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Neuropathies dysimmunitaires : démarche diagnostique Aspects épidémiologiques et cliniques des polyradiculonévrites chroniques K. Viala Service de Neurophysiologie Clinique, Centre de référence de pathologie neuromusculaire Paris-Est, Fédération des Maladies du Système Nerveux, Hôpital de la Salpêtrière, 47, bd de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France. 3S31 © ELSEVIER MASSON Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 3S31-3S35 Correspondance : [email protected] RÉSUMÉ L’objectif de ce travail est de donner une vision actuelle des chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy (CIDP). En effet, depuis sa description initiale en 1975, cette entité semble avoir considérablement évolué. Basé sur l’analyse de 146 patients atteints de CIDP recen- sés entre janvier 2005 et août 2006 dans le Centre de Référence de Pathologie Neuromusculaire Paris Est, cet article s’attachera à répondre aux questions suivantes : Quelle est la fréquence de cette neuropathie ? Sur quels éléments est établi son diagnostic ? Quel est son spectre clinique ? Quelle est la fréquence des variantes cliniques ? Combien de CIDP sont-elles associées à une autre maladie et lesquelles ? Quelle est la fréquence des CIDP associées à une gammapathie monoclonale ? Quelles sont ses évolutions possibles ? La CIDP est-elle une pathologie sévère ? Les traitements des CIDP sont-ils satisfaisants ? Mots-clés : CIDP • Polyradiculonévrite chronique • Gammapathie monoclonale • Immunoglobulines intraveineuses. SUMMARY Epidemiological and clinical aspects of CIDP K. Viala. Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : HS1, 3S31-3S35. The aim of this study is to give a current overview of CIDP. Indeed, since it was first described in 1975, this entity appears to have evolved considerably. Based on an analysis of 146 patients diagnosed with CIDP at the Centre de Référence de Pathologie Neuromusculaire Paris Est between January 2005 and August 2006, our study seeks to answer the following questions: What is the frequency of this neuropathy? What are the diagnostic criteria? What is the clinical spectrum of CIDP? What is the frequency of the various clinical variants? How many CIDP variants are associated with another disease, and with which other diseases? What is the frequency of CIDP associated with a mono- clonal gammopathy? What is the range of possible outcomes, and is CIDP a severe disease? Are current treatments for CIDP satisfactory? Key-words: CIDP • Monoclonal gammopathy • Intravenous immunoglobulin.

Aspects épidémiologiques et cliniques des polyradiculonévrites chroniques

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Neuropathies dysimmunitaires :démarche diagnostique

Aspects épidémiologiques et cliniques des polyradiculonévriteschroniquesK. VialaService de Neurophysiologie Clinique, Centre de référence de pathologie neuromusculaire Paris-Est, Fédération des Maladies du Système Nerveux, Hôpital de la Salpêtrière, 47, bd de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

3S31© ELSEVIER MASSON Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : 3S31-3S35

Correspondance : [email protected]

RÉSUMÉL’objectif de ce travail est de donner une vision actuelle des chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy (CIDP). En effet, depuis sadescription initiale en 1975, cette entité semble avoir considérablement évolué. Basé sur l’analyse de 146 patients atteints de CIDP recen-sés entre janvier 2005 et août 2006 dans le Centre de Référence de Pathologie Neuromusculaire Paris Est, cet article s’attachera à répondreaux questions suivantes : Quelle est la fréquence de cette neuropathie ? Sur quels éléments est établi son diagnostic ? Quel est son spectreclinique ? Quelle est la fréquence des variantes cliniques ? Combien de CIDP sont-elles associées à une autre maladie et lesquelles ? Quelleest la fréquence des CIDP associées à une gammapathie monoclonale ? Quelles sont ses évolutions possibles ? La CIDP est-elle unepathologie sévère ? Les traitements des CIDP sont-ils satisfaisants ?

Mots-clés : CIDP • Polyradiculonévrite chronique • Gammapathie monoclonale • Immunoglobulines intraveineuses.

SUMMARY

Epidemiological and clinical aspects of CIDP

K. Viala. Rev Neurol (Paris) 2007 ; 163 : HS1, 3S31-3S35.

The aim of this study is to give a current overview of CIDP. Indeed, since it was first described in 1975, this entity appears to have evolvedconsiderably. Based on an analysis of 146 patients diagnosed with CIDP at the Centre de Référence de Pathologie Neuromusculaire ParisEst between January 2005 and August 2006, our study seeks to answer the following questions: What is the frequency of this neuropathy?What are the diagnostic criteria? What is the clinical spectrum of CIDP? What is the frequency of the various clinical variants? How manyCIDP variants are associated with another disease, and with which other diseases? What is the frequency of CIDP associated with a mono-clonal gammopathy? What is the range of possible outcomes, and is CIDP a severe disease? Are current treatments for CIDP satisfactory?

Key-words: CIDP • Monoclonal gammopathy • Intravenous immunoglobulin.

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K. VIALA

INTRODUCTION

L’acronyme CIDP pour « chronic inflammatory demyeli-nating polyneuropathy » a été proposé par Dick et collabo-rateurs il y a maintenant bientôt 25 ans (Dyck et al., 1982),pour désigner une neuropathie démyélinisante dysimmunepouvant répondre favorablement à une corticothérapie. En1991, des critères diagnostiques furent établis afin de pou-voir sélectionner des patients en vue d’essais thérapeu-tiques. Depuis lors, de nombreux autres critères moinsrestrictifs ont été proposés (Van den Bergh et al., 2000)(Nicolas et al., 2002). Très récemment, les CIDP ont faitl’objet d’un consensus européen (Hughes et al., 2006), et leGroupe d’étude français des polyradiculonévrites inflam-matoires démyélinisantes chroniques (PIDC) a proposé unestratégie diagnostique, afin notamment de ne pasméconnaître les formes de CIDP atypiques (Antoine et al.,2005). En effet, la forme commune sensitivomotrice tou-chant les 4 membres pourrait ne correspondre qu’à la moitiédes patients atteints de CIDP (Rotta et al., 2000). D’autresétudes ont montré que chez 12 à 50 p. 100 des patients pré-sentant une CIDP histologiquement prouvée, les critèresélectrophysiologiques de démyélinisation pouvaient êtrepris en défaut (Wilson et al., 2000). Finalement, le conceptdes CIDP en 25 ans a considérablement évolué et denombreuses questions se posent : Quelle place tient cetteneuropathie en terme de fréquence par rapport aux autresneuropathies dysimmunes ? Sur quels éléments est établison diagnostic ? Quel est son spectre clinique ? Quelle estla fréquence des variantes cliniques ? Combien de CIDPsont-elles associées à d’autres maladies et lesquelles ?Quelle est la fréquence des CIDP associées à une gamma-pathie monoclonale ? Quelles sont les évolutions possibles ?La CIDP est-elle une pathologie sévère ? Les traitementsactuels sont-ils satisfaisants ?

Afin de pouvoir répondre à ces questions et de donnerune vision actuelle de la CIDP, nous avons analysé lesdonnées de 146 patients atteints de CIDP, recensés entrejanvier 2005 et août 2006 dans le Centre de référence depathologie neuromusculaire Paris-Est.

MÉTHODE ET PATIENTS

Pendant la période de janvier 2005 à août 2006, 203patients présentant une neuropathie pour lesquels le dia-gnostic de CIDP a été évoqué par un clinicien ou un élec-trophysiologiste du Centre de référence de pathologie neu-romusculaire Paris-Est ont été recensés, de manièreconsécutive, au moment de leur passage dans le service deneurophysiologie clinique. Le diagnostic avait été évoquésoit sur des arguments :

– cliniques : neuropathie affectant plus d’un membrecompatible avec une CIDP commune ou une varianteclinique, et/ou ;

– électrophysiologiques : anomalies électrophysiologi-ques évocatrices d’une démyélinisation, et/ou ;

– anatomopathologiques : anomalies compatibles avec unprocessus démyélinisant et/ou ;

– thérapeutiques : réponse favorable à un traitementimmunomodulateur.

Les données concernant ces patients ont été actualisées,en fonction du suivi pendant la période de janvier 2005 àaoût 2006.

RÉSULTATS

Caractéristiques des patients analysés

Parmi ces 203 patients, les différents examens réalisés etle suivi évolutif ont permis d’identifier 32 patients quirépondaient à un autre diagnostic (tableau I). Les principauxdiagnostics différentiels étaient les syndromes POEMS(15 cas) et de Guillain-Barré (GB) (6 cas). Parmi les 171patients restants, 25 ont été exclus du fait de données insuf-fisantes ou manquantes pour retenir le diagnostic de CIDP.

Au total, le diagnostic de CIDP a été retenu chez 146patients.

Dans notre recrutement, la CIDP est en fréquence 6 foismoins importante que les polyneuropathies axonales (fig. 1-A).Par contre, parmi les neuropathies dysimmunes, la CIDPest la neuropathie la plus fréquemment rencontrée ; elle estenviron deux fois plus fréquente que la neuropathie anti-MAG, 4 à 5 fois plus fréquente que le GB, et que la neuro-pathie motrice multifocale à blocs de conduction (fig. 1-B).

La population des patients était constituée de 53 femmeset 93 hommes, soit un sex-ratio de 1,7. Cette légère prédo-minance masculine a déjà été notée dans de précédentesséries (Dyck et al., 1975 ; McCombe et al., 1987 ; Bou-chard et al., 1999 ; Gorson et al., 1997 ; Barohn et al.,

Tableau I. – Principaux diagnostics différentiels des CIDP chez32 patients exclus de l’étude, car atteints d’undiagnostic différent de la CIDP.Main differential diagnoses for CIDP in 32 patientsexcluded from the study because they were found tohave another disease.

Diagnostic retenu chez les patients exclus car présentant un autre diagnostic que celui de CIDP N = 32

Syndrome POEMS 15

Syndrome de Guillain et Barré 6

Ganglionopathie 5

Sclérose latérale amyotrophique 1

Méningoradiculite 1

Médullopathie 1

Neuropathie paranéoplasique (anticorps CV2) 1

Neuropathie motrice à blocs de conduction 1

Neuropathie héréditaire par hypersensibilité à la pression 1

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1989 ; Maisonobe et al., 1996). L’âge moyen des patientsétait de 55 ans, la durée d’évolution (médiane) de 11 mois.Parmi les patients recensés, 97 patients étaient nouveaux,49 étaient déjà connus et suivis dans le service.

Fig. 1A. – Fréquence comparée des polyneuropathies axonales etdes CIDP. PN : polyneuropathie.

Fig. 1A. – Relative frequency of axonal polyneuropathies and CIDP.

CIDP14 %

PN axonale14 %

Fig. 1B. – Fréquence comparée des différentes neuropathies dys-immunes, SGB : syndrome de Guillain-Barré ; anti-MAG :neuropathie démyélinisante liée à une activité IgM anti-MAG ; NMMB : neuropathie motrice multifocale à blocde conduction.

Fig. 1B. – Relative frequency of the various dysimmune neuropa-thies. SGB: Guillain-Barré syndrome; anti-MAG: anti-myelin-associated glycoprotein neuropathy; NMMB:multifocal motor neuropathy with conduction block.

CIDP52 %

NMMB12 %

SGB14 %

Anti-MAG22 %

CRITÈRES DIAGNOSTIQUES

Pour la majorité des patients (75 p. 100), le diagnostic aété posé sur des critères cliniques et électrophysiologiquesdéfinis selon le consensus européen (Hughes et al., 2006).

Néanmoins, 25 p. 100, soit 36 patients ne présentaient pasde signes de démyélinisation patents à l’électro-neuromyo-gramme (ENMG). Parmi ces patients, pour un tiers (12/36),la biopsie nerveuse, en montrant des éléments de démyéli-nisation a permis de conduire au diagnostic. La biopsie ner-veuse a donc, dans cette étude, été réalisée chez 9 p. 100 detous les patients inclus, confirmant le diagnostic chez8 p. 100. Dans le même centre, il y a 10 ans (Maisonobe etal., 1996), 61 p. 100 des patients présentant une CIDPavaient eu une biopsie nerveuse. En 1999, dans une étudeépidémiologique, 63 p. 100 des patients avaient une biopsienerveuse avec une rentabilité diagnostique chez 30 p. 100des patients (Lunn et al., 1999). On peut donc dire qu’en2006, les indications de la biopsie sont plus restreintes, etque celle-ci a une meilleure rentabilité diagnostique.

Pour un tiers des patients sans critères de démyélinisationà l’ENMG, d’autres investigations ont été réalisées tellesque les potentiels évoqués sensitifs (PES), l’imagerie derésonnance magnétique (IRM) des racines ou l’analyse duliquide céphalo-rachidien (LCR) et ont permis de retenir lediagnostic de CIDP. Enfin, chez le dernier tiers de cespatients, le diagnostic a été confirmé par une réponse favo-rable aux thérapeutiques immunomodulatrices.

FORMES CLINIQUES - TYPE DES SYMPTÔMES

Dans notre étude, les symptômes intéressaient lesmembres inférieurs et supérieurs chez la majorité despatients (64 p. 100). Pour certains patients, seuls lesmembres inférieurs (23 p. 100) ou seuls les membres supé-rieurs (13 p. 100) étaient affectés. Enfin, 17 p. 100 despatients avaient une atteinte des nerfs crâniens associée audéficit des membres.

Les symptômes présentés étaient majoritairement sensiti-vomoteurs (fig. 2), mais nous avons noté un chiffre impor-tant de formes à prédominance sensitive : 37 p. 100 despatients contre environ 10 p. 100 dans d’autres séries (Dycket al., 1975) (McCombe et al., 1987 ; Bouchard et al.,1999) ; Gorson et al., 1997 ; Barohn et al., 1989 ; Maiso-nobe et al., 1996). Nous avons observé que la moitié de cespatients avait des anomalies de la conduction motrice sug-gérant une démyélinisation, et facilitant leur diagnostic. Parcontre, l’autre moitié des patients présentant une forme sen-sitive échappait aux critères de démyélinisation à l’ENMG,ce qui nous donne à penser que les formes sensitives ontprobablement été sous-diagnostiquées dans les précédentesséries.

La fréquence des variantes cliniques des CIDP est unedonnée mal connue dans la littérature : le tableau II montrela répartition de ces différentes formes parmi les patientsdans notre étude.

L’identification de formes évolutives « à poussée » ou« progressive » nous paraît difficile. En effet, la majoritédes patients étant sous traitement durant la période d’obser-

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acute inflammatory demyelinating polyradiculoneuropa-thy) définie comme une neuropathie motrice et/ou sensitiveaffectant au moins deux membres s’installant sur 4 à8 semaines, présentant des critères de démyélinisation enEMG sans rechute au cours du suivi. Il s’agit donc d’uneentité monophasique à début subaigu.

Parmi nos 23 patients « aigus ou subaigus », seulement 3répondaient à cette définition. En réalité, la majorité despatients (12) avait un début subaigu, mais avec des rechutesspontanées (2 patients) ou liées à une dépendance au traite-ment. Il existait un autre groupe de patients (8) ayantprésenté une neuropathie sévère d’emblée avec un moded’installation aigu de quelques jours, pour lesquels lediagnostic initial et le traitement furent celui d’un Guillain-Barré, mais par la suite, la persistance d’un déficit sévèreou parfois une aggravation du déficit à plus de 3 mois dedistance associée à des signes importants de démyélinisa-tion en ENMG, ont fait reconsidérer le diagnostic. Ce typede CIDP à début pseudo Guillain-Barré a bien été décrit parMori et al. (2002). Cette forme mérite une attention parti-culière, car il existe souvent un retard à la prise en chargethérapeutique (après le traitement donné à la phase aiguë)et le développement d’un handicap souvent sévère.

Parmi l’ensemble des patients recensés, nous avons éga-lement identifié un petit nombre de patients (5) ayant pré-senté un authentique Guillain-Barré plusieurs années avantde développer, après un intervalle libre, une CIDP. Il nes’agit pas à proprement parler de Guillain-Barré à rechute,puisque le deuxième épisode se présente comme une CIDPassez classique.

CIDP ASSOCIÉE À UNE AUTRE PATHOLOGIE

Parmi 146 patients, 32 (22 p. 100) avaient une gammapa-thie bénigne associée, ce qui correspond à la fréquencehabituellement rapportée. Il s’agit le plus fréquemmentd’une gammapthie de type M. Moins de 5 p. 100 despatients CIDP avait une réactivité antiganglioside associée.

Environ un quart des patients avait une maladie associée àla CIDP. Les pathologies le plus souvent rencontrées étaientnéoplasiques, avec au premier rang les lymphomes (tableau III).

Tableau III. – Existence chez 36 patients sur 146 (25 p. 100)d’une maladie associée à la CIDP.Presence of a disease associated with CIDP in 36out of 146 patients (25 per cent).

Lymphome : 12

Diabète : 6

Hépatite C : 4 ; lyme : 2 ; VIH : 2, herpès : 1

Néoplasie : 3

Connectivite : 5 (2 lupus, 2 Sjögren, 1 Churg et Strauss)

Atteinte centrale démyélinisante associée : 3

vation, il est difficile d’analyser le mode évolutif « sponta-né » de la maladie. Si les formes à « poussées » sont défi-nies par la survenue de deux épisodes à début rapide surve-nant après un mois de stabilité qu’il y ait ou non untraitement (Lunn et al., 1999), la majorité des patients a uneforme à poussée, car la dépendance aux traitements faitqu’il existe inévitablement de telles rechutes lors de ladécroissance des traitements. De la même façon, si lesformes progressives sont définies par une aggravation avecou sans traitement durant la période d’observation, alorsleur nombre correspond à celui des patients non répondeursaux traitements.

MODE D’ENTRÉE DANS LA PATHOLOGIE

Le mode d’entrée dans la CIDP nous paraît être un élé-ment intéressant, car il pourrait influencer la réponse autraitement. Parmi les 97 nouveaux patients ayant présentéune CIDP pendant la période de l’étude, un quart (23) avaitun début aigu ou subaigu (4 à 6 semaines). Oh et al. (2003)ont rapporté une variante de CIDP dénommée SIDP (sub-

Tableau II. – Fréquence des différentes variantes cliniques desCIDP, n = 146.Frequency of the different clinical variants of CIDP,n = 146.

Lewis et Sumner : 15 p. 100

Forme paucisymptomatique : 5 p. 100

CISP (Sinnreich, 2004) : 5 p. 100

Nerfs crâniens « purs » : 2 p. 100

Forme plexique (lombaire) : 1 p. 100

Fig. 2. – Différentes formes symptomatiques de CIDP. Importanceen termes de fréquence des formes sensitives (n = 146).

Fig. 2. – Relative frequency of the symptomatic forms of CIDP:sensory, motor, sensorimotor (n = 146).

Motrice10 %

Sensitive37 %

Sensitivo-motrice53 %

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3S35© ELSEVIER MASSON Aspects épidémiologiques et cliniques des polyradiculonévrites chroniques

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TRAITEMENTS

La CIDP peut être paucisymptomatique dans environ5 p. 100 des cas. D’ailleurs, 11 p. 100 des patients ne sontpas traités, car leur symptomatologie est très discrète.

La réponse au traitement a été analysée chez 67 patients.Les patients ont reçu un ou plusieurs traitements principauxde la CIDP que sont les IgIV, la corticothérapie, ou leséchanges plasmatiques (EP), ou les immunosuppresseurs(IgIV : n = 47, prednisone : n = 32, EP : n = 12, immuno-suppresseurs : n = 16).

Le taux de patients non répondeurs aux 3 traitementsprincipaux des CIDP (patients multirésistants) est de9 p. 100 ; 22 p. 100 des patients sont sensibles aux traite-ments et parviennent à être sevrés rapidement. Mais lamajorité des patients (n = 40, 60 p. 100) est sensible auxtraitements, mais reste dépendante d’un traitement immu-nomodulateur au long cours, un quart d’entre eux environparviendra sur le long terme à être sevré.

À la fin du suivi et après traitement : 40 p. 100 despatients ont un score de Rankin compris entre 0 et 1 et sontdonc asymptomatiques ou peu gênés, 36 p. 100 ont unhandicap modéré (Rankin = 2), 24 p. 100 ont un handicapsévère (Rankin > 2) avec limitation de l’autonomie.

CONCLUSION

En conclusion, cette étude montre que 25 p. 100 despatients ayant une CIDP échappent aux critères électrophy-siologiques de démyélinisation. Les stratégies à visée dia-gnostique dans la CIDP ont évolué. Alors qu’en 1991, lescritères histologiques faisaient partie des critères néces-saires au diagnostic, dans cette étude, la biopsie nerveusen’a été réalisée que chez 9 p. 100 des patients confirmant lediagnostic chez 8 p. 100. Cette étude souligne aussi l’inté-rêt de réaliser des PES et ou une IRM qui conduisent audiagnostic chez 8 p. 100 des patients. Enfin, un traitementd’épreuve par immunoglobulines peut avoir une valeurdiagnostique quand il est efficace : il a permis de valider lediagnostic chez 8 p. 100 des patients.

En ce qui concerne le pronostic, les formes sévèresrestent minoritaires, seulement 9 p. 100 des patients sontnon-répondeurs aux traitements, et 24 p. 100 ont un handi-cap sévère. La CIDP est une maladie accessible aux traite-ments, puisque 39 p. 100 des patients sont en rémission(dont la moitié sans séquelle) et 76 p. 100 des patients ontune autonomie conservée (Rankin � 2), après traitement età la fin du suivi. Cette efficacité des traitements a un prixélevé, celui de la dépendanc, puisque 53 p. 100 des patientsrestent dépendants d’un traitement sur le long terme.

RemerciementsKarine Viala remercie les docteurs : Bouche P, Fournier E,

Léger J.-M., Maisonobe T, Stojkovic T, Bolgert F, Demeret S,

Denys V, Neil J, Musset L pour leur collaboration à cetravail.

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