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JUIN 2019 L’accès au microcrédit durable a longtemps été considéré comme impossible dans les communautés rurales de la région de Sikasso au Mali. Pourtant, avec l’appui du Projet USAID Nutrition et Hygiène (USAID/ PNH), les villageois ont accès à ce type de crédit à des conditions acceptables. L’intégration de ces systèmes d’épargne crédit autogérés par les femmes — associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC) — était bien reçu dans les communautés du projet. Cette note technique décrit l’approche AVEC, les résultats et les leçons apprises. Associations villageoises d’épargne et de crédit: un soutien à l’agriculture sensible à la nutrition FICHE TECHNIQUE

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JUIN 2019

L’accès au microcrédit durable a longtemps été considéré comme impossible dans les communautés rurales de la région de Sikasso au Mali. Pourtant, avec l’appui du Projet USAID Nutrition et Hygiène (USAID/PNH), les villageois ont accès à ce type de crédit à des conditions acceptables. L’intégration de ces systèmes d’épargne crédit autogérés par les femmes — associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC) — était bien reçu dans les communautés du projet. Cette note technique décrit l’approche AVEC, les résultats et les leçons apprises.

Associations villageoises d’épargne et de crédit: un soutien à l’agriculture sensible à la nutrition

FICHE TECHNIQUE

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La vie d’une villageoise au Mali est pleine et intense. Les femmes gèrent le ménage — s’occupent de la maison, des enfants, des animaux — et travaillent souvent dans les champs de leur mari. Les femmes rurales sont généralement pauvres, ont un accès limité à la terre et peu de possibilités de production agricole ou d’accès aux marchés des villages environnants. Elles ont un pouvoir décisionnel limité dans le ménage et n’ont ni les moyens ni les possibilités de générer des revenus ou contribuer à la production du ménage. Enfin, elles ont une alimentation relativement pauvre qui n’est ni diversifiée ni riche en nutriments.

Ces traditions culturelles ont persisté pendant des siècles, mais maintenant les femmes commencent à comprendre qu’elles peuvent se prendre en charge et prendre leurs propres décisions, indépendamment ou avec leurs maris. Les femmes et les hommes de la communauté ont vu le potentiel du processus microcrédit et l’ont adopté.

L’approche AVECLe but de l’AVEC est d’encourager les femmes à épargner pour les choses dont elles pourraient avoir besoin mais qu’elles n’ont pas la capacité de s’offrir. En engageant les femmes dans ce processus collectif, chaque femme a un accès plus rapide aux fonds en cas de besoin. Généralement, les femmes utilisent ces fonds pour accéder à des intrants agricoles tels que des semences ou des engrais, mais elles pourraient aussi être en mesure de contracter un prêt pour des soins médicaux ou pour payer les frais de scolarité de ses enfants.

La mise en place et le suivi d’une AVECAu début du projet USAID/PNH, l’agent de vulgarisation agricole (AVA) a expliqué la composante agricole du projet aux leaders du village. Ils ont désigné 10 agricultrices du village pour y participer et apprendre la possibilité de créer un groupe de solidarité agricole. Ces 10 agricultrices et autres femmes intéressées se sont ensuite réunies pour discuter de cette possibilité et pour en savoir plus sur la création d’une entreprise d’épargne-crédit gérée par le groupe. Une fois approuvé, l’AVA et les membres établissent les directives du groupe et les mécanismes de fonctionnement qui incluent une Assemblée Générale Constitutive définissant les règles, règlements, participation et sanctions, le Comité de Gestion pour opérationnaliser ces règlements, et finalement le Comité de Supervision pour gérer le processus.

L’AVA travaille en étroite collaboration avec animateur paysan qui vit dans la communauté pour soutenir les activités AVEC.

Fonctionnement de l’AVECL’approche AVEC promue par le PNH s’est concentrée dans un premier temps sur la création de groupes de solidarité qui pourraient ensuite se développer pour fournir une aide financière aux membres. La plupart des membres sont des agricultrices bien qu’un ou deux hommes y participent en tant que conseillers. Le groupe se réunit chaque semaine et collecte les contributions de chaque membre en fonction des contingences du village et du pouvoir d’achat des membres du groupe. Ainsi, certains groupes peuvent collecter chaque semaine 250 FCFA auprès de chaque membre, tandis que d’autres mobilisent ce montant mensuellement. Les membres décident des règles de fonctionnement qu’ils doivent suivre. Le but du groupe n’est pas de s’enrichir, mais de devenir une unité coopérative. La taille du groupe varie de 25 à 100 membres. Les groupes ont commencé à améliorer leurs pratiques agricoles et fonctionnent désormais comme des groupes de crédit. Le groupe appartient aux femmes et celles-ci en assurent la gestion malgré la présence d’hommes.

Contributions de la CommunautéL’AVEC établit également un lien entre les activités agricoles et les efforts de la communauté pour améliorer la malnutrition chez les femmes enceintes et allaitantes et des enfants de moins de 5 ans, en particulier ceux de moins de 2

L’AVA travaille en étroite collaboration avec l’animateur paysan qui vit au sein de la communauté pour soutenir les activités AVEC.

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ans. Au départ, le projet exigeait des agricultrices qu’elles fournissent des aliments pour les démonstrations nutritionnelles promues par le centre de santé (CSCOM). Cependant, les contributions n’étant pas consistantes, le projet a mis en place d’autres mécanismes pour s’assurer que les CSCOM disposent des intrants nécessaires afin de mener les démonstrations nutritionnelles. Dans la mesure du possible, les agricultrices ont contribué aux démonstrations de nutrition organisées par la communauté et par le CSCOM, mais elles n’étaient pas les seules contributrices. Une fois les AVEC établies, les communautés ont commencé à leur demander de contribuer aux démonstrations nutritionnelles. Elles interagissent avec le comité coordination villageois (CCV) et apportent généralement une contribution financière pour l’achat d’ingrédients tels que le lait, le sucre, les légumes, etc. pour la démonstration nutritionnelle. Lorsqu’un groupe AVEC apporte un soutien financier important aux démonstrations nutritionnelles communautaires, le chef du village rend un hommage public au groupe. Cette reconnaissance publique incite les membres à faire davantage pour la communauté. Quelques membres de l’AVEC mobilisent des mères et leurs enfants lors des campagnes de vaccination et depistages.

Crédits de l’AVECLes villageoises s’entraident de plusieurs façons. Par exemple, elles peuvent fournir du travail physique rémunéré pendant les saisons de plantation et des récoltes pour augmenter leurs revenus. Les AVEC ont récemment commencé à accorder des prêts aux femmes. Dans les villages les plus pauvres, le montant des crédits qu’une femme peut recevoir est faible (pas plus de 10 000 FCFA par personne) et la période de remboursement est assez longue (2 à 3 mois). Les membres investissent principalement dans le secteur social au sein du ménage et dans le travail agricole individuel. Le taux d’intérêt est seulement 10 pourcent sur 3 mois. Dans les villages disposant de plus de ressources, le montant du prêt peut atteindre 25 000 FCFA avec un taux de remboursement de 10 pourcent sur 1 mois.

Les prêts AVEC visent l’amélioration des conditions de vie des ménages et sont supervisés par les membres. Ensemble, les membres décident comment répartir le capital du groupe. Les prêts peuvent être accordés à des individus ou à des groupes.

Les AVEC interagissent avec le comité de coordination villageois (CCV) et apportent généralement une contribution financière pour l’achat des condiments pour les démonstrations nutritionnelles telles que le lait, le sucre, les légumes, etc.

« Les membres de l’AVEC ont mis en place une approche rigoureuse de gestion de crédit qui a eu beaucoup de succès en si peu de temps. En effet, nos fonds d’épargne globaux sont passés de 563 000 FCFA à 1 972 900 FCFA en un an. »

— Ava Sekou Diarra, agricultrice de l’AVEC de YIWRA

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Les prêts individuels sont gérés par la femme qui reçoit le prêt. Elle peut l’utiliser pour améliorer les conditions de vie du ménage, comme par exemple en utilisant les fonds pour payer les services de santé au CSCOM ou à centre de sante référence (CSREF), ou prendre en charge les frais de scolarité des enfants.

Au fur et à mesure que les groupes AVEC gagnent en maturité, elles parviennent à augmenter les contributions au revenu du groupe : En plus des cotisations hebdomadaires ou mensuelles habituelles, certains groupes AVEC perçoivent des contributions sur les jardins maraîchers collectifs que les femmes ont initiés, et d’autres sur la vente des récoltes des champs collectifs. Les femmes qui ont engrangé une récolte particulièrement abondante peuvent donner des contributions supplémentaires au groupe sous forme de produits ou de fonds.

À ce jour, les taux de remboursement sont de 100 pourcents. C’est parce que les femmes sont en groupe avec leurs voisins et qu’elles dépendent les unes des autres. Dans les rares cas où une femme n’est pas capable de rembourser son prêt, habituellement son mari fait le remboursement pour elle.

Reconnaissance des AVEC par le gouvernement et les chefs du villageLe gouvernement du Mali soutient les coopératives. Ainsi, le projet USAID/PNH a travaillé avec les AVEC pour les enregistrer formellement comme des coopératives afin qu’elles accèdent aux semences gouvernementales à faible coût et aux engrais organiques (Phosphate Naturel Tilemsi – PNT). Le projet a encouragé la collaboration technique entre les animateurs paisans et les agents du département de l’agriculture, qui peuvent identifier les besoins en semences et en PNT. Les membres AVEC ont appris qu’elles ont jusqu’à Avril/Mai pour exprimer leurs besoins en semences et PNT au collectivité.

À ce jour, les taux de remboursement sont de 100%. En effet, les femmes forment des groupes avec leurs voisines et se font toutes confiance les unes aux autres.

« En tant que groupe de femmes, nous nous soutenons mutuellement pour viser plus haut et obtenir de meilleurs résultats pour nos familles. Nous avons pris des engagements personnels ; nous avons un esprit d’équipe qui nous permet d’aller de l’avant ; nous avons plus confiance en nous-mêmes et nous apprenons et imitons les bonnes pratiques qui permettent à nos familles d’être en bonne santé et plus fortes. »

— AVEC de Tonfa

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Le projet USAID/PNH a constaté que les AVEC peuvent contribuer à renforcer la cohésion sociale au sein du village. Par exemple, un champ collectif appartenant au groupe AVEC constitue une bonne pratique. Le projet généralise ces approches dans les communautés pour qu’elles constatent la valeur de l’AVEC et les avantages des jardins/champs communautaires. En outre, l’AVEC doit renouveler chaque année son contrat avec le chef de village et documenter la façon dont les produits du champ ont été utilisés au profit de la communauté. Finalement, les contributions du champ collectif pourraient permettre d’acheter du matériel de labour qui profiterait à de nombreux membres de l’AVEC, non pas seulement à ceux qui travaillent dans le champ collectif.

RésultatsDans le cadre du volet agriculture du projet, les membres des AVEC ont maintenant accès à des engrais à prix réduit et à un stock de semences de haute qualité qui leur permet de semer beaucoup plus de cultures de meilleure qualité, qu’ils peuvent conserver pour l’alimentation de leurs familles. De plus, les femmes peuvent avoir recours aux emprunts pour emmener leurs enfants au centre de santé pour des soins. D’ici la fin du projet, le projet USAID/PNH aura établi 72 groupes de l’AVEC touchant 4 320 membres dans 70 communautés. Sur ces 72 groupes, 46 ont formé 6 grandes associations créées par le projet. Ensemble, tous les groupes AVEC ont économisé près de 20 000 000 FCFA, dont plus de 30 000 ont été octroyés comme microcrédits aux membres. Les femmes participant aux AVEC initiées par le projet USAID/PNH peuvent réaliser un bénéfice d’environ 100 000 FCFA par an après avoir remboursé les prêts éventuels.

Outre l’accès au crédit, l’introduction des AVEC a permis aux femmes productrices d’échanger leurs expériences et de partager leurs compétences en matière d’accès aux intrants, de laboure des champs et de transformation de légumes riches en nutriments tels que la patate douce à chair orange et le moringa. Ces compétences,

Le projet USAID/PNH a travaillé avec les AVEC pour en réunir plusieurs et les enregistrer officiellement comme des unions afin de leur permettre d’avoir accès à des semences et à des engrais organiques subventionnés par le gouvernement.

Résultats Clés

• 4 320 de membres dans les 72 AVECs

• Sur ces 72 groupes, 46 se sont regroupées en 6 grandes associations avec l’aide du projet.

• Les groupes AVEC ont collectivement épargné près de 20 000 000 FCFA

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partagées par les membres du groupe, visent à accroître la production d’arachides, de soja et de niébé afin d’améliorer l’état nutritionnel des enfants et des femmes et de prévenir tout risque de malnutrition au sein de ces groupes.

Les femmes engagées dans les AVEC se sentent en confiance. Le projet a eu des preuves et a aussi parlé à des femmes qui se sentent de plus en plus autonomes dans leur foyer et en mesure de prendre elles-mêmes des décisions. Ceci est un changement social important. Bien que ce ne soit pas une transformation sociale complète, le processus a été enclenché. Les femmes continuent de travailler dans les champs de leur mari, mais à présent, certains maris donnent des lopins de terre à leurs épouses et leur permettent de gérer librement les récoltes de ces champs. De plus, les époux des membres des AVEC consultent désormais leurs femmes sur les pratiques agricoles, les dépenses de santé et autres décisions du ménage. Dans de rares cas, les femmes ont acquis un plus grand pouvoir d’achat leur permettant d’être relativement indépendantes de leurs époux. Par exemple, certaines femmes ont engagé des gens pour labourer le champ de leur mari plutôt que de le faire elles-mêmes. Participation dans un groupe a amélioré la confiance d’une femme. Dans de nombreux villages, les membres des AVEC ont demandé des terres pour créer un jardin communautaire.

Nouveau focus sur le bien-être familial dans les communautés AVEC. Avant l’arrivée du projet, la plupart des hommes considéraient leurs épouses comme des citoyens de seconde classe juste utiles pour la procréation et les travaux champêtres. Au moment des récoltes, les hommes vendaient les récoltes, mangeaient au marché et en rapportaient très peu à leurs familles. Lorsque les enfants étaient malades, ils rechignaient à payer pour les services de santé. Des membres des AVEC affirment qu’ils peuvent désormais accéder à des fonds pour payer les services essentiels/urgences. Les membres peuvent contracter un prêt pour créer une entreprise, acheter des vêtements, s’assurer des services de santé, éduquer leurs enfants. En outre, les membres des AVEC partagent avec leurs maris les leçons apprises sur l’agriculture, la nutrition et la santé. Cela a aidé les hommes à comprendre qu’elles ont un rôle important à jouer dans le maintien de la santé de leur famille. Dans certains cas, les hommes se tournent vers leurs femmes pour obtenir des conseils afin d’améliorer les rendements agricoles. De plus, lors des réunions villageoises et des visites de supervisions conjointes, les villageois rapportent que les familles conservent une partie de la récolte pour que la famille puisse manger et rester bien nourrie et pour que les maris dépensent moins pour les soins de santé et ils constatent l’impact positif pour leurs familles.

« Bien que nous ne nous sentions pas encore indépendantes pour agir de notre propre chef, nous avons réduit de moitié notre dépendance à l’égard de nos maris. Nous avons de quoi acheter notre savon, les suppléments nutritionnels pour nos enfants, des engrais organiques pour nos champs de légumineuses, la main d’œuvre pour entretenir nos cultures et un soutien financier en cas d’urgence (évacuation ou maladie grave). De plus, notre force en tant que groupe nous a permis d’obtenir et de cultiver un champ collectif. Nous participons également à la vie économique du village en organisant des séances de balayage et en assurant la propreté des lieux publics. Enfin, nous contribuons aux démonstrations nutritionnelles dans le village où nous apprenons comment préparer de la bouillie enrichie pour nos enfants. »

— Membre AVEC de Tonfa

Rencontre AVEC à Bougouni.

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Défis Les membres de l’AVEC n’ont pas toujours été stables. Les filles qui se marient et déménagent dans d’autres villages et celles qui sont décédées ou ont voyagé pendant de longues périodes ont réduit le nombre des membres du groupe. Cela a créé des difficultés dans certains groupes parce que l’adhésion n’était pas suffisante pour permettre de mobiliser assez de cotisations pour satisfaire les besoins des emprunteurs. Le projet a rappelé aux groupes AVEC que leur organe de direction devrait statuer sur comment remplacer les membres qui quittent le groupe.

L’équité en matière d’emprunt. Toutes les femmes paient le même montant de contribution pour mettre en place et développer le fonds de crédit. Pour l’attribution d’un prêt, le montant accordé à l’emprunteur dépend de son pouvoir d’achat et de sa capacité à fructifier le montant reçu. En conséquence, certaines femmes du groupe ne peuvent emprunter que 10 000 francs CFA tandis que d’autres du même groupe peuvent recevoir 25 000 francs CFA. Encore une fois, l’instance dirigeante peut relever ce défi en veillant à ce que les gains financiers soient partagés équitablement au sein du groupe.

Après avoir appris que leurs voisines avaient réussi à créer une à créer une, les femmes du village de Konoko ont décidé de créer leur propre association en avril 2016. Avec l’aide de l’agent de vulgarisation agricole de Sido, 10 femmes ont créé un groupe sous la direction de Mme Maiga et chacune d’elles a contribué à hauteur de 100 FCFA par semaine. Le groupe prévoyait d’utiliser ses économies pour acheter des engrais organiques (PNT). Le animateur paisan de leur village a aidé le groupe à accéder au crédit PNT et elles ont acheté 15 sacs livrés en novembre 2016. Le animateur paisan a déclaré : « Il y a dix ans, l’association de femmes avait tenté d’acheter du PNT mais elle ne pouvait pas se permettre le prix de 60 000 FCFA. Aujourd’hui, les femmes de Konoko sont ravies d’avoir reçu leur livraison pour seulement 10 000 FCFA. Quelle affaire ! » Cette AVEC est fière d’y être parvenue en sept mois à peine.

Les membres de l’AVEC qui participent à des associations comprennent que s’elles participent à des coopératives, elles peuvent bénéficier d’avantages encore meilleurs. Par conséquent, elles envisagent de s’intégrer davantage au sein de coopératives officielles lorsqu’elles pourront rassembler la documentation complexe et les fonds nécessaires pour passer à cette étape suivante.

Les membres de l’AVEC du village de Sedougou N’Tjila ont utilisé une partie de leurs fonds pour creuser des puits profonds dans leur jardin communautaire. Cela a été bénéfique pour les femmes car elles n’avaient plus besoin de transporter de l’eau sur de longues distances pour leur jardin et les puits profonds ne se tariraient pas aussi vite que les puits peu profonds. Ces fonds ont aidé l’ensemble du village qui dispose désormais d’un meilleur accès à des produits riches en nutriments pour nourrir leurs familles.

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La loi malienne exige le renouvellement de l’épargne et du crédit chaque année. Dans un cadre informel de microfinance, la loi malienne exige que les revenus générés par l’activité soient partagés avec les membres à la fin du cycle annuel. L’AVEC doit alors être renouvelé pour éviter de faire concurrence aux structures formelles de microfinance. Les femmes ont du mal à respecter cette exigence légale sans rompre leur cycle. Le projet s’est assuré que les membres comprennent cette exigence légale durant les formations et les suivis des groupes AVEC pendant la durée de vie du projet.

Leçons ApprisesLes groupes AVEC se focalisent sur la nutrition. Dans la plupart des villages ayant des AVEC, les membres participent à d’autres groupements féminins tels que les groupes de soutien de nutrition (GSAN) qui organisent des démonstrations nutritionnelles avec des produits nutritifs et les comités WASH (eau, assainissement et hygiène) créés pour améliorer l’hygiène dans le village. Les groupes AVEC contribuent délibérément aux démonstrations nutritionnelles en apportant du sucre, du lait et des produits cultivés dans les jardins communautaires. A chaque réunion, le leader rappelle aux membres les liens entre les AVEC et la nutrition et encourage chaque membre à adopter le comportement attendu d’une mère sensible aux questions nutritionnelles.

Les AVEC peuvent améliorer les conditions de vie des ménages. À travers les visites de supervisions conjointes et les échanges avec les chefs de villages et les agricultrices qui participent aux activités des AVEC, le projet a constaté que, dans un esprit de cohésion et de compréhension mutuelle, les membres des AVEC se sont souvent entendus pour allouer une part du capital du groupe à des actions visant à améliorer les conditions de vie des ménages. Cela a permis aux familles d’accéder

Le projet a constaté des preuves et parlé à des femmes qui disent éprouver le sentiment de gagner en autonomie dans leur ménage et qui sont de plus en plus capables de prendre des décisions qui les concernent elles-mêmes. C’est un changement social sans précédent.

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aux soins de santé au niveau local ou de se rendre à l’hôpital de référence. Les fonds ont permis d’augmenter les taux de rétention à l’école. Les communautés dotées d’AVEC organisaient plus fréquemment des démonstrations nutritionnelles collectives et ont pu accroitre le taux de couverture vaccinale en couplant les démonstrations nutritionnelles avec les campagnes de vaccination des enfants.

Le gouvernement du Mali considère les AVEC formelles comme des associations officielles. Les membres des groupes AVEC ont pu accéder aux semences de légumineuses et aux engrais organiques (PNT) à faible coût via les canaux gouvernementaux. Les animateurs paysans qui ont servi de conseillers pour les groupes AVEC ont été en mesure de demander des engrais PNT et des semences pour les membres des AVEC auprès des agents des services agricoles. Ce lien a considérablement amélioré l’accès des agricultrices aux semences et aux engrais. Le projet a également investi dans le groupe de plaidoyer des femmes pour aider les différentes AVEC à se regrouper pour former des unions productrices plus importantes qui pourraient potentiellement accroître davantage les chances d’accès aux ressources.

Une AVEC renforce la cohésion sociale dans le village. L’accès des femmes aux terres fertiles est un défi. Le projet a aidé deas animateurs paysans à travailler avec des femmes pour demander des terres auprès des chefs de village. Quand les AVEC ont obtenu des terres, elles les ont cultivées et ont fait bénéficier tout le village des revenus, la cohésion sociale s’est ainsi renforcée. Les hommes ont participé et les femmes ont été célébrées publiquement pour leurs contributions. En fait, le projet a permis de découvrir que les femmes étaient plus susceptibles de créer des AVEC qui n’avaient pas beaucoup d’hommes parce qu’elles craignaient que les hommes tentent de s’accaparer de la prise de décisions ; les femmes se sentaient très capables et fières de prendre leurs propres décisions. En travaillant ensemble l’agriculture (labour, semis, gestion des champs, récolte et transport des récoltes) les femmes pouvaient célébrer ensemble leurs réussites et renforcer leurs liens. Dans de nombreux villages, toutes les femmes non handicapées se sont unies au sein des groupes AVEC.

La règlementation malienne exige que les revenus générés par l’activité soient partagés avec les membres à la fin du cycle annuel. Les femmes membres des AVEC initiées par l’USAID/PNH peuvent réaliser un bénéfice d’environ 100 000 FCFA par an après le remboursement de tous leurs prêts.

Les groupes AVEC contribuent volontiers aux démonstrations nutritionnelles.

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Recommandations Pour le FuturLe projet est allé au-delà de l’aide aux individus pour aider les femmes à créer des associations informelles pouvant accéder aux soutiens gouvernementaux tels que les engrais et les semences. Le projet collabore avec plusieurs groupes de producteurs : les AVEC, agricultrices, maraîchers et groupements de semenciers afin de renforcer leur capacité organisationnelle à s’unir pour devenir de plus grandes coopératives et à être officiellement reconnus par le gouvernement du Mali. Lorsque les groupes forment des coalitions plus grandes et officiellement reconnues par l’État, ils peuvent accéder aux intrants et au support technique à un coût réduit. De plus, en encourageant les producteurs à former des unions des productrices autogérées cela augmente le potentiel de durabilité au-delà de la vie du projet. Le projet a créé et formé des groupes de femmes lobbyistes pour plaider en faveur de la reconnaissance officielle de ces groupes. Dès que les coopératives sont formées, des volontaires du groupe de plaidoyer des femmes les aideront à accéder aux intrants souhaités tels que les semences agricoles, les engrais PNT et les crédits auprès des banques locales et d’autres partenaires techniques et financiers. Ces intrants devraient augmenter les rendements des cultures de soja, d’arachides et de niébé.

Le projet travaille également à organiser les groupes AVEC en groupements communaux (plusieurs groupes AVEC à travers la commune), inter-municipaux (groupements communaux réunis en un au niveau municipal) et enfin de grands groupements au niveau du cercle pouvant devenir une structure officielle. Une fois opérationnels, ces groupes intercommunaux pourraient contribuer à renforcer la lutte contre la malnutrition grâce aux divers services que leurs membres pourraient offrir aux communautés (par exemple, accès facile aux légumes, aux semences, aux légumineuses et aux crédits agricoles).

Les membres d’AVEC rapportent régulièrement, lors des visites de supervision conjointes et des réunions de coordination de village, que l’appartenance à une association AVEC a contribué à améliorer la cohésion sociale des villageois.

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ConclusionLe groupe d’épargne autogéré (tontine) est une ancienne pratique dans la région de Sikasso qui vise à aider ses membres en cas de dépenses imprévues. Mais les tontines étaient généralement ad hoc et apportaient un soutien limité. L’approche AVEC utilisée par l’USAID/PNH a orienté les groupes d’épargne vers un objectif spécifique, l’agriculture sensible à la nutrition, et a mis en place une structure avec des règles de gestion de l’association. L’objectif de lutte contre la malnutrition a donné une mission supplémentaire aux membres. Des efforts du projet visant à créer des Unions de Productrices de Légumineuses pour permettre aux femmes d’avoir accès à des ressources gouvernementales supplémentaires généralement réservées aux structures officiellement reconnues sont en cours et, avec le soutien des municipalités, ces unions sont encouragées à former des fédérations (coopératives formelles) afin que les femmes qui y sont engagées continuent de prospérer.

La composante AVEC du projet a très bien réussi à permettre aux femmes d’avoir accès au crédit pour pouvoir prendre leurs propres décisions visant à garder leurs familles en bonne santé et prospères. Les femmes ont accès au crédit pour démarrer de petites activités génératrices de revenus pour atténuer les pressions financières exercées sur toute la famille. Les membres des AVEC signalent régulièrement lors des visites de supervisions conjointes et des réunions de coordination de village, qu’être dans une AVEC a contribué à améliorer la cohésion sociale des villageois. Les AVEC contribuent aux démonstrations nutritionnelles dans la communauté et aident les membres qui sont dans le besoin. Elles sont un canal utile pour partager de nouvelles informations et les membres participent aux activités du village telles que les démonstrations culinaires et l’assainissement. Comme l’a dit un membre : « L’AVEC nous donne la possibilité de fonctionner comme nous le souhaitons et nous permet de satisfaire nos besoins quotidiens. »

« L’AVEC nous donne la possibilité de fonctionner à notre guise et de répondre à nos besoins quotidiens. »

— Membre d’une AVEC

C’EST QUOI USAID/PNH?Le Projet Nutrition et Hygiène (PNH) financé par l’USAID et géré par Save the Children en partenariat avec SNV vise à améliorer l’état nutritionnel des femmes enceintes et allaitantes et des enfants de moins de deux ans dans six districts sanitaires de la région de Sikasso au Mali. C’est l’une des régions à grande productivité agricole, un centre commercial et

l’une des plus peuplées du Mali. Sur six ans, le projet a atteint plus de 10 000 femmes enceintes et allaitantes et plus de 50 000 enfants de moins de 2 ans avec un paquet complet d’interventions.

L’élaboration de cette note a été possible grâce au soutien généreux du peuple américain par le biais du Bureau pour les questions de santé mondiale de l’Agence américaine pour le développement international (USAID), selon les termes de l’Accord de coopération N° AID-688-A-13-00004. Le contenu de la présente note relève de la responsabilité de Save the Children et ne reflète pas nécessairement les vues de l’USAID ou du gouvernement des États-Unis.

Pour plus d’informations, contacter : Projet PNH, Save the Children, Village CAN Rue 356 Porte 123 Wayerma, Sikasso

Bamako

Mali

SIKASSO

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ASSOCIATIONS VILLAGEOISES D’ÉPARGNE ET DE CRÉDITLe volet AVEC du projet a très bien réussi à permettre aux femmes d’avoir accès au crédit afin qu’elles puissent prendre leurs propres décisions pour que leur famille soit en bonne santé et prospère. Les femmes ont accès au crédit pour démarrer de petites activités génératrices de revenus qui contribuent à atténuer les pressions financières sur toute la famille et améliorent les résultats en matière de nutrition.