le Ministère Public l’accuse d’avoir battu le tambour pour

donner le signal aux tueurs, mais que ce sont plutôt ces tueurs qui l’ont fait après avoir tué la

personne qui se cachait chez lui, que ledit tambour se trouvait à l’intérieur de la chapelle où

MARANDINI l’a pris après avoir tué LANGUIDA ;

Attendu que UWITONZE Bernard dit qu’il n’a pas été au domicile de BUTORANO d’où la

victime BAHIGANDE a été emmenée, qu’il y a lieu de demander à ce sujet aux membres de

la famille BUTORANO s’ils l’ont vu à cet endroit ;

Page 198: ASF_JurisprudenceGénocide_3

R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000

R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE

198

Attendu que les témoins BUSHISHI et GAFURAFURA disent ne pas avoir connaissance

d’un quelconque acte répréhensible que BUREGEYA aurait commis et que les membres de la

première attaque ont au contraire fait pression sur l’intéressé pour le forcer à tuer, mais qu’il a

refusé ;

Attendu que NYINAWINTWARI Alvera, entendue comme témoin, dit que c’est

HABIYAKARE qui a emmené l’enfant qu’elle portait au dos et qu’elle a entendu dire que, sur

le lieu de crime, BUREGEYA a refusé de le tuer et que ce sont KARUTA et HABIYAKARE

qui l’ont exécuté ;

Attendu que SEKABERA Jean, présenté comme témoin à charge par le Ministère Public, dit

qu’il n’est au courant d’aucune infraction commise par BUREGEYA et UWITONZE et nie

avoir dit que c’est UWITONZE qui a battu le tambour, que l’Officier du Ministère Public dit

qu’il est bien clair que les témoins se sont concertés pour ne pas dénoncer les tueurs car

SEKABARA a fait cette déclaration lors de l’audience publique relative à l’affaire

HABIYAKARE ;

Attendu que les différents témoins présentés par les prévenus tel que MUNYANKINDI

l’oncle paternel de la victime NYIRACOROGO, MUKAKARANGWA la fille de

MUKARUSINE, NIWEMUKOBWA, UYAKUVUGA et AYINKAMIYE affirment tous

qu’ils ne savent rien sur les infractions reprochées à BUREGEYA et UWITONZE, et qu’ils

n’ont rien entendu de mal sur leur compte ;

4ème

Feuillet.

Attendu que BUREGEYA et UWITONZE déclarent successivement qu’ils n’ont rien à dire

sur les dépositions des témoins, qu’il appartient au Tribunal d’en faire une appréciation ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public demande au Tribunal de ne pas se fonder sur les

témoignages car aucun témoin n’affirme qu’il se trouvait sur les lieux où NYIRACOROGO et

AKIMANA ont été tuées, qu’il faut plutôt prendre en considération les déclarations faites par

HABIYAKARE et KARUTA qui se trouvent dans le dossier et selon lesquelles c’est

BUREGEYA qui a fait tuer ces enfants qui étaient d’ailleurs membres de sa famille, que la

preuve de sa part de responsabilité est que les enfants n’ont pas été tués à l’endroit où ils ont

été trouvés et que les tueurs ont dû les conduire chez BUREGEYA qui avait accouru au

secours de sa mère qui venait d’être blessée ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public, après une description des circonstances des

infractions reprochées à UWITONZE et BUREGEYA, dit que BUREGEYA est mis en cause

par ses proches parents KARUTA, HABIYAKARE ainsi que MUZIGANTAMBARA qui par

ailleurs avoue avoir fait partie de l’attaque qui a été menée à GITWA, alors que ceux qui

témoignent à sa décharge ne savent rien des faits poursuivis étant donné qu’ils n’ont pas été

sur le lieu où les victimes ont été tuées, que UWITONZE est quant à lui mis en cause par

MUNYANDEKWE qui affirme qu’ils sont allés chez BUTORANO ensemble ainsi que par

SEBABUMBYI qui avoue qu’ils ont tué tous les deux les victimes MUKARUSINE et

NIWEMUKOBWA, l’intéressé reconnaissant lui-même avoir mangé de la viande des vaches

pillées chez BUTORANO ;

Page 199: ASF_JurisprudenceGénocide_3

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R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE

199

Attendu qu’il dit que les infractions mises à charge des prévenus les rangent dans la 2ème

catégorie et qu’elles sont en concours idéal, qu’il requiert à leur encontre la peine

d’emprisonnement à perpétuité et celle de dégradation civique prévue par l’article 17 de la Loi

organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

Attendu que BUREGEYA et UWITONZE disent qu’ils ne s’estiment pas mériter les peines

requises à leur charge ;

Attendu que Me NDONDERA Christian, dans sa plaidoirie, fait un exposé détaillé des

moyens contenus dans les conclusions écrites qu’il a déposées et dit que les témoins à

décharge de BUREGEYA et UWITONZE sont nombreux et sont des parents proches des

victimes qui ont été tuées, que ce sont eux qui doivent servir de base à la manifestation de la

vérité, qu’il termine en demandant que ses clients soient libérés ;

Vu qu’il ne reste rien d’autre à examiner sinon statuer sur les moyens invoqués, que le

Tribunal prend l’affaire en délibéré et rend le jugement ci-après ;

Constate que l’action du Ministère Public est recevable car régulièrement introduite ;

Constate que NYIRACOROGO et AKIMANA ont été tuées devant le domicile de

BUREGEYA et en présence de l’intéressé dont la déclaration concorde à ce sujet avec celles

de KARUTA et HABIYAKARE, mais que rien ne permet d’affirmer sans aucun doute qu’il a

une part de responsabilité dans ces crimes dès lors que les déclarations de KARUTA et

HABIYAKARE divergent car, si tous parlent de sa responsabilité, l’un affirme que le prévenu

a donné l’ordre à KARUTA de tuer cet enfant et que celui-ci s’est exécuté, alors que l’autre

dit que BUREGEYA a tué de ses mains l’un des enfants après que HABIYAKARE venait de

refuser d’exécuter l’ordre qu’il lui donnait dans ce sens ;

Constate que de tels témoignages émanant des personnes que le prévenu dénonce pour les

actes criminels qu’elles ont commis ne suffisent pas pour lever le doute quant à sa culpabilité,

doute qui doit profiter au prévenu ;

Constate que le Ministère Public n’a pas rapporté la preuve que le prévenu a volontairement

pris part aux attaques, et non sous la contrainte tel que le prévenu le dit dans sa défense, ni

même la preuve que le prévenu est arrivé à GITWA ;

5ème

Feuillet.

Constate que le fait que ces enfants ont été tués devant le domicile de BUREGEYA dont la

mère venait d’être blessée ne constitue nullement une preuve tangible de la responsabilité

personnelle de BUREGEYA surtout que les autres victimes tuées ont été emmenées de leurs

domiciles et conduites à l’endroit où se trouvait un trou, et qu’il n’y a pas lieu de dire que

toutes ces victimes ont été tuées à cause du fait que la mère de BUREGEYA a été blessée ;

Constate que le crime de génocide commis sur la personne de BAHIGANDE et reproché à

UWITONZE n’est pas établi à sa charge car les personnes qui se trouvaient chez

BUTORANO d’où BAHIGANDE a été emmené n’affirment pas l’avoir vu, que

MUNYANDEKWE dit qu’ils ont emmené ensemble et mangé les vaches pillées chez

BUTORANO, que cependant aucune preuve n’a été rapportée sur son implication dans le

meurtre de BAHIGANDE ;

Page 200: ASF_JurisprudenceGénocide_3

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R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE

200

Constate que UWITONZE Bernard est coupable de l’infraction d’association de malfaiteurs

en vue de piller, car sa déclaration semble concorder avec celle de MUNYANDEKWE quand

il avoue avoir mangé la viande de ces vaches qui ont été abattues devant son domicile, que sa

responsabilité consiste en ce qu’il s’est joint à ces tueurs pour manger les vaches appartenant

à la victime qui venait d’être tuée ;

Constate que la seule déclaration de SEBABUMBYI, lui aussi poursuivi du chef d’assassinat

de ces victimes (MUKARUSINE et NIWEMUKOBWA), ne peut être considérée comme

crédible car elle renferme des contradictions flagrantes consistant notamment en ce qu’il dit

d’une part que UWITONZE l’a emmené par contrainte, que d’autre part il déclare qu’il lui a

dit de l’accompagner pour récolter des régimes de bananes, qu’à un autre endroit il dit qu’il

n’est pas entré dans la maison, mais qu’il change ensuite et dit qu’il a été soumis à la

contrainte pour tuer, sa déclaration et celle de la personne qui cachait les victimes avant

qu’elles soient tuées sont divergentes car cette dernière ne met pas UWITONZE en cause ;

Constate que le tambour a été battu à la chapelle afin d’appeler les gens à se livrer aux tueries

mais que, à part SEBABUMBYI, personne d’autre n’affirme que c’est le prévenu qui battait

ce tambour, qu’il y en a au contraire qui affirment que ce sont des Twa qui le faisaient ;

Constate que seule l’infraction d’association de malfaiteurs est établie à sa charge et le range

dans la 4e catégorie, qu’il doit en être condamné avec sursis ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT ET CONTRADICTOIREMENT ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise spécialement la partie des Accords de

paix d’ARUSHA relative au protocole sur le partage du pouvoir en ses articles 25 et 26, la

Constitution de la République Rwandaise telle que modifiée en date du 18/01/96 en ses

articles 12, 14,33, 91, 93 et 94 ;

Vu la Convention internationale du 9/12/1948 relative à la prévention et à la répression du

crime de génocide telle que ratifiée par le Rwanda en son article 2 ;

Vu le Décret-loi n°09/80 du 7/7/1980 portant Code d’organisation et compétence judiciaires

en ses articles 6, 12, 76, 104, 129, 199, 200 et 377 ;

Vu la Loi du 23/02/63 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour en ses

articles 19, 20, 58, 61, 67, 76, 80, 86 et 90 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/96 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité en ses articles 16, 14 d, 19,

20, 21, 36 et 39 ;

6ème

Feuillet.

Vu les articles 97, 98, 99 et 283 du Code pénal rwandais ;

Vu la Loi n°03/97 du 19/03/1997 portant création du barreau en son article 50 ;

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R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE

201

Déclare recevable l’action publique, car régulièrement introduite ;

Déclare non établies à charge de BUREGEYA les infractions de génocide, d’assassinat et

d’association des malfaiteurs à lui reprochées, qu’il en est acquitté ;

Déclare non établies à charge de UWITONZE Bernard les infractions de génocide et

d’assassinat, qu’il en est lui aussi acquitté ;

Déclare établie à charge de UWITONZE l’infraction d’association de malfaiteurs ;

Déclare que BUREGEYA Edison obtient gain de cause;

Déclare que UWITONZE Bernard perd la cause ;

Condamne UWITONZE à une peine d’emprisonnement de 5 ans avec sursis de 4 ans ;

Ordonne à UWITONZE Bernard de payer les frais de justice évalués à 12.450 Frw dans le

délai légal, sinon exécution forcée sur ses biens ;

Ordonne la mise en liberté immédiate de BUREGEYA Edison ;

Ordonne le sursis immédiat de la peine prononcée contre UWITONZE Bernard ;

Dit que le prononcé a lieu tardivement parce que les membres du siège étaient occupés par

une autre affaire de 32 prévenus jugée dans la même période que celle-ci ;

Dit que le délai d’appel est de 15 jours à partir du jour du prononcé ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE PAR LA CHAMBRE

SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIBUYE LE

22/03/2000, DONT LE SIEGE EST COMPOSE DE : MASASU J. Jacques,

PRESIDENT, KANYARUKIGA Jacques et UWIMANA J.Baptiste, JUGES, EN

PRESENCE DE NSENGIYUMVA Eugène, Officier du Ministère Public et du Greffier

BENIMANA Fidèle.

SIEGE

JUGE PRESIDENT JUGE

KANYARUKIGA Jacques MASASU J. Jacques UWIMANA J. Baptiste

(sé) (sé) (sé)

Page 202: ASF_JurisprudenceGénocide_3

R.M.P 56.886/S4/BA/KRE/KBY/2000 JUGEMENT DU 22/03/2000

R.P. 002/01/2000 C.S TPI KIBUYE

202

LE GREFFIER

BIMENYIMANA Fidèle

(sé)

Page 203: ASF_JurisprudenceGénocide_3

203

Page 204: ASF_JurisprudenceGénocide_3
Page 205: ASF_JurisprudenceGénocide_3

205

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE KIGALI

Page 206: ASF_JurisprudenceGénocide_3

206

Page 207: ASF_JurisprudenceGénocide_3

207

N°9

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de KIGALI

du

15 janvier 1999.

Ministère Public C/ MUKAKAYIJUKA Hadidja.

ACTES DE TORTURE - ASSASSINAT (ART. 312) – ASSOCIATION DE

MALFAITEURS (ARTS. 282 ET 283 CP) – CATEGORISATION (3ème

CATEGORIE;

ART. 2 L.O. N° 08/96 DU 30/08/1996) - CRIME DE GENOCIDE (ART. 1b L.O. N° O8/96

DU 30/08/1996– CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DESCENTE SUR LE TERRAIN –

DROITS DE LA DEFENSE (DROIT DE PRENDRE CONNAISSANCE DE SON

DOSSIER; DROIT D'ETRE ASSISTE D'UN AVOCAT) – MENACE D'ATTENTAT

CONTRE LES PERSONNES (ART. 340 CP) – PEINE (DEUX ANS

D'EMPRISONNEMENT) – PORT ILLEGAL D'ARMES (DECRET-LOI N° 12/79 DU 07

MAI 1979) – PREUVE (ABSENCE DE; CONTRADICTION; FORCE PROBANTE;

TEMOIGNAGES) -– RESPONSABILITE PENALE INDIVIDUELLE – VIOL (ART. 360

CP) – VIOLATION DE DOMICILE (ART. 240 CP).

1. Procédure - droits de la défense (droit de lire son dossier et droit d'être assisté d'un avocat) -

remise.

2. Recherche de la manifestation de la vérité – audition de nouveaux témoins – descente du

Tribunal sur le terrain.

3. Prévenue – infractions non établies ( assassinat, association de malfaiteurs, port illégal

d'armes, tortures et viol) – absence de preuves palpables et contradictions – responsabilité

pénale individuelle.

4. Prévenue – infractions établies (menace d'attentat contre les personnes, persécution ,

violation de domicile commis en relation avec le génocide) – témoignages.

5. Concours idéal d'infractions – troisième catégorie (article 2 Loi organique n° 08/96 du

30/08/1996) – 2 ans de prison.

1. Une remise est accordée à la prévenue afin de lui permettre de lire son dossier et d’être

assistée d'un avocat.

2. Aux fins d'une meilleure manifestation de la vérité, le Tribunal ordonne l’audition de

nouveaux témoins et décide d'effectuer une descente sur le terrain pour entendre un témoin.

Page 208: ASF_JurisprudenceGénocide_3

208

3. Sont déclarées non établies à charge de la prévenue, les infractions de:

- assassinat, les preuves présentées par le Ministère Public et les témoignages étant

contradictoires d'une part, et aucun témoin n'affirmant avoir vu la prévenue commettre

des tueries d'autre part;

- association de malfaiteurs, le Ministère Public et ceux qui mettent la prévenue en cause

ne rapportant pas de preuves palpables; le seul fait que ses frères aient été des

Interahamwe ne peut suffire à fonder sa culpabilité, dès lors qu’il n’est nullement établi

qu’elle aurait commis un quelconque acte avec ce groupe;

- port illégal d'armes, de nombreux témoins affirmant que la prévenue ne portait pas

d'armes et ceux qui la mettent en cause n'ayant pu rapporter les preuves tangibles de cette

accusation;

- tortures et viol, les personnes supposées êtres victimes de ces faits ayant elles-mêmes

démenti qu'ils aient été commis.

4. Sont déclarées établies à charge de la prévenue, les infractions de:

- menace d'attentat contre les personnes et persécution, la prévenue ayant menacé de livrer

aux tueurs les personnes de l'ethnie Tutsi qu'elle soupçonnait d'avoir dérobé son bois de

chauffe. Le Tribunal retient que de telles menaces proférées à cette occasion démontrent,

sans aucun doute, que la prévenue avait coutume de menacer ses voisins de les livrer aux

tueurs;

- violation de domicile, la prévenue ayant reconnu avoir fouillé des maisons à l'occasion

du vol dont elle avait été victime, comme l'en chargent des témoins;

- crime de génocide, les infractions établies à charge de la prévenue ayant été commises en

relation avec les événements entourant le génocide et les crimes contre l'humanité tel que

prévu à l'article 1b de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996.

5. Les infractions retenues à charge de la prévenue sont en concours idéal et la rangent en

troisième catégorie; elle est condamnée à une peine d'emprisonnement de 2 ans.

(NDLR: Ce jugement n’a pas été frappé d’appel).

Page 209: ASF_JurisprudenceGénocide_3

RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999

RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.

209

(Traduction libre) 1er

feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIGALI, CHAMBRE SPECIALISEE,

SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET AUTRES CRIMES CONTRE

L'HUMANITE, A RENDU LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT:

PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 15/01/1999.

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE:

MUKAKAYIJUKA Hadidja fille de MUSTAFA et NYIRABAFOROMA, née dans la cellule

GAKONI, secteur KANOMBE, préfecture KIGALI NGALI, résidant à NYAKABANDA, cellule

MUNANIRA, commune NYARUGENGE , préfecture de la ville de KIGALI, mère de 5 enfants,

en détention préventive;

PREVENTIONS :

1. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, secteur NYAKABANDA, commune NYARUGENGE,

préfecture de la ville de KIGALI, République Rwandaise, entre 1990 et 1994, tenu des

propos menaçants envers les Tutsi en leur disant qu'elle allait les livrer à tout moment,

infraction prévue et réprimée par l'article 340 du Code pénal Livre II ;

2. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, secteur NYAKABANDA, commune NYARUGENGE,

préfecture de la ville de KIGALI , République Rwandaise, en avril 1994, et à GITARAMA

au mois de mai, commis le crime de génocide ou d'autres crimes contre l'humanité prévus

par la Convention de Genève du 09/12/1948 sur la répression du crime de génocide et la

protection des personnes civiles en temps de guerre (sic), la Convention du 26/11/1968 sur

l'imprescriptibilité des crimes de guerres et des crimes contre l'humanité, toutes trois

ratifiées par le Rwanda, infractions prévues et réprimées également par les articles 14 et 2,

catégorie 2 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996;

3. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, secteur NYAKABANDA, en avril 1994, menacé les

Tutsi de les livrer à la mort, infraction prévue et réprimée par l'article 340 du Code pénal

Livre II ;

4. Avoir, dans la cellule MUNANIRA, Secteur NYAKABANDA, commune NYARUGENGE,

préfecture de la ville de KIGALI, République Rwandaise, comme auteur ou complice tel que

prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal, fait assassiner LIVILIYANI, Alexis

KAYUMBA et GAHONGAYIRE qu’elle a trouvés dans leur cachette, infraction prévue et

réprimée par l'article 312 du Code pénal Livre II ;

Page 210: ASF_JurisprudenceGénocide_3

RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999

RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.

210

2ème

feuillet.

5. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, entre avril et mai 1994, fait partie

d'une association de malfaiteurs formant une milice et composée de Abdalah, SUGUTI,

Silas, Charles, MATABARO le fils de BIZIMANA, Népo et BIZIMANA avec lesquels elle

surveillait une barrière et auxquels elle indiquait les filles à violer, infraction prévue et

réprimée par les articles 282,283 et 360 du Code pénal Livre II ;

6. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, porté illégalement des armes

(grenade, poignard et massue), infraction prévue et réprimée par le Décret-loi n° 12/1979 ;

7. S'être, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, introduite dans les domiciles

d'autrui sans autorisation et hors le cas où la loi le permet, infraction prévue et réprimée par

l’article 304 du Code pénal Livre II ;

8. Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, commis des actes de torture à

l’encontre des enfants de MUKAWERA Isabelle. Loi organique n° 08/96, article 1 catégorie

3 ;

LE TRIBUNAL,

Vu la lettre n° A/37 du 14/07/1997 par laquelle l'Officier du Ministère Public a transmis au

Président de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de KIGALI pour fixation

le dossier RMP 7049/S12/ME à charge de MUKAKAYIJUKA Hadidja ;

Vu l’inscription du dossier au rôle sous le n° RP 034/S5/ KIG, et vu que le président a pris

l'ordonnance fixant la date d'audience au 05/09/1977, ce dont notification a été faite au Ministère

Public ;

Vu la comparution volontaire de MUKAKAYIJUKA à la date d’audience, le Ministère Public

étant représenté par MUKARUSHEMA Epifrodosie ;

Vu la poursuite de MUKAKAYIJUKA du chef des infractions libellées aux préventions ci-

dessus ;

Attendu que lecture de son identité lui ayant été faite, MUKAKAYIJUKA dit qu'elle ne peut pas

plaider parce qu’elle n'a pas lu son dossier car elle est analphabète et précise qu’elle est encore à

la recherche de quelqu'un qui lui en fera lecture, qu'ainsi l'audience est reportée au 14/10/1997 à

8 heures du matin pour permettre à la prévenue de préparer son dossier ;

Attendu qu'à cette date MUKAKAYIJUKA comparait sans l’assistance d’un avocat, que

l'audience a lieu publiquement, le Ministère Public étant représenté par MUKARUSHEMA ;

3ème

feuillet.

Attendu que MUKAKAYIJUKA confirme que l'identité dont lecture vient d'être faite est bien la

sienne, qu’à la question de savoir si elle va assurer personnellement sa défense, elle répond

qu’elle aurait pu le faire mais qu'elle n'a pas lu le dossier car elle est analphabète, qu'elle souhaite

qu'un délai lui soit accordé à cet effet ;

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Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKA aurait dû solliciter une

assistance judiciaire ou chercher quelqu'un pour lui faire lecture du dossier dès lors qu’elle est

analphabète car elle en a eu largement le temps ;

Attendu qu’après délibéré, l'audience est reportée au 14/10/97 en vue de permettre à

MUKAKAYIJUKA Hadidja de chercher quelqu'un qui puisse lui faire lecture du dossier (sic),

qu'à cette date la prévenue comparait assistée par Me BOUBACAR, les parties civiles et les

témoins n’ayant pas comparu ;

Attendu que MUKAKAYIJUKA dit qu'elle plaide non coupable, que la parole est accordée à

l'Officier du Ministère Public qui dit que, forte du soutien de ses frères, MUKAKAYIJUKA a,

entre avril et mai, menacé les Tutsi en leur disant qu’elle finirait par les livrer à ses frères qui

collaboraient avec les Interahamwe, qu’elle voulait livrer SAWUDA aux malfaiteurs, qu'elle a

découvert LIVILIYANI, GAHONGAYIRE qui était venue de KIVUGIZA et Alexis dans leur

cachette et les a signalés à BIZIMANA qui est actuellement en détention, qu'arrivée à

GITARAMA, elle a tué une dame en la traitant d'Inyenzi, qu'elle a donné aux enfants d'un voisin

de la bouillie contenant du sable fin;

Attendu qu’à la question de savoir si elle plaide coupable de la première infraction, Hadidja

MUKAKAYIJUKA répond par la négative disant qu’elle n’avait pas d’autorité sur les

Interahamwe, que l'Officier du Ministère Public dit que le contenu du procès-verbal portant la

cote 18 démontre qu'elle a incité ses frères à agresser la nommée Isabelle, qu'elle a par ailleurs

tenu des propos cyniques en ces termes: "qu'ils acceptent de mourir" ;

Attendu que MUKAKAYIJUKA nie tous ces faits et dit qu'elle est en conflit avec Isabelle à

cause d’un homme avec lequel elle entretient des liens contre la volonté de cette dernière, que

l'Officier du Ministère Public dit que les propos que la prévenue a tenus ont été confirmés par

l'épouse de BIZIMANA qui les a rapportés à maman Pamela, que Hadidja réfute les faits et dit

qu'elle n'était pas une autorité tout comme ses frères et qu’ainsi, elle ne pouvait pas commettre

les faits qui lui sont reprochés; que l'Officier du Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKA

Hadidja était une amie de la nommée Christine et que c’est celle-ci qui lui rapportait les

nouvelles de M. SAWUDA dont le mari collaborait avec les Inkotanyi comme le dit Christine

elle-même, que MUKAKAYIJUKA réplique en disant que Christine était une domestique de M.

SAWUDA et que le mari de cette dernière ne collaborait pas avec les Inkotanyi ;

Attendu que Maître BOUBACAR dit que tous ces témoins devraient être entendus, spécialement

le nommé BIZIMANA en vue de la manifestation de la vérité, qu’il y a également lieu de citer à

comparaître l’enfant de SAWUDA qui se trouvait sur les lieux, que Maître BOUBACAR

poursuit en disant que relativement à l’infraction de viol et tortures, les dames supposées avoir

été violées ainsi que le nommé Népo devraient être cités à comparaître pour témoigner sur la part

de responsabilité de sa cliente, que l’audience devrait être reportée étant donné que sa cliente est

poursuivie pour plusieurs infractions pour que le Tribunal procède à la recherche d’autres

éléments de preuves et que les témoins soient cités car, au retour de MUKAKAYIJUKA en

provenance de GITARAMA, ses enfants ont dit qu’elle y a tué d’autres dames, qu’il estime quant

à lui qu’il y a doute et qu’à cet égard, ces enfants doivent être cités à comparaître pour faire leurs

dépositions ;

4ème

feuillet.

Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que les arguments du Conseil de

MUKAKAYIJUKA Hadidja sont pertinents, mais qu’il relève que certains des témoins dont il

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est question ont été entendus et notamment FAIDA, SALIMA et SAWUDA tel que cela ressort

du dossier, qu'il dit qu’il serait mieux d’entendre BIZIMANA et Népo, qu'il se demande

cependant comment ces Interahamwe peuvent avouer alors que MUKAKAYIJUKA elle-même

nie les faits qui lui sont reprochés, qu’il dit qu’il serait utile d’entendre les enfants de la prévenue

ainsi que la nommée maman SABINA ;

Attendu que tenant compte du souhait du Ministère Public, l'audience est reportée au 28/10/97,

qu'à cette date MUKAKAYIJUKA et les parties civiles n’ont pas comparu et que la parole est

accordée à l'Officier du Ministère Public qui dit que la non comparution de MUKAKAYIJUKA

est due au fait qu'elle n'a pas lu le dossier et que le surveillant de prison qui devait la conduire au

Tribunal est absent, qu’il demande le report d’audience ;

Attendu que l'audience est reportée au 03/12/1997, qu'à cette date MUKAKAYIJUKA comparait

en l’absence des témoins, que la parole est accordée à l'Officier du Ministère du Ministère Public

qui dit que ces témoins n'ont pas été cités et que la responsabilité en revient au Ministère Public,

qu'il demande que l'audience soit reportée, qu'à peine vient-il d’exprimer ce souhait que

quelques-uns des témoins à savoir les enfants de MUKAKAYIJUKA arrivent au Tribunal ;

Attendu qu’interrogée sur le nombre de témoins qu’elle souhaite présenter à sa décharge,

MUKAKAYIJUKA dit que seuls deux ont comparu mais qu'il en manque trois à savoir

MUKAMWEZI Sakina, Xaverine et maman J. Paul ;

Attendu qu'invité à donner son avis sur la demande de report d'audience exprimée par l'Officier

du Ministère Public pour citer les témoins et rechercher d’autres preuves, MUKAKAYIJUKA

répond qu'elle estime que ces preuves n’existent pas dès lors qu'elles n'ont pas été réunies bien

auparavant, que la parole est accordée à son Conseil en la personne de Me KADIDIA qui

demande si d'autres témoins ont été entendus, qu'il lui est répondu que MUKAKAYIJUKA n'en a

pas donné l'identification tel que prescrit par l'article 6 du Code pénal (sic);

Attendu que Maître KADIDIA dit qu'il y a lieu de suspendre l'audience aux fins de citer les

témoins à comparaître, qu'il demande aux voisins de MUKAKAYIJUKA présents à l’audience

de les aider à préciser l'identité des témoins, que l'audience est reportée au 09/12/98, qu'à cette

date la prévenue comparait assistée par Me KABAYABAYA et que les témoins sont présents,

qu’interrogée sur l’infraction d’avoir menacé les gens de les livrer quand elle le voudra,

MUKAKAYIJUKA Hadidja la rejette, que la parole est accordée à l'Officier du Ministère Public

qui, dans un bref exposé, dit comment MUKAKAYIJUKA a comploté contre MUBARAKA et

GAHONGAYIRE et les a livrés aux tueurs, que relativement à l’infraction de menaces, elle

disait à qui voulait l'entendre que ZAWADI et son frère, tous enfants de NYIRAMANZI, avaient

en leur possession des photos des Inkotanyi ;

5ème

feuillet.

Attendu qu’invitée à présenter ses moyens de défense, MUKAKAYIJUKA plaide non coupable

en disant qu'elle n'était pas une autorité, que MUKAWERA Isabelle la met en cause par

vengeance car elles en sont venues aux mains quand MUKAWERA voulait devenir la maîtresse

de son concubin, qu'elle a usé de sa fonction de responsable des dix ménage pour inciter les gens

à faire de faux témoignages à sa charge, qu'à la question de savoir la nature du conflit qu’elle a

avec les autres dames, MUKAKAYIJUKA répond que MUKAWERA a rassemblé les dames

dans le but de réunir une somme d'argent devant servir à faire libérer une autre dame qui était en

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détention mais que MUKAKAYIJUKA s'y est opposée, que ces dames peuvent donc lui en

vouloir;

Attendu qu'à la question de savoir si elle connaît ABOUBACAR et Abdallah et si elle sait

comment ils se sont comportés au cours de la guerre, MUKAKAYIJUKA Hadidja répond que ce

sont ses frères mais qu'ils n'ont jamais fait partie des miliciens Interahamwe, qu’elle poursuit en

disant qu'elle n'était membre d'aucun parti politique et qu'en cas de doute, il y a lieu d’entendre la

nommée Maman J. Paul qui peut témoigner sur sa conduite, qu’interrogée sur ses liens de

parenté avec UWIMANA elle répond que celle-ci est sa fille qu'elle a citée comme témoin car la

preuve avancée à propos de l’accusation selon laquelle elle aurait tué des personnes à BUTARE

est que ce sont ses enfants qui s’en vantaient ;

Attendu que Maître KABAYABAYA relève qu'aucune infraction n’est établie à charge de sa

cliente, que le fait cependant qu'elle s'est disputée avec Isabelle à cause de son concubin constitue

un élément probant et qu’elle ne peut pas répondre du fait que ses frères faisaient partie des

Interahamwe, à moins qu'elle n'ait commis une infraction en usant de leur soutien ;

Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que MUKAKAYIJUKA, armée d’une grenade, est

allée fouillé des maisons en compagnie des Interahamwe, qu'elle ment quand elle prétend s'être

disputée avec Isabelle car elle n'en a rien dit auparavant, que MUKAKAYIJUKA a effectivement

menacé les gens car elle s'est emparée des photos de MUBARAKA en disant que ce sont celles

des Inkotanyi, qu’interrogée sur ces faits, MUKAKAYIJUKA nie avoir vu les photos dont il est

question et dit que MUBARAKA était un Interahamwe et qu'il surveillait la barrière si bien qu’il

est actuellement en détention, que concernant les photos prises à MULINDI elle dit qu’elle

comprend mal comment les intéressés les auraient gardées à la maison sachant que leurs voisins

sont des Interahamwe, que ces gens n'étaient pas influents au sein du FPR au point d’avoir en

leur possession des photos prises à KINIHIRA ;

Attendu que MUKAKAYIJUKA plaide non coupable d'avoir fait assassiner Révérien,

GAHONGAYIRE et Alexis, que l'Officier du Ministère Publique prend la parole et dit que

MUREKATETE Hamida affirme que MUKAKAYIJUKA a amené des Interahamwe dont

Charles et SUGUTI qui avait une grenade et un poignard, faire une fouille au domicile de

SAWUDA, qu'ils sont revenus par la suite et ont tué ces victimes, que MUKAKAYIJUKA

réplique en disant qu'elle connaît ces miliciens Interahamwe mais nie avoir collaboré avec eux,

qu’interrogée sur les circonstances de la mort de GAHONGAYIRE, elle répond avoir appris de

Marie que cette victime avait été tuée chez SAWUDA par Charles et a été enterrée par ces

miliciens Interahamwe et les membres de la famille où elle avait été tuée , qu'elle n’a pas assisté

à cet enterrement car elle ne connaissait pas la victime ;

Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit que c'est SAWUDA qui a tué GAHONGAYIRE,

mais que SAWUDA l’accuse d’être responsable de la mort de celle-ci parce que

GAHONGAYIRE s’était réfugiée chez elle à NYAMIRAMBO, et qu’elle l’avait envoyée chez

elle à NYAKABANDA où elle lui faisait parvenir de la nourriture par l’intermédiaire de son

frère, qu’elle affirme que SAWUDA a pris part à ce meurtre, qu'à la question de savoir pourquoi

elle ne l'a pas dit au Ministère Public et à la police judiciaire, elle répond l'avoir déclaré au

parquet ;

Attendu qu'en réponse à la question de savoir pourquoi elle a nié auparavant avoir su que

GAHONGAYIRE avait trouvé refuge chez SAWUDA, MUKAKAYIJUKA nie catégoriquement

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en avoir eu connaissance, que l'un des magistrats lui rappelle qu’elle a dit que GAHONGAYIRE

était une amie de SAWUDA, et qu'il lui pose la question de savoir pourquoi elles se sont

brouillées par la suite, elle répond qu’elle ne sait pas pourquoi ;

Attendu qu'après avoir prêté serment, UMWALI M. Goretti est invitée à parler des circonstances

de la mort de GAHONGAYIRE, qu’elle dit que Hadidja est arrivée chez SAWUDA

NYIRAMANZI et a dit qu'elle allait amener des Interahamwe parce que sa maison avait été

pillée, qu’un groupe de malfaiteurs composé de SUGUTI, KAGABA et d’autres est

effectivement arrivé et qu’ils ont tué GAHONGAYIRE, que UMWALI et d’autres ont fui en

courant ;

6ème

feuillet.

Attendu qu'à la question de savoir si MUKAKAYIJUKA savait que GAHONGAYIRE se cachait

à cet endroit, UMWALI répond qu'elle le savait car elle y allait souvent et la voyait, qu'elle l'a

même vue le jour de sa mort quand elle y est arrivée en criant, disant qu'elle avait été victime de

vol et qu'elle allait en informer les autorités ;

Attendu qu'interrogée sur ce qui la pousse à affirmer que c'est MUKAKAYIJUKA qui a amené le

groupe de tueurs, elle répond que c'est parce qu'elle venait de quitter à peine les lieux en disant

qu'elle allait amener des miliciens Interahamwe que les membres de ce groupe sont arrivés en

disant qu'il y avait une dame Inkotanyi qui se cachait à cet endroit, qu'elle termine en disant

qu'elle ne sait rien d'autre concernant la prévenue à part qu'elle persécutait les voisins en les

traitant d'Inkotanyi et qu'elle n'a pas participé physiquement à cette expédition meurtrière ;

Attendu qu'interrogée sur ce qu’elle sait des infractions reprochées à MUKAKAYIJUKA,

KANZAYIRE Rose répond après avoir prêté serment, que MUKAKAYIJUKA a comploté

contre des gens dont elle-même et ses voisins en les traitant d’Inkotanyi et en leur disant qu'ils

détenaient des photos des Inkotanyi, qu'elle racontait cela partout et même aux barrières, qu'elle

a alors fui à GITARAMA et qu'à son retour, MUKAKAYIJUKA est venue chez elle portant un

poignard et une grenade, qu'elle est entrée dans la maison où elle a trouvé GAHONGAYIRE et

qu'elle a aussitôt dit qu'ils cachent un Inyenzi, qu'elle est allé en aviser SUGUTI mais que

l'intéressé étant absent, qu'elle est allée à un endroit où se trouvait une barrière et a amené des

miliciens Interahamwe dont Charles et d'autres, qu'ils se sont saisis de GAHONGAYIRE et l'ont

tuée, qu'elle a alors fui quant à elle en compagnie de Marie;

Attendu qu’à la question de savoir si elle a été effectivement en possession des photos dont il est

question, KANZAYIRE répond par la négative et dit que MUKAKAYIJUKA le disait pour la

faire tuer, qu’interrogée sur ce qui s’est passé quand MUKAKAYIJUKA les a dénoncées aux

miliciens qui surveillaient la barrière, elle répond que ces miliciens les ont pardonnées et laissées

saines et sauves, qu'interrogée sur l'identité du témoin qui aurait entendu MUKAKAYIJUKA les

traiter d'Inkotanyi, elle dit que ce sont les miliciens Interahamwe et une vieille dame qui est

décédée, qu’elle poursuit en disant que GAHONGAYIRE a été trahie par Hadidja car c’est elle

qui savait l’endroit où elle se cachait et racontait à qui voulait l’entendre que KANZAYIRE

cachait un Inyenzi, que la preuve la plus éclatante est qu’elle a emporté les vêtements de la

victime qu’elle n’a pas hésité à porter au vu et au su de tous, qu’elle termine en disant que la

prévenue a pillé les vêtements des membres de la famille MULIGANDE après leur assassinat ;

Attendu qu'interrogé sur l'identité du témoin qui aurait vu Hadidja porter les vêtements pillés

chez MULIGANDE ou ceux de GAHONGAYIRE, KANZAYIRE dit qu'il y avait à cette époque

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beaucoup de tueries si bien que personne ne sortait, que c’est parce qu’elle vivait avec elle

qu’elle l’a su, qu’à la question de savoir pourquoi elle était traitée d’Inyenzi au cours de la

guerre, elle répond que toute personne de l’ethnie Tutsi ou opposée au régime de l'époque était

traité comme tel ;

Attendu qu’invitée à présenter sa réplique à ce témoignage, MUKAKAYIJUKA dit que

KANZAYIRE ne se trouvait pas à NYAMIRAMBO lors de l'assassinat de GAHONGAYIRE,

que Rose l'accuse injustement de port de poignard et de grenade ainsi que de pillage de

vêtements, qu’elle termine en se demandant pourquoi KANZAYIRE ne l’a pas dénoncée dès

qu’elle l’a vue à son retour de l’endroit où elle s’était réfugiée porter les vêtements de

GAHONGAYIRE ;

Attendu qu’après avoir prêté serment et à la question de savoir si MUKAKAYIJUKA a eu un

concubin après la guerre, KANZAYIRE répond par l’affirmative, qu’à celle de savoir si elle n’a

pas eu de relations avec ce concubin de MUKAKAYIJUKA, elle répond par la négative et

précise qu’elle avait le sien, que l’Officier du Ministère Public prend la parole et demande à Rose

KANZAYIRE comment ce concubin de MUKAKAYIJUKA les a menacées, qu’elle dit que ce

concubin qui est un militaire leur en voulait parce qu’il ne voulait pas que sa concubine soit

traitée d’Interahamwe car il ne savait pas ce qu’elle avait fait au cours de la guerre ;

7ème

feuillet.

Attendu que KANJISHI Agnès est invitée à témoigner sur les faits reprochés à

MUKAKAYIJUKA Hadidja et que, après avoir prêté serment, elle dit qu'elle n'a pas longtemps

vécu avec MUKAKAYIJUKA Hadidja sinon qu'elle sait que l’intéressée, à son retour de

GITARAMA, s’est disputée avec Rose lui reprochant d’avoir volé son bois de chauffage, qu’à la

question de savoir si elle faisait partie de la milice Interahamwe elle répond par la négative et dit

que ce sont plutôt ses frères Abdallah et Aboubacar qui en faisaient partie, qu'à la question de

savoir si c'est elle qui a conseillé à KANZAYIRE de fuir parce que Hadidja avait comploté

contre elle auprès de SUGUTI, elle répond par l'affirmative;

Attendu que KANJISHI dit que SUGUTI était un milicien Interahamwe de renom dans cette

localité, qu'elle ne sait cependant pas s’il collaborait avec MUKAKAYIJUKA Hadidja, qu’à la

question de savoir si ce sont les Interahamwe qui tranchaient les litiges, elle répond que les

Interahamwe disposaient à cette époque du droit de vie et de mort;

Attendu que Maître KABAYABAYA relève que KANJISHI Agnès vient de dire que Hadidja est

allée alerter SUGUTI à cause de son bois de chauffage que l'on avait volé alors que Rose et

Marie affirment quant à elles avoir fui parce que Hadidja était allée alerter les Interahamwe pour

les tuer, que d’autre part, Agnès dit qu’elle n’a pas connaissance d’une quelconque méchanceté

sur le compte de Hadidja, que ces déclarations sont dès lors contradictoires;

Attendu qu'invité à dire ce qu’il sait sur les infractions reprochées à MUKAKAYIJUKA,

KAYIHURA Vincent, après avoir prêté serment, dit que MUKAKAYIJUKA a causé de

l’insécurité en disant au milicien Interahamwe nommé BIZIMANA que SAWUDA s'était fait

prendre en photo aux cotés des Inkotanyi et se rendait à KINIHIRA, qu'à la question de savoir si

MUKAKAYIJUKA était membre de la milice Interahamwe, il répond qu’elle en faisait partie à

cause des propos qu’elle tenait, qu’il termine en disant que les gens qu’elle menaçait en sont

arrivés à lui demander de les épargner ;

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Attendu que l'Officier du Ministère Public demande à KAYIHURA de préciser si après ce geste,

Hadidja a cessé de les menacer, que KAYIHURA dit qu'il n'en a rien été et qu'elle a poursuivi

son œuvre, que Maître KABAYABAYA demande que KAYIHURA explique pourquoi il était

traité d’Inkotanyi et que celui-ci répond que c'est parce qu'il écoutait la radio MUHABURA alors

que c'était interdit, qu’interrogé sur l’endroit où les photos ont été retrouvées, il répond que cette

photo a été découverte par la domestique de SAWUDA et qu’on pouvait y voir SAWUDA et un

militaire avec lequel elle avait des liens de parenté ;

Attendu qu'à la question de Maître KABAYABAYA de savoir si Hadidja faisait partie de

l'attaque qui a coûté la vie à GAHONGAYIRE, KAYIHURA répond qu'il n'en sait rien car il s'est

sauvé en courant dès qu'il a vu l'attaque arriver ;

Attendu que l'audience est suspendue pour continuer le 27/04/98, qu'à cette date elle est reportée

au 13/07/98 au motif que la prévenue n’a pas comparu, que l’audience a par la suite fait l'objet de

plusieurs reports pour divers motifs, et que par la suite la prévenue comparait assistée de Maître

KABAYABAYA ;

Attendu que l'Officier du Ministère Public fait un exposé sommaire des circonstances des

infractions et dit que MUKAKAYIJUKA est mise en cause par des témoins oculaires qui n’ont

aucune raison de le faire injustement car ils n’ont aucun litige avec elle, qu'il requiert la peine

d'emprisonnement à perpétuité pour la première infraction, la peine de mort pour la deuxième

infraction, sept ans d'emprisonnement pour la troisième infraction, huit mois d'emprisonnement

pour la quatrième infraction, deux ans d’emprisonnement pour la cinquième infraction, un an

d'emprisonnement pour la sixième infraction et un an d'emprisonnement pour la septième

infraction ;

8ème

feuillet.

Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit qu'elle rejette les infractions qui lui sont reprochées

et demande au Tribunal de faire preuve de perspicacité en vue de la manifestation de la vérité ;

Attendu que Maître KABAYABAYA, Conseil de MUKAKAYIJUKA Hadidja, dit que le

génocide est un crime très grave et que ceux qui s'en sont rendus coupables devraient en être

punis, que ce crime ne devrait pas être pris à la légère étant donné qu'il y en a qui y ont pris part

mais qui par la suite ont crié haut et fort disant qu'ils en ont réchappé, qu'il n'y a cependant pas de

preuves palpables à charge de sa cliente dès lors que les armes qu’il lui est reproché d’avoir

détenues n’ont pas été produites et que l’infraction d’avoir aidé au viol n’est pas claire, qu’il

s’agit simplement de grossir le nombre d’infractions, que Hadidja dit s’être disputée avec ceux

qui l’incriminent à cause de son concubin et qu’à son avis cela relève de la compétence des

juridictions civiles ;

Attendu qu'il continue en disant que le grand problème est que l'Officier du Ministère Public

semble minimiser le génocide, en déclarant que celui-ci visait seulement les Tutsi et non tout le

monde, alors que les acteurs de ce procès ne sont que des Hutu si bien qu’il se demande si sa

cliente a commis un génocide particulier contre les Hutu, qu'il demande qu’elle soit innocentée

car elle n'a commis aucune infraction, et qu’il dit que justice sera faite si elle était libérée ;

Vu que le Tribunal rend un jugement avant dire droit par lequel il décide d'entendre le témoin qui

a été désigné sous le pseudonyme de maman Jean Paul pour une meilleure manifestation de la

vérité ;

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Attendu qu'en date du 16/12/1998, les délégués du Tribunal composés des juges NDIZIHIWE et

UDAHEMUKA, accompagnés par le greffier AYINKAMIYE, font une descente à

KABUSUNZU où ils trouvent MUKANDAMAGE Euphrasie (Maman Jean Paul) ;

Attendu qu'après avoir prêté serment, MUKANDAMAGE Euphrasie dit qu'elle ne sortait pas au

cours de la guerre car elle n'avait rien à faire à l'extérieur, qu'elle n'a pas vu MUKAKAYIJUKA

porter un poignard ou une grenade, qu'elle l'a seulement entendue dire à haute voix qu'elle allait

faire quelque chose d'extraordinaire ce jour à cause du bois de chauffage qui lui avait été volé,

qu'elle l'a entendue de ses propres oreilles, qu'elle a entendu également le nommé HABIBU

demander si Hadidja avait juré de tuer des gens, et qu’elle termine en disant que Hadidja a été

poursuivie à cause des mauvais propos qu’elle tenait ;

Attendu qu'à la question de savoir si c'est elle qui a entendu les enfants de MUKAKAYIJUKA

dire que cette dernière aurait tué une dame inconnue à GITARAMA, MUKANDAMAGE répond

par la négative et précise qu'elle a entendu RUGINA et Peruth le dire, qu’interrogée sur les

vêtements que Hadidja a pillés et qu’elle portait à son retour du refuge, elle répond qu’elle ne

saurait l’affirmer à part qu’elle en a entendu parler, qu’elle ajoute qu’elle est sa voisine mais

qu’elle ne l’a jamais vue porter ces vêtements soit au cours de la guerre soit après ;

Attendu qu’à la réouverture des débats en date du 06/01/1999, MUKAKAYIJUKA Hadidja

comparait assistée par Maître Athanase RAUXYAO ayant pour interprète NIZEYIMANA

Valens, qu'il est fait lecture des procès-verbaux contenant les éléments recueillis au cours de

l'enquête pour permettre à Hadidja et au Ministère Public d'y répliquer ;

9ème

feuillet.

Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja est invitée à répliquer après la lecture des résultats de

l’enquête, qu’elle dit que les déclarations de MUKANDAMAGE (Maman J. Paul), sont motivées

par la haine dont elle fait l’objet, qu’elle se demande comment cette dernière, qui était en

cachette, l’a entendue dire à RUGINA qu’elle a tué une personne à GITARAMA, qu’interrogée

sur le problème relatif au bois de chauffage, elle répond qu’effectivement elle n’en a pas retrouvé

à son retour de GITARAMA, et qu’elle dit que si même ce bois n’était pas un bien d’une grande

valeur, il était logique qu’elle s’alarme, car à cette époque chaque personne s’en servait pour

faire sa cuisson ;

Attendu que l'Officier du Ministère Public dit que le témoignage de MUKANDAMAGE n’est

pas faux et qu’il corrobore d’autres témoignages selon lesquels l’accusée est responsable de la

mort de GAHONGAYIRE, qu'il estime que c'est elle qui est à l’origine de la mort de la victime

dès lors qu’elle était allée là où elle se cachait sous prétexte qu’elle cherchait le bois de chauffage

et que l’attaque est arrivée immédiatement après son départ, que même le témoin à décharge

qu’elle avait fait citer l’a plutôt chargée, que donc la prévenue ne peut nullement prétendre que

ledit témoin la met injustement en cause ;

Attendu que Maître RAUXYAO Athanase dit que d'autres avocats ont assisté la prévenue avant

lui et qu'il n'est pas nécessaire qu'il reprenne tout ce qu’ils ont dit, que MUKANDAMAGE a été

citée par MUKAKAYIJUKA comme témoin à sa décharge et qu’elle semble la mettre en cause si

l’on tient compte de ce qui a été dit, mais qu'il relève quant à lui qu'elle n'a à aucun moment

spécifié un quelconque acte matériel qu'elle aurait commis sinon dire qu'elle tenait des mauvais

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RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.

218

propos sans cependant indiquer les actes qui en ont découlé, que n'importe qui peut prononcer de

telles paroles quand il est victime de vol et que cela ne signifie nullement passer aux actes

concrets, que le fait que Hadidja avait un frère qui était un Interahamwe ne constitue pas une

infraction pour elle, que le témoignage de MUKANDAMAGE ne suffit pas pour établir la

culpabilité de Hadidja car elle ne l'a pas vue commettre une infraction, qu'il termine en

demandant que l'intéressée soit acquittée ;

Attendu que MUKAKAYIJUKA Hadidja dit qu'elle n'a rien à ajouter, qu'elle attend la décision

du Tribunal ;

Attendu que tous les moyens sont épuisés ;

Constate que MUKAKAYIJUKA est poursuivie du chef des infractions suivantes:

- menaces de livrer les gens aux tueurs,

- persécution,

- avoir fait assassiner Réverien, Alexis, KAYUMBA et GAHONGAYIRE

- formation d’association de malfaiteurs avec Népo, SUGUTI, Abdallah ;

- port illégal d'arme,

- violation de domiciles, et

- tortures exercées contre les enfants de MUKAWERA ;

Constate que l'infraction d’avoir fait assassiner Révérien, KAYUMBA, Alexis et

GAHONGAYIRE n'est pas établie à sa charge car les preuves rapportées par le Ministère Public

ainsi que les témoignages sont contradictoires et qu'aucun témoin n'affirme avoir vu

MUKAKAYIJUKA commettre des tueries à part dire l'avoir appris de tiers sans indiquer leur

identité pour qu’ils puissent le confirmer ;

10ème

feuillet.

Constate que l'infraction d'association de malfaiteurs n'est pas établie à sa charge car le

Ministère Public et les témoins n'ont pas rapporté de preuves palpables, le fait que ses frères

étaient des Interahamwe ne pouvant signifier qu'elle a fait partie d'une association de malfaiteurs

dès lors qu'il n'y a aucun acte qu'elle aurait commis avec ce groupe de gens ;

Constate que l'infraction de port illégal d'arme n'est pas établie à sa charge car de nombreux

témoins affirment qu'elle n’en a pas porté et que même les plaignants n'en ont pas apporté des

preuves tangibles ;

Constate que l'infraction de tortures exercées contre les enfants de MUKAWERA n'est pas non

plus établie à sa charge, car MUKAWERA fonde son accusation sur les déclarations de Hadidja

selon lesquelles les filles de MUKAWERA ont été violées en sa présence chez elle, et que

MUKAWERA pense que MUKAKAYIJUKA était au courant de ce viol qui était projeté contre

ses filles, mais que ses filles nient en avoir été victimes, que donc les déclarations de

MUKAWERA ne peuvent être considérées comme vraies ;

Constate que l’infraction de menace de livrer les gens aux tueurs et de persécution sont établies

à sa charge car elle reconnaît avoir beaucoup crié à cause de son bois de chauffage qu’elle ne

trouvait pas, que les menaces qu’elle a proférés contre les gens ce jour sont constitutives de ces

infractions surtout qu’elle disait qu’elle allait alerter les Interahamwe pour qu’ils tuent les Tutsi

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RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999

RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.

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qui se seraient emparés de son bois de chauffage si jamais celui-ci n’était pas retrouvé, que

malgré qu’elle n’a pas mis en exécution son intention parce que son bois de chauffage avait été

retrouvé, les menaces qu’elle a proférés contre les gens ce jour là démontrent sans aucun doute

qu’elle menaçait tout le temps ses voisins de les dénoncer aux tueurs ;

Constate que l'infraction de violation du domicile est établie à sa charge car, en plus des

témoignages de ses voisins, elle reconnaît elle aussi avoir fouillé des maisons à la recherche de

son bois de chauffage qui avait disparu ;

Constate que le crime de génocide est établi à sa charge car elle a menacé de dénoncer les gens et

a fait des fouilles aux domiciles des Tutsi à l'époque du génocide, ces actes étant constitutifs de

ce crime tel que prévu par l'article 1b de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/96 sur la répression

du crime de génocide ;

Constate que les infractions commises par MUKAKAYIJUKA la rangent dans la troisième

catégorie, qu'elles sont en concours idéal et qu'elle doit être punie de la peine de deux ans qui est

la plus sévère de celles prévues pour les infractions établies à sa charge ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT

Vu la Loi fondamentale de la République Rwandaise telle que modifiée le 16/01/96,

1° les Accords de paix d'Arusha sur le partage du pouvoir entre le FPR et le Gouvernement

Rwandais en ses articles 25, et 26 ;

2° la Constitution de la République Rwandaise, en ses articles 12, 14, 33, 92 et 95 ;

11ème

feuillet.

Vu les articles 6, 12, 76,104,129,199, 200 de la Loi n° 09/80 du 07/07/1980 portant Code

d'organisation et de compétence judiciaires ;

Vu les articles 1, 2, 14, 29, 36 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l'organisation des

poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ;

Vu la Convention du 09/12//1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide;

Vu les articles 16, 17, 58, 59, 76, 83, 84, 90,138 du Code de Procédure Pénale ;

Déclare recevable l'action du Ministère Public car elle est régulière en la forme et la dit

partiellement fondée ;

Déclare que MUKAKAYIJUKA Hadidja perd la cause quant aux infractions précisées aux

exposés des motifs ;

La condamne à une peine de deux ans d'emprisonnement ;

Ordonne à MUKAKAYIJUKA de payer les frais d'instance de 21000Frw dès le prononcé du

jugement, sous peine d’une contrainte par corps de 15 jours suivie d’une exécution forcée sur ses

biens ;

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RMP 7049/S1/MB JUGEMENT DU 15/01/1999

RP 034/CS/KGO C.S.T.P.I KIGALI.

220

Dit que le délai d’appel est de 15 jours à partir de la date du prononcé ;

Dit que le prononcé a lieu tardivement suite au calendrier chargé du Tribunal ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 15/01/99 PAR LA

CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE KIGALI

OU SIEGEAIENT UDAHEMUKA ADOLPHE (PRESIDENT), MUDAGIRI ANDRE ET

NDIZIHIWE L. FIDELE (JUGES), EN PRESENCE DE MUKARUSHEMA

EPIFRODOSIE (OMP), ET DU GREFFIER BIKINO JEAN CLAUDE.

JUGE PRESIDENT JUGE

MUDAGIRI André. UDAHEMUKA Adolphe. NDIZIHIWE L. Fidèle

sé sé sé

GREFFIER

BIKINO J. Claude.

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221

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE NYAMATA

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223

N°10

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de

NYAMATA du

31 juillet 2000.

Ministère Public C/ MUKANSANGWA Pascasie.

ACQUITTEMENT – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUT

DE PORTER LA DEVASTATION, LE MASSACRE OU LE PILLAGE (ART. 168 CP) –

CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTRE L’HUMANITE – PREUVE

(INSUFFISANCE) – TEMOIGNAGE (CONTRADICTOIRE; INDIRECT; FAUX).

1. Procédure – non comparution des témoins – insuffisance des charges – descente sur les lieux

– audition de témoins.

2. Preuves – témoignage contradictoire et non oculaire – témoignages motivés par la

vengeance – faux témoignages.

3. Ministère Public – rétractation – réquisitions d’acquittement.

4. Acquittement.

1- Face à l’insuffisance des charges invoquées par le Ministère Public et la non comparution des

témoins, le Tribunal décide d’office de procéder à une descente sur les lieux en vue

d’interroger les témoins et d’autres personnes dont l’audition lui paraîtra utile.

2- Ne constitue pas une charge suffisante, le témoignage d’une personne qui se contredit dans

ses déclarations et qui n’a pas personnellement vu les faits qu’elle relate. Il en est de même

des accusations portées contre la prévenue par deux sœurs, dont la plus jeune a reconnu en

cours de procès avoir agi de concert avec son aînée dans le dessein de faire condamner à tort

la prévenue au motif qu’elle entretenait des relations de concubinage avec le mari de celle-ci.

3- Les poursuites ayant été engagées sur la base de témoignages qui se sont avérés non crédibles

ou faux, le Ministère Public renonce aux poursuites et demande au Tribunal l’acquittement

de la prévenue.

4- Le Tribunal prononce l’acquittement de la prévenue et ordonne sa libération immédiate.

(NDLR: Cette décision n'a pas été frappée d'appel).

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RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000

R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA

225

(Traduction libre)

1er

feuillet

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE

NYAMATA, SIEGEANT A NYAMATA, A RENDU LE JUGEMENT SOUS LE

NUMERO RMP 101422/S1/CS/NMTA/K.V, RP 140/98/CS/Nmta Gde, COMME SUIT:

PRONONCE PUBLIC DU 31/07/2000

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

MUKANSANGWA Pascasie.

PREVENTIONS:

Génocide et crimes contre l’humanité;

Assassinat;

Attentat ayant pour but de porter la dévastation du pays, par le massacre et le pillage;

LE TRIBUNAL,

Vu la lettre n° A/290/D2/BA/Prore par laquelle le Premier Substitut près la chambre spécialisée

du Tribunal de Première Instance de NYAMATA, transmet au Président de la Chambre

spécialisée dudit Tribunal le dossier numéro RMP 1422/S1/BA/Nmta dans lequel est accusée

MUKANSANGWA, pour fixation ;

Vu l’enregistrement du dossier au n° RP 140/98/CS/Nta/Gde, et que par ordonnance du Président

de la Chambre Spécialisée, l’affaire est fixée au 25/07/2000, cette date étant signifiée aux

parties ;

Vu la comparution à cette date de l’accusé assisté par Me. SEMANDA Cyridion, le Ministère

Public étant représenté par KAYINAMURA Vincent ;

Attendu que le Ministère Public énonce les préventions et produit les preuves à charge de

l’accusée ;

Attendu que MUKANSANGWA plaide non coupable, et dit que ceux qui la chargent le font à

tort et demande au Tribunal de les faire citer pour qu’ils puissent lui être confrontés ;

Vu que les témoins à charge nommées NIKUZE, NYIRAMINANI et MUKAKIMENYI ne

comparaissent pas, et que le Tribunal prend la décision de procéder à une descente sur les lieux

et la fixe au 26/06/2000 afin d’interroger les dits témoins et d’autres personnes qu’il jugera

nécessaire ;

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RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000

R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA

226

Attendu que Pascasie déclare que toutes les accusations portées contre elle par NIKUZE

Consolée sont motivées par le fait qu’elle entretenait des relations de concubinage avec le mari

de Consolée nommé NSENGIYAREMYE ;

Attendu qu’en date du 27/06/200, au cours de la descente sur les lieux, la petite sœur de

NIKUZE du nom de NYIRAMINANI est interrogée, et déclare qu’elle a accusé

MUKANSANGWA à tort, conjointement avec sa grande sœur, pour la faire emprisonner ;

Constate que l’action publique est recevable, car elle régulière en la forme ;

Constate que MUKANSANGWA Pascasie est poursuivie pour les infractions de génocide,

d’assassinat et d’attentat ayant pour but de porter la dévastation et le pillage ;

Constate que MUKANSANGWA Pascasie nie toutes les infractions à sa charge et dit qu’elle n’a

pas participé au génocide qui a endeuillé tout le pays ;

2ème

feuillet.

Constate que lors de l’audience du 25/06/2000, le Ministère Public n’a pas pu fournir à charge de

l’accusée des preuves suffisantes, et qu’en plus les témoins à charge n’ont pas été entendus

puisqu’ils n’avaient pas comparu ;

Constate que même tous les témoins entendus au cours de la descente du 26/06/2000 à

NYAGIHUNIKA où les infractions dont Pascasie est accusée ont été commises ont affirmé que

cette dernière est innocente à l’exception de MUKAKIMENYI qui l’accuse d’avoir tué

Damascène au moyen d’une houe usée, mais que dans ses déclarations elle s’est souvent

contredite, et qu’à la fin elle a fini par reconnaître qu’elle n’a pas été témoin oculaire ;

Constate que les déclarations de NYIRAMINANI ne sont pas fondées parce qu’elle déclare

avoir, conjointement avec sa grande sœur NIKUZE, accusé faussement MUKANSANGWA

Pascasie, parce que le mari de sa grande sœur nommé NSEGIYAREMYE, entretenait des

relations de concubinage avec Pascasie, et que c’est pour cette raison qu’elles l’ont fait

emprisonner ;

Constate que les déclarations de NIKUZE Consolée n’ont pas de fondement puisqu’elle

reconnaît avoir comploté avec sa petite sœur NYIRAMINANI pour témoigner faussement

contre Pascasie, et qu’elle dit que sa petite sœur s’est trahie, que par conséquent elles n’ont plus

de moyen de défense ;

Constate que même les témoins qui ont été interrogés à RIRIMA le 27/06/2000, à savoir

NTEZIYAREMYE, SAFARI et MUNYAGIHE, n’ont pas mis en cause MUKANSANGWA

Pascasie ; que dans son témoignage, MUNYAGIHE a aussi affirmé qu’on pouvait croire que

Pascasie était la femme de NSENGIYAREMYE, et à la question posée à Pascasie de savoir

pourquoi elle entretenait des telles relations avec le mari d’autrui, elle répond que c’était en guise

de remerciement aux soldats de l’APR pour avoir vaincu l’ennemi ;

Constate que dans cette affaire aucune partie civile ne s’est constituée ;

Constate que dans ses conclusions, le Ministère Public s’est rétracté et a demandé que Pascasie

soit libérée ;

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RMP101422/S1/GS/Nmta/K.V JUGEMENT DU 31/07/2000

R.P. 091/98/CS/Nmta C.S.T.P.I NYAMATA

227

PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;

Vu les articles 58,76 et 86 du Code de Procédure Pénale ;

Déclare que l’action publique n’est pas fondée car le Ministère Public lui-même le reconnaît ;

Déclare qu’il n’y a aucune preuve à charge de la prévenue, et qu’elle est acquittée ;

Déclare MUKANSANGA Pascasie innocente ;

Ordonne que soit libérée MUKANSANGA Pascasie immédiatement après le prononcé ;

AINSI JUGÉ ET PRONONCÉ EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 31/07/200 PAR LE

TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DE NYAMATA, CHAMBRE SPÉCIALISÉE,

EN ITINÉRANCE À RIRIMA, COMPOSÉ DE KAYIRANGA JEAN , PRÉSIDENT,

NGENDA BIZIMANA ET KAKIRA KAREKEZI, JUGES, ET EN PRÉSENCE DU

GREFFIER NSENGIYUMVA IGNACE.

SIEGE

JUGE PRESIDENT JUGE

NGENDA BIZIMANA KAYIRANGA Jean KAKIRA K. David

Sé Sé Sé

GREFFIER

NSENGIYUMVA Ignace

Certifié conforme à la minute

Le greffier : MUKOBWAJANA Kanyange

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CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE RUHENGERI

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231

N°11

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de RUHENGERI

du

12 décembre 2000

Ministère Public C/ NTAHONDI Ildéphonse Alias BIZIMANA.

ASSASSINAT (ART. 312 CP) CATEGORISATION (2ème

CATEGORIE ART. 2 L.O. du

30/8/96) CONCOURS IDEAL D'INFRACTIONS CRIME DE GENOCIDE

(ELEMENT INTENTIONNEL) DESCENTE DU TRIBUNAL SUR LE LIEU DES

FAITS DIMINUTION DE PEINE MINORITE (EXCUSE DE; ART. 77 CP) PEINE

(13 ANS D'EMPRISONNEMENT) TEMOIGNAGES (RECUSATIONS DE; A

CHARGE; A DECHARGE; CONCORDANTS).

1. Récusation de témoignages (conflits entre prévenu et témoins) argument non

fondé(absence de preuve du conflit).

2. Infractions établies (assassinat et génocide) témoignages et éléments recueillis lors de la

descente sur le lieu des faits victime visée en raison de son appartenance ethnique.

3. Assassinat et génocide concours idéal d'infractions deuxième catégorie (article 2 L.O. du

30/6/96).

4. Excuse de Minorité (article 77 Code pénal) diminution de peine - 13 ans

d'emprisonnement.

1. Le prévenu récuse les témoignages qui le chargent, soutenant qu'ils trouvent leur origine dans

le conflit qui oppose sa famille à celle des témoins; cet argument n'est pas retenu par le

Tribunal qui constate que plusieurs témoins dont la propre mère du prévenu démentent

l'existence d'une inimitié entre les deux familles.

2. Sont déclarées établies à charge du prévenu, les infractions d'assassinat et de génocide car:

- les témoins à charge et à décharge, dont sa propre mère, le mettent en cause dans

l'assassinat de la victime ;

- les témoignages recueillis lors de la descente du Tribunal sur le terrain incriminent le

prévenu ;

- les auteurs des attaques dans la région, cités par le prévenu et sur qui il rejette la

responsabilité de l'assassinat de la victime, reconnaissent avoir mené l'attaque qui a

emporté d'autres personnes, mais soutiennent que la victime leur avait échappé et n'a été

tuée que plus tard par le prévenu ;

- le Tribunal constate que la victime a été visée en raison de son appartenance au groupe

ethnique Tutsi.

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232

3. Les infractions d'assassinat et de génocide retenues à charge du prévenu ont été commises en

concours idéal et le rangent en deuxième catégorie.

4. Le prévenu mineur au moment des faits bénéficie de l'excuse de minorité conformément à

l'article 77 du Code pénal; sa peine est réduite à 13 ans d'emprisonnement.

(NDLR: Ce jugement n'a pas été frappé d'appel).

Page 233: ASF_JurisprudenceGénocide_3

MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000

RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI

233

(Traduction libre)

1er

feuillet.

LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE RUHENGERI, CHAMBRE

SPECIALISEE, SIEGEANT AU PREMIER DEGRE EN MATIERE DE GENOCIDE ET

DES AUTRES CRIMES CONTRE L’HUMANITE, A RENDU CE 12/12/2000 LE

JUGEMENT DONT VOICI LA TENEUR :

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

NTAHONDI Ildéphonse alias BIZIMANA fils de NSANZABARUNGU et de KASINE

résidant à RWAKIRARI, secteur RUHINGA II, commune NYARUTOVU-RUHENGERI, en

République Rwandaise.

PREVENTIONS :

A charge de NTAHONDI Ildéphonse, MIKERI(non autrement identifié)

Avoir, dans la cellule RWAKIRARI, secteur RUHINGA II, commune NYARUTOVU,

préfecture RUHENGERI, en République Rwandaise, à une date inconnue, entre avril et juillet

1994, comme auteur ou coauteur, tel que prévu par les articles 89,90 et 91 du Code pénal livre

I et l’article 3 de la Loi n°08/96 du 30/08/1996, assassiné RUSHENZI à cause de son

appartenance au groupe ethnique Tutsi ; infraction constitutive du crime de génocide prévue

et réprimée par la Convention du 09/12/1948 sur la prévention et la répression du crime de

génocide, la Convention du 26/11/1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des

crimes contre l’humanité et la Convention de Genève du 12/08/1968 relative à la protection

des personnes civiles en temps de guerre ; toutes trois ratifiées par le Rwanda par le Décret-loi

n°08/75 du 12/02/1975 ; et par les articles 2 et 14 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur, coauteur ou

complice, assassiné RUSHENZI, infraction prévue et réprimée par l’article 312 du Code Pénal

livre II ;

2ème

feuillet.

LE TRIBUNAL,

Vu la lettre n°H/293/RMP 39025/S4/SMJ que le premier substitut près le Tribunal de Première

Instance a adressée au président de la Chambre Spécialisée qui a pris une ordonnance fixant

l’audience au 10/10/2000, la présente affaire ayant été enregistrée au rôle sous le numéro RP :

049/R1/2000 ;

Vu qu’à cette date l’audience est remise au 19/10/2000 à la suite du défaut du Ministère Public,

qu’à cette date l’audience est une nouvelle fois remise au 26/10/2000, date à laquelle l’audience

n’est pas non plus tenue parce que l’un des membres du siège participe à une formation, que ce

faisant elle est remise au 30/10/2000 ;

Page 234: ASF_JurisprudenceGénocide_3

MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000

RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI

234

Qu’à cette date l’audience a lieu en présence du Ministère Public représenté par SEBUTUNDA

Emmanuel et de NTAHONDI assisté de Maître Joséphine NYIRAHATEGEKIMANA ;

Attendu qu’invité à présenter ses moyens de défense sur la prévention d’avoir assassiné

RUSHENZI à cause de son appartenance au groupe ethnique Tutsi, NTAHONDI alias

BIZIMANA répond qu’il plaide non coupable ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît les circonstances de l’assassinat de RUSHENZI,

NTAHONDI répond qu’il connaissait RUSHENZI, que celui-ci a été tué par une attaque de

miliciens Interahamwe en provenance de CYABINGO à laquelle prenaient part les nommés

HATEGEKIMANA Vianney et MUTABARUKA Raphaël qui reconnaissent d’ailleurs les faits,

qu’il a vu ces assaillants lorsqu’ils sont passés à proximité de leur domicile après avoir

consommé leur forfait, et qu’en compagnie d’autres personnes il est arrivé sur le lieu où gisait le

cadavre de RUSHENZI ;

Attendu qu’invité à réagir aux déclarations des témoins MUKAMANA Justine, ZIBONUMWE

et MANYINYA qui le chargent du meurtre de RUSHENZI, NTAHONDI répond qu’il était

impossible pour MUKAMANA Justine (la mère de RUSHENZI) d’être témoin de cet assassinat,

que MANYINYA le charge injustement parce qu’il est le fils de ZIBONUMWE lequel est

l’ennemi du père de NTAHONDI qui s’appelle NSANZABARUNGU car, soutient-il,

ZIBONUMWE a soutenu par le passé les fils de NSANZABARUNGU (qui sont en fait les grand

frères de NTAHONDI) qui étaient en procès contre leur père, ce qui constitue à son avis une

raison suffisante pour ceux qui l’accusent de lui attribuer cet assassinat ;

Attendu que NTAHONDI dit au Tribunal que les gens qui peuvent corroborer sa thèse sont

notamment sa mère KASINE, ses sœurs ainsi que le nommé Daniel alias Innocent ;

3ème

feuillet.

Attendu que le Tribunal lui fait remarquer que sa mère KASINE et Daniel l’ont chargé devant le

Ministère Public et qu’il répond que Daniel n’a fait que rapporter les propos de MUKAHIRWA

qui a également tenu le même discours à KASINE, qu’il poursuit en disant que le conseiller

MUNYAMPENDA Simon et MUNYAMBIZI sont au courant de la mésentente qui existe entre

ZIBONUMWE et sa famille ;

Attendu que le Ministère Public dit que NTAHONDI Ildéphonse veut induire le Tribunal en

erreur en prétendant que RUSHENZI a trouvé la mort chez son père MUNYAMPUNDU alors

qu’il a été tué par NTAHONDI dans un vallon, que NTAHONDI n’a pas précisé l’endroit où

leurs malentendus ont été débattus, qu’il continue en disant que RUSHENZI a trouvé la mort

près de chez NTAHONDI dans une parcelle appartenant au dénommé MUHIRIMA, à environ 15

mètres à partir de chez NTAHONDI ;

Attendu que le Ministère Public procède à l’exposé des faits à charge de NTAHONDI et requiert

contre lui la peine d’emprisonnement de 20 ans ainsi que le paiement des frais occasionnés par la

présente procédure et les dommages et intérêts aux parties civiles qui pourront se constituer ;

Attendu que NTAHONDI réagit au réquisitoire du Ministère Public, que Maître

NYIRAHATEGEKIMANA qui l’assiste demande que son client soit déchargé par

MUKESHIMANA et MUTABARUKA qui connaissent l’inimitié existant entre ZIBONUMWE

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MP : 39025/S4/SMJR JUGEMENT DU 12/12/2000

RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI

235

et la famille de NTAHONDI, que le conseil de NTAHONDI poursuit en disant que le Ministère

Public n’est pas parvenu à établir la culpabilité de son client pour lequel il demande

l’acquittement ;

Attendu qu’invité à émettre son dernier avis, NTAHONDI répond qu’il n’a rien à ajouter à son

procès, que l’audience est clôturée et le prononcé fixé au 06/11/2000, qu’à cette date le Tribunal

décide d’effectuer une descente sur les lieux du crime en dates du 16 et 17/11/2000 ;

Vu la remise de ladite descente au 22/11/2000 et au 23/11/2000 ;

Vu qu’à cette date le Tribunal se transporte à RWAKIRARI-RUHINGA II-NYARUTOVU où

NTAHONDI est accusé d’avoir perpétré des infractions ;

Attendu que la nommée HAKORIMANA Edith déclare ne rien savoir sur l’assassinat de

RUSHENZI ;

4ème

feuillet.

Attendu que ZIBONUMWE explique au Tribunal que l’assassinat de RUSHENZI lui a été

rapporté par son épouse NDINDAYINO Florida, son fils NSABIMANA et MANYINYA qui lui

ont dit qu’ils ont vu NTAHONDI tuer RUSHENZI, qu’il déclare être sûr de la véracité de ce

qu’ils lui ont dit en ce sens qu’à son arrivée à la maison, ces derniers lui ont dit qu’ils avaient eu

peur d’aller chercher de l’herbe pour le bétail parce que NTAHONDI avait tué RUSHENZI sous

leurs yeux, qu’il poursuit en disant qu’il n’est pas en conflit avec NSANZABARUNGU, que par

contre il avait souvent l’habitude d’accompagner celui-ci du temps où il était en procès avec

MUHIRIMA ;

Attendu qu’après avoir prêté serment de dire la vérité, NDINDAYINO Florida déclare qu’elle a

vu NTAHONDI tuer RUSHENZI à coups de gourdin, que RUSHENZI criait au secours en

disant «toi aussi BIZIMANA tu me tues ? », qu’il montre l'endroit où NTAHONDI a donné la

mort à sa victime et que NTAHONDI confirme que c’est effectivement à cet endroit que

RUSHENZI a été assassiné tout en réfutant cependant sa responsabilité dans cet assassinat ;

Attendu que NSABIMANA alias MANYINYA explique que RUSHENZI a été tué par

BIZIMANA alias NTAHONDI, qu'il a été témoin oculaire des faits, que lorsque la victime est

sortie du buisson qui lui servait de cachette, NSABIMANA lui a dit de se réfugier à

CYINTARE, que chemin faisant RUSHENZI a croisé NTAHONDI qui lui a demandé où il allait,

et que quelques instants après, NSABIMANA a entendu RUSHENZI appeler au secours en

disant « Toi aussi BIZIMANA tu me tues ? » ;

Attendu que dans sa défense NTAHONDI dit que la déclaration de NSABIMANA alias

MANYINYA ne devrait pas être prise en considération dans la mesure où celui-ci est arrivé sur

les lieux de l’assassinat 10 minutes après la mort de RUSHENZI et qu’il n’a démontré nulle part

que NTAHONDI aurait participé à cet assassinat ;

Attendu que tous les autres témoins notamment UWIMANA Daniel, HAKUZIMANA,

NZIHANA, NYIRAMAJANGWE, RUSHENZI ainsi qu’un membre de la famille

MUNYAMPUNDU sont entendus, que Daniel reconnaît avoir pris part à l'enterrement de

RUSHENZI et qu’à cette occasion, il a constaté que ce dernier avait succombé à des coups de

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236

gourdin ou de massue, que NZIHANA qui abonde dans ce sens déclare l’avoir appris de Florida,

qu’interrogé à ce propos MURAHIRWA dit que KASINE (la mère de NTAHONDI) lui a dit que

RUSHENZI a été tué par NTAHONDI ;

Attendu que KASINE, la mère de NTAHONDI, explique au Tribunal qu’un procès a opposé les

grands frères de NTAHONDI à leur père NSANZABARUNGU lequel a d’ailleurs eu gain de

cause et que ZIBONUMWE l’accompagnait toujours à ce procès et lui prodiguait des conseils ;

5ème

feuillet.

Vu la remise de l’audience au 23/11/2000 et l’audition des témoins à décharge de NTAHONDI à

cette date ;

Attendu qu’interrogé au sujet de l’assassinat de RUSHENZI, MUNYANDINDA Simon déclare

ignorer l’identité de son meurtrier dans la mesure où certains assaillants sont venus de

CYABINGO tandis que d’autres ont lancé leurs attaques à partir de BURINGA ;

Attendu qu’interrogé au sujet de l’assassinat de RUSHENZI, MUTABARUKA Raphaël répond

que c’est bien lui et ses compagnons qui ont massacré la famille MUNYAMPUNDU, qu’ils ont

assassiné trois personnes et qu’un jeune homme leur a échappé, qu’il apprendra plus tard que

celui-là qui avait pris le large a par la suite été tué par NTAHONDI ;

Attendu qu’en réplique aux déclarations de MUTABARUKA, NTAHONDI dit que ce dernier

ment et qu’il nie les faits qu’il avait pourtant reconnus auparavant, que réagissant à ces propos,

MUTABARUKA revient à la charge en affirmant que l’attaque dont il est question a coûté la vie

à trois personnes et que l’autre leur a échappé en fuyant à travers la bananeraie, qu’ensuite ils

sont partis sans rien laisser sur place ;

Attendu que HAKESHIMANA J.M. dit que la famille MUNYAMPUNDU a été attaquée, que

trois de ses membres ont été tués et que seul un jeune homme a pu échapper aux assaillants en se

sauvant à travers la bananeraie, qu’il apprendra plus tard que ce dernier a été tué par

NTAHONDI, que poursuivant sa déposition, HAKESHIMANA dit que les déclarations de

NTAHONDI sont mensongères parce que cet enfant n’a pas trouvé la mort sur place, que

NTAHONDI ment quand il soutient qu’il gardait le bétail lorsqu’il a vu ces assaillants passer à

proximité de leur domicile, car il ne les connaissait pas, que l’audience est remise au 05/12/2000

et qu’à cette date elle est en continuation ;

Attendu que NTAHONDI explique au Tribunal que les gens le chargent à tort et que les détenus

qui le chargent le font pour se disculper, que pour sa part Maître NYIRAHATEGEKIMANA

demande que son client soit acquitté parce qu’aucune preuve n’a pu établir sa culpabilité et que

ceux qui le chargent le font parce qu’ils sont en aveu alors que son client plaide non coupable ;

Vu qu’aucune partie civile ne s’est constituée ;

Vu que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner, que le Tribunal prend

l’affaire en délibéré ce 12/12/2000 et rend le jugement ci-après :

Constate que NTAHONDI Ildéphonse alias BIZIMANA est poursuivi par le Ministère Public

pour avoir assassiné RUSHENZI à cause de son appartenance au groupe ethnique Tutsi ;

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RP: 049/R1/2000 C.S. TPI RUHENGERI

237

6ème

feuillet.

Constate que NTAHONDI a plaidé non coupable aussi bien devant le Ministère Public que

devant le Tribunal, qu’il a même affirmé à l’audience du 30/10/2000 savoir que RUSHENZI a

été tué par une attaque venue de CYABINGO et à laquelle prenaient part les nommés

HAKESHIMANA Vianney, MUTABARUKA et MUNYAMPENDA et que c’est à cette

occasion que la famille MUNYAMPUNDU a été massacrée, qu’il a vu ces assaillants lorsqu’ils

sont passés chez eux et que HAKESHIMANA et MUTABARUKA détenus à la prison de

RUHENGERI reconnaissent les faits dont il est accusé ;

Constate que les preuves dont le Ministère Public se prévaut sont notamment les déclarations de

NDINDAYINO Florida qui a entendu le petit RUSHENZI appeler au secours en disant : « Toi

aussi NTAHONDI (alias BIZIMANA) tu me tues ? » ainsi que celles de MANYINYA qui avoue

qu’il était avec RUSHENZI quand NTAHONDI a dit à celui-ci de les rejoindre en lui assurant

qu’aucun mal ne lui arriverait, que RUSHENZI les ayant rejoints dans un vallon où ils étaient

(endroit où le Tribunal s’est transporté et où NTAHONDI et MANYINYA soutiennent que

RUSHENZI a été assassiné), il a entendu RUSHENZI s’étonner de ce que NTAHONDI voulait

également le tuer ;

Que cette version des faits est corroborée par les déclarations de ZIBONUMWE qui soutient que

son fils MANYINYA lui a dit que RUSHENZI a été tué par NTAHONDI, que cela faisait suite à

la question qu’il venait de lui poser de savoir pourquoi il n’avait pas rentré tôt le bétail du

pâturage à la maison, que son fils lui a répondu qu’il ne l’a pas fait parce que RUSHENZI qui

gardait le bétail avec lui venait de se faire tuer et qu’il a eu peur ;

Constate que NTAHONDI assisté de Maître NYIRAHATEGEKIMANA Joséphine dit que la

famille ZIBONUMWE le charge parce que des conflits opposent leurs familles respectives

depuis longtemps, que ces conflits sont nés de ce que ZIBONUMWE a incité les grands frères de

NTAHONDI à engager un procès contre leur père à eux, qu’il trouve que ceux qui le chargent

sont issus d’une même famille et que cela n’est pas normal ;

Constate qu’en date du 22/11/2000 le Tribunal s’est transporté sur le lieu du crime, qu’il a

entendu les personnes qui sont au courant des procès qui ont opposé NSANZABARUNGU (le

père de NTAHONDI) et ses propres fils, qu’à la question de savoir le rôle que ZIBONUMWE

aurait joué dans cette affaire, ces personnes ainsi que la mère de NTAHONDI ont nié

catégoriquement que ces procès aient jamais eu lieu (sic) ;

Constate que la descente s’est poursuivie le lendemain le 23/11/2000, que le Tribunal a interrogé

les nommés MUKESHIMANA J.M.V, MUNYAMPENDA Siméon et MUTABARUKA

Raphaël au sujet de l’assassinat de RUSHENZI, que ces personnes ont avoué avoir massacré la

famille de MUNYAMPUNDU, mais que RUSHENZI leur avait échappé ;

7ème

feuillet.

Constate que NTAHONDI et son conseil n’ont pas pu contredire les preuves rapportées par le

Ministère Public, qu'ainsi NTAHONDI doit être puni pour avoir assassiné RUSHENZI à cause

de son appartenance à l’ethnie Tutsi à l’image de ce qui se faisait partout dans le pays, que les

infractions établies à sa charge (assassinat et génocide) sont en concours idéal, qu’il bénéficie

cependant de la réduction de la peine parce qu’il était mineur au moment des faits tel que prévu

par l’article 77 du Code pénal ;

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238

Constate que les infractions établies à charge de NTAHONDI Ildéphonse le rangent dans la 2ème

catégorie comme le prévoit la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

Constate qu’aucune partie civile ne s’est constituée dans la présente procédure ;

Constate que tous les moyens sont épuisés et qu’il ne reste plus rien à examiner ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise spécialement la Constitution du

10/06/1991 telle que modifiée à ce jour en ses articles 12, 14, 33, 91-95 et le Protocole des

Accords de Paix d'Arusha sur le partage du pouvoir en ses articles 25 et 26 ;

Vu le Décret-loi n°09/80 du 07/07/1980 portant organisation et compétence judiciaires confirmé

par la Loi n°01/82 du 26/01/1982 ayant confirmé les Décrets-lois tel que modifiée à ce jour

spécialement en ses articles 6, 9-12, 44, 85, 104, 129 al.1 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 19990 en ses articles 1, 2 2ème

catégorie, 14b, 18, 19, 20, 21, 22 al.1, 24, 36, 37 et 37 ;

Vu les articles 77 et 312 de la loi n°21/77 du 18 août 1977 portant Code pénal

8ème

feuillet.

Déclare recevable l’action du Ministère Public parce que régulière en la forme et la dit fondée ;

Déclare que les préventions à charge de NTAHONDI sont établies et le rattachent à la 2ème

catégorie ;

Déclare que NTAHONDI perd le procès ;

Le condamne à la peine d’emprisonnement de 13 ans ;

Condamne NTAHONDI à payer les frais occasionnés par la présente procédure équivalant à

68.000 Frw ;

Décide la disjonction de l’action civile ;

Rappelle à toute personne désireuse d’interjeter appel que le délai d’appel est de 15 jours et qu’il

y est statué sur pièces ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 12/12/2000, LE

MINISTERE PUBLIC N’ETANT PAS REPRESENTE.

Juge Président Juge Greffier HITIMANA F. MUNYAMAHORO J. HABARUGIRI D. BAMURANGE

Sé/ Sé/ Sé/ Sé/

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239

CHAMBRE SPECIALISEE

TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE

DE RUSHASHI

Page 240: ASF_JurisprudenceGénocide_3

240

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241

N°12

Jugement de la Chambre Spécialisée du Tribunal de Première Instance de RUSHASHI

du

21 septembre 2000.

Ministère Public C/ GASANA Appolinaire et Consorts.

ACQUITTEMENT ASSASSINAT ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS.

281, 282, et 283 CP) ATTENTAT AYANT POUR BUT DE PORTER LA

DEVASTATION (ART. 168 CP) AVEUX CATEGORISATION (2ème

CATEGORIE

ART.2 L.O. 30/08/96) CONCOURS IDEAL D'INFRACTIONS CRIME DE

GENOCIDE (ELEMENT INTENTIONNEL) CRIMES CONTRE L'HUMANITE

DIMINUTION DE PEINE DOUTE - EGALITE DES ARMES (DROIT DE FAIRE

CITER DES TEMOINS) ENLEVEMENT (ART. 388 CP) MEURTRE (ART.311

CP) PEINES (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE; 15 ANS

D'EMPRISONNEMENT, DEGRADATION CIVIQUE) PREUVES

(ADMINISTRATION DE LA; ABSENCE DE) PROCEDURE D'AVEU ET DE

PLAIDOYER DE CULPABILITE APRES POURSUITES (ARTS. 6 et 16 L.O. 30/08/96

TEMOIGNAGES (RECUSATION DE; A CHARGE; A DECHARCHE).

1. 2ème

prévenu Procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité (après poursuites)

acceptée (article 6 Loi organique 30/08/1996) deuxième catégorie 15 ans

d'emprisonnement (article 16, a, Loi organique du 30/08/1996).

2. 1er

prévenu infractions établies (génocide et crimes contre l'humanité, association de

malfaiteurs, assassinat, enlèvement et dévastation du pays) preuves (témoignages à

charge et à décharge, moyens de défense contradictoires).

3. 1er

prévenu concours idéal d'infractions deuxième catégorie emprisonnement à

perpétuité et dégradation civique.

4. 3ème

et 4ème

prévenus absence de preuve suffisante du Ministère Public témoignage

non crédible bénéfice du doute (article 20 CPP) acquittement et ordre de libération

immédiate.

1. La procédure d'aveu et de plaidoyer de culpabilité à laquelle le 2ème

prévenu a recouru

après poursuites, est acceptée tant par le Ministère Public que par le Tribunal compte tenu

de sa conformité à l'article 6 de la Loi organique du 30/08/1996.

Ce prévenu a fait des aveux complets et les infractions avouées (génocide et crimes contre

l'humanité, association de malfaiteurs, assassinat, enlèvement et dévastation du pays) le

rangent en deuxième catégorie. En application de l'article 16)a de la Loi organique du

30/08/1996, il est condamné à 15 ans d'emprisonnement.

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242

2. En dépit de ses dénégations, les infractions de génocide et crimes contre l'humanité,

association de malfaiteurs, assassinat, enlèvement et dévastation du pays sont déclarées

établies à charge du 1er

prévenu, car:

- Il est mis en cause par le 2ème

prévenu qui a avoué les faits, les déclarations de ce

co-prévenu concordant avec celles d'autres témoins.

- Ses affirmations selon lesquelles ceux qui le mettent en cause n’auraient agi que par

dépit ou vengeance n’apparaissent pas fondées.

- Les témoins à décharge qu'il a lui-même cités ne le disculpent pas.

- Ses moyens de défense recèlent des contradictions. Il ne subsiste pas de doute

quant à sa participation au complot qui a abouti à l'assassinat de la victime et de ses

quatre enfants.

3. Les infractions retenues à charge du 1er

prévenu ont été commises en concours idéal et

permettent de le ranger en deuxième catégorie. Il est condamné à l'emprisonnement à

perpétuité et à la dégradation civique.

4. En l'absence de preuves fournies pas le Ministère Public, le Tribunal accorde le bénéfice

du doute aux 3ème

et 4ème

prévenus et ne retient aucune infraction à leur charge:

- Les déclarations du 3ème

prévenu, qui explique sa présence sur les lieux où ont été

débusquées les victimes par sa crainte de voir attaquer des membres de sa famille

paraissent plausibles ; le fait qu’il n’ait pas pris part aux assassinats paraît confirmé

par le prévenu en aveu.

- Il apparaît que la déclaration du 3ème

prévenu chargeant le quatrième d'avoir été

parmi les gens qui ont débusqué les victimes n’est pas conforme à la vérité et doit

être écartée, car elle est fondée sur un conflit qui les oppose.

Le Tribunal acquitte ces deux prévenus et ordonne leur libération immédiate.

(NDLR: L’appel interjeté contre ce jugement est pendant devant la Cour d’appel de Kigali).

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R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000

RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI

243

(Traduction libre)

1er

feuillet.

LA CHAMBRE SPECIALISE PRES LE TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE

RUSHASHI, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE ET D’AUTRES CRIMES

CONTRE L’HUMANITE AU PREMIER DEGRE A RENDU LE JUGEMENT CI-

APRES :

JUGEMENT DU 21/09/2000.

EN CAUSE : LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

1- GASANA Appolinaire fils de BINYAVANGA et NTAKOBATAGIRA, né en 1959, dans la

cellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture KIGALI NGALI,

République Rwandaise, marié à NYIRANDASEZEYE, père de 4 enfants, sans antécédents

judiciaires connus, sans biens, en détention préventive à la prison de KIGALI.

2- NTAWUMENYUMUNSI alias NIYONSHUTI fils de NSABABERA et AHORYIRIWE, né

en 1976 dans la cellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture

KIGALI NGALI, République Rwandaise, y résidant, Rwandais, cultivateur, célibataire, sans

antécédents judiciaires connus, sans biens, en détention préventive à la prison de GIKONDO.

3- SEROMBA Michel fils de SENGABO et MBURABUZE, né en 1936, dans la cellule

NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture KIGALI NGALI,

République Rwandaise, y résidant, Rwandais, cultivateur, marié à NYIRANGENDO, sans biens

ni antécédents judiciaires connus.

4- SINARUHAMAGAYE Jean fils de RWALINDA et NAGASANZWE, né en 1935, dans la

cellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture KIGALI NGALI,

République Rwandaise, y résidant, Rwandais, cultivateur, marié à NYIRABAKIGA, père de 5

enfants, sans biens ni antécédents judiciaires connus.

PARTIES CIVILES :

PREVENTIONS :

Avoir, dans la cellule NYABITARE, secteur MINAZI, commune RUSHASHI, préfecture

KIGALI NGALI, République Rwandaise, en 1994, comme coauteurs tel que prévu par les

articles 89,90 et 91 du livre I du Code pénal, commis le crime de génocide et d’autres crimes

contre l’humanité contre les Tutsi et d’autres opposants au régime de l’époque qui étaient

qualifiés de complices des INYENZI, infractions prévues et réprimées par :

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R.M.P.N° 7273/SJB/NP JUGEMENT DU 21/09/2000

RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI

244

2ème

feuillet.

- la Convention internationale du 09 décembre 1948 sur la répression du crime de génocide,

- la Convention internationale du 26 novembre 1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de

guerre et des crimes contre l’humanité, toutes ratifiées par le Rwanda,

- la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide et des crimes contre l’humanité commises entre le 1er

10/1994 et le 31/12/1994.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, volontairement tué la nommée

MUKAKARASI Thérèse et ses 4 enfants, infraction prévue et réprimée par l’article 311 du

Code pénal livre II.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, enlevé des personnes qu’ils sont allés

noyer dans la rivière, infraction prévue et réprimée par l’article 388 du code pénal livre II.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, commis l’infraction de dévastation du

pays par les massacres, infraction prévue et réprimée par l’article 168 du Code pénal livre II.

QUALIFICATION LEGALE :

- Association de malfaiteurs :articles 281, 282, 283 du Code pénal livre II.

- Meurtre : article 311 du Code pénal livre II.

- Enlèvement : article 388 du Code pénal livre II.

- Attentat portant la dévastation du pays : article 168 du Code pénal livre II.

LE TRIBUNAL,

Vu la lettre du 20/06/2000 par laquelle le Premier Substitut près la Chambre Spécialisée du

Tribunal de Première Instance de RUSHASHI a transmis pour fixation le dossier à charge de

GASANA Appolinaire et consorts ;

Vu l’ordonnance du Président de la Chambre Spécialisée de RUSHASHI fixant la date

d’audience au 13/09/2000 ;

3ème

feuillet.

Vu que tous les prévenus ont été régulièrement cités à comparaître ;

Vu qu’après signification, les prévenus ont été, à leur demande, autorisés à consulter le dossier à

leur charge,

Vu qu’à la date d’audience prévue, les prévenus ont comparu, chacun assurant personnellement

sa défense, le Ministère Public étant représenté par l’Officier du Ministère Public NDEJEJE

Pascal tandis que RUVUZANDEKWE Seth, quoique régulièrement cité, n’a pas comparu ;

Attendu qu’après l’énoncé des préventions à leur charge, les prévenus sont invités à dire s’ils

plaident coupable ou non coupable, que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il plaide coupable

comme il a avoué les faits devant le Ministère Public et a par ailleurs recouru à la procédure

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245

d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, que GASANA Appolinaire, SEROMBA Michel et

SINARUHAMAGAYE Jean plaident non coupable ;

Attendu que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il est allé rendre visite à sa grand-mère au cours

d’une matinée au mois d’avril 1991(sic) et que, en cours de route, il a croisé GASANA et

RUVUZANDEKWE qui lui ont dit que des Tutsi se cachaient à NYAMATO, qu’ils doivent les

débusquer pour qu’ils soient tués, que c’est ainsi qu’ils sont partis ensemble et ont déniché

MUKAKARASI Thérèse et ses quatre enfants et sont allés les tuer ;

Attendu qu’il poursuit en disant qu’ils ont emmené MUKAKARASI Thérèse et ses quatre

enfants à la rivière où ils leur ont donné l’ordre de se noyer, qu’il était en compagnie de

GASANA et RUVUZANDEKWE mais qu’il nie avoir vu SINARUHAMAGAYE sur les lieux,

qu’il affirme avoir vu SEROMBA portant une machette et une lance après qu’ils venaient de

débusquer les victimes mais qu’il n’a pas vu celui-ci à la rivière où ils ont noyé les victimes ;

Attendu qu’il déclare reconnaître sa responsabilité dans la noyade de MUKAKARASI et ses

quatre enfants, qu’à la question de savoir pourquoi il a accepté de s’intégrer à un groupe de

malfaiteurs qu’il a croisé en chemin sans avoir décidé avec lui de perpétrer des massacres, il

répond qu’à son arrivée, GASANA venait de tenir une réunion au cours de laquelle il a demandé

aux gens de lui porter secours car MUKAKARASI l’importune chaque nuit en venant lui

demander à manger et qu’elle doit être recherchée et tuée, qu’il a accepté d’y prendre part dès

qu’il en a été informé car il était le moins âgé et pouvait s’exposer à des conséquences fâcheuses

s’il avait refusé ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il nie avoir vu SEROMBA à la rivière alors que

celui-ci s’y trouvait portant une machette et une lance et que cela est la preuve qu’il prenait part à

cette expédition, il répond qu’il ne peut pas affirmer ce qu’il n’a pas vu, qu’il sait simplement

qu’il l’a vu là où ils ont débusqué MUKAKARASI Thérèse et ses enfants, qu’il ne l’a vu nulle

part ailleurs et qu’il ignore comment il est rentré ;

4ème

feuillet.

Attendu qu’il demande au Tribunal d’accepter son plaidoyer de culpabilité comme l’a fait le

Ministère Public car il dit la vérité ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que NTAWUMENYUMUNSI a recouru à la

procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité conformément à la loi, que ses aveux se sont

révélés complets après vérification, que ses actes le rangent dans la deuxième catégorie, qu’il

requiert à sa charge la peine d’emprisonnement de 15 ans en vertu de l’article 16 de la Loi

organique n° 08 du 30/08/1996 ;

Attendu qu’après les réquisitions du Ministère Public, le Tribunal prend l’affaire en délibéré et

décide de recevoir la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité de

NTAWUMENYUMUNSI et de le classer dans la deuxième catégorie en vertu de l’article 16 de

la Loi organique n° 08/96 du 30/8/96 ;

Attendu que SEROMBA Michel dit qu’il plaide non coupable et demande au Ministère Public

de produire les preuves à la base des poursuites exercées contre lui ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les infractions reprochées à SEROMBA

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RP 042/s1/2000 :CH.SP/RSHI. C.S.T.P.I RUSHASHI

246

Michel sont établies à sa charge car de nombreux témoins entendus le mettent en cause ainsi que

ses co-prévenus, que NTAWUMENYUMUNSI qui a recouru à la procédure d’aveu et de

plaidoyer de culpabilité affirme l’avoir vu armé d’une lance et d’une machette là où ils ont

débusqué MUKAKARASI et ses enfants, que cela est la preuve qu’il participait à l’attaque avec

les autres tueurs ;

Attendu que SEROMBA Michel dit que le frère de MUKAKARASI est son gendre et qu’il se

cachait chez lui à l’époque du génocide, qu’en entendant une clameur, il a pensé que c’est son

gendre que l’on venait de découvrir, qu’il a accouru et a constaté que c’est plutôt

MUKAKARASI Thérèse et ses enfants, qu’il ne participait donc pas à cette attaque mais

redoutait que ce soit son gendre qui puisse être tué ;

Attendu qu’il dit qu’à son arrivée, il a vu SINARUHAMAGAYE, RUVUZANDEKWE Seth,

MBYARIYEHE et NTAWUMENYUMUNSI ayant entre leurs mains les personnes ci-haut

citées à savoir MUKAKARASI et ses quatre enfants, qu’il a tenté d’intercéder en leur faveur

mais qu’on lui a répondu qu’il ne doit pas intervenir en faveur des Inyenzi en perdant de vue

qu’il en loge quelques uns chez lui, et qu’il devrait au contraire demander pardon pour ceux-là ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il veut nier les faits qui lui sont reprochés alors que

des témoins l’ont vu à l’exemple de NTAWUMENYUMUNSI alias NIYONSHUTI qui a

recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, il répond que MUKAKARASI était

entre les mains des tueurs quand il est arrivé là où elle a été débusquée, qu’il a dit pourquoi il

s’est rendu à cet endroit et qu’il ne portait pas une lance et une machette, que

NTAWUMENYUMUNSI le met en cause par vengeance car il l’a dénoncé avec son père

SAMVURA pour avoir pillé les maniocs de MUKAKARASI et qu’ils ont été punis à cet effet du

paiement de 1.000 Frw et de la bière de banane ;

5ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir s’il n’a pas vu GASANA Appolinaire, il répond par la

négative mais dit qu’il se peut qu’il se soit éclipsé après la réunion pour faire croire que ce n’est

pas lui qui a indiqué la cachette de MUKAKARASI et ses enfants, qu’il y avait par ailleurs une

foule de gens si bien qu’il ne pouvait pas identifier tout le monde surtout qu’il avait peur ;

Attendu que SINARUHAMAGAYE Jean dit qu’il plaide non coupable, qu’il demande au

Ministère Public de produire les preuves sur lesquelles il fonde ses poursuites ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que les infractions reprochées à

SINARUHAMAGAYE Jean sont établies à sa charge car SEROMBA affirme l’avoir vu sur les

lieux parmi ceux qui ont débusqué MUKAKARASI et ses quatre enfants ;

Attendu qu’il nie être arrivé sur les lieux et dit qu’il a un différend avec SEROMBA contre qui

un procès l’a opposé, mais qu’il croyait définitivement clos suite à la conciliation intervenue

entre eux au sein de la famille de manière qu’il ne pensait pas que l’intéressé puisse lui attribuer

faussement l’infraction de génocide ;

Attendu qu’il demande que d’autres personnes que SEROMBA soient interrogées et dit qu’il est

prêt à reconnaître sa responsabilité si quelqu’un d’autre le met en cause ;

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247

Attendu que GASANA Appolinaire dit qu’il plaide non coupable et demande que le Ministère

Public rapporte les preuves à la base des poursuites à sa charge ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que toutes les infractions reprochées à GASANA

sont établies à sa charge car il est mis en cause par ses coauteurs à savoir RUVUZANDEKWE

Seth et NTAWUMENYUMUNSI qui est en aveu, que GASANA n’a aucun motif de les réfuter ;

Attendu que GASANA nie avoir pris part à l’attaque qui a coûté la vie à MUKAKARASI

Thérèse car il était malade du début à la fin du génocide, qu’il a au contraire vu MBYARIYEHE

emmener les victimes alors qu’il se trouvait chez lui ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas porté secours à sa voisine qui allait être

tuée, il répond qu’il n’aurait rien pu faire faute de moyens, car il était faible et que l’attaque était

composée de nombreuses personnes portant des armes telles que des massues et autres ;

Attendu que GASANA Appolinaire dit qu’il ne pouvait pas diriger une réunion alors qu’il n’était

qu’un simple citoyen, que c’est après la guerre qu’il a eu la qualité d’autorité et que, sur demande

du bourgmestre et des militaires, il a dénoncé les malfaiteurs, que c’est pour cette raison que les

gens le mettent injustement en cause, qu’il ne pouvait pas prendre part aux attaques à cette

époque où il était traité d’Inyenzi ;

Attendu que GASANA dit que ce sont KARARISI Pascal et RUVUZANDEKWE Seth qui l’ont

fait arrêter, le motif en étant que, après la mort de MUKAKARISA et ses enfants, KARARISI a

voulu vendre la propriété foncière de la victime mais qu’il le lui a interdit en sa qualité

d’autorité, que c’est donc par vengeance qu’il l’accuse à tort d’avoir commis le génocide ;

Attendu qu’il dit que des différends divers l’opposent à RUVUZANDEKWE Seth et notamment

le fait qu’il a tranché une affaire de vol à sa charge à l’issue de laquelle l’intéressé a été puni, que

cela peut être la raison pour laquelle il l’accuse injustement, qu’il demande au Tribunal

d’entendre les témoins HABUMUGISHA, SEMANA et MURWANASHYAKA et se déclare

prêt à se plier à leurs témoignages car ils savent bien qu’il a puni RUVUZANDEKWE dans une

affaire de vol ;

Attendu que GASANA Appolinaire dit que NTAWUMENYUMUNSI le charge faussement et

que cela a eu pour origine le fait que c’est lui qui a fait arrêter son coauteur MBYARIYEHE dans

l’assassinat de MUKAKARASI, que constatant ainsi que son arrestation était imminente,

RUVUZANDEKWE a décidé de le mettre

6ème

feuillet.

en cause, qu’il demande au Tribunal d’entendre les témoins NZABAGERAGEZA et

RIBAKARE qui pourront confirmer qu’il s’était foulé la jambe car il est passé à l’endroit où ils

se trouvaient quand il allait voir l’état de ses récoltes à KINUNGA, se servant d’un bâton pour

se déplacer ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, les témoins AHIMANA, MURWANASHYAKA et

BATUMYEHO disent que GASANA a effectivement connu de l’affaire de vol de régimes de

bananes à charge de RUVUZANDEKWE mais nient catégoriquement savoir où se trouvait

GASANA lors de l’assassinat de MUKAKARASI car ils n’ont appris la nouvelle que plus tard,

tandis que le nommé AYIGIHUGU dit qu’il ne sait rien car il était malade ;

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248

Attendu qu’après avoir prêté serment, NZABAGERAGEZA et RIBAKARE, à la question de

savoir s’ils ont, à l’époque du génocide, croisé GASANA quand il était malade et se rendait à

KINUNGA, ils répondent par la négative et précisent qu’il n’a même pas de champs à

KINUNGA ;

Attendu qu’invité à présenter ses réquisitions, le Ministère Public dit que les infractions

reprochées à GASANA sont établies à sa charge car il en a rapporté les preuves, qu’il requiert la

peine d’emprisonnement à perpétuité à sa charge ainsi que celle de 15 ans d’emprisonnement à

charge de NTAWUMENYUMUNSI qui a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité, qu’il requiert également la peine d’emprisonnement de 10 ans à charge de

SEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean, tous les prévenus devant être condamnés au

paiement solidaire des frais d’instance ;

Attendu que la parole est donnée aux prévenus en vue de répliquer aux réquisitions du Ministère

Public et aux témoignages, que GASANA dit que la peine requise est très élevée et qu’il

demande au Tribunal de lui rendre justice, que NTAWUMENYUMUNSI dit qu’il consent à être

puni car il a plaidé coupable, que SEROMBA et SINARUHAMAGAYE disent qu’ils

désapprouvent la peine requise car ils sont certains de n’avoir rien fait et demandent au Tribunal

de leur rendre justice ;

Attendu que les débats sont clos, que le Tribunal prend l’affaire en délibéré et rend le jugement

dans les termes ci-après :

Constate que l’action du Ministère Public est recevable car elle est régulière en la forme ;

Constate que les aveux de NTAWUMENYUMUNSI doivent être acceptés car ils remplissent les

conditions prévues à l’article 6 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996 ;

Constate que les infractions de génocide et autres crimes contre l’humanité, d’association de

malfaiteurs, d’assassinat, d’enlèvement et de dévastation du pays sont établies à charge de

NTAWUMENYUMUNSI car il a avoué tant devant le Ministère Public que devant le Tribunal,

avoir débusqué MUKAKARASI Thérèse et ses quatre enfants qui se cachaient à l’arrière du

domicile de GASANA Appolinaire, qu’ils les ont ensuite emmenés et noyés dans la

NYABARONGO à cause de leur ethnie Tutsi ;

7ème

feuillet.

Constate que les infractions établies à charge de NTAWUMENYUMUNSI sont en concours

idéal car elles ont été commises en vue du génocide ;

Constate que les infractions établies à charge de NTAWUMENYUMUNSI le rangent dans la

deuxième catégorie conformément à l’article 2 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/96 ;

Constate qu’il a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité après les poursuites,

qu’il doit être puni des peines prévues à l’article 16, a) de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/96 ;

Constate que les infractions de génocide et autres crimes contre l’humanité, d’association de

malfaiteurs, d’assassinant, d’enlèvement et de dévastation du pays sont établies à charge de

GASANA Appolinaire ;

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Constate que NTAWUMENYUMUNSI qui a recouru à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité tant devant le Ministère Public que devant le Tribunal affirme que c’est GASANA qui

a dirigé une réunion au cours de laquelle il a demandé aux gens d’aller rechercher

MUKAKARASI et ses quatre enfants au motif qu’elle l’importune en lui demandant de quoi

manger ;

Constate que le moyen de défense de GASANA Appolinaire qui nie avoir organisé la réunion

destinée à rechercher MUKAKARASI n’est pas fondé car il est inconcevable que des gens

habitant loin de l’endroit où MUKAKARASI et ses 4 enfants se cachaient aient accouru en

entendant des cris, mais que GASANA qui se trouvait à 800 mètres du lieu comme il le dit lui-

même, n’est pas allé voir ce qui se passait près de son domicile ;

Constate que GASANA Appolinaire a usé d’une grande astuce et, qu'après avoir indiqué aux

tueurs l’endroit où MUKAKARASI et ses enfants se cachaient, a disparu pour que sa part de

responsabilité dans ce crime reste incertaine ;

Constate que le fait que GASANA nie avoir conduit MUKAKARASI et ses enfants à la rivière

NYABARONGO où ils ont été noyés ne peut le disculper dès lors qu’il est à l'origine de tous ces

méfaits car les victimes n’auraient pas été inquiétées s’il n’avait pas organisé la réunion et

indiqué l’endroit où elles se cachaient ;

Constate que les allégations de GASANA selon lesquelles NTAWUMENYUMUNSI le met en

cause parce qu’il a dénoncé son coauteur MBYARIYEHE et que l’intéressé a réalisé que son

arrestation était elle aussi imminente, et que RUVUZANDEKWE Seth quant à lui le charge par

vengeance car il a, alors qu’il était responsable de cellule, tranché une affaire de vol à sa charge,

ne sont pas fondées car NTAWUMENYUMUNSI a avoué les faits qui lui sont reprochés tant

devant le Ministère Public que devant le Tribunal ;

Constate que les témoins présentés par GASANA à sa décharge à savoir MURWANASHYAKA,

BATUMANYEHO et AYIGIHUGU affirment que GASANA a eu à trancher une affaire de vol

de régimes de bananes à charge de RUVUZANDEKWE, mais qu’aucun d’entre eux n’affirme

que c’est effectivement RUVUZANDEKWE seul qui a fait arrêter GASANA et qu'ils ne disent

rien

8ème

feuillet.

sur les circonstances de la mort de MUKAKARASI Thérèse, que leurs témoignages n’ont donc

aucun rapport avec les faits reprochés à GASANA ;

Constate que les deux témoins NZABAGERAGEZA et RIBAKARE présentés par GASANA

pour confirmer l’avoir vu se rendre à KINUNGA le jour de l’assassinat de MUKAKARASI

Thérèse et de ses enfants ont nié ces allégations et ont affirmé que l’intéressé n’avait d’ailleurs

pas de champ à KINUNGA ;

Constate que les déclarations de GASANA renferment des contradictions dès lors qu’il dit d’une

part qu’il souffrait du pied à l’époque des faits et qu’il dit d’autre part être allé voir l’état de ses

récoltes, que cela démontre sans l’ombre d’un doute qu’il a participé au complot sur l’assassinat

de MUKAKARASI et ses quatre enfants ;

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250

Constate que toutes les infractions reprochées à GASANA sont établies à sa charge et ont été

commises en concours idéal, qu’elles le rangent dans la deuxième catégorie en vertu de la Loi

organique n°08/96 du 30/8/1996 ;

Constate que les infractions de génocide et autres crimes contre l’humanité, d’association de

malfaiteurs, d’assassinat, d’enlèvement et de dévastation du pays ne sont pas établies à charge de

SEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean ;

Constate que NTAWUMENYUMUNSI qui plaide coupable dit avoir vu SEROMBA Michel là

où MUKAKARASI Thérèse a été débusquée, que l’intéressé le reconnaît lui aussi mais affirme

s’être rendu sur les lieux en entendant des cris pour voir ce qu’il en était car il a cru que c'étaient

les membres de sa famille que l’on venait de découvrir et qui étaient eux aussi recherchés ;

Constate par ailleurs que NTAWUMENYUMUNSI affirme avoir vu SEROMBA Michel à cet

endroit, mais non parmi les gens qui ont conduit MUKAKARASI et ses enfants pour les noyer

dans la NYABARONGO ;

Constate que SINARUHAMAGAYE réfute avoir été là où MUKAKARASI et ses enfants ont été

débusqués et dit qu’il ne connaît même pas ceux qui les ont emmenés car il ignore quand les faits

ont eu lieu, NTAWUMENYUMUNSI qui plaide coupable l’ayant par ailleurs disculpé ;

Constate que l’affirmation de SEROMBA Michel selon laquelle il aurait vu

SINARUHAMAGAYE parmi les gens qui venaient de débusquer MUKAKARASI est fausse car

il est clair que, comme SINARUHAMAGAYE l’a dit devant le Tribunal, un conflit les oppose,

que sa déclaration ne peut être considérée comme véridique ;

Constate également que même le Ministère Public n’a pas rapporté de preuves tangibles sur la

participation de SEROMBA Michel et SINARUHAMAGAYE Jean dans l’attaque qui a coûté la

vie à MUKAKARASI et ses 4 enfants ;

Constate que les témoignages recueillis et les preuves fournies par le Ministère Public ne

parviennent pas à lever le doute ;

9ème

feuillet.

Constate que le doute profite au prévenu, qu’ainsi les infractions qui lui sont reprochées ne sont

pas établies à sa charge tel que prévu par l’article 20 du Code de procédure pénale ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ET PUBLIQUEMENT ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise spécialement en ses articles 12, 25, 86,

94 ;

Vu les Conventions internationales sur la répression et l’imprescriptibilité du crime de génocide ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 du 07/07/1980 portant Code d’organisation et compétence judiciaires

tel que modifié à ce jour, spécialement en ses articles 6, 7, 12, 76, 118, 119, 199, 200 et 201 ;

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251

Vu la Loi du 23/2/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,

spécialement en ses articles 16, 17, 20, 58, 76, 61, 71, 76, 83, 130, 138, 140 ;

Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité commises à partir du

1er

/10/1990 spécialement en ses articles 1, 2, 4, 5, 10, 14, 15, 19, 20, 22 et 39 ;

Vu le Code pénal rwandais en ses articles 1, 2, 26, 45, 50, 89, 90, 91, 92, 93, 168, 281, 282, 283,

311, 312, 388, 444 ;

Vu l’article 258 du livre II du Code civil ;

Déclare recevable l’action du Ministère Public car elle est régulière en la forme ;

Déclare l’action du Ministère Public partiellement fondée c’est à dire en ce qui concerne

NTAWUMENYUMUNSI et GASANA qui sont coupables ;

Déclare non fondée l’action du Ministère Public en ce qui concerne SEROMBA et

SINARUHAMAGAYE pour absence de preuves ;

Déclare NTAWUMENYUMUNSI et GASANA Appolinaire coupables ;

Condamne NTAWUMENYUMUNSI à 15 ans d’emprisonnement ;

Condamne GASANA Appolinaire à la peine d’emprisonnement à perpétuité et à la dégradation

civique ;

10ème

feuillet.

Leur ordonne de payer les frais d’instance de 17.375 Frw dans le délai légal sous peine d’une

contrainte par corps de 60 jours suivie de l’exécution forcée sur ses biens ;

Déclare SEROMBA et SINARUHAMAGAYE innocents ;

Ordonne leur libération immédiate dès le prononcé ;

Dit que le délai d’appel est de 15 jours à dater du prononcé ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE AU TRIBUNAL DE

PREMIERE INSTANCE DE RUSHASHI,CHAMBRE SPECIALISEE COMPOSEE DE :

JUGE : PRESIDENT : JUGE : GREFFIER :

BUNDOGO I. MUBWIRIZA A. NSABAYEZU E. TUBONYAMAHORO

(Sé) (Sé) (Sé) (Sé)

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253

DEUXIEME PARTIE

COURS D’APPEL

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255

COUR D’APPEL

DE

CYANGUGU

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257

N°13

Arrêt de la Cour d'appel de CYANGUGU

du

06 juillet 1999.

MUNYANGABE Théodore C/ Ministère Public.

ACQUITTEMENT – APPEL (ERREUR DE DROIT OU ERREUR DE FAIT

FLAGRANTE; ART. 24 L.O. DU 30/08/1996) – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –

ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ART. 281, 282 ET 283 CP) – ATTENTAT AYANT

POUR BUT DE PORTER LA DEVASTATION, LE MASSACRE ET LE PILLAGE (

ART. 168 CP) – CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTRE L'HUMANITE – DOUTE

SUR LA CULPABILITE (BENEFICE DU) – DROITS DE LA DEFENSE (DROIT A UN

JUGEMENT MOTIVE ; DROIT DE CITER DES TEMOINS A DECHARGE ; DROIT

D'ETRE ASSISTE D'UN AVOCAT ) – INCITATION AU SOULEVEMENT DES

CITOYENS LES UNS CONTRE LES AUTRES (ART. 166 CP) – NON ASSISTANCE A

PERSONNE EN DANGER – PREUVE ( ADMINISTRATION DE LA; INSUFFISANCE

DE ; VALIDITE DE LA).

1. Moyens d'appel – conformité à l'article 24 Loi organique du 30/08/1996 – violation article

36 Loi organique du 30/08/1996 (droits de la défense) – défaut de motivation de la

condamnation au pénal et au civil - appel recevable.

2. Examen au fond – témoignages – déclarations de parties civiles – élément intentionnel –

absence de preuve – doute sur la culpabilité de l'appelant – acquittement.

1. Est déclaré recevable l'appel du prévenu interjeté dans les délais et basé sur des violations de

la loi et des erreurs de faits flagrantes:

- Constitue une violation de l'article 36 de la Loi organique du 30/08/1996, le refus du

Tribunal d'accorder une remise au prévenu qui souhaite se faire assister par un avocat, un tel

refus le privant de son droit à la défense.

- Constitue une erreur grave et une violation de la loi, le fait pour le Tribunal de condamner le

prévenu à la peine de mort sans avoir au préalable établi les infractions mises à sa charge.

- Constitue une erreur grave et une violation de la loi, le fait pour le Tribunal de condamner le

prévenu au paiement de dommages et intérêts, sans en préciser ni les bénéficiaires, ni le

fondement.

2. Procédant à l’examen au fond, la Cour constate que :

- L’accusation n’a pas été en mesure de renverser les témoignages selon lesquels le prévenu ne

se trouvait pas à KARAMBI quand les massacres s’y sont produits.

- Les témoignages sur lesquels le Ministère Public se fonde pour arguer de la responsabilité du

prévenu dans les massacres de KARAMBI sont imprécis, indirects ou non pertinents. Un

Page 258: ASF_JurisprudenceGénocide_3

258

écrit accusateur en contradiction avec l’ensemble des autres témoignages ne peut être tenu pour

probant.

- Les témoignages recueillis indiquent que le prévenu s’est rendu à MIBIRIZI en étant mandaté

par le Préfet qui avait été alerté de l’attaque qui s’y déroulait. Le fait qu’il y soit arrivé

séparément du responsable des tueries, qu’il ait privilégié la voie de la négociation, qu’il ait

quitté les lieux dans un autre véhicule que lui, et qu’il n’ait pas partagé la bière avec les

tueurs permet de douter de la thèse selon laquelle il aurait agi en concertation avec eux. Il

apparaît qu’il n’a pas lancé l’attaque en question mais qu’au contraire, il a tenté d’en secourir

les victimes.

- Le Tribunal ne pouvait valablement se fonder sur les seules déclarations des parties civiles.

Leurs accusations selon lesquelles le prévenu aurait participé à la sélection des réfugiés à tuer

au stade peuvent d’autant moins êtres tenues pour probantes qu’elles sont contredites par les

témoignages de rescapés qui s’y trouvaient, témoins à décharge qui n’avaient pas été

entendus.

En l'absence de preuve fournies par le Ministère Public et les parties civiles, il subsiste un doute

sur la culpabilité de l'appelant; il est acquitté de l'ensemble des infractions mises à sa charge.

Page 259: ASF_JurisprudenceGénocide_3

RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999

RP 001/97/CSC CA CYANGUGU

RPA 003/R1/97

259

(Traduction libre) 1

er feuillet.

LA COUR D’APPEL DE CYANGUGU, Y SIEGEANT EN MATIERE DE GENOCIDE

OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE COMMIS A PARTIR DU 1er

OCTOBRE

1990, A RENDU AU DEGRE D’APPEL EN DATE DU 06/07/1999, L’ARRET DONT LA

TENEUR SUIT:

EN CAUSE: Le Ministère Public

CONTRE :

MUNYANGABE Théodore fils de SEBUHORO Innocent et de NYIRABIJE Anathalie, né dans

la cellule NYAMAVUGO, secteur BUNYANGURUBE, commune GAFUNZO, préfecture

CYANGUGU.

La Cour d'appel,

Vu que cette affaire a été déférée au premier degré à la Chambre spécialisée du Tribunal de

Première Instance de CYANGUGU en date du 27/01/1997, mettant en cause le Ministère Public

contre MUNYANGABE Théodore poursuivi pour:

1. Avoir, à KARAMBI, secteur CYATO, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU,

République Rwandaise, en date du 10/04/1994, incité la population à commettre le crime de

génocide, infraction prévue par la Convention du 09/12/1948 relative à la prévention et à la

répression du crime de génocide, la Convention du 26/11/1968 sur l'imprescriptibilité des

crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, infraction également prévue et réprimée par

les articles 2 et 14 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des

poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l'humanité.

2. Avoir, à MIBIRIZI, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU, République

Rwandaise, en date du 18/04/1994, encadré et supervisé le génocide, infraction prévue et

réprimée par ;

a) la Convention du 09/12/1948 relative à la répression du crime de génocide et la

Convention du 26/11/1968 sur l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes

contre l'humanité;

b) les articles 2 et 14 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des

poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou des crimes contre

l'humanité.

1. Avoir, à SHANGI, commune GAFUNZO, préfecture CYANGUGU, République Rwandaise,

en date du 27/04/1994, et au Stade KAMARAMPAKA, commune KAMEMBE, en date du

16/04/1994, pris part au crime de génocide comme coauteur, infraction prévue et réprimée

par :

a) la Convention du 09/12/1948 et celle du 26/11/1968 ;

b) les articles 2 et 14 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 ;

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RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999

RP 001/97/CSC CA CYANGUGU

RPA 003/R1/97

260

2ème

feuillet.

1. Avoir, au Stade KAMARAMPAKA, commune KAMEMBE, préfecture CYANGUGU,

République Rwandaise, en date du 16/04/1994, à MIBIRIZI, commune CYIMBOGO,

préfecture CYANGUGU, République Rwandaise, en date du 18/04/1994, ainsi qu’à

SHANGI, commune GAFUNZO, préfecture CYANGUGU, République Rwandaise, en date

du 27/04/1994, été coauteur dans les crimes d'assassinats, infraction prévue et réprimée par

les articles 89, 91, et 312 du Code pénal rwandais ;

2. Avoir, à KARAMBI, secteur CYATO, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU,

République Rwandaise, en date du 10/04/1994, été coauteur dans des actes de dévastation du

pays par les massacres et le pillage, infraction prévue et réprimée par les articles 89, 91 et 168

du Code pénal rwandais ;

3. Avoir, au Stade KAMARAMPAKA, commune KAMEMBE, préfecture CYANGUGU,

République Rwandaise, en date du 16/04/1994, et à SHANGI, commune GAFUNZO,

préfecture CYANGUGU, République Rwandaise, en date du 27/04/1994, fait partie des

associations de malfaiteurs dont le but était de porter atteinte aux personnes, infraction

prévue et réprimée par les articles 281 et 282 du Code pénal ;

4. Avoir, à KARAMBI, secteur CYATO, commune CYIMBOGO, préfecture CYANGUGU,

République Rwandaise, en date du 10/04/1994, provoqué des troubles dans le but de soulever

les citoyens les uns contre les autres, infraction prévue et réprimée par l'article 166 du Code

pénal ;

5. Avoir, à CYANGUGU, République Rwandaise, en date du 18/04/1994, lors d’une réunion

qui a eu lieu au bureau de la préfecture, et à SHANGI, commune GAFUNZO, préfecture

CYANGUGU, République Rwandaise, en date du 27/04/1994, omis volontairement de porter

aux personnes en péril l'assistance que, sans risque pour lui ni pour les tiers, il pouvait leur

prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours, infraction prévue et

réprimée par l'article 256, 2° du Code pénal rwandais ;

Vu que l'affaire a été inscrite au rôle sous le n° RP 001/97/S2/CSC, qu’elle a été appelée aux

audiences respectives des 14/02/1997, 17/02/1997 et 18/02/1997 et que le jugement a été

prononcé en audience publique du 26/02/1997 de la manière suivante :

"Déclare que les infractions mises à charge de MUNYANGABE Théodore sont en concours

idéal et en concours réel et qu'elles ont été commises dans l’intention délictueuse unique du

génocide, que la peine encourue est celle prévue pour l'infraction la plus grave et ce, en vertu de

l'article 18 de Loi organique n° 08 du 30/ 08/1996 ;

"Déclare que les actes d’incitation de la population aux massacres et au génocide alors qu’il était

une autorité au niveau préfectoral rangent MUNYANGABE dans la première catégorie sur base

de l'article 2 a, b de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 ;

"Déclare que MUNYANGABE Théodore perd la cause ;

"Le condamne à la peine de mort et à la dégradation civique prévue à l'article 66, 2°, 3° et 4° du

Code pénal rwandais ;

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RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999

RP 001/97/CSC CA CYANGUGU

RPA 003/R1/97

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"Le condamne au payement des dommages intérêts comprenant les dommages moraux et les

dommages matériels dont le montant total s’élève à 34.200.000 Frw, dans le délai légal, sinon

exécution forcée sur ses biens;

3ème

feuillet.

"Le condamne à 79.300Frw de frais de justice payables dans le délai légal sinon exécution forcée

sur ses biens ;

"Le condamne au payement de 1.368.000Frw représentant le droit proportionnel de 4% dans le

délai légal sinon exécution forcée sur ses biens ;

Attendu que MUNYANGABE Théodore, non satisfait de ce jugement, a interjeté appel à la Cour

d'appel de CYANGUGU le 11/03/1997, que cet appel a été inscrit au rôle sous le n° RPA

003/R1/97 ;

Vu l'ordonnance du Président de cette Cour prise en date du 09/07/1998 et fixant la date

d’audience au 07/09/1998, que le Ministère Public n'ayant pas encore transmis ses conclusions à

cette date, l'affaire est renvoyée au 16/12/1998, date à laquelle l'Officier du Ministère Public, par

requête écrite, demande que l'audience soit encore reportée pour lui permettre d’effectuer une

enquête, ceci coïncidant avec la requête également écrite portant sur la même demande par le

Conseil de MUNYANGABE, que l'audience est par la suite successivement remise aux dates des

19/02/1999, 30/04/1999, 15/05/1999, 28/05/1999 et enfin au 29/06/1999, date à laquelle la Cour,

statuant sur pièces, examine les conclusions écrites du Ministère Public qui, estimant l'appel de

MUNYANGABE régulier parce qu’interjeté dans les délais légaux, considère cependant que la

loi a été respectée et qu'il n’y a pas eu d'erreur de fait flagrante, demandant ainsi à la Cour de

déclarer cet appel irrecevable en la forme et de ne point statuer sur le fond ;

Attendu que dans ses conclusions, Maître Etienne BALLO, Conseil de MUNYANGABE, dit que

l'appel de MUNYANGABE est intervenu dans le délai de 15 jours et qu'il doit être examiné aux

motifs qu’il y a eu violation du droit du prévenu d’être assisté par un défenseur de son choix et

que le Tribunal n’a pas fait droit à sa demande de faire entendre les témoins présentés à sa

décharge, mais que les témoins à charge ont été admis à faire leurs dépositions alors qu’ils

avaient suivi en audience les moyens de défense de l'intéressé, que le Tribunal n’a pas motivé sa

décision, qu’il a statué "ultra petita" et modifié les témoignages en attribuant à leurs auteurs des

déclarations qu’ils n’ont pas faites en audience publique ;

Attendu que dans ses conclusions, MUNYANGABE Théodore dit que ceux qui l'accusent ne

rapportent pas de preuves à l'appui de leurs affirmations, qu'il a au contraire fait échec à une

attaque qui était menée à KARAMBI, qu’il a également essayé de faire de même à MIBIRIZI

mais a échoué à cause de BANDETSE qui est arrivé en tirant alors qu’il n’était point de

connivence avec lui, que c'est pour leur sécurité qu'il a conduit à CYANGUGU en date du

20/04/1994 les personnes qui se trouvaient à SHANGI et que cela a réussi comme le confirment

quelques-unes d'entre elles, qu'il n'a jamais été au stade KAMARAMPAKA au moment du triage

des victimes à tuer ;

Attendu également qu’en résumé, MUNYANGABE Théodore invoque dans ses conclusions les

moyens ci-après :

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- qu'il ne s'est pas rendu à KARAMBI en date du 10/04/1994 mais qu’il y était plutôt le

09/04/1994 et qu'il n'a tenu aucun discours malveillant,

- que ceux qui le mettent en cause sont des parties civiles qui intentent contre lui une

action en dommages et intérêts, que leurs déclarations sont non seulement divergentes

mais sont aussi contradictoires alors qu’ils affirment avoir appris les faits de la même

source d’information, MUKANTAMATI reconnaissant ne pas en avoir entendu parler

elle-même tandis que MUKARUTAZA Léocadie et NSABIMANA Berchmans ont

inventé les faits qu’ils ont déclarés au Tribunal sans en avoir parlé lors de leur

interrogatoire au parquet,

- qu’il est allé à SHANGI parce que les sœurs religieuses avaient requis l’intervention des

autorités et qu’il leur a envoyé des gendarmes en vue du maintien de la sécurité comme

l’affirment d’ailleurs quelques-uns de ceux qui le mettent en cause à l’exemple de

MUKAMUGEMA Francine et de l’Officier du Ministère Public, cela étant la preuve qu'il

ne voulait pas y semer des troubles,

- qu'il n'a eu aucune part de responsabilité dans les massacres du 18/04/1994 commis à

l’encontre des personnes qui avaient cherché refuge à MIBIRIZI, qu'il y avait été envoyé

par le conseil de sécurité préfectoral, suite à la demande de secours formulée par les

responsables de la paroisse en faveur de ces personnes,

4ème

feuillet.

- Qu'il est allé là en compagnie de Pierre KWITONDA seul et que BANDETSE et NGAGI

les y ont rejoints, qu’ils ignoraient d’où venaient les intéressés et n’étaient pas de

connivence avec eux comme l'affirment ceux qui le chargent dont l’Abbé MUCYO,

TWAHIRWA et les autres,

- Qu'il a, en compagnie de l’Abbé BONEZA Joseph qui hébergeait ces réfugiés, procédé à

des négociations avec les auteurs de l’attaque étant donné que c’était la seule voie

possible, et que c’est l’Abbé BONEZA qui a demandé que ces réfugiés retournent dans

l’enceinte de la paroisse tel que confirmé par la déclaration de TWAHIRWA,

- Que c'est BANDETSE Edouard et NGAGI qui ont été à l’origine des massacres car ils

sont arrivés en tirant au moment où il était en train de négocier avec les assaillants qui

étaient prêts à revenir à la raison,

- Qu'il n'était pas en collusion avec les auteurs de l’attaque car il n'aurait pas commencé par

négocier avec eux pendant tout ce temps si tel avait été le cas,

- Que l’Officier du Ministère Public n’a rapporté aucune preuve que le but de la réunion du

conseil de sécurité préfectoral du 18/04/1994 était d’organiser le génocide comme il l'a

dit au Tribunal, le procès-verbal de cette réunion pouvant être retrouvé au Ministère de

l'Intérieur,

- Qu'il ne s'est pas rendu à MIBIRIZI en date du 20/04/1994, cela étant confirmé par

NKURUNZIZA qui le charge cependant, ainsi que par les rescapés des massacres

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commis à SHANGI qui affirment qu’il se trouvait plutôt à SHANGI à cette date, qu'il

n'était pas non plus à SHANGI en date du 27/04/1994 comme RUTABURINGOGA l’a

affirmé par erreur,

- Qu'il n'a pas commis d'infractions en date du 20/04/1994 à l’encontre des personnes qui

avaient trouvé refuge à SHANGI car, s’y étant rendu à la demande des sœurs religieuses,

il a pu, par la voie des négociations, faire échec à l’attaque qui s'y préparait,

- Que le fait d'amener à CYANGUGU 40 de ces personnes qui avaient cherché refuge à

SHANGI était motivé par le souci de protéger celles qui sont restées sur place, que c’est

parce qu’il estimait que rien ne leur arriverait qu'il a accepté de les y évacuer après leur

avoir expliqué qu'il allait les conduire au stade KAMARAMPAKA où se trouvaient

d'autres réfugiés, jugeant que leur sécurité serait assurée par les gendarmes,

- Qu’il est de notoriété publique que RWIGARA Samuel a été tué à son domicile et enterré

dans sa parcelle, qu’il n’avait aucune raison de le séparer des autres,

- Qu'il n'a jamais trié des victimes à tuer parmi les personnes qui avaient cherché refuge au

stade, qu'il n'est mis en cause pour cette infraction que par deux personnes avec qui il est

en litige, l’une d’elles n’ayant pas comparu au Tribunal pour témoigner car elle savait

qu'il s'agit d'un mensonge,

- Que c’est par crainte de la manifestation de la vérité que le parquet et le Tribunal ont

refusé d'entendre les personnes qui étaient sur les lieux des faits et qui ont vu tout ce qui

s'y est passé, notamment un agent de la Croix-Rouge qui enregistrait toutes les personnes

qui y cherchaient refuge ainsi que quelques uns des rescapés qu'il a présentés comme

témoins à décharge, de même que les responsables du Centre pastoral, qu'en outre, le

parquet a mal interprété le témoignage de KAMONYO, essayant par là de conclure à sa

culpabilité,

- Que le Tribunal a commis plusieurs erreurs de faits flagrantes notamment en allouant des

dommages intérêts aux personnes n’ayant été victimes d’aucune infraction, aux

bénéficiaires qui ne se sont pas constitués parties civiles (à l’exemple de HABINEZA

J.B), et en accordant plus qu'il n’a été demandé, le Tribunal ayant alloué à TWAHIRWA

des dommages intérêts de deux millions de francs alors qu’il n’a réclamé qu’un million,

- Que l’absence de la copie d'assignation dans le dossier prouve que la procédure n’a pas

été respectée,

- Qu'il a communiqué au Tribunal la liste des témoins qu’il souhaitait faire entendre mais

que cela n'a pas été fait,

Attendu que les conclusions du Ministère Public renferment les moyens ci-après:

5ème

feuillet.

- Que le Tribunal de Première Instance a accordé à MUNYANGABE Théodore

suffisamment de temps pour présenter ses moyens de défense,

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- Que MUNYANGABE Théodore, BANDETSE Edouard et KWITONDA Pierre ont agi

comme coauteurs car ils avaient tous l’intention d'exterminer les Tutsi qui avaient

cherché refuge à la Paroisse de MIBIRIZI, surtout que c'est MUNYANGABE qui, par

ruse, a détourné les Tutsi de leur point stratégique ( où ils avaient amassé des pierres dont

ils devaient se servir pour repousser ceux qui les ont attaqués) sous prétexte de

négociations, ce qui a permis à BANDETSE et d'autres assassins de les attaquer et les

exterminer, que partant, le moyen invoqué par MUNYANGABE selon lequel le Tribunal

l’a condamné pour des infractions qui ont été commises par d'autres et qui par conséquent

devraient en répondre n’est pas fondé,

- Qu'il ne peut pas se prévaloir d’avoir été privé du droit de répliquer aux dépositions faites

au Tribunal par les témoins présentés par le Ministère public, car il revient au Tribunal

d’apprécier l’admissibilité et la pertinence des témoignages;

- Que MUNYANGABE ment en disant que le Tribunal a omis délibérément d'entendre les

témoins présentés à sa décharge car le Tribunal n’avait aucune raison de refuser de les

entendre ;

- Que MUNYANGABE disposait de beaucoup de moyens pour empêcher la perpétration

des tueries en raison de sa qualité d’autorité au niveau préfectoral qui était fort apprécié

tant par les instances dirigeantes que par la population, si bien que c’est lui qui était

envoyé là où il y avait des difficultés dans l'extermination des Tutsi et en revenait après

avoir résolu ces difficultés,

- Qu’aucune des huit infractions à sa charge n’est dépourvue de preuve irréfutable, que

partant tous les moyens d'appel de MUNYANGABE sont non fondés,

- Que relativement au moyen invoqué par le Conseil de MUNYANGABE qui dit que les

droits de la défense ont été bafoués en ce que son client n’a pas été assisté par un

défenseur de son choix, le Ministère Public estime que lors du procès de

MUNYANGABE, la route menant à CYANGUGU n'était pas fréquentée à cause de

l'insécurité qui régnait dans la région;

- Qu’il n’est pas fondé de dire que son client n’a pas été informé des préventions mises à sa

charge ainsi que de la date et du lieu des faits incriminés, car MUNYANGABE a eu

toutes ces informations tant sur la citation à comparaître que dans la copie du jugement,

- Que le moyen arguant de la modification des témoignages par le Tribunal n’est pas fondé

car celui-ci ne saurait être partial jusqu’à déformer les témoignages reçus en audience

publique,

- Qu’est également non fondé le moyen selon lequel le Tribunal a statué "ultra petita" en

condamnant MUNYANGABE pour des infractions n’ayant pas été mentionnées sur la

citation à comparaître car le prévenu a été poursuivi du chef de huit préventions sur

lesquelles il a présenté sa défense pendant huit jours, que le fait pour le Conseil de

MUNYANGABE de se fonder sur les dates des faits n’apporte aucun changement sur les

actes pour lesquels MUNYANGABE est poursuivi et ne les réfute nullement, sinon en

donner une autre image,

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- Qu’ainsi, par ces motifs, l'appel de MUNYANGABE est régulier car interjeté dans les

délais, mais qu’il n’est pas fondé et qu’à cet égard, le jugement querellé doit être

confirmé ;

Attendu que dans ses conclusions, l'Officier du Ministère Public dit qu’il n’y a pas lieu

d’examiner le témoignage écrit de KAMATALI Daniel au motif que, comme il l’a déjà dit dans

ses conclusions précédentes, la loi a été respectée et qu’il n'y a pas eu d'erreur de fait flagrante,

que dans ce témoignage, KAMATALI Daniel parlait des bienfaits de MUNYANGABE à leur

égard quand ils étaient à SHANGI, affirmant qu'il les a défendus pour qu’ils ne soient pas tués et

ce, même après leur arrivée à CYANGUGU;

Constate que MUNYANGABE Théodore a été privé du droit d’être assisté par un avocat de son

choix tel que prévu à l'article 36 de la Loi organique du 30/08/1996 car, il ressort du procès-

verbal d’audience du 14/02/1997, que le Tribunal a refusé de faire droit à sa demande de report

d’audience en vue de lui permettre de plaider en présence de son Conseil ;

6ème

feuillet.

Constate que la Chambre spécialisée du Tribunal de Première Instance a condamné

MUNYANGABE Théodore à la peine de mort sans avoir préalablement indiqué les infractions

établies à sa charge, et l'a condamné également au payement des dommages intérêts comprenant

des dommages moraux et matériels s’élevant à 34.200.000Frw sans en préciser les bénéficiaires

et le fondement, qu'il y a eu ainsi violation de la loi et que des erreurs flagrantes de faits ont été

commises, que partant, il doit être statué sur le fond de cet appel du prévenu ;

Constate que contrairement à l’accusation du Ministère Public et à la condamnation consécutive

prononcée par le Tribunal, MUNYANGABE ne s'est pas rendu à KARAMBI en date du

10/04/1994 pour inciter la population à commettre le génocide car, comme le confirment des

témoins dont le nommé MUGENZI qui met le prévenu en cause, l’intéressé se trouvait à

SHANGI à la date indiquée, le Ministère Public ayant été en défaut de prouver que

MUNYANGABE se trouvait simultanément à KARAMBI et à SHANGI à cette date et aux

mêmes heures ;

Constate que le prévenu est arrivé à KARAMBI le 09/04/1994 car sa déclaration concorde à ce

sujet avec celles des plaignants figurant dans la lettre du14/03/1995, mais qu'aucune preuve ne

vient étayer que des discours tendant à soulever les citoyens les uns contre les autres y ont été

prononcés à cette date ou qu'il y a eu des tueries car c'est à cette même date qu'il y a affecté des

gendarmes en vue du maintien de la sécurité, et que par ailleurs, il est clair que le contenu de la

lettre du 14/03/1995 à sa charge ne relève que d’une pure invention dès lors qu’il diffère des

déclarations faites devant l’Officier du Ministère Public par quelques-uns de ses signataires à

l’exemple de MUKAMUGEMA Francine, MUKAYITESI Immaculée et d’autres, certains ayant

affirmé ne pas avoir quitté le milieu rural et ne rien savoir sur les tueries qui ont eu lieu à

MIBIRIZI, tout comme ils ne connaissent pas autrement MUNYANGABE Théodore sinon qu'ils

ont entendu dire que l’intéressé était Sous-Préfet ;

Constate que c’est en date du 08/04/1994 que MUNYANGABE Théodore s'est rendu à

MIBIRIZI comme l'affirme l’un des prêtres qui étaient à MIBIRIZI en la personne de l’Abbé

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MUCYO Antoine qui déclare qu'une attaque y a été menée à cette date, et qu'ils ont directement

téléphoné au Préfet BAGAMBIKI Emmanuel qui a envoyé le Sous-Préfet MUNYANGABE

Théodore en compagnie du Député KWITONDA Pierre, cela étant également confirmé par la

Sœur Maman Adeline MUKAZANA dans son témoignage écrit du 03/06/1997 qui déclare que le

prêtre BONEZA et les sœurs religieuses de MIBIRIZI lui ont téléphoné, lui apprenant qu'ils

étaient assiégés par une attaque d’envergure, qu'elle en a elle aussi directement avisé le Préfet

par téléphone, qu’il lui a répondu que cette demande de secours était bien parvenue à destination

et qu'il allait y avoir une intervention, que le conseil de sécurité a alors décidé d'envoyer

MUNYANGABE Théodore et sa suite, qu'ainsi donc l'attaque était déjà en cours sur les lieux et

n’y a pas été menée par MUNYANGABE Théodore qui n’est intervenu que pour porter secours,

que par ailleurs, la Cour ne peut se fonder sur aucun élément de preuve pour affirmer que le

conseil de sécurité a envoyé le prévenu avec mission d’exterminer ceux qui avaient demandé

secours, le Ministère Public lui-même qui l'affirme n'ayant pas pu produire le procès-verbal dudit

conseil de sécurité pour en établir la preuve ;

Constate que MUNYANGABE Théodore a été envoyé en qualité de délégué de l’autorité

préfectorale, que KWITONDA Pierre représentait le parti politique MDR tandis que

BANDETSE Edouard représentait la formation politique du MRND, mais qu'ils ne sont pas

partis à bord d’un même véhicule et qu'ils ne sont pas arrivés en même temps sur les lieux ;

Constate que MUNYANGABE et KWITONDA sont arrivés à la paroisse de MIBIRIZI en

avance et que, après concertation avec le Curé de la paroisse en la personne de l’Abbé BONEZA

Joseph qui hébergeait les personnes menacées, et après avoir examiné comment empêcher les

miliciens Interahamwe d’exterminer ces personnes, ils ont opté pour la négociation car elle était

la seule voie possible dès lors qu’ils n’avaient pas à leur disposition des forces de sécurité et

encore moins d’autres moyens, quelques-unes des personnes rescapées, dont notamment la

nommée NYIRAZANINKA, ayant confirmé que l’intéressé prêchait la paix à son arrivée et que

c’est pour cette raison qu’elles ont d’ailleurs accepté de se regrouper dans l’enceinte de la

paroisse sur proposition du curé, qu'il subsiste ainsi un doute quant à la mauvaise foi prétendue

dont MUNYANGABE Théodore aurait usé pour rassembler les victimes afin de les exterminer ;

7ème

feuillet.

Constate qu’au moment où MUNYANGABE Théodore essayait de convaincre les auteurs de

l’attaque de renoncer à leur projet criminel et d’adopter une attitude pacifique en vue de la

restauration de la sécurité, BANDETSE Edouard, également envoyé pour la pacification, est

arrivé par après en compagnie du nommé NGAGI qui ne faisait point partie des membres de la

délégation, qu’ils ont directement tiré sur les victimes sans rien dire à MUNYANGABE et

KWITONDA ou aux prêtres qui hébergeaient ces réfugiés, que MUNYANGABE et

KWITONDA se sont immédiatement sauvés et ont regagné CYANGUGU pour en faire part à

l’autorité, et que quand MUNYANGABE l'a dit au préfet, celui-ci lui a répondu avoir déjà appris

la nouvelle ;

Constate que, MUNYANGABE Théodore et BANDETSE Edouard n’étant pas partis à bord d’un

même véhicule, que les deux n'ayant pas regagné CYANGUGU ensemble, que MUNYANGABE

et KWITONDA Pierre n'ayant pas partagé avec BANDETSE Edouard les boissons que ce dernier

a offert à ceux qui venaient de l'aider dans ses actes ignobles, dont le nommé NGAGI qui n’était

pas membre de la délégation et qui a été le premier à tirer sur les victimes, il subsiste un doute

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sérieux sur la connivence prétendue entre le prévenu et ces tueurs, surtout que le lendemain des

faits, MUNYANGABE a téléphoné à l’Abbé BONEZA Joseph pour lui dire qu’il avait passé une

nuit blanche, bouleversé par les massacres des victimes innocentes, ce sentiment ayant par

ailleurs été confirmé par l’Abbé Antoine MUCYO qui s’est entretenu avec l’intéressé à ce sujet

quand ils se sont rencontrés à KIGALI, entretien au cours duquel le prévenu a également dit à

l’Abbé Antoine MUCYO qu’il a été aussi fortement ébranlé par l’assassinat de l’Abbé

BONEZA ;

Constate que, contrairement aux accusations portées contre lui, MUNYANGABE Théodore n'est

pas retourné à MIBIRIZI le 20/04/1994 pour prendre part aux actes d'assassinats, cela étant

prouvé par les témoignages des personnes qu'il a amenées de SHANGI à cette date, dont

NKURUNZIZA J. Pierre ;

Constate qu’à cette date du 20/04/1994, MUNYANGABE Théodore a été envoyé à SHANGI

suite à l’appel au secours adressé à l’autorité préfectorale par les Sœurs religieuses et qu’il a, à

son arrivée sur les lieux, dirigé une réunion au cours de laquelle il a été décidé d’évacuer à

CYANGUGU les personnes que les miliciens Interahamwe accusaient ouvertement d’être en

possession d’armes fournies par les INYENZI/INKOTANYI et de créer un climat d’insécurité en

milieu rural pendant la nuit, car on était en droit de croire qu’elles seraient en sécurité au stade

KAMARAMPAKA de CYANGUGU qui était gardé ;

Constate que toutes les 40 personnes que MUNYANGABE a amenées de SHANGI au stade

KAMARAMPAKA ont échappé au génocide comme le confirment KAMATALI Daniel et

NKURUNZIZA J. Pierre, ainsi que d'autres qui étaient avec eux ;

Constate que ce n’est pas en date du 27/04/1994 que MUNYANGABE est allé à SHANGI d'où il

a amené 40 personnes, que cela a plutôt eu lieu le 20/04/1994 comme le confirment les

intéressés, que ce n'est pas non plus MUNYANGABE Théodore qui les a choisies parmi les

autres, mais qu'elles ont été citées par ceux qui, étant à la tête de l’attaque, voulaient s’en prendre

à elles, tout cela ayant été confirmé par RUTABURINGOGA Aloys dans son audition du

17/01/1997 par l’Officier du Ministère Public et par le rescapé RUDAKUBANA Ephrem qui ont

affirmé tous que c’est grâce au Sous-préfet MUNYANGABE qu’ils ne sont pas morts car, non

seulement il les a évacués de SHANGI, mais il les a également sortis de la brigade de RUSIZI où

ils étaient détenus et battus, pour les conduire au stade KAMARAMPAKA où ils ont pu

échapper aux massacres ;

Constate que BUSHIRU Gaëtan est partie adverse de MUNYANGABE à qui il réclame des

dommages matériels suite à la perte de ses biens qui ont été soit endommagés soit pillés par les

miliciens Interahamwe, et qu'à cet égard, il affirme l'avoir vu au stade KAMARAMPAKA en

date du 16/04/1994 en compagnie du préfet et d’autres en train de trier les victimes à tuer, mais

qu’il n’en rapporte pas la preuve surtout que MUNYANGABE réfute les faits et que, tout en

reconnaissant avoir été au stade à trois reprises, il en indique les raisons précises à savoir

accompagner le délégué du CICR venu de BUKAVU, y conduire les personnes qu’il venait

d’évacuer de SHANGI, et y chercher les clés de l'Ecole Normale Pédagogique de MURURU qui

étaient entre les mains de la secrétaire de cette école qui y avait cherché refuge, que le voisin et

ami de BUSHIRU en la personne de KAYUMBA Sébastien met lui aussi le prévenu en cause

sans pouvoir cependant rapporter la preuve que l’intéressé est arrivé au stade KAMARAMPAKA

en date du 16/04/1994

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8ème

feuillet.

en compagnie des personnes qui, semble-t-il, étaient envoyées par le conseil de sécurité de la

préfecture pour trier les victimes à tuer, car il est établi que la réunion dudit conseil de sécurité

s’est tenue le 18/04/1994, date à laquelle MUNYANGABE a été envoyé à MIBIRIZI ;

Constate que MUNYANGABE nie avoir été au stade le 16/04/1994 et a présenté des témoins qui

étaient au stade à cette époque dont GATETE Gilbert mais qui n'ont pas été entendus, que dans

son témoignage écrit du 17/06/1994, le Sous-Préfet KAMONYO affirme que MUNYANGABE

ne faisait pas partie des personnes qui sont allées au stade pour trier les victimes à tuer ;

Constate que les parties civiles ont été présentées comme témoins à charge et que c’est sur base

de leurs témoignages que le Tribunal a rendu un jugement de condamnation à l’encontre de

MUNYANGABE Théodore, qu'il est clair que le Ministère Public et les parties civiles n’ont pas

rapporté la preuve de la culpabilité de MUNYANGABE, à l’exemple du nommé SIBOMANA

Charles, né à MURURU, commune CYIMBOGO qui, tout en affirmant faire partie des

personnes qui avaient cherché refuge à SHANGI quand MUNYANGABE s’y est rendu en date

du 20/04/1994, n’a cependant pas été interrogé par le Ministère Public et n’a pas été entendu lors

des débats en audience publique, qui n'a comparu qu'à la date où il a réclamé les dommages

intérêts alors qu’il ne s’était pas constitué partie civile, et dont le nom a été enregistré en bas de

la déclaration de NZISABIRA Joseph tout en apposant sa signature à la place réservée à

NGARAMBE Alphonse à cet effet ;

Constate que, tel que cela a été confirmé par ses voisins, RWIGARA Samuel qui faisait partie

des personnes que MUNYANGABE a évacuées de SHANGI a débarqué du véhicule qui les

transportait à CYANGUGU et que, arrivé chez lui en milieu rural, il a été tué par les miliciens

Interahamwe ;

Constate que la raison pour laquelle MUNYANGABE n'a pas laissé NKURUNZIZA J. Pierre en

chemin est qu'il n'y avait pas de sécurité, que c'est pourquoi il a demandé qu'ils partent à bord

d’un même véhicule alors que toutes les personnes qui étaient pourchassées se dirigeaient dans

leur fuite au stade où elles espéraient se retrouver en sécurité, que s'il avait voulu le tuer ou le

faire tuer, il ne l’aurait pas conduit jusqu’à l’endroit où d'autres réfugiés s’étaient rassemblés

sous l'assistance de la Croix Rouge (CICR) ;

PAR TOUS CES MOTIFS, STATUANT SUR PIECES ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise, spécialement les articles 25, 26 et 33 du

Protocole des Accords de paix d'Arusha sur le partage du pouvoir, et les articles 12,14 de la

Constitution de la République Rwandaise du 10/06/1991 ;

Vu le Décret-loi n° 09/80 du 07/07/19980 portant organisation et compétence judiciaires,

spécialement en ses articles 13, 18, 109, 199 et 200 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,

spécialement en ses articles 16, 19, 20, 83, 86 ;

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269

Vu la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l'organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l'humanité commises depuis le

01/10/1990, spécialement en ses articles 24,36 et 39 ;

9ème

feuillet.

Déclare recevable l'appel de MUNYANGABE Théodore car interjeté dans les délais légaux et

déclare qu’il doit y être statué sur le fond car il est fondé sur les questions de droit, l’intéressé

ayant été privé du droit d'être assisté par un défenseur de son choix, ainsi que sur des erreurs de

faits flagrantes consistant en la condamnation du prévenu sans que le Tribunal se soit d’abord

prononcé sur les infractions établies à sa charge et en la condamnation au payement de

34.200.000Frw de dommages intérêts sans indiquer les bénéficiaires et le fondement de ces

dommages et intérêts ;

Déclare que MUNYANGABE Théodore s'est rendu à KARAMBI le 09/04/1994 et y a laissé les

gendarmes chargés d’assurer la sécurité comme dit dans les exposés des motifs, et qu’en date du

10/04/1994, il était à SHANGI comme l'ont confirmé les témoins dont le sieur MUGENZI

Epimaque qui témoigne à sa charge;

Déclare que le 18/04/1994 MUNYANGABE Théodore s'est rendu à MIBIRIZI, non pour y

mener une attaque, mais pour aller au secours de ceux qui l’avaient demandé, et qu'il a essayé de

calmer les Interahamwe qui y menaient une attaque, ce qui laisse subsister un doute sérieux quant

à la connivence entre MUNYANGABE et ces miliciens, ainsi qu'avec BANDETSE Edouard,

dans le but de commettre les massacres ;

Déclare que le 20/04/1994 MUNYANGABE Théodore était à SHANGI dans la commune

GAFUNZO en réponse à l’appel au secours des sœurs religieuses qui hébergeaient les réfugiés

menacés par les Interahamwe, qu'il a, après y avoir dirigé une réunion de sécurité, évacué 40

réfugiés qui ont été conduits au stade KAMARAMPAKA à CYANGUGU où l’on espérait

qu’elles seraient en sécurité, qu'il n'est nullement arrivé à MIBIRIZI en commune CYIMBOGO à

cette date comme le confirment tous les rescapés qu’il a évacués de SHANGI;

Déclare que MUNYANGABE n'est pas allé au stade le 16/04/1994 en compagnie des personnes

qui ont trié les victimes à tuer, car BUSHIRU Gaëtan et KAYUMBA Sébastien n’en ont rapporté

aucune preuve ;

Déclare MUNYANGABE Théodore acquitté des infractions mises à sa charge pour défaut de

preuves et au bénéfice d’un doute sérieux ;

Déclare non fondée l’action civile intentée en cette affaire ;

Déclare que MUNYANGABE Théodore obtient gain de cause, que le Ministère Public perd la

cause et que les parties civiles sont déboutées;

Dit que les frais de justice sont mis à charge du Trésor public;

Dit que le jugement R.P.001/97/CSC rendu par la Chambre spécialisée du Tribunal de Première

instance de CYANGUGU en date du 26/02/1997 est infirmé;

Page 270: ASF_JurisprudenceGénocide_3

RMP.78.302/S2/NY.V/KRL ARRET DU 06/07/1999

RP 001/97/CSC CA CYANGUGU

RPA 003/R1/97

270

AINSI ARRETE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE DU 06/07/1999 PAR LA

COUR D'APPEL DE CYANGUGU, STATUANT SUR PIECES, DONT LE SIEGE EST

COMPOSE DE : NZABONIMANA Cassien, PRESIDENT, MANGARA Pontien, VICE-

PRESIDENT, ET RUDAHANGARA Jean, CONSEILLER, EN PRESENCE DE

L'OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC RUSHINGANA Justin ET DU GREFFIER

GATERA NYAKAGABO Charles.

Vice-Président Président Conseiller

MANGARA Pontien NZABONIMANA Cassien RUDAHANGARA Jean

Sé Sé Sé

Greffier

GATERA NYAKAGABO Charles

Page 271: ASF_JurisprudenceGénocide_3

271

COUR D’APPEL

DE

DE KIGALI

Page 272: ASF_JurisprudenceGénocide_3

272

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273

N°14

Arrêt de la Cour d’appel de Kigali

du

26 décembre 2000.

Ministère Public C/ KAYIJUKA Célestin.

APPEL (DELAI ; RECEVABILITÉ ; ART. 24 L.O. 30/08/1996 ; ERREUR DE DROIT) –

ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET

283 CP) – CATEGORISATION (2ème

CATEGORIE : ART. 2 L.O. 30/08/1996) –

COMPLICITE (ARTS. 89 ET 91 CP) – CRIME DE GENOCIDE – CRIMES CONTRE

L’HUMANITE – DISJONCTION DE L’ACTION CIVILE – DROITS DE LA DEFENSE

– PEINE (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE ; DEGRADATION CIVIQUE) –

PROCEDURE D’AVEU DE PLAIDOYER DE CULPABILITE (DROIT D’ETRE

INFORME ; ART. 4 al.2 L.O.) – VIOLATION DE DOMICILE (ART. 304 C.P.).

1. Appel du prévenu – respect du délai légal (art. 24 L.O. 30/08/1996) - appel portant

sur une question de droit – défaut d’information du droit de recourir à la procédure

d’aveu et de plaidoyer de culpabilité (art.4 al.2 L.O. 30/08/1996) – appel recevable

(art.24 C.P.) – renvoi au Parquet pour respect du prescrit légal.

2. Examen au fond – refus de recourir à procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité

– droits de la défense – nouvelles conclusions.

3. Peine – absence de recours à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité –

appel non fondé - condamnation confirmée.

1. Est déclaré régulier quant aux délais, l’appel du prévenu intervenu 13 jours après le

prononcé du jugement. L’appel est recevable, le fait que ne figure pas au dossier la

preuve que le prévenu aurait été informé de son droit et de l’intérêt qu’il avait de

recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité constituant une erreur de

droit au sens de l’article 24 de la Loi organique du 30/08/1996. Le dossier est

renvoyé au Parquet, afin que le prescrit de l’article 4 al.2 de la Loi organique soit

respecté.

2. La Cour d’appel procède à l’examen du dossier au fond après que le prévenu ait

formellement refusé de recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité.

Après avoir entendu le rapport du Conseiller rapporteur, la Cour d’appel offre à la

défense la possibilité de déposer de nouvelles conclusions.

3. Aucune réduction de peine ne peut être accordée au prévenu reconnu coupable, dès

lors qu’ayant été admis à avouer et à plaider coupable, il y a renoncé. Le jugement du

Tribunal de première instance est confirmé.

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274

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R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000

R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

275

(Traduction libre)

1er

feuillet.

LA COUR D’APPEL DE KIGALI, SIEGEANT A KIGALI EN MATIERE DE

GENOCIDE OU CRIMES CONTRE L’HUMANITE A RENDU EN AUDIENCE

PUBLIQUE L’ARRET DONT LA TENEUR SUIT :

APPELANT : KAYIJUKA Célestin fils de MUTURA et MUKANDUTIYE, né en 1958 à

GAHENGERI – BICUMBI- KIGALI NGALI, marié à KABAGENI, père de 3 enfants, sans

antécédents judiciaires connus.

CONTRE : MINISTERE PUBLIC.

PREVENTIONS :

Avoir, dans le secteur GAHENGERI, Commune BICUMBI, Préfecture de KIGALI-NGALI,

République Rwandaise, entre Octobre 1990 et Juillet 1994, en compagnie de MUYANGE,

NDARUHUTSE, NZABONARIBA, GAHIGI et l’ex-conseiller NTIYAMIRA Denis non

autrement identifiés ainsi que d’autres, comme auteurs, coauteurs ou complices tel que prévu par

la Loi organique n°08/96 du 30/0/96 en son article 3 et par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal

livre I, commis le crime de génocide ou des crimes contre l’humanité prévus par la Convention

internationale du 09/12/1948 sur la répression du crime de génocide, la convention de Genève du

12/08/1949 sur la protection des personnes civiles en temps de guerre et les Protocoles

Additionnels, ainsi que par la Convention du 26/11/1968 sur l’imprescriptibilité des crimes de

guerre et des crimes contre l’humanité, toutes trois ratifiées par le Rwanda, infractions prévues et

réprimées par les articles 14 et 2 catégorie 1c de la Loi organique du 30/08/96 ;

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur ou complice tel que

prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, formé une association de malfaiteurs qui

se comportait en milice, infraction prévue et réprimée par les articles 282 et 283 du Code pénal

livre II ;

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, comme auteur ou complice,

volontairement commis des actes de participation criminelle dans l’assassinat de

RWASUBUTARE, MUHIRE, KABUBARE, MUKAGASANA, MUKANYARWAYA, Thérèse

et deux enfants, Collette, infraction prévue par les articles 89, 90, 91 du Code pénal livre I et 312

du Code pénal livre II ;

S’être, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, introduit dans les domiciles d’autrui

sans leur permission et hors les cas où la loi le permet, infraction prévue et réprimée par l’article

304 du Code pénal livre II ;

Page 276: ASF_JurisprudenceGénocide_3

R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000

R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

276

2ème

feuillet.

Vu qu’après l’instruction préparatoire par le parquet près le Tribunal de Première Instance de

KIGALI, le Premier Substitut a transmis au Tribunal pour fixation le dossier RMP

6219/S11/NG/PRORE à charge de KAYIJUKA, que l’affaire a été inscrite au rôle sous le

n°RP027/CS/Kig, que les débats en audience ont eu lieu le 30/09/1997 pour voir le jugement

prononcé en date du 24/10/1997 dans les termes ci-après ;

« Déclare recevable l’action du Ministère Public car régulière en la forme et la dit fondée ;

« Déclare établies à charge de KAYIJUKA les infractions qui lui sont reprochées ;

« Le condamne à la peine d’emprisonnement à perpétuité ;

« Le condamne à la dégradation civique prévue à l’article 66 points 2, 3, 5 du Code pénal à

savoir la privation du droit de vote, d’élection, d’éligibilité et, en général, de tous les droits

civiques et politiques et du droit de porter des décorations, l’incapacité d’être expert, témoin dans

les actes, et de déposer en justice autrement que pour donner de simples renseignements, la

privation du droit de port d’armes, du droit de servir dans les forces armées, de faire partie de la

police, de tenir école, d’enseigner et d’être employé dans aucun établissement d’instruction à titre

de professeur, de moniteur, de maître ou de surveillant ;

« Lui ordonne de payer 3.250 Frw de frais d’instance dans le délai légal et édicte une contrainte

par corps de 30 jours suivi de l’exécution forcée sur ses biens,

« Dit que le prononcé a lieu tardivement à cause du grand volume d’activités des juges ;

Vu qu’après notification du jugement aux parties, KAYIJUKA n’en a pas été satisfait et a relevé

appel à la Cour d’appel de KIGALI en date du 07/11/1997, que cet appel a été inscrit au rôle sous

le n° RPA 28/97/R1/Kig ;

Vu l’ordonnance du Président de la Cour d’appel de KIGALI fixant la date d’audience au

30/04/1998 ;

Vu que l’exploit de signification de cette date a été envoyé aux parties ;

Vu que l’audience n’a pas eu lieu à cette date et a été reportée au 18/06/1998 et au 30/07/1998

aux motifs respectifs de l’absence de l’Officier du Ministère Public et de non signification au

prévenu, qu’elle a été une fois encore reportée au 17/09/1998, mais qu’elle n’a pas eu lieu non

plus au motif que l’un des magistrats a été appelé à d’autres fonctions, qu’elle a été remise au

16/10/1998, date à laquelle le Ministère public est représenté par MUDAHERANWA S.J., le

Conseil du prévenu n’ayant pas comparu, que le Président du siège demande au greffier de faire

l’énoncé de l’identité du prévenu et des préventions à sa charge ;

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R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000

R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

277

3ème

feuillet.

Attendu que la parole est donnée au conseiller rapporteur qui dit que, par lettre n°A/25/RMP

6219/S11/NG/PRORE du 16/06/1997, le Premier Substitut Près le Tribunal de Première Instance

de KIGALI, KALISA Pascal, a transmis pour fixation le dossier RMP 6219/S11/NG/PRORE à

charge de KAYIJUKA C. lequel a été inscrit au rôle sous le n° RP 027/CS/KIG, que le Président

de la Chambre Spécialisée a pris l’ordonnance fixant la date d’audience au 20/08/1997, qu’a

cette date, le Ministère Public était représenté par KALISA Pascal mais que KAYIJUKA a

demandé le report d’audience en vue de lui permettre de chercher un conseil ;

Que l’audience a été reportée au 30/09/1997, qu’à cette date KAYIJUKA a comparu assisté par

Me Absi HAMANI, le Ministère public étant représenté par NZIBONERA, que Me Absi

HAMANI a sollicité la remise de l'audience au motif qu’il n’avait pas pu lire le dossier qui lui est

parvenu juste avant le début de l’audience et qu’il n’a pas pu s’entretenir avec son client

KAYIJUKA ;

Que le Tribunal a estimé non fondés les motifs invoqués et a décidé de siéger ;

Que l’audience a eu lieu à cette date et que, dans son jugement, le Tribunal s’est fondé sur les

motifs suivants ;

- Association de malfaiteurs ; cette infraction est établie à charge de KAYIJUKA car il a été vu

dans différentes attaques, dont les membres portaient des armes traditionnelles dont les

machettes et les massues, ceci étant affirmé par des témoins oculaires qui disent l’avoir vu en

compagnie des malfaiteurs, faits qu’il a initialement réfutés, mais a fini par reconnaître, lors

de l’enquête faite par le Tribunal, que ces malfaiteurs et lui se connaissaient, qu’ils étaient

d’ailleurs ses voisins.

- Participation criminelle dans l’assassinat de personnes, fait qu’il a avoué devant le Ministère

public mais qu’il a contesté en audience ; cette infraction est établie à sa charge car il a été

établi lors des enquêtes effectuées par le Tribunal, que KAYIJUKA a personnellement sorti

RWASUBUTARE de sa maison et que lui et ses coauteurs l’ont tué à coups de massues ; par

ailleurs, l’assassinat de MUKANYARWAYA Thérèse et son petit enfant, ainsi qu’un autre

enfant nommé KABWA est établi à sa charge étant donné que c’est lui qui les a dénichés

dans un champ de sorgho et les a tués après leur avoir pris un poste de radio tel que cela est

confirmé par la personne qui était cachée par l’épouse de KAYIJUKA et qui le voyait de très

près.

- Violation de domiciles : cette infraction est établie par le fait de sortir RWASUBUTARE de

sa maison et celui d’être allé chercher chez HABARUGIRA la nommée Florida, fille de

NAMANI, pour la tuer.

- Génocide : toutes ces infractions ayant été commises à l’encontre des Tutsi sans motif autre

que le but de les exterminer, l’infraction de génocide est établie à sa charge ; ces infractions

sont en concours et le rangent dans la deuxième catégorie, il doit ainsi être puni des peines

prévues à cet effet ; l’action civile est disjointe car KAYIJUKA n’est pas rattaché à la

première catégorie ;

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278

Attendu que le Conseiller rapporteur poursuit en parlant de l’appel et dit que l’affaire RP

027/CS/Kig est passée en audience du 13/10/1997, que le prononcé du jugement a eu lieu le

24/10/1997 ;

4ème

feuillet.

Que Me Daniel WEBER en a relevé appel par lettre du 06/11/1997 adressée au Président de la

Cour d’Appel, lettre reçue au greffe de la Cour en date du 07/11/1997, que cet appel de

KAYIJUKA a été inscrit au rôle sous le n° RPA 28/97/R1/Kig ;

Attendu qu’aux termes de l’article 24 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur

l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes

contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990, le délai d’appel contre les jugements

rendus par les Chambres spécialisées des Tribunaux de Premières Instance est de 15 jours, que

l’appel de KAYIJUKA a été inscrit au rôle de la Cour d’Appel de KIGALI 13 jours après le

jugement entrepris, qu’il n’est donc pas tardif ;

Attendu que concernant les moyens d’appel, le conseiller rapporteur dit que dans sa lettre du

06/11/1997, Me D.WEBER, Conseil de KAYIJUKA, promettait de communiquer les moyens

d’appel dès qu’il aurait à sa disposition la copie du jugement attaqué, et qu’en date du 23/04/98,

Me KONARE TIECORO a déposé les conclusions contenant leurs principaux griefs relatifs à la

violation des dispositions légales ci-après ;

- en vertu de l’article 4 alinéa 2 de la Loi n°08/96 du 30/08/96, l’Officier du Ministère Public

chargé de l’instruction devait informer KAYIJUKA C. de son droit et de l’intérêt de recourir

à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, et en faire mention dans un procès-

verbal ;

- l’article 90 du Code de procédure pénale prescrit que tout jugement doit indiquer le délai

d’appel prévu par la loi, mais cette indication essentielle ne figure pas dans le jugement dont

il est fait appel et, qu'à cet égard, la Cour d’appel doit examiner le fond de l’affaire ;

Attendu que dans les conclusions du Ministère Public, l’Officier du Ministère public

MUDAHERANWA Sande John dit que l’appel de KAYIJUKA est recevable car il a été interjeté

dans les délais, mais qu’il n’y a pas lieu d’en faire un examen dès lors que les moyens d’appel de

KAYIJUKA n'ont pas été communiqués à la Cour avant l'audience et que l'intéressé a été

caractérisé par un zèle dans les massacres tel que cela figure au 5e exposé des motifs du jugement

querellé ;

Attendu que la Cour met la cause en délibéré et rend l’arrêt dont la teneur suit ;

Constate qu’aucun procès-verbal ne montre que l’Officier du Ministère Public chargé de

l’instruction a informé KAYIJUKA Célestin, de son droit et de l’intérêt de recourir à la

procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité tel que prévu par l’article 4 point 2 de la Loi

organique n°08/96 du 30/08/1996, qu’il faut donc d’abord respecter le prescrit de cet article

avant toute décision définitive ;

Constate que le dossier RMPA 1/0013/171/G, RPA 28/97/R1/Kig doit être retourné au Ministère

Public en vue de la mise en application de l’article 4 point 2 de la Loi précédemment évoquée ;

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279

Attendu qu’après la décision de la Cour du 26/10/1998 sur le retour du dossier au Ministère

Public en vue d’informer KAYIJUKA Célestin de son droit et de l’intérêt de recourir à la

procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, KAYIJUKA a, en date du 27/05/1999, répondu

au Ministère Public en ces termes : « Je n’avoue pas avoir tué, je continuerai à plaider, on

m’accuse à tort » ;

5ème

feuillet.

Attendu que le Conseiller rapporteur a établi un rapport ainsi conçu ;

PHASE DE L’INSTRUCTION PREPARATOIRE PAR LE MINISTERE PUBLIC :

- En date du 10/01/1995, KAYIJUKA a reconnu devant KARASIRA Célestin, alors chargé de

la sécurité dans la Commune Bicumbi, avoir tué MUKAGASANA, UWERA et MAYONDE

à coups de massue.

- Il a réitéré ces aveux devant l’Officier du Ministère Public HABINSHUTI Floribert le

18/1/1995, a dit que ses coauteurs sont MUSHUMBA, BYEMAYIRE et Claver qui avait un

fusil, qu’ils tuaient les victimes à coups de machette et de massue et qu’il y a eu dans sa

localité d’autres victimes et notamment BUZOYA, NDAMAGE et RUVUGABIGWI.

- Réinterrogé par l’I.P.J. KALISA Pascal le 07/10/1996 pour voir s’il maintenait ses

déclarations, le prévenu a nié les infractions et prétendu que les aveux lui avaient été

extorqués par des coups. A la question de savoir si l’Officier du Ministère Public

HABINSHUTI l’avait également battu, il a répondu par la négative mais a dit qu’il avait

perdu la tête à cause des coups qui lui avaient été administrés à BICUMBI, et il a demandé

qu’il soit procédé à une enquête.

TEMOINS :

1. KANTAMAGE Victoire : dit que c’est KAYIJUKA qui a tué son mari RWASUBUTARE.

Celui-ci se cachait en contrebas de son domicile, mais à un moment, il est allé chercher du

feu dans la maison pour fumer sa pipe. A sa sortie, KAYIJUKA l’attendait et l’a tué à coup

de massue, et l’intéressé, armé également d’une machette, était en compagnie de nombreuses

autres personnes, il a aussi tué ses deux beaux-frères MUHIRE et KABUTURA.

2. GASENGAYIRE Caritas ; voyait KAYIJUKA dans des attaques mais n’a pas vu les victimes

qu’il a tuées lui-même, dit que KAYIJUKA faisait partie de l’attaque qui a tué environ 65

victimes qui étaient chez elle et chez son beau-père, qu’elle n’a dû son salut qu’au fait qu’elle

avait une carte d’identité portant la mention de l'ethnie Hutu et que ceux qui participaient à

cette attaque ont dit qu’elle était des leurs.

3. MUKARUBAYIZA Dative ; a cherché refuge chez KAYIJUKA. Quand celui-ci a voulu la

tuer, son épouse lui a conseillé de se réfugier dans un champ de sorgho. Arrivée là, elle a vu

KAYIJUKA débusquer MUKANYARWAYA et Thérèse qui étaient en compagnie de deux

enfants.

4. MUKAYISENGA ; arrivée chez MUTANGANIKA en fuyant, elle y a trouvé des victimes

qui avaient été tuées. Elle est restée là en compagnie d’autres filles et dames. Une attaque

dont faisaient partie KAYIJUKA et ses frères NDARUHUTSE et MUYANGO ainsi que

d’autres est arrivée, NTIYAMIRA Aloys qui était conseiller de secteur a dit

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R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

280

6ème

feuillet.

qu’il allait incendier la maison si nous ne sortions pas. Goretti est sortie ; elle a été tuée,

MUKAYISENGA est sortie, elle aussi et MPIRIMBA a dit : « Celle-ci est des nôtres », ils

l’ont laissée en vie et ont tué les autres à coups de machettes. KAYIJUKA a lui aussi

participé à ces tueries.

5. GAKARA Jean Pierre ; à cette époque, il voyait KAYIJUKA commettre des pillages, et il a

par la suite commencé à tuer.

6. AYIRORA Agnès ; il était difficile de mettre les pieds dans la localité où habitait

KAYIJUKA, c’était un quartier des Interahamwe. Le nommé NGARAMBE qui vit

actuellement à KIGALI connaît bien KAYIJUKA, il est connu que KAYIJUKA pillait.

7. MUKAKAMANZI Jeannette : KAYIJUKA s’est mal conduit, mais elle ne l’a pas vu tuer à

part que la nommée KANTAMAGA l’a trouvée dans sa cachette et lui a dit que KAYIJUKA

venait de tuer son mari RWASUBUTARE, qu’il était avec ses deux frères dans cette localité,

qu’on dit que KAYIJUKA faisait partie de l’attaque qui a eu lieu chez TANGANIKA, mais

qu’elle ne l’a pas vu car elle avait perdu la tête ;

8. MUKAMANA Béata : a vu KAYIJUKA, en compagnie d’autres, tuer personnellement la

nommée MUKAGASANA devant sa maison. Il l’a tuée à coup de massue et a directement

emporté sa vache qu’il a restituée à son retour d’exil.

Avis de l’O.P.J. KABANDANA Barnabé qui a fait une enquête dans la commune BICUMBI:

Il dit que l’examen des moyens de défense de KAYIJUKA qui affirme être victime de fausses

accusations, que ses premiers aveux lui ont été extorqués au moyen des coups, qu’il avait perdu

la tête lors de son interrogatoire au parquet à cause des coups qu’il avait reçu à BICUMBI même

si l’officier du Ministère Public ne l’a pas battu, ainsi que celui des témoignages de la population

à sa charge à commencer par ceux des témoins entendus, révèle que ces moyens de défense sont

mensongers et sont faits en désespoir de cause. Il est dès lors établi que KAYIJUKA a été un

grand tueur et a commis de nombreux actes de pillage.

PLAIDOIRIE DE KAYIJUKA DEVANT LA CHAMBRE SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE

PREMIERE INSTANCE DE KIGALI

- Le Ministère Public l’accuse de participation aux côtés d’autres dont son grand frère

MUYANGE et son petit frère NDARUHUTSE à des attaques qui ont tué des victimes dont

fait partie RWASUBUTARE ; KAYIJUKA a tué MUKAGASANA, MUKANYARWAYA,

Thérèse et ses deux petits-enfants après leur avoir ravi un poste de radio, KAYIJUKA a pris

part à l’attaque qui, sous la direction du conseiller, a tué Goretti et d’autres.

- Dans sa défense, KAYIJUKA dit être faussement accusé et nie avoir tué ; il était lui aussi

pourchassé et cela l’a contraint à rester à la maison, se cachant près de son domicile, qu’il

ignore l’identité de ceux qui ont mené des expéditions meurtrières car il n’était pas en leur

compagnie, qu’il ignore tout des victimes que le Ministère Public l’accuse d’avoir tué ;

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R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

281

7ème

feuillet.

- A la question de savoir pourquoi il a, au cours de son interrogatoire au parquet, avoué avoir

tué MUKAGASANA, UWERA et MAYONDE en compagnie de BYEMAYIRE,

MUSHUMBA et Claver, il a répondu que le Ministère Public lui prête des aveux et qu’on lui

a fait signer sa déclaration sans lui en avoir préalablement fait lecture, que cela ne signifie

nullement qu’il collaborait avec eux dans des actes criminels.

- Me ABSI, conseil de KAYIJUKA, a demandé au Tribunal de poser à son client la question

de savoir s’il a à un moment avoué avoir tué. Interrogé, KAYIJUKA a répondu avoir été

contraint à avouer après avoir reçu de nombreux coups.

- A la question de savoir pourquoi il rétracte ses aveux faits à la brigade, il a dit que le

Ministère Public l’accuse à tort, qu’il n’a pas tué car, n’étant pas une autorité, il n’en avait

pas le pouvoir, et cite les exemples de NTIYAMIRA Denis (Conseiller) et de MPILIMA qui

était un militaire.

- Invité à parler des circonstances de la mort de MUKAGASANA et d’autres victimes qui ont

été tuées dans sa localité, il a dit qu’on rapporte que MUKAGASANA a été tuée par Samuel,

que la vache de MUKAGASANA qu’on lui attribue d’avoir pillé est venue en suivant

d’autres vaches et est arrivée chez lui, mais qu’il l’a remise au retour d’exil.

- A la question de savoir s’il approuve la déclaration du témoin qu’il a proposé à sa décharge,

il répond que Agnès n’a pas été entendue mais qu’il est prêt à reconnaître sa culpabilité si elle

affirme qu’il a pris part aux tueries.

- KANTAMAGA dit que KAYIJUKA était en compagnie de NZABONALIBA qui est

actuellement en détention quand il a sorti son mari RWASUBUTARE qu’ils ont tué à coups

de massue, KAYIJUKA n’a rien dit d’autre à ce sujet sinon que se sont de fausses

accusations.

- AYIRORA dit qu’il voyait souvent KAYIJUKA armé d’un bâton, mais qu’il ne l’a jamais vu

piller, à part qu’il l’a vu une fois transportant des biens qu’il venait de piller, que tout le

monde affirme que KAYIJUKA a tué les Tutsi, qu’il a vu KAYIJUKA et BYEMAYIRE

dans une attaque qui incendiait les maisons, que KAYIJUKA suivait ceux qui prenaient part

à des attaques et qu’il a emmené chez lui une vache.

- GASENGAYIRE dit que KAYIJUKA se déplaçait, armé d’une machette, en compagnie des

tueurs lors de leurs expéditions, que KAYIJUKA et le conseiller Denis l’ont trouvé un jour

chez HABARUGIRA, disant qu’ils étaient à la recherche d’une « Inyenzi » nommée Florida

fille de NAMANI ;

- MUKARUBAYIZA dit que KAYIJUKA a tué MUKANYARWAYA, Thérèse et leurs deux

petits-enfants et leur a pris un poste de radio, a tué MUKAGASANA et a emmené sa vache ;

- KAGARA dit que KAYIJUKA a pris part au génocide, mais, répondant aux autres questions

qui lui sont posées, il dit ne pas bien savoir les circonstances de la mort de son père même

s’il l’avait affirmé auparavant ;

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R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000

R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

282

- La parole lui étant accordée, Me ABSI, conseil de KAYIJUKA, relève qu’il y a une

contradiction ;

· GAKARA a d’abord affirmé que sa mère a été tuée par KAYIJUKA, mais il a dit par la

suite qu’il ne le sait pas bien.

· KAYIJUKA a lui aussi avoué avoir tué des victimes et a cité leurs noms ainsi que ceux de

ses coauteurs, mais il a par la suite tout rejeté ; il termine en demandant d’en faire un examen

attentif avant toute décision.

Attendu qu’après ce rapport du conseiller rapporteur, la Cour décide que le conseil de

KAYIJUKA C. doit élaborer d’autres conclusions et en informer également le Ministère Public.

Attendu que Me Boubou DIABIRA, Conseil de KAYIJUKA, commence par les moyens relatifs

à l’inobservation par le tribunal des articles 4 alinéa 2, 24, 36 de la Loi n°08/96 ;

8ème

feuillet.

du 30/08/1996 et du Code de procédure pénale ; mais que lesdits moyens figurent dans les

conclusions déposées auparavant par Me KONARE TIECORO et dans le rapport du conseiller

rapporteur ;

Attendu que Me Boubou DIABIRA dit que KAYIJUKA est inculpé de 4 infractions à savoir :

1. association de malfaiteurs

2. violation de domiciles

3. participation criminelle aux assassinats

4. génocide, mais que le Tribunal l’a malgré cela condamné à l’emprisonnement à perpétuité

alors qu’une telle sanction doit être prononcée en tenant compte à la fois des dispositions du

Code pénal, du Code de procédure pénale et de la Loi organique du 30/08/1996 ;

Que les juges n’ont pas indiqué de façon explicite les cas d’assassinats imputés à KAYIJUKA et

qu’il y a des circonstances atténuantes en ce que KAYIJUKA est un simple citoyen analphabète

qui , comme de nombreux autres, ont été pendant plusieurs années soumis à une idéologie de

haine ethnique en leur promettant une meilleure existence, alors qu’ils étaient d’ordinaire de

bonne conduite, qu’ils ont été entraînés dans des massacres fondés sur une politique de

discrimination ethnique ;

Que KAYIJUKA a avoué avec un grand repentir mais que, au lieu de le condamner à une peine

mitigée, le Tribunal lui a plutôt réservé une peine trop élevée sans base légale, qu'ainsi la

juridiction d'appel devrait en tenir compte dans l'examen de cette affaire, qu’il termine en

demandant à la Cour d’infirmer le jugement dont appel et de condamner KAYIJUKA à une peine

inférieure à celle d’emprisonnement à perpétuité sur base de sa personnalité et du fait que ceux

qui ont commis des infractions à l’époque des faits étaient entraînés par le régime ;

Attendu que tous les moyens sont épuisés, la Cour prend la cause en délibéré et rend l’arrêt ainsi

qu’il suit ;

Constate que l’appel de KAYIJUKA Célestin est recevable car il est régulier en la forme ;

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R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000

R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

283

Constate que Me KONARE TIECORO, Conseil de KAYIJUKA, a dans ses conclusions, invoqué

deux moyens en soutien à l’appel de KAYIJUKA relativement aux questions de droit en ce que :

- lors de l’interrogatoire du 30/08/1996, l’Officier du Ministère Public devait informer

KAYIJUKA du droit et de l’intérêt de recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité et d’en faire état dans un procès-verbal,

- le Tribunal à contraint KAYIJUKA à plaider alors qu’il n’avait pas eu le temps de

s’entretenir avec son conseil et que les deux n’avaient pas pu bien lire le dossier ;

Constate que par décision du 26/10/1998, la Cour a retourné au Ministère Public le dossier de

KAYIJUKA en vue de lui permettre d’accomplir les prescriptions de l’article 4 point 2 de la Loi

organique n° 08/96 du 30/8/1996, mais que consécutivement au procès-verbal d’information du

prévenu de son droit et de l’intérêt de recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité du 27/05/1999, KAYIJUKA a répondu qu’il n’avoue pas avoir tué et qu’il va

continuer à plaider, que cela démontre que le prévenu a refusé de recourir à cette procédure ;

Constate que, à la page 4 des conclusions déposées en date du 04/12/2000 par Me Boubou

DIABIRA, Conseil de KAYIJUKA, il dit que le fait que son client était un simple citoyen

analphabète qui fait partie de nombreux autres qui ont été soumis à l’idéologie de haine ethnique

en leur promettant une meilleure existence constitue pour lui une circonstance atténuante;

9ème

feuillet.

qu’ils ont été entraînés dans les massacres fondés sur une politique de discrimination ethnique,

qu’il termine en demandant à la Cour de condamner KAYIJUKA à une autre peine que celle de

l’emprisonnement à perpétuité ;

Constate cependant que l’article 16 de la Loi sus évoquée dispose que le prévenu qui offre un

plaidoyer de culpabilité après les poursuites est condamné à un emprisonnement allant de 12 à 15

ans quand il est rangé dans la deuxième catégorie, qu’il est établi que, ayant été admis à avouer

et plaider coupable en date du 27/08/1999, KAYIJUKA y a renoncé, que la diminution de peine

demandée par Me Boubou DIABIRA est irrecevable et que la condamnation prononcée par la

juridiction inférieure doit être confirmée ;

PAR CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIRMEENT ;

Vu la Loi Fondamentale de la République Rwandaise telle que modifiée le 18/1/1996 :

- la Constitution du 10/06/1991 en ses articles 93 et 94 ;

- le protocole des Accords de paix d’Arusha sur le partage du pouvoir pendant le

gouvernement de transition à base élargie, articles 25 et 26 ;

Vu le Décret-loi n°09/80 du 70/07/1980 portant Code d’organisation et de compétences

judiciaires, articles 18, 151, 199 et 200 ;

Vu les articles 4 alinéa 2, 16 et 24 alinéa 1 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur

l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes

contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990 ;

Déclare recevable l’appel de KAYIJUKA car régulier en la forme et après examen, le dit non

fondé ;

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R.P. 027/CS/KIG ARRET DU 26/12/2000

R.P.A. 28/97/R1/KIG CA KIGALI

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Confirme dans toutes ses dispositions le jugement RP027/CS/Kig dont appel ;

Déclare que KAYIJUKA perd la cause ;

Lui ordonne de payer 10.500 Frw de frais de justice dès le prononcé, et édicte une contrainte par

corps de 14 jours en cas d’inexécution, suivie de l’exécution forcée sur ses biens ;

AINSI ARRETE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE PAR LA COUR

D’APPEL DE KIGALI LE 26/12/2000 COMPOSE DE KABEJA J.R. (PRESIDENT),

NSENGIYUMVA F. ET RWAYITARE J. (CONSEILLERS), EN PRESENCE DE

MUKANTAGANDA Emilienne (Greffier).

SIEGE

Conseiller Président Conseiller

NSENGIYUMVA F. KABEJA J.R RWAYITARE J.

Sé Sé Sé

Greffier

MUKANTAGANDA E.

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285

COUR D’APPEL

DE

NYABISINDU

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286

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287

N°15

Arrêt de la Cour d'appel de NYABISINDU

du

20 mars 1998.

NEMEYIMANA Israël (sur opposition) C/ Ministère Public.

ACQUITTEMENT – ASSASSINAT (ART. 312 CP) – ASSOCIATION DE

MALFAITEURS (ARTS. 281, 282 ET 283 CP) – COMPLICITE ( ARTS. 89, 90, ET 91 CP;

ART. 3 L.O. DU 30/08/1996) – CRIME DE GENOCIDE – OPPOSITION (DE L'ARRET

PAR DEFAUT; RECEVABILITE) – PREUVE ( DEFAUT DE; VALIDITE DE) – VOL

AVEC VIOLENCE (ARTS. 396 ET 409 CP).

1. Opposition du prévenu à l'arrêt rendu par défaut – recevable.

2. Opposition fondée – complicité de génocide non établie – interprétation de l'article 3 de la

Loi organique du 30/08/1996 et éléments de preuve non probants – acquittement.

1. Est déclaré recevable, car régulière en la forme, l'opposition faite par le prévenu à l'arrêt

d'appel qui l'avait condamné par défaut.

2. N'est pas établie à charge du prévenu, la complicité de génocide qui avait été retenue par la

Cour d'appel, car l'article 3 de la Loi organique du 30/08/1996 qui définit la complicité vise:

- d'une part les personnes qui, ayant été convoquées par les autorités, soustraient à ces

dernières des criminels ou omettent de fournir des renseignements à leur sujet ; or, il apparaît

que le prévenu, dès qu'il a été convoqué, a dénoncé les meurtriers et n'a jamais omis de

fournir les renseignements dont il disposait à leur sujet;

- d'autre part les personnes qui ont apporté une aide indispensable à la commission du crime de

génocide; or, il n’est pas établi que le prévenu aurait apporté une telle aide, les témoignages

qui l'en accusent étant soit indirects, soit contradictoires, soit encore motivés par le désir de

vengeance de ceux qu'il a dénoncés. Il apparaît en outre que, contrairement aux affirmations

du Ministère Public selon lesquelles le prévenu aurait reconnu avoir dénoncé l'appartenance

ethnique de la victime, aucun élément du dossier ne l’indique.

L'opposition du prévenu est déclarée fondée et son acquittement prononcé.

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RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998

RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU

RMPA : 2/4150/Prog

RPA : 29/1/97/NZA

RPA : 02/1/97/NZA

289

(Traduction libre) 1er

feuillet.

LA COUR D’APPEL DE NYABISINDU SIEGEANT A NYABISINDU EN MATIERE

D’INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU CRIME DE GENOCIDE ET CRIMES

CONTRE L’HUMANITE, A RENDU EN APPEL (NDLR: SUR OPPOSITION) L’ARRET

DONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE :

Prévenu :

NEMEYIMANA Israël, fils de MFIZI et de NYIRANDIHANO, né en 1965 à MBOGO,

secteur KARAMA, commune KINYAMAKARA, préfecture GIKONGORO, en détention

préventive depuis le 20/09/1995 ;

Préventions :

- Avoir, en avril 1994, dans la cellule MBOGO, secteur KARAMA, commune

KINYAMAKARA, préfecture GIKONGORO, en République Rwandaise, comme auteur,

coauteur ou complice, tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal Livre I et l’article

3 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996, formé une association ayant pour but de porter

atteinte aux personnes, infraction prévue et réprimée par les articles 281, 282 et 283 du Code

pénal livre II ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, volé de l’argent à MUREKEZI à

l’aide de violences, infraction prévue et réprimée par les articles 396 et 409 du Code pénal livre

II ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, assassiné MUREKEZI, infraction

prévue et réprimée par l’article 312 du code pénal livre II ;

- Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieux, participé aux massacres qui avaient

pour but d’exterminer l’ethnie Tutsi et les opposants du régime de l’époque, et que c’est dans ces

circonstances qu’ils ont tué MUREKEZI, infraction prévue par la Convention internationale sur

la prévention et la répression du crime de génocide, réprimée par la Loi- organique n° 08/96 du

30 août 1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide

ou de crimes contre l’humanité, commises à partir du 1er

octobre 1990 ;

2ème

feuillet.

Vu que l’affaire RMP 97426/S2/HAV-RP 0006/S2/GIRO a été introduite devant le Tribunal de

première instance de GIKONGORO, mettant en cause le Ministère Public contre

NEMEYIMANA Israël et consorts pour l’infraction de génocide, que l’audience a eu lieu le

11/02/1997 et que le jugement a été rendu de la manière suivante:

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RP 006/1/GIRO ARRET DU 20/03/1998

RMP 97426/S2/HAV CA NYABISINDU

RMPA : 2/4150/Prog

RPA : 29/1/97/NZA

RPA : 02/1/97/NZA

290

"Déclare recevable l’action du Ministère Public, car régulière en la forme, mais la dit

partiellement fondée ;

" Déclare en plus recevable l’action civile de MUKANYANDWI, car régulière en la forme ;

" Déclare que RUKIMIRANA et HARELIMANA sont coupables de toutes les infractions à leur

charge et qu’elles sont en concours idéal, qu’ils doivent donc en être punis tel que prévu par la

loi, et tel qu’expliqué ci-haut, que par contre NEMEYIMANA n’est coupable d’aucune des

infractions à sa charge pour manque de preuve ;

" Déclare non fondée l’action civile de MUKANYANDWI Alvera, car l’Etat Rwandais qui est

civilement responsable n’a pas été cité, que par conséquent l’action civile est disjointe ;

" Déclare que d’autres personnes qui sont poursuivies dans cette affaire, mais qui n’ont pas pu

comparaître seront poursuivies ultérieurement ;

"Déclare que RUKIMIRANA et HARELIMANA perdent la cause et que NEMEYIMANA

obtient gain de cause et qu’il est acquitté ;

"Condamne RUKIMIRANA et HARELIMANA à la peine d’emprisonnement à perpétuité ;

"Ordonne que RUKIMIRANA et HARELIMANA soient déchus définitivement des droits dont il

est question à l’article 66, 2°, 3° et 5° du Code pénal Livre I ;

"Leur ordonne de payer solidairement les frais occasionnés par ce procès équivalant aux 2/3 de

7000 Frw, c’est à dire 4668 Frw, et édicte une contrainte par corps de 30 jours en cas

d’inexécution, suivie de l’exécution forcée sur leurs biens, ces frais ayant été calculés comme

suit:

- 200 Frw d’inscription au rôle,

- 1.000 Frw de l’ordonnance du président fixant la date d’audience et celle autorisant la

détention préventive,

- 500 Frw de citations,

- 2500 Frw de procès verbaux d’instruction préparatoire,

- 1500 Frw de procès verbaux d’audience,

- 900 Frw du jugement.

3ème

feuillet.

"Ordonne que KANANI Népomuscène, MUGWIZA Elysée, SENTORE Edouard,

NSABIMANA Esdras, SEBERA Ezéchiel, NYIRIDANDI Athanase, SIBOMANA,

NDARUHUTSE, RUCYAHANA Claudien NDAYAMBAJE Aloys, NYABYENDA Benoît,

KARANGWA et MURASANGABO soient poursuivis dès qu’ils seront appréhendés ;

"Ordonne la disjonction de l’action civile de MUKANYADWI Alvera ;

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291

Attendu que le conseiller rapporteur dit que NEMEYIMANA Israël a été acquitté par le Tribunal

de 1ère

instance, raison pour laquelle le Ministère Public a interjeté appel avançant les motifs

suivants :

1. Que NEMEYIMANA Israël a soustrait aux autorités les auteurs de la mort de

MUREKEZI David tel que prévu par l’article 3 de la Loi organique n° 08/96 du

30/8/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de

génocide ou de crimes contre l’humanité ;

2. Et qu’il a prêté une aide indispensable à commettre l’infraction, en livrant

MUREKEZI aux tueurs et en les informant qu’il était Tutsi de la famille royale car

ceux qui le conduisaient n’en était pas informés ;

Vu qu’en appel, en date du 24/03/1997, NEMEYIMANA Israël n’a pas comparu, que l’affaire a

été jugée par défaut, et que la Cour a déclaré qu’il était coupable de complicité d’assassinat, car

il était présent au moment de la commission du crime, et qu’il a reçu une somme de 5000 Frw

qu'il devrait remettre à la femme de la victime, mais qu’il ne l’a pas fait, qu’il n’a même pas

informé les autorités des circonstances dans lesquelles ce crime a été commis, qu'ainsi il doit être

puni sur un pied d’égalité avec ses coprévenus et être condamné à la peine d’emprisonnement à

perpétuité car il est classé dans la deuxième catégorie ;

Vu l’opposition formulée le 17/12/1997 par l’Association "Avocats sans Frontières", qu’en outre

les conclusions du Ministère Public ont été déposées, et que la Cour a déclaré l’opposition

recevable, car régulière en la forme ;

Constate que NEMEYIMANA est poursuivi par le Ministère Public pour les deux infractions ci-

haut précisées, à savoir :

1. Avoir été complice en soustrayant aux autorités les meurtriers tel que prévu par les

articles 89, 90 et 91 du Code pénal Livre I et l’art 3 de la Loi organique n° 08/96 du

30/8/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du crime de

génocide ou de crimes contre l’humanité et avoir, avec d’autres personnes, formé une

association ayant pour but de porter atteinte aux personnes ;

2. Avoir prêté une aide indispensable en informant les tueurs que MUREKEZI était Tutsi

de la famille royale, ce qui a occasionné son assassinat ;

Constate pourtant, que NEMEYIMANA n’est pas coupable de complicité du crime du génocide

pour avoir soustrait les auteurs de la mort de MUREKEZI aux autorités, car il n’a pas omis de

les dénoncer à tout degré d’instruction quand il a été convoqué, qu’il les a en plus mis en cause

lorsqu’il a été auditionné et que son interrogatoire figure à la page 14 du dossier, qu’en outre

d'éminents juristes confortent cela, parmi lesquels Daniel DE BEER qui dans son ouvrage

intitulé Commentaire et Jurisprudence sur la Loi organique du 30 août 1996 sur l’organisation

des poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité,

à la page 37, dit: « Il serait d’ailleurs inhumain de condamner une victime ou un témoin qui ne

se serait pas spontanément rendu auprès des autorités pour porter plainte ou témoigner » ;

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292

Constate que le contenu de l’article 3 de la Loi organique n° 08/96 du 30/8/1996, concerne les

personnes ayant été convoquées par les autorités mais qui, dans leurs déclarations, soustraient à

ces dernières les criminels ou omettent de fournir des renseignements à leur sujet, qu’en revanche

NEMEYIMANA n’est pas concerné par cet article, car lorsqu’il a été convoqué par les autorités,

il n’a jamais omis de leur fournir des renseignements au sujet des auteurs de meurtres commis ;

4ème

feuillet.

Constate que quant à l’infraction de complicité dans l’assassinat à charge de NEMEYIMANA

pour avoir prêté une aide indispensable à commettre cette infraction, en informant les meurtriers

que MUREKEZI était un Tutsi de la famille royale, elle n’est pas établie à sa charge, car :

1. le témoin MUKANYANDWI Alvera qui l’a accusé a dit l’avoir appris de

MUKANYANDWI Marie et pourtant cette dernière a nié en savoir quelque chose lors de son

interrogatoire;

2. qu’un autre témoin nommé RUKIMIRANA s’est souvent contredit dans ses déclarations car

d’une part, à la côte 5 du dossier, il a dit n’avoir pas été témoin oculaire de la mort de

MUREKEZI car il était à son domicile, que d’autre part à la côte 12 du dossier, il a dit que

NEMEYIMANA a pris de la poche de MUREKEZI 5000 Frw, et qu’il dit en plus à la côte

43, qu’il a ouï dire que ce dernier avait remis une autre somme de 5000 Frw à

NEMEYIMANA afin qu’il la remette à son épouse ;

Que l’élément de preuve sur lequel le Ministère Public se fonde est que NEMEYIMANA s’est

accaparé de l’argent de MUREKEZI et qu’il a même reconnu avoir dit que MUREKEZI était un

Tutsi de la famille royale, mais qu’il n’est mentionné nulle part dans le dossier que

NEMEYIMANA l’a reconnu, que même les déclarations de RUKIMIRANA devant le Parquet

de la République ne sont pas les mêmes que celles faites devant le Parquet Général près la Cour

d’Appel, qu’au contraire RUKIMIRANA charge NEMEYIMANA par vengeance, ce que

soutient NEMEYIMANA, car ce dernier l’avait chargé ;

Constate que l’opposition faite par NEMEYIMANA est recevable car régulière en la forme et la

dit fondée ;

PAR TOUS CES MOTIFS, STATUANT CONTRADICTOIREMENT ;

Vu la Loi Fondamentale surtout en ses articles 33, 29, 93 et 94 de la Constitution du 10/06/1991

ainsi que les articles 25, 26al1, 27a, et 28b des Accord de Paix d’Arusha du 30/10/1992 ;

Vu les articles 1, 3 et 24 de la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des

poursuites des infractions constitutives du crime de génocide ou de crimes contre l’humanité,

commises à partir du 1er

octobre 1990 ;

Vu les articles 18,151,199 et 200 du Décret-loi n° 09/80 du 07/07/1980 portant Code

d’organisation et de compétence judiciaires ;

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RPA : 29/1/97/NZA

RPA : 02/1/97/NZA

293

Vu les articles 20, 61 et 62 de la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale ;

Déclare recevable l’opposition introduite par NEMEYIMANA Israël représenté par

l’Association "Avocats sans Frontières" car régulière en la forme, et la dit fondée ;

Déclare que NEMEYIMANA n’est coupable d’aucune des infractions à sa charge tel que libellé

dans les motifs ;

Ordonne que la moitié de frais de justice soit mise à charge du trésor public ;

Ordonne que l’autre moitié de frais de justice soit payée par MUKANYANDWI Alvera, c’est à

dire la moitié de 3825 Frw équivalant à 1913 Frw dans les délais légaux sinon exécution forcée

sur ses biens ;

5ème

feuillet.

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 20/3/1998 PAR LA

COUR D’APPEL DE NYABISINDU COMPOSEE PAR KAYITARE Jean Pierre

(président), MUHUMUZA François et MBONYI Japhet (conseillers), EN PRESENCE DE

KAMANZI KIBIBI(substitut) ET MUNGANYINKA Spéciose (greffier).

SIEGE

Conseiller Président Conseiller

MUHUMUZA François KAYITARE J. Pierre MBONYI Japhet

sé sé sé

Greffier

MUNGANYINKA Spéciose

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COUR D’APPEL

DE

RUHENGERI

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297

N°16

Arrêt de la Cour d’appel de RUHENGERI

du

25 novembre 1998.

Ministère Public et parties civiles C/ BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie.

ABSENCE DE CONDAMNATION – ACQUITTEMENT – APPEL – ASSASSINAT

(ART. 312 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUT LA DEVASTATION, LE

MASSACRE OU LE PILLAGE (ART. 168 CP) - COMPLICITE (ART.3 al.1 L.O.

30/08/96) - CONDITIONS DE RECEVABILITE DE L’APPEL (ERREUR DE DROIT –

ERREUR DE FAIT FLAGRANTE ; ART. 24 DE LA L.O. 30/08/96) – CRIME DE

GENOCIDE – DELAI D’APPEL (ART. 24 L.O. 30/08/96) – DESTRUCTION DE BIEN

IMMEUBLE APPARTENANT A AUTRUI (ART. 444 CP) – ENQUÊTES

COMPLEMENTAIRES – PREUVE (ABSENCE DE) - TEMOIGNAGES (A CHARGE;

A DECHARGE) – VIOLATION DE LA LOI.

1. Procédure – descente sur les lieux – audition des prévenus – audition de témoins.

2. 1er

prévenu - appel interjeté hors délai – responsabilité de la direction de la prison non

établie – appel irrégulier – confirmation du premier jugement.

3. 2ème

prévenue – moyen soulevé d’office – absence de condamnation – violation de la loi

4. 2ème

prévenue – appel régulier - moyens d’appel – erreur de fait manifeste – appel

recevable.

5. 2ème

prévenue – examen au fond - témoignages - enquêtes - infraction non établie -

acquittement.

1. Insuffisamment éclairée quant au bien-fondé des moyens d’appel, la Cour d’appel procède

à une descente sur le terrain. Elle entend les prévenus et auditionne plusieurs témoins.

2. L’appel du premier prévenu interjeté, plus de deux mois après le jugement, est irrégulier

quant aux délais et ne doit pas être examiné. L’argument du prévenu selon lequel ce

retard serait imputable à la direction de la prison n’est pas fondé, car il est inconcevable

qu’elle ait pu faire suivre le recours de la deuxième prévenue dans les délais, tout en

retardant celui du premier prévenu.

3. Le jugement qui, tout en déclarant coupable la seconde prévenue, ne prononce pas de

condamnation à son égard viole la loi. Ce moyen est soulevé d’office par la Cour d’appel.

4. L’appel de la seconde prévenue est régulier quant aux délais. Il apparaît que la prévenue

n’a pas livré aux tueurs les personnes assassinées. L’appel fondé sur cette erreur de fait

manifeste est recevable.

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298

5. Aucun élément probant ne permet d’établir une complicité quelconque dans le chef de la

seconde prévenue. Il apparaît au contraire qu’elle a porté assistance à ceux qui s’étaient

réfugiés chez elle, y compris à ceux qui à présent la mettent en cause. Elle est acquittée de

l’ensemble des préventions mises à sa charge, et sa libération immédiate est ordonnée.

(NDLR : le jugement dont appel, prononcé le 26/06/1997 par la Chambre spécialisé du

Tribunal de première instance de Gisenyi, est publié dans le présent Recueil, décision N° 5)

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R.P.A. 24/GC/R1/RUH

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299

(Traduction libre)

1er

feuillet.

LA COUR D’APPEL DE RUHENGERI SIEGEANT AU SECOND DEGRE EN

MATIERE DE GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE L’HUMANITE A RENDU

CET ARRET CE 25/11/1998:

EN CAUSE:

APPELANTS:

1. BARITIMA Jules fils de NSHIRAKERA et de BAVUGABWOSE, né en 1950, résidant

dans la cellule KIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU-GISENYI, marié à

NYIRARUGERO, menuisier de nationalité rwandaise;

2. NYIRASHAKO Lénie fille de SEBARABONA et de NTACYOBAMPANZE, née dans

la cellule KIVUMU, secteur GISENYI, commune RUBAVU, préfecture GISENYI et y

résidant, mariée à RUDAHINYURA, cultivatrice de nationalité rwandaise;

CONTRE : LE MINISTERE PUBLIC

PREVENTIONS :

Avoir, entre le 07/04/1994 et le 17/07/1994, dans le secteur GISENYI, commune

RUBAVU-GISENYI, en République Rwandaise, comme auteurs, coauteurs ou complices

tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, commis le crime de

génocide prévu par la Convention du 09 décembre 1948 en ses articles 1, 2, 3 et 4, la

Convention du 12 juin 1949 en ses articles 146 et 147 et la Convention du 26 novembre

1968 en ses articles 1 et 2, toutes trois ratifiées par le Rwanda par le Décret-loi n° 08/75

du 12/11/1975 et prévu par la Loi organique n° 08/96 du 30 août 1996 en ses articles 1, 2,

3, 4, 5, 6 et 7 ;

A charge de BARITIMA

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteur, coauteur ou

complice, tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I , assassiné

KARUHIMBI et RUTAYISIRE, infraction réprimée par l’article 312 du Code pénal livre

II ;

A charge de tous

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme coauteurs, tel que prévu

par les articles 89,90 et 91 du Code pénal livre I, tué le nommé KABALISA et sa mère

KARUHIMBI, infraction réprimée par l’article 312 du Code pénal livre II ;

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300

2ème

feuillet.

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, comme auteurs, coauteurs ou

complices tel que prévu par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre I, commis

l’infraction de dévastation du pays, massacre et pillage, infraction réprimée par l’article

168 du Code pénal livre II ;

Avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, intentionnellement détruit les

maisons des particuliers, infraction prévue par les articles 89, 90 et 91 du Code pénal livre

I et réprimée par l’article 444 du Code pénal livre II ;

LA COUR D’APPEL,

Vu que cette affaire a été introduite au premier degré devant la Chambre Spécialisée du

Tribunal de Première Instance de GISENYI, enregistrée sous le numéro R.P. 33/R1/97/G et

jugée le 12/06/1997 et le 26/06/1997 de la manière suivante :

Décide de recevoir l'action civile intentée par les parties civiles énumérées ci-avant ;

Déclare que les préventions à charge de BARITIMA sont en concours idéal, qu’ainsi il doit

être condamné pour l’infraction la plus grave en l’occurrence celle de génocide ;

Déclare que BARITIMA perd la cause et le condamne à la peine de capitale ;

Lui ordonne de verser au trésor public les frais d'instance équivalent à 4000 Frw, sous peine

de s'exposer, en cas d'inexécution, à une contrainte par corps de 30 jours suivie d'une

exécution forcée sur ses biens;

Ordonne à BARITIMA Jules de verser, dans un délai de trois mois, solidairement avec

NYIRASHAKO Lénie, à la famille KARUHIMBI la somme de 5.000.000 Frw, à

MUREKATETE la somme de 4.000.000 Frw, à SAYIDI la somme de 2.000.000 Frw et à

UWIMANA Jeanne d’Arc la somme de 2.000.000 Frw, que le total des dommages et intérêts

dont ils sont redevables est de 13.500.000 Frw, qu'ils sont tenus de payer cette somme dans un

délai de trois mois, sous peine de s'exposer, en cas d'inexécution, à une contrainte par corps de

10 jours suivie d'une exécution forcée sur leurs biens;

Leur ordonne de payer dès le prononcé de ce jugement la somme de 78.000 Frw au titre le

droit proportionnel de 4 sinon exécution forcée sur leurs biens en cas d’inexécution ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE DU 30/06/1997 PAR LA CHAMBRE

SPECIALISEE DU TRIBUNAL DE PREMIERE INSTANCE DE GISENYI, EN

PRESENCE DES PREVENUS, DE BAMBANZA Grégoire (représentant le Ministère Public)

ET DES PARTIES CIVILES.

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301

3ème

feuillet .

Vu que BARITIMA Jules qui a perdu la cause et NYIRASHAKO Lénie dont la condamnation

n’a pas été mentionnée dans le jugement ont respectivement interjeté appel en date du

05/08/1997 et du 10/07/1997 devant la Cour d’appel parce qu’ils n’ont pas été satisfaits dudit

jugement et que leur appel a été enregistré au rôle sous le numéro R.P.A. 24/GC/R1/RUH ;

Vu la lettre du greffier près la Cour d’appel adressée au Tribunal qui a rendu le jugement

querellé pour transmettre à ladite Cour le dossier complet, ce qui a été fait le 13/07/1998 ;

Vu l’ordonnance du Président de cette Cour d’appel du 21/08/1998 fixant l’audience au

16/09/1998 ;

Vu la lettre du greffier près cette Cour d’appel adressée au Parquet Général près ladite Cour

pour l’informer de l’appel interjeté et de la date d’audience fixée par le Président ;

Vu qu’à cette date la Cour a statué sur pièces, le Parquet Général près cette Cour d’appel étant

représenté par le Substitut du Procureur Général MUSUHUKE François ;

Ouï le conseiller rapporteur relater l’origine de la présente affaire et reprendre les moyens dont

se prévalent les appelants ;

Attendu que pour soutenir son appel, BARITIMA Jules argumente en disant que seuls les

rescapés du génocide appartenant à une même famille ont été interrogés au cours de

l’instruction, qu’il a caché puis nourri certains de ces rescapés jusqu’à ce qu’ils traversent la

frontière rwando-zaïroise et qu’il a réparé la maison de son voisin rescapé, mais que la

Chambre spécialisée n’a pas apprécié ce geste à sa juste valeur, que ladite chambre lui a dénié

l’accès au dossier en lui refusant de le faire lire, qu’ainsi il n’a pas eu assez de temps pour

prendre connaissance de son contenu, qu’en outre cette chambre n’a pas tenu compte des

révélations qu’il lui a faites concernant les noms des tueurs et à partir desquelles elle pouvait

mener ses enquêtes, qu’elle a refusé d’interroger les témoins qu’il a cités et qui ont assisté au

meurtre des victimes, qu’en plus le greffier lui a attribué des mots qu’il n’a pas prononcés car,

profitant de ce qu’il ne sait ni lire ni écrire, ils ont noté qu’il plaidait coupable alors que ce

n’était pas le cas ;

Attendu que les moyens d’appel de NYIRASHAKO Lénie sont libellés comme suit :

1er

moyen :

Je suis accusée par la nommée UWIMBABAZI qui soutient que j’aurais comploté contre son

frère KABALISA Dieudonné qui a été tué le 08/04/1994 à 11 heures du matin après avoir été

délogé de mon domicile. Elle m’accuse également d’avoir comploté contre sa mère

KARUHIMBI qui, comme son fils KABALISA, a été victime du génocide d’avril 1994 ;

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302

4ème

feuillet.

J’ai réfuté cette prévention aussi bien devant la Police Judiciaire et le Ministère Public que

devant le Tribunal ; raison pour laquelle j’ai demandé à toutes ces instances de mener des

enquêtes sur les allégations de cette bande composée de membres d’une même famille.

Pourtant cette enquête n’a jamais été menée tel que cela ressort des conclusions que j’ai

remises au Tribunal ;

2ème

moyen :

Les témoins à ma charge à savoir KAREMERA, NDAYISENGA et NYIRANGIRUMPATSE

Hélène alias ZALUNA appartiennent tous à une même famille et sont donc des frères, tandis

que les nommés BAGAZA et MUKANYIRIGIRA sont leurs cousins. Par ailleurs ils vivent

tous dans une même maison. Pourquoi le Tribunal qui n’a pas ordonné l’enquête que j’avais

réclamée n'a-t-il pris en considération que leurs déclarations ?

3ème

moyen :

Les membres d’une même famille qui me chargent, en l’occurrence NYIRANGIRUMPATSE

Hélène alias ZALUNA et NDAYISABA se sont par la suite constitués partie civile. Comment

les plaignants qui sont en même temps des témoins à charge peuvent-ils également réclamer

des dommages et intérêts ?

4ème

moyen :

Un autre témoin cité dans cette affaire nommé ROSE JEANNETTE, fille de

NYARURWAMO, a déclaré qu’elle se cachait dans la bananeraie derrière mon domicile aux

environs de 19 heures lorsqu’elle m’a entendue dire à feu KABALISA de mourir dignement

parce que sa fin était arrivée. J’ai dit au Tribunal que cette déclaration était dénuée de

fondement et je lui ai demandé d’organiser une descente à cet endroit situé derrière mon

domicile où ROSE prétend qu’elle se cachait. Je me suis engagé à reconnaître ma

responsabilité au cas où le Tribunal y trouverait une bananeraie. Ce qui m’a le plus attristée

est que le Tribunal n’a pas fait cette descente pour vérifier si cette bananeraie existe

réellement à cet endroit ; et ce alors qu’elle sait pertinemment qu’il ne peut y avoir de

bananeraie dans une circonscription urbaine ;

5ème

moyen:

KABALISA Dieudonné a été tué le 08/04/1994 à 11 heures du matin. Il a été emmené par des

assaillants qui ont attaqué mon domicile à la recherche de ma belle-fille VESTINE. Ces

assaillants étaient dirigés par MENYO Théoneste originaire de la commune MUKINGO,

préfecture de RUHENGERI en compagnie de MANIRAFASHA, originaire de KARAGO, ex-

aide chauffeur du véhicule de BYIRINGIRO ainsi que de THEOGENE, originaire de

KIBUYE qui était le domestique DE RUKAZABIGONDO, ex-responsable de la cellule

KIVUMU. Telles sont les personnes que j’ai pu identifier lors de l’attaque qui a été menée

chez moi, en plein jour, au vu de la population qui observait ce qui m’arrivait. J’ai même

demandé que la population qui résidait à cet endroit au moment des faits et qui a vu ce qui

s’est passé soit entendue, dans la mesure où j’ai aussi été violée quand j’ai refusé de remettre

aux assaillants la clé de ma chambre à coucher

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303

5ème

feuillet.

jusqu’à ce qu’ils défoncent la porte. Une fois à l’intérieur, ils y ont trouvé KABALISA qui

était arrivé chez moi la veille, c’est à dire le 07/04/1994 à 21 heures. J’ai aussitôt été battue et

maltraitée parce qu’ils m’accusaient d’être la complice des Inyenzi et ce jusqu’à ce que je leur

donne quatre-vingts mille francs ( 80.000 Frw). Ils ont même forcé ma valise en y recherchant

de l’argent. Comme ils n’ont rien trouvé, ils ont emporté une douzaine de bracelets-montres

pour dames. Cela s’est passé au grand jour, au vu et au su de la population. J’ai demandé au

Tribunal de se transporter à mon domicile pour constater lui-même l’état de la porte de ma

chambre et pour mener des enquêtes sur tout ce qui m’est arrivé et que j’ai exposé plus haut

afin qu’il tienne compte des déclarations de cette bande qui vise à s’approprier mes biens ;

6ème

moyen :

En ce qui concerne la mort de KARUHIMBI, il a été dit que je l’ai trahie. C’est totalement

faux parce que j’ai passé plusieurs jours avec elle pendant lesquels je lui ai donné à

manger ainsi qu’à ceux qui l’accompagnaient à savoir BAGAZA et sa tante maternelle

MUKANYIRIGIRA, et cela jusqu’à ce que les habitants de la cellule KIVUMU d’où ils

étaient venus aient trouvé refuge au Zaïre. Je dois dire que je n’étais pas là lorsque cette vieille

femme a traversé la frontière puisque j’étais partie à RUHENGERI. Toutefois, cela faisait

plusieurs jours qu’elle me disait qu’elle achèterait un jerrycan de bière de sorgho et jouerait à

la vendeuse de cette bière pendant tout le trajet jusqu’à ce qu’elle atteigne GOMA. Il faut

remarquer que nous vivions encore ensemble lorsqu’elle a décidé de partir. Comment aurais-

je pu la trahir après l’avoir nourrie pendant tout ce temps ? J’ai pourtant demandé, en vain, au

Tribunal de mener une enquête sur la mort de cette vieille femme. Quant à dire que j’ai donné

l’ordre à HABARUSHAKA Martin de battre MUKARUHIMBI, cela n’est pas du tout fondé

dans la mesure où j’ai moi-même été attristée par ce qu’il a fait de sorte que je l’ai chassé avec

l’aide des autorités de la cellule parmi lesquelles Jules qui était un membre du comité de

cellule et qui est mon coprévenu dans ce procès. De plus, MUKARUHIMBI n’est pas

directement partie après cet incident. Elle est plutôt partie plus tard comme je l’ai expliqué

plus haut ;

Attendu que la parole est accordée au Substitut du Procureur Général pour livrer à la Cour ses

conclusions, qu’il demande à la Cour de déclarer irrecevable l’appel de BARITIMA Jules

parce qu’interjeté tardivement, de recevoir et d’examiner au fond celui de NYIRASHAKO

Lénie parce que formé dans les délais légaux et que le premier juge n’a pas tenu compte de

certains des moyens développés en appel et dont elle s’était pourtant prévalue au premier

degré ;

Attendu qu’il affirme que la Chambre spécialisée n’a pas pris en considération les arguments

développés par NYIRASHAKO Lénie pour démontrer qu’elle n’a pas comploté contre feu

KABALISA, étant donné que ce dernier a été emmené de chez elle où il se cachait par des

assaillants et que ceux-ci l’ont emmené après avoir battu NYIRASHAKO Lénie, détruit sa

maison et pillé ses biens ;

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304

Attendu qu’il termine son intervention en demandant à la Cour d’appel d’ordonner la descente

que NYIRASHAKO

6ème

feuillet.

avait pourtant réclamée en vain à la Chambre spécialisée ;

Vu qu’après avoir délibéré, la Cour décide de se transporter sur le lieu des faits conformément

au souhait des prévenus qui s’étonnent de ce qu’ils sont uniquement accusés par les rescapés

du génocide et qui trouvent que des personnes neutres devraient être interrogées pour

expliquer la part de responsabilité des prévenus dans la mort des victimes, et cela dans la

mesure où la rumeur dit que les victimes ont été assassinées par MENYO, MUSA et l’ex-

responsable de la cellule KIVUMU, nommé Théogène ;

Vu que ce 20/11/1998 les envoyés de la Cour arrivent à la prison de GISENYI où BARITIMA

Jules et NYIRASHAKO Lénie sont détenus et les interrogent, qu’ensuite ils se rendent dans la

cellule KIVUMU où ils interrogent trois personnes en l’occurrence BABAJYA et

NTIBATEGERA, tous les deux fils de NDIRIKIYE, ainsi que MUNDERA fils de

MBIRIGA ;

Attendu qu’après avoir prêté serment, ces trois personnes disent qu’elles connaissent très bien

BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie et que ceux-ci n’ont pas participé à l’assassinat

des victimes du génocide de 1994 qui leur est pourtant imputé à tort ;

Attendu que NYIRASHAKO Lénie s’explique en disant que ce qui lui fait de la peine est

qu’elle est chargée par les membres d’une même famille qui auraient dû la remercier pour les

avoir cachés et nourris ainsi que pour des conseils qu’elle leur a prodigués jusqu’à ce qu’ils

arrivent au Zaïre dont elle est originaire, qu’elle n’a cependant pas pu faire la même chose

pour KABALISA qui est arrivé à son domicile tardivement et que toutes les issues étaient

sous contrôle des tueurs lorsqu’elle a cherché à l’aider à traverser la frontière ;

Attendu qu’à la question de savoir la raison pour laquelle il a interjeté appel tardivement,

BARITIMA Jules répond qu’il a rédigé sa lettre d’appel dans les délais, qu’il l’a ensuite

remise à la direction de la prison qui l’a transmise à la Cour avec retard ;

Attendu que les deux prévenus sont invités à émettre leurs derniers avis, que NYIRASHAKO

Lénie déclare que la Cour devrait la rétablir dans ses droits dès lors qu’elle n’a jamais rien fait

de mal et qu’aussitôt après la guerre elle a dénoncé les meurtriers de ces victimes innocentes

dont l’assassinat lui est faussement attribué, que pour sa part BARITIMA Jules nie avoir

trempé dans les massacres pour lesquels il est poursuivi, dans la mesure où il souffrait de la

malaria au moment des faits et que cela est confirmé par NYIRASHAKO ;

Vu que tous les moyens sont épuisés et que le prononcé est fixé au 25/11/1998 ;

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305

Que l’affaire est prise en délibéré et que l’arrêt est prononcé en audience publique dans les

termes ci-après :

7ème

feuillet.

Constate que le jugement querellé a été irrégulièrement rendu quant à NYIRASHAKO Lénie

dès lors que la chambre spécialisée qui l’a reconnue coupable ne l’a pourtant condamnée à

aucune peine ;

Constate que l’appel de NYIRASHAKO Lénie a été interjeté dans les délais légaux et

qu’après l’examen de ses moyens d’appel, la Cour arrive à la conclusion que la prévenue n’a

jamais signalé aux miliciens Interahamwe la présence des victimes que sont RUTAYISIRE,

KARUHIMBI et KABALISA, que donc son appel doit être reçu et examiné ;

Constate que l’appel de NYIRASHAKO Lénie est fondé parce que rien ne prouve la trahison

dont elle est accusée dès lors qu’elle a pu aider ceux qui avaient trouvé refuge chez elle, dont

les plaignants, à traverser la frontière rwando-zaïroise d’où elle est originaire, qu'ainsi elle doit

être acquittée ;

Constate que l’appel de BARITIMA Jules ne doit pas être reçu ni examiné parce qu’interjeté

en dehors des délais, que son argumentation selon laquelle sa lettre d’appel aurait traîné à la

direction de la prison est dénuée de fondement parce qu’il n’est pas compréhensible que la

direction de la prison ait transmis à temps la lettre d’appel de NYIRASHAKO puis traîné avec

celle de BARITIMA Jules ;

Constate qu’il n’y a plus rien à examiner ;

PAR TOUS CES MOTIFS :

Vu la Constitution du 10/06/1991 telle que modifiée à ce jour, spécialement en ses articles 12,

14, 88, 92 et 94 ;

Vu le Protocole de l'Accord de Paix signé à Arusha le 30/10/1992 sur le partage du pouvoir

spécialement en ses articles 25 et 26 ;

Vu le Décret-loi du 07/07/1980 portant Code d’organisation et de compétence judiciaires tel

que modifié par la Loi organique spécialement en ses articles 13, 18, 76, 109, 199, 200 et

201 ;

Vu la Loi du 23/02/1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée à ce jour,

spécialement en ses articles 16, 18, 20, 53, 54, 61, 63, 67, 70, 76, 80, 83, 84, 90, 99, 100, 103,

104, 107, 110, 138 et 139 ;

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306

8ème

feuillet.

Vu la Loi organique du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990 jusqu’au 31/12/1994, spécialement en ses articles 1, 2, 14, 17, 24, 25 et 39 ;

Vu les articles 89-91, 93,168, 281, 282, 283, 304, 305, 312 et 444 du Code pénal livre II ;

Statuant sur pièces ;

CONTRADICTOIREMENT ET EN AUDIENCE PUBLIQUE,

Déclare irrecevable l’appel de BARITIMA parce qu’interjeté irrégulièrement ;

Déclare recevable l’appel de NYIRASHAKO Lénie qui n’a été condamnée à aucune peine par

le premier juge, dit son appel régulier en la forme et fondé ;

Déclare que NYIRASHAKO Lénie n’a jamais comploté contre les victimes dont il est

question dans le présent dossier, qu’elle a par contre sauvé la vie de ceux qui l’accusent

aujourd’hui et qu’ainsi elle est acquittée de toutes les préventions pour lesquelles elle était

poursuivie ;

Déclare que NYIRASHAKO Lénie obtient gain de cause, et que BARITIMA Jules perd la

cause ;

Déclare que BARITIMA Jules est redevable envers le trésor public d’un montant de 4.758

Frw représentant la moitié des frais de justice équivalant à 9.476 Frw, l’autre moitié étant à

charge du trésor public parce que NYIRASHAKO qui aurait dû la payer obtient gain de cause

et, en cas de défaillance, édicte une contrainte par corps de 10 jours suivie d’une exécution

forcées sur ses biens ;

Ordonne la libération immédiate de NYIRASHAKO Lénie dès le prononcé du présent arrêt ;

Décide que le jugement n°R.P.33/R1/97/GB rendu le 30/06/1997 par la Chambre Spécialisée

de GISENYI est uniquement réformé en ce qui concerne NYIRASHAKO Lénie qui est

libérée ;

9ème

feuillet.

Rappelle que, conformément à la Loi organique du 30/08/1996, le présent arrêt n’est pas

susceptible de pourvoi en cassation ;

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307

AINSI ARRETE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 26/11/1998 PAR

LA COUR D’APPEL DE RUHENGERI COMPOSEE DE GASORE Louis ( Président),

MUKURA Léonidas ( conseiller rapporteur), et NDAGIJIMANA Timothée (conseiller),

EN PRESENCE DE MUSUHUKE François (O.M.P) ET DE MUKAMUSONI

Bernadette ( Greffière).

CONSEILLER PRESIDENT ONSEILLER

NDAGIJIMANA Timothée GASORE Louis MUKURA Léonidas

Sé Sé Sé

GREFFIERE

MUKAMUSONI Bernadette

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TROISIEME PARTIE

JURIDICTION MILITAIRE

CONSEIL DE GUERRE

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310

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311

N°17

Jugement de la Chambre Spécialisée du Conseil de Guerre siègeant à KIGALI

du

26 novembre 1998.

Ministère Public et parties civiles C./ Sergent Gendarme BARAYAGWIZA Ildéphonse.

ACQUITTEMENT – ACTION CIVILE – ASSASSINAT (ART. 312 CP) –

ASSOCIATION DE MALFAITEURS (ART. 281 CP) – ATTENTAT AYANT POUR BUT

DE PORTER LA DEVASTATION , LE MASSACRE OU LE PILLAGE (ART. 168 CP) –

AVEUX (PARTIELS) – CATEGORISATION (2ème

CATEGORIE ; ART. 2 L.O.

30/08/1996) – COMPETENCE DU CONSEIL DE GUERRE (L.O. DU 06/12/95) – CRIME

DE GENOCIDE (ELEMENT MORAL) – DOUTE (BENEFICE DU, ART. 20 CPP) –

DROITS DE LA DEFENSE – PEINE (EMPRISONNEMENT A PERPETUITE ;

DEGRADATION MILITAIRE) – PREUVE (TEMOIGNAGES) – RESPONSABILITE

CIVILE – RESPONSABILITE DE L’ETAT – TENTATIVE D’ASSASSINAT (ART 21

ET 312 CP) – VIOL ET ACTES DE TORTURE SEXUELLE (ART. 360 CP ET ART. 2, 1

d) L.O. 30/08/1996).

1. Conseil de guerre – compétence rationae personae - qualité du prévenu (art. 11 de la L.O.

n°11/95 du 6/12/95 portant modification du décret-loi n°09/80 du 7 juillet 1980 portant Code

d’organisation et de compétence judiciaire et instituant l’auditorat militaire)– moment

d’appréciation de la qualité de militaire- militaire au moment de l’arrestation.

2. Procédure - remises d'audience – droits de la défense – constitution de partie civile – citation

de l'Etat.

3. Viol (art. 360 CP), tortures sexuelles (art. 2, 1 d) L.O. 30/08/1996) et assassinat (art. 312 CP)

– témoignages contredisant les déclarations de la plaignante – plainte tardive – doute (art.20

CPP) - acquittement.

4. Témoignages – entraînement des Interahamwe (Intention coupable : oui) – participation aux

attaques criminelles – infractions établies – association de malfaiteurs (art. 281 CP) –

assassinat (art.312 CP) – tentative d'assassinat ( arts. 21 et 312 CP) – aveux – pillage (art.

168 C.P).

5. Génocide – élément moral spécifique – infraction établie.

6. Catégorisation – actes ayant entraîné la mort – deuxième catégorie –emprisonnement à

perpétuité – dégradation militaire.

7. Action civile – recevable et partiellement fondée – deuxième catégorie – responsabilité

personnelle.

8. Dommage matériel (âge de la victime)– dommage moral (sagesse du Tribunal) –

9. Responsabilité solidaire de l'Etat (non)

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312

1. La qualité de membre des forces armées qui fonde la compétence du Conseil de Guerre peut

s’apprécier au moment du début des enquêtes. Nonobstant les déclarations du prévenu selon

lesquelles il ne faisait pas partie de l’armée à l’époque des faits, le Conseil de Guerre se

déclare donc compétent, retenant qu’au moment de son arrestation, il était soldat de l'Armée

Patriotique car il avait suivi un recyclage et avait été intégré dans la nouvelle armée,

conformément à l’article 8 de la Déclaration du FPR relative à la mise en place des

institutions.

2. Une remise est accordée au prévenu afin de lui permettre de prendre connaissance des

constitutions de partie civile et d’organiser sa défense.

Une seconde remise d'audience est accordée à la demande des parties civiles pour leur

permettre de préparer le dossier et pour que soit cité l’Etat rwandais comme civilement

responsable.

3. Les déclarations d’une plaignante qui soutient qu’après avoir tué son mari, le prévenu l’aurait

enlevée, séquestrée et violée à de nombreuses reprises sont en totale contradiction avec la

version des faits présentée par le prévenu, qui déclare l’avoir protégée et hébergée. Les

témoignages recueillis et le fait que la plaignante n'ait pas alerté les autorités lorsqu'elle a reçu

la visite du prévenu dans son magasin postérieurement aux faits, jettent un doute sur la

crédibilité de son témoignage. Le prévenu est acquitté, au bénéfice du doute, des préventions

de viol et de torture sexuelles, ainsi que de la prévention d’assassinat du mari de la

plaignante.

4. Les témoignages concordent à établir que le prévenu a entraîné des jeunes de la CDR, qui se

sont ensuite rendus coupables de massacres dans la région. C’est en vain que la défense

soutient que les entraînements en question visaient la mise sur pied d’équipes de « défense

civile », ces jeunes ayant été entraînés à massacrer les gens plutôt qu’à les protéger. Il est

également démontré que le prévenu a participé personnellement à au moins deux attaques qui

ont fait plusieurs victimes, et qu’il a frappé à la machette une personne laissée pour morte. En

outre, le prévenu est en aveu d’avoir participé à des actes de pillages. Il est déclaré coupable

d’association de malfaiteurs, d’assassinat, de tentative d’assassinat et d’attentats ayant pour

but de porter le pillage.

5. La prévention de génocide est établie, car le prévenu «avait pour but d’exterminer les Tutsi

lors des crimes qu’il a commis ».

6. En dépit des réquisitions du Ministère Public qui réclame le classement du prévenu en

première catégorie en tant que planificateur et personne ayant agi en position d’autorité, il est

classé en deuxième catégorie comme auteur d’actes ayant entraîné la mort, le dossier ne

permettant pas de retenir à sa charge les éléments qui appelleraient son classement en

première catégorie. Il est condamné à l’emprisonnement à perpétuité et à la dégradation

militaire.

7. Les actions civiles introduites sont recevables et partiellement fondées.

Du fait de son classement en deuxième catégorie, le prévenu, en vertu de l’article 30 al. 2 de

la Loi organique du 30 août 1996, est tenu de réparer uniquement les dommages causés par les

actes qu’il a commis lui-même.

Page 313: ASF_JurisprudenceGénocide_3

313

8. Les dommages et intérêts matériels liés à la perte d’un époux et d’un père sont fixés en

fonction du nombre d’années qui séparaient la victime de l’âge de la retraite.

Les dommages moraux réclamés étant exagérés, le Tribunal les évalue dans sa sagesse.

9. L'Etat ne peut être condamné solidairement au paiement des dommages et intérêts alloués, car

le prévenu n’occupait aucune fonction publique au moment des faits.

(NDLR: ce jugement a été confirmé par la Cour militaire dans un arrêt en date du

20/12/1999).

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314

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R.P: 0012/CG-CS/98 26/11/1998

315

(Traduction libre)

1er

feuillet.

LA CHAMBRE SPECIALISEE DU CONSEIL DE GUERRE, SIEGEANT A KIGALI

EN MATIERE DES INFRACTIONS CONSTITUTIVES DU CRIME DE GENOCIDE

OU D’AUTRES CRIMES CONTRE L’HUMANITE, A RENDU CE 26 NOVEMBRE

1998 LE JUGEMENT DONT LA TENEUR SUIT :

EN CAUSE LE MINISTERE PUBLIC

CONTRE :

Sergent GD BARAYAGWIZA Ildephonse fils de MUTARATAZA Léon et KAMASHA

Euphrasie, né en 1966 dans la commune MUSASA, préfecture de KIGALI NGALI, marié à

UWIMPAYE Rebeka, père de deux enfants, ex-militaire des FAR, sans biens ni antécédents

judiciaires connus, actuellement en détention préventive.

PREVENTIONS :

1. Avoir, entre avril et juillet 1994, à CYAHAFI, commune NYARUGENGE, comme auteur

ou complice, commis le crime de génocide prévu par la Convention du 9 décembre 1948

ratifiée par le Rwanda en date du 12 février 1975, et par la Loi organique n° 08/96 du 30

août 1996 ;

2. Avoir encadré les miliciens Interahamwe et le génocide dans le secteur CYAHAFI,

infraction prévue et réprimée par les articles 2, catégorie 1 a, et 14 a de la Loi organique n°

08/96 du 30 août 1996 ;

3. Avoir créé des associations de malfaiteurs dans le but de commettre le génocide, infraction

prévue et réprimée par les articles 2, catégorie 1 a, et 14 a de la Loi organique n° 08/96 du

30/08/1996 ;

4. Avoir assassiné différentes victimes dont les nommés NDENGEYINGOMA Edouard et

ses 4 petits frères et d’autres qui n’ont pas été identifiés et ce, en raison de leur ethnie

Tutsi, infraction prévue et réprimée par l’article 312 du Code pénal et par les articles 2

catégorie 1 b, et 14 a de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

2ème

feuillet.

5. Avoir commis les infractions de tortures sexuelles et de viol, infractions prévues et

réprimées par l’article 360 du Code pénal et par les articles 2, catégorie 1 d, et 14 a de la

Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996 ;

6. Avoir tenté d’assassiner NYOMBAYIRE Sixte, infraction prévue et réprimée par les

articles 20, 21, 22, 24 et 312 du Code pénal ;

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Vu que le sergent gendarme BARAYAGWIZA dont l’identité est reprise ci-dessus est

poursuivi du chef des infractions libellées aux préventions ;

Vu que le dossier relatif à l’affaire en cause le Ministère Public contre le sergent gendarme

BARAYAGWIZA Ildephonse a été transmis à la Chambre Spécialisée du Conseil de Guerre

pour fixation par lettre de l’Auditeur Militaire du 21 juillet 1998 ;

Vu que ce dossier a été inscrit au rôle sous le n° RP 0012/CG-CS/98 ;

Vu l’ordonnance du Président de la Chambre Spécialisée prise en date du 24 septembre 1998

fixant la date d’audience au 12 octobre 1998 ;

Vu qu’à cette date le Ministère Public est représenté par le sergent NZAKAMWITA Faustin,

que le sergent BARAYAGWIZA Ildephonse comparait assisté par Maître SONEVILLE

Isabelle ;

Attendu qu’après lecture de son identité et des préventions à sa charge, le sergent gendarme

BARAYAGWIZA dit qu’il ne reconnaît pas la qualité de militaire qui lui est attribuée car il

n’est qu’un civil ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir s’il plaide coupable des infractions qui lui sont

reprochées, il répond qu’il en plaide non coupable ;

Attendu que la parole est accordée à l'Auditeur militaire qui dit que le Sergent gendarme

BARAYAGWIZA a été poursuivi comme militaire car il reconnaissait lui-même cette qualité,

que l’Auditorat Militaire est compétent pour exercer des poursuites contre les militaires et

leurs complices non militaires tel que prévu à l’article 3 modifié de la Loi fondamentale ainsi

que par la déclaration du FPR relative à la mise en place des institutions en son article 8 telle

qu’agréée par les forces politiques appelées à participer aux dites institutions qui dispose que

l’intégration des éléments des anciennes Forces Armées Rwandaises se fera par triage des

individus sains et qui ne se seraient pas personnellement compromis par des actes

répréhensibles, que c’est dans ce cadre que le prévenu est allé au regroupement qui a eu lieu à

GAKO ;

3ème

feuillet.

Attendu que l'Auditeur militaire dit qu’à l’époque du génocide, le sergent BARAYAGWIZA

s’est comporté comme un militaire et que, usant de son rang, il a collaboré avec des militaires

parmi lesquels figurent le caporal HATEGEKA dont l’adresse actuelle est inconnue et le

lieutenant Richard qui lui a donné un fusil, qu’il y a dès lors opportunité des poursuites ;

Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA figure sur la liste nominative des éléments

des anciennes Forces Armées Rwandaises ainsi que sur celle des militaires qui ont commis

des infractions, qu’il ressort du commentaire de la Loi organique par des juristes sur la

compétence des chambres spécialisées qu’il n’est tenu compte que des fonctions exercées par

la personne poursuivie au moment de l’instruction préparatoire et que, dans le cas actuel,

l’intéressé était un militaire quand les enquêtes ont commencé, que selon même la doctrine du

Général LIKULIA BOLONGO, le Conseil de Guerre est seul compétent pour juger le

prévenu ;

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Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il n’était plus membre des anciennes Forces

Armées Rwandaises à l’époque des faits en 1994 parce qu’il avait été renvoyé en date du

21/01/1990, qu’il ne devrait pas par ailleurs être encore au grade de sergent s’il est tenu

compte de l’époque à laquelle il est censé avoir été réintégré dans l’Armée Patriotique

Rwandaise, qu’il n’a même pas de numéro matricule au sein de cette dernière et que, ayant été

incarcéré en compagnie de militaires, ceux-ci ont continué à recevoir leurs soldes alors qu’il

n’en n’était pas de même pour lui, qu’il est considéré comme un élément de l’armée actuelle

alors qu’aucune tâche ne lui a été confiée au sein de celle-ci depuis sa mise en détention et

qu’il avait l’étiquette d’un milicien Interahamwe lors de ses séjours respectifs dans les prisons

de RILIMA, KIBUNGO et MULINDI ;

Attendu qu’il dit que le Chef d’Etat-Major est arrivé à KIBUNGO en août 1996 et leur a dit

qu’ils n’étaient pas inscrits parmi les éléments de l’Armée Patriotique Rwandaise, qu’il

poursuit en disant qu’il y a lieu, en ce qui le concerne, de consulter sa fiche individuelle

d’identification ou le Journal Officiel pour être suffisamment renseigné sur le motif de son

renvoi, qu’il ne fait même plus partie des personnes affiliées à la Caisse Sociale ;

Attendu qu’il affirme avoir démontré au Ministère Public qu’il agissait en qualité de civil à

part que ses pièces ont été volées ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA n’a jamais été victime

de vol, que ses moyens de défense tendant à nier sa qualité de militaire ne visent qu’à

détourner l’attention du Tribunal, qu’il demande que l’intéressé parle plutôt du lieu où il a été

arrêté ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a été arrêté à KIGALI par des militaires qui

l’ont d’abord conduit à l’endroit où se trouve l’immeuble appartenant à KABUGA et ensuite

au lieu dénommé " la fraîcheur" où un officier qu'il pense être le capitaine Joseph l’a trouvé,

que celui-ci a dit que BARAYAGWIZA n’était pas militaire ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que sergent BARAYAGWIZA ment car il a été arrêté au

camp militaire de "GAKO REORGANISATION SCHOOL" après sa formation, que ce camp

militaire est doté de structures administratives militaires effectives et que l’Armée Patriotique

Rwandaise n’a jamais procédé à la formation de personnes civiles ;

4ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir dans quelles circonstances le sergent BARAYAGWIZA est

allé au camp militaire de GAKO, l'Auditeur militaire dit que l’intéressé s’est présenté de son

plein gré à la suite d’un communiqué radiodiffusé qui invitait les anciens militaires à se rendre

à GAKO, que les concernés devaient d’ailleurs remplir les conditions prévues à la page 40 des

Accords de Paix d’Arusha pour être réintégrés dans le corps des sous-officiers à savoir : en

avoir la volonté, être un membre effectif de l’ex-armée, être de nationalité rwandaise, être

physiquement apte et avoir l’âge requis ;

Attendu que l'Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA était un partisan fidèle

de HABYARIMANA, la preuve étant qu’il a été son employé dans la boîte de nuit dénommé

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KIGALI- NIGHT, au TAM-TAM et EXOTICA, qu’il est poursuivi en qualité de militaire car

il figure sur la liste exhaustive des militaires, sur la liste nominative et sur celle des militaires

ayant commis des infractions, qu’il est faux de prétendre qu’il avait été renvoyé de l’armée car

la période à laquelle il prétend avoir fait l’objet de cette mesure ne s’y prêtait guère, à cette

époque en effet, l’on rappelait plutôt sous les drapeaux des membres de la réserve militaire en

leur envoyant des télégrammes ;

Attendu qu’interrogé sur son numéro matricule à l’époque où il était sergent en 1988, le

sergent BARAYAGWIZA dit qu’il avait le n° 7500, qu’à la question de savoir comment on a

appris qu’il avait le grade de sergent, il répond qu’on demandait à chacun les renseignements

sur son grade, les camps militaires où il a vécu, la date à laquelle il avait quitté l’armée, ou s’il

était encore en activités;

Attendu qu’à la question de savoir s’il lui est arrivé de déclarer ne pas vouloir continuer à

servir au sein de l’armée, il répond qu’ils étaient nombreux à le souhaiter mais que certains

autres se sont laissés convaincre de rester ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a subi un quelconque interrogatoire sous la contrainte,

il répond que cela a été le cas lors de son interrogatoire par le sergent KAMANZI, mais qu’il

approuve cependant le procès-verbal de l’autre interrogatoire qu’il a subi, qu’à celle de savoir

s’il y a des personnes qu’il a entraînées militairement, il répond par l’affirmative et dit qu’il a

pu identifier le seul sergent SEBITABI parmi ses collaborateurs mais qu’il ignore où il

travaillait, que c’est parce qu’il n’y avait pas longtemps qu’il habitait à cet endroit qu’il ne

connaît pas les autres, que cette tâche leur a été confié au cours d’une réunion qui a eu lieu à

une école située derrière son habitation et ce, sous la direction du conseiller Rose

KARUSHARA, qu'il pense d'ailleurs que sergent SEBITABI logeait chez ce conseiller ;

Attendu que l'Auditeur Militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA a apposé sa signature

sans contrainte sur le procès-verbal de son audition portant le n° 7, qu’il y a un autre procès-

verbal qu’il a signé lui-même sous le grade de sergent GD BARAYAGWIZA, ceci étant la

preuve qu’il se reconnaît militaire et qu’il n’a jamais déclaré ne pas vouloir rester en service,

qu’il y a lieu pour le Tribunal d’apprécier souverainement tous ces éléments de preuve au

moment de prendre sa décision ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il lui est difficile de produire les preuves à

l’appui de sa défense, mais qu’il y aurait lieu de chercher au Ministère de la Défense et à

l’Etat-Major des pièces relatives aux circonstances de son renvoi, que la preuve manifeste

dont il dispose actuellement est qu’il aurait dû avoir le grade d’Adjudant mais qu’il a toujours

celui de sergent alors qu’il a été enrôlé dans l’armée en 1988, que compte tenu du règlement,

il aurait dû déjà porter le grade de Sergent Major au moment de son arrestation ;

5ème

feuillet.

Attendu qu’il dit que des discussions portant sur l’endroit où il devait être conduit ont eu lieu

lors de son arrestation, que le lieutenant qui l’a emmené du lieu dénommé "la fraîcheur" lui a

dit à son arrivée à RILIMA qu’il devait vivre avec les militaires, que ce n’est que quand son

identité n’a pas pu être établie plus tard qu’il a été interrogé là-dessus, car à ce moment le

Ministère Public voulait qu’il soit justiciable devant le Conseil de Guerre ;

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Attendu que l’Auditeur dit que les conditions de promotion en grades sont énoncées à l’article

34 de l’Arrêté Présidentiel n° 02/02 du 3 janvier 1977 portant Statut des Sous-Officiers tel que

figurant dans le Tome II des Codes et Lois qui dispose que la durée minimum de service

effectif dans chaque grade pour pouvoir être promu est de 3 ans, que la durée maximum n’est

cependant pas indiquée et qu’il n’y a aucun acte administratif portant renvoi du sergent

BARAYAGWIZA de l’armée ;

Attendu que Me Isabelle SONEVILLE dit que le problème est simple car il s’agit de savoir si

le prévenu était militaire lors de la commission des faits qui lui sont reprochés ou lors de son

arrestation à GAKO, cela ne pouvant être prouvé autrement que par des pièces écrites car la

qualité de militaire doit être confirmée pas le règlement et le n° matricule, qu’elle souhaite

savoir si, au cours de sa formation au camp militaire de GAKO, l’intéressé était considéré

comme un militaire ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que les militaires sont des agents de l’Etat qui ne

sauraient être rémunérés sans être enregistrés, mais que le Ministère de la Défense ayant en

charge la sécurité et la souveraineté du pays dans ses attributions, il ne leur est pas permis de

rendre publique la liste des militaires en service, que par ailleurs, non seulement ce pays a

perdu les victimes qui ont été tuées, mais a également subi des actes de pillage ;

Attendu qu’il dit que les militaires n’avaient pas encore reçu leurs soldes et qu’ils ont été

maintenus aux grades qu’ils avaient en date du 06/04/1994, que c’est ainsi que

BARAYAGWIZA a conservé le grade de sergent qu’il avait à cette date, que la formation a

été clôturée publiquement en présence du Président de la République, du Ministre de la

Défense et des représentants du corps diplomatique, que le problème relatif au n° matricule est

d’ordre purement administratif ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA affirme avoir été renvoyé par le Colonel

BAVUGAMENSHI pour abandon de poste et non respect des consignes du camp, que le

lieutenant GATETE, actuellement militaire de l’APR et qui avait été renvoyé au même

moment que lui peut en témoigner, de même que les nommés NIBARERE et le caporal

KARANGWA qui sont en détention à MULINDI, que quand ils étaient détenus avec des

militaires de l’A.P.R., ces derniers ont reçu leurs soldes et des effets militaires sans qu’il en

soit de même pour eux, que suite à leur requête à cet effet, le Chef d’Etat-Major leur a dit

qu’ils ne sont inscrits nulle part comme militaires ;

6ème

feuillet.

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le fait que le sergent BARAYAGWIZA réclamait sa

solde signifie qu’il reconnaissait sa qualité de militaire, que le non paiement de sa solde est un

problème d’ordre administratif qu’il ne devrait pas invoquer en rapport avec les infractions

qui lui sont reprochées, que le lieutenant GATETE qui est supposé avoir été renvoyé en même

temps que le prévenu est actuellement militaire et peut être invité à témoigner, qu’il y a lieu de

relever que le lieutenant colonel KANAMUGIRE et le Major NDAMAGE avaient eux aussi

été renvoyés en violation de la loi, mais qu’ils ont été réintégrés, que les autres militaires dont

parle BARAYAGWIZA sont à un échelon tellement bas qu’ils ne peuvent pas connaître le

motif de son renvoi, que la gravité de l’infraction d’abandon de poste aurait dû entraîner des

poursuites à charge du prévenu qui aurait été par ailleurs mis en détention pour ce motif, qu’il

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estime que l’intéressé a été injustement renvoyé et que c’est pour cette raison qu’il est revenu

dans l’armée ;

Vu que le Tribunal se retire en délibéré pour prendre une décision sur cette exception;

Attendu que le prévenu soulève l’exception d’incompétence du Tribunal en invoquant sa

qualité de civil estimant ainsi ne pas être justiciable de la Chambre Spécialisée du Conseil de

Guerre ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il n’y a aucune preuve que l’intéressé a été renvoyé de

l’armée, surtout que le motif prétendu de son renvoi est une infraction pénale pour laquelle il

aurait dû être poursuivi, mais qu’il est établi qu’il n’a jamais été condamné par les juridictions

pour ces faits ;

Attendu que l’Auditeur militaire invoque la déclaration du FPR du 17/07/1994 relative à la

mise en place des institutions qui, en son article 8, dispose que l’intégration des éléments des

anciennes Forces Armées Rwandaises se fera par triage des individus sains et qui ne se

seraient pas personnellement compromis par des actes répréhensibles, qu’il soutient en

conséquence que c’est dans le cadre dudit triage que le prévenu est allé à GAKO ;

Attendu que le Conseil du prévenu demande si le sergent BARAYAGWIZA était militaire à

l’époque du génocide ou s’il existe un numéro matricule prouvant qu’il aurait réellement été

réintégré dans l’armée actuelle ;

Attendu que le prévenu dit que la preuve de son renvoi est qu’il n’a eu aucune promotion en

grade jusqu’aujourd’hui et qu’il n’a jamais reçu de solde ;

Constate que le prévenu est allé au camp militaire de GAKO où devait avoir lieu la formation

des militaires des anciennes Forces Armées Rwandaises en vue de leur réintégration dans

l’APR tel que prescrit par l’article 8 de la déclaration du FPR INKOTANYI du 17/07/1994 ;

7ème

feuillet.

Constate qu’il a été arrêté pour crime de génocide après sa formation, qu’il avait ainsi été

réintégré dans l’APR ;

Constate que son moyen de défense tendant à renier sa qualité de militaire au motif qu’aucun

numéro matricule ne lui a été octroyé et qu’il n’a pas reçu de solde est non fondé car ces

lacunes sont dus aux problèmes d’ordre administratif qu’avait le pays, surtout que les

militaires qui ont suivi la formation avec lui, mais qui n’ont pas été arrêtés, reçoivent leur

solde et ont des numéros matricules ;

Déclare qu’il était militaire quand il a été arrêté et poursuivi, que le Conseil de Guerre est

compétent pour le juger ;

Attendu que la parole est accordée à l’Auditeur militaire pour un exposé détaillé des faits

reprochés au sergent GD BARAYAGWIZA et de leur qualification légale, qu’il commence

par un rappel de l’histoire et dit qu’en 1959, certaines personnes de l’ethnie Tutsi ont été tuées

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et victimes d’actes de pillages, que d’autres se sont exilées et sont devenues des réfugiés, que

lors de l’attaque des Inyenzi en 1963 les Hutu ont tué les Tutsi, qu’il en a été ainsi en 1967 et

qu’en 1973 des Tutsi ont de nouveau été tués et leurs cadavres jetés dans le trou dénommé

RWABAYANGA, que les Tutsi ont été traités de complices des Inkotanyi en 1990 et que

quelques-uns ont été mis en prison tandis que d’autres furent tués, que les Tutsi de la région

de GISENYI (LES ABAGOGWE) et ceux de celle du BUGESERA ont été tués en 1991,

qu’en 1993 les miliciens Interahamwe ont été initiés à la perpétration d’actes méchants et

pourvus de moyens à cet effet et qu’en 1994, il y a eu des tueries telles que même des fœtus

n’ont pas été épargnés, que les meurtriers ont été récompensés à l’exemple de RWAMBUKA

qui, étant bourgmestre au moment des faits, a été d’abord promu Sous-Préfet et député

ensuite ;

Attendu qu’il dit que des militaires ont été manipulés en avril 1994 tel que le sergent

BARAYAGWIZA qui était un adepte de la CDR et travaillait au café TAM-TAM tout en

étant membre du comité de crise de CYAHAFI composé des tueurs nommés

BARARAMBIRWA, MUNYEZAMU F., GAHAMANYI Etienne, RWANDA Christophe,

HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré, ce dernier étant chargé de chercher des

fusils et des munitions qui devaient servir à tuer les Tutsi ;

Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA, en collaboration avec ses collègues

militaires et Rose KARUSHARA, alors conseiller du secteur KIMISAGARA, ont soumis les

miliciens Interahamwe à un entraînement militaire sur le terrain de l’école primaire de

KIMISAGARA ;

Attendu qu’il dit qu’en date du 07/04/1994, le sergent BARAYAGWIZA et d’autres

malfaiteurs ont mené une attaque chez le nommé Narcisse originaire de NYANZA qui était un

vendeur de vêtements de seconde main et qu’ils l’ont tué, qu’ils se sont ensuite rendus chez le

nommé François qui était un employé de MANUMETAL et l’ont tué avec son fils aîné âgé de

17 ans, et ce, à cause de leur ethnie Tutsi ;

Attendu qu’il dit qu’en date du 08/04/1994 aux environs de 16 heures et demie, des jeunes

hommes ont attaqué le domicile de NYOMBAYIRE Sixte qui s’est défendu et les a repoussés,

qu’ils sont revenus dans une attaque dirigée par le sergent gendarme BARAYAGWIZA et

dont faisait partie NZARIBARA alias GITENGE, qu’ils ont donné des coups de machette à

l’intéressé et l’ont laissé pour mort, qu’en apprenant que la victime n’était pas morte, le

sergent BARAYAGWIZA l’a poursuivie au Centre Hospitalier de KIGALI où elle se faisait

soigner ;

8ème

feuillet.

Attendu qu’il dit qu’en date du 14/04/1994, le sergent BARAYAGWIZA a dirigé une attaque

au cours de laquelle NDENGEYINGOMA Edouard et ses quatre petits frères KALISA,

NIYIBIZI Anaclet, Vianney et Damien ont été tués, que le prévenu a emmené l’épouse de

NDENGEYINGOMA à laquelle il a imposé une cohabitation forcée;

Attendu qu’il dit que la bande du sergent BARAYAGWIZA a détruit des maisons et commis

des actes de pillage chez Bosco et NDAYISABA dans le secteur CYAHAFI ;

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Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA s’était surnommé SHITANI à cause de sa

méchanceté ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il accepte de plaider mais relève qu’il n’a pas

eu le temps d’étudier le dossier, qu’il n’en a pas encore fait lecture pour qu’il puisse être

renseigné sur l’identité des personnes qui ont porté plainte contre lui car elle ne figure

normalement pas sur les assignations qui ne mentionnent que les seules préventions mises à

charge du prévenu;

Attendu que l'Auditeur militaire dit que le prévenu doit présenter ses moyens de défense sur

les faits qui lui sont reprochés et non sur l’identité des plaignants, que par ailleurs, son Conseil

ayant fait lecture du dossier, l’intéressé aurait dû lui aussi l’avoir fait ;

Attendu que Me SONEVILLE dit que son client n’a pas effectivement vu le dossier car celui-

ci n’avait pas encore été traduit du Kinyarwanda quand ils ont eu leur première entrevue, que

le dossier ne lui est parvenu qu’en date du 06/10/1998 et qu’elle a dû le faire traduire avant

d’en communiquer le contenu au prévenu à travers les questions qu’elle doit lui poser, que ce

n’est que vendredi que le dossier lui a été retourné après traduction ;

Attendu qu’elle dit que, au cours de la matinée, l’audience a porté sur l’exception

d’incompétence, qu’elle a demandé des explications et a appris que le sergent

BARAYAGWIZA entend plaider non coupable, que le prévenu doit avoir la possibilité de

présenter suffisamment ses moyens de défense ainsi que des témoins à sa décharge ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que les moyens invoqués par le prévenu sont dilatoires

car il a été régulièrement cité à comparaître et que la négligence de la défense ne saurait être

un motif de faire traîner le procès en longueur ;

Attendu qu’interrogé sur les difficultés qu’il a eu à prendre connaissance du contenu du

dossier à sa charge, le sergent BARAYAGWIZA répond qu’il ignore même à qui il devait

s’adresser à cet effet car on ne lui a pas indiqué la procédure à suivre ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit qu’il a facilité le contact entre le prévenu et son

Conseil et leur a promis de leur permettre d’avoir une entrevue quand ils le voudraient ;

Attendu que le Conseil du prévenu dit que le Ministère Public leur a effectivement facilité le

contact mais qu’ils n’ont point la volonté de faire traîner le procès, qu’ils veulent plutôt que le

prévenu puisse présenter des témoins à décharge en communiquant leur liste au greffier, qu’il

n’est pas nécessaire que le prévenu fasse lecture de son dossier en sa présence, mais que

l’intéressé doit être informé des réclamations des parties civiles ;

9ème

feuillet.

Attendu qu’interrogé sur le temps dont il a besoin pour la lecture de son dossier, le sergent

BARAYAGWIZA répond que deux semaines suffiront, mais demande également qu’on lui

accorde la possibilité d’avoir une entrevue avec son avocat ;

Vu que le Tribunal estime nécessaire de se retirer en délibéré pour l’examen de la requête du

prévenu et de son Conseil ;

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Constate que sergent BARAYAGWIZA a été régulièrement cité à comparaître ;

Constate qu’il n’y a pas de motif valable qui l’a empêché de faire lecture de son dossier à

temps ;

Constate que la requête du Conseil du prévenu tendant à recevoir communication des

conclusions des parties civiles est fondée, qu’elles doivent être déposées au Tribunal ;

Décide de reporter l’audience au 19/10/1998 pour que les parties civiles puissent déposer au

greffe du Tribunal leurs conclusions écrites ;

Attendu que l’audience reprend à cette date du 19/10/1998 par la prestation de serment du

nouvel interprète MUSABYIMANA Mathias ;

Attendu que les avocats des parties civiles prennent la parole, que Me Claudine

GASARABWE demande au Tribunal de reporter l’audience à une autre date au motif qu’ils

ont été tardivement informés de cette affaire, et de citer l’Etat rwandais en qualité de

civilement responsable, que Me Bernadette KANZAYIRE dit que la citation de l’Etat

rwandais en cette affaire est justifiée car le prévenu, sergent gendarme BARAYAGWIZA,

était militaire au moment des faits poursuivis et qu’à cet égard, l’Etat rwandais représenté par

le Ministère de la Défense, en sa qualité d’employeur, est solidairement responsable des

dommages intérêts ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que pour pouvoir représenter valablement les parties

civiles, ces avocats doivent avoir le temps de lire le dossier, qu’il demande au Tribunal de

vérifier s’ils n’ont pas eu connaissance du dossier à temps et de prendre une décision en

conséquence ;

Attendu que le Conseil du prévenu dit qu’il est compréhensible que ses confrères demandent

du temps pour lire le dossier, qu’il ne s’oppose pas au renvoi de l’audience à une autre date

pour les motifs invoqués, mais demande plutôt à être autorisé à déposer une autre liste des

témoins à décharge ;

10ème

feuillet.

Attendu que Me Claudine GASARABWE dit que trois semaines leur suffiraient, qu’ensuite le

Tribunal se retire en délibéré ;

Attendu que les Conseils des parties civiles souhaitent qu’un délai leur soit accordé en vue de

se préparer et que l’Etat rwandais, représenté par le Ministère de la Défense, soit cité à

comparaître ;

Vu les avis de l’Officier du Ministère Public et du Conseil du prévenu ;

Constate que la requête des avocats des parties civiles est fondée ;

Décide que l’audience est reportée au 5 novembre 1998 à 9 heures du matin pour permettre

aux avocats des parties civiles de préparer leurs conclusions et pour que l’Etat rwandais soit

cité en qualité de civilement responsable ;

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Vu qu’à cette date du 05/11/1998 l’audience a lieu, que Me DJOSSOU KOFFI qui a remplacé

Me SONNEVILLE Isabelle produit son autorisation de plaider et que l’interprète Elysée

NTIVUGURUZWA prête serment ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public fait à nouveau un résumé des faits reprochés au

prévenu ;

Attendu que dans sa défense sur l’infraction d’avoir donné des entraînements militaires aux

Interahamwe, le sergent gendarme BARAYAGWIZA reconnaît les faits mais dit l’avoir fait à

la demande de ce qui était appelé GARDE CIVILE , qu’il nie cependant avoir entraîné les

miliciens Interahamwe car dit-il, au début du mois de juin 1994, le conseiller du secteur

KIMISAGARA en la personne de Rose KARUSHARA a tenu une réunion à laquelle la

majorité des participants étaient des hommes et a dit que les personnes à entraîner seraient

préposées à la protection et la défense du secteur ou seraient enrôlées dans l’armée, que c’est

ainsi que le sergent BARAYAGWIZA et le sergent SEBITABI ont été désignés pour entraîner

ceux qui y étaient aptes, que la liste a été établie au bureau du secteur et que les concernés ont

été répartis en deux groupes de 28 personnes chacun ;

Attendu qu’il dit qu’ils sont retournés sur les lieux le lendemain et y ont croisé trois militaires

qui avaient apporté des fusils devant servir à l’entraînement, lequel a commencé trois jours

plus tard, mais que en raison des obus que les Inkotanyi tiraient sur le terrain choisi à cet effet,

il a eu peur d’y perdre la vie et n’y est pas retourné ;

Attendu que relativement à l’infraction d’encadrement du génocide il dit qu’il ne pouvait pas

diriger le génocide et n’y a même pas pris part, qu’il n’était qu’un simple citoyen et n’était

partisan d’aucun parti politique même s’il est faussement accusé d’avoir fait partie du comité

de crise de CYAHAFI ;

11ème

feuillet.

Attendu qu’il dit qu’il se trouvait chez sa sœur à CYAHAFI au début des tueries où il a passé

trois jours à cause du couvre-feu qui était en vigueur, qu'il a ensuite regagné son domicile à

KIMISAGARA et n’a jamais résidé à CYAHAFI ;

Attendu qu’il déclare ne pas avoir commis l’infraction d’association de malfaiteurs, à moins

dit-il, qu’on ne veuille parler des gens qu’il a entraînés militairement sur ordre, encore qu’il

ignore les actes qu’ils auraient commis ;

Attendu que dans sa défense sur l’infraction d’assassinat d’Edouard NDENGEYINGOMA et

de nombreuses autres victimes, il dit que ce n’est pas lui qui les a tués mais que, tel qu’il l’a

appris de la nommée Agnès KAGERUKA, l’ex-épouse de NDENGEYINGOMA, qu’il a

aidée à s’échapper du domicile de HATEGEKA en lui envoyant le dénommé JEUNE,

NDENGEYINGOMA a été tué par HATEGEKA et d’autres dont le nommé CYABINGO,

qu’elle le lui a dit quand il l’a aidée à s’échapper de chez HATEGEKA, que d’autres

personnes qui résidaient à CYAHAFI, dont le 1er

sergent RWAMUNINGI, KAYIRANGA qui

est détenu à RILIMA, MANZI et la nommée Maman HAMIMU, connaissent les circonstances

de la mort de NDENGEYINGOMA ;

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Attendu qu’à la question de savoir quand il a fait la connaissance de Agnès KAGERUKA, il

répond que c’est avant le génocide, qu’il dit qu’en avril ou au début de mai 1994, il se

trouvait chez lui quand le dénommé JEUNE est arrivé et lui a dit qu’Agnès l’envoyait lui

demander de la secourir et qu’elle était chez HATEGEKA, qu’il n’avait pas d’arme mais se

sentait obligé de voler à son secours car elle était en danger et qu’à cet égard, il a usé de ruse

en lui faisant parvenir un schéma indiquant le chemin à suivre, que cette démarche a abouti

grâce à Dieu et au fait qu’Agnès avait des pièces d’identité mentionnant qu’elle est Hutu, ainsi

que parce que le sergent GD BARAYAGWIZA avait été militaire;

Attendu qu’il dit qu’Agnès lui attribue l’assassinat de son mari suite au conflit qui les oppose

relatif notamment à une somme d’argent et d’autres biens de valeur qu’il lui a confiés quand il

est allé à GAKO et que, à son retour, il a constaté, quand il est revenu au cabaret, qu’Agnès

était entretenue par un autre homme, qu’elle a cru alors qu’il venait pour lui réclamer ses

biens, que c’est ainsi qu’après son départ, ils ont envoyé un message pour le faire arrêter au

motif prétendu qu’il constituait une menace à leur sécurité ;

Attendu que concernant l’infraction d’avoir forcé Agnès KAGERUKA à cohabiter avec lui, il

dit qu’il n’apparaît nulle part qu’il l’a commise surtout si l’on examine les questions posées à

Agnès et les réponses qu’elle a données lors de son audition, qu’il reconnaît seulement l’avoir

secourue et conduite chez lui à sa demande, que les accusations qu’elle porte contre lui

affirmant qu’il a tué les victimes qu’elle énumère et parmi lesquelles figurent même celles

qu’il ne connaît pas ne relèvent que de pures inventions qui semblent lui avoir été inspirées

par des tiers;

Attendu qu’il dit qu’elle ment quand elle rapporte les circonstances dans lesquelles il l’a

conduite chez lui en date du 14 , qu’il peut présenter des témoins en vue de la démentir à ce

sujet, qu’il est également faux d’affirmer lui avoir échappé pendant trois semaines, comme

sont également fausses les allégations selon lesquelles il aurait à cette date, après avoir

assassiné Edouard, pillé deux matelas doubles et une armoire, et emmené Agnès en étant

armé d’un fusil, car personne ne peut commettre tous ces actes seul ;

12ème

feuillet.

Attendu qu’il dit que les infractions de tortures sexuelles et de viol ont été inventées par

l’Auditorat Militaire car la victime de ces actes n’apparaît nulle part dans le dossier ;

Attendu que BARAYAGWIZA dit que l’infraction de tentative d’assassinat de

NYOMBAYIRE n’a pas eu lieu car, à la date indiquée comme étant celle des faits, il se

trouvait à CYAHAFI où il avait été bloqué à cause du couvre-feu qui venait d’être décrété,

qu’il n’a appris cet assassinat qu’à son retour à son domicile quand on lui a dit que

NYOMBAYIRE avait été victime de coups de machette au cours d’une attaque et qu’il se

trouvait au Centre Hospitalier de KIGALI où il se faisait soigner, que le prévenu estime que ce

sont des gens qui sont en conflit avec lui qui l’ont impliqué dans ce crime ;

Attendu qu’interrogé sur la durée des entraînements ainsi que sur leur objectif, et à la question

de savoir s’il était payé pour cette tâche, et s’il a été poursuivi quand il l’a abandonnée, il

répond que les gens qui ont participé aux entraînements militaires devaient assurer la défense

du secteur et que cette opération était supervisée par la Préfecture de la ville de KIGALI et

l’Etat-Major représentés respectivement par le Préfet RENZAHO et le lieutenant Esdras qui

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ont donné des instructions au conseiller du secteur qui, à son tour, a convoqué les candidats en

vue d’une sélection, qu’il n’était pas payé et qu’aucune poursuite n’a été exercée contre lui

pour avoir cessé de dispenser ces entraînements ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il n’avait pas de fusil, il répond qu’il n’en avait pas à

cette époque et qu’il ne l’a obtenu que vers le 15/06/1994 lors de l’attaque de

NYAMIRAMBO ;

Attendu qu’interrogé sur la différence entre la garde civile et les miliciens Interahamwe, il

répond que c’est sur instruction officielle que les membres de la garde civile ont été entraînés,

tandis que la milice Interahamwe était une branche du MRND et de la CDR, qu’à la question

de savoir s’il se souvient de quelques-uns des individus qu’il a entraînés, il répond que leur

liste avait été établie mais que comme les gens fuyaient, il a perdu tout contact et n’a plus

suivi de près les activités liées à ces entraînements, qu’il y avait cependant d’autres personnes

qui les supervisaient ;

Attendu qu’interrogé sur les trois organes qui dispensaient des entraînements militaires, leurs

attributions respectives et leur collaboration, il répond qu’il y avait l’armée ainsi que la garde

civile elle aussi instituée par l’Etat pour la défense de la population mais dont certains

membres étaient également enrôlés dans l’armée, que les Interahamwe constituaient quant à

eux une branche d’un parti politique, que ce sont les miliciens Interahamwe et de la CDR qui

ont commis des tueries à KIMISAGARA, que les membres de la défense civile n’ont pas

commis d’actes répréhensibles à part qu’il n’a plus eu connaissance de leurs activités après

avoir cessé de les entraîner, qu’au cours de cette période les massacres avaient cependant

cessé car, ayant été déclenchés le 07/04/1994, ils ont pris fin en juin 1994 suite aux

instructions qui intimaient l’ordre d’y mettre un terme ;

Attendu qu’à la question de savoir quand il a fait la connaissance d’Agnès KAGERUKA, il

répond que les parents de KAGERUKA étaient les voisins de sa sœur et qu’ils se connaissent

depuis bien avant le génocide car ils se rendaient même visite, qu’Agnès savait qu’il était un

ex-militaire, qu’à la question de savoir si elle savait qu’il était en vie quand elle lui a fait dire

de la secourir, il répond par l’affirmative, qu’à celle de savoir s’il connaissait bien l’endroit où

vivait Agnès il répond que c’est chez KAGERUKA qui était un voisin de sa sœur et d’où elle

est partie pour épouser Edouard même si l’Auditeur militaire dit que les intéressés étaient des

fiancés, que c’était également près de l’endroit où habitait Edouard ;

13ème

feuillet.

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA tente de fuir les

accusations portées contre lui, qu’il poursuit en disant que l’Etat prenait en charge la

formation des militaires, des gendarmes et des policiers en vue de la protection du pays et que

seuls ces corps avaient une existence légale alors qu’aucune loi n’avait institué la défense

civile, que ce sont plutôt des miliciens Interahamwe qui ont été entraînés, qu’il est faux de la

part du prévenu d’affirmer avoir reçu un message à lui envoyé par Agnès pour la secourir, que

l’intéressé a au contraire pris part aux attaques comme les autres tueurs et que, en sa qualité de

sergent digne de sa réputation, il en est revenu emmenant Agnès ;

Attendu qu’interrogé sur quoi était fondé son optimisme quand il est allé secourir Agnès, il

répond qu’il vivait à KIMISAGARA où Agnès a fait appel à lui par l’intermédiaire d’un

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messager, qu’il lui a envoyé un schéma des endroits où les miliciens Interahamwe se

trouvaient, qu’il poursuit en disant qu’il est un jour arrivé là où Agnès avait été séquestrée si

bien que la sœur du milicien auteur de cette séquestration le sait, qu’Agnès est parvenue à

quitter cet endroit car elle avait une carte d’identité portant la mention de l’ethnie Hutu et un

permis de résidence, qu’elle a croisé en cours de route l’enfant qui lui apportait le schéma qui

lui était envoyé par BARAYAGWIZA, qu’elle a ainsi rejoint ce dernier qui l’a conduite chez

lui ;

Attendu qu’il dit que des miliciens Interahamwe envoyés par HATEGEKA après avoir appris

l’endroit où se trouvait Agnès sont venus chez lui en vue de se faire remettre l’intéressée, qu’il

s’y est opposé et qu’ils l’ont depuis lors persécuté, ce que voyant, il a décidé de chercher un

fusil en vue de sa défense et de la protection d’Agnès qui était recherchée, qu’il a obtenu ce

fusil du lieutenant Richard, qu’il n’a jamais violé Agnès durant cette période d'autant plus que

sa sœur occupait une chambre dans la même maison ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles ils se sont réfugiés, il répond qu’ils

sont allés à MUSASA d’où il est natif mais que la région a été vite occupée par l’APR et

qu’ils ont dû rester à RUHONDO d’où les militaires les ont conduits dans un camp de

regroupement où il a passé deux semaines en compagnie des membres de sa famille et

d’Agnès, que lors d’une réunion organisée par ces militaires à cet effet, ils ont demandé aux

participants de dénoncer les tueurs mais que personne ne l’a mis en cause jusqu’à ce qu’ils

soient rentrés ;

Attendu qu’interrogé sur la date à laquelle ils ont fui de KIGALI, il dit qu’ils ont quitté

KIGALI le 04/07/1994 et que les militaires de l’APR sont arrivés à MUSASA le 07/07/1994

et les y ont trouvés ;

Attendu qu’interrogé sur les biens qui sont à l’origine de son conflit avec Agnès ainsi que sur

leur destination actuelle, il dit qu’il s’agit de vêtements (jeans) d’une valeur de quatre vingt

trois mille francs (83.000 Frw), d’un pantalon en laine d’une valeur de quinze mille francs

(15.000 Frw), de chaussures souplesse d’une valeur de trente mille francs et d’autres de

marque Adidas d’une valeur de vingt cinq mille francs (25.000 Frw),

14ème

feuillet.

de chaussures de marque Puma d’une valeur de trente cinq mille francs (35.000 Frw), d’une

chaînette en or, d’une montre SEIKO d’une valeur de douze mille francs (12.000 Frw), d’une

somme de soixante quinze mille francs (75.000 Frw), soit au total des biens d’une valeur de

trois cent cinquante huit mille francs (358.000 Frw), qu’il se peut qu’Agnès les ait vendus et

se serait servie du produit de cette vente pour l’ouverture de la boutique qu’il l’a vue exploiter

quand il est allé la voir à son retour de GAKO ;

Attendu qu’interrogé sur ce qu’il sait des circonstances de la mort de NDENGEYINGOMA

Edouard, il répond avoir appris d’Agnès que la victime a été tuée par HATEGEKA alias

Caporal qui a servi dans l’unité de BUTARE, ainsi que CYABINGO et d’autres, qu’interrogé

sur l’identité d’un témoin qui pourrait le confirmer, il cite le 1er

Sergent RWAMUNINGI ;

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Attendu qu’en réplique à l’argument selon lequel il est clair que, en se rendant à GAKO, c’est

parce qu’il considérait Agnès comme son épouse qu’il lui a confié ses biens, il dit que cela est

faux, qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas laissé ces biens à sa sœur, il répond qu’il

ne savait pas qu’ils allaient être emportés ;

Attendu qu’il dit qu’aucun autre conflit ne l’oppose à Agnès car elle n’a formulé aucune autre

accusation contre lui et qu’ils ne se sont jamais disputés, qu’à la question de savoir si Agnès

n’a pas pris ces biens parce qu’elle croyait qu’il allait l’épouser, il répond qu’elle ne pouvait

pas penser à une telle éventualité car elle était considérée comme une enfant de la famille où

elle vivait avec la sœur du prévenu, qu’interrogé sur la raison pour laquelle il lui a réservé un

traitement privilégié en lui donnant de l’argent pour ses besoins personnels et sur les

circonstances dans lesquelles ils se sont séparés, il répond qu’ils se sont séparés quand il est

allé prendre part à la formation à GAKO, qu’il ne l’a pas privilégiée en lui donnant de l’argent

car il en a donné également aux membres de sa famille ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas emporté avec lui sa chaînette et sa

montre il répond qu’il redoutait de les porter à cause de l’insécurité qui régnait à KIGALI,

qu’à celle de savoir les circonstances dans lesquelles Agnès a quitté la maison où il l’avait

laissée il répond qu’il n’en sait rien car il n’était pas là, mais que c’est elle qui a emporté ces

biens car personne d’autre n’avait les moyens d’ouvrir la valise dans laquelle ils se

trouvaient ;

Attendu que Me Bernadette KANZAYIRE demande que le sergent BARAYAGWIZA

explique comment il a eu confiance en Agnès qui n’était qu’une réfugiée jusqu’à lui confier

des biens qu’elle a fini par emporter à l’insu des membres de sa propre famille et à lui donner

une somme de quinze mille francs alors qu’il n’a donné que dix mille francs à ses proches,

qu’elle souhaite également qu’il indique comment il a obtenu une si grande somme d’argent

alors qu’il n’était pas rémunéré ainsi que la date à laquelle il a cessé d’entraîner les membres

de la défense civile et celle de la réunion qui a été dirigée par le conseiller KARUSHARA ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA répond avoir donné cette somme d’argent à Agnès

pour l’aider car elle se trouvait dans une région où elle était inconnue, que rien ne manquait

aux membres de sa famille si bien que la somme d’argent qu’il leur a donnée ne devait que

leur servir à se débrouiller, qu’il a eu confiance en elle car elle était considérée comme un

membre de sa famille, mais qu’il ignorait ses véritables intentions, qu’il a laissé ses biens

parce qu’il croyait revenir le lendemain mais qu’il ne savait pas quand Agnès s’en irait car

cela ne dépendait que d’elle,

15ème

feuillet.

que la somme d’argent qu’il avait était de loin inférieure à ses revenus et ne constituait même

pas la moitié de son salaire car il a respectivement travaillé à KIGALI-NIGHT CLUB, TAM-

TAM et EXOTICA avant de revenir au TAM-TAM jusqu’au 06/04/1994 ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le procès-verbal portant le n° 9 fait apparaître le

pouvoir du prévenu dans les entraînements des miliciens Interahamwe, qu’à la page 3 dudit

procès-verbal le sergent BARAYAGWIZA parle des biens qu’il a pillés et vendus, que

l’intéressé pillait les biens des victimes qu’il venait de tuer et qu’il a agi ainsi notamment chez

Edouard, chez François et ailleurs ;

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Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que les actes de pillage qu’il a commis n’ont pas

visé les domiciles des particuliers mais que, suite à la dégradation de sa situation financière, il

est allé en ville et a aidé les gens à transporter à KIMISAGARA les vêtements de seconde

main qu’ils achetaient, qu’il était payé en fonction de la quantité d’habits transportés, qu’il l’a

fait à deux reprises, mais qu’ils ont été attrapés la troisième fois et qu’on leur a pris ces habits,

qu’il ne se souvient pas de la somme d’argent qui lui a été payée à cet effet ;

Attendu qu’interrogé sur l’origine de la somme d’argent qu’il a distribuée, il dit qu’il ne peut

qu’assurer qu’il avait une somme de soixante mille francs lors de sa fuite, que les biens de

valeur qu’il avait provenaient des dettes qu’il contractait au magasin de Marcel et des dons à

lui faits par sa sœur qui vivait en Amérique, que sa famille également lui donnait de l’argent ;

Attendu qu’il dit que la réunion dirigée par le conseiller du secteur KIMISAGARA a eu lieu

au début de juin 1994, qu’il a entraîné les gens au maniement de fusils le premier jour, à la

tactique et à la progression le deuxième jour, qu’il n’est plus retourné là-bas quand on leur a

tiré dessus le troisième jour ;

Attendu que Me Bernadette KANZAYIRE demande au Tribunal de tenir compte des

contradictions du sergent BARAYAGWIZA qui dit que la réunion a eu lieu en juin 1994 mais

qui refuse d’indiquer l’origine de la somme d’argent qu’il avait ;

Attendu que l’Auditeur militaire relève que le sergent BARAYAGWIZA dit avoir cessé les

entraînements quand les Inkotanyi leur ont tiré dessus alors que, dans ses déclarations

antérieures, il a dit d’une part y avoir mis fin à cause du désordre, et d’autre part qu’il usait de

ruse et s’absentait, qu’il devrait apporter des éclaircissements à ces divergences ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA déclare avoir expliqué que le désordre dont il a

parlé était causé par les obus qu’on leur tirait dessus et qu’il a effectivement usé de ruse le

jour où, ayant décidé de mettre fin à sa participation aux entraînements, il a fait semblant de

ne faire que s’absenter alors qu’il y avait en réalité renoncé ;

16ème

feuillet.

Attendu que Me DJOSSOU KOFFI, Conseil du sergent BARAYAGWIZA, prend la parole et

dit qu’il a de petites questions à poser dont le but n’est point de faire perdre du temps au

Tribunal, mais qu’il veut que la vérité triomphe, cette vérité qui permet au prévenu de se

sentir à l’aise et au Tribunal d’être mieux éclairé sur les faits ;

Attendu qu’il dit que son client est sergent ou l’a été, qu’il veut lui demander d’indiquer la

date et les circonstances de son enrôlement dans l’armée ainsi que la façon dont il en a fait

partie jusqu’en 1990 et comment il a été un gendarme, que le sergent BARAYAGWIZA dit

qu’il a été engagé dans l’armée à l’Ecole des Sous-Officiers en 1986 au grade de soldat, qu’il

a été respectivement promu caporal en 1987 et sergent en date du 04/01/1988 jusqu'en 1990

lors de son renvoi pour abandon de poste et non respect des consignes, qu’il y avait une

discrimination régionale au début de la guerre et que c’est pourquoi il a été renvoyé pour une

infraction pénale sans qu’il lui soit permis de présenter sa défense ;

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Attendu qu’à la question de savoir s’il a travaillé pour son propre compte, le sergent

BARAYAGWIZA répond qu’il a travaillé dans différents services privés, qu’à celle de savoir

s’il a été invité à réintégrer l’armée il répond par la négative, qu’interrogé sur les

circonstances dans lesquelles il a été chargé d’entraîner militairement les gens, il dit qu’au

début de juin 1994, le conseiller KARUSHARA a dirigé une réunion au bureau du secteur

KIMISAGARA à laquelle il l’a invité et désigné parmi les personnes estimées compétentes

pour assurer ces entraînements militaires ;

Attendu que le Conseil du prévenu lui demande de dire s’il a pensé à ce moment qu’il était

promu en grade, acquitté ou réintégré dans l’armée, que l’intéressé répond qu’il a reçu l’ordre

d’assurer ces entraînements et qu’il ne pouvait pas s’opposer à l’ordre émanant du conseiller

qui, tel qu’il en a entendu parler, n’était pas bon ;

Attendu que le prévenu dit encore qu’il entraînait environ 28 personnes au démontage des

fusils, à la tactique et à la progression, ces deux derniers termes militaires signifiant savoir

utiliser le terrain sur lequel on évolue en se cachant de l’ennemi et en exploitant

rationnellement son temps ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il avait des collaborateurs militaires subalternes lors de

ces entraînements, il répond que les ordres ont été donnés à partir des instances supérieures où

il y avait en l’occurrence un lieutenant de l’Etat-Major et le Lieutenant-colonel RENZAHO,

Préfet de la ville de KIGALI, que seuls des militaires envoyés par l’Etat-Major leur

apportaient des fusils devant servir aux entraînements, qu’il ne faisait qu’obéir aux ordres, que

ces entraînements avaient lieu au bureau du secteur ;

17ème

feuillet.

Attendu que Me DJOSSOU KOFFI dit que dans cette affaire, deux moyens, l’un relatif à la

qualité de militaire et l’autre à celle de civil, ont été invoqués, qu’il ne va cependant pas

aborder ce dernier pour le moment mais qu’il entend, lors des plaidoiries, développer de

manière approfondie celui se rapportant à la qualité de militaire pour permettre au Tribunal de

savoir si le prévenu a agi en cette qualité et au grade de sergent dans le respect de la discipline

militaire, ou s’il a agi en qualité de civil, qu’il ne faut pas se voiler la face car il est possible

que son client ait conscience d’avoir agi contrairement à la loi, qu’il estime nécessaire de lui

poser deux ou trois questions pour clarifier les faits;

Attendu qu’interrogé sur l’objectif de l’attaque qui a eu lieu à NYAMIRAMBO ainsi que sur

son rôle et la mission dont il était chargé dans ladite attaque, le sergent BARAYAGWIZA

répond avoir parlé de cette attaque pour expliquer les circonstances dans lesquelles il a obtenu

un fusil, qu’il n’a cependant pas dit y avoir pris part, que cette attaque a été menée par les

militaires de l’APR à NYAMIRAMBO et qu’il se trouvait à la brigade quand il en a entendu

parler, qu’il se souvient que c’est à ce moment qu’il a obtenu un fusil ;

Attendu qu’à la question de savoir si les miliciens Interahamwe étaient mieux équipés en

armes et à celle de savoir comment ceux-ci tenaient leurs positions, il répond qu’ils avaient

été beaucoup formés auparavant et qu’ils collaboraient avec les miliciens de la CDR si bien

qu’ils étaient plus forts qu’eux surtout que la majorité avaient reçu des fusils alors que ceux

qu’il a entraînés étaient peu nombreux et moins équipés ;

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Attendu qu’à la question posée par son avocat de savoir si des Tutsi et des Hutu faisaient

partie des personnes qu’il a entraînées, il répond qu’il ne peut pas répondre avec précision

mais que, vu le contexte de l’époque, il était impossible que des Tutsi en fassent partie, qu’à la

question de savoir s’il n’y a pas eu discrimination lors du choix des personnes à entraîner il

répond que les Tutsi ne pouvaient pas prendre part à la réunion eu égard aux problèmes qu’ils

avaient, qu’il croit dès lors qu’ils n’en faisaient pas partie même s’il n’en a eu que la liste

seulement, qu’à la question de savoir si les personnes qu’il a entraînées n’ont pas participé à

une opération militaire il répond que ces activités n’ont pas duré plus d’une semaine ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a eu le temps de mener une attaque ou d’y prendre part

dès lors qu’on était en guerre, il répond que cela n’a pas eu lieu car l’attaque à laquelle on

s’attendait au bureau du secteur n’y a pas été menée, que quelques-uns des jeunes qu’il a

entraînés ont été cependant acheminés au Mont KIGALI et enrôlés dans l’armée ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’on s’est attardé sur l’infraction liée à l’entraînement

des miliciens Interahamwe que le sergent BARAYAGWIZA qualifie quant à lui de garde

civile alors que le régime de l’époque a choisi cette appellation pour tromper la communauté

internationale, que des actes criminels ont particulièrement été commis dans le secteur

KIMISAGARA et que ces miliciens Interahamwe ont été entraînés pour parachever le plan

d’extermination des Tutsi que l’APR voulait sauver et qu’une course contre la montre s’était

engagée, les tueurs poursuivant les victimes jusque dans des plafonds et ailleurs ;

18ème

feuillet.

Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA doit préciser s’ils auraient protégé des

Tutsi car l’ampleur des massacres aurait été moindre si le groupe des tueurs avec lequel il se

promenait n’avait pas existé, et spécialement les tueries qui ont eu lieu à CYAHAFI où elles

ont été déclenchées par l’intéressé avec la collaboration de BARARAMBIRWA, RUBANDA

Christophe, GAHAMANYI Etienne, HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré,

ce dernier étant notamment chargé de chercher des fusils devant servir à tuer les Tutsi de

CYAHAFI, que des gens ont vu le sergent BARAYAGWIZA en compagnie de ces tueurs de

renom et se souviennent de ce qu’il a dit, que le prévenu a également pris part à d’autres

attaques en compagnie du caporal HATEGEKA ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA n’a pas présenté ses

moyens de défense sur les attaques qu’il a menées respectivement chez François et

NYOMBAYIRE, que celui-ci est présent et va pouvoir témoigner sur les faits ;

Attendu qu’interrogé sur le rôle du sergent BARAYAGWIZA dans le comité de crise,

l’Auditeur militaire répond qu’il s’agit d’un groupe qui était chargé de superviser les actes de

génocide et que le sergent BARAYAGWIZA en faisait partie, qu’à la question qui lui est

posée de savoir s’il connaît ledit comité de crise, sergent BARAYAGWIZA répond par la

négative et dit ne pas en avoir même entendu parler ;

Attendu qu’invité à décrire le déroulement des actes de génocide dans le quartier où il se

trouvait, le sergent BARAYAGWIZA répond qu’il n’a pas vécu à CYAHAFI, qu’il n’y a

passé que trois jours mais que selon les informations qu’il a eues, la population lui a dit que le

groupe des miliciens de la CDR a continué à mener des attaques spécialement dans le quartier

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de KIMISAGARA situé en contrebas de la route, mais qu’aucune autre victime n’y a été tuée

à part NYOMBAYIRE qui a été gravement blessé à coups de machettes, qu’à la question de

savoir pourquoi il n’y a pas eu d’autre victime dans cette partie de KIMISAGARA, il répond

qu’ils ont réussi à repousser les attaques de la bande à Népo qui est justement l’auteur de

l’attaque au domicile de NYOMBAYIRE ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que dans sa déclaration figurant au procès-verbal portant

le n° 7, le sergent BARAYAGWIZA s’est bien expliqué et a décrit le déroulement du

génocide dans son quartier en disant avoir vu sur un terrain se trouvant près de chez lui de

nombreux cadavres, qu’en réplique le sergent dit avoir trouvé sur les lieux le nommé Félicien

qui avait attrapé le sieur Anthère résidant à CYAHAFI et qui s’occupait de faire enterrer les

victimes tuées à KIMISAGARA, qu’il a été lui aussi forcé de participer à l’enterrement des

victimes car on les menaçait de mort en cas de refus ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que le groupe redoutable de tueurs était

composé de NSHIMIYE Fils, du surnommé DEBANDE qui était un tueur de renom, Yves et

le surnommé Zairois, qu’il passait quant à lui son temps en compagnie d’un jeune homme

journaliste à qui on avait donné un fusil pour se protéger et que c’est pour cette raison que les

tueurs ont commencé à avoir peur de s’attaquer à ce quartier ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il ne connaît pas ceux qui l’accusent, il répond par la

négative mais dit qu’il connaît NYOMBAYIRE et KALISA seuls, depuis bien avant les

massacres, qu’à celle de savoir d’où lui est venu le pseudonyme de SHITANI il répond

l’ignorer, qu’à la remarque selon laquelle il a déjà dit connaître ce surnom il répond ne rien

avoir dit à son propos ;

19ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir le temps qu’il venait de passer à KIMISAGARA de

manière à justifier qu’il ne connaît pas son voisin TWAGIRAYEZU François, il répond qu’il

ne connaissait pas cet homme entre le 11/04/1994 et la fin de la guerre car il venait à peine

de s’installer dans ce quartier, qu’il ne connaissait pas tous ses voisins et que c’est suite à la

guerre qu’il a fait connaissance avec quelques-uns d’entre eux car auparavant il était souvent à

son service ;

Attendu qu’il dit avoir habité à KIMISAGARA en janvier 1994 et que ses voisins étaient

Félicien alias MUROKORE, Marcel, NYOMBAYIRE, Caritas, GATENGE, KAREMERA,

Anatole, et HARUNA ;

Attendu qu’à la question de savoir si ceux qui ont tué les victimes dont il a vu les cadavres

n’étaient point concernés par le couvre-feu, il répond que ce couvre-feu avait été décrété par

l’autorité, qu’il ne comprend pas pourquoi ils ont passé outre ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que les tueurs n’ont jamais été régis par le couvre-feu,

que celui-ci ne visait que les personnes que l’on voulait empêcher de sortir pour qu’elles

puissent être retrouvées à l’intérieur des maisons pour être tuées, que le Sergent

BARAYAGWIZA ne s’est jamais caché même quand il était chez Epiphanie et ce, jusqu’à la

fin de la guerre ;

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Attendu qu’invité à donner de plus amples explications sur les circonstances dans lesquelles il

a emmené Agnès de l’endroit où elle se trouvait, il dit que lui et le dénommé JEUNE se sont

rencontrés chez la sœur de ce dernier nommée MUKACYAKA qui est également l’épouse de

Syrdion où ceux-ci étaient en train de lui raconter comment Agnès s’est fait séquestrer et avait

été forcée par son ravisseur à cohabiter avec lui, qu’il a alors remis à JEUNE le schéma à

apporter à Agnès ainsi qu’un message écrit recommandant à l’intéressée de mettre des

chaussures dans un emballage et de faire semblant de se rendre chez un cordonnier et enfin de

suivre JEUNE à environ 20 mètres pour qu’elle puisse voir où il se dirigeait afin que le

sergent BARAYAGWIZA qui était prêt soit à même de la conduire chez lui ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances de la mort du nommé Edouard, il répond l’avoir

appris des tiers dont le dénommé JEUNE qui lui a dit qu’Edouard avait été tué par

HATEGEKIMANA et sa bande, qu’invité à expliquer comment Agnès pouvait prétendre se

rendre chez un cordonnier comme en temps normal alors qu’elle était pourchassée, il dit

qu’Agnès venait de passer un temps long avec ces miliciens Interahamwe, qu’il n’a quant à lui

pas pris des risques car il aurait été tué s’il avait été attrapé et qu’il n’avait aucun autre moyen

de lui venir en aide ;

Attendu que l’Auditeur militaire relève que le sergent BARAYAGWIZA continue de se

contredire en disant d’une part avoir emmené Agnès et d’autre part qu’il est allé l’attendre

quelque part, qu’il est incompréhensible par ailleurs qu’elle puisse oser l’accuser sachant qu’il

l’a aidée, que le prévenu procède par des manœuvres destinées à induire le Tribunal en erreur ;

20ème

feuillet.

Attendu qu’il dit que l’avocat de la défense a dit que sa plaidoirie portera principalement sur

la qualité de militaire, voulant peut-être dire par là que sergent BARAYAGWIZA ne peut pas

être puni au motif qu’il n’a fait qu’obéir aux ordres, qu’il relève cependant qu’il existe trois

théories sur la cause justificative du commandement de l’autorité à savoir celle de

l’obéissance passive qui a été rejetée et désapprouvée, celle de la baïonnette intelligente qui

consiste à vérifier si les ordres reçus sont légaux, la troisième étant celle de l’illégalité

manifeste, que la législation rwandaise ne reconnaît que les deux dernières et qu’il demande à

cet effet au Tribunal de tenir compte de la jurisprudence et notamment des jugements rendus

par le Conseil de Guerre respectivement dans les affaires à charge du lieutenant Michel

MUTABAZI, du capitaine NTUKAZAYAGEMO et du sous-lieutenant Pierre BIZIMANA,

qu’il ne serait pas nécessaire de tenir compte de l’ordre que le sergent BARAYAGWIZA

aurait reçu au cas où il devrait être puni pour avoir donné des entraînements militaires aux

gens ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il ressort des moyens de défense présentés par le

prévenu au cours de l’audience et de la façon dont il traitait Agnès à la maison que l’infraction

de viol est établie, que par ailleurs le prévenu cite des témoins à sa décharge mais affirme

ignorer les témoignages qu’ils feront, qu’il a été démontré que le prévenu était très influent et

que le fait pour lui de reconnaître avoir commis des pillages est la preuve du pouvoir qu’il

avait même s’il déclare ne reconnaître que le seul fait d’avoir donné des entraînements

militaires aux gens ;

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334

Attendu que Me DJOSSOU KOFFI dit que le sergent BARAYAGWIZA a créé un doute dans

l’esprit des gens, mais qu’il a lui-même constaté que son client se compromet tout en voulant

induire le Tribunal en erreur au vu des moyens de défense écrits qu’il a présentés tout au long

de l’audience, qu’il dispose du droit de la défense même dans l’hypothèse où il serait

coupable, mais qu’il veut lui rappeler que le Tribunal n’a point l’intention de l’enfoncer, qu’il

l’invite à noter que ce qui est arrivé est grave et que tout le monde est concerné, qu’il faut

cependant en identifier les auteurs et que le Tribunal doit découvrir la vérité, qu’il l’invite à

se calmer et à donner des réponses pouvant permettre au Tribunal d’aboutir à la manifestation

de la vérité ;

Attendu qu’à la question de savoir si c’est lui qui supervisait les entraînements militaires au

niveau local, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il y a des caporaux qui étaient envoyés par

l’Etat-Major, qu’ils étaient donc ses supérieurs car il n’était pas militaire, qu’interrogé sur

l’identité de la personne qui assurait leur commandement quand ils allaient en ville à la

recherche des habits, il répond que c’était lui et qu’il avait un fusil ;

Attendu qu’à la question de savoir si une personne de sexe féminin pouvait lui refuser des

relations sexuelles à l’époque du génocide alors qu’elle était pourchassée, il répond qu’Agnès

KAGERUKA ne l’accuse pas de l’avoir violée, qu’elle ne l’a accusé que de menaces lors de

sa première plainte et qu’il n’y a pas lieu de croire qu’elle était incapable de formuler cette

accusation de viol, qu’elle occupait par ailleurs une chambre à elle seule, qu’il s’agit d’une

fausse accusation de sa part de dire qu’il l’a violée dès lors qu’elle ne l’a pas dit auparavant ;

Attendu que l’Auditeur militaire demande que le sergent BARAYAGWIZA indique les

circonstances dans lesquelles il a obtenu un fusil, que l’intéressé répond qu’il en a fait la

demande pour pouvoir protéger Agnès que des garçons venaient chercher et pour se protéger

lui-même ;

21ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir comment on pouvait lui donner un fusil en vue de protéger

une Tutsi, il répond qu'il ignore si le Lieutenant Richard qui le lui a donné faisait lui aussi

partie de ceux qui troublaient la sécurité, auquel cas ce dernier aurait refusé de le lui donner,

qu’ils se trouvaient à l’usine d’épuration d’eau de KIMISAGARA quand il le lui a donné en

juin 1994, que le Lieutenant Richard était chargé du maintien de la sécurité dans les quartiers

de KIMISAGARA, GATSATA et MUHIMA ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que c’est le nommé Jean Paul MUTABARUKA qui

supervisait ces quartiers, que le sergent BARAYAGWIZA réplique en disant que l’intéressé

était effectivement affecté dans ces quartiers, mais que le Lieutenant Richard y était lui aussi à

part qu’il ignore quelles étaient ses attributions, qu’à la question de savoir comment, selon lui,

un seul fusil pouvait être efficace, le sergent BARAYAGWIZA répond que d’autres personnes

en avaient obtenu auparavant et ajoute qu’ils n’ont plus été attaqués après l’obtention de ces

fusils ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité de la personne qui veillait sur Agnès en son absence quand

il s’était rendu en ville, le sergent BARAYAGWIZA dit que c’est le nommé UWIMANA qui

était un agent de la radio, était son voisin, et avait un fusil;

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335

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il a accepté d’exécuter l’ordre du conseiller

KARUSHARA en donnant des entraînements militaires aux gens, il dit qu’il était de notoriété

publique que cette dame est plus autoritaire que les hommes, que les gens la craignaient car

elle supportait difficilement la non-exécution de ses ordres, que c’est pourquoi il a accepté de

s’exécuter surtout qu’il avait peur des miliciens Interahamwe qui étaient sous les ordres dudit

conseiller et qui étaient répartis en deux groupes, qu’interrogé sur ce que le conseiller

KARUSHARA a dit aux individus qui ont été entraînés, il répond qu’elle leur a dit qu’ils

seraient chargés d’assurer la sécurité du secteur et que, si nécessaire, ils seraient enrôlés dans

l’armée ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que l’ordre de mettre fin aux massacres a été

donné par le Préfet RENZAHO, mais que les tueries avaient à ce moment diminué d’intensité,

qu’elles diminuaient d’ampleur aux endroits où l’APR arrivait ;

Attendu que les heures de service sont épuisées, qu'ainsi l’audience est reportée au 9

novembre 1998 à 9 heures du matin ;

Attendu que l’audience reprend à cette date, que l’interprète MUKANTAGARA Agnès, après

présentation des pièces d'identité, prête serment ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA demande la parole et dit qu’il veut insister sur la

distinction entre le groupe des miliciens de la CDR, celui des miliciens Interahamwe et la

défense civile, car le premier était dirigé par le nommé Népo alias CDR, le second par Claver

alors qu’il y avait eu deux contingents de la défense civile, le premier ayant été mis sur pied

vers le 10/04/1994 et le second en juillet 1994 et non en juin 1994, que quelques uns des

miliciens de la CDR et des Interahamwe avaient des fusils bien avant le début du génocide ;

22ème

feuillet.

Attendu qu’il dit que certains des Interahamwe étaient célèbres à savoir RWARAHOZE

Anastase, NYIRANTIBIMENYA Rose, KARUSHARA Rose, Maître GITOKI, deux fils du

nommé Ezira dont l’un s’appelait FIFI, MUGENZI, RUTAYISIRE, KALISA et les fils de

KARUSHARA, qu’on lui aurait donné lui aussi un fusil s’il en avait fait partie, qu’il est faux

de dire qu’il s’est fâché et a cassé un poste de radio à cause d’une femme qui venait de lui

échapper ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA est également poursuivi

pour appartenance à une association de malfaiteurs dont le but était de commettre les

massacres, qu’il a reconnu qu’il en faisait partie en juin 1994 et a parlé des groupes des

miliciens de la CDR et des Interahamwe, qu’il a déclaré par ailleurs avoir été membre du

deuxième groupe en compagnie de Rose KARUSHARA comme cela ressort des 2ème

et 3ème

préventions libellées par le Ministère Public ;

Attendu qu’il dit que sergent BARAYAGWIZA n’a pas pu expliquer les circonstances dans

lesquelles le lieutenant Richard lui a donné un fusil et a menti en prétendant que la défense

civile a été instituée par une loi, que la jeunesse en ville n’était pas composée des seuls

miliciens de la CDR et Interahamwe car il y avait aussi la jeunesse du Parti social démocrate

et d’autres partis politiques, mais que ce sont les Interahamwe et les miliciens de la CDR qui

se sont le plus illustrés lors du génocide ;

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Attendu que Me DJOSSOU dit qu’il constate que son client plaide coupable au fil de

l’avancement des débats en audience, qu’il y a lieu d’en tenir compte sans devoir citer des

témoins à comparaître ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité est

régie par la loi et qu’elle doit intervenir dans les délais légaux prévus à l’article 5 de la Loi

organique n°08/96, que l’intéressé n’y a jamais recouru et que s’il avoue certains faits, c’est

parce qu’il existe des preuves à sa charge ;

Attendu qu’invité à préciser les modifications qu’il a à apporter sur ses moyens de défense

relativement aux faits qu’il avoue et ceux qu’il réfute, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il

avoue seulement avoir dispensé des entraînements militaires aux gens qui n’étaient pas des

malfaiteurs et avoir commis des pillages ;

Attendu que le témoin SEDARI Anastase fils de MUHIZI et NKONGORO né en 1939 à

NYABIKENKE, préfecture GITARAMA, résidant dans la commune NYARUGENGE ,

préfecture de la ville de KIGALI, marié à KALISONI Rose, père de 8 enfants, sans biens ni

antécédents judiciaires connus, est appelé à la barre et prête serment de dire la vérité ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que SEDARI Anastase va témoigner sur les circonstances

dans lesquelles il a vu le sergent BARAYAGWIZA dans un groupe de malfaiteurs composant

le comité de crise à CYAHAFI ainsi que sur celles dans lesquelles il a eu connaissance de la

mort de NDENGEYINGOMA Edouard et du viol de son épouse KAGERUKA Agnès;

23ème

feuillet.

Attendu qu’invité à expliquer si ce qu’il qualifie d’entraînements militaires de la population

est une infraction prévue par la loi et si ces personnes qui ont été entraînées ont commis des

actes criminels, l’Auditeur militaire répond que l’infraction de pillage que le prévenu a

reconnue est l’une de celles qui ont été commises par un groupe de malfaiteurs ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles il a fait la connaissance du sergent

BARAYAGWIZA, SEDARI répond l’avoir vu chez sa sœur qui est sa voisine de longue date ,

qu’il l’y a vu en 1994 et que l’intéressé y passait de temps en temps la nuit, qu’il se trouvait là

au début du génocide ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a connaissance des actes que l’intéressé aurait commis,

il répond l’avoir vu piller le domicile de son voisin NDAYISABA et que le prévenu se

déplaçait à bord d’un véhicule en compagnie des membres du comité de crise dont faisaient

partie les nommés BARARAMBIRWA et Désiré avec lesquels il partageait à boire, qu’il a

également enlevé la fille de KAGERUKA et l’a conduite chez lui où ils ont vécu comme mari

et femme, qu’il portait une tenue civile et n’avait pas de fusil quand il venait chez sa sœur,

qu’il était en compagnie d’un autre individu quand il a pillé une table, des lits et d’autres

objets qu’ils ont transportés chez sa sœur ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît SEDARI, le sergent BARAYAGWIZA répond

par l’affirmative et dit que SEDARI habitait juste en face du domicile de sa sœur, mais que

ses affirmations sont fausses car la bande à BARARAMBIRWA lui est inconnue tout comme

il ne connaît pas NDAYISABA dont il parle, qu’il n’aurait pas transporté chez sa sœur les

biens pillés alors que ce n’était pas chez lui ;

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Attendu qu’en réponse à la question de savoir s’il ne connaît pas réellement NDAYISABA, le

sergent BARAYAGWIZA dit qu’il le connaît car il habite près de chez sa sœur, qu’à la

question posée à SEDARI de savoir si la sœur de BARAYAGWIZA est toujours sa voisine,

celui-ci répond qu’ils ont constaté à leur retour de refuge qu’elle avait déménagé tandis que

NDAYISABA est mort en exil à l’étranger, qu’il poursuit en disant que lors de l’instauration

du comité de crise, on disait qu’il était chargé de faire des patrouilles, d’assurer la sécurité et

de superviser les barrières, que la structure de ce comité de crise ressemblait à celle d’un

organe de l’armée ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité du superviseur des fusils, SEDARI dit que c’est Désiré qui

a été présenté à la population par le conseiller lors d’une réunion qui a eu lieu à KANYANZA

mais qu’il ignore les critères sur lesquels il se basait pour la distribution de ces fusils ainsi que

les personnes auxquelles il les a donnés, mais que c’est lui qui faisait le tout des barrières pour

vérifier le nombre de fusils et en identifier les détenteurs ;

24ème

feuillet.

Attendu qu’interrogé sur l’identité des victimes qui ont été tuées par ce groupe de malfaiteurs,

il dit qu’il n’a pas connaissance d’un quelconque autre acte répréhensible sur le compte dudit

groupe, mais qu’il estime que ses membres doivent répondre de tous les meurtres qui ont été

commis dès lors qu’ils étaient chargés de la sécurité ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité d’un membre de ce comité de crise qu’il connaît, le sergent

BARAYAGWIZA cite le nommé Félicien MUNYEZAMU et dit qu’il le connaît parce qu’il

était maçon et lui a construit ses maisons se trouvant à KIMISAGARA ;

Attendu que Me Bernadette KANZAYIRE demande que SEDARI parle de la sécurité dont

était chargé le comité de crise et des circonstances de la mise en place de la défense civile, que

le témoin répond que concernant la défense civile, des personnes armées de fusils ont fait une

réunion au bureau du secteur sous la direction du représentant du MRND et du conseiller,

réunion à laquelle SEDARI et d’autres autorités locales de base qui étaient avec lui n’ont pas

été admis à prendre part et dont quelques-uns ont d’ailleurs été tués par la suite, que ces

personnes armées étaient censées être chargées du maintien de la sécurité et notamment de

pourchasser les Inyenzi pour les empêcher de pénétrer dans le secteur en identifiant le lieu de

leur provenance ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir si ces Inyenzi ont été attrapés et qu’interrogé

sur l’identité des victimes qu’il connaît, SEDARI répond qu’il n’a assisté à aucune arrestation,

mais que des victimes ont été tuées par balles dans sa bananeraie où elles ont été enterrées

dans un trou qu’on y avait creusé, que l’endroit avait été dénommé KINIHIRA pour cette

raison ;

25ème

feuillet.

Attendu qu’interrogé sur la part de responsabilité de la population dans ces actes, il répond

qu’elle a fait des rondes depuis bien avant la mort de HABYARIMANA car elle en avait reçu

l’ordre et était en cela supervisée par les personnes armées de fusils, qu’à la question de savoir

qui, selon lui, était traité d’Inyenzi, il répond que ce sont ceux qui avaient attaqué le pays

ainsi que les Tutsi, que ces derniers étaient par ailleurs qualifiés de complices, qu’à celle de

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savoir si ces personnes soi-disant chargées de la sécurité ont porté secours à des victimes

menacées ou ont empêché qu’elles soient tuées, il répond qu’elles n’ont secouru aucun Tutsi ;

Attendu que Me DJOSSOU demande que le témoin explique ce qui s’est passé quand il a vu

le sergent BARAYAGWIZA commettre des pillages, que l’intéressé répond avoir vu le

prévenu quitter le domicile de sa sœur en compagnie d’un autre homme qui logeait dans une

maison se trouvant dans la cour arrière et qu’ils se sont dirigés chez NDAYISABA d’où il les

a vus emporter un lit et une table, qu’il se trouvait devant son domicile quand il les a vus et

que l’épouse de NDAYISABA avait fui, que les faits ont eu lieu après la mort de

HABYARIMANA ;

Attendu qu’invité par Me KOFFI à spécifier l’objet que chacun de ces deux individus a

emporté lors de ce pillage, le témoin dit que tous les deux ont transporté ensemble des objets

qui ont été pillés, chacun le tenant d’un côté, que Me KOFFFI se déclare non satisfait de la

réponse et relève que ce témoin SEDARI est un vieil homme infirme et qu'il faudrait qu’il

donne son emploi du temps pendant la journée et précise l’endroit où il voyait ces gens, que

SEDARI répond qu’il était encore physiquement en bon état de santé avant la guerre et que

l’infirmité dont il est question est intervenue au cours de la guerre, qu’il état donc capable

d’atteindre la route avant son infirmité et que c’est ainsi qu’un jour, dans la matinée, en

entendant une clameur faisant état du pillage de la maison de NDAYISABA, il est allé aux

nouvelles et a vu le sergent BARAYAGWIZA et son compère, que relativement au fait que le

prévenu partageait à boire avec les membres du comité de crise, il dit qu’il les voyait de la

route en train de boire et manger de la viande grillée, qu’il lui arrivait également de partager à

boire avec un ami et les voyait alors rentrer après avoir commis des tueries ou faire une

réunion, que tous ces faits se sont déroulés devant le domicile de MUNYEZAMU ;

Attendu que le sergent BARAYAGWZA dit que SEDARI ment, qu’il sait bien que l’intéressé

était paralysé même avant la guerre et se déplaçait à l’aide de deux béquilles, que SEDARI

réplique en disant que BARAYAGWIZA ment car il a été victime d’un accident de la route,

un véhicule l’ayant cogné lors des travaux communautaires, qu’il a à un moment abandonné la

béquille et ne s’en est encore servi qu’au cours de la guerre pour fuir ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il était lui aussi pourchassé, SEDARI répond par

l’affirmative et dit qu’il a été destitué de son poste de dirigeant et que sa maison a été détruite,

qu’il a fui au moment où ses collègues Tutsi étaient tués mais que, avant de fuir, il sortait

malgré qu’il était pourchassé car il devait aller chercher de quoi nourrir ses enfants ;

Attendu qu’à la question de savoir si sa vue est normale, SEDARI répond par l’affirmative et

dit qu’il n’a aucun problème de ce côté là ;

Attendu que l’Officier du Ministère Public dit que le sergent BARAYAGWIZA fuit les

choses qu’il sait, qu’il faut qu’il explique pourquoi il a au début nié connaître NDAYISABA

pour finalement reconnaître qu’il le connaît, qu’il espère que le prévenu pourra reconnaître les

autres témoins ;

26ème

feuillet.

Attendu qu’un autre témoin nommé NYOMBAYIRE Sixte fils de SEHENE Célestin et

NYIRABAKIGA Anastasie, né en 1947 à RUSATIRA, préfecture BUTARE, veuf, résidant à

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KIMISAGARA, commune NYARUGENGE, préfecture de la ville de KIGALI, sans biens ni

antécédents judiciaires connus, également partie civile, est appelé à la barre ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que ce témoin va parler des entraînements militaires des

malfaiteurs par BARAYAGWIZA ainsi que des actes infractionnels dont il a été

personnellement victime ;

Attendu que NYOMBAYIRE dit qu’il a fait la connaissance du sergent BARAYAGWIZA

quand celui-ci était son voisin habitant à environ trente mètres de son domicile à

KIMISAGARA, qu’interrogé sur la part de responsabilité de l’intéressé dans le génocide, il

répond qu’il a connu BARAYAGWIZA en 1993 quand celui-ci venait d’acquérir une parcelle

où il a construit une maison et que les gens l’appelaient sergent, que le nom de

BARAYAGWIZA n’a été connu que quand le prévenu s’est rendu célèbre en entraînant les

miliciens Interahamwe à la fin de 1993 sur le terrain de l’école primaire, que le témoin passait

par là en rentrant du service ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité des personnes que le sergent BARAYAGWIZA entraînait,

il répond que ce sont environ 40 ou 50 jeunes hommes de KIMISAGARA qui normalement

tenaient compagnie à KARUSHARA, qu’ils ont été entraînés par le sergent

BARAYAGWIZA et NDUWAYEZU alias CDR qui était un agent de l'ONAPO;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a vu les concernés tuer des victimes, il répond avoir vu

quelques unes de victimes qu’ils ont abattues par balles et qu’il a vu ces criminels mener une

attaque au domicile de Narcisse alias GICUMBA à CYAHAFI sous la direction du sergent

BARAYAGWIZA en date du 07/04/1994, qu’ils ont donné des coups de machettes à Narcisse

et qu’il est tombé par terre ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît NYOMBAYIRE, le sergent BARAYAGWIZA

répond par l’affirmative et dit que celui-ci était son voisin, mais qu’il ment dans ses

affirmations car BARAYAGWIZA a acheté la parcelle en 1993 et que c’est en 1994 qu’il est

allé habiter à KIMISAGARA, qu’il poursuit en disant qu’il ne connaît même pas la victime

dénommée Narcisse dont parle l’intéressé ;

Attendu que le témoin dit qu’il a été attaqué à l’aube du 08/04/1994 par des jeunes hommes

portant des armes traditionnelles et qui voulaient piller, qu’il s’est défendu et a réveillé ses

enfants, qu’ils sont parvenus à repousser l’attaque, qu’il a à ce moment évacué ses enfants par

la cour arrière jusqu’à l’endroit dénommé Maison des Jeunes ;

Attendu qu’il dit que ces malfaiteurs, armés de machettes et d’épées, sont revenus par la suite

en compagnie de KATARYEBA Patrick qui était un employé de HATTON & COCKSON,

Emmanuel KANYAMANZA qui vendait de la bière de bananes, NDUWAYEZU alias CDR

et le Sgt BARAYAGWIZA, qu’il a fui mais a glissé dans la bananeraie et est tombé, qu’ils lui

ont donné des coups de machettes à la cuisse, aux jambes et à la tête, que l’épée appartenant à

BARAYAGWIZA fait partie des armes au moyen desquelles il a été blessé ;

27ème

feuillet.

Attendu qu’il dit que son épouse en a informé le conseiller de CYAHAFI, que celui-ci a

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envoyé deux gendarmes qui l’ont conduit à l’hôpital et ont également emmené ses enfants et

son épouse, mais qu’il ignore l’endroit où ceux-ci ont été tués plus tard vers le 15/04/1994 ;

Attendu qu’il dit que l’attaque à son domicile a eu lieu au lendemain des meurtres respectifs

de Narcisse, François et son enfant qui était âgé de 17 ans, juste au moment où les gens

commençaient à fuir ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît François, Patrick et UWAYEZU, le sergent

BARAYAGWIZA dit qu’il connaît seulement Népo et Emmanuel KANYAMANZA qui était

un adhérent du MRND, mais qu’il n’a pas connaissance d’un acte répréhensible à leur

imputer ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il sait dans quelles circonstances NYOMBAYIRE avait

été blessé à coups de machettes, il répond qu’il l’a appris de Félicien à son retour du domicile

de sa sœur où il venait de passer trois jours, que celui-ci lui a dit que NYOMBAYIRE a été

blessé par un groupe de miliciens de la CDR et qu’il était au Centre Hospitalier de KIGALI,

qu’à celle de savoir si NYOMBAYIRE l’a vu entraîner militairement les gens, il dit que les

entraînements ont eu lieu en juin 1994 et qu’à cette époque NYOMBAYIRE avait déjà été

blessé, qu’en 1993 il vivait quant à lui à MUHIMA et non à KIMISAGARA ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité d’autres victimes que le sergent BARAYAGWIZA aurait

tuées, Sixte NYOMBAYIRE dit que l’intéressé, et ses coauteurs GITENGE et UZARIBARA

Grégoire qui habitait en face de chez lui, ont tué à coups de machettes les enfants du nommé

Anatole, SENDARASI et d’autres jeunes hommes natifs de NYANZA dont ils ont jeté les

cadavres dans les latrines si bien qu’ils s’y trouvent encore, qu’à la question de savoir s’il y a

des rescapés dans son quartier, il répond que c’est une famille composée de GASHUMBA

Marcel, Caritas et BAYIHORERE Idrissa, qu’à celle de savoir s’il connaît Claver il répond

ne pas en être sûr ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir si un conflit l’oppose à NYOMBAYIRE, le

sergent BARAYAGWIZA dit qu’il n’y a pas de litige entre eux mais qu’ils n’étaient pas non

plus des amis, qu’il n’a identifié aucune des victimes qui ont été tuées là où il habitait car il y

a trouvé environ dix cadavres en présence d’autres hommes et que le nommé Anthère leur a

enjoint de les enterrer sous menace de mort en cas de refus, qu’ils se sont exécutés et les ont

enterrés en face d’un pont ;

Attendu qu’interrogé sur les autres actes dont il a connaissance à charge du sergent

BARAYAGWIZA, NYOMBAYIRE répond que les entraînements militaires que l’intéressé

dispensait avaient lieu sur le terrain de l’école primaire et sur celui de la maison des jeunes,

qu’il participait aux réunions dans lesquelles se retrouvaient les membres du MDR Power

dont faisait partie le nommé KANYAMANZA et ceux de la jeunesse du parti social

démocrate, qu’après la mort de HABYARIMANA, ils ont mené une attaque chez

KANYANZA qu’ils ont tué, que les enfants de ce dernier ont fui, que ces criminels se sont

répartis en deux groupes et ont emprunté deux chemins différents lors de cette attaque mais

qu’ils n’avaient pas de fusils, que c’est par la suite qu’il a appris que UZARIBARA et

NDUWAYEZU ont obtenu des fusils ;

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Attendu que NYOMBAYIRE dit que les entraînements militaires avaient lieu sur le terrain de

l’école primaire, que le sergent BARAYAGWIZA réplique en disant qu’ils se déroulaient au

bureau du secteur, qu’interrogés tous les deux sur ce qui sépare ces deux endroits, ils

répondent que c’est une route ;

28ème

feuillet.

Attendu que l'Auditeur militaire relève que la déclaration de sergent BARAYAGWIZA

figurant au procès-verbal portant le n° 9 concorde avec celle de NYOMBAYIRE relativement

à la réunion qui a eu lieu, qu’elles sont également presque concordantes sur le nombre de

personnes que le prévenu entraînait surtout que NYOMBAYIRE ne pouvait pas les compter

car il ne les voyait qu’en passant sans pouvoir s’arrêter à cause de son ethnie Tutsi, que la

déclaration du sergent BARAYAGWIZA selon laquelle il a quitté le terrain de l’école

primaire à cause des obus qui y étaient tirés concorde avec celle de NYOMBAYIRE

notamment en ce qui concerne l’endroit où se déroulaient les entraînements ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il y a également un terrain d’une école au

bureau du secteur, que le Tribunal lui ayant rappelé qu’il lui est arrivé de dire s’être trompé et

que la réunion s’est tenue plutôt au bureau du secteur et non à l’école primaire, il dit que la

réunion a en réalité eu lieu au bureau du secteur ;

Attendu qu’interrogé sur l’endroit exact où habitaient François et les autres victimes qui ont

été tuées, NYOMBAYIRE répond que François habitait à environ 150 mètres de la route

asphaltée, qu’il habite quant à lui à 100 mètres à peu près de cette même route, tandis que 300

à 350 mètres séparent les domiciles respectifs de François et du sergent BARAYAGWIZA,

que les gens savaient que BARAYAGWIZA dispensait des entraînements mais sans autres

détails, que parmi les victimes qui ont été tuées figurent TWAGIRIMANA Vianney, Paul

MURENZI, le domestique nommé Alphonse, Prudence et son petit frère, Alfred HAGUMA,

SENDARASI qui vivait chez sa sœur Agathe, GATETE qui était un commerçant et tous les

membres de sa famille, ainsi que Alexis KANAMUGIRE et tous les membres de sa famille ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA déclare ne pas connaître ces victimes à part les

membres de la famille d’Anatole qui ont été tués plus tard, que NYOMBAYIRE intervient et

dit que le prévenu devrait connaître Alfred HAGUMA car celui-ci était un handicapé physique

qui habitait près de chez NYOMBAYIRE et que son corps, ainsi que celui de SENDARASI,

ont été jetés dans les latrines par le sergent BARAYAGWIZA, qu’interrogé sur l’identité du

coauteur du sergent BARAYAGWIZA qui est encore en vie, NYOMBAYIRE cite le nommé

Népo alias CDR ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi selon lui NYOMBAYIRE le cite parmi ceux qui

l’ont blessé, le sergent BARAYAGWIZA dit que NYOMBAYIRE a été blessé en son

absence, qu’il le met en cause sur incitation de ses voisins avec lesquels il a des litiges se

rapportant à sa maison, qu’il poursuit en disant qu’il y a lieu de demander au nommé Népo

qui est détenu à GIKONDO s’il le connaît ;

Attendu qu’interrogé sur le litige relatif à la maison du sergent BARAYAGWIZA,

NYOMBAYIRE dit qu’elle n’a subi aucun dégât matériel et qu’elle est occupée par un tiers

non rescapé du génocide, qu’il ne se pose aucun problème y relatif ;

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Attendu que le témoin BAYIHORERE Idrissa fils de HITIMANA Issa et MWANAHARUSI,

né en 1966 à NYARUGENGE, préfecture de la ville de KIGALI, marié à UMUREREHE

Rehema, père de 4 enfants, chauffeur, sans biens ni antécédents judiciaires connus, est appelé

à la barre ;

29ème

feuillet.

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le témoin va dire au Tribunal ce qu’il sait sur les

entraînements militaires que le sergent BARAYAGWIZA a dispensés aux gens ainsi que sur

les circonstances de la mort de ses voisins ;

Attendu qu’à la question de savoir quand il a fait la connaissance du sergent

BARAYAGWIZA, BAYIHORERE répond qu’il l’a vu au cours du génocide en date du

07/04/1994 après la mort de l’ex-Président HABYARIMANA juste au moment où les

militaires ont déclenché les tueries, que le sergent BARAYAGWIZA, portant une épée, est

passé devant son domicile en compagnie des militaires dont deux gendarmes armés de fusils,

et qu’il a appris dans la soirée que ces militaires avaient tué des victimes ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît lui aussi Idrissa BAYIHORERE, le sergent

BARAYAGWIZA répond l’avoir connu au cours de la guerre car il était son voisin, qu’il dit

que c’est à cette époque qu’il a fait connaissance de la majorité de ses voisins ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité d’autres personnes qui se déplaçaient en compagnie du

sergent BARAYAGWIZA, BAYIHORERE répond qu’il l’a vu plus tard avec les jeunes

hommes qu’il avait entraînés en mai ou juin 1994, qu’il ne sait pas bien quelle a été la durée

de ces entraînements mais qu’ils ont duré plusieurs jours car ils se déroulaient à l’école

primaire qui se trouve en face de son domicile si bien qu’il pouvait les remarquer ;

Attendu qu’interrogé sur l’identité des individus qui ont été entraînés par le sergent

BARAYAGWIZA, il dit que ce sont DEBANDE, NSHIMIYE, MACUMU et d’autres, qu’à la

question posée au Sgt BARAYAGWIZA de savoir s’il connaît les personnes ci-avant citées, il

répond par l’affirmative mais dit qu’il ne les a pas entraînées et qu’elles faisaient au contraire

partie du groupe de Népo alias CDR ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a vu le sergent BARAYAGWIZA dans d’autres

attaques, Idrissa BAYIHORERE dit qu’une attaque a été menée au domicile de KALISA où la

fusillade a duré trois jours, attaque au cours de laquelle l’épouse de KALISA et ses enfants ont

été tués, qu’il a alors appris que le sergent BARAYAGWIZA en faisait partie car il est passé

devant son domicile en se rendant sur les lieux de l’attaque en compagnie de jeunes hommes,

de GITENGE et de Népo ;

Attendu qu’interrogé sur ce qu’il sait à propos du surnom SHITANI, il dit avoir entendu

BARAYAGWIZA s’en prévaloir au cours de la guerre ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il ne connaissait pas KALISA mais qu’il a

appris que son domicile a été attaqué par le bataillon HUYE et que des combats ont eu lieu car

KALISA était armé de fusil si bien qu’il a même fallu l’intervention d’un véhicule blindé, que

ce sont les militaires dudit bataillon qui ont tué les victimes dont il est question ;

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343

30ème

feuillet.

Attendu qu’interrogé sur ce qu’il sait des circonstances de la mort d’Edouard

NDENGEYINGOMA, BAYIHORERE dit que celui-ci n’était pas son voisin mais que,

comme BAYIHORERE habite à proximité d’un chemin très fréquenté, il a vu des gens passer

vers le 14 ou le 15/04/1994 en disant qu’ils allaient en renfort car il y avait des gens qui

résistaient et qui devaient être tués, que BARAYAGWIZA, Emmanuel et DEBANDE

faisaient partie de ces malfaiteurs, qu’il a appris dans la soirée qu’ils avaient tué Edouard et

ses petits frères, qu’il les a vus quand ils se rendaient chez ce dernier ;

Attendu qu’il dit ne rien savoir concernant l’épouse d’Edouard mais qu’il a entendu à cette

époque le nommé GITENGE qui était membre du comité de crise dire qu’il y a une dame que

le sergent BARAYAGWIZA a forcée à cohabiter avec lui, qu’il l’a vue effectivement par la

suite, mais que ce n’est qu’après la guerre qu’il a appris qu’elle était l’épouse d’Edouard ;

Attendu qu’à la question de savoir quelles étaient les attributions du comité de crise, il répond

ne pas le savoir bien mais que, après avoir observé ses activités, il a constaté que ledit comité

avait pour mission de commettre des tueries sélectives en fonction de l’ethnie des victimes,

qu’il ne connaît que GITENGE parmi ses membres ;

Attendu qu’à la question de savoir sur quel front le sergent BARAYAGWIZA est allé se

battre, il répond que l’intéressé était un militaire, qu’il est arrivé une fois vers 20 heures, vêtu

d’une chemise militaire et portant un fusil, disant qu’il venait de se battre avec les Inyenzi,

que souvent les tueurs, quand ils allaient commettre leurs forfaits, disaient qu’ils allaient au

champ de bataille ;

Attendu qu’interrogé sur l’attaque qui a eu lieu au domicile de NYOMBAYIRE Sixte, il

répond que les faits se sont passés à l’aube aux environs de 4 heures du matin, qu’il a vu les

nommés BIHINJIRI, MACUMU et DEBAND pousser des cris en disant à leurs acolytes

d’amener un militaire pour les épauler, qu’il a compris qu’il s’agissait de sergent

BARAYAGWIZA et que c’est pourquoi il l’implique dans cette attaque ;

Attendu qu’il dit que les nommés Vianney et Paul ont fui de KIMISAGARA et ont cherché

refuge à CYAHAFI, que les tueurs les y ont poursuivis en disant qu’ils allaient partir en

compagnie de leur chef en la personne de Sergent BARAYAGWIZA, qu’ils ont tué Paul sur

le terrain et l’ont dépecé, tandis que Vianney a été tué sur le pont ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il connaît Idrissa car ils passaient les

journées ensemble là où ils habitaient si bien qu’il a assisté aux attaques qui y ont été menées,

qu’il allait des fois chez lui mais qu’il ment quand il le charge de participation aux attaques

car il était au contraire lui aussi victime d’attaques ;

Attendu que l’Auditeur militaire demande au Tribunal de considérer le témoignage de

BAYIHORERE comme faisant foi car le sergent BARAYAGWIZA dit lui-même que

BAYIHORERE a assisté à toutes les attaques ;

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344

31ème

feuillet.

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a été lui aussi victime des attaques de ces

hommes dont parle BAYIHORERE, que celui-ci devrait plutôt indiquer l’arme que

BARAYAGWIZA avait lors de l’attaque au domicile d’Edouard, qu’en réplique

BAYIHORERE dit avoir effectivement entendu ces hommes dire qu’ils allaient voir un

militaire qui allait partir avec eux, qu’il l’a alors vu en leur compagnie après qu’ils venaient de

traverser, que le sergent BARAYAGWIZA portait un pantalon jeans mais qu’il n’a pas pu

identifier l’arme qu’il avait ;

Attendu qu’à la question de savoir ce qu’il faisait dès lors qu’il affirme qu’il n’a pas recherché

les victimes et qu’il n’était par ailleurs pas pourchassé, alors qu’il est de notoriété publique

que tous les jeunes hommes qui n’étaient pas recherchés étaient emmenés pour commettre les

tueries, le sergent BARAYAGWIZA dit qu’en avril et mai 1994, ils passaient les journées à la

maison sans occupation et que dans la soirée, ils allaient faire les rondes à l’école primaire

pour se protéger contre une éventuelle attaque, qu’Idrissa était toujours avec eux, qu’ils

étaient environ 8 à passer la nuit assis à cet endroit, munis d’un fusil appartenant à

UWIMANA, qu’ils regagnaient la maison dès que le jour se levait ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi ils n’ont pas veillé sur les personnes qui ont été

tuées à cette époque, il répond ignorer quand les victimes sont mortes dans son quartier et que

leurs moyens étaient insuffisants, qu’il n’a pas été témoin d’attaques menées durant la nuit et

qu’ils surveillaient ceux qui pourraient commettre des tueries ;

Attendu qu’à la question de savoir combien de fois ils se sont affrontés avec les Interahamwe,

il dit que des attaques n’ont pas été menées pendant la nuit, que par ailleurs, durant la journée,

le nommé UWIMANA qui se rendait au service à la radio emportait le fusil ;

Attendu qu’IDRISSA dit que le sergent BARAYAGWIZA prétend qu’ils passaient la journée

à la maison alors que le prévenu n’était jamais chez lui, que même les rondes dont il parle

n’ont pas eu lieu dans leur quartier ;

Attendu qu’interrogé sur les personnes qui étaient pourchassées dans son quartier, il répond

que ce sont les Tutsi ;

Attendu qu’à la question de savoir comment les Tutsi ont eu peur de participer aux

entraînements militaires mais ont accepté de faire les rondes, le sergent BARAYAGWIZA dit

que c’est parce que le fusil qu’avait UWIMANA leur inspirait confiance et qu’ils étaient avec

eux et ne les quittaient pas, qu’à celle de savoir où ils les trouvaient pour les emmener faire les

rondes, il dit qu’ils sont restés chez eux jusqu’à la fin de la guerre et qu’ils devaient veiller

eux-mêmes à leur sécurité ;

Attendu qu’il dit qu’il n’était pas pourchassé mais qu’il a accepté de faire les rondes avec les

gens qui l’étaient parce qu’ils en avaient pris l’initiative et étaient des voisins, qu’il ne pouvait

donc pas s’y refuser, que cela était fait à l’insu du conseiller, que les nommés Marcel, Idrissa,

KAREMERA, UWIMANA et Félicien participaient également à ces rondes ;

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Attendu qu’à la question de savoir pourquoi Idrissa a eu connaissance des attaques qui ont eu

lieu mais que lui n’en a rien su alors qu’ils passaient leurs journées ensemble, le sergent

BARAYAGWIZA répond que c’est parce qu’il ne connaissait pas les gens qui habitaient dans

ce quartier tandis qu’Idrissa les connaissait tous car c’est là qu’il est né, qu’ils ne se sont

d’ailleurs jamais entretenus au sujet des victimes qui étaient tuées ;

32ème

feuillet.

Attendu qu’en réponse à la question de savoir quand il a appris la mort de François, Idrissa dit

que c’est après environ une heure car ils étaient voisins, leurs habitations étant séparées par

une distance de 150 ou 200 mètres ;

Attendu qu’interrogé sur la date à laquelle Agnès est arrivée chez lui, le sergent

BARAYAGWIZA dit que c’est au début du mois de mai 1994, que l’Auditeur militaire dit

qu’il ment car, Edouard étant mort au début d’avril 1994, Agnès a été immédiatement

emmenée, et que le sergent BARAYAGWIZA n’a pas tardé à la conduire chez lui ;

Attendu qu’invité à expliquer les entraînements militaires que dispensait le sergent

BARAYAGWIZA, Idrissa dit qu’ils ont eu lieu de la mi-avril au mois de juin 1994 à l’école

primaire et au bureau du secteur, que les participants commençaient à l’aube par une course

d’échauffement et faisaient d’autres exercices militaires, qu’il s’agissait des miliciens de la

CDR et Interahamwe dont les chefs étaient Népo et Rose KARUSHARA ;

Attendu qu’à la question de savoir pourquoi il n’a pas incorporé BAYIHORERE parmi les

personnes à entraîner, le sergent BARAYAGWIZA répond que la liste des participants lui a

été remise par le conseiller, qu’il ne lui revenait donc pas de le faire inscrire ;

Attendu qu’invité à décrire les circonstances de l’attaque dont il a parlé et qui a eu lieu vers 4

heures du matin, BAYIHORERE dit qu’elle était composée des jeunes hommes que le sergent

BARAYAGWIZA entraînait, qu’ils sont allés chez NYOMBAYIRE mais que celui-ci s’est

défendu et que ces assaillants ont fui vers la route en disant qu’ils vont requérir l’intervention

d’un militaire qui habitait près de là pour qu’il les aide, qu’il a alors compris qu’il s’agissait

du sergent BARAYAGWIZA ;

Attendu que Me KOFFI relève que BAYIHORERE a dit que le sergent BARAYAGWIZA

aurait participé à quatre attaques et qu’il l’a vu une fois de la fenêtre, qu’il devrait également

préciser où il se trouvait quand il l’a vu lors d’autres attaques, que BAYIHORERE répond

qu’il habitait à proximité du chemin et qu’il l’a vu se rendre chez KALISA, chez François et

au terrain de football ;

Attendu qu’interrogé sur la destination du fusil qu’il avait, le sergent BARAYAGWIZA

répond l’avoir remis aux militaires avec les vingt cartouches, précisant n’avoir tiré aucun coup

de feu ;

Attendu qu’interrogé sur la date de l’attaque qui a été menée au domicile de KALISA,

BAYIHORERE dit qu’elle a eu lieu le 09/04/1994 après celle qui a été menée chez François

le 7/4/1994, que le sergent BARAYAGWIZA dit quant à lui avoir seulement appris que

KALISA a été tué ;

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Attendu qu’à la question de savoir quand il a repris une tenue militaire et pourquoi on la lui a

donnée, le sergent BARAYAGWIZA répond qu’Idrissa qui le dit ment, mais qu’il reconnaît

avoir eu un fusil ;

33ème

feuillet.

Attendu que les heures de service sont épuisées, que l’audience est reportée au 12/11/1998 à 9

heures du matin ;

Attendu que les parties comparaissent à cette date, le prévenu étant assisté par Me Ferdinand

NZEPA ayant pour interprète MUKAGIRIMANA Boniface ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA présente un écrit qu’il dit servir de preuve qu’il

n’habitait pas à KIMISAGARA en 1993, voulant par là démentir NYOMBAYIRE qui a

affirmé que c’est au cours de cette année qu’il a entraîné les gens à KIMISAGARA ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il y a un autre témoin nommé MUKAZITONI

Donatille qui va témoigner sur les circonstances dans lesquelles le sergent BARAYAGWIZA

a donné des entraînements militaires et est allé au front, ainsi que celles dans lesquelles il a

forcé une dame à cohabiter avec lui ;

Attendu que MUKAZITONI Donatille fille de Narcisse NYAKAYONGA et

NYIRABAGENI, née en 1958 à SHYORONGI, préfecture de KIGALI-NGALI, mariée à

GASHUMBA Marcel, mère de 3 enfants, possédant une maison et un véhicule, sans

antécédents judiciaires connus, décline son identité et prête serment de dire la vérité ;

Attendu qu’elle dit qu’elle connaît le prévenu car ils étaient des voisins, que leurs enclos

étaient mitoyens si bien que leurs maisons n’étaient séparées que par 5 mètres environ;

Attendu qu’à la question de savoir comment elle a su que le sergent BARAYAGWIZA

donnait des entraînements militaires, elle répond l’avoir appris de GITENGE chez qui elle se

cachait et qui le lui a dit, qu’elle n’en a pas été témoin oculaire mais qu’on disait que ceux qui

participaient à ces entraînements sont DEBANDE, NSHIMIYE et d’autres jeunes gens qui

devaient aller au front ;

Attendu qu’en réponse à la question de savoir si elle a connaissance des actes que ces gens

auraient commis, elle répond qu’ils se sont livrés à des tueries et que les nommés KALISA,

François, Alexis et un autre voisin dont elle a oublié le nom font partie de leurs victimes,

qu’elle se souvient bien que François a été attaqué le 07/04/1994 à 15 heures ;

Attendu qu’interrogé sur l’endroit où se trouvait le sergent BARAYAGWIZA à ce moment,

elle répond qu’elle l’ignore car elle se cachait chez son voisin GITENGE, qu’invitée à

expliciter les circonstances des meurtres de ces victimes dont il est question, elle dit qu’elles

ont été tuées au cours des attaques auxquelles ces individus qui avaient reçu les entraînements

prenaient part, ils étaient nombreux à prendre part, qu’elle déclare ne pas avoir connaissance

des attaques que le sergent BARAYAGWIZA aurait repoussées ;

34ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir si, à sa connaissance, BARAYAGWIZA faisait la ronde

nocturne, MUKAZITONI répond par la négative parce que, précise-t-elle, elle ne sortait pas

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de la maison et qu’elle ne le voyait pas souvent, qu’à la question de savoir si, à sa

connaissance, le sergent BARAYAGWIZA aurait porté atteinte à certaines personnes, elle

répond qu’il a violé une fille, qu’elle ajoute néanmoins que malgré que BARAYAGWIZA la

trouvait souvent chez GITENGE et qu’il savait que son mari se cachait à CYAHAFI, il ne leur

a rien fait de mal et qu’à un certain moment la famille GITENGE qui lui avait accordé le

refuge l’avait renvoyé à son domicile pour la protéger sur place;

Attendu qu’à la question de savoir si le sergent BARAYAGWIZA était armé d’un fusil

lorsqu’il venait chez GITENGE, elle répond qu’elle ne l’a pas vu en possession d’un fusil

parce qu’il ne venait pas chez GITENGE pour les attaquer, qu’elle ajoute cependant que le

sergent BARAYAGWIZA était de connivence avec les autres tueurs sur ce qui se passait ;

Attendu qu’à la question de savoir le moment auquel la fille que BARAYAGWIZA a violée

est arrivée chez ce dernier, elle répond qu’elle l’a seulement vue là-bas mais qu’elle ne saurait

déterminer le moment auquel elle y est arrivée, qu’elle précise cependant que cette fille l’a

quitté peu avant la fin de la guerre, qu’elle poursuit en disant que le sergent Ildéphonse

BARAYAGWIZA n’a plus parlé à personne dès qu’il a commencé à aller au front, qu’elle

pense qu’il rentrait tard dans la nuit puisqu’il avait un véhicule à sa disposition, qu’il était

encore chez lui le 04/07/1994, et que lorsque les autres ont pris fuite MUKAZITONI et les

siens se sont enfermés dans leur maison ;

Attendu qu’à la question de savoir comment elle a su que le sergent BARAYAGWIZA est

allé au front, elle répond qu’elle a entendu les gens dire qu’il est allé au front vers le

20/06/1994, que s’agissant de la fille que BARAYAGWIZA a violée, MUKAZITONI dit

qu’elle avait l’habitude d’aller voir cette fille et qu’elles causaient devant la maison;

Attendu qu’à la question de savoir depuis quelle date le sergent BARAYAGWIZA est devenu

son voisin, elle répond qu’elle ne s’en souvient pas, mais qu’elle se rappelle qu’elle a habité

dans ce quartier avant le sergent BARAYAGWIZA qui ne s’y est installé que depuis 1992,

qu’interrogée sur le comportement de GITENGE pendant le génocide, elle répond qu’elle a le

sentiment qu’il ne s’est pas bien comporté parce qu’elle le voyait souvent partir et collaborer

avec les meurtriers, qu’en plus il tenait toujours compagnie au sergent BARAYAGWIZA

pendant la journée, que GITENGE partait souvent la nuit et que de retour il énumérait les

noms de ses victimes telles que la famille KALISA, la famille GATETE et d’autres victimes

dont elle ne se rappelle plus les noms, qu’elle précise enfin que la responsabilité du sergent

BARAYAGWIZA est engagée dans ces assassinats ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît GITENGE, le sergent BARAYAGWIZA

répond qu’il le connaît et qu’ils sont des voisins, que cependant il ne connaissait pas les autres

personnes qui étaient ses voisins, qu’il a pu en connaître quelques-unes à l'occasion des

malheureux événements qui sont survenus dans le pays, qu’interrogé au sujet de ses amis

auxquels il avait l’habitude de tenir compagnie, il répond qu’il ne partageait à boire avec

personne et qu’il ne tenait compagnie à personne, que ses voisins et lui-même passaient leur

journée à ne rien faire et que, la nuit tombée, il faisait la ronde nocturne avec HARUNA,

IDRISSA, GITENGE, le mari de MUKAZITONI, FELICIEN et UWIMANA, que

MUKAZITONI est au courant des attaques qui ont été menées chez CARITAS, chez

MUKAZITONI et ailleurs et qu’ils ont pu les contenir, qu’ils ont gardé les biens de

MUKAZITONI et que celle-ci a d’ailleurs pu récupérer tous ces biens après les événements,

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qu’ils disaient à MUKAZITONI et à son mari de rester sur place et leur assuraient qu’aucun

mal ne leur arriverait, surtout que lorsque UWIMANA ne se rendait pas à son travail leur

sécurité était assurée parce que ce dernier avait un fusil et pouvait les protéger ;

Attendu qu’interrogé sur les faits que GITENGE aurait commis, le sergent BARAYAGWIZA

répond qu’il n’en sait rien à moins que GITENGE ait commis ces faits en son absence au

début de la guerre, et que MUKAZITONI sait bien qu’il n’était pas là à ce moment-là ;

35ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir si elle a su que le sergent BARAYAGWIZA faisait partie

des meurtriers qui ont attaqué le domicile de NYUMBAYIRE, MUKAZITONI déclare que ce

dernier fut attaqué à l’aube aux environs de 4 heures du matin, qu’elle ne connaît pas les

assaillants qui ont mené cette attaque et qu’elle ignore si le sergent BARAYAGWIZA en

faisait partie, qu’elle dit que le sergent BARAYAGWIZA se trouvait à son domicile aux

dates du 7, 8, 9/04/1994 car elle lui a confié ses biens le 08/04/1994 après s’être réfugiée chez

GITENGE le 07/04/1994 et que même le domestique de BARAYAGWIZA a demandé à

celui-ci à qui ces biens appartenaient ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que MUKAZITONI lui a confié ses biens le

13/04/1994, qu’en plus il n’est pas allé au front, qu’il s’est plutôt rendu chez sa sœur où il a

participé a l’inhumation des deux enfants de cette dernière qui avaient succombé aux éclats

d’un obus qui était tombé chez eux, qu’il y est resté pendant plusieurs jours, qu’il n’a jamais

possédé un véhicule surtout qu’il ne pouvait garer ce véhicule nulle part chez lui faute de

place ;

Attendu qu’interrogée sur l’identité de la personne qui vivait chez le sergent

BARAYAGWIZA à l’exception de la fille qui vivait avec lui par force, MUKAZITONI

répond qu’elle ne se rendait pas souvent chez lui mais déclare avoir entendu dire que la sœur

du sergent BARAYAGWIZA y vivait également, qu’interrogée sur les dimensions de la

maison de BARAYAGWIZA et les circonstances dans lesquelles il a vécu avec cette fille, elle

répond qu’il s’agit d’une maison de taille moyenne, que cette fille vivait avec

BARAYAGWIZA contre son gré, que cependant elle a le sentiment qu’il la violait

puisqu’après la guerre elle a appris que BARAYAGWIZA et sa bande avaient tué le mari de

cette fille ;

Attendu qu’invité à préciser la date à laquelle il s’est installé à KIMISAGARA, le sergent

BARAYAGWIZA répond qu’il a habité ce quartier à partir de janvier 1994 mais qu’il avait

commencé les travaux de construction en juin ou juillet 1993 pour les achever en décembre

1993 ;

Attendu que MUKAZITONI réplique en disant que BARAYAGWIZA ne dit pas la vérité car

il avait acheté cette parcelle depuis longtemps et avait démarré les travaux de construction

directement après l’avoir achetée, qu’invitée à dévoiler les noms de ceux auxquels il a acheté

cette parcelle car ils ne sont même pas mentionnés dans le contrat d’achat, elle répond que

BARAYAGWIZA l’a achetée au vieux HARUNA, que lors de la conclusion de cette vente

BARAYAGWIZA était avec sa sœur de sorte qu’elle ne se rappelle plus celui qui a contracté

entre les deux ;

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Attendu que le Tribunal rappelle au sergent BARAYAGWIZA qu’il a déclaré avoir fait

connaissance de MUKAZITONI pendant le génocide, mais que celle-ci a pourtant apposé sa

signature sur ledit contrat d’achat en qualité de témoin ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que concernant la conclusion dudit contrat il a

mandaté sa femme et que c’est celle-ci qui l’a signé, que contrairement aux affirmations de

MUKAZITONI il ne s’agit donc pas de sa sœur;

Attendu qu’invitée à dire si elle aurait subi une quelconque contrainte lors de l’établissement

des procès-verbaux de son audition, MUKAZITONI répond par la négative ;

36ème

feuillet.

Attendu que l’Auditeur militaire rappelle au Tribunal que le sergent BARAYAGWIZA a fait

du bien à MUKAZITONI en acceptant de garder ses biens, qu’il demande que le procès verbal

de MUKAZITONI qui porte le n°2 soit pris en considération car elle a affirmé savoir que le

sergent BARAYAGWIZA dispensait des entraînements militaires aux gens, qu’il a vécu avec

une femme par force et qu’il est allé au front, qu’elle a ensuite cité les personnes qui étaient

souvent en compagnie de BARAYAGWIZA notamment le mari de Donatille, même si cette

dernière soutient que son mari restait terré dans sa cachette ;

Attendu que MUKAZITONI Donatille dit que BARAYAGWIZA et sa bande allaient chercher

son mari à CYAHAFI quand ils voulaient pour faire la ronde et qu’ils le laissaient rentrer

quand ils estimaient cela nécessaire, qu’ils disaient que toutes ces opérations avaient pour but

d’assurer la sécurité de leur quartier ;

Attendu qu’interrogée sur les motivations du sergent BARAYAGWIZA lorsqu’il a suivi

NYOMBAYIRE au Centre Hospitalier de Kigali, elle répond que ceux qui l’ont suivi là-bas

sont les mieux indiqués pour répondre à cette question, qu’elle ne saurait dire s’ils voulaient le

tuer ou simplement lui rendre visite ;

Attendu que l’Auditeur militaire soutient que le mari de MUKAZITONI que

BARAYAGWIZA et sa bande emmenaient faire la ronde quand ils le voulaient, informait son

épouse de ce qu’ils faisaient au cours de cette ronde, qu’en plus MUKAZITONI a l’air d’être

mal à l’aise devant le Tribunal parce qu’elle doit témoigner devant le sergent

BARAYAGWIZA qui l’a protégée et qui a protégé son mari et ses biens , qu’ainsi seul le

procès-verbal établi lors de son interrogatoire par le parquet doit faire foi et que dans le cas

contraire le prévenu doit quitter la salle pour permettre au témoin de déposer à son aise ;

Attendu qu’il dit que le contrat d’achat que le sergent BARAYAGWIZA a produit devant le

Tribunal ne devrait pas faire foi dès lors que son nom n’y est pas mentionné et que la date à

laquelle il s’est installé à KIMISAGARA ne s’y trouve pas mentionnée non plus, qu’en plus il

s’avère que la date et le mot KIMISAGARA mentionnés dans ledit contrat y ont été insérés

par la suite, que par conséquent le Tribunal ne saurait les prendre en compte car ils ne se

trouvent pas sur la même ligne que le texte original ;

Attendu qu’à la question de savoir si son mari est encore en vie, MUKAZITONI répond par

l’affirmative, qu’interrogé sur les raisons qui l’ont poussé à ne pas l’entendre, l’Auditeur

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militaire répond qu’il peut être interrogé si cela s’avère nécessaire, que néanmoins rien ne

justifiait son audition au cours de l’instruction, qu’étant donné la composition de la famille,

l’officier public qui était chargé de l’enquête a trouvé MUKAZITONI à son domicile et a

estimé que son audition était amplement suffisante ;

Attendu que MUKAZITONI déclare que toutes les informations dont elle dispose lui ont été

rapportées par GITENGE, que celui-ci lui a notamment dit que le sergent BARAYAGWIZA

est allé au front, qu’il s’est également rendu en ville pour voir NYOMBAYIRE, qu’elle

voudrait que les déclarations qu’elle a faites au cours des ses différents interrogatoires fassent

foi ;

37ème

feuillet.

Attendu que l’avocat de la défense fait remarquer qu’à la question de l’Auditeur militaire

consistant à savoir si le témoin aurait subi une quelconque contrainte lors de sa déposition,

celui-ci a répondu par la négative, qu’il poursuit en disant qu’il est de notoriété publique que

le témoin ne peut témoigner que de ce qu’il a vu, que s’agissant du contrat d’achat qui a été

évoqué, il est très facile d’interroger toutes les personnes qui y sont mentionnées pour éclaircir

les points obscurs ;

Attendu qu’il dit qu’il est compréhensible et évident que le témoin n’a rien vu, que pourtant

depuis trente minutes on voudrait lui faire dire qu’il a vu quelque chose alors qu’en réalité il

n’a pas vu le véhicule dont on parle, comme il n’a pas été témoin de l’enlèvement d’Agnès ni

été au front pour voir ce qui s’y passait, qu’il continue en disant que le témoin reconnaît avoir

pu identifier la personne qui dispensait des entraînements militaire aux gens, qu’il appartient

au Ministère Public de bien interroger le témoin afin d’avoir toutes les informations dont il a

besoin et qu’en cas de défaillance de la part du Ministère public, son client ne saurait en être

blâmé ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il n’est pas d’accord avec les propos du conseil de

BARAYAGWIZA et fait observer que le Tribunal aurait réagi s’il avait constaté que le témoin

avait subi une certaine contrainte surtout que le témoin lui-même demande que le procès-

verbal de son audition fasse foi, qu’en plus le dossier a été instruit dans la langue que l’avocat

de la défense ne comprend pas, que concernant l’infraction de viol, le témoin ne pouvait pas

savoir ce qui se passait à l’intérieur de la maison, que tout ce que le témoin sait est que le

prévenu n’était pas marié à Agnès ;

Attendu qu’il poursuit en disant que le contrat d’achat n’a pas été produit par le Ministère

Public et qu’ainsi celui-ci n’a pas pu préalablement analysé son contenu, qu’il n’a fait

qu’exprimer ses préoccupations, lesquelles persistent d’ailleurs aujourd’hui quant à la date qui

y est mentionnée, qu’il n’a pas demandé que le prévenu sorte du prétoire car si tel avait été le

cas le Tribunal aurait donné suite à cette requête, que néanmoins le Tribunal peut entendre le

témoin à huis clos dans la mesure où cette procédure est valable en matière de génocide ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que des réunions ont été organisées dans tous les

secteurs en vue d’identifier les personnes qui ont commis des tueries pendant le génocide et

qu’il demande au Tribunal de chercher les listes établies à cette occasion pour vérifier si son

nom y est mentionné ;

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351

Attendu que le témoin cité par le sergent BARAYAGWIZA nommé MUKAMFIZI Thérèse

fille de SHYIRAMBERE Basir et de KAMBUGU Marthe, née à NYARUGENGE/P.V.K. en

1928, veuve, résidant à CHAHAFI-NYARUGENGE/ P.V.K., handicapée, sans biens et sans

antécédents judiciaires connus, est appelé à la barre et qu’il prête serment ;

Attendu qu’interrogée sur les circonstances dans lesquelles elle a fait la connaissance du

sergent BARAYAGWIZA, le témoin MUKAMFIZI répond qu’elle l’a vu pour la première

fois aujourd’hui dans le prétoire et qu’elle se demande elle aussi comment le sergent

BARAYAGWIZA la connaît ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité cette vieille femme à sa décharge

parce que le fils de celle-ci et lui se connaissaient, et que sa sœur UWIMANA est la

voisine de cette femme;

Attendu qu’invitée à dire si elle connaît UWIMANA, MUKAMFIZI répond qu’elle la connaît

et qu’on l’appelait Maman ERIC, qu’elle ne connaît pas ses frères ni ses sœurs, que

cependant UWIMANA lui disait qu’elle avait un frère dans l’armée ;

38ème

feuillet.

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité ce témoin parce qu’il était le voisin

de feu Edouard et qu’il estime qu’il pourrait être au courant des circonstances de la mort de ce

dernier, qu’interrogée à ce sujet , MUKAMFIZI dit qu’elle habitait loin du domicile de feu

Edouard, mais qu’elle le connaissait et qu’elle a entendu les gens dire qu’il se trouvait dans sa

cachette lorsqu’il a été tué par les Interahamwe qu’elle ne connaît pas car, comme tout le

monde le sait, ces miliciens attaquaient en grand nombre ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît l’épouse de feu Edouard, MUKAMFIZI

répond qu’il y avait 4 ou 5 jours qu’elle s’était mariée lorsque un jeune homme qui était

également son voisin et dont le nom pourrait être HATEGEKA l’a conduite chez lui et a vécu

avec elle par force, qu’elle l’a su parce que ce jeune homme occupait illégalement une maison

située à côté de son domicile à elle, que cependant elle ne saurait dire si c’est HATEGEKA

qui a tué Edouard ou si HATEGEKA a tué des gens ou s’il était un Interahamwe, de même

qu’elle ne saurait dire pendant combien de temps HATEGEKA a vécu avec cette femme, que

toutefois elle apprendra plus tard que cette femme a vécu avec un autre homme dans les

mêmes conditions ;

Attendu qu’interrogée sur l’endroit où Maman ERIC pourrait se trouver actuellement, elle

répond que Maman ERIC a déménagé et qu’on ne la voit plus, qu’interrogée au sujet des

meurtriers de ses voisins, elle répond qu’elle ne les connaît pas, que cependant beaucoup de

gens ont été tués près de son domicile, que ces gens ont été tués par balles dans un tournant et

qu’ils ont même entendu des coups de feu ;

Attendu qu’à la question à lui posée par l’Auditeur militaire de savoir si l’un des membres de

sa famille n’aurait pas été persécuté pendant le génocide, le témoin répond que sa belle-sœur a

été emmenée à trois reprises à l’endroit où on conduisait les victimes pour les tuer,

qu’interrogée sur la personne qui a pu la sauver, le témoin répond que c’est le sergent

BARAYAGWIZA, que prenant la parole l’Auditeur militaire dit qu’il a posé ces questions

pour exprimer ses inquiétudes par rapport aux déclarations de ce témoin ;

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Attendu que l’Auditeur militaire demande que le témoin précise à partir de quel moment il a

perdu la vue et que le témoin lui répond que cela s’est produit après la guerre, que l’Auditeur

militaire fait observer que le sergent BARAYAGWIZA n’a cité à sa décharge que des gens

auxquels il a rendu service, qui le respectent et qui ne peuvent pas le dénoncer, que cela

démontre qu’il avait le pouvoir de décider de la vie ou de la mort de quelqu’un, qu’il sauvait

même la vie à ceux qui, tel du bétail à l’abattoir, étaient déjà arrivés là où on conduisait les

victimes pour être exécutées, qu’il trouve que les déclarations de ce témoin ne devraient pas

faire foi dès lors que les propos qu’il a tenus au sujet du sergent BARAYAGWIZA lui ont été

rapportés et qu’il a refusé de dévoiler le nom de la personne qui a emmené Agnès, qu’il

conclut son intervention en disant qu’il est de notoriété publique que le sergent

BARAYAGWIZA a trempé dans la mort de NDENGEYINGOMA Edouard;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’il n’a pas sauvé la vie de la belle-fille

de MUKAMFIZI dans la mesure où cette femme vivait chez sa sœur à lui lorsque le génocide

est survenu et qu’elle y est restée pendant trois jours ;

Attendu que MUKAMFIZI déclare que sa belle-fille lui a dit qu’elle a été conduite à trois

reprises là où elle devait être exécutée, que quelqu’un est intervenu et a empêché les

meurtriers de la tuer et que cette personne qui lui a sauvé la vie lui a dit qu’elle était le frère de

EPIPHANIE ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’il a cité ce témoin afin qu’il explique la vie

qu’Agnès a menée pendant sa séquestration et la manière dont il l’a aidée à quitter l’endroit

où elle était séquestrée, qu’il aimerait que d’autres personnes qui sont au courant des

circonstances de la mort de NDENGEYINGOMA soient entendues puisque les informations

qu’il détient à ce sujet lui ont été fournies par Agnès, laquelle a dit qu’il est mort le

14/04/1994, date à laquelle BARAYAGWIZA ne se trouvait plus à CYAHAFI ;

39ème

feuillet.

Attendu qu’invitée à citer les noms de sa belle-fille et de son mari, MUKAMFIZI répond que

sa belle-fille s’appelle MUREBWAYIRE Immaculée tandis que son mari s’appelle HAMIMU

BIHAL, qu’interrogée sur le nombre de frères de EPIPHANIE, elle répond qu’elle ne le

connaît pas, tout comme elle ne connaît pas EPIPHANIE elle-même, qu’elle croit plutôt que

son frère dont elle lui a parlé est le sergent BARAYAGWIZA ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il avait un frère qui habitait près de là, le sergent

BARAYAGWIZA répond par la négative ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît le frère de MUKACYAKA surnommé

Jeune, MUKAMFIZI répond qu’elle ne le connaît pas, qu’elle connaît plutôt ses deux frères

nommés KAYIRANGA et INNOCENT ainsi que son mari, MUKACYAKA étant originaire

de GIKONGORO ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que la preuve que le sergent BARAYAGWIZA ne dit pas

la vérité est notamment cette personne que le témoin appelle Jeune et qui n’est pourtant

pas connue par ses voisins, qu’en plus le témoin a dit que le caporal HATEGEKA fait partie

des assaillants qui ont attaqué le domicile de Edouard, qu’il a ensuite vécu avec Agnès par

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force, que par ailleurs cette dernière a connu le même sort avec quelqu’un d’autre dont

l’identité est restée inconnue, mais que cette personne est inévitablement BARAYAGWIZA

qui était inconnu à cet endroit ;

Attendu que le témoin MUKAMAZIMPAKA Mariane fille de BWANAKWELI Vincent et

de NZAKAMWITA Ancille, née à KIMISAGARA/NYARUGENGE/P.V.K, en 1955, veuve,

résidant à KIMISAGARA, cultivatrice, propriétaire d’une maison et sans antécédents

judiciaires, est invitée à faire sa déposition et prête serment;

Attendu qu’invité à dire s’il connaît le sergent BARAYAGWIZA, le témoin dit qu’il le

connaît, qu’ils étaient des voisins et que 500 mètres de distance séparaient leurs domiciles

respectifs;

Attendu que pour sa part le sergent BARAYAGWIZA déclare ne pas connaître

MUKAMAZIMPAKA ;

Attendu que l’Auditeur militaire qui a fait citer le témoin demande que celui-ci dise si, à sa

connaissance, le sergent BARAYAGWIZA a participé à des attaques, que le témoin dit que le

sergent BARAYAGWIZA a pris part à l’attaque qui a été menée chez TWAGIRAYEZU

François et qui a coûté la vie à ce dernier ainsi qu’à son fils, que le sergent BARAYAGWIZA

qui était mécontent de ce que la femme de François avait pu s’enfuir avec le concours de

certaines personnes a laissé exploser sa colère en prenant à MUZEHE qui était avec lui le

transistor qu’il avait et en le cassant, que le sergent BARAYAGWIZA était aussi en

compagnie de l’un des fils du nommé KAZUNGU appelé "CDR", des fils de KARUSHARA

et d’un militaire, que c’est KAZUNGU qui a rapporté cela au témoin et à d’autres personnes,

qu’il leur a dit que le sort des Tutsi était réglé et que ceux-ci allaient être exterminés, que

prenant la parole l'Auditeur militaire dit que François a été tué par le sergent

BARAYAGWIZA avec le concours d’un autre militaire, qu’il termine en disant que ce

KAZUNGU dont parle le témoin est le neveu du mari de MUKAMAZIMPAKA ;

40ème

feuillet.

Attendu qu’il dit que ce soir-là, BARAYAGWIZA et sa bande ont attaqué le domicile de

KALISA et qu’ils se sont battus avec KALISA, que ce dernier a pu venir à bout de ces

assaillants après avoir blessé certains d’entre eux à la grenade, que face à cette résistance les

assaillants ont sollicité le concours des militaires de la Garde Présidentielle, lesquels ont

assassiné KALISA et massacré sa famille ainsi que les nombreuses personnes qui avaient

trouvé refuge chez lui ;

Attendu qu’il dit que par la suite le sergent BARAYAGWIZA, GITENGE et KAVAKURE

ont coupé la bananeraie de KALISA et ont appris aux gens à manier les fusils pendant tout le

mois de mai 1994, qu’ils leur dispensaient ces entraînements quotidiennement et à longueur

de journée, que ces entraînements consistaient en des culbutes qu’ils faisaient à travers les

collines de la région de KOVE, et que pendant ces entraînements le sergent

BARAYAGWIZA avait un fusil et portait une chaîne de balles autour des hanches ;

Attendu qu’interrogé sur les circonstances de la mort de la nommée Maman CARINE, il

répond que le mari de cette femme était originaire de CYANGUGU, que le sergent

BARAYAGWIZA, KARUSHARA et le nommé CDR disaient qu’elle devait mourir le

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28/05/1994, que cela lui a été rapporté par un Interahamwe appelé MUZEHE qui a dit que

cette dame a proposé à ces meurtriers la somme de 60.000 Frw pour qu’ils la tuent par une

seule balle, que cependant BARAYAGWIZA a refusé et a ordonné qu’elle soit tuée à coups

de poignard, que c’est dans ces circonstances qu’elle a été tuée par HABYARIMANA

originaire de RUHENGERI ;

Attendu qu’interrogé sur les raisons qui ont conduit ces Interahamwe à leur rapporter ce qu’ils

faisaient, le témoin répond que KAZUNGU était le neveu de son mari et que MUZEHE était

le fils d’un voisin ;

Attendu qu’interrogé sur le moment auquel il a vu le sergent BARAYAGWIZA, le témoin

répond qu’il l’a vu en 1993 puisque BARAYAGWIZA a acheté sa parcelle à HARUNA en

1992 et s’y est installé en 1993 ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA déclare n’avoir pas vu le procès-verbal d’audition

de ce témoin dans le dossier, qu’il lui est néanmoins répondu que toutes les parties n’ont eu

accès à ce procès-verbal qu’aujourd’hui et qu’il appartient au Tribunal de déterminer la valeur

à lui accorder, mais que cela ne peut toutefois pas l’empêcher de formuler ses observations à

ce sujet;

Attendu que BARAYAGWIZA dit que les propos du témoin sont mensongers dès lors qu’il

n’a pas vu se commettre les faits dont il parle, qu’il trouve que ces faits ont été rapportés au

témoin, qu’il continue en disant que le témoin soutient à tort qu’il a attaqué chez

TWAGIRAYEZU, chez KALISA et chez Maman CARINE, qu’il affirme n’avoir pas été

membre de la bande de NEPO et que tous les témoins l’ont déchargé en disant qu’il n’en

faisait pas partie;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît KAZUNGU et MUZEHE, le sergent

BARAYAGWIZA dit qu’il connaît uniquement MUZEHE qu’il voyait parmi les assaillants,

lesquels avaient l’habitude de mener des attaques dans leur quartier ;

Attendu que MUKAMAZIMPAKA dit qu’elle croyait que le sergent BARAYAGWIZA était

un militaire encore en service, qu’il collaborait avec KAVAKURE qui est actuellement en

détention et qui entraînait les gens à manier les fusils, que pour étayer ses dires elle dit que

KAVAKURE a les doigts coupés mais précise qu’elle ignore où ce dernier avait appris le

maniement des armes ;

41ème

feuillet.

Attendu que Maître NZEPA demande au témoin d’expliquer pourquoi elle a attendu si

longtemps pour ne livrer son témoignage que le 27/10/1998, qu’elle répond qu’elle a attendu

le retour des militaires pour porter plainte dans la mesure où elle était convaincue que

François avait été tué par un militaire et qu’ensuite elle n’a pas su exactement à quel moment

le sergent BARAYAGWIZA est revenu, qu’en réplique à cette déclaration, BARAYAGWIZA

dit qu’après son retour il a rencontré Agnès dans un cabaret et qu’à cette occasion il a discuté

avec HARUNA et IDRISSA au sujet de son lit;

Attendu que Maître Bernadette KANZAYIRE dit que le sergent BARAYAGWIZA a prétendu

ne pas posséder de biens alors que le Tribunal a lui-même constaté qu’il en dispose à

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KIMISAGARA, que le sergent BARAYAGWIZA réagit en disant que ces biens appartiennent

à sa femme et sont enregistrés au nom de celle-ci, qu’il ajoute cependant que sa femme et lui

se sont mariés sous le régime de la communauté universelle des biens ;

Attendu qu’invité à préciser l’endroit où sa femme se trouve actuellement, BARAYAGWIZA

répond qu’en 1993 sa femme s’est rendue à CYANGUGU avec pour objectif d’aller étudier à

BUKAVU parce qu’elle avait une grande famille à KADUTU et qu’elle étudiait

habituellement au ZAIRE au collège ALFAJIRI ;

Attendu qu’il dit qu’ils se sont mariés en 1991 et qu’à cette époque elle était encore en 3ème

année secondaire, qu’après leur union ils ont résidé à MUHIMA , que cependant leur mariage

a eu lieu chez sa sœur, qu’ils se sont installés à MUHIMA en 1992, que vers la fin de cette

année ils ont déménagé du côté de NYAMIRAMBO près de l’hôtel BAOBAB, qu’ils sont

retournés à KABAKENE au début de 1993, date à laquelle sa femme est partie, que

finalement il s’est installé à KIMISAGARA au début de l’année 1994 ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que tous les témoins qui ont déjà déposé soutiennent

qu’ils l’ont vu prendre part à l’attaque menée chez François, que par ailleurs Marianne a

appris cela d’un Interahamwe qui en a été témoin direct, que ce milicien informait les

membres de sa famille des événements qui survenaient et dans lesquels il avait un intérêt ;

Attendu que le témoin NDUSHABANDI Augustin, fils de RURANGIRWA Laurent et de

MUKARUTORE Adèle, né à KIMISAGARA, commune NYARUGENGE, P.V.K., marié à

NAMAGARA Aimée, père de 5 enfants, commerçant sans biens et sans antécédents

judiciaires, est appelé à la barre et prête serment ;

Attendu qu’interrogé sur la date à laquelle il a fait la connaissance du sergent

BARAYAGWIZA, le témoin répond qu’il le connaît depuis le 07/04/1994 aux environs de 16

heures et que depuis lors son visage est resté gravé dans sa mémoire ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît NDUSHABANDI, le sergent

BARAYAGWIZA déclare que NDUSHABANDI ressemble au nommé MURUNDI, ce que

confirme NDUSHABANDI qui reconnaît que ce nom est le sien;

42ème

feuillet.

Attendu qu’interrogé sur les circonstances dans lesquelles il a vu le sergent

BARAYAGWIZA, NDUSHABANDI déclare l’avoir vu près de chez sa tante paternelle où il

a assassiné le mari de celle-ci ainsi que son enfant, qu'il venait de quitter le domicile de sa

tante lorsque ces assassinats sont survenus, qu’il s’était rendu chez sa tante pour lui prendre au

moins deux enfants afin de les évacuer à MUGANZA d’où ils sont originaires ;

Attendu qu’il poursuit en disant que sa maison était proche de celle de François et qu’elles

étaient séparées par une haie en euphorbe à tel point qu’à peine arrivé chez lui en provenance

de chez François, il entendit les gens frapper avec force au portail du domicile de François,

que voulant voir de qui il s’agissait il a vu deux militaires accompagnés de beaucoup de

sympathisants du parti C.D.R., parmi lesquels MUZEHE fils de TWAHA, que pendant qu’ils

creusaient la maison pour en arracher la porte, François leur a demandé ce qu’ils cherchaient,

que le sergent BARAYAGWIZA lui a dit d’ouvrir la porte en lui assurant qu’ils ne lui feraient

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rien de mal et qu’ils voulaient seulement vérifier quelque chose ;

Attendu qu'il dit qu’une fois que François a ouvert la porte, ces meurtriers se sont rués à

l’intérieur de la maison, que le sergent BARAYAGWIZA qui était resté légèrement en arrière

a essayé de pousser François à l’intérieur de la maison, que dans sa défense François a voulu

s'emparer du fusil dont BARAYAGWIZA était armé, ce que voyant le sergent

BARAYAGWIZA a aussitôt ouvert le feu si bien que François est immédiatement tombé, que

NDUSHABANDI qui suivait la scène à travers la haie en euphorbe s’est sauvé en courant et

qu’arrivé dans la plantation de café il a entendu un autre coup de feu ;

Attendu qu’à la question de savoir si l’épouse de François était à la maison, le témoin répond

que plus tard la femme de François lui dira qu’elle avait fui ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA dit que les déclarations de NDUSHABANDI sont

mensongères, que la preuve en est qu’il prétend l’avoir vu pousser puis tuer le mari de sa

tante, mais que curieusement il ne l’a pas tué lui aussi alors qu’il était également recherché,

qu’il réaffirme que NDUSHABANDI le charge à tort et qu’il n’a pas mis les pieds à cet

endroit ;

Attendu que NDUSHABANDI affirme que le sergent BARAYAGWIZA l’aurait sûrement tué

s’il l’avait vu ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il aurait vu NDUSHABANDI depuis la mort de

HABYARIMANA ou s’il aurait eu connaissance du pillage du magasin de ce dernier, le

sergent BARAYAGWIZA répond qu’il n’a plus revu NDUSHABANDI et qu’il n’était pas au

courant du sort de son magasin;

Attendu que l’Auditeur militaire dit que les témoignages ont prouvé que le sergent

BARAYAGWIZA portait l’uniforme militaire et allait au front, qu’il demande le huis clos en

faveur du prochain témoin étant donné qu’il va témoigner sur des actes dont il a été victime;

Attendu que le témoin Agnès KAGERUKA , fille de KAGERUKA Claver et de

MUKAMURIGO Marie Gorretti, née à RUNDA, préfecture de GITARAMA, en 1973, veuve,

résidant à GIKONDO, commune KICUKIRO, P.V.K., étudiante, sans biens ni antécédents

judiciaires, est appelé à la barre ;

43ème

feuillet.

Attendu qu’interrogée sur la date à partir de laquelle elle a fait la connaissance du sergent

BARAYAGWIZA, KAGERUKA Agnès dit qu’elle le connaît depuis 1994, vers le mois de

mars, qu’elle le voyait passer devant son domicile lorsqu’il se rendait chez sa sœur

UWIMANA, qu’interrogée sur la date à laquelle elle s’est mariée, elle répond que son

mariage est intervenu le 02/04/1994 ;

Attendu qu’interrogé à son tour sur le moment où il a fait la connaissance d’Agnès, le sergent

BARAYAGWIZA dit qu’il la connaît depuis qu’elle était petite et que ses parents à elle

habitaient à NYABUGOGO tandis que lui résidait à CYAHAFI, qu’il a connu Agnès à cause

de certains de ses proches, parmi lesquels le nommé ABRAHAM, qui étaient des voisins de la

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famille d’Agnès et que cela remonte à 1979 et 1980 ;

Attendu que KAGERUKA Agnès déclare que la guerre a commencé le 07/04/1994, que le

14/04/1994 entre 9 heures 30 minutes et 10 heures beaucoup d’assaillants sont venus et ont

tué Edouard NDENGEYINGOMA et ses 4 petits frères, qu’elle a pu reconnaître parmi eux le

sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et HATEGEKA, que BARAYAGWIZA a aussitôt

conduit Agnès chez lui à KIMISAGARA, qu’elle a vécu seule chez lui d’avril à juin 1994, à

part qu'il arrivait à la sœur de BARAYAGWIZA d'y séjourner de temps en temps, et que cette

sœur ne les quittait que quand elle allait s’approvisionner en marchandises ;

Attendu qu’elle dit que le sergent BARAYAGWIZA participait aux combats aussi bien aux

côtés des militaires que des miliciens Interahamwe, que de retour à la maison il lui énumérait

les victimes qu’il avait tuées, que vers la fin du mois de juin elle l’a quitté parce qu’elle

réalisait qu’il finirait par la tuer elle aussi, qu’elle est allée se cacher à CYAHAFI dans des

buissons où elle a passé trois semaines et mené une vie sauvage;

Attendu qu’interrogé sur l’uniforme militaire que portait le sergent BARAYAGWIZA, elle

répond qu’il en avait deux paires, et trois fusils dont l’un de marque Uzi et qu’il y avait

beaucoup de cartouches et de grenades à son domicile;

Attendu qu’Agnès déclare être retournée à KIMISAGARA le 04/07/1994, que le sergent

BARAYAGWIZA l’a violée pendant tout le temps qu’elle a passé avec lui, excepté la nuit de

son arrivée à son domicile;

Attendu qu’à la question de savoir si elle n’aurait pas d’abord vécu chez HATEGEKA, elle

répond que le sergent BARAYAGWIZA l’a emmenée directement et qu’elle n’est pas arrivée

chez HATEGEKA, qu’à la question de savoir si elle connaît le nommé Jeune , elle répond

par la négative ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle a revu le sergent BARAYAGWIZA après la guerre,

elle répond qu’elle l’a revu en août 1995 et qu’à ce moment il portait l’uniforme de l’Armée

Patriotique Rwandaise ;

Attendu qu’interrogée sur le nombre des assaillants qui les ont attaqués, Agnès répond qu’ils

étaient environ dix personnes, que le sergent BARAYAGWIZA et HATEGEKA portaient

l’uniforme militaire alors que d’autres assaillants avaient camouflé leur tête avec les feuilles

de bananiers, que HATEGEKA était un militaire tandis que ces assaillants étaient des

Interahamwe, que le sergent gendarme BARAYAGWIZA l’a emmenée parce qu’étant le plus

gradé, le butin trouvé dans cette famille lui revenait de droit ;

44ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir comment il a su que HATEGEKA était un militaire, le

sergent BARAYAGWIZA répond qu’Agnès lui avait dit qu’il avait le grade de caporal et

qu’il avait tué son mari ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle aurait accompagné le sergent BARAYAGWIZA à

MUSASA, Agnès répond par la négative ;

Attendu que Maître Ferdinand NZEPA demande qu’Agnès explique la contradiction qui

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existe entre sa déclaration selon laquelle elle s’est mariée le 02/04/1994 et le contenu du

procès-verbal de son audition d’après lequel elle devait se marier le 09/04/1994, qu’en

réponse à cette question Agnès dit qu’elle s’est installée chez NDENGEYINGOMA le jour de

leur mariage civil du 02/04/1994, le mariage religieux étant programmé pour le 09/04/1994 ;

Attendu qu’interrogée au sujet des biens que le sergent BARAYAGWIZA aurait pillés, Agnès

répond qu’il s’agit du lit sur lequel ils couchaient tous les deux et qu’il avait pillé chez

NDAYISABA ainsi que des biens de la famille Louise KAYIBANDA et ceux de la famille

BOSCO, qu’elle ne sait rien d’autre puisqu’elle était séquestrée dans une chambre ;

Attendu que Maître NZEPA Ferdinand déclare vouloir lever toute équivoque, qu’il précise

que le sergent BARAYAGWIZA n’a pas dit qu’il a emmené Agnès par force et qu’il est

plutôt convaincu qu’ils se sont rendus au camp de MUHONDO ensemble;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’il est allé chez Agnès à la demande de

cette dernière et que celle-ci dans ce sens avait sollicité son secours, qu’il trouve très

étonnante la déclaration d’Agnès d’après laquelle elle est allée se cacher dans des buissons en

juin 1994 où elle est restée pendant trois jours parce qu’elle a quitté ce lieu le 04/07/1994, que

cette déclaration est dénuée de fondement du moment qu’ils sont restés ensemble et ont vécu

ensemble au camp de MUHONDO et qu’elle n’a point dit aux militaires qu’il avait tué ses

proches, qu’ils ont quitté ensemble ce camp pour s’installer à KABAGENDANA, qu’il estime

qu’Agnès a préféré passer tout cela sous silence à cause du malentendu qui les oppose et qu’il

a explicité plus haut ;

Attendu qu’il dit qu’il est venu dans un cabaret pendant la période où le gouvernement venait

de frapper la nouvelle monnaie, qu’il y avait des militaires dans ce cabaret qui était par

ailleurs situé près de la brigade, qu’Agnès qui s’y trouvait n’a pourtant rien dit à ces militaires,

qu’ils ont par contre causé comme si de rien n’était, qu’il trouve que des poursuites devraient

être engagées contre elle parce qu’elle a oublié qu’il lui a rendu service et qu’elle a menti en

lui attribuant l’assassinat de ses proches ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il n’a jamais dormi dans un même lit avec Agnès, le

sergent BARAYAGWIZA répond que cela n’a jamais eu lieu, que même dans sa déclaration

actée dans un procès-verbal, Agnès a reconnu que lorsqu’elle était chez le sergent

BARAYAGWIZA elle vivait avec la sœur de ce dernier et le domestique qui leur préparait à

manger ;

45ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir comment il n’a pas souhaité avoir des relations sexuelles

avec elle alors qu’il venait de la secourir, le sergent BARAYAGWIZA répond que cela est

confirmé par Agnès qui reconnaît elle-même qu’il n’a pas couché avec elle le premier jour,

qu’il ne pouvait pas la violer après l’avoir secourue, qu’il conclut en disant qu’il est capable

de maîtriser son instinct sexuel devant n’importe quelle autre fille ;

Attendu qu’il dit que la seule occasion où ils ont dormi ensemble s’est présentée au camp des

réfugiés, qu’il dormait avec elle sur un matelas simple et que d’autres personnes dormaient à

même le sol à côté d’eux de sorte qu’il ne pouvait pas lui faire l’amour, qu’ils étaient avec son

grand frère, sa sœur et les enfants de son grand frère et qu’il l’a mise sur ce matelas parce

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qu’il ne pouvait pas faire autrement ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il n’y avait personne d’autre à KIMISAGARA pour

lequel il pouvait avoir de la compassion et à qui il pouvait sauver la vie, le sergent

BARAYAGWIZA répond qu’il a secouru Agnès parce qu’elle était une connaissance de

longue date et qu’elle a sollicité son secours;

Attendu que l’Auditeur militaire relève que le sergent BARAYAGWIZA a dit que sa sœur a

vécu chez lui pendant une courte période, que ses déclarations ne sont que des manœuvres

désespérées, que réagissant à cette intervention le sergent BARAYAGWIZA affirme être resté

avec sa sœur jusqu’à ce qu’ils prennent fuite ;

Attendu que l’Auditeur militaire demande qu’Agnès explique les circonstances dans

lesquelles ce lit a été pillé, qu’Agnès répond qu’elle a trouvé ce lit au domicile de

BARAYAGWIZA, qu’il l’avait pillé chez NDAYISABA et qu’après l’avoir pillé il est passé

devant le domicile d’Agnès en le transportant, qu’elle connaissait ce lit et que celui-ci avait un

sommier en triplex ;

Vu que les heures de service sont terminées, que l’audience est suspendue puis remise au

16/11/1998 à 9 heures du matin ;

Vu la continuation de l’audience en date du 16/11/1998 à 9 heures du matin et la prestation

de serment de l’interprète MUKANTAMBARA Félicité;

Attendu que le témoin à décharge nommé 1er

sergent RWAMUNINGI François, fils de

BIRIRA Yavan et de NYIRAMARENGANE Félicitée, né en commune RUBAVU, préfecture

GISENYI, en 1961, détenu à la prison de MULINDI pour génocide, marié à

MUKANKURANGA Dorothée et père de deux enfants, sans biens, résidant à CYAHAFI,

commune NYARUGENGE, P.V.K., est appelé à la barre et prête serment conformément à la

loi ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît le sergent BARAYAGWIZA, le 1er

sergent

RWAMUNINGI François répond qu’il ne le connaissait pas auparavant, que bien qu’après

être renvoyé de l’armée le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse a résidé dans la cellule

AKANYANZA du quartier CYAHAFI, le 1er

sergent RWAMUNINGI François n’a fait sa

connaissance qu’en septembre 1995 en prison ;

46ème

feuillet

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’avant la déposition du témoin il voudrait soulever les

problèmes qu’on observe dans les affaires pénales ou dans les affaires de génocide, dans la

mesure où les prévenus citent à leur décharge leurs codétenus poursuivis pour les mêmes faits

que ceux qui leur sont reprochés, que ceux-ci déroutent forcément le Tribunal parce qu’ils

sont en contact permanent avec les accusés et qu’ainsi il trouve que le témoignage du 1er

sergent RWAMUNINGI n’est pas crédible, qu’il lui est néanmoins répondu que même s’il est

bon de soulever ces inquiétudes, il appartient au Tribunal d’apprécier la déclaration du

témoin ;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA demande que le 1er

sergent RWAMUNINGI

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témoigne au sujet des événements qui sont survenus à CYAHAFI parce que c’est le quartier

qu’il connaît bien et qu’il parle surtout de ce qu’il sait sur le sergent BARAYAGWIZA ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît la sœur du sergent BARAYAGWIZA, le 1er

sergent RWAMUNINGI répond qu’il ne la connaît pas, qu’interrogé sur

NDENGEYINGOMA Edouard et les circonstances de sa mort, il répond qu’il ne le connaît

pas non plus parce qu’il a habité le quartier CYAHAFI en 1993, que cependant il entendait les

gens dire que NDENGEYINGOMA avait une boutique, qu’il avait l’habitude de passer par là,

que le 10/04/1994 il est allé à RUHENGERI pour participer à l’enterrement d’un enfant à

MUKINGO, que le lendemain lui et les autres ont continué la route pour se rendre à

GISENYI, qu’ils ont néanmoins passé la nuit à BYANGABO, que le jour suivant ils sont

arrivés à GISENYI où il a passé huit jours avant de revenir à KIGALI ;

Attendu qu’interrogé sur le viol de l’épouse d’Edouard, le témoin répond qu’il n’en sait rien

du tout si ce n’est que le sergent BARAYAGWIZA lui demandé s’il la connaissait et qu’il lui

a répondu qu’il ne la connaissait pas en lui précisant cependant qu’il a entendu dire qu’elle

était mariée ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il a quelque chose à ajouter à cette déclaration, le sergent

BARAYAGWIZA dit qu’il n’a rien à ajouter puisqu’il s’avère que le 1er

sergent

RWAMUNINGI ne sait rien en ce qui le concerne;

Attendu que le témoin Jean-Félix NYIRINDEKWE fils de KANYANDEKWE Alphonse et de

NYIRAMUBI Thérèse, né à KABASENGEREZI, NYARUGENGE, P.V.K, en 1973,

célibataire et chauffeur, actuellement détenu à la prison de MULINDI pour vol, propriétaire

d’un véhicule, sans antécédents judiciaires connus, est appelé à la barre et prête serment ;

Attendu qu’interrogé sur le moment où il a fait la connaissance du sergent BARAYAGWIZA,

NYIRINDEKWE répond qu’il le connaît depuis qu’ils sont détenus ensemble, qu’à la

question de savoir s’il résidait à CYAHAFI, il répond qu’il y était allé pour rendre visite à

son petit frère qui habitait ce quartier, que le lendemain l’avion du président a été abattu et

qu’ainsi il n’a pas pu rentrer chez lui;

Attendu qu’interrogé sur les motifs qui l’ont conduit à citer ce témoin, le sergent

BARAYAGWIZA dit qu’il voulait que ce témoin confirme qu’il se trouvait à CYAHAFI chez

sa sœur lorsque la guerre a éclaté ;

47ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît la sœur du sergent BARAYAGWIZA nommée

UWIMANA, NYIRINDEKWE répond qu’il ne la connaît pas mais qu’il a entendu parler de

ce nom, qu’il ne connaissait même pas le sergent BARAYAGWIZA auparavant et que c’est

après leur rencontre en prison que celui-ci lui a dit qu’il résidait dans le quartier CYAHAFI;

Attendu que Maître GASARABWE Claudine dit que Madame MUKAMURIGO Véronique,

une partie civile, voudrait apporter d’autres précisions qui pourraient éclairer le Tribunal au

sujet des tueries perpétrées par le sergent BARAYAGWIZA ;

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse,

MUKANDORI (sic) répond qu’elle ne le connaît pas et soutient que c’est la première fois

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qu’elle le voit ;

Attendu qu'interrogée sur le quartier où elle résidait pendant la guerre, elle répond qu’elle

vivait chez son frère à KIMISAGARA où elle est restée pendant de nombreux mois, que les

sympathisants du parti C.D.R. les ont attaqués vers le 25 janvier 1994 à la recherche de son

frère qu’ils accusaient d’avoir coupé la corde au moyen de laquelle ils hissaient le drapeau de

leur parti, que ces mêmes assaillants parmi lesquels le sergent BARAYAGWIZA, NEPO,

GITENGE, DEBANDE, KANYAMANZA, FIFI, GILBERT, les fils du Responsable

KAZUNGU et d’autres qui s’étaient camouflés au moyen des feuilles de bananiers sèches sont

revenus le 13/04/1994 à leur domicile à CYAHAFI ;

Attendu qu’elle dit qu’aussitôt que le sergent BARAYAGWIZA est entré dans leur maison il

lui a donné un coup de poing au point qu’il lui a arraché des dents, qu’il lui a ensuite donné

des coups de bottes et un coup de poignard dans les côtes avant de la pousser vers DEBANDE

et les autres assaillants, que ceux-ci lui ont demandé l’endroit où pouvaient se trouver Paul et

TWIZEYIMANA, qu’ils les ont par la suite délogés de leur cachette et les ont emmenés à

KIMISAGARA, qu’ils ont assassiné Vianney à coups de marteaux et de poignards, que

concernant Paul ils l’ont tué par balles après qu’il se soit précipité dans un égout, qu’ils ont

traîné leurs corps jusqu’à un terrain de jeux pour célébrer leurs méfaits, qu’ils les ont dépecés,

qu’ils ont ensuite mis des morceaux de leur chair sur des broches et qu’ils les ont grillés ;

Attendu qu’à la question de savoir s’il connaît Vianney, le sergent BARAYAGWIZA répond

par la négative ;

Attendu qu’à la question de savoir à partir de quel moment le sergent BARAYAGWIZA a

vécu à KIMISAGARA, MUKANDOLI dit que le sergent BARAYAGWIZA s’y est installé en

1993, qu’interrogée sur la tenue qu’il portait lorsqu’il les a attaqués, elle répond qu’il portait

l’uniforme militaire et était armé d’un fusil qu’il possédait depuis janvier 1994, et ajoute

qu’elle n’a jamais su qu’il avait été renvoyé de l’armée car elle ne l’a jamais vu en tenue

civile ;

Attendu qu’invitée à dire à quoi ont servi les morceaux de chair humaine qu’ils avaient mis

sur des broches, elle répond que lorsqu’elle a vu ces assaillants monter la colline, elle a cru

qu’ils allaient les manger, qu’en plus ils les ont servis à une dame nommée CARITAS pour,

disaient-ils, sceller un pacte de sang avec elle ;

Attendu que le témoin à charge du sergent BARAYAGWIZA nommé MUKASHEMA

Caritas fille de MUKANKWAYA Gaspard et de Véronique NYIRUBUYENZI, née en 1969

en commune MUBUGA, préfecture de GIKONGORO, veuve, résidant à KIMISAGARA,

commune NYARUGENGE, P.V.K., vendeuse de denrées alimentaires, sans biens ni

antécédents judiciaires connus, est appelé à la barre et prête serment ;

48ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaît le sergent BARAYAGWIZA,

MUKASHEMA répond qu’elle le connaît, qu’il était son voisin immédiat à KIMISAGARA;

Attendu que le sergent BARAYAGWIZA qui est, à son tour, invité à dire s’il connaît

MUKASHEMA répond par l’affirmative ;

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Attendu qu’interrogée sur les faits qui ont été commis par le sergent BARAYAGWIZA,

MUKASHEMA répond qu’à l’exception de quelques jours où il restait à la maison toute la

journée, le sergent BARAYAGWIZA ne passait pas ses journées à son domicile, qu’il donnait

des entraînements militaires aux Interahamwe et aux sympathisants du parti C.D.R. avant

même le déclenchement du génocide, que lorsque la hampe sur laquelle était hissé le drapeau

de la C.D.R est tombée, les gens l’ont ramassée et s’en sont servi comme bois de chauffage,

qu'au vu de cela, les sympathisants de la C.D.R les ont attaqués ;

Attendu que poursuivant son témoignage, MUKASHEMA dit que chaque soir, après avoir

terminé leurs entraînements, ils avaient l’habitude d’aller se positionner sur la route, de

stopper les véhicules et d’en sortir les occupants qu’ils tuaient par la suite, que NEPO était

leur chef et qu’il les rejoignait après le service ;

Attendu qu’elle dit que pendant le génocide des assaillants ont jeté au fond de la toilette de

chez NYOMBAYIRE 4 personnes parmi lesquelles HAGUMA qui était le voisin de

NYOMBAYIRE Alphonse, le petit frère de HAGUMA et SENDARASI Alphonse qui fut

précipité au fond de cette toilette à 10 heures étant encore en vie, qu’à ce moment-là elle a vu

le sergent BARAYAGWIZA, qui était armé d’un fusil et portait l’uniforme militaire, appeler

le nommé GITENGE en lui disant Nous allons vous casser la figure ;

Attendu qu’interrogée au sujet de KAGERUKA Agnès, MUKASHEMA déclare qu’en voyant

cette dernière chez BARAYAGWIZA elle a cru qu’elle était sa femme, mais que par la suite

KAGERUKA Agnès lui a appris que cela n’était pas le cas et qu’elle vivait avec

BARAYAGWIZA contre son gré;

Attendu qu’à la question de savoir ce qu’il attendait du témoin MUKASHEMA, le sergent

BARAYAGWIZA dit qu’il voulait qu’elle parle du site où il donnait des entraînements

militaires aux gens, dans la mesure où les autres témoins ont fourni des précisions à ce sujet,

qu’il réfute ensuite la déclaration de MUKASHEMA selon laquelle il était un militaire et

possédait un fusil et qu’il la qualifie de mensongère ;

Attendu que l’avocat de la défense demande que le témoin parle des conditions de vie

d’Agnès à cette époque, que le témoin répond que dans un premier temps elle est restée dans

la maison sans jamais en sortir pendant de nombreux jours, mais que par la suite elle sortait

quelques fois de la maison car elle l’a vue dehors en train de donner du foin au bétail,

qu’Agnès ne pouvait pas sortir les matins à cause de la clameur de ceux qui pourchassaient les

gens, qu’elle voyait surtout la sœur du sergent BARAYAGWIZA qui avait l’habitude de

séjourner au domicile de celui-ci lorsqu’il n’était pas là;

Attendu que MUKASHEMA dit que le sergent BARAYAGWIZA l’a protégée contre les

tueurs pendant cinq jours, que par après il l’a livrée à trois militaires qui l’ont violée pendant

que le sergent BARAYAGWIZA était en train de consommer de l’alcool en compagnie de

DEBANDE ;

49ème

feuillet.

Attendu qu’interrogée au sujet des personnes dont la chair a été grillée sur les broches, elle

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répond qu’elle en sait quelque chose, que le sergent BARAYAGWIZA et sa bande se sont

rendus à CYAHAFI et ont mis la main sur Vianney qui s’y était caché, que celui-ci y avait

trouvé refuge parce que les tueries n’avaient pas encore atteint leur paroxysme dans ce

quartier, qu’ils l’avaient activement recherché auparavant pour lui faire du mal, allant jusqu’à

verser du pétrole dans sa bière, qu’ils l’ont emmené ainsi que ceux qui étaient avec lui, et

quand ils sont arrivés au niveau du pont situé devant la maison du sergent BARAYAGWIZA

elle a entendu des coups de feu ;

Attendu que poursuivant son témoignage MUKASHEMA dit que par la suite,

BARAYAGWIZA et sa bande sont venus à son domicile, qu’ils avaient un morceau de viande

et une bouteille de PRIMUS, qu’ils ont frotté ce morceau de viande contre la bouteille qu’ils

tenaient, que par après ils lui en ont fait boire une gorgée en lui disant qu’il s’agissait là d’un

pacte de sang scellé avec elle, qu’ils lui ont ensuite demandé la main de la fille qui vivait avec

elle, qu’à cette occasion le sergent était en compagnie de DEBANDE, NSHIMIYE et

GITENGE et MUZEHE et qu’ils avaient un poste radio et un montant de 45.000 Frw ;

Attendu qu’à la question de savoir si UWIMANA possédait un fusil, elle répond qu’il en avait

un, qu’il l’avait reçu dans le cadre de son service et qu’il ne l’a jamais vu s’en servir dans les

tueries, que le sergent BARAYAGWIZA avait le sien, que par contre UWIMANA et

GITENGE se prêtaient mutuellement leurs fusils, et qu’elle n’a jamais vu UWIMANA

collaborer avec le sergent BARAYAGWIZA ;

Attendu qu’à la question de savoir celui qui, entre lui et UWIMANA, a reçu un fusil le

premier , le sergent BARAYAGWIZA dit que c’est bien UWIMANA ;

Attendu qu’interrogée sur les circonstances dans lesquelles la séparation du sergent

BARAYAGWIZA et KAGERUKA Agnès est intervenue, MUKASHEMA répond que lors de

la fuite massive de la population, Agnès s’est soustraite à la surveillance du sergent

BARAYAGWIZA, qu’elle précise cependant qu’elle n’a pas su exactement comment cela a

eu lieu parce que les gens se pressaient beaucoup dans leur fuite;

Attendu qu’invitée à dire si le sergent BARAYAGWIZA se trouvait encore à KIMISAGARA

lorsque HABYARIMANA est mort, elle répond qu’il y était encore puisque c’est le

lendemain, avant même que les tueries ne commencent, que les gens ont reçu injonction de

sortir de leurs maisons et d’aller pourchasser les Tutsi, et que dans la soirée ils ont attaqué le

domicile de KALISA qui était situé près de la route ;

Attendu que l’Auditeur militaire dit qu’il livrera ses observations sur ce témoignage au

moment de la lecture de ses réquisitions ;

Attendu qu’à la question de savoir si les personnes qu’il dit avoir enterrées sont celles dont le

témoin a parlé, le sergent BARAYAGWIZA répond par la négative car, précise-t-il, il n’a

jamais pris de houe pour aller boucher quelque fosse que ce soit, qu’il a inhumé les personnes

dont il ne connaissait pas l’identité et qu’il ne connaît pas non plus les victimes dont le témoin

a parlé ;

Attendu qu’interrogée sur d’autres victimes tuées près de chez elle, MUKASHEMA

CARITAS répond qu’elle se souvient de celles qui ont été tuées près du domicile du sergent

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BARAYAGWIZA et dont ce dernier a jeté les corps dans la toilette avec le concours de leurs

meurtriers;

50ème

feuillet.

Attendu qu’à la question de savoir pour quelle raison elle n’a pas porté plainte contre le

sergent BARAYAGWIZA auparavant et pourquoi elle a attendu d’être convoquée par le

Tribunal pour le dénoncer, MUKASHEMA répond qu’elle ne le voyait pas, qu’à la question

de savoir si elle ne l’a jamais revu après la guerre, elle répond qu’elle l’a revu en 1996, mais

qu’à cette occasion il était en tenue militaire, que le sergent BARAYAGWIZA lui a demandé

ceux qui avaient pillé ses biens à lui, mais qu’à ce moment elle souffrait gravement d’une

maladie qui lui avait été transmise par le sergent BARAYAGWIZA et sa bande;

Attendu qu’interrogée au sujet de FELICIEN, elle répond que celui-ci s’est installé à

KATABARO après avoir vendu la maison dans laquelle il vivait, que pendant le génocide il

fut malmené par GITENGE et ses acolytes qui l’accusaient de ne pas les aider à faire la ronde

nocturne sous prétexte qu’il était chrétien;

Attendu qu’à la question de savoir si elle connaissait TWAGIRAYEZU François, elle répond

qu’elle le connaissait, qu’il fait partie des victimes de première heure et qu’il fut tué par les

assaillants qui l’ont surpris à son domicile, que ces derniers ont mené cette attaque chez lui

avec le concours du sergent BARAYAGWIZA et que KANYAMANZA, DEBANDE, NEPO

et d’autres y ont pris part ;

Attendu qu’interrogée sur les fonctions qui étaient exercées par le sergent BARAYAGWIZA

avant le génocide, elle répond qu’elle n’en sait rien dans la mesure où il rentrait tellement tard

que les gens n’arrêtaient pas de s’interroger sur les motifs de ces retards à répétition, que la

seule fois où elle lui a adressé la parole c’était en 1993 lorsqu’elle lui disait que l’eau en

provenance de sa concession endommageait sa maison à elle ;

Attendu qu’interrogée sur les réunions auxquelles le sergent BARAYAGWIZA participait,

elle répond que ce dernier et ses acolytes avaient l’habitude de se mettre à l’écart devant le

centre scolaire, qu’au terme de leur réunion ils faisaient des manifestations à tel point qu’un

jour ils ont incendié un taxi ;

Attendu qu’à la demande du sergent BARAYAGWIZA, CARITAS est invitée à préciser

exactement à quel moment BARAYAGWIZA a résidé à KIMISAGARA, qu’elle répond qu’il

a acheté cette parcelle en 1992 et qu’il s’y est installé en 1993, qu’en réaction à cette réponse

le sergent BARAYAGWIZA dit que CARITAS ne dit pas la vérité puisqu’il n’a pas acheté

cette parcelle en 1992 ;

Attendu qu’invité à dire pourquoi il croit que CARITAS a survécu aux massacres, le sergent

BARAYAGWIZA dit que c’est grâce à UWIMANA qui vivait à son domicile et qui avait un

fusil, que lui et UWIMANA ont toujours dénoncé les tueries qui se commettaient dans leur

quartier, qu’interrogé sur sa part de responsabilité dans ces tueries, le sergent

BARAYAGWIZA répond qu’il n’y a pas trempé, qu’il appartient plutôt à CARITAS de dire

s’il a réellement participé à la perpétration des massacres et que, dans le cas contraire, le

Tribunal doit se transporter sur les lieux pour mener une enquête à ce sujet;

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Attendu qu’à la question de savoir s’il a un litige avec CARITAS, le sergent

BARAYAGWIZA dit qu’il n’y a aucun problème entre eux, qu’il ajoute cependant que

CARITAS a déposé en faveur de ses proches parce qu’elle doit forcément les défendre, qu’il

fait remarquer que CARITAS qui l’avait pourtant vu dans un cabaret après la guerre ne l'a pas

dénoncé et insiste sur le fait que la déclaration actuelle de l'intéressée lui a été dictée par ses

proches ;

51ème

feuillet.

Attendu que l’Auditeur militaire dit que le sergent BARAYAGWIZA a cité à sa décharge

MUKAMFIZI Thérèse dont il a sauvé l’enfant et MUKASHEMA Caritas avec l’espoir

qu’elles témoigneraient en sa faveur à cause du service qu’il leur a rendu, que c’était pourtant

sans compter avec le tort qu’il leur a causé lorsqu’il a envoyé à MUKASHEMA les gens pour

la violer et qu’il lui a fait boire une bière mélangée avec du sang humain, que la déclaration du

sergent BARAYAGWIZA selon laquelle MUKAMFIZI a témoigné en faveur de ses proches

est dénuée de fondement dans la mesure où même les propres voisins du sergent

BARAYAGWIZA qui ont témoigné dans cette affaire à savoir NYOMBAYIRE et

MUKAZITONI l’ont aussi chargé des faits dont ils ont été des témoins directs ;

Attendu que les parties civiles sont invitées à présenter leurs conclusions, que prenant la

parole Maître Bernadette KANZAYIRE dit qu’elle représente NYINAWABAGUNGA

Liberata, veuve de feu TWAGIRAYEZU François, qu’elle dit que les dommages et intérêts

réclamés par sa cliente sont motivés par la perte de son mari TWAGIRAYEZU François et de

son fils TWAGIRAYEZU Félix qui ont été tués le 07/04/1994 au tout début du génocide ;

Attendu qu’elle dit qu’ils ont été tués au cours d’une attaque à laquelle prenaient part les

miliciens Interahamwe et les partisans de la C.D.R., que tous ces meurtriers étaient dirigés par

le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et NDUWAYEZU Jean Népo alias CDR, que lors de

cette attaque ils ont blessé un autre enfant de TWAGIRAYEZU nommé MWISENEZA,

actuellement rescapé du génocide.

Attendu qu’elle continue son intervention en disant que sur base de l’action intentée par le

Ministère Public et des dépositions des témoins elle trouve que la famille TWAGIRAYEZU

François a été sérieusement ébranlée, qu’ainsi elle réclame des dommages et intérêts libellés

comme suit :

des dommages moraux d’un montant de 10.000.000 Frw pour NYINAWABAGUNGA

suite à la perte de son mari TWAGIRAYEZU François;

des dommages moraux d’un montant de 7.000.000 Frw suite à la mort de

TWAGIRAYEZU Félix, fils de feu TWAGIRAYEZU François ;

des dommages et intérêts d’un montant de 8.000.000 Frw chacun en faveur de

MWISENEZA Placide, UMWALI Angélique, UMURERWA et DAMASCENE pour la

perte de leur parent, ce qui revient à 8.000.000 Frw x 4 32.000.000 Frw, et un montant de

5.000.000 Frw chacun pour la perte de leur frère, ce qui équivaut à 5.000.000 Frw x 4

20.000.000 Frw ;

des dommages matériels représentant un manque à gagner enregistré par la famille de

NYINAWABAGUNGA suite à la perte du salaire de TWAGIRAYEZU François, c’est à

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dire 54.702 Frw x 12 mois x 20 ans 13.128.480 Frw ;

des dommages matériels d’un montant de 15.000.000 Frw suite à la destruction de leur

maison et de la clôture de cette dernière ;

52ème

feuillet.

des dommages matériels aux articles ménagers qui ont été pillés dans leur maison à savoir

:

- Un montant de 250.000 Frw pour un frigo,

- Un montant de 250.000 Frw pour un téléviseur,

- Un montant de 150.000 Frw pour un poste radio double cassette avec doubles speakers,

- Un montant de 100.000 Frw pour un porte téléviseur,

- Un montant de 200.000 Frw pour une cuisinière,

- Un montant de 5.000.000 Frw pour les meubles du salon, les lits, les armoires et divers

articles ménagers

Le total 103.078.480 Frw ;

Attendu qu’elle demande au Tribunal de faire application de l’article 1er

de la Convention

relative à la répression du crime de génocide, l’article 30 de la Loi organique n°08/96 du

30/08/1996 et l’article 260 du Code Civil Livre III en ce qui concerne l’allocation des

dommages et intérêts, que le sergent BARAYAGWIZA doit les payer solidairement avec

l’Etat rwandais parce que le génocide n’aurait pas été possible si l’Etat avait correctement

rempli sa mission d’assurer la sécurité à toute la population et s’il n’avait pas distribué des

armes à cette même population tel qu’il l’a fait à KIMISAGARA en avril 1994 et parce que

les militaires à son service dont le sergent BARAYAGWIZA ont perpétré des tueries;

Attendu que les pièces justificatives relatives aux biens qui ont été pillés et détruits ainsi que

les attestations de service et de salaire sont corroborées par le procès-verbal qui a été établi à

cet effet et qui fut approuvé par les autorités du secteur KIMISAGARA et que toutes ces

pièces ont été intégrées dans le dossier ;

Attendu que pour toutes ces raisons elle demande au Tribunal de recevoir l’action intentée par

NYINAWABAGUNGA Liberata et de lui accorder les dommages et intérêts qu’elle réclame ;

Attendu que la parole est accordée à Maître Claudine GASARABWE et que celle-ci déclare

qu’elle représente les parties civiles suivantes :

MUKAMURIGO Véronique qui a perdu son frère ;

WIHOGORA Justine qui a perdu son mari et son enfant ;

MUKASHEMA Caritas qui a fait tout un récit de ce qui lui est arrivé ;

53ème

feuillet.

UWINGABIRE Bernadette qui a perdu trois personnes dans sa famille ainsi que

UWADUHAYE Immaculée qui a connu le même sort ;

MUKAMFIZI Daphrose qui a perdu ses cinq fils,

que Me Claudine GASARABWE s’engage à remettre au Tribunal des conclusions écrites à 14

heures ;

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Attendu que la parole est accordée à l’Auditeur militaire pour présenter son réquisitoire, qu’il

déclare que le Ministère Public a engagé des poursuites contre le sergent BARAYAGWIZA

sur base des dispositions légales et notamment la Convention du 09/12/1948 ratifiée par le

Rwanda même si le Gouvernement de l’époque avait émis des réserves concernant l’article 9

de ladite Convention qui l’invitait à instituer des peines contre les contrevenants aux

dispositions de cette Convention que cependant le Gouvernement actuel a pallié cette lacune

en la Loi organique n° 08/96 du 30/08/1996, qu’il continue en disant que ces poursuites ont

également été engagées sur base du Code pénal rwandais et de la jurisprudence de

Nuremberg ;

Attendu qu’il dit qu’il ne fait l’ombre d’aucun doute que les infractions qui ont été perpétrées

depuis octobre 1990 jusqu’en décembre 1994 sont constitutives du crime de génocide et que

le sergent BARAYAGWIZA a une grande part de responsabilité dans les actes criminels qui

ont été commis contre les Tutsi avec l’intention de les exterminer ;

Attendu qu’il soutient que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse a planifié le génocide

dans les secteurs CYAHAFI et KIMISAGARA, commune NYARUGENGE, P.V.K en

collaboration avec les membres des anciennes Forces Armées Rwandaises parmi lesquels le

1er

sergent SEBITABI Vincent et d’autres militaires qui étaient envoyés par la hiérarchie

militaire pour donner des entraînements militaires aux jeunes gens des secteurs précités, que

ces entraînements avaient lieu au centre scolaire de KIMISAGARA et sur le terrain de jeux du

secteur KIMISAGARA, qu’on apprenait à ces jeunes le démontage des fusils, le tir et la

tactique militaire, que ces entraînements ont débuté en 1993 et se sont poursuivis en 1994 et

qu’ils étaient réservés aux jeunes gens Hutu choisis par Rose KARUSHARA, une meurtrière

de grand renom, qui était conseiller du secteur KIMISAGARA, que KARUSHARA Rose était

tellement méchante que le sergent BARAYAGWIZA a même dit au Tribunal qu’elle était

très célèbre à cause de sa méchanceté ;

Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA avait appris à ces Interahamwe une

technique sophistiquée pour commettre les tueries, que ces miliciens ont ravagé la Ville de

KIGALI à la recherche des lieux où les Tutsi se cachaient, qu’il y avait une sorte de course

contre la montre entre les Interahamwe et les militaires du F.P.R. Inkotanyi qui, en même

temps qu’ils se battaient, recherchaient les victimes potentielles dans leur cachette pour les

sauver, que même au cours de leur fuite les Interahamwe n’ont cessé de tuer les Tutsi, qu’une

fois arrivés dans la Zone Turquoise où ils étaient protégés, les Interahamwe ont continué de

massacrer les Tutsi et ceux qui ne partageaient pas leurs opinions ;

Attendu qu’il dit que le moyen de défense du sergent BARAYAGWIZA selon lequel il a

entraîné les gens pour assurer la sécurité dans le cadre de la Défense Civile est dénué de

fondement car, et cela a été prouvé, pas une seule personne n’a été sauvée par la Défense

Civile, que par contre ceux qui ont été entraînés ont mis à exécution le plan de génocide,

qu’en plus les instances qui étaient chargées de la sécurité à savoir l’Armée Nationale, la

Gendarmerie Nationale et la Police communale étaient bien connues même si elles ont aussi

été utilisées dans l’extermination des Tutsi, que les autorités de l’époque ont mis sur pied la

milice Interahamwe pour peaufiner leur plan machiavélique;

54ème

feuillet.

Attendu que poursuivant son réquisitoire l’Auditeur militaire dit que pour des raisons

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développées plus haut le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse fait partie de ceux qui ont

planifié le génocide et qu’il doit en être puni, car il ne saurait invoquer l’ordre de ses

supérieurs pour justifier les actes criminels qu’il a commis, dans la mesure où l’article 229 du

Code pénal rwandais dispose qu’un militaire qui aura exécuté un ordre manifestement illégal

doit en être puni;

Attendu qu’il demande au Tribunal de condamner le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse à

la peine de mort en application des dispositions de la Convention du 09/12/1948, du Code

pénal rwandais et de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996, spécialement l’article 2,

première catégorie et l’article 14, a ;

Attendu qu’il continue en disant qu’après avoir planifié le génocide en avril 1994, le sergent

BARAYAGWIZA l’a ensuite encadré en commençant par le secteur CYAHAFI, que les

responsables de ce secteur furent suspendus de leurs fonctions puis remplacés par une

structure dénommée Comité de crise qui était composée par les meurtriers de grand renom

qui ont supervisé et encadré le génocide, que le sergent BARAYAGWIZA a collaboré avec

cette structure, qu’il était toujours en compagnie de ceux qui en étaient membres à bord du

véhicule qu’ils utilisaient pour superviser les tueries, que l’Auditeur militaire fait observer que

BARAYAGWIZA n’est pas parvenu à expliquer pourquoi il leur tenait toujours compagnie,

qu’en plus, poursuit-il, BARAYAGWIZA reconnaît lui-même que certains membres de cette

bande se sont rendus coupables d’actes criminels comme MUNYEZAMU Félicien,

HABYARIMANA Fidèle, REMERA Martin et Désiré qui était chargé de collecter des fusils

en vue d’exterminer les Tutsi à CYAHAFI ;

Attendu qu’il soutient que le sergent BARAYAGWIZA a personnellement dirigé des attaques,

qu’il a personnellement tué TWAGIRAYEZU François et son fils lorsque lui-même et les

meurtriers à sa solde se sont introduits dans la maison des victimes précitées où ils ont

d’ailleurs pillé des biens, que le sergent BARAYAGWIZA a personnellement tiré sur

TWAGIRAYEZU et son fils tel que rapporté par les témoins, que ces faits sont prévus par la

Convention du 09/12/1948, le Code pénal rwandais en son article 312 et la Loi organique

n°08/96 du 30/08/1996, que le Ministère Public demande au Tribunal de faire application de

l’article 2, 1ère

catégorie, a et b et l’article 14 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 et de

le condamner à la peine de mort ;

Attendu qu’il dit que le sergent BARAYAGWIZA, KARUSHARA Rose ainsi que les

militaires parmi lesquels le 1er

sergent SEBITABI Vincent ont formé une association de

malfaiteurs quand ils ont créé la milice Interahamwe en vue d’exterminer le groupe ethnique

Tutsi, qu’en collaboration avec les personnes précitées ils ont formé militairement les

Interahamwe et créé une bande de malfaiteurs auxquels ils ont appris la technique de tuer,

qu’il a également créé une bande de tueurs baptisée Comité de crise lorsqu’il était à

CYAHAFI, laquelle bande a supervisé les massacres dans ce quartier, qu’ainsi il demande au

Tribunal de faire application des articles 281 et 282 du Code pénal rwandais et de le

condamner à la peine d’emprisonnement de 20 ans ;

55ème

feuillet.

Attendu qu’il dit qu’outre l’association de malfaiteurs et l’initiation des tueurs à la meilleure

technique pour massacrer les gens dont il s’est rendu coupable, le sergent BARAYAGWIZA a

personnellement tué beaucoup de Tutsi uniquement à cause de leur appartenance ethnique,

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qu’en collaboration avec le caporal HATEGEKIMANA ils ont attaqué le domicile de

NDENGEYINGOMA Edouard et tué celui-ci, ainsi que ses petits frères en l’occurrence

MUREKEZI Damien, KALISA Antoine, NIYITEGEKA Anaclet et TWAGIRIMANA

Vianney, que le sergent BARAYAGWIZA et les Interahamwe à sa solde ont tué beaucoup

d’autres personnes parmi lesquels TWAGIRAYEZU François et son fils, qu’ainsi le Ministère

Public demande qu’il soit fait application des articles 312 du Code pénal rwandais, l’article 2,

1ère

catégorie, b et l’article 14, a, de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 et de le

condamner à la peine de mort ;

Attendu qu’il dit qu’après avoir assassiné NDENGEYINGOMA Edouard, le sergent

BARAYAGWIZA a emmené la fiancée de celui-ci nommée KAGERUKA Agnès chez lui et

a vécu avec elle contre son gré, que le fait de forcer une femme dont il venait de tuer le mari à

vivre avec lui constitue une torture morale, que cela a été confirmé par les témoins et par

Agnès KAGERUKA elle-même, la victime de ces atrocités, qu’ainsi le Ministère Public

demande au Tribunal de faire application de l’article 360 du Code pénal rwandais et des

articles 2, d et 14, a de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 et de le condamner à la peine

capitale pour s’être rendu coupable des actes de tortues sexuelles et de l’infraction de viol des

femmes tutsi ;

Attendu qu’il déclare que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse et les meurtriers qu’il

dirigeait, parmi lesquels NZARIBARA alias GITENG, ont attaqué le domicile de

NYUMBAYIRE Sixte, qu’ils ont blessé celui-ci à la machette et l’ont laissé pour mort tel que

cela a été confirmé par NYUMBAYIRE Sixte lui-même qui a vu cette attaque, que le

Ministère Public demande au Tribunal de faire application des articles 21, 22, 24, et 312 du

Code pénal rwandais et de le condamner à la peine de mort pour avoir commis l’infraction de

tentative d’assassinat ;

Attendu qu’il dit que le Ministère Public demande au Tribunal de prononcer la dégradation

militaire visée à l’article 457 du Code pénal rwandais contre le sergent gendarme

BARAYAGWIZA ;

Attendu qu’il dit que les faits commis par le sergent gendarme BARAYAGWIZA Ildéphonse

le rattachent à la première catégorie tel que prévu par l’article 2 de la Loi organique n°08/96

du 30/08/1996, que le Ministère Public demande au Tribunal de faire application de l’article

14, a de la loi précitée et de le condamner à la peine de mort qui est la peine la plus sévère dès

lors que les infractions qu’il a commises sont en concours idéal tel que prévu par l’article 18

de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

Attendu que la parole est accordée à Maître Ferdinand NZEPA, conseil du sergent

BARAYAGWIZA, pour présenter ses conclusions, qu’il commence par remercier le Tribunal

pour la manière dont les débats ont été dirigés, l’Auditorat Militaire et les parties civiles ;

56ème

feuillet.

Attendu qu’il revient sur la question de la compétence de la présente juridiction, qu’il

demande au Tribunal de motiver de manière détaillée les raisons pour lesquelles il s’estime

compétent pour juger BARAYAGWIZA comme un militaire qui était encore en service au

moment des faits, qu’il ressort des procès-verbaux établis par le Ministère Public que

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BARAYAGWIZA a été entendu comme un militaire, que pourtant il a été établi que

BARAYAGWIZA travaillait au café TAM-TAM comme caissier à cette époque, qu’il

aimerait que le Ministère Public produise le Journal Officiel ou le Registre dans lequel le n°

Matricule du sergent BARAYAGWIZA est mentionné;

Attendu qu’il dit que ce matin même certaines parties civiles se sont présentées à l’audience et

ont présenté leurs doléances, qu’il trouve que le Tribunal ne doit pas prendre ces demandes

en considération parce que tardives ;

Attendu que Me NZEPA part de l’assassinat de NDENGEYINGOMA Edouard et de ses 4

quatre enfants pour affirmer que tout le monde a constaté que son client est chargé par Agnès,

Idrissa et SEDARI, qu’il continue en disant que dans la mesure où les procès-verbaux font

foi, il voudrait relever certaines choses sur SEDARI, qu’il fait remarquer que celui-ci n’a pas

dit qu’il a vu le sergent BARAYAGWIZA tuer, mais qu’il a plutôt déclaré l’avoir vu dans une

bande de meurtriers, que SEDARI a également dit que ces tueries lui ont été rapportées par le

père de KAGERUKA Agnès, qu’ainsi il estime que ce témoignage ne doit pas faire foi;

Attendu que concernant le témoignage de BAYIHORERE Idrissa qui a déclaré avoir vu, à

partir de sa cachette, le sergent BARAYAGWIZA tuer Edouard et ses six petits frères, que le

conseil du prévenu relève que tout le monde a dit qu'Edouard n’avait que quatre petits frères,

qu'il trouve que le témoin a prétendu qu’Edouard avait six petits frères pour enfoncer son

client surtout qu’il avoue qu’une partie de son témoignage lui a été rapportée, qu’ainsi il

estime que ce témoignage ne doit pas non plus faire foi ;

Attendu qu’il dit que le témoignage de KAGERUKA Agnès est très confus, que par exemple

dans le procès-verbal établi lors de son audition, Agnès KAGERUKA soutient qu’elle devait

se marier le 02/04/1994, et qu’elle le lui a confirmé de vive voix;

Attendu qu’elle a prétendu qu’elle était séquestrée alors que le témoin CARITAS a dit qu’elle

sortait souvent de la maison et qu’elle conduisait les chèvres au pâturage, qu’il trouve très

étonnant que la personne dont on a tué le fiancé et 4 beaux-frères ait vécu avec le meurtrier de

ces derniers et qu’elle soit restée à ses côtés alors qu’elle avait la latitude de lui échapper ;

Attendu qu’il dit qu’il est également étonnant qu’elle ait déclaré avoir croisé le sergent

BARAYAGWIZA près de la brigade de la gendarmerie, juste à côté d’une boutique, et

qu’elle ne l’ait pas fait arrêter alors qu’elle savait qu’il avait tué ses proches;

Attendu qu’il poursuit en disant que les interrogatoires de KAGERUKA Agnès par le parquet

démontrent qu’elle ne dit pas la vérité car lors de son audition devant le Tribunal elle a dit que

la sœur de BARAYAGWIZA nommée Epiphanie venait de temps en temps à leur domicile, et

cela alors que dans son procès-verbal établi par le parquet elle a dit que EPIPHANIE résidait

chez eux, qu’en plus elle a déclaré devant le parquet qu’elle a fait la connaissance du sergent

BARAYAGWIZA en 1993 alors qu’à l’audience elle a dit qu’elle ne l’a connu qu’en 1994 ;

57ème

feuillet.

Attendu que Me NZEPA continue en disant que la nommée Donatille a dit au Tribunal que le

sergent BARAYAGWIZA et Agnès KAGERUKA ont fui mais qu’elle ne saurait dire s’ils ont

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pris la fuite ensemble, que néanmoins Agnès soutient qu’elle s’est soustraite à la surveillance

de BARAYAGWIZA pendant leur fuite, qu’elle s’est cachée par la suite dans des buissons où

elle est restée pendant trois semaines en menant une vie sauvage;

Attendu qu’il dit que telles sont les preuves sur lesquelles les témoins à charge fondent leurs

accusations, que cependant il s’agit de déclarations dénuées de fondement et sur lesquelles le

Tribunal ne saurait baser sa décision ;

Attendu qu’il poursuit en disant que NYOMBAYIRE Sixte charge le sergent

BARAYAGWIZA de l’assassinat de Narcisse, que même s’il n’a pas pu l’entendre témoigner

devant le Tribunal, il trouve qu’au regard du dossier, ce témoin n’a pas précisé l’auteur de ce

meurtre ni le lieu où celui-ci a été perpétré, que pour cette raison il estime que nul ne peut se

baser sur le procès-verbal de NYOMBAYIRE pour établir la culpabilité du sergent

BARAYAGWIZA ;

Attendu que concernant François TWAGIRAYEZU et son fils, Me NZEPA dit que dans son

procès-verbal NYOMBAYIRE Sixte a accusé BARAYAGWIZA d’avoir tué des gens sans

fournir aucune explication, qu’il continue en disant qu’il a par la suite déclaré que c’est

BARAYAGWIZA et sa bande qui les ont tués, que sur base de cette déclaration le Ministère

Public a poursuivi le sergent BARAYAGWIZA du chef de cette prévention, mais qu’ayant

constaté que cette accusation était sans fondement, le Ministère Public a interrogé

MUKAMAZIMPAKA Marianne et NDUSHABANDI Augustin, que pourtant après lecture du

procès-verbal de Marianne on se rend compte qu’elle ne dit nulle part qu’elle a été témoin des

faits mis à charge de son client, que par contre elle dit que cela lui a été rapporté par

KAZUNGU et MUZEHE, qu’ainsi ce témoignage ne doit pas être pris en considération dès

lors que NYUMBAYIRE prétend avoir tout vu à partir de sa cachette et que ce témoignage a

été fait tardivement, qu’en outre il est étonnant que tous ces témoins qui ont vu ces faits se

commettre en avril 1994 et qui n’ont jamais été malades depuis lors aient choisi de les

dénoncer aujourd’hui seulement ;

Attendu qu’il compare le témoignage de NDUSHABANDI Augustin à celui de SEDARI qui a

déclaré n’avoir jamais vu le sergent BARAYAGWIZA porter l’uniforme militaire alors que

NDUSHABANDI soutient pour sa part que le jour où les faits à charge de BARAYAGWIZA

furent perpétrés celui-ci était en tenue militaire ;

Attendu qu’il explique que ses propos n’ont pas pour objectif d’innocenter le sergent

BARAYAGWIZA, mais qu’il estime que le Ministère Public doit apporter les preuves

consistantes, qu’il ne s’oppose pas à ce que les témoins précités soient entendus, le but visé

étant de rendre les preuves plus compréhensibles, que s’agissant de ces témoignages il s’en

remet à la sagesse du Tribunal ;

Attendu qu’en ce qui concerne le rattachement de son client à la 1ère

catégorie pour avoir

perpétré le crime de génocide, l’avocat de BARAYAGWIZA trouve que cette catégorisation

de son client est très sévère et qu’au regard de la loi elle n'est pas appropriée en ce sens que, a-

t-il poursuivi, l’Auditeur militaire a parlé des réunions qui se tenaient et des manifestations

qui étaient organisées sans pour autant accuser son client d’y avoir pris part ;

Attendu qu’il dit que même s’il ne conteste pas la qualité de militaire du sergent

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BARAYAGWIZA au moment des faits, qu’il est évident que ce dernier n’avait aucun pouvoir

par rapport au colonel RENZAHO et au conseiller KARUSHARA Rose ;

Attendu qu’il dit que son client n’avait aucun pouvoir de superviser ce qui se passait et de

sauver des vies humaines, qu’au regard de l’article 2, I a, b, c, d de la Loi organique n°08/96 il

ne doit être rangé dans aucune catégorie ;

58ème

feuillet.

Attendu que contrairement à certaines affirmations Me NZEPA soutient qu’aucune bande de

malfaiteurs n’a été constituée ni formée militairement, que réagissant à ce propos

BARAYAGWIZA dit qu’on lui a demandé de former des jeunes gens chargés d’assurer la

sécurité du secteur et déclare qu’il n’a jamais nié avoir donné cette formation à ces jeunes, que

le seul problème qui se pose consiste à savoir si des gens auxquels il a donné ces

entraînements étaient des Interahamwe ou pas, ou s’il pouvait refuser d’obtempérer aux ordres

de ses supérieurs, qu’il faudrait arriver à déterminer si ces jeunes gens ont commis des

infractions ou s’il n’avait pas les moyens de les en empêcher, que jusqu’à présent il n’a pas été

prouvé que ces derniers étaient des Interahamwe et qu’en plus personne n’a déclaré avoir été

témoin des actes qu’ils auraient commis ;

Attendu qu’il dit que concernant l’infraction de tortures sexuelles il existe deux versions

divergentes, que d’après Agnès KAGERUKA, le sergent BARAYAGWIZA l’a emmenée

comme un butin de guerre lorsque les tueurs étaient venus à son domicile pour enlever son

mari et ceux qui s’y trouvaient, que pour sa part le sergent BARAYAGWIZA soutient qu’il

l’a emmenée en vue de pouvoir lui assurer la sécurité et qu’il n’a jamais eu de relations

sexuelles avec elle, que d’après Me NZEPA cela place le Tribunal dans une situation très

délicate dans la mesure où il y a également MUKAMFIZI qui déclare avoir entendu dire

qu’Agnès a été emmenée par HATEGEKA ;

Attendu qu’il dit que selon BARAYAGWIZA Ildéphonse, Agnès leur a envoyé le nommé

Jeune pour leur dire d’aller la secourir, que de son côté Agnès dit qu’elle ne pouvait pas

sortir de la maison lorsqu’elle était chez le sergent BARAYAGWIZA, que la nommée

CARITAS a déclaré qu’elle se comportait comme la femme du sergent BARAYAGWIZA et

vaquait aux travaux ménagers quotidiennement, qu’ainsi Me NZEPA dit qu’on ne peut pas

accepter la thèse selon laquelle elle était séquestrée dès lors que les témoins affirment qu’elle

sortait de la maison et qu’elle n’a pas sollicité le concours de CARITAS pour lui trouver les

gens susceptibles de la sortir de là, d’où, conclut-il, BARAYAGWIZA n’est pas coupable de

l’infraction de tortures sexuelles car Agnès qui l’en accuse ne dit pas la vérité ;

Attendu qu’il dit que concernant l’infraction de tentative d’assassinat sur la personne de Sixte,

il existe également plusieurs versions parce que BARAYAGWIZA ne se trouvait pas à

KIMISAGARA le 08/04/1994, mais qu’il se trouvait bien chez sa sœur à CYAHAFI à la date

précitée, qu’il est venu à KIMISAGARA à partir du 11/04/1994 et qu’il ne pouvait donc pas

être à ces deux endroits au même moment ;

Attendu que Me NZEPA soutient qu’il n’est mentionné nulle part dans le dossier que

BARAYAGWIZA a massacré la famille de Sixte, surtout que Idrissa affirme que cette famille

a été massacrée à GAKINJIRO et que le Centre Hospitalier de Kigali où on dit que

BARAYAGWIZA a suivi Sixte ne se trouve pas à GAKINJIRO ;

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Attendu qu’il demande que le témoignage de CARITAS soit écarté parce que tardif, que la

déclaration de cette dernière selon laquelle elle a été violée par les gens qui étaient envoyés

par BARAYAGWIZA ne doit pas être prise en considération car elle n’avait jamais porté

plainte auparavant, que même si elle dit avoir été malade pendant toute une année, elle

pouvait toujours dénoncer ces faits après s’être rétablie, car il y a plein d’organisations d’aide

qui pouvaient lui prêter leur concours en cette matière;

Attendu qu’il fait remarquer qu’il y a un fait qui est resté inaperçu à savoir le pillage par les

enfants de Donatille des biens qui se trouvaient dans la maison de BARAYAGWIZA et que

BARAYAGWIZA a soutenu qu’Agnès a vu ceux qui ont pillé ces biens;

59ème

feuillet.

Attendu qu’il dit que le Tribunal ne peut pas établir la culpabilité de BARAYAGWIZA sur

base des preuves qui ont été produites jusqu’à présent, qu’il continue en disant que

BARAYAGWIZA n’était sympathisant d’aucun parti politique, ni un militaire de grade

supérieur et qu’il était plutôt un simple agent, qu’au cas où le Tribunal aurait des preuves que

BARAYAGWIZA aurait commis ces faits, il constaterait qu’il les aurait commis comme un

simple agent, qu’il dit que personne ne doute que ces faits ont été commis par des groupes de

malfaiteurs, mais insiste sur le fait qu’il y a un doute quant à l’implication de

BARAYAGWIZA dans la perpétration de ces actes et que par voie de conséquence, ce doute

doit profiter au prévenu dès lors que nous sommes en matière répressive;

Attendu qu’invité à émettre son avis sur le présent procès, le sergent BARAYAGWIZA

Ildéphonse dit que son conseil a soulevé la plupart des points sur lesquels il devait insister,

qu’il voudrait simplement ajouter que l’Auditeur militaire a dit qu’il a attaqué le domicile de

Sixte le 18/04/1994, que pourtant ce dernier a soutenu au cours de son interrogatoire devant le

parquet que cette attaque a eu lieu le 08/04/1994, qu’il trouve donc que ces déclarations sont

très divergentes ;

Attendu qu’il dit que concernant François TWAGIRAYEZU, il y a un témoin qui soutient que

ce dernier résidait à GAKINJIRO tandis qu’un autre affirme qu’ils étaient des voisins, qu’à

son avis les déclarations faites par Agnès sont mensongères parce que le jour où il l’a trouvée

dans une boutique, elle ne l’a pas dénoncé aux militaires qui étaient non loin de là et qu’elle

n’a pas non plus porté plainte à la Brigade, qu’elle a plutôt décidé de le dénoncer

ultérieurement à cause de ses biens qu’elle a détournés, et que pour arriver à ses fins Agnès l’a

accusé de menaces, qu’à la suite de cette accusation BARAYAGWIZA a été arrêté, et ensuite

remis en liberté par un agent des services de renseignements nommé RUKUNDO après que

celui-ci eût constaté qu’il était innocent ;

Attendu que BARAYAGWIZA dit que dans son procès-verbal, il a réfuté l’accusation selon

laquelle il a blessé Sixte à la machette parce que, soutient-il, il ne se trouvait pas chez lui à ce

moment-là, qu’il ne comprend pas comment Sixte a été au courant de la situation qui a

prévalu après qu’il fut blessé, ni la façon dont il a été évacué par le conseiller avec le concours

des militaires qui montaient la garde au bureau de secteur, encore moins comment il a eu le

temps de revenir à cet endroit pour envoyer son épouse solliciter le concours du conseiller,

qu’ensuite il fait observer que Sixte a déclaré l’avoir vu dispenser des entraînements militaires

aux gens pour pouvoir établir sa participation au génocide ;

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Attendu que s’agissant du contrat d’achat de sa parcelle, il dit qu’il y a un certain

ZIMULINDA alias bandit résidant près du bâtiment KABUGA qui pourrait dire la date à

laquelle ce contrat a été signé ;

Attendu qu’il dit qu’il n’était membre d’aucun parti politique et qu’il n’a participé à aucun

meeting politique ;

Attendu qu’il dit que concernant les accusations de Idrissa, son oncle maternel HARUNA et

Donatille Caritas en ont parlé, qu’il poursuit en disant que certaines personnes lui ont dit que

sa maison aurait été vendue et que cela pourrait avoir servi de prétexte à ses accusateurs pour

le charger ;

Attendu qu’il dit avoir déclaré que KALISA a été tué par les militaires du camp HUYE, que

s’agissant des accusations portées contre lui par Idrissa, il se demande comment ce dernier a

pu observer les faits dont il le charge à partir de sa cachette, qu’il trouve très étonnant que

ceux qui le chargent aujourd’hui ne l’ont pas dénoncé dès son retour dans le quartier;

Attendu qu’il procède à la lecture de la lettre qui lui a été adressée par son collègue ex-

gendarme qui, à cette époque, a rallié la jeunesse de la branche modérée (Amajyojyi) du

M.D.R. dont TWAGIRAMUNGU était le chef, qu’il dit que ce gendarme possédait une

boutique sur la route et participait activement aux activités des partis politiques, qu’il pense

que les gens le confondent avec ce gendarme, que pour ce faire il estime qu’il appartient au

Tribunal d’apprécier souverainement les allégations de ceux qui l’accusent;

60ème

feuillet.

Attendu qu’il estime que les déclarations faites par SEDARI au cours de son audition

semblent lui avoir été extorquées parce que SEDARI lui-même déclare ignorer le procès

verbal qui a été établi à cette occasion, que tantôt SEDARI dit que les déclarations qu’il a

faites lui ont été rapportées par Félicien qui construisait la maison de BARAYAGWIZA et

tantôt qu'il voyait BARAYAGWIZA à partir de sa maison où il se cachait ;

Attendu que concernant le témoignage de MUKAZITONI Donatille il dit que celle-ci a

déclaré qu’elle n’a vu BARAYAGWIZA tuer personne et qu’elle n’a entendu personne

d’autre accuser ce dernier d’avoir commis un meurtre, que s’agissant des entraînements

militaires il trouve qu’il aurait mieux valu qu’elle précise la période pendant laquelle il a

donné ces entraînements, qu’il reconnaît néanmoins avoir détenu un fusil en juin 1994, qu’il

relève que, concernant le fait qu’il a résidé à KIMISAGARA, MUKAZITONI ne dit pas la

vérité lorsqu’elle dit qu’il a acheté la parcelle en 1992 et s’y est installé en 1993 et qu’il y a

vécu avec sa sœur qui vendait des habits, qu’à ce sujet il relève que sa sœur qui était un agent

de l’Etat ne pouvait pas vendre des habits et résider en même temps à CYAHAFI;

Attendu qu’il dit que MUKAZITONI sait de quoi elle parle car elle dit l’avoir vu en tenue

militaire et en possession d’un fusil, que pourtant invitée à dire s’il était un militaire encore en

service, elle a répondu qu’elle croyait qu’il était un sergent gendarme ;

Attendu qu’il dit qu’il ne s’est pas exilé et qu’il n’est pas revenu sous la contrainte de

l’A.P.R., qu’après son retour, le Département des Renseignements Militaires a tenu à tout

contrôler en ce qui le concerne, qu’en outre il déclare avoir avoué quelques-unes des

infractions qui lui sont reprochées et présenté ses excuses par écrit, qu’il demande au Tribunal

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d’examiner les preuves qu’il a produites en toute clairvoyance et de le rétablir dans ses droits ;

Attendu que l’avocat de la défense est prié de déposer ses conclusions écrites endéans trois

jours ;

QU’APRES DELIBERE LE TRIBUNAL REND LE JUGEMENT DANS LES

TERMES CI-APRES :

Constate que l’action du Ministère Public est recevable et qu’elle est régulière en la forme ;

Constate que, comme on a pu le remarquer dès le début de l’audience, le sergent

BARAYAGWIZA et son conseil ont essayé de démontrer que la Chambre Spécialisée du

Conseil de Guerre n’est pas compétente parce que, soutiennent-ils, BARAYAGWIZA n’était

plus en service militaire au moment des faits et qu’il ne fut jamais réintégré dans la nouvelle

armée nationale, ce sur quoi le conseil de BARAYAGWIZA est revenu dans ses conclusions ;

Constate que, conformément à sa décision prise au début du procès, ce Tribunal est compétent

pour juger cette affaire parce que le sergent gendarme BARAYAGWIZA était un militaire de

l’A.P.R. lors de son arrestation, car il avait terminé la formation militaire et avait été réintégré

dans l’armée tel que prévu par l’article 8 de la Déclaration du F.P.R. relative à la mise en

place des institutions le 17 juillet 1994 ;

61ème

feuillet.

Constate également que la compétence de la juridiction est déterminée par la fonction du

prévenu au moment de l’ouverture de l’instruction tel qu’il ressort du commentaire de la Loi

organique du 30 août 1996 sur l’organisation des poursuites des infractions constitutives du

crime de génocide ou de crimes contre l’humanité, page 79;

Constate que, à l’image de ce qui s’est passé partout au Rwanda, des massacres ont été

commis contre la population Tutsi des secteurs CYAHAFI et KIMISAGARA de la Préfecture

de la Ville de Kigali tel que de nombreux témoignages faits devant le Tribunal l’ont

démontré ;

Constate que pendant la préparation et l’exécution du génocide, des entraînements militaires

ont été donnés à la jeunesse ; laquelle a par la suite pris une part active dans les tueries

perpétrées à KIMISAGARA et à CYAHAFI tel que confirmé par les divers témoignages faits

à l’audience ;

Constate que le témoignage de NYUMBAYIRE Sixte qui était le voisin du sergent

BARAYAGWIZA Ildéphonse prouve que le sergent BARAYAGWIZA a donné des

entraînements aux partisans de la C.D.R. au centre scolaire de KIMISAGARA et que ce sont

ces derniers qui ont massacré des gens dans ce quartier, que le témoignage de MUKAZITONI

Donatille consigné dans son 2ème

procès-verbal démontre également que BARAYAGWIZA a

participé à ces entraînements, qu’il en va de même du témoignage de MUKASHEMA Caritas

qui prouve qu’il a entraîné militairement des Interahamwe qui ont massacré des gens dans les

quartiers de KIMISAGARA et CYAHAFI, ce que le prévenu ne nie pas, que dans ses moyens

de défense le prévenu dit avoir formé les gens pour leur permettre d’assurer leur propre

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sécurité dans le cadre de la Défense Civile, que pourtant ce moyen est dénué de fondement

dès lors que, tel qu’explicité plus haut, les gens qu’il a entraînés étaient destinés à commettre

des tueries ;

Constate que d’après le témoignage fait par NYUMBAYIRE Sixte, c’est l’attaque à laquelle

prenait part le sergent BARAYAGWIZA qui a coûté la vie à TWAGIRAYEZU François qui

travaillait au MANUMETAL et à son fils aîné en date du 07/04/1994 à 16 heures, que cela

a également été dit par MUKAMAZIMPAKA Marianne et NDUSHABANDI Augustin dans

leurs témoignages et que tous ces témoins ont suivi ces faits de près ;

Constate que les assaillants parmi lesquels le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse, ont

attaqué la famille NYUMBAYIRE Sixte en date du 08/04/1994 à 5 heures du matin, qu’ils

l’ont sérieusement blessé à la machette avant de le laisser pour mort, qu’il a cependant

survécu à ses blessures par la suite tel que NYUMBAYIRE l’a lui-même expliqué au

Tribunal ;

Constate que les circonstances dans lesquelles Agnès est allée chez BARAYAGWIZA sont

très confuses dès lors que le sergent BARAYAGWIZA dit qu’Agnès a, à maintes reprises et à

travers des messagers qu’elle lui envoyait, sollicité son concours pour l’aider à quitter le

domicile de HATEGEKA, que c’est ce dernier qui , après avoir tué le mari d’Agnès, a forcé

cette dernière à vivre avec lui, qu’en réponse à cette déclaration, Agnès dit que c’est plutôt

BARAYAGWIZA qui lui a imposé une cohabitation forcée après avoir tué son mari Edouard ;

62ème

feuillet.

Constate que MUKAMFIZI Thérèse citée par le sergent BARAYAGWIZA à sa décharge

déclare avoir entendu que celui qui a tué le mari d’Agnès a par la suite forcé celle-ci à vivre

avec lui, que cependant un autre homme est venu s’emparer d’Agnès par après et a aussi vécu

avec Agnès contre son gré;

Constate qu’Agnès dit qu’elle s’est échappée de chez BARAYAGWIZA trois semaines avant

que la population fuie en masse, et qu’elle s’est cachée dans des buissons où elle a mené une

vie sauvage, que de leur côté les voisins du sergent BARAYAGWIZA, parmi lesquels

MUKAMAZIMPAKA Marianne et MUKASHEMA Caritas, soutiennent qu’Agnès se trouvait

Chez le sergent BARAYAGWIZA jusqu’au moment de la fuite massive de la population,

cette déclaration étant corroborée par le fait que le sergent BARAYAGWIZA reconnaît être

arrivé à MUSASA en compagnie d’Agnès, que donc toutes ces déclarations créent un sérieux

doute dans l’esprit du Tribunal quant à la véracité de la déclaration faite par Agnès ;

Constate également que le fait que le sergent BARAYAGWIZA soit parti voir Agnès dans sa

boutique à elle à GIKONDO et que, l’ayant vu, elle ne l’a pas dénoncé auprès des instances

habilitées renforce le doute du Tribunal quant à la responsabilité du sergent

BARAYAGWIZA dans l’assassinat de NDENGEYINGOMA Edouard, ex-mari d’Agnès

KAGERUKA, et dans le viol dont elle a été l’objet ;

Constate que les motifs développés dans le 4ème

Constate font douter le Tribunal quant au

véritable meurtrier de NDENGEYINGOMA Edouard et quant à l’infraction de viol dont

Agnès KAGERUKA a été victime, qu’ainsi le doute du Tribunal doit profiter au prévenu ;

Constate que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse s’est rendu coupable de l’infraction

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d’association de malfaiteurs lorsqu’il a entraîné militairement les Interahamwe et quand il a

pris part aux attaques menées chez TWAGIRAYEZU François et chez NYUMBAYIRE Sixte,

infraction prévue et réprimée par les articles 281 et 282 du Code pénal rwandais;

Constate que le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse a commis l’infraction d’assassinat sur

la personne de TWAGIRAYEZU François et de son fils, infraction prévue et réprimée par

l’article 312 du Code pénal rwandais ;

Constate que le sergent BARAYAGWIZA s’est rendu coupable de l’infraction de tentative

d’assassinat lorsque lui et sa bande ont attaqué le domicile de NYUMBAYIRE Sixte et ont

administré plusieurs coups de machette à Sixte de sorte qu’ils l’ont laissé pour mort,

infraction prévue et réprimée par les articles 21, 22, 24 et 312 du Code pénal rwandais ;

Constate que suite au doute qui s’est installé dans l’esprit du Tribunal, l’assassinat de

NDENGEYINGOMA Edouard n’est pas établi à charge du sergent gendarme

BARAYAGWIZA Ildéphonse ;

Constate que conformément au prescrit de l’article 20 du Code de procédure pénale

l’infraction de tortures sexuelles et celle de viol des femmes Tutsi ne sont pas établies à

charge du sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse dès lors que le Tribunal n’est pas convaincu

que ce dernier a réellement violé Agnès KAGERUKA ;

63ème

feuillet.

Constate que l’infraction de pillage reconnu par le sergent BARAYAGWIZA Ildéphonse lui-

même est établie à sa charge;

Constate que le sergent BARAYAGWIZA a commis des infractions constitutives du crime de

génocide prévues par la Convention du 09/12/19948 et par la Loi organique n°08/96 du

30/08/1996 dès lors qu’il avait l’intention d'exterminer les Tutsi;

Constate que les faits reprochés au sergent BARAYAGWIZA le rattachent à la 2ème

catégorie

parce qu’ils le rangent parmi les meurtriers qui ne relèvent pas de la 1ère

catégorie, et cela

conformément à l’article 2 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

Constate que l’action en dommages et intérêts est recevable parce que régulière en la forme;

Constate que, étant classé dans la 2ème

catégorie, le sergent BARAYAGWIZA n’est

responsable que pour les dommages qu’il a personnellement causés à ses victimes et à leurs

biens tel que prévu par l’article 30 alinéa 2 de la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 ;

Constate que l’Etat rwandais ne doit pas être condamné solidairement avec le sergent

BARAYAGWIZA à payer les dommages et intérêts parce que ce dernier n’exerçait aucune

fonction étatique au moment des faits ;

Constate que des dommages moraux doivent être allouées à la famille TWAGIRAYEZU

François représentée par Maître KANZAYIRE Bernadette compte tenu de ses liens de

parenté avec TWAGIRAYEZU François et TWAGIRAYEZU Félix, que des dommages

matériels doivent être accordés à cette famille en fonction des 13 ans qui restaient à

TWAGIRAYEZU François pour atteindre l’âge de la retraite fixé à 55 ans, que les dommages

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matériels doivent également être alloués à NYUMBAYIRE Sixte tel que Maître

GASARABWE Claudine, son conseil, les a détaillés dans les conclusions qu’elle a remises au

Tribunal ;

Constate que les dommages moraux réclamés par la famille de feu TWAGIRAYEZU François

et de feu TWAGIRAYEZU Félix sont très excessifs et que le Tribunal doit les évaluer ex

aequo et bono ;

64ème

feuillet.

PAR TOUS CES MOTIFS, STATUANT PUBLIQUEMENT ET

CONTRADICTOIREMENT QUANT AU SERGENT BARAYAGWIZA ET AU

MINISTERE PUBLIC ET PAR DEFAUT QUANT A L’ETAT RWANDAIS ;

Vu la Loi fondamentale telle que modifiée le 18 janvier 1996 spécialement en son article 3 ;

Vu la Constitution de la République Rwandaise du 10 juin 1991 spécialement en son article

14 ;

Vu le Protocole de l’Accord de Paix d’Arusha signé entre le Gouvernement de la République

Rwandaise et le Front Patriotique Rwandais le 04 août 1993 en ses articles 25 et 26 alinéa 2

du Chapitre V relatif au pouvoir judiciaire et en son article 50 et 49 tel que modifié à ce jour ;

Vu la Convention du 09 décembre 1948 sur la prévention et la répression du crime de

génocide ;

Vu la Loi n°08/95 du 06 décembre 1995 modifiant le Décret-loi n°09/80 du 07 juillet 1980

portant organisation et compétence judiciaires et instituant l’auditorat militaire spécialement

en ses articles 1, 4, 11, 13, 25 et 26 ;

Vu la Loi n°09/80 du 07 juillet 1980 portant Code d’organisation et de compétence judiciaires

spécialement en ses articles 58 alinéa 2 et 76 alinéa 1 ;

Vu la Loi du 23 février 1963 portant Code de procédure pénale telle que modifiée par le

Décret-loi n°07/82 du 07 janvier 1982 et par la Loi n°09/96 du 08 septembre 1996

spécialement en ses articles 16, 17 al.1, 19, 20, 58, 61, 62, 67, 71, 75,7 6, 78, 80, 84, 90 et

138 ;

Vu la Loi organique n°08/96 du 30/08/1996 sur l’organisation des poursuites des infractions

constitutives du crime de génocide ou des crimes contre l’humanité commises à partir du 1er

octobre 1990 spécialement en ses articles 2 et 14 ;

Vu le Code pénal rwandais spécialement en ses articles 21, 22, 24, 281, 282, 312, 360, 361 et

457 ;

65ème

feuillet.

Déclare que la prévention d’association de malfaiteurs est établie dans le chef du sergent

BARAYAGWIZA et qu’il doit en être puni ;

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Déclare que la prévention d’assassinat est établie à charge du sergent

BARAYAGWIZA Ildéphonse;

Déclare que le crime de génocide est établi dans le chef du sergent BARAYAGWIZA et qu’il

doit en être puni ;

Déclare que les préventions de tortures sexuelles et de viol des femmes Tutsi ne sont pas

établies à charge du sergent BARAYAGWIZA ;

Déclare que les préventions établies à charge de BARAYAGWIZA le rangent dans la 2ème

catégorie ;

Déclare que le sergent BARAYAGWIZA perd la cause ;

Le condamne à la peine d’emprisonnement à perpétuité et à la dégradation militaire ;

DECIDE D’ALLOUER LES DOMMAGES ET INTERETS DE LA MANIERE SUIVANTE :

LA PARTIE CIVILE : NYINAWABAGINGA Liberata

LES NOMS DES VICTIMES : TWAGIRAYEZU François

TWAGIRAYEZU Félix

I. LES DOMMAGES MORAUX :

1. Pour NYINAWABAGUNGA Liberata :

TWAGIRAYEZU François ( son mari ) : 7.000.000 Frw

TWAGIRAYEZU Félix ( son fils ) : 4.000.000 Frw

Le Total : 11.000.000 Frw

1. Pour les enfants à savoir MWISENEZA Placide, UMWALI Angélique, UMURERWA et

DUSENGE, les dommages moraux sont accordés à chacun d’eux comme suit :

Pour la perte de TWAGIRAYEZU François (leur père) : 5.000.000 Frw x 4 = 20.000.000

Frw

Pour la perte de TWAGIRAYEZU Félix ( leur frère ) : 3.000.000 Frw x 4 = 12.000.000

Frw

Le Total : 32.000.000

Frw

Le Total de tous les dommages moraux alloués: 32.000.000 Frw + 11.000.000 Frw =

43.000.000 Frw

66ème

feuillet.

II. a) LES DOMMAGES MATERIELS : 54702 Frw x 12 x13 = 8.533.512 Frw

b) Les dommages matériels pour les biens détruits et pillés : 20.950.000 Frw

Le total des dommages et intérêts alloués à NYINAWABAGUNGA Liberata :

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43.000.000 Frw + 8.533.512 Frw + 20.950.000 Frw = 72.483.512 Frw

LA PARTIE CIVILE : NYOMBAYIRE Sixte

Les dommages matériels : 30.220 Frw x12 x 8 = 2.901.120 Frw

Les dommages matériels pour les biens détruits et pillés = 3.674.000 Frw

Le total de tous les dommages matériels alloués à NYOMBAYIRE Sixte : 3.674.000

Frw + 2.901.120 Frw =

6.575.120 Frw

Ordonne au sergent BARAYAGWIZA de payer les dommages et intérêts d’un montant

de 79.058.632 Frw ;

Déclare le sergent BARAYAGWIZA redevable d’un montant de 48.100 Frw

représentant le droit proportionnel de 4% ;

Lui ordonne de payer ce droit proportionnel de 48.100 Frw dans les délais légaux sous

peine de s’exposer, en cas de défaillance, à une contrainte par corps de 20 jours suivie

d’une exécution forcée sur ses biens ;

Rappelle que le délai d’appel est de 15 jours ;

AINSI JUGE ET PRONONCE EN AUDIENCE PUBLIQUE CE 26/11/1998, EN

PRESENCE DU PREVENU, DU MINISTERE PUBLIC ET DES PARTIES CIVILES.

LE SIEGE

PRESIDENT

Jeannot RUHUNGA

LT

(Sé)

JUGE JUGE

Emmanuel NTAMBARA Charles MADUDU

2LT 2LT

(Sé) (Sé)

GREFFIER

Pte MUHIRE J. Claude

(Sé)

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381

ANNEXES

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382

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383

TABLE ALPHABETIQUE DES DECISIONS (les chiffres renvoient aux numéros des décisions).

B. :

BARAYAGWIZA Ildéphonse, N°17

BARITIMA Jules et NYIRASHAKO Lénie, N°5 et N°16.

BIZIMANA Antoine, N° 4.

BIZURU André et Consorts, N°7.

BUGIRIMFURA Emmanuel et Consorts, N°6.

BUREGEYA Edison et UWINTONZE Bernard, N° 8.

G. :

GASANA Appolinaire, N°12.

K. :

KANYIJUKA Célestin, N°14.

KANYABUGANDE ET Consorts, N°2.

M. :

MUKAKAYIJUKA Hadidja, N°9.

MUKANSANGWA Pascasie, N°10.

MUNYANGABE Théodore, N°13.

N. :

NEMEYIMANA Israël, N°15.

NTAHONDI Ildéphonse, N°11

NTEZIRYAYO Emmanuel et Consorts, N°1

R. :

RWAMULINDA Antoine et Consorts, N°3

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384

Page 385: ASF_JurisprudenceGénocide_3

385

INDEX ANALYTIQUE. (Les chiffres renvoient aux numéros des décisions).

A Absence de condamnation: 16;

Acquittement: 1; 2; 3; 7; 8; 10; 12; 13; 15; 16; 17;

Actes de torture sexuelles: 17;

Action civile: 3; 5; 7; 17;

disjonction de : 2; 14;

fondement de : 1;

lien de causalité : 1; 4; 6;

Appel: 13; 14; 15; 16;

Arrestation illégale: 3;

Assassinat: 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9; 10; 11; 12; 13; 14; 15; 16; 17;

Association de malfaiteurs: 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9; 12; 13; 14; 15; 17;

Attentat ou complot (ayant pour but de porter dévastation): 2; 5; 7; 10; 12; 13; 16; 17;

Aveux:

partiels: 3; 6; 7; 17;

complets et sincères: 1; 2; 3; 6; 7; 12;

tardifs:

rétractation d': 2;

validité/ recevabilité: 1; 2;

C Catégories (Loi Organique 30/08/96):

1ère

catégorie:

(instigateurs, position d'autorité, grands meurtriers, actes de torture sexuelle)

2; 3; 5; 6;

2ème

catégorie:

(auteurs, coauteurs, ou complices d'homicides volontaires ou d'atteintes graves contre les

personnes ayant entraîné la mort).

1; 2; 3; 5; 7; 11; 12; 14; 17;

3ème

catégorie:

(personne ayant commis des actes criminels ou de participation criminelle la rendant

coupable d'autres atteintes graves à la personne).

4; 9;

4ème

catégorie:

(personnes ayant commis des infractions conte les propriétés).

8;

Circonstances atténuantes: 2; 7;

Compétence du tribunal: 17;

Complicité: 5; 14; 15; 16;

Concours d'infractions:

concours idéal: 5; 6; 7; 11; 12;

concours réel: 2 ;

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386

Condamnation in solidium: 1;

(prévenu et Etat).

Conflit d'intérêt dans la défense: 2;

Connexité: 2;

Contrainte: 2;

Crimes contre l'humanité: 1; 3; 4; 7; 9; 10; 12; 13; 14;

Crime de génocide: 1; 2; 3; 4; 5; 6; 7; 8; 9; 10; 11; 12; 13; 14; 15; 16; 17;

Crimes de guerre:

D Dégradation (infraction contre la propriété): 1; 2;

Dégradation civique: 1; 2; 3; 4; 6; 7; 12; 14;

Dégradation militaire: 17;

Déontologie des avocats : 2;

Descente du tribunal sur le terrain: 1; 4; 9; 10; 11; 16;

Destruction (infraction contre la propriété): 2; 3; 4; 5; 16;

Détention illégale (armes): 2;

Dévastation: 1;

Diminution de peine: 3; 6; 7; 11;

Dommages et intérêts:

matériels: 1; 6; 7

moraux: 1; 3; 5; 6; 7

Double incrimination:

Doute:

bénéfice de: 8; 12; 13; 17;

sur la culpabilité: 12; 13;

Droits de la défense: 1; 2; 8; 9; 13; 14; 17;

E Egalité des armes: 12;

Egalité devant la loi:

Elément intentionnel: 11; 12; 17;

Elément matériel:

Emprisonnement:

à temps: 2; 3; 6; 7; 9; 11; 12;

à perpétuité: 1; 2; 3; 6; 7; 12; 14; 17;

Enlèvement et séquestration: 12;

Enquête: 2; 5; 16;

Exception d'incompétence:

Excuses: 6;

F Fonds d'indemnisation des victimes:

G Grâce:

Grands meurtriers: 1; 5;

Grands responsables:

Page 387: ASF_JurisprudenceGénocide_3

387

H Huis clos: 4;

I Incitation au soulèvement des citoyens les uns contre les autres: 13;

J Jonction de dossiers: 2;

Juridictions militaires: 17;

L Libération

conditionnelle:

immédiate: 1; 3; 7; 8; 10; 12; 16;

M Massacres:

Menaces d'attentat contre les personnes: 9;

Meurtres: 2; 12;

Minorité (excuse de): 11;

Mise à disposition du gouvernement:

Motivation (jugement): 13;

N Non assistance à personne en danger: 2; 4; 6; 13;

O Obéissance aux ordres d'un supérieur:

Opposition: 15;

P Peine de mort: 2; 3; 5;

Port illégal d'armes: 9;

Preuve:

absence de: 1; 2; 7; 8; 9; 12; 15; 16;

administration de la: 4; 5; 6; 12; 13;

admissibilité de la:

charge de la : 3;

force probante des: 1; 2; 4; 7; 9; 13; 15;

insuffisance de: 8; 9; 13;

production de pièces:

Procédure d'aveu et

de plaidoyer de culpabilité: 1; 2; 3; 6; 7; 12; 14;

Q Qualification:

Page 388: ASF_JurisprudenceGénocide_3

388

R Responsabilité civile:

- de l'auteur: 17;

- des ayants droits:

- de l'Etat: 1; 17;

Responsabilité pénale individuelle: 8; 9;

S Sursis: 8;

Suspicion légitime: 4;

T Témoignages:

a charge : 1; 2; 3; 4; 6; 8; 11; 12; 16; 17;

a décharge : 1; 2; 3; 4; 8; 11; 12; 16;

concordants: 1; 3; 5; 6; 11;

confus:

contradictoires: 4; 7; 8; 9; 10;

faux témoignages: 4; 10;

indirects : 10;

non - probants: 2;

récusation de : 7; 11; 12;

validité des :

Tentative d'assassinat: 2; 17;

Torture: 9;

U Usurpation de fonctions ou titres: 2;

V Viol: 9; 17;

Violation de domicile: 2; 4; 9; 14;

Violation de la loi : 16;

Voies de recours:

appel:

cassation:

opposition:

Vol:

Vol avec violences: 2; 15;

Z Zèle et méchanceté excessive : 1; 5;

Page 389: ASF_JurisprudenceGénocide_3

389

LOI ORGANIQUE N° 08/96 DU 30/08/96 SUR L’ORGANISATION DES POURSUITES DES INFRACTIONS

CONSTITUTIVES DU CRIME DE GENOCIDE OU DE CRIMES CONTRE

L’HUMANITE, COMMISES A PARTIR DU 1ER

OCTOBRE 1990

Journal Officiel n° 17 du 1/9/1996

CHAPITRE PREMIER : GENERALITES

Article premier

La présente loi organique a pour objet l’organisation et la mise en jugement des personnes

poursuivies d’avoir, à partir du 1er

octobre 1990, commis des actes qualifiés et sanctionnés par le

code pénal et qui constituent :

a) Soit des crimes de génocide ou des crimes contre l’humanité tels que définis dans la

Convention du 9 décembre 1948 sur la prévention et la répression du crime de génocide, dans

la Convention de Genève du 12 août 1948 relative à la protection des personnes civiles en

temps de guerre et les Protocoles additionnels, ainsi que dans celle du 26 novembre 1968 sur

l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, toutes trois ratifiées

par le Rwanda ;

b) Soit des infractions visées au Code pénal qui, selon ce qu’allègue le Ministère Public ou

admet l’accusé, ont été commises en relation avec les événements entourant le génocide et les

crimes contre l’humanité.

CHAPITRE II : DE LA CATEGORISATION

Article 2

Selon les actes de participation aux infractions visées à l’article 1 de la présente loi organique,

commises entre le 1 octobre 1990 et le 31 décembre 1994, la personne poursuivie est classée

dans l’une des catégories suivantes :

Catégorie 1.

a) La personne que les actes criminels ou de participation criminelle rangent parmi les

planificateurs, les organisateurs, les superviseurs et les encadreurs du crime de génocide ou des

crimes contre l’humanité ;

b) La personne qui a agi en position d’autorité au niveau national, préfectoral, communal, du

secteur ou de la cellule, au sein des partis politiques, de l’armée, des confessions religieuses ou

des milices, qui a commis ces infractions ou qui a encouragé les autres à le faire ;

c) Le meurtrier de grand renom, qui s’est distingué dans le milieu où il résidait ou partout où

il est passé, à cause du zèle qui l’a caractérisé dans les tueries, ou de la méchanceté excessive

avec laquelle elles ont été exécutées ;

d) La personne qui a commis des actes de torture sexuelle.

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390

Catégorie 2.

La personne que les actes criminels ou de participation criminelle rangent parmi les auteurs,

coauteurs ou complices d’homicides volontaires ou d’atteintes graves contre les personnes ayant

entraîné la mort.

Catégorie 3.

La personne ayant commis des actes criminels ou de participation criminelle la rendant coupable

d’autres atteintes graves à la personne.

Catégorie 4.

La personne ayant commis des infractions contre les propriétés.

Article 3

Pour l’application de la présente loi organique, le complice est celui qui aura prêté une

aide indispensable à commettre l’infraction, ou qui, par n’importe quel moyen, aura soustrait

aux autorités les personnes dont il est question à l’article 2 de la présente loi organique ou aura

omis de fournir des renseignements à leur sujet.

Le fait que l’un quelconque des actes visés par la présente loi organique a été commis par

un subordonné ne dégage pas son supérieur de sa responsabilité pénale s’il savait ou avait des

raisons de croire que le subordonné s’apprêtait à commettre cet acte ou l’avait fait et que le

supérieur n’a pas pris les mesures nécessaires et raisonnables pour en punir les auteurs ou pour

empêcher que ledit acte ne soit commis alors qu’il en avait les moyens.

CHAPITRE III :

DE LA PROCEDURE D’AVEU ET DE PLAIDOYER DE CULPABILITE

Section 1 : De l’entrée en vigueur, de l’admissibilité et des conditions

Article 4.

La procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité entre en vigueur le jour de la

publication de la présente loi organique au Journal Officiel et le demeure pendant dix-huit (18)

mois, renouvelable par arrêté Présidentiel, pour une période ne dépassant pas la même durée.

L’officier du Ministère Public chargé d’une instruction est tenu d’informer le prévenu de

son droit et de son intérêt de recourir à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité. Il fera

mention dans un procès-verbal qu’il a ainsi informé le prévenu.

Article 5.

Toute personne ayant commis des infractions visées à l’article 1 a le droit de recourir à la

procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité.

Page 391: ASF_JurisprudenceGénocide_3

391

Ce droit, qui ne peut être refusé, peut être exercé en tout temps avant la communication

du dossier répressif au président de la juridiction. Il ne peut être exercé qu’une seule fois et il

peut y être renoncé tant que l’intéressé n’a pas encore avoué devant le siège.

Sans préjudice aux dispositions de l’alinéa 1er

, les personnes relevant de la catégorie 1

prévue à l’article 2, ne peuvent bénéficier des réductions de peine prévues aux articles 15 et 16.

Article 6

Pour être reçus au titre d’aveux au sens de la présente section, les aveux doivent

comprendre :

a) La description détaillée de toutes les infractions visées à l’article 1 que le requérant a

commises, et notamment les dates, heure et lieu de chaque fait, ainsi que les noms des victimes et

des témoins s’ils sont connus ;

b) Les renseignements relatifs aux coauteurs et aux complices et tout autre renseignement

utile à l’exercice de l’action publique ;

c) Des excuses présentées pour les infractions commises par le requérant ;

d) Une offre de plaidoyer de culpabilité pour les infractions décrites par le requérant

conformément aux dispositions du point (a) du présent article.

Les aveux doivent être recueillis et transcrits par un officier de Ministère Public.

Si les aveux sont transmis par écrit, l’officier de Ministère Public en demande confirmation. En

présence de l’officier du Ministère Public, le requérant signe ou marque d’une empreinte digitale

le procès-verbal contenant les aveux ou la confirmation et s’il y en a un, le document remis par le

requérant. L’officier du Ministère Public signe le procès-verbal.

Le Ministère Public doit informer le requérant de la catégorie à laquelle le rattachent les

faits avoués, afin qu’il puisse confirmer son choix de poursuivre la procédure d’aveu et de

plaidoyer de culpabilité ou y renoncer.

Si le requérant renonce, il a le droit de retirer sa confession. Dans ce cas, lors de toute

procédure subséquente, l’aveu et le plaidoyer de culpabilité sont inadmissibles comme preuves

contre l’accusé.

Article 7

A compter de la signature du procès-verbal visé à l’article 6, le Ministère Public dispose

d’un délai maximum de trois mois pour vérifier si les déclarations du requérant sont exactes et

complètes, et si les conditions fixées à l’article 6 sont remplies.

Au terme de la vérification, il est dressé un procès-verbal mentionnant les raisons de

l’acceptation ou du rejet de l’aveu et de l’offre de plaidoyer de culpabilité. Ce procès-verbal est

signé par un officier du Ministère Public.

En cas de rejet de la procédure d’aveu, le Ministère Public poursuit l’instruction de

l’affaire selon les voies ordinaires. Aucune autre procédure d’aveu ne peut être requise au niveau

du Ministère Public.

Page 392: ASF_JurisprudenceGénocide_3

392

Article 8

En cas d’acceptation de l’aveu et de l’offre de plaidoyer de culpabilité, le Ministère

Public clôture le dossier en établissant une note de fin d’instruction contenant les préventions

établies par l’aveu et il communique le dossier à la juridiction compétente pour en connaître.

Article 9

Au fur et à mesure que les enquêtes progressent, une liste des personnes poursuivies ou

accusées d’avoir commis des actes les rattachant à la première catégorie est dressée et mise à jour

par le Procureur général près la Cour Suprême. Cette liste sera publiée trois mois après la

publication de la présente loi organique au Journal Officiel et republiée périodiquement par la

suite pour refléter les mises à jour.

Par dérogation aux dispositions de l’article 5 alinéa 3, la personne qui aura présenté les

aveux et une offre de plaidoyer de culpabilité sans que son nom ait été préalablement publié sur

la liste des personnes de la première catégorie, ne pourra pas entrer dans cette catégorie, si les

aveux sont complets et exacts. Si ses faits avoués devaient faire rentrer cette personne dans la

première catégorie, elle sera classée dans la deuxième.

Les personnes qui auront présenté leurs aveux avant la publication de la liste des noms

des personnes de la première catégorie sont classées dans la deuxième si c’est là que les rangent

les infractions commises.

S’il est découvert ultérieurement des infractions qu’une personne n’avait pas avouées, elle

sera poursuivie, à tout moment, pour ces infractions et pourra être classée dans la catégorie à

laquelle la rattachent les infractions commises.

Section 2 : De l’audience, du jugement et des effets

Article 10

En cas de procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, l’audience est organisée

comme suit :

1. Le greffier appelle la cause ;

2. Le prévenu décline son identité ;

3. Le président du siège demande à la partie civile son identité :

4. Le greffier énonce la prévention ;

5. Le Ministère Public est entendu en ses réquisitions ;

6. Le greffier lit le procès-verbal d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, et s’il y en a un, le

document qui contient les aveux ;

7. Le siège interroge le prévenu et vérifie que les aveux et le plaidoyer de culpabilité ont été

faits de façon volontaire et en toute connaissance de cause, notamment de la nature de

l’inculpation, de l’échelle des peines et de l’absence de recours en appel pour les dispositions

pénales du jugement à venir ;

8. La partie civile prend ses conclusions ;

Page 393: ASF_JurisprudenceGénocide_3

393

9. Le prévenu et, le cas échéant, la personne civilement responsable, s’il y en a, présentent

successivement leur défense à l’action civile ou toute autre déclaration pour atténuer leur

responsabilité ;

10. Le siège reçoit le plaidoyer de culpabilité et les débats sont déclarés clos.

Article 11

Lorsqu’une procédure d’aveu a été rejetée par le Ministère Public au terme de la

vérification prévue à l’article 7, le prévenu peut confirmer devant le siège sa demande de recourir

à la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité.

Le prévenu doit formuler sa demande après que le greffier ait énoncé la prévention et au

plus tard lors de son audition.

Si, au terme de l’instruction d’audience, le siège détermine que les aveux étaient

conformes aux conditions fixées à l’article 6, il fait application des articles 15 et 16.

Article 12

Si, au cours de l’audience, le siège détermine que ne sont pas réunies les conditions mises

à la validité de l’aveu et du plaidoyer de culpabilité, il prononce un jugement de rejet de la

procédure d’aveu. Il en est de même si le prévenu a renoncé à la procédure d’aveu.

La juridiction peut qualifier autrement les faits dont elle est saisie. La disqualification par

le siège d’un fait avoué n’emporte pas le rejet de la procédure d’aveu et de plaidoyer de

culpabilité. Par contre, le siège ordonne la réouverture des débats afin que, avisé de la nouvelle

qualification, l’accusé puisse confirmer son choix de recourir à la procédure d’aveu et de

plaidoyer de culpabilité, ou y renoncer.

Article 13

Dans le cas où le siège prononce un jugement de rejet de l’aveu et du plaidoyer de

culpabilité, il peut fixer l’affaire à une date ultérieure pour être jugée sur le fond, ou se dessaisir

de l’affaire et la renvoyer au Ministère Public pour complément d’information.

Lors de toute procédure subséquente, l’aveu et le plaidoyer de culpabilité sont

inadmissibles comme preuve contre l’accusé.

CHAPITRE IV : DES PEINES

Article 14

Les peines imposées pour les infractions visées à l’article 1 sont celles prévues par le

code pénal, sauf :

a) que les personnes de la première catégorie encourent la peine de mort ;

b) que pour les personnes relevant de la catégorie 2, la peine de mort est remplacée par

l’emprisonnement à perpétuité ;

c) lorsque les aveux et le plaidoyer de culpabilité ont été acceptés, dans lequel cas, il est

fait application des articles 15 et 16 de la présente loi organique ;

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d) que les actes commis par les personnes de la catégorie 4 donnent lieu à des réparations

civiles par voie de règlement à l’amiable entre les parties intéressées avec le concours de

leurs concitoyens et à défaut, il est fait application des règles relatives à l’action pénale et

à l’action civile. Si le prévenu est condamné à une peine d’emprisonnement, il est sursis à

l’exécution de la peine. Pour l’application du présent article en son point (d), les

conditions fixées par l’article 97 du code pénal ne sont pas observées.

Article 15

Lorsque la condamnation est prononcée à la suite d’un aveu et d’un plaidoyer de

culpabilité offerts avant les poursuites, la peine est diminuée comme suit :

a) les personnes de la catégorie 2 encourent une peine d’emprisonnement de 7 à 11 ans ;

b) les personnes de la catégorie 3 encourent le tiers de la peine que le tribunal devrait

normalement imposer.

Article 16

Lorsque la condamnation est prononcée à la suite d’un aveu et d’un plaidoyer de

culpabilité offerts après les poursuites, la peine est diminuée comme suit :

a) les personnes de la catégorie 2 encourent une peine d’emprisonnement de 12 à 15 ans ;

b) les personnes de la catégorie 3 encourent la moitié de la peine que le tribunal devrait

normalement imposer.

Article 17

Les personnes reconnues coupables au terme de la présente loi organique encourent, de la

manière suivante, la peine de la dégradation civique :

a) la dégradation civique perpétuelle et totale pour les personnes de la catégorie 1 ;

b) la dégradation civique perpétuelle telle que définie à l’article 66 du code pénale, points

2°, 3° et 5° pour les personnes de la catégorie 2. La condamnation des personnes relevant

de la catégorie 3 emporte toutes les conséquences civiques prévues par la loi.

Article 18 :

En dépit de l’article 94 du code pénal, seront prononcées les peines déterminées par la

qualification la plus sévère lorsqu’il y a concours idéal ou matériel d’infractions.

CHAPITRE V : DES CHAMBRES SPECIALISEES

Section 1 : De la création et de la compétence des chambres spécialisées

Article 19 :

Il est créé au sein des Tribunaux de première instance et juridictions militaires des

chambres spécialisées ayant la compétence exclusive de connaître des infractions visées à

l’article 1.

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Chaque chambre spécialisée peut comprendre plusieurs sièges pouvant siéger

simultanément.

Au moins un de ces sièges est composé de magistrats pour enfants qui connaissent

exclusivement des infractions visées à l’article 1 et commises par les mineurs.

Dans les limites du ressort territorial du tribunal et sur décision de son président, une

chambre spécialisée peut avoir plusieurs sièges, pouvant siéger comme chambres itinérantes aux

endroits et pour la durée qu’il détermine.

En cas de privilège de juridiction en matière personnelle, les chapitres V et VI de la

présente loi organique ne sont pas applicables.

Article 20 :

Chaque chambre spécialisée est constituée d’autant de magistrats de carrière ou de

magistrats auxiliaires qu’il est nécessaire, placés sous la présidence d’un des vice-présidents du

tribunal de première instance ou des juridictions militaires.

Le Vice-président est chargé de l’organisation et de la répartition du service au sein de la

Chambre spécialisée.

Les affectations des magistrats de carrière et la désignation des Présidents des Chambres

Spécialisées des Tribunaux de première instance sont arrêtées par ordonnance du Président de la

Cour Suprême, sur décision du collège du Président et des Vice-présidents de la Cour Suprême.

Les magistrats de carrière sont choisis parmi ceux du Tribunal de première instance dont fait

partie la Chambre spécialisée.

Les affectations des magistrats auxiliaires et la désignation du président de la Chambre

Spécialisée des juridictions militaires sont arrêtées selon la procédure en vigueur devant ces

juridictions.

Article 21 :

Le siège des Chambres spécialisées est composé de trois magistrats, dont le président est

désigné par le Président de la Chambre.

Article 22 :

Les Officiers du Ministère Public près les chambres spécialisées des Tribunaux de

première instance sont désignés par le Procureur général près la Cour d’Appel parmi ceux du

Parquet de la République sur proposition du Procureur de la République. Ils sont dirigés par un

premier substitut commissionné à cet effet.

Les Officiers du Ministère Public du Parquet général près la Cour d’Appel chargés des

affaires portées au degré d’appel devant cette Cour sont désignés par le Procureur général près la

Cour Suprême sur proposition du Procureur Général.

Le Procureur Général près la Cour Suprême assure la supervision et la direction générale

des parquets de la République et d’Appel pour les matières relevant de la compétence des

chambres spécialisées.

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396

Article 23 :

Les Officiers du Ministère Public près la chambre spécialisée du Conseil de Guerre sont

désignés et dirigés par l’Auditeur militaire.

L’Auditeur militaire général près la Cour Militaire désigne et dirige les officiers du

Ministère Public chargés des affaires portées devant cette juridiction.

CHAPITRE VI : DES VOIES DE RECOURS

Article 24 :

Les jugements des chambres spécialisées sont susceptibles d’opposition et d’appel. Le

délai d’appel ou d’opposition est de quinze jours.

Seul l’appel sur les questions de droit ou des erreurs de fait flagrantes est recevable.

Dans les trois mois au plus tard suivant le dépôt du dossier devant la juridiction d’appel,

celle-ci statue sur pièces quant à la recevabilité du recours. Dans l’hypothèse où il est jugé

recevable, la juridiction d’appel statue sur pièces quant au fond.

L’arrêt n’est susceptible d’aucun recours.

Les jugements avant dire droit ne sont pas susceptibles d’appel. Il en est de même des

jugements rendus sur acceptation de la procédure d’aveu et de plaidoyer de culpabilité, sauf en

matière d’intérêts civils.

Article 25 :

Par dérogation à l’article 24, dans le cas où la juridiction d’appel, saisie après un

jugement d’acquittement au premier degré, prononce la peine de mort, le condamné dispose d’un

délai de quinze jours pour se pourvoir en cassation. La Cour de Cassation est compétente pour se

prononcer sur le fond de l’affaire. Seul le pourvoi fondé sur des questions de droit ou des erreurs

de fait flagrante est recevable.

Dans les trois mois au plus tard suivant le dépôt du dossier devant la Cour de Cassation,

celle-ci statue sur pièces quant à la recevabilité du recours. Dans l’hypothèse où il est jugé

recevable, la Cour statue sur pièces quant au fond. L’arrêt n’est susceptible d’aucun recours.

Article 26 :

Dans un délai de trois mois suivant le prononcé, le Procureur Général près la Cour

Suprême peut, d’initiative mais dans le seul intérêt de la loi, se pourvoir en cassation contre toute

décision en degré d’appel qui serait contraire à la loi.

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CHAPITRE VII : DES DOMMAGES ET INTERETS

Article 27 :

Le Ministère Public représente, d’office ou sur demande, les intérêts civils des mineurs et

autres incapables dépourvus de représentants légaux.

Article 28 :

Depuis la phase des enquêtes préliminaires jusqu’au jour du jugement définitif, le

président de la chambre spécialisée du ressort, saisi par requête écrite de la partie lésée ou du

Ministère Public, peut prendre toutes les mesures conservatoires nécessaires à la sauvegarde des

intérêts civils de la partie lésée.

Article 29 :

Les règles ordinaires relatives à la dénonciation, à la plainte et à l’action civile sont

d’application.

Les victimes, agissant à titre individuel ou par des associations légalement constituées

représentées par leur représentant légal ou par un représentant spécial qu’elles désignent

conformément à leurs statuts, peuvent requérir la mise en mouvement de l’action publique par

requête motivée transmise au Procureur de la République du ressort. La requête vaut constitution

de partie civile. La partie civile est exemptée du paiement des frais de justice.

Si, à l’expiration d’un délai de six mois à compter du dépôt de la requête, le Ministère

Public n’a pas saisi la juridiction compétente, la partie civile peut la saisir par citation directe.

Dans ce cas, la charge de la preuve incombe à la partie civile. La partie civile est exemptée du

paiement des frais de justice.

La condamnation, au civil et au pénal, est susceptible d’appel, selon les modalités fixées à

l’article 24. L’acte d’appel doit également être notifié au cité. La juridiction d’appel évoque de

plein droit l’ensemble de l’affaire.

Article 30 :

La responsabilité pénale des personnes relevant de la catégorie 1 fixée à l’article 2

emporte la responsabilité civile conjointe et solidaire pour tous les dommages causés dans le

pays par suite de leurs actes de participation criminelle, quel que soit le lieu de la commission

des infractions.

Les personnes relevant des catégories 2, 3 ou 4 encourent la responsabilité civile pour les

actes criminels qu’elles ont commis.

Sans préjudice des droits des victimes présentes ou représentées au procès, la juridiction

saisie alloue des dommages et intérêts, sur requête du Ministère Public, en faveur des victimes

non encore identifiées.

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Article 31 :

La juridiction saisie de l’action civile se prononce sur les dommages et intérêts même si

l’accusé est décédé en cours d’instance ou s’il a bénéficié d’une amnistie.

Article 32 :

Les dommages et intérêts alloués en faveur des victimes non encore identifiées sont

versés dans un Fonds d’indemnisation des victimes dont la création et le fonctionnement sont

régis par une loi particulière. Avant l’adoption de la loi portant création de ce Fonds, les

dommages et intérêts alloués sont versés au compte bloqué ouvert à la Banque Nationale du

Rwanda à cette fin par le Ministre ayant les affaires sociales dans ses attributions et ce fonds ne

pourra être affecté qu’après l’adoption de ladite loi.

CHAPITRE VIII : DISPOSITIONS DIVERSES ET FINALES

Article 33 :

Le Ministère Public peut citer en justice les personnes qui n’ont pas de domicile ni de

résidence connus au Rwanda ou qui se trouvent à l’extérieur du territoire, et contre lesquelles il

existe des preuves concordantes ou des indices sérieux de culpabilité, qu’elles aient pu être ou

non préalablement interrogées par le Ministère Public.

Article 34 :

Lorsque le prévenu n’a ni domicile ni résidence connus au Rwanda, le délai d’assignation

est d’un mois. Une copie de l’exploit est affichée à la porte principale du tribunal où siège la

chambre qui doit connaître de l’affaire.

Article 35 :

Les exceptions de connexité ou d’indivisibilité doivent être soulevées devant la

juridiction saisie du fond qui les apprécie souverainement.

Les demandes en récusation et en prise à partie sont également portées devant la

juridiction saisie.

L’incident ou la demande peut être joint au fond ou il peut y être statué par jugement sans

recours.

Article 36 :

Les personnes poursuivies en application de la présente loi organique jouissent du droit

de la défense reconnu à toute personne poursuivie en matière criminelle, et notamment le droit

d’être défendues par le défenseur de leur choix, mais non aux frais de l’Etat.

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Article 37 :

L’action publique et les peines relatives aux infractions constitutives de génocide ou des

crimes contre l’humanité sont imprescriptibles.

Article 38 :

En attendant la publication de la loi générale sur le crime de génocide et les crimes contre

l’humanité, quiconque commet, après le 31 décembre 1994, un des actes constitutifs de ces

crimes, sera puni des peines prévues par le code pénal, et ne peut bénéficier des réductions de

peines comme prévu par la présence loi.

Article 39 :

Sauf dispositions contraires à la présente loi organique, toutes les règles de droit,

notamment celles contenues dans le code pénal, dans le code de procédure pénale et dans le code

d’organisation et de compétence judiciaires, demeurent d’application.

Article 40 :

La présente loi organique est rédigée dans les trois langues officielles de la République

Rwandaise, mais le texte original reste celui rédigé en kinyarwanda.

Article 41 :

La présente loi organique entre en vigueur le jour de sa publication au journal Officiel de

la République Rwandaise.

Kigali, le 30/08/1996

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La méthode d'indexation et la liste des verbo ont été élaborées en collaboration avec le Centre Droits fondamentaux

et lien social de la Faculté de Droit des Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur-Belgique).

REMERCIEMENTS

Ce troisième Recueil de jurisprudence a été réalisé par Avocats Sans Frontières-

Belgique sous l'égide du Département des Cours et Tribunaux de la Cour Suprême

du Rwanda.

Œuvre collective, ce Recueil doit beaucoup à Madame Caroline STAINIER, et à

Messieurs Hugo JOMBWE MOUDIKI et Guy Hervé KAM, ainsi qu'à l'équipe de

traducteurs et juristes de la Mission dont font partie Mlle Martine URUJENI et

Messieurs Grégoire NTABANGANA, Albert MUGIRANEZA et Willy S.

MUNYANTWALI.

La réalisation de ce Recueil, sa publication, sa diffusion n'auraient pas été

possibles sans l'appui financier de l'Agence Intergouvernementale de la

Francophonie, de la Commission Européenne, de la Coopération Belge

(D.G.C.D.) et de la Coopération Néerlandaise.

Ces remerciements s'adressent enfin aux Barreaux d'Anvers, de Bruxelles et de

Liège, qui soutiennent les activités d'ASF.

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Sorti de presse en 2003

Dépôt légal : D/2003/9711/3

© ASF-B, 2003

ISBN 90-77321-039

Diffusion générale : ASF-B, rue Royale, 123, 1000 Bruxelles

Editeur responsable : Caroline Stainier