15
Atteintes centrales de l’audition T. Mom, A. Bascoul, L. Gilain, P. Avan Les atteintes centrales de l’audition regroupent d’une part les surdités centrales dues à des lésions cortico- sous-corticales, donnant des tableaux sémiologiques anciennement connus (surdité verbale, surdité corticale et agnosie auditive), et d’autre part des troubles auditifs moins marqués et d’identification plus récente, tels que certains retards d’apprentissage de l’enfant, certaines surdités de l’adulte contrastant avec des seuils auditifs périphériques dans les limites de la normale (obscure auditive dysfunction) et certaines presbyacousies à participation centrale. Une atteinte génétique centrale de l’audition, très fréquente, est représentée par l’amusie congénitale. Ces atteintes sont de diagnostic difficile et nécessitent, pour être détectées, des tests subjectifs et électrophysiologiques spécifiques. Le diagnostic de ces atteintes centrales de l’audition est pourtant important à effectuer pour améliorer la prise en charge des personnes atteintes, en particulier chez l’enfant en pleine période d’apprentissage. Les étiologies sont très nombreuses, comprenant les atteintes génétiques, ischémiques, hémorragiques, tumorales, infectieuses, dégénératives et iatrogènes (essentiellement chirurgicales et radiochirurgicales). Certaines causes chez l’enfant ne sont pas « statiques » mais en rapport avec une désynchronisation de la maturation des voies auditives. L’imagerie fonctionnelle (imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, magnétoencéphalographie, tomographie à émission de positons) est prometteuse mais d’application clinique encore limitée. © 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Surdité ; Voies auditives centrales ; Retard de langage ; Électrophysiologie ; Explorations fonctionnelles ; Audiométrie ; Neuropathie auditive ; CAPD Plan Introduction 1 Séméiologie 2 Surdité verbale 2 Agnosie auditive 2 Surdité corticale 2 Hémianacousie 2 Amusie 2 Tests auditifs 3 Tests subjectifs 3 Tests objectifs 4 Techniques d’exploration du futur 8 Étiologies et formes cliniques 8 Des NA-DA, NA-DS à des atteintes plus centrales, voire aux central auditory processing disorders ? 8 CAPD 10 Presbyacousie à participation centrale 11 Démences 11 Dysfonction auditive obscure (obscure auditory dysfunction) 11 Formes cliniques moins fréquentes 11 Conclusion 12 Introduction Sous la dénomination « atteintes centrales de l’audition », on regroupe les syndromes comportant une altération de l’audition non imputable à la défaillance de la fonction auditive périphé- rique. Par analogie avec les déficits neurologiques de la plupart des nerfs crâniens, on pourrait appeler ainsi toute lésion des voies auditives siégeant au-delà du noyau cochléaire dans le système nerveux central (la description des voies auditives centrales a été revue dans un autre article de cette encyclopé- die [1] ). Pour l’Association américaine de l’audition du langage et de la parole (American Speech-Language-Hearing Association [ASHA]) [2] , les processus centraux de l’audition sont les méca- nismes et procédés centraux qui permettent les phénomènes comportementaux suivants : localisation et latéralisation des sons ; reconnaissance du type de signal auditif ; aspects tempo- rels de l’audition (résolution temporelle, masking temporel, intégration temporelle, agencement temporel) ; audition de signaux simultanés ; audition possible de signaux acoustiques dégradés. L’atteinte centrale de l’audition est reconnue par l’altération de l’un au moins des phénomènes comportemen- taux précédents. Chez l’enfant présentant des difficultés d’apprentissage, le diagnostic de trouble central de l’audition ne doit pas être méconnu afin de pouvoir prendre les mesures adéquates pour limiter au maximum le retard d’apprentissage [3, 4] . Aux États-Unis, environ la moitié des spécialistes en audio- métrie confrontés à des retards d’apprentissage chez l’enfant effectuent des tests auditifs spécifiques visant à dévoiler une éventuelle atteinte des voies auditives centrales [5] . Il est vraisemblable que cette proportion soit inférieure en France. Notons ici que les tests d’audiométrie à visée centrale chez l’enfant sont difficiles à réaliser et que le diagnostic de trouble central de l’audition peut facilement être porté à tort [6] . Chez 20-184-A-10 1 Oto-rhino-laryngologie © 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Atteintes Centrales de l'Audition

Embed Size (px)

DESCRIPTION

Auditie

Citation preview

Page 1: Atteintes Centrales de l'Audition

Atteintes centrales de l’audition

T. Mom, A. Bascoul, L. Gilain, P. Avan

Les atteintes centrales de l’audition regroupent d’une part les surdités centrales dues à des lésions cortico-sous-corticales, donnant des tableaux sémiologiques anciennement connus (surdité verbale, surditécorticale et agnosie auditive), et d’autre part des troubles auditifs moins marqués et d’identification plusrécente, tels que certains retards d’apprentissage de l’enfant, certaines surdités de l’adulte contrastantavec des seuils auditifs périphériques dans les limites de la normale (obscure auditive dysfunction) etcertaines presbyacousies à participation centrale. Une atteinte génétique centrale de l’audition, trèsfréquente, est représentée par l’amusie congénitale. Ces atteintes sont de diagnostic difficile etnécessitent, pour être détectées, des tests subjectifs et électrophysiologiques spécifiques. Le diagnostic deces atteintes centrales de l’audition est pourtant important à effectuer pour améliorer la prise en chargedes personnes atteintes, en particulier chez l’enfant en pleine période d’apprentissage. Les étiologies sonttrès nombreuses, comprenant les atteintes génétiques, ischémiques, hémorragiques, tumorales,infectieuses, dégénératives et iatrogènes (essentiellement chirurgicales et radiochirurgicales). Certainescauses chez l’enfant ne sont pas « statiques » mais en rapport avec une désynchronisation de lamaturation des voies auditives. L’imagerie fonctionnelle (imagerie par résonance magnétiquefonctionnelle, magnétoencéphalographie, tomographie à émission de positons) est prometteuse maisd’application clinique encore limitée.© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Surdité ; Voies auditives centrales ; Retard de langage ; Électrophysiologie ;Explorations fonctionnelles ; Audiométrie ; Neuropathie auditive ; CAPD

Plan

¶ Introduction 1

¶ Séméiologie 2Surdité verbale 2Agnosie auditive 2Surdité corticale 2Hémianacousie 2Amusie 2

¶ Tests auditifs 3Tests subjectifs 3Tests objectifs 4

¶ Techniques d’exploration du futur 8

¶ Étiologies et formes cliniques 8Des NA-DA, NA-DS à des atteintes plus centrales,voire aux central auditory processing disorders ? 8CAPD 10Presbyacousie à participation centrale 11Démences 11Dysfonction auditive obscure (obscure auditory dysfunction) 11Formes cliniques moins fréquentes 11

¶ Conclusion 12

■ IntroductionSous la dénomination « atteintes centrales de l’audition », on

regroupe les syndromes comportant une altération de l’audition

non imputable à la défaillance de la fonction auditive périphé-rique. Par analogie avec les déficits neurologiques de la plupartdes nerfs crâniens, on pourrait appeler ainsi toute lésion desvoies auditives siégeant au-delà du noyau cochléaire dans lesystème nerveux central (la description des voies auditivescentrales a été revue dans un autre article de cette encyclopé-die [1]). Pour l’Association américaine de l’audition du langageet de la parole (American Speech-Language-Hearing Association[ASHA]) [2], les processus centraux de l’audition sont les méca-nismes et procédés centraux qui permettent les phénomènescomportementaux suivants : localisation et latéralisation dessons ; reconnaissance du type de signal auditif ; aspects tempo-rels de l’audition (résolution temporelle, masking temporel,intégration temporelle, agencement temporel) ; audition designaux simultanés ; audition possible de signaux acoustiquesdégradés. L’atteinte centrale de l’audition est reconnue parl’altération de l’un au moins des phénomènes comportemen-taux précédents. Chez l’enfant présentant des difficultésd’apprentissage, le diagnostic de trouble central de l’audition nedoit pas être méconnu afin de pouvoir prendre les mesuresadéquates pour limiter au maximum le retard d’apprentissage [3,

4]. Aux États-Unis, environ la moitié des spécialistes en audio-métrie confrontés à des retards d’apprentissage chez l’enfanteffectuent des tests auditifs spécifiques visant à dévoiler uneéventuelle atteinte des voies auditives centrales [5]. Il estvraisemblable que cette proportion soit inférieure en France.Notons ici que les tests d’audiométrie à visée centrale chezl’enfant sont difficiles à réaliser et que le diagnostic de troublecentral de l’audition peut facilement être porté à tort [6]. Chez

¶ 20-184-A-10

1Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 2: Atteintes Centrales de l'Audition

l’enfant, il a été décrit de plus une agnosie verbale qui pourraitcorrespondre à un syndrome différent des atteintes del’adulte [7].

Les premiers cas rapportés de surdité centrale datent de la findu XIXe siècle. En 1885, Lichteim [8] définit la surdité verbale(word deafness), reconnue peu de temps auparavant par Kuss-maul [9] comme une affection neurologique rare caractérisée parun défaut de compréhension du langage parlé avec impossibilitéde répéter ou d’écrire sous la dictée les mots entendus, alors quela parole spontanée, la lecture et l’écriture sont conservées [10].Cette affection peut ainsi se différencier de l’aphasie transcorti-cale sensorielle (où la répétition est possible), et de l’aphasiesensitive de Wernicke où il existe une atteinte de la lecture, del’écriture et de l’expression orale (logorrhée dépourvue desens) [10]. En 1891, Freud définissait l’agnosie auditive enrapportant l’observation d’un patient aveugle éprouvant desdifficultés à reconnaître son médecin à la voix [11]. À ces deuxentités s’ajoute la surdité corticale dans laquelle les patients sontsourds alors que les tests auditifs objectifs innocentent cochléeet voies auditives périphériques. Si l’on ne considère que cessurdités centrales cortico-sous-corticales, moins d’une centainede cas ont été rapportés à ce jour ; c’est dire la rareté de cesaffections [12]. La distinction entre ces différentes atteintescentrales de l’audition est rendue difficile par le fait qu’ellessont souvent associées à des degrés divers [10]. Par ailleurs, il estcertain que des désordres auditifs centraux, moins prononcés,coexistent avec d’autres troubles cognitifs. D’autres atteintescentrales plus discrètes sont plus souvent rencontrées par lepraticien oto-rhino-laryngologiste (ORL) en pratique quoti-dienne. L’une d’elles est représentée par les personnes âgéesatteintes de presbyacousie dont l’intelligibilité vocale est trèsdétériorée. On sait que dans ces cas, l’aide auditive externe,essentiellement amplificatrice des sons, a une efficacité limitée,probablement du fait de l’atteinte des voies centrales del’audition [13]. En cas de démence également, les troublesauditifs centraux s’associent à d’autres troubles cognitifs [14, 15].Dans les démences, l’atteinte auditive est bien sûr plus difficileà analyser. Une atteinte très fréquente, touchant des personnesjeunes est représentée par l’amusie congénitale. Les personnesen souffrant n’ont qu’un trouble de reconnaissance mélodiquede la musique, sans autres symptômes associés. Quatre pourcent de la population serait atteinte [16]. Chez l’enfant, unealtération des voies auditives centrales peut se rencontrer sil’audition périphérique est perturbée pendant une périodecritique, le plus souvent avant 6 ans. Ainsi, beaucoup d’enfantsayant eu dans leurs premières années de vie une altérationdurable de la fonction auditive (otite séromuqueuse non traitéepar exemple) ont par la suite des troubles plus ou moinsmarqués de l’audition, même après guérison du trouble péri-phérique, regroupés sous le sigle CAPD des Anglo-Saxons(central auditory processing disorders). Une personne est suscepti-ble de faire partie du groupe des CAPD en cas d’altérationauditive en dehors de toute lésion périphérique de l’audition.Par déduction ces personnes atteintes de CAPD ont une altéra-tion des voies auditives centrales. Ceci a été clairement établichez l’enfant [17]. Les atteintes dégénératives telles que lasclérose en plaques par exemple n’épargnent pas non plus lesvoies centrales de l’audition [18].

En pratique clinique, une atteinte des voies auditives centra-les doit être suspectée chez l’adulte ou le grand enfant en casde discordance entre les plaintes du patient et les résultats del’audiométrie tonale et vocale habituellement prescrite. Ainsi, lediagnostic d’une atteinte centrale de l’audition nécessite uneétude sémiologique rigoureuse, par la réalisation de testsaudiologiques, tout d’abord usuels, tels que l’audiométrie tonaleet vocale, dans le silence et dans le bruit, et des examenscomplémentaires qui sondent la fonction cochléaire (potentielscochléaires, otoémissions acoustiques [OEA]), les voies périphé-riques auditives rétrocochléaires (potentiels évoqués auditifs[PEA] précoces du tronc cérébral [PEATC]) et enfin les voiescentrales (tests d’audiométrie subjective spécifiques, PEA semi-précoces [PEASP] et tardifs). Des techniques plus récentes,

souvent couplées à l’imagerie, peuvent maintenant être utiliséespour analyser la fonction auditive centrale. La tomographie parémission à positons (TEP), la magnétoencéphalographie etl’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) sonttrès prometteuses, bien qu’utilisées pour l’instant dans quelquescentres seulement.

■ Séméiologie

Surdité verbale

Elle se définit par l’impossibilité de reconnaître les motsentendus. Le sujet garde la possibilité de parole spontanée, quiest sensée et compréhensible. L’écriture et la lecture sontconservées, mais la répétition des mots ou l’écriture sous ladictée est impossible. La surdité verbale est souvent qualifiée depure pour insister sur la prédominance du trouble de la com-préhension des mots. Cependant, Buchman et al. [10] ontmontré que la surdité verbale était très souvent associée à desdegrés divers à d’autres dysfonctions centrales de l’audition. Lasurdité verbale est due à des atteintes bilatérales du cortextemporal.

Agnosie auditive

On désigne par ce terme l’impossibilité pour le sujet dereconnaître les sons et bruits environnants. Ainsi, par exemple,le sujet ne reconnaît pas le bruit de l’aspirateur ou un son decloche. Néanmoins, les sons sont perçus. L’agnosie auditive estdue à des lésions cortico-sous-corticales bilatérales (infarctus descapsules externes s’étendant jusqu’aux radiations acoustiques,ou infarctus des corps genouillés internes par exemple).

Surdité corticale

Une personne atteinte de surdité corticale ne perçoit plus lesstimuli sonores, quels qu’ils soient. Son attitude, sa voix devien-nent progressivement celles d’un sourd profond. L’atteinte estbilatérale et siège au niveau des radiations auditives.

Hémianacousie

Certains patients peuvent présenter une surdité corticale d’unseul côté. Difficile à diagnostiquer, l’hémianacousie est révéléepar des tests audiologiques subjectifs spécifiques (tel que le testd’écoute dichotique avec compétition) et par l’absence de PEAcorticaux (cf. infra).

Amusie

Le trouble de reconnaissance de la musique est une entitéclinique réelle qui se distingue de l’aphasie, comme le prouventplusieurs cas d’aphasie sans amusie [19-21]. Elle est fréquente ettouche 4 % de la population [16]. Un exemple célèbre d’amusieétait Ernesto Che Guevara. Une faculté reconnue chez lesmusiciens professionnels est de pouvoir entendre intérieurementla musique. Beethoven par exemple, même à la fin de sa vie oùil souffrait d’une surdité profonde d’origine périphérique,« entendait » vraisemblablement la musique qu’il composait [22].À l’inverse, un sujet frappé d’amusie ne peut plus, à des degrésdivers, la reconnaître. Parfois, la musique perd son caractèreplaisant. Ce trouble est isolé, sans lien avec d’autres troublescentraux tels que les difficultés d’acquisition langagière oul’autisme par exemple [16]. L’étiologie est génétique, en rapportavec une combinaison de gènes interagissant entre eux, le toutinfluencé encore par l’environnement. Pour l’instant les gènesen cause ne sont pas identifiés. L’amusie est une entité à partentière, génétique non syndromique et complexe [16]. Le rôleenvironnemental est très important. C’est dans la première

20-184-A-10 ¶ Atteintes centrales de l’audition

2 Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 3: Atteintes Centrales de l'Audition

enfance que se produit l’acculturation musicale. Très tôt,l’enfant est (ou n’est pas) baigné dans un flot musical, parexemple par les berceuses, les chants de la mère ou du père, etc.L’enfant développe alors des attentes très spécifiques, propres àla musique qu’il écoute, expliquant la perception culturellementdifférente de la musique entre groupes ethniques [23, 24]. Lareprésentation musicale centrale s’associe fréquemment àd’autres types de représentations, graphiques ou visuelles(colorées par exemple). On sort ici du domaine de la surdité àproprement parler.

Les trois syndromes découlant d’une atteinte centrale cortico-sous-corticale de l’audition chez l’adulte – la surdité verbale,l’agnosie auditive et la surdité corticale – ne sont pas toujoursfaciles à distinguer. Le Tableau 1 permet de dégager les élémentsdu diagnostic différentiel. À côté de ces tableaux classiques maisrares de surdités centrales existent les autres cas d’atteintescentrales de l’audition donnant des tableaux cliniques moinsmarqués, déjà mentionnés, notamment le groupe des CAPDainsi que les formes de presbyacousie à participation centrale.

Chez l’enfant, le signe d’appel prédominant d’une atteintecentrale de l’audition est un retard d’apprentissage. Toutefois,l’intelligence doit être normale ou subnormale [6], de même quel’audition périphérique. Afin de distinguer les atteintes centralesde l’audition d’autres troubles du système nerveux central, lestests auditifs subjectifs sont pour l’instant indispensables. Cestests, dont les principes vont être rappelés, sont chez l’enfantd’interprétation difficile et il est recommandé de les effectuerplusieurs fois, en prenant soin de stimuler l’attention del’enfant, avant de porter le diagnostic d’atteinte centrale del’audition [6].

■ Tests auditifs

Tests subjectifs

Audiométrie tonale liminaire

Dans les atteintes centrales de l’audition, les seuils auditifsdonnés par l’audiométrie tonale liminaire n’expliquent pastoujours les troubles auditifs. Ainsi par exemple est-il rencontrédes sujets sourds profonds du fait d’une atteinte centrale, avecprosodie typique d’une surdité profonde, alors que les seuilsauditifs périphériques sont dans les limites de la normale [25]. Cen’est que dans la surdité corticale que les seuils tonals sonteffondrés (Tableau 1). On peut également constater une courbeen pente descendante sur les fréquences aiguës évocatrice depresbyacousie chez le sujet âgé sans pour autant que l’atteintepériphérique de l’audition soit suffisante pour expliquer lestroubles auditifs constatés. L’audiométrie tonale liminairen’utilisant que des sons purs comme stimuli est inadéquate

pour tester les fonctions auditives supérieures d’intégration dessons, c’est-à-dire pour tester les performances psychoacoustiquesd’un individu.

Audiométrie vocale

L’audiométrie vocale permet de préciser la capacité du sujetà répéter correctement des mots présentés à l’oreille à desintensités données. En cas de surdité centrale, l’audiométrievocale est dégradée. Mais comme elle l’est aussi dans les surditésneurosensorielles périphériques, le diagnostic n’est pas aisé à cestade. Deux éléments, bien que non spécifiques, doivent attirerl’attention : la discordance entre les seuils d’intelligibilité etceux attendus d’après les données de l’audiométrie tonale [13]

ainsi que l’altération souvent très marquée de la forme de lacourbe vocale (aplatie). L’audiométrie vocale est facilementeffectuée en routine et reste un examen très utile pour suspecterun trouble central de l’audition. L’audiométrie vocale utilise deslistes établies de longue date. Plusieurs types de listes sontdisponibles. En France nous utilisons souvent les listes de motsbissyllabiques. Ici ces listes prennent toute leur valeur, car leurcompréhension fait intervenir assez fortement l’intégrationcentrale. Les listes monosyllabiques, très utiles pour testerl’apport d’une aide auditive (aide auditive externe ou implantéecomme l’implant cochléaire), font très peu appel aux fonctionsauditives centrales. À l’extrême, des listes de mots dénués desens (logatomes) ne testent quasiment que la fonction auditivepériphérique.

Tests audiométriques spécifiques visant à détecterl’atteinte centrale des voies auditives

Ces tests subjectifs sont indispensables à l’établissementformel du diagnostic. En France, ils sont exceptionnellementeffectués par des ORL. C’est en effet plutôt les neurologues,psychiatres et psychologues qui ont développé la psychoacous-tique. Le but de ces tests est non seulement de mettre enévidence l’atteinte auditive centrale mais aussi de préciser sontype et, par suite, la localisation de l’atteinte centrale. Ces testssont parfois délicats à interpréter et la surdité centrale peut êtredifficile à distinguer d’une altération périphérique de l’auditioncar le seuil de détection du signal, par exemple par audiométrietonale liminaire, supraliminaire, ou audiométrie automatique,peut être difficile à mesurer, essentiellement à cause d’unmanque d’attention [6, 26]. De nombreux tests ont été décrits.Nous n’en mentionnons ici que quelques-uns parmi les plusutilisés.

Test d’écoute dichotique

Le principe de ce test est de faire écouter au sujet un stimulusauditif de même intensité et de durée dans chaque oreille. Cetest peut se faire avec plusieurs types de stimuli (sons purs,mots, stimuli musicaux, etc.). On peut faire également écouterdes phrases synthétiques qui doivent être reconnues par le sujetdans une liste de dix phrases écrites, alors que l’on adressesimultanément à l’oreille controlatérale une phrase différente,« compétitive ». Normalement, les deux stimuli doivent êtreperçus. En cas d’atteinte centrale des voies auditives, l’atteintesiège du côté opposé à l’oreille « éteinte », du fait de la prédo-minance des fibres croisées (Fig. 1). Dans l’hémianacousie deMichel [28], l’extinction d’une oreille au test dichotique estassociée à l’abolition des PEA corticaux controlatéraux. En casde stimulus auditif verbal, l’extinction de l’oreille gauche peutêtre due à l’altération du corps calleux par où passent les voiescroisées depuis les aires auditives droites jusqu’au centre dulangage [12] (Fig. 1). Les tests dichotiques sont ainsi trèsintéressants pour dépister les atteintes corticales et commissura-les interhémisphériques.

Tests d’interaction binaurale

Ces tests furent élaborés pour évaluer la possibilité par lesystème nerveux central de reconnaître un phénomène sonore

Tableau 1.Différences sémiologiques entre les trois grands types de surdité centralecortico-sous-corticale (adapté d’après [10]).

Surditéverbale

Agnosieauditive

Surditécorticale

Compréhensionde la parole

Altérée Altérée Altérée

Répétition de la parole Altérée Altérée Altérée

Reconnaissancedes stimuli auditifsnon linguistiques

Non altérée Altérée Altérée

Seuils auditifs tonaux Non altérés Non altérés Altérés

Parole spontanée Non altérée Non altérée Non altérée

Compréhensionde la lecture

Non altérée Non altérée Non altérée

Langage écrit Non altéré Non altéré Non altéré

Atteintes centrales de l’audition ¶ 20-184-A-10

3Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 4: Atteintes Centrales de l'Audition

à partir de deux stimulations disparates, non identifiablesisolément, adressées chacune à une oreille différente. Parexemple, le test de fusion binaurale utilise fréquemment unephrase filtrée par un filtre passe-haut d’un côté et passe-bas del’autre. La fusion des deux stimulations différentes s’effectueraitdans le tronc cérébral, puisque ce test n’est pas altéré par deslésions cérébrales [29]. Toutefois, la perturbation de ce test estinconstante en cas d’atteinte du tronc cérébral, ce qui le rendmoyennement utile pour la localisation de l’atteintecentrale [30].

Tests spécifiques du caractère temporel du signal auditif

Certains sujets porteurs de lésions temporales n’arrivent pasà comparer l’agencement dans le temps de deux séries destimulations sonores. Ils sont par exemple incapables d’indiquer,après avoir écouté successivement deux séries de clics identiquesà un clic près, l’emplacement du signal différent dans laseconde série écoutée [31]. Dans certains cas de lésions tempora-les bilatérales, les sujets ne peuvent pas distinguer la séquencetemporelle de deux stimulations auditives, tout en restantcapables de percevoir les différences d’intensité et de fré-quence [32]. Des lésions unilatérales des aires auditives tempora-les peuvent être responsables de l’incapacité à discriminer lerythme de stimulations sonores controlatérales [33]. Dans le testde reconnaissance de l’agencement fréquentiel, on demande ausujet de décrire la séquence du signal composite qui leur estdélivré : aigu-grave-aigu, grave-aigu-aigu, etc. En cas d’altérationde la parole, la personne testée peut soit siffler, soit décrire par

geste la séquence entendue [27]. Ce test est très sensible pourdépister les lésions cérébrales. Toutefois, environ 12 % des sujetsayant une surdité endocochléaire auraient un test de reconnais-sance de l’agencement fréquentiel altéré [34]. Le même type detest peut être effectué en jouant sur la durée du signal délivré.On peut ainsi faire écouter au sujet testé différentes séquencesde bouffées tonales de différentes durées (longue-longue-courte,longue-courte-longue, etc.). Là encore, ce test est très sensible encas de lésion cérébrale et détecterait des lésions de localisationsdifférentes du test précédent [35].

Tests monauraux à stimuli dégradés

Ces tests utilisent des stimulations verbales dégradées sur leplan acoustique en agissant électroacoustiquement sur lafréquence, les caractéristiques temporelles ou l’intensité dusignal primitif. Ainsi, on peut faire écouter des phrases défor-mées par des filtres passe-haut ou passe-bas (parole filtrée). Lareconnaissance du signal dégradé est moins bonne en cas delésion temporale, dans l’oreille controlatérale [27]. Le signalverbal peut être compressé dans le temps, par exemple paraccélération de la bande sonore. Les tests de compressiontemporelle n’auraient qu’une sensibilité modérée pour détecterles lésions du lobe temporal [27]. Le stimulus verbal peut êtreaussi adressé à l’oreille simultanément avec un bruit blancipsilatéral. Il est alors noté des difficultés de reconnaissance dusignal en cas d’atteinte centrale, que ce soit du tronc cérébral oudu lobe temporal controlatéral. Ce test n’a donc pas de valeurlocalisatrice. On peut également demander au sujet de recon-naître une phrase synthétique (d’une liste de dix phrasesprédéterminées comme dans le test dichotique avec messagecompétitif) lorsqu’elle est présentée à l’oreille en même tempsqu’un autre message (synthetic sentence identification withipsilateral competiting message [SSI-ICM] de Jerger et Jerger [36]).Le SSI-ICM est très sensible pour détecter les lésions du tronccérébral.

Pour explorer les fonctions auditives centrales de manièresuffisamment spécifique, les Américains ont mis au point unestratégie d’utilisation de tests de l’audition visant à détecter uneatteinte centrale. Se basant sur l’ASHA, Demanez et al. ont misau point une batterie de tests en français utilisable chez lemême type de patient. Il s’agit du bilan auditif central [BAC]dont on ne peut que recommander l’utilisation [37]. Trèsbrièvement, le BAC comporte quatre groupes de tests psychoa-coustiques : un test de reconnaissance vocale dans le bruit, untest dichotique, un test d’analyse temporelle du signal auditif etun test d’interaction binaurale. Les tests de décodage phonéti-que dans le bruit consistent à présenter des sons complexes àfaible redondance (listes de Lafon) en monaural mélangés à dubruit. Ce premier test est sensible aux lésions du tronc cérébralet du cortex. Les tests dichotiques mettent à l’épreuve l’intégra-tion ou la séparation binaurale (selon l’instruction donnée aupatient). Ils permettent d’éventuellement détecter des lésions dutronc cérébral, du cortex ou des voies de transfert interhémis-phériques. On mesure aussi la capacité d’un sujet à discriminerdes configurations temporelles, capacité qui est sensible à deslésions cérébrales et interhémisphériques. Enfin, des testsd’interaction binaurale sont praticables sous forme de la mesuredes masking level differences (MLD), dite encore « binauralsquelch » (test de Hirsh), survenant lorsque des indices binau-raux permettent de séparer spatialement une source de signal etune source de bruit localisées à des endroits différents. Cesderniers tests sont sensibles à des lésions de la partie basse dutronc cérébral, là où s’effectue la comparaison des informationsen provenance des deux oreilles.

Tests objectifs

Otoémissions acoustiques [OEA]

Ce n’est pas l’objet de ce chapitre que de rappeler la physio-logie ni la physiopathologie des OEA. Le lecteur intéressé peutse reporter au chapitre correspondant de l’EMC [38] ou à

14

4

5

3

1

7

8

9

6

10

11

12

13

2

Figure 1. Schéma des voies auditives intracrâniennes (d’après [27],modifié). 1. Corps calleux ; 2. corps genouillé ; 3. commissure des colli-culus inférieurs ; 4. commissure de Probst ; 5. complexe olivaire supé-rieur ; 6. corps trapézoïde ; 7. cortex auditif ; 8. corps genouillé interne ;9. colliculus inférieur ; 10. formation réticulée ; 11. noyau du lemnisquelatéral ; 12. noyau cochléaire dorsal ; 13. noyau cochléaire ventral ;14. nerf acoustique.

20-184-A-10 ¶ Atteintes centrales de l’audition

4 Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 5: Atteintes Centrales de l'Audition

l’ouvrage de Moulin et Collet [39]. Il suffit de se souvenir que lesOEA sont des signaux acoustiques engendrés par l’activitévibratoire des cellules ciliées externes de la cochlée et enregis-trables dans le conduit auditif externe. La source des OEA estdonc en amont de l’étape de transduction qui transformel’énergie acoustique en influx nerveux dans le nerf auditif. Leurnormalité en cas de surdité démontre objectivement que lasurdité a pour origine l’une des étapes de traitement de l’infor-mation postérieures à celle effectuée par les cellules ciliéesexternes : cellules ciliées internes, ganglion spiral, neuronesauditifs, tronc cérébral et autres voies et centres peuvent êtresoupçonnés. La présence d’OEA en cas de surdité est donc unélément précieux de diagnostic différentiel.

L’absence d’OEA est plus difficile à interpréter pour plusieursraisons. Tout d’abord, une presbyacousie anodine peut suffire àexpliquer une telle absence, car il suffit d’une baisse de sensibi-lité cochléaire de 30 dB au-dessus de 1 kHz pour faire disparaîtreles OEA, indicateurs très sensibles. Rien n’interdit à unepathologie centrale de coexister avec une pathologie aussibanale et fréquente, et l’absence d’OEA n’élimine donc aucune-ment une atteinte des voies auditives centrales. Deuxièmement,la cochlée reçoit une vascularisation terminale par l’artèrelabyrinthique, branche de l’artère cérébelleuse antéro-inférieure,et une tumeur du tronc cérébral ou un neurinome peuvent lacomprimer suffisamment pour compromettre le fonctionne-ment des cellules ciliées externes, faisant ainsi disparaîtresecondairement les OEA. Ce piège des OEA chez l’adulte estbien connu.

Nous avons parlé jusqu’à présent des OEA de base. Il fautsavoir que les OEA sont modulables par des actions centralesvéhiculées jusqu’à la base des cellules ciliées externes par lefaisceau efférent olivocochléaire médian. Ce faisceau étantbilatéral, il est aisé de tester la modulation des OEA d’un côtéen activant les efférents par un son controlatéral [39]. Typique-ment, la modulation normale correspond à une diminutiond’amplitude des OEA de l’ordre de 1 dB, et elle doit disparaîtreen cas d’interruption du faisceau efférent olivocochléairemédian. Ce faisceau est également sous la dépendance de voiesdescendantes originaires du cortex lui-même [40] ; il a donc lepotentiel de répondre à des atteintes pathologiques centralesassez variées. La détermination de la physiologie du systèmecomplet est en cours, ce qui pourrait ouvrir des perspectivesnouvelles de diagnostic de certains dysfonctionnements cen-traux (l’autisme a ainsi été abordé récemment avec succès, ainsique les séquelles de chirurgie du lobe temporal) [41].

Réflexe acoustique des muscles de l’oreillemoyenne (réflexe stapédien)

La contraction réflexe des muscles de l’oreille moyenne (enfait essentiellement le muscle stapédien chez l’homme), déclen-chée lorsqu’un son assez fort parvient à l’une ou l’autre desoreilles, entraîne un changement d’impédance de l’oreilledétectable au moyen d’un impédancemètre [42]. Sa détectionpermet d’évaluer le fonctionnement d’une chaîne d’éléments dusystème auditif (oreille moyenne stimulée, cochlée, nerf auditif,tronc cérébral, nerf facial et oreille moyenne du côté enregistré),d’où son intérêt dans l’exploration de la partie basse du tronccérébral. L’absence de réflexe détectable peut être en effet due,entre autres, à une lésion directe ou une compression des voiesnerveuses du réflexe qui cheminent au niveau du tronc cérébral,au voisinage du noyau du nerf facial et non loin du complexeolivaire supérieur [43].

Les enregistrements controlatéraux à l’oreille stimuléepermettent d’étudier les voies croisées du réflexe, qui ont uneorganisation neuronale et un trajet plus complexes que les voiesdirectes (Fig. 2). Il est important d’étudier aussi les voies directespar l’enregistrement du réflexe ipsilatéral à l’oreille stimulée, carla comparaison entre réponses directes et croisées peut aider àlocaliser finement une éventuelle anomalie [44]. Par exemple,l’absence bilatérale de réflexe acoustique controlatéral, malgré laprésence bilatérale de réflexe acoustique ipsilatéral, oriente versl’existence d’une anomalie intra-axiale au niveau des voies du

réflexe dans le tronc cérébral (Fig. 2). Les autres configurationssont discutées selon la même logique. Ces considérations,jointes à la simplicité technique de l’examen impédancemétri-que, plaident donc pour l’utilisation systématique de la recher-che du réflexe des muscles de l’oreille moyenne dans le biland’une possible atteinte des voies du tronc cérébral.

Potentiels évoqués auditifs

Les caractères généraux des PEA doivent maintenant êtrebrièvement rappelés, dans ce qu’ils apportent au diagnosticd’atteintes auditives centrales. Des renseignements plus com-plets sont trouvés dans le chapitre correspondant de l’EMC [38]

ou dans l’ouvrage de P. Avan [45].Les PEA évoqués dérivent tous d’un même principe de base,

l’électroencéphalographie [46]. Les techniques d’enregistrementdifférencient les réponses obtenues en potentiels précoces, semi-précoces et tardifs dans l’ordre chronologique après le stimulus(Fig. 3) [47], traduisant le fonctionnement de voies auditives deplus en plus centrales. Il est essentiel de toujours garder enmémoire que les techniques d’enregistrement sont toutes baséessur le principe d’un moyennage synchrone : elles permettentuniquement de détecter les activités neuronales synchronesd’un stimulus. L’absence de réponse détectable veut donc diresoit l’absence de réponse unitaire (susceptible de résulter en unesurdité), soit l’absence de synchronisme (susceptible soit deproduire des troubles de traitement de l’information acoustiquesans perte de sensibilité, soit de passer purement et simplementinaperçue). Pour insister encore, soulignons que certainespopulations neuronales au sein de noyaux auditifs peuventintrinsèquement, bien qu’étant normales, ne pas donner lieu àdes réponses bien synchronisées vis-à-vis du stimulus, ceci étantparticulièrement vrai au niveau des régions les plus centra-les [48]. D’emblée, on peut prédire que les PEA ne seront jamaisune méthode appropriée à l’exploration de telles structures, etpourtant elles jouent un rôle important dans la perception dessons complexes. De telles limitations vont beaucoup restreindrel’ambition de ceux qui interprètent les résultats des testsobjectifs à la recherche d’atteintes des voies auditives centrales.

Stimulation OGStimulation OGStimulation ODStimulation OD

Réflexion OG = +Réflexion OD = -Réflexion OD = +Réflexion OG = -

Étrier

MS

Cochlée

N VII

NCV

COS

VIII

Figure 2. Schéma des voies nerveuses impliquées dans le réflexe acous-tique du muscle de l’étrier. La voie directe ipsilatérale est représentée entraits fins de chaque côté, la voie croisée implique un relais supplémentaireau niveau du COS opposé à la cochlée stimulée (traits gras). La zone griséeau milieu est une tumeur intra-axiale (axe en pointillés). À chaque fois quele chemin suivi passe par la tumeur, le réflexe est absent. Seules les deuxvoies croisées sont perturbées dans cet exemple. NCV : noyau cochléaireventral ; COS : complexe olivaire supérieur ; N VII : noyau du facial ;VIII : nerf acoustique ; MS : muscle stapédien ; OD : oreille droite ;OG : oreille gauche.

Atteintes centrales de l’audition ¶ 20-184-A-10

5Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 6: Atteintes Centrales de l'Audition

PEA du tronc cérébral (ou précoces)

La réponse obtenue [49] se déroule entre 1 et 10 ms après ledébut d’une stimulation très brève (clic ou clic filtré). Møller etJannetta [50], à la suite de mesures peropératoires, ont établil’origine des différentes ondes normales, numérotées chronolo-giquement de I à V. Lorsque l’on enregistre un PEATC à viséeneurologique, comme c’est le cas dans l’exploration d’unesurdité centrale, un clic de 70 dB nHL au moins est émis dansl’oreille explorée. L’onde I a une latence de 1,6 ms environ etles ondes suivantes se succèdent à 1 ms d’intervalle. Les ondesde I à III ne nous intéressent pas directement dans ce chapitrecar elles proviennent d’activités périphériques, l’onde III étantassociée au noyau cochléaire. Toutefois, leur repérage est biensûr essentiel et leur normalité est un élément important dediagnostic différentiel.

Le complexe IV-V traduit certainement des activationscomplexes en raison de l’existence, au-delà des noyauxcochléaires, de nombreux relais synaptiques facultatifs et denombreuses décussations pratiquement à tous les niveaux. Cecirend probable que l’activation de neurones d’un même noyause traduise par des contributions temporelles décalées apparte-nant à des ondes différentes ; à l’inverse, une même onde peutrésulter de la combinaison d’activités synchrones mais localiséesdans des noyaux différents. L’onde V, autrefois attribuée aufonctionnement du colliculus inférieur, semble plutôt impliquerle lemnisque latéral controlatéral, tandis que la grande dépres-sion négative qui suit le pic de l’onde V correspond à uneactivation intracolliculaire. Les ondes suivantes (VI et VII) nesont guère utilisées en clinique car malheureusement leursgénérateurs ne sont pas clairement identifiés. L’équipe deKiang [51] a décrit, chez le chat, l’effet de lésions bien délimitéesdes centres nerveux auditifs sur les ondes des PEATC. Nonseulement les régions impliquées dans la genèse des ondes, maisaussi les populations de neurones actifs ont été identifiées : onpourra peut-être un jour associer des populations neuronalesspécifiques à des tâches psychophysiques complexes chezl’homme, et ainsi améliorer la spécificité des PEATC dans le casd’atteintes auditives du tronc cérébral.

Principales modifications des PEATC dans le cas d’unelésion du tronc cérébral. La morphologie, le seuil de détectionet les latences des ondes des PEATC sont a priori les paramètresconcernés. Une atteinte typique du tronc cérébral n’affecte pasl’onde I, tandis que la disparition isolée de l’onde V est trèsévocatrice, ainsi que l’allongement de l’intervalle III-V avec unintervalle I-III dans les limites de la normale (Fig. 4). Toutefois,une atteinte du tronc cérébral peut ne pas être typique et

affecter principalement le nerf auditif, et la réciproque est vraiedans le cas d’un schwannome vestibulaire débordant du conduitauditif interne pour se développer dans l’angle pontocérébel-leux. Les modifications des PEATC peuvent alors être atypiquesavec par exemple un allongement de l’intervalle I-III pour uneatteinte tumorale du tronc cérébral. On utilise parfois le rapportdes amplitudes des ondes V et I car une diminution nette de cecoefficient en dessous de 0,5 (alors qu’il devrait être supérieurà 1) est une bonne indication, hélas inconstante, d’une patho-logie neurologique.

En cas de lésion asymétrique du tronc cérébral, les anomaliesdes PEATC prédominent lorsque stimulation et lésion sontipsilatérales, tandis que lorsque la lésion est proche de la lignemédiane ou peu latéralisée (comme souvent lors d’une affectionvasculaire ou dégénérative), les anomalies des PEATC sontbilatérales. Il semble que les PEATC soient plus sensibles à laprésence d’une tumeur intra-axiale, originaire des tissus mêmesdu tronc, qu’à une tumeur extrinsèque, qui doit d’abord grossirsuffisamment pour devenir compressive. Musiek et Baran [52]

citent des pourcentages de PEATC anormaux chez plus de 95 %des sujets porteurs de tumeurs intra-axiales du tronc cérébral,contre seulement 82 % pour des sujets victimes d’infarctus dansle tronc cérébral, et environ 55 % en cas de sclérose en plaques.Dans tous les cas, l’imagerie apporte la confirmation nécessaire.

Cela dit, en l’état actuel des techniques, le cas clinique décritpar Durrant et al (1994) [53] d’une personne ayant subi l’abla-tion chirurgicale du colliculus inférieur d’un côté montre queles PEATC sont relativement peu perturbés par une atteintepourtant majeure, à traduction clinique évidente avec impossi-bilité de téléphoner du côté concerné malgré une audiométrietonale normale : seule une technique sophistiquée d’enregistre-ment tridimensionnel permettait de visualiser nettement quel’onde V était pathologique.

PEA de latence moyenne (semi-précoces)

Rappel, définition et nomenclature. Les PEASP [54] sont desréponses de même nature que les PEATC mais qui surviennentbien au-delà de 10 ms après le début de la stimulation auditive.En effet, sont considérées dans cette catégorie les réponses quiapparaissent entre 10 et 50 à 80 ms après le stimulus (Fig. 3).

0 5 10 20 50 100 200 300 400(en ms)

PEATC PEASP PEA «corticaux» ERP

N2N1

P2

Pb

Nb

Na

Pa

IV/V

IIII

0,5µV

Figure 3. Séquence des potentiels évoqués auditifs (PEA) en réponse àun stimulus auditif (inspiré de [47]). Ce tracé est, techniquement, une vuede l’esprit car pour recueillir les trois catégories de PEA représentées, ilfaudrait émettre des stimuli différents et recueillir les réponses à travers desfiltres différents. PEASP : potentiels évoqués auditifs semi-précoces ;PEATC : potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral ; ERP : event relatedpotentials ou potentiels liés aux événements.

1 2 3 4 5 6 7 8

(en ms)

I III

V OD

OG

Figure 4. Potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (PEATC) pour lesdeux oreilles d’un même malade. Le PEATC à gauche est normal. Bien queles latences des principales ondes (I, III et V, repérées par des lignesverticales) soient dans les limites de la normale à droite, la morphologie ducomplexe IV-V à droite est anormale. L’imagerie a confirmé la présence deplaques de sclérose au niveau de la partie haute du tronc cérébral du côtépathologique. OD : oreille droite ; OG : oreille gauche.

20-184-A-10 ¶ Atteintes centrales de l’audition

6 Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 7: Atteintes Centrales de l'Audition

Moins souvent enregistrés que les PEATC et les PEA tardifs, ilsconservent cependant un intérêt clinique : en dehors de ladétermination des seuils auditifs en basses fréquences, ilsapportent des éléments pour la localisation de certaines patho-logies centrales des voies nerveuses auditives. Leur relatif regaind’intérêt actuel vient de l’usage d’enregistrements multiélectro-des qui permettent désormais une reconstruction topographiquedes sources de ces PEA.

Morphologie, latences et amplitudes. Rappelons que quatreondes peuvent être identifiées selon leur ordre chronologique etleur déflexion positive ou négative, Na parfois désignée parN18 en raison de sa latence normale d’environ 18 ms, Pa ouP30, Nb et Pb ou encore P50. Bien qu’utiles pour la nomencla-ture, les valeurs de latence présentent une grande variabilitéinterindividuelle qui explique leur peu d’intérêt diagnostique.En revanche, l’amplitude des ondes est le critère principal utilisépour l’interprétation des PEASP (c’est l’inverse pour les PEATC,plus familiers, où les latences sont primordiales). L’amplitude, etnotamment celle de la composante Pa, semble en effet profon-dément affectée par la survenue d’une pathologie neurologiquetouchant les voies auditives [55].

Les sources de PEASP sont nettement plus complexes quecelles des PEATC, ce qui est compréhensible vu le grand nombrede circuits impliqués dans le long laps de temps considéré. Lessources semblent appartenir non seulement à des structuresspécifiquement auditives comme les voies thalamocorticales etle colliculus inférieur, mais aussi à d’autres structures nonspécifiques dont la formation réticulée. Chez l’animal en toutcas, le cortex temporal et les structures mésencéphaliquessemblent capables d’engendrer distinctement deux composantesde PEASP qui coexistent au niveau des enregistrements glo-baux [56]. Comme l’onde Pa persiste en cas de lésion du cortextemporal humain, cela laisse supposer qu’elle est plutôt engen-drée par les voies thalamocorticales. Cela dit, Pa est affectéenettement par l’état d’éveil, ce qui impose sur le plan pratiquede prendre garde aux conditions de vigilance et à l’usageéventuel de sédatifs. L’onde Pb semble pour sa part engendréepar les noyaux thalamiques activés par les entrées en prove-nance du système réticulaire mésencéphalique. L’onde Naprovient sans doute de contributions corticales et sous-corticales(colliculus inférieur [57]).

Applications cliniques. En otoneurologie, l’étude des PEASPet de leur morphologie, pratiquée avec des clics comme stimulicar la spécificité fréquentielle est peu utile ici, permet dedétecter des lésions éventuelles des voies thalamocorticales [55].Les systèmes permettant, au moyen d’enregistrements multié-lectrodes, de réaliser une cartographie des PEASP au niveau duscalp semblent prometteurs [58] et ont fait l’objet d’évaluationsrécentes.

PEA de latences tardives (corticaux)

Introduction. Les composantes les plus importantes de cespotentiels [59] apparaissent entre 50 et 250 ms après le début dustimulus acoustique. La séquence d’ondes alternativementpositives et négatives observée normalement est décrite aumoyen de diverses nomenclatures. Les deux plus utilisées sontbasées l’une sur le repérage des pics alternativement positifs etnégatifs et leur numérotation dans l’ordre d’apparition après la50e ms suivant le début de la stimulation : P1, N1, P2, N2, etc.,l’autre sur la désignation d’une onde par sa polarité P ou Nassociée à la latence (en ms) observée normalement, ce quidonne P60, N100, P160 et N200. Des composantes plus tardivesexistent et sont décrites (cf. infra), car elles ont une significationphysiologique particulière en relation avec des processus pluscentraux de traitement de l’information auditive.

Outre les latences et amplitudes des différents pics, il estégalement classique de mesurer les amplitudes crête à crête,comme celle correspondant à la différence de potentiel entre lespics N1 et P2 (dite « amplitude N1-P2 »), compte tenu del’importance particulière et de la mise en évidence aisée du

complexe N1P2 dans le signal recueilli. Notons que ce paramè-tre, très classique, est cependant un peu artificiel car lesgénérateurs des ondes N1 et P2 sont différents.

Générateurs des ondes tardives. Leur nature reste controver-sée mais il semble clair que les structures corticales sontimpliquées (d’où le terme souvent utilisé de potentiels évoqués« corticaux »). Pour chacune des ondes des PEA de latencetardive, plusieurs générateurs différents coexistent sans doute.Le système auditif central est constitué de deux grandessubdivisions fonctionnelles, l’une recevant directement desafférences auditives alors que l’autre est également en relationavec des zones visuelles et somatosensorielles. Donc, lesgénérateurs des ondes évoquées de latence tardive peuvent êtresoit non spécifiques de l’audition, soit plus spécifiques (ont étéincriminées des projections thalamiques dans le cortex auditif,le cortex auditif supratemporal, des aires polysensorielles nonspécifiques, etc.). L’onde N1 a pu être corrélée à l’activation d’aumoins trois sources différentes [60].

Utilisation clinique des PEA de latence tardive. En dehorsde l’application essentielle des PEA de latence tardive, de natureaudiométrique pour une évaluation objective de seuils en bassesfréquences, l’utilisation neurologique ne semble pas avoir faitses preuves car les perturbations observées dans le cas d’affec-tions centrales existent mais sont trop peu spécifiques. Il n’enreste pas moins que la présence ou l’absence des PEA de latencetardive permet une catégorisation utile des surdités centrales(Tableau 1). Il faut souligner une nouvelle fois que dans certainscontextes, l’absence de PEA n’est pas synonyme de l’existencede troubles auditifs importants. Dans le cadre de la maladie dePelizaeus-Merzbacher par exemple, dans laquelle la synthèse dela myéline centrale est anormale, l’absence de PEA synchroni-sables a été décrite [61] mais les performances auditives restentcorrectes.

PEA liés aux événements

L’enregistrement d’autres ondes tardives grâce à des protoco-les plus subtils, impliquant des stimuli de caractéristiquesmodifiables, de nature à solliciter les capacités cognitives dusujet testé, ouvre depuis quelques années des perspectivesalléchantes : il s’agit des potentiels liés aux événements. Leurétude systématique par de nombreuses équipes de rechercheclinique a déclenché un regain d’intérêt pour l’ensemble desPEA tardifs.

Le terme général de potentiels liés aux événements (eventrelated potentials d’où l’acronyme ERP) s’applique aux réponses(le plus souvent électriques) recueillies avec une série destimulations consécutives qui ne sont plus systématiquementidentiques. L’événement consiste en la présentation épisodiquede stimulations qui diffèrent de celles habituellement utiliséesdans le reste de la série (protocole dit « oddball paradigm ») etqui soit peuvent être reconnues « automatiquement » par desstructures corticales du sujet, sans que ce dernier ne soitspécialement attentif, soit peuvent être l’objet d’une consigneparticulière qui aura été transmise au sujet avant le début dutest. Le stimulus fréquent et le stimulus rare diffèrent l’un del’autre par une caractéristique physique si possible unique quipeut être soit simple à définir (fréquence ou niveau), soit pluscomplexe (phonème /ta/vs/da/).

Les ondes d’ERP sont nombreuses, incluant entre autres lamismatch negativity (MMN) et la P300 [59, 62, 63]. Chacune a faitl’objet d’études expérimentales spécifiques et les mécanismescérébraux mis en jeu ont été partiellement élucidés. Deux de cesondes méritent une attention particulière :• l’onde MMN. Elle ne nécessite pas de collaboration active du

sujet car elle traduit la mise en jeu de mécanismes automati-ques lors de l’apparition d’un stimulus inattendu (mismat-ched). Son identification se heurte à des difficultés techniquesd’ordre statistique. La principale origine des mmN semble êtreau niveau du cortex auditif, particulièrement à la surfacesupérieure du lobe temporal, mais les lobes frontaux sontaussi impliqués. Elle existe dès lors que les stimuli fréquents

Atteintes centrales de l’audition ¶ 20-184-A-10

7Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 8: Atteintes Centrales de l'Audition

et rares sont discriminables par le système auditif. Son intérêten cas d’atteinte centrale est probable, mais reste à documen-ter ;

• l’onde P300 (latence environ 300 ms). Facile à détecter, elleest liée à la réalisation correcte d’une tâche cognitive confiéeau sujet testé (compter les stimuli rares). Son étude permetdonc d’aborder ce type de processus.La localisation des générateurs de l’onde P300 reste mysté-

rieuse. Diverses structures ont été impliquées, dont le lobetemporal et le cortex associatif polysensoriel, mais il semble quedes lésions extensives des lobes temporaux puissent coexisteravec des P300 quasi normales : une fois encore, il peut y avoirun gouffre entre tests audiologiques et données d’imagerie. Enrevanche, l’existence de lésions de la jonction temporopariétales’accompagne d’altérations importantes de la P300. La présencede générateurs subthalamiques, ou d’autres dans les cortexfrontal et centropariétal, a été évoquée. Enfin, l’hippocampesemble impliqué, ce qui est logique compte tenu du rôle qui luiest prêté dans des processus de mémoire et certains aspectsémotionnels, qui par ailleurs influencent profondément l’allureet la présence même de P300. Des cadres aussi variés quemaladie de Parkinson, de Huntington, syndrome de l’immuno-déficience acquise (sida), maladie d’Alzheimer, autisme, schi-zophrénie ont été ainsi explorés, chez des malades présentantdes troubles auditifs assez nets sans cause périphérique mani-feste. Il en ressort pour l’instant que le comportement del’onde P300 n’est pas spécifique d’une maladie précise, maisqu’il peut refléter avec sensibilité un changement dans l’étatclinique du malade. Vu la complexité de sources hypothétiquesde P300, l’utilisation plus systématique d’électrodes multiples etde systèmes de cartographie semble s’imposer pour espéreraffiner les interprétations. On en reste donc au stade de larecherche.

Dans ce contexte, il est très intéressant, au moins sur le plandidactique, de signaler les observations suivantes [64, 65] : il s’agitde sujets chez lesquels aucun PEA précoce, semi-précoce outardif n’était détectable. Ceci ne signifie pas que les sujetsétaient sourds, bien sûr (il était clair dans les cas publiés qu’ilsn’étaient pas sourds.) Les auteurs ont alors invoqué un troublemajeur de la synchronisation de leurs voies auditives, d’autantplus que le bon fonctionnement des processus centraux de basea pu être objectivé sur la foi d’ondes P300 bien visibles.

■ Techniques d’explorationdu futur

Depuis quelques années sont apparues des publications dansde grandes revues consacrées à la recherche de pointe, décrivantcertains aspects du fonctionnement cérébral au moyen deméthodes nouvelles, tomographie par émission de positons,IRM fonctionnelle ou magnétoencéphalographie. Les équipe-ments nécessaires sont lourds, ainsi que le traitement desrésultats et, pour le moment, peu de cliniciens y ont accès. Parexemple, à notre connaissance, très peu de cas de localisationlésionnelle ont été rapportés en cas de surdité corticale grâce àla tomographie par émission de positons [66]. Nous ne dévelop-pons donc pas leur description ici, d’autant plus que lesrésultats sont souvent donnés sous forme de « grandes moyen-nes » nécessitant des échantillons de sujets de relativementgrande taille : au stade actuel, ce ne sont donc pas tout à faitdes outils de diagnostic individuel. L’énergie consacrée à la miseau point de ces outils nouveaux fait penser que, dans un avenirproche, ils deviendront plus opérationnels et plus accessiblesdans le cadre des pathologies auditives centrales. Cependant,dans l’optique clinique, il sera également nécessaire de conti-nuer à approfondir la connaissance des circuits neuronauxcentraux en relation avec la perception auditive de signauxcomplexes. Pour avoir une idée des développements actuels à cesujet, on peut se référer utilement à l’article de Liégeois-Chauvel et al. [67].

Parmi les explorations d’imagerie, les plus utilisées actuelle-ment sont l’IRM fonctionnelle (IRMf) et l’imagerie cérébrale par

émissions de positons (TEP). Pour le moment, ces techniquesd’imagerie ne servent pas au diagnostic. Leur principe est dedétecter les zones cérébrales activées lors d’une tâche ou de laperception d’une stimulation. En l’occurrence pour ce qui nousintéresse, l’image fonctionnelle doit faire apparaître les voiesauditives centrales s’activant en réponse à une stimulationauditive. Le principe est basé soit sur l’augmentation locale dudébit sanguin (IRMf), soit sur l’augmentation locale de consom-mation énergétique (TEP). L’utilisation de ces techniques, laplupart du temps encadrée dans des protocoles de rechercheclinique, concerne essentiellement des cas de surdité profondeet, parmi ceux-ci, des patients porteurs d’implant cochléaire.Très peu, sinon aucune, application pratique n’est encorevalidée. Il semble exister une forte corrélation entre la percep-tion auditive d’une stimulation électrique cochléaire directe(test au promontoire) par un sourd profond et la réponsecentrale objective visualisée en IRMf. Malheureusement, lanégativité de la réponse objective n’est pas informative sur ledevenir fonctionnel en cas d’implantation cochléaire [68]. Latechnique de tomodensitométrie TEP semble prometteuse enpouvant peut-être fournir une indication pronostique en casd’implantation cochléaire [69]. Toutefois, cette information nepeut être acquise qu’après implantation cochléaire, et doit êtreprise avec prudence, tant l’apport global sur la qualité de vie dela réhabilitation auditive par implant cochléaire est personnelle.Toutes les équipes spécialisées dans ce domaine connaissent despatients très heureux d’appréhender les bruits environnants sanspour autant être capables de suivre une conversation complexe,et d’autres, pourtant capables de téléphoner, qui restentinsatisfaits de l’implantation cochléaire.

■ Étiologies et formes cliniquesEn pratique clinique, le médecin est le plus souvent

confronté à des altérations subtiles des voies centrales del’audition, que l’on peut raisonnablement rassembler dans levaste groupe des CAPD. D’autres patients ont une atteinteélective du nerf acoustique. Ces neuropathies auditives (NA)peuvent être désignée par l’appellation neuropathies auditives-dyssynchronie auditive (NA-DA), ou depuis très récemment parl’appellation neuropathies auditives avec désordre spectral(auditory neuropathy spectrum disorder [NA-DS]). Elles sont encoremal connues, d’où leur changement d’appellation en peu detemps. On commence à reconnaître dans ce groupe, différentesatteintes, radicalement différentes. La frontière entre neuropa-thie auditive pure, qui est par définition périphérique, etl’atteinte centrale des voies auditives, concernant les voiesauditives situées au-delà du noyau cochléaire, n’est pas toujoursnette. Nous accorderons donc un chapitre à part entière auxCAPD et NA. L’autre cas d’altération centrale de l’auditionsouvent méconnu est la presbyacousie à forme centrale, quipeut d’ailleurs annoncer une démence. Enfin d’autres cas,presque anecdotiques en vérité, méritent d’être cités, pour desraisons historiques mais aussi pour la lumière qu’ils apportentsur la physiopathologie.

Des NA-DA, NA-DS à des atteintes pluscentrales, voire aux central auditoryprocessing disorders ?

Le concept de neuropathie auditive-dyssynchronie auditive,défini par Starr et al. en 1996 [70], recouvre diverses formes dedéficience auditive qui présentent de prime abord un profilfonctionnel très inhabituel qui devrait rendre leur identificationaisée. La présence de signaux normaux en provenance descellules ciliées externes de la cochlée (otoémissions et potentielsmicrophoniques) signe la normalité des processus microméca-niques de traitement sonore (amplification en filtrage), maisl’absence de PEA précoces, même leur onde I, indique uneanomalie de la conduction neurale qui se manifeste dès leganglion spiral, voire même dès la synapse entre cellules ciliées

20-184-A-10 ¶ Atteintes centrales de l’audition

8 Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 9: Atteintes Centrales de l'Audition

internes et neurones du nerf cochléaire. L’absence d’onde auxPEA précoces ne signifie aucunement l’absence de perception, etd’ailleurs les neuropathies auditives se caractérisent égalementpar une discordance entre PEA absents et audiométrie tonaleliminaire subjective pas forcément très anormale. L’interpréta-tion physiologique des neuropathies auditives est que lespotentiels d’action sont mal synchronisés, et ce essentiellementen raison d’un déficit des neurones du ganglion spiral : laprésence de potentiels d’action permet la détection de sonssimples mais le mauvais cadencement temporel rend indétecta-ble l’activité électroencéphalographique associée. L’identificationdes sons complexes (parole, parole dans le bruit), qui requiertdes indices temporels précis, est dégradée par la dyssynchroniedes décharges neuronales : cette caractéristique se vérifieaisément en audiométrie. Les estimations de prévalence del’entité NA-DA dans la population atteinte de déficienceauditive confirmée oscillent entre 4 % et 11 %. Cette explica-tion par défaut de synchronisation neuronale n’est pourtant pasla seule cause plausible. C’est pourquoi, l’appellation retenueactuellement est moins explicite sur le phénomène physiopa-thologique. En parlant de neuropathie auditive avec désordresde spectre (NA-DS), on reste descriptif, et par conséquent on nerejette pas les neuropathies éventuelles sans dyssynchronie.

La présence d’une atteinte dès le nerf auditif (et mêmeparfois, par extension, de manière présynaptique dans lescellules ciliées internes comme pour la mutation atteignantl’otoferline), objectivée par l’absence d’onde I aux PEATC, faitque les NA-DS ne sont pas à priori classées dans les déficitsauditifs centraux. Cependant, il a été démontré que certainesneuropathies auditives atteignent de manière diffuse les voiesauditives, non seulement le nerf auditif mais aussi les voies pluscentrales, ce qui laisse présager des conséquences perceptivesspécifiques, en liaison avec les fonctions propres aux neuronescentraux déficitaires. Récemment, le gène codant pour unemolécule appelée pejvakine, déficiente dans la surdité DFNB59,a été identifié et séquencé à partir d’une étude génétique ayantporté sur quatre familles consanguines vivant dans des isolatsgéographiques [71]. Les sujets atteints présentent tous une surditéneurosensorielle prélinguale bilatérale isolée, et les mutationshomozygotes du gène de la pejvakine qui ont été identifiéessont au nombre de deux et toutes deux de type faux-sens. Lasurdité DFNB59 présente un profil très particulier avec uneatteinte audiométrique en plateau pouvant être seulementsévère, des otoémissions présentes et des PEA très dégradés avec,chez quelques patients, une onde V seule identifiable, de latenceallongée. La fonction de la pejvakine est pour le momentencore inconnue. Une souris transgénique (knock in) a été crééeavec la principale mutation identifiée du gène de la pejvakine.Elle présente une surdité plus modérée que chez l’homme, nedépassant pas 40 dB et souvent cantonnée aux hautes fréquen-ces. Ses otoémissions sont strictement normales mais ses PEATCmontrent des anomalies nettes de la conduction, avec unallongement marqué des intervalles interondes I-II, II-III et III-IVqui signe la nature mixte, centrale et périphérique, de l’atteinteneurale. La protéine étant par ailleurs retrouvée tout au long desvoies nerveuses auditives jusqu’au colliculus inférieur (ainsid’ailleurs que dans les cellules ciliées externes de la cochlée, oùla forme affectée de la mutation faux-sens ne semble pasproduire de dysfonction), elle a clairement un rôle dans desneurones auditifs centraux.

D’autres familles ont été identifiées à la suite de l’observationprinceps, elles aussi porteuses de mutations affectant la pejva-kine. Dans l’une d’elles, au Maroc, le déficit auditif est évolutifet les auteurs l’attribuent à une origine strictement cochléaire(OEA absentes, PEA non enregistrables, absences de potentielsmicrophoniques) [72]. Curieusement, les auteurs ne relèvent pasqu’en dépit d’une surdité en plateau limitée à 70 dB chezcertains patients, ceux ci n’ont pas de PEA même à 105 dB etleur appareillage a été inefficace (l’audiométrie vocale appa-reillée étant mauvaise). Ceci signe pourtant la présence d’unecomposante neuropathique périphérique et peut-être centrale, àl’instar de celle des familles iraniennes. En tout cas cet exemple

illustre l’hétérogénéité clinique pouvant être rencontrée lors demutations différentes d’un même gène, et l’hétérogénéité desobservations cliniques qui lorsqu’elles sont incomplètementanalysées passent parfois à côté d’une composante centraled’une surdité pourtant mixte, périphérique et centrale.

Jusqu’il y a quelques années, on n’avait jamais observéd’atteinte auditive centrale spécifiquement attribuable au déficitd’une population de neurones auditifs ou d’une voie neurale.Cette situation est en train d’évoluer rapidement. Les neuronesdu système nerveux auditif dans le tronc cérébral sont issus, austade embryonnaire, de structures particulières, les lèvresrhombiques, qui engendrent notamment des populations deneurones destinées au noyau cochléaire. Ce noyau joue un rôleessentiel pour trier les informations issues du nerf auditif et lesrépartir en diverses voies parallèles ascendantes. Ces voiestraitent spécifiquement d’aspects très variés du message acous-tique, tels que l’intensité, la structure temporelle fine, lescontrastes ou les rapports signal sur bruit. L’atteinte spécifiquede telle ou telle population est donc susceptible d’induire desdéficits perceptifs, mais les éventuelles relations anatomoclini-ques restent encore du domaine spéculatif. Quelques modèlesanimaux très précis de certains déficits centraux commencent àêtre publiés. Par exemple, une mauvaise régulation d’une voiede sécrétion de substances dérivées du FGF (fibroblast growthfactor) peut modifier la structure des noyaux auditifs. Ça a étéle cas dans des anomalies d’expression de Sef décrites récem-ment, Sef étant un antagoniste du FGF [73]. Les souris mon-traient une dysmorphie du noyau cochléaire, et des seuilsauditifs normaux mais des PEA anormaux. Ce modèle peutservir à mieux comprendre certains déficits auditifs centraux,encore très peu étudiés. Des enfants souffrant de la maladie deGaucher, maladie de surcharge associée à un dysfonctionnementdes lysosomes, ont en effet un phénotype auditif voisin de celuidécrit chez les souris Sef [74, 75].

Un autre modèle récent porte sur l’atteinte du facteur detranscription Math5 [76] nécessaire au développement du nerfoptique, mais qui s’exprime aussi dans le système auditifcentral. Dans le tronc cérébral adulte, et notamment le noyaucochléaire ventral, Math5 est exprimé par une sous-populationqui se projette vers le noyau médian du corps trapézoïde, lecomplexe olivaire supérieur latéral et le lemnisque latéral. Cettesous-population se compose notamment de neurones de typeglobulaires et de petites cellules en buisson. Les souris mutantesont un noyau cochléaire trop petit, et les PEA présentent deslatences augmentées entre les pics II et IV (homologues despics III et V chez l’homme). Les auteurs, devant le fait que cesneurones et les structures auxquelles ils appartiennent jouentun rôle important dans la localisation, estiment sans avoir pourle moment de preuve que cette fonction est probablementaltérée chez les mutants. D’un autre côté, on connaît chezl’homme un syndrome, le HGPPS (horizontal gaze palsy andprogressive scoliosis), où les voies nerveuses connectant le noyaucochléaire et le noyau médian du corps trapézoïde ne sont pasconstituées normalement [77] et où les PEA sont anormaux.Cependant, il ne paraît pas évident que les patients HGPPS (trèsrares) aient des troubles de localisation auditive ; il est vrai quececi n’a jamais été exploré.

L’enjeu de ces études chez l’animal va au-delà de mettre desétiquettes précises sur des syndromes très rares. Il est aussi demieux comprendre les particularités des CAPD (central auditoryprocessing disorder), dont les patients atteints ont des difficultéscentrales, de discrimination ou de localisation notamment [78].La notion de CAPD est pour le moment un fourre-tout – décritci-après – mais il est très probable que celui-ci pourra êtredécomposé en éléments de base correspondant à des anomaliesspécifiques de circuits ou de populations neuronales auditives,les études génétiques permettant de manipuler à volonté cesanomalies et d’étudier alors leurs conséquences fonctionnelles,modèle après modèle.

Atteintes centrales de l’audition ¶ 20-184-A-10

9Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 10: Atteintes Centrales de l'Audition

CAPDLorsqu’un trouble auditif n’implique pas de manière évidente

l’analyse spectrale, parce qu’il n’y a pas de perte évidente desélectivité en fréquences, et lorsque la sensibilité auditive estnormale, toute anomalie majeure de la micromécaniquecochléaire est exclue. Si au contraire les aspects indemnes en casd’atteinte cochléaire classique, par exemple temporels, sontaffectés, ceci oriente vers l’hypothèse d’une origine spécifique-ment centrale du trouble auditif. La nomenclature anglo-saxonne qui regroupe les troubles centraux du traitement del’information auditive est celle d’APD (auditory processingdisorders), ou encore CAPD (central-APD). Longtemps négligés,les CAPD touchent d’après certaines estimations 2 % à 3 %d’enfants, dont deux tiers sont des garçons.

On cite parmi les fonctions susceptibles d’être atteintes lorsd’un CAPD :• la discrimination des amplitudes, des fréquences ou des

intervalles de temps (mais ce de manière dissociée qui lesdifférencie des surdités endocochléaires) ;

• certains aspects de la stéréophonie ;• le décodage phonétique en présence de bruit ;• la catégorisation de phonèmes ;• l’écoute dichotique ;• l’aptitude à effectuer la discrimination de configurations

temporelles (patterns rythmiques, séquences comme on enrencontrait dans le défunt code « morse ») ;

• l’aptitude à effectuer efficacement des analyses de scènesauditives complexes dans lesquelles se combinent plusieurssources concurrentes.Ces atteintes sont combinées avec celles des processus

impliquant l’attention, la mémoire, la cognition ou la capacitéd’apprentissage (ASHA, 2005). Ces processus impliquent notam-ment l’aptitude à se souvenir de ce qui a été entendu, et cellequ’a l’esprit à associer ce qui est dit à quelque chose qui va êtredit et qui est relié logiquement, attendu logiquement ouprévisible. Ces aptitudes sont d’une importance évidente dans lavie quotidienne, mais on ne peut en aucun cas les évaluer si onse contente de tests audiométriques de routine.

La suggestion de remplacement récent de l’acronyme CAPDpar celui de APD permet de reconnaître implicitement qu’aucours du développement et de la maturation auditive, ladichotomie périphérique/central a un côté artificiel. La présenceprolongée d’une d’affection purement périphérique, comme uneotite séromuqueuse, peut en survenant lors d’une périodecritique perturber la mise en place des connexions neuralesrequises pour qu’un processus pourtant strictement central semette en place correctement.

La physiopathologie des CAPD s’adresse a priori à des centresdivers répartis tout au long des voies auditives. Chez denombreux patients, le désordre est imputé à un retard dematuration au niveau de certains centres auditifs. Ce retard peutreprésenter une simple variation dans le développement natureldu cerveau (auquel cas le CAPD peut régresser avec le temps),résulter d’anomalies héréditaires (soupçonnées lorsque le profilauditif présente des aspects familiaux ; les découvertes del’implication des facteurs Sef ou Math5 entrent dans ce cadrequi devrait rapidement s’étoffer), et certaines étiologies acquisesont été invoquées, traumatismes ou tumeurs pouvant entraînerdes troubles neurologiques, maladies ou infections virales,hypoxie ou empoisonnement (notamment le saturnisme). Lesconséquences de certaines de ces maladies ne sont pas limitéesà l’audition, mais les atteintes auditives peuvent passer inaper-çues si on ne pense pas au cadre « CAPD ». Il a été signalé quede nombreuses personnes atteintes de CAPD ont une domi-nance hémisphérique absente ou anormale, ce qui suggèrel’existence de conflits (primitifs ou secondaires ?) entre hémis-phères droit et gauche. Normalement certaines tâches d’analysesont l’apanage d’un hémisphère, et lorsque l’hémisphère quidevrait seul traiter une certaine information voit le résultat deson analyse confronté à une version en compétition venant del’autre hémisphère, on peut imaginer qu’il en résulte une baissede performance.

En perturbant la maturation des centres auditifs d’autant plusqu’elle survient lors de périodes critiques, la privation senso-rielle prolongée rejoint la problématique des CAPD même sil’événement initial est un déficit cochléaire (ou même, trans-missionnel). Une désafférentation, même à l’âge adulte, a desconséquences sur la connectique des circuits centraux qui peutse manifester par un CAPD (discrimination, décodage phonéti-que, capacités binaurales, écoute dichotique, mémoire, facultésd’anticipation, etc.). Ces déficits sont plus ou moins rapidementréversibles en cas d’appareillage. Des éléments positifs ont étémis en exergue en conclusion des travaux du groupement derecherche (GDR) CNRS « prothèses auditives » (2004). La miseen œuvre d’un appareillage chez l’adulte permet par exempleaux centres auditifs de retrouver en quelques semaines uneallocation centrale des fréquences plus harmonieuse que cellemise en place dans la période de privation sensorielle. Thai-Van et al. (2003) [79] ont ainsi montré que les fréquences enbordure d’une perte auditive présentent des seuils différentielsde fréquence anormaux qui se rétablissent une fois l’appareillagemis en route.

Une des formes cliniques fréquemment rencontrées de CAPDest l’enfant ayant des difficultés d’apprentissage. Comme il a étédit plus haut, des troubles de l’apprentissage chez l’enfantpeuvent être imputables à un déficit fonctionnel des voiesauditives centrales. Cela a été reconnu dès les années 1970 dansles pays anglo-saxons, et ne fait plus de doute actuellement [3,

27]. La batterie de tests audiologiques de Willeford [80], élaboréeen 1976, sert dans ces pays à détecter les déficits auditifscentraux de l’enfant ayant des difficultés d’apprentissage. Labatterie de test proposée par l’ASHA pour les anglophones et leBAC de Demanez et al. pour les francophones sont maintenanttrès pratiques. Le point important est que les tests des voiesauditives centrales font partie du bilan audiologique recom-mandé en cas de difficultés d’apprentissage [37, 81]. Chez cesenfants, les tests neurologiques montrent que l’intelligence estnormale ou subnormale [6, 27]. L’atteinte peut porter sur toutesles facultés auditives centrales, en particulier sur l’intégrationtemporelle du signal, la capacité de fusion binaurale, la recon-naissance des signaux altérés. Il faut noter que les fonctionsauditives centrales évoluent avec l’âge [82]. Le traitementbinaural du signal par exemple est plus performant chez lesgrands enfants que chez les plus jeunes. Cette maturation dansle temps du système auditif est une notion importante chezl’enfant. La privation du signal peut ainsi retentir sur ledéveloppement des voies auditives centrales. Par exemple, il aété montré qu’en cas d’otites moyennes aiguës à répétition, lesvoies centrales auditives du tronc cérébral étaient moinsperformantes qu’en l’absence d’antécédent otitique (les enfantsétant testés en dehors de toute otite aiguë) [83]. Cette maturationdu système auditif pendant l’enfance rend probablementcompte également des meilleurs résultats obtenus quand lesimplants cochléaires sont implantés précocement, c’est-à-direquand les voies auditives sont encore en pleine évolution.

L’attention et la motivation de l’enfant prennent une partimportante dans la fiabilité des résultats obtenus par testsaudiométriques centraux. Ainsi, Silman et al. [6] ont-ils puredresser un diagnostic erroné d’atteinte des voies auditivescentrales chez trois enfants, par le seul changement de récom-pense, en cas de bonnes réponses aux tests audiologiques : ilsproposaient aux enfants de leur donner ce qu’ils préféraient àla place d’un jouet ou bonbon quelconque (un marshmallow,une pièce de monnaie, etc.). L’atteinte auditive centrale chezl’enfant serait due à un asynchronisme de maturation des voiesauditives [84]. Mais des atteintes localisées des voies auditivespeuvent également se rencontrer. Certaines causes décrites chezl’adulte peuvent aussi être retrouvées [27].

Demanez et al. [37, 85] identifient trois groupes d’enfantsparticulièrement à risque d’atteinte auditive centrale : lesprématurés (âge gestationnel moyen de 30,9 ± 2,4 semaines), lesenfants dyslexiques, et les enfants atteints d’otite séromuqueuseavec retentissement auditif modéré.

20-184-A-10 ¶ Atteintes centrales de l’audition

10 Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 11: Atteintes Centrales de l'Audition

Ces données nous font insister sur la prise en charge précocede l’enfant souffrant d’hypoacousie, même modérée, afin delimiter au maximum les altérations centrales qui sinon endécouleront. Cette prise en charge repose sur deux grandsprincipes :• tout d’abord, il est important de régler autant que possible le

trouble auditif périphérique. Cela va du simple aérateurtranstympanique à l’aide auditive externe et au maximum àl’implant cochléaire en cas de surdité sans bénéfice apportépar les aides auditives externes ;

• ensuite, l’aide orthophonique est très importante pour aiderl’enfant à organiser correctement les informations auditivesqu’il perçoit. L’orthophonie l’aide aussi à corriger les confu-sions qu’il a acquises et surtout à ne plus en commettre.Cette prise en charge spécifique de l’enfant a bien entendu

un emploi du temps serré, afin que les voies auditives centralespuissent être encore malléables et les altérations corrigeables.On peut retenir l’âge de 6 ans en cas de surdité modérée. En casde surdité profonde sans bénéfice des aides auditive externes, ilest montré qu’une implantation cochléaire après 5 ans nedonne dans la plupart des cas que des résultats médiocres surl’acquisition du langage oral [86].

Presbyacousie à participation centraleComme nous l’avons déjà mentionné, le sujet âgé peut

vraisemblablement souffrir de troubles centraux de l’audition seconfondant avec, ou faisant partie du tableau de certainespresbyacousies [13, 87]. En fait, dès la sixième décennie, destroubles auditifs centraux dus à la dégénérescence des voiesauditives depuis le tronc cérébral jusqu’au cortex peuventdevenir symptomatiques [27]. La détection de ces troublescentraux de la personne âgée est rendue difficile par le fait quel’atteinte périphérique auditive est quasiment toujours présenteet peut masquer la surdité centrale. L’atteinte centrale probable-ment responsable des troubles auditifs centraux de la personneâgée serait une détérioration progressive du corps calleux,résultant en une diminution des transferts d’informationauditive interhémisphérique [88].

DémencesDans la maladie d’Alzheimer ou la démence sénile, les

désordres centraux n’épargnent pas les voies auditives centrales.De nombreuses publications rapportent l’association de surditécentrale et de démence [14, 15, 89-91]. L’atteinte auditive, notam-ment centrale, dont l’évaluation est loin d’être facile en cas dedémence, est cependant fréquente [14, 15, 89] et mérite d’êtrerecherchée afin d’optimiser la prise en charge de ces malades [14,

15, 89, 90, 92]. D’après une étude prospective menée sur une partiede la population de Framingham, l’atteinte auditive centraleprécéderait souvent la démence sénile, réalisant ainsi unmarqueur précoce de cette maladie [14]. On peut conseiller aumédecin ORL devant prescrire un appareillage auditif à unepersonne âgée, en cas de doute sur une atteinte centrale pluslarge débutante, de s’assurer très simplement de ses fonctionscognitives centrales par des tests simples et peu consommateursde temps comme le mini mental score (MMS) par exemple [92].

Dysfonction auditive obscure(obscure auditory dysfunction)

Tout audiologiste est confronté à des patients se plaignant desurdité, alors que les tests de l’audition périphériques sontnormaux. En 1989, Saunders et Haggard définirent ainsi ladysfonction auditive obscure [93]. Il est probable que, dans cescas, existe une atteinte centrale de l’audition modérée, puisquele système périphérique est a priori innocenté [29]. Toutefois, iln’est pas exclu (et même probable) qu’une atteinte périphériquesubtile de l’audition, ou que des déficits cognitifs, des problèmespsychologiques et/ou émotionnels, des différences de langageou d’environnement soient aussi responsables de ce syn-drome [27]. Parmi ces atteintes obscures de l’audition, il existe

une entité clinique qui regroupe les patients éprouvant degrandes difficultés auditives dans les milieux bruyants alors queleurs tests auditifs périphériques sont normaux. Ce syndrome deKing-Kopetzky est parfois assimilé à la dysfonction auditiveobscure [94]. En cas de gêne uniquement dans le bruit, uneévaluation des performances par audiométrie automatique avecbalayage fréquentiel (audioscan) a révélé une plus grandequantité de « trous » (chutes du seuil auditif centrées sur unintervalle fréquentiel réduit) dans l’intervalle fréquentiel allantde 500 à 3 000 Hz que chez les sujets contrôles [94]. L’explica-tion de ce fait est pour l’instant totalement spéculative. Laprédominance de ces trous dans cet intervalle fréquentielpourrait être due à des désordres génétiques de l’audition, paranalogie avec les résultats d’audiométrie automatique paraudioscan rapportés par Meyer-Bisch en cas d’atteinte génétiquede l’audition [95]. Chez ces patients, il est très fortementrecommandé d’utiliser des tests spécifiques des atteintescentrales de l’audition, tels que ceux proposés dans le BAC [37].En effet le praticien se trouve dans la situation typique dediscordance entre tests audiométriques classiques et plaintes dupatient où il faut évoquer une atteinte centrale de l’audition.D’ailleurs une atteinte des voies auditives centrales est trèsfréquente dans ce syndrome.

Formes cliniques moins fréquentesLes autres lésions centrales pouvant se différencier des

atteintes auditives périphériques correspondent, généralementchez l’adulte, à des lésions corticales et/ou sous-corticales.Toutefois, le cas bien documenté de surdité mésencéphaliquerapporté par Durrant et al. en 1994, par destruction du collicu-lus inférieur chez une jeune femme [53], montre que l’atteintehaute n’est pas toujours indispensable à l’instauration de cetype de surdité. Quoi qu’il en soit, grâce à l’IRM, on identifie laplupart des tumeurs ou lésions ischémiques ou hémorragiquescérébrales en cause. Mais dans certains cas, notamment dans lesatteintes auditives centrales de l’enfant, ou dans les presbyacou-sies à composante centrale, l’atteinte précise est difficile àdéterminer, voire encore inconnue.

Infarctus cortico-sous-corticaux, hémorragiescérébrales

Buchman et al. [10] ont montré que, le plus souvent, les casde surdité verbale de l’adulte étaient dus à des accidentsvasculaires cérébraux temporaux bilatéraux par embolie d’ori-gine cardiaque. D’une manière générale, une cardiopathieemboligène doit être recherchée systématiquement devant uneatteinte centrale de l’audition, puisqu’il y a dans ces caspossibilité de prévenir de futurs accidents ischémiques.L’atteinte bilatérale des gyri de Heschl, que l’on croyait obliga-toire, n’est en fait pas toujours retrouvée dans les surditéscentrales corticales (au sens large du terme). Certaines atteintessubcorticales peuvent suffire [96]. Des ruptures anévrismales, deshématomes temporaux bilatéraux ont été responsables desurdités centrales de l’audition [97]. À côté de ces étiologiesischémiques et hémorragiques peuvent être retrouvées denombreuses autres causes. L’anamnèse, souvent obtenue parl’entourage, prend ainsi une grande valeur d’orientation. Il fautnoter ici que les surdités cortico-sous-corticales à proprementparler, c’est-à-dire la surdité verbale, l’agnosie auditive ou lasurdité corticale, sont rares car elles nécessitent des lésions desdeux cortex auditifs, droit et gauche, pour être évidentes. En casd’atteinte unilatérale, comme dans l’hémianacousie deMichel [28], c’est uniquement la recherche orientée, comme dansle cas rapporté par Nedelec-Ciceri et al. [98], d’une lésion ducortex auditif d’un côté qui permet de reconnaître la surdité : eneffet, l’atteinte auditive gêne moins le patient qui garde unebonne partie de ses facultés auditives grâce au côté sain.

Infections, virus et prions

Les infections (encéphalites, méningites purulentes), lesatteintes virales par exemple par le virus de l’immunodéficience

Atteintes centrales de l’audition ¶ 20-184-A-10

11Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 12: Atteintes Centrales de l'Audition

humaine [99, 100], les infections opportunistes du systèmenerveux central au cours du sida [99, 100] sont toutes pourvoyeu-ses d’atteintes centrales de l’audition. Un cas de surdité due àl’atteinte corticale de la maladie de Creutzfeldt-Jakob a étérécemment rapporté [101].

Tumeurs

Toute tumeur siégeant sur le trajet des voies centrales ou auniveau du cortex auditif peut entraîner une surdité centrale. Parailleurs, le traitement même des tumeurs intracrâniennes peutléser les voies auditives centrales. En 1994, Durrant et al.rapportaient un cas très bien documenté d’atteinte centrale del’audition après traitement radiochirurgical par gamma-knifed’une lésion artérioveineuse qui siégeait au niveau du colliculusinférieur. L’IRM montrait la destruction sélective et isolée d’undes deux colliculus inférieurs, qui pouvait donc être tenue pourresponsable des troubles constatés [53].

Chirurgie

À côté des lésions chirurgicales imputables à l’extirpation denéoplasies centrales, les lobotomies et commissurotomiesinterrompant des connexions interhémisphériques, comme parexemple les sections du corps calleux, donnent bien évidem-ment des perturbations auditives [102, 103].

Sclérose en plaques

Mentionnons ici que la sclérose en plaques peut s’accompa-gner de troubles auditifs centraux [18]. Une surdité brusqued’étiologie rétrocochléaire a été rapportée comme signe révéla-teur de sclérose en plaque [104]. Toutefois les tests spécifiques desvoies auditives centrales n’avaient pas été effectués et il estdifficile de savoir si l’audition fût atteinte par neuropathieauditive ou par altération centrale de l’audition. Il est vraisem-blable que la dégénérescence neuronale concerne à la fois lesvoies auditives centrales et périphériques de l’audition.

■ Conclusion

Les atteintes des voies auditives centrales sont en pratiquetrès fréquentes. Elles commencent à être regroupées et identi-fiées comme telles dans le groupe des CAPD (central auditoryprocessing disorders). Leur diagnostic clinique n’est pas toujoursaisé et la clef est de l’évoquer en cas de discordance entre lesplaintes et les tests audiologiques habituels d’audiométrie. Il estalors très fortement conseillé de compléter le bilan audiométri-que routinier par un bilan audiométrique central tel que le BACproposé pour les francophones [37]. Chez l’enfant, un trouble del’acquisition du langage persistant, sans atteinte périphérique ouaprès correction de celle-ci, a fortiori en cas d’antécédent deprématurité, une otite séromuqueuse avec altération modérée del’audition, ou une dyslexie, doit faire suspecter une atteintecentrale de l’audition. Les étiologies sont variées, de même quele retentissement des atteintes centrales de l’audition. Uneincapacité de compréhension en milieu bruyant sera probable-ment plus handicapante qu’une amusie, du moins en dehorsdes cercles de musiciens. L’atteinte génétique est fréquente, engrande part responsable de l’amusie congénitale par exemple.Les étiologies plus classiques, vasculaires ou tumorales sont enfait très rares du fait de la nécessité d’atteinte bilatérale pourque l’atteinte centrale soit associée à une expression cliniquereconnaissable. L’utilisation des nouvelles techniques d’image-rie, IRM fonctionnelle et TEP-scan en particulier, est trèsprometteuse mais pour l’instant encore principalement dudomaine de la recherche.

■ Références[1] Biacabe B, Mom T,Avan P, Bonfils P.Anatomie fonctionnelle des voies

auditives. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Otorhinolaryngologie,20-175-A-10, 1999 : 7p.

[2] American speech-language-hearing association. Central auditoryprocessing : current status and implications for clinical practice. AmJ Audiol 1996;5:41-54.

[3] Chermark GD. Central testing. In: Gerber SE, editor. The handbook ofpediatric audiology. Washington: Gallaudet University Press; 1996.p. 206-53.

[4] Jerger J. Testing with mashmallows. Editorial. J Am Acad Audiol 2000;11:3.

[5] Martin FN, Champlin CA, Chambers JA. Seventh survey ofaudiometric practices in the United States. J Am Acad Audiol 1998;9:95-104.

[6] Silman S, Silverman CA, Emmer MB. Central auditory processingdisorders and reduced motivation : three case studies. J Am Acad Audiol2000;11:57-63.

[7] Rapin I, Mattis S, Rowan AJ, Golden GG. Verbal agnosia in children.Dev Med Child Neurol 1977;19:192-207.

[8] Lichteim L. On aphasia. Brain 1885;7:433-84.[9] Kussmaul A. Disturbance of speech. In: Von Ziemssen H, editor.

Cyclopedia of the practice of medicine. New York: William Wood;1884. p. 581-875.

[10] Buchman AS, Garron DC, Trost-Cardamone JE, Wichter MD,Schwartz M. Word deafness : one hundred years later. J NeurolNeurosurg Psychiatry 1986;49:489-99.

[11] Freud S. Zur Auffarung der Aphasien. Eine Kritische Studie Gepzig.Paris: PUF; 1891 (1987. 155p).

[12] Lechevalier B, Lambert J, Eustache F, Platel H. Agnosies auditive etsyndromes voisins. Etude clinique, cognitive et psychopathologique.EMC (Elsevier Masson SAS Paris), Neurologie, 17-021-B-20, 1999 :9p.

[13] Lina-Granade S, Garnier S, Collet L. Les tests audiométriques etpsycho-acoustiques. In: Morgon A, editor. Suppléance instrumentalede la surdité : les aides auditives. Paris: La société française d’oto-rhino-laryngologie et de pathologie cervico-faciale; 1998. p. 189-201.

[14] Gates GA, Cobb JL, Linn RT, ReesT,Wolf PA, D’Agostino RB. Centralauditory dysfunction, cognitive dysfunction, and dementia in olderpeople. Arch Otolaryngol Head Neck Surg 1996;122:161-7.

[15] Gates GA, Karzon RK, Garcia P, Peterein J, Moris JC, Miller JP.Auditory dysfunction in aging and senil dementia, of the Alzheimer’stype. Arch Neurol 1995;52:626-34.

[16] Peretz I, Cummings S, Dubé MP. The genetics of congenital amusia(tone deafness) : a family-agregation study. Am J Hum Genet 2007;81:582-8.

[17] Jerger J, Musiek F. Report of the Consensus Conference on theDiagnosis of Auditory Processing Disorder in school-aged-children.J Am Acad Audiol 2000;11:467-74.

[18] Hausler R. Levine RA. Brain stem auditory evoked potentials arerelated to interaural time discrimination in patients with multiplesclerosis. Brain Res 1980;191:589-94.

[19] Assal G.Aphasie de Wernicke sans amusie chez un pianiste. Rev Neurol1973;129:251-5.

[20] BassoA, Capitani E. Spared musical abilities in a conductor with globalaphasia and ideomotor apraxia. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1985;48:407-21.

[21] Signoret JL, Van Eeckout P, Poncet M, Castaigne P. Aphasie sansamusie chez un organiste aveugle. Rev Neurol 1987;143:172-81.

[22] Liston SL, Yanz JL, Preeves D, Jelonek S. Beethoven’s deafness.Laryngoscope 1989;99:1301-4.

[23] Marmel F, Tillman B, Dowling WJ. Tonal expectations influence pitchperception. Percept Psychophys 2008;70:841-52.

[24] Trehub SE. The developmental origins of musicality. Nat Neurosci2003;6:669-73.

[25] Hood LJ, Berlin CI, Allen P. Cortical deafness : a longitudinal study.J Am Acad Audiol 1994;5:330-42.

[26] Ducarne de Ribaucourt B. Bilan d’évaluation sémiologique des déficitsperceptifs acoustiques en cas de lésion cérébrales. Cah Audit 1991;5:19-20.

[27] Baran JA, Musiek FE. Behavioural assessment of the central auditorynervous system. In: Musiek FE, Rintelman WF, editors. Contemporaryperspectives in hearing assessment. Needham Heights, MA: Library ofCongress Catalogging-in-Publication Data, Allyn and Bacon; 1999.p. 375-413.

.

20-184-A-10 ¶ Atteintes centrales de l’audition

12 Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 13: Atteintes Centrales de l'Audition

[28] Michel F, Peronnet F, Schott B. A case of cortical deafnes : clinical andelectrophysiological data. Brain Lang 1980;10:367-77.

[29] Baran JA, Musiek FE. Evaluation of the adult with hearing complaintsand normal audiogram. Audiol Today 1994;6:9-11.

[30] Musiek FE. The evaluation of brainstem disorders using ABR andcentral auditory tests. Monogr Contemp Audiol 1983;4:1-24.

[31] Milner B. Lateraly effects in audition. In: Mountcastle VB, editor.Interhemispheric relations and cérébral dominance. Baltimore: JohnHopkins Press; 1962. p. 117-95.

[32] Lhermitte F, Chain F, Escourolle R, Ducarne B, Pillou B, Chedru G.Étude des troubles perceptifs auditifs dans les lésions temporales bila-térales. Rev Neurol 1971;124:329-51.

[33] Karaseva TA. The role of the temporale lobe in human auditory per-ception. Neuropsychologia 1972;10:227-31.

[34] Musiek FE, Pinheiro ML. Frequency patterns in cochlear, brainstem,and cerebral lesions. Audiology 1987;26:79-88.

[35] Musiek FE, Baran JA, Pinheiro ML. Duration pattern recognition innormal subjects and in patients with cérébral and cochlear lésions.Audiology 1990;29:304-13.

[36] Jerger J, Jerger S. Auditory findings in brainstem disorders. ArchOtolaryngol 1974;99:342-9.

[37] Demanez L, Dony-Closon B, Lhonneux-Ledoux F, Demanez JP.Central Auditory Procesing Assessment : a French-speaking battery.Acta Otorhinolaryngol Belg 2003;57:243-52.

[38] Bonfils P, Van den Abbeele T, Ané P, Avan P. Exploration fonctionnelleauditive. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Otorhinolaryngologie,20-175-A-10, 1998 : 16p.

[39] Moulin A, Collet L. Les otoémissions acoustiques en exploration fonc-tionnelle. Cachan: éditions Médicales Internationales; 1996.

[40] Khalfa S, Veuillet E, Collet L. Influence of handedness on peripheralauditory asymmetry. Eur J Neurosci 1998;10:2731-7.

[41] Khalfa S, Bruneau N, Rogé B, Georgieff N, Veuillet E, Adrien JL, et al.Peripheral auditory asymmetry in infantile autism. Eur J Neurosci2001;13:628-32.

[42] Jerger J, Northern JL. Clinical impedance audiometry. Acton MA:American Electromedics Corporation; 1980.

[43] Borg E. On the neuronal organization of the acoustic middle earreflex : a physiological and anatomical study. Brain Res 1973;49:101-23.

[44] Jerger S, Jerger J. Diagnostic value of crossed vs uncrossed acousticreflexes : eighth nerves and brainstem disorders. Arch Otolaryngol1977;103:445-50.

[45] Avan P. Exploration objective des voies auditives. Cachan: éditionsMédicales Internationales; 1997.

[46] Davis PA. Effects of acoustic stimuli on the waking human brain.J Neurophysiol 1939;2:494-9.

[47] Durrant JD, Lovrinic JH. Bases of hearing sciences. Baltimore:Williams and Wilkins; 1995.

[48] De Ribaupierre F. Acoustical information processing in the auditorythalamus and cerebral cortex. In: Ehret G, Romand R, editors. Thecentral auditory system. New York: Oxford University Press; 1997.p. 317-97.

[49] Jewett DL, Romano ML, Williston JS. Human auditory evokedpotentials : possible brainstem components recorded on the scalp.Science 1970;167:1517-8.

[50] Møller AR, Jannetta PJ. Compound action potentials recordedintracranially from the auditory nerve in man. Exp Neurol 1981;74:862-74.

[51] Melcher JR, Kiang NY. Generators of the brainstem auditory evokedpotentials in cat III : identified cell populations. Hear Res 1996;93:52-71.

[52] Musiek FE, Baran JA. Assessment of the human central auditorysystem. In: Altschuller R, Bobbin R, Clopton B, Hoffman D, editors.Neurobiology of hearing : the central auditory system. New-York:Raven Press; 1991. p. 411-35.

[53] Durrant JD, Martin WH, Hirsch B, Schwegler J. 3 CLT ABR analysesin a human subject with unilatéral extirpation of the inferior colliculus.Hear Res 1994;72:99-107.

[54] Geisler CD, Frishkopf LS, Rosenblith WA. Extracranial responses toacoustic clicks in man. Science 1958;128:1210-1.

[55] Kraus N, Özdamar O, Hier D, Stein L. Auditory middle latencyresponses (MLRs) in patients with cortical lesions. ElectroencephalogrClin Neurophysiol 1982;54:275-87.

[56] McGee T, Özdamar O, Kraus N. Auditory middle latency responses inthe guinea pig. Am J Otolaryngol 1983;4:116-22.

[57] Hashimoto I. Auditory evoked potentials from the human midbrain.Slow brainstem responses. Electroencephalogr Clin Neurophysiol1982;53:652-7.

[58] Krauss N, MacGee T. Color imaging of the middle latency response.Ear Hear 1988;9:159-67.

[59] McPherson DL. Late potentials of the auditory system. London:Singular Publishing Group; 1995.

[60] Jacobson GP, Calder JA, Newman CW, Peterson EL, Wharton JA,Ahmad BK. Electrophysiological indices of selective auditory atten-tion in subjects with and without tinnitus. Hear Res 1996;97:66-74.

[61] Kaga M, Murakami T, Naitoh H, Nihei K. Studies on pediatric patientswith absent auditory brainstem responses (ABR) later components.Brain Dev 1990;12:380-4.

[62] Csepe V. On the origin and development of the mismatch negativity.Ear Hear 1995;16:91-104.

[63] Picton TW. The neurophysiological evaluation of auditory discrimina-tion. Ear Hear 1995;16:1-5.

[64] Sininger Y, Norton SN, Starr A, Ponton C. Auditory neural synchronydisorders in children. ASHA 1993;35:231.

[65] Starr A, McPherson DL, Patterson J, Don M, Luxford W, Shannon R,et al. Absence of both auditory evoked potentials and auditory perceptsdependent on timing cues. Brain 1991;114:1157-80.

[66] Engelien A, Hubert W, Silbersweig D, Stern E, Frith CD, Doring W,et al. The neural correlates of “deaf-hearing” in man : conscious sensoryawareness enabled by attentional modulation. Brain 2000;123(Pt3):532-45.

[67] Liégeois-Chauvel C, Musolino A, Badier JM, Marquis P, Chauve P.Evoked potentials recorded from the auditory cortex in man : evaluationand topography of the middle latency components. ElectroencephalogrClin Neurophysiol 1994;92:204-14.

[68] Schmidt AM, Weber BP, Vahid M, Zacharias R, Neuburger J, Witt M,et al. Functional MR imaging of the auditory Cortex with ElectricalStimulation of the promontory in 35 deaf patients before cochleaimplantation. AJNR Am J Neuroradiol 2003;24:201-7.

[69] Truy E. Neuro-functional imaging and profound deafness. Int J PediatrOtorhinolaryngol 1999;47:131-6.

[70] Starr A, Picton TW, Sininger Y, Hood LJ, Berlin CI. Auditoryneuropathy. Brain 1996;119:751-3.

[71] Delmaghani S, Del Castillo FJ, Michel V, Leibovici M, Aghaie A,Ron U, et al. Mutations in the gene encoding pejvakine, a newlyidentified protein of the afferent auditory pathway, cause DFNB59neuropathy. Nat Genet 2006;38:770-8.

[72] Ebermann I, Walger M, Scholl HP, Charbel Issa P, Lüke C, Nurnberg G,et al. Truncating mutation of the DFNB59 gene causes cochlear hearingimpairment and central vestibular dysfunction. Hum Mutat 2007;28:571-7.

[73] Abraira VE, Hvun N, Tucker AF, Collinq DE, Brown MC, Lu C, et al.Changes in Sef levels influence auditory brainstem development andfunction. J Neurosci 2007;27:4273-82.

[74] Kaga K, Ono M, Yakumaru K, Owada M, Mizutani T. Brainstempathology of infantile Gaucher’s disease with only wave I and II ofauditory brainstem response. J Laryngol Otol 1998;112:1069-73.

[75] Lacey DJ, Terplan K. Correlating auditory evoked and brainstemhistologic abnormalities in infantile Gaucher’s disease. Neurology1984;34:539-41.

[76] Saul SM, Brzezinski 4th JA, Altschuler RA, Shore SE, Rudolph DD,Kabara LL, et al. Math5 expression and function in the central auditorysystem. Mol Cel Neurosci 2008;37:153-69.

[77] Amoiridis G, Tzagournissakis M, Christodoulou P, Karampekios S,Latsoudis H, Panou T, et al. Patients with horizontal gaze palsy andprogressive scoliosis due to ROBO3 E319K mutation have bothuncrossed and crossed central nervous system pathways and performnormally on neuropsycholgical testing. J Neurol Neurosurg Psychiatry2006;77:1047-53.

[78] Gopal KV, Kowalski J. Slope analysis of auditory brainstem responsesin children at risk of central auditory processing disorders. Scan Audiol1999;28:85-90.

[79] Thai-Van H, Micheyl C, Moore BC, Collet L. Enhanced frequency dis-crimination near the hearing loss cut-off : a consequence of centralauditory plasticity induced by cochlear damage? Brain 2003;126:2235-45.

Atteintes centrales de l’audition ¶ 20-184-A-10

13Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 14: Atteintes Centrales de l'Audition

[80] Willeford J. Differential diagnosis of central auditory dysfunction. In:Bradford L, editor. Audiology : an audio journal for continuingeducation. New-York: Grune and Stratton; 1976.

[81] Riemer GP. Audiometric screening. In: Cotton RT, Myer 3rd CM,editors. Practical pediatric otolaryngology. Philadelphia: Lippincott-Raven Publishers; 1999. p. 349-56.

[82] Moore CA, Cranford JL, Rhan AE. Tracking of a “moving” fusedauditory image under conditions that elicit the precedence effect.J Speech Hear Res 1990;33:141-8.

[83] Hall JW, Grose JH. The effects of otitis media with effusion on themasking level différence and the auditory brainstem response. J SpeechHear Res 1993;36:210-7.

[84] Musiek FE, Collegly KM, Baran JA. Myelinisation of the corpuscallosum in learning disabled children : theoretical and clinicalcorrelates. Semin Hear 1984;5:231-42.

[85] Demanez L, Boniver V, Dony-Closon B, Lhonneux-Ledoux F,Demanez JP. Central Auditory Processing Disorders : some cohortstudies. Acta Otorhinolaryngol Belg 2003;57:291-9.

[86] O’Donoghue GM, Nikolopoulos TP, Archbold SM. Determinants ofspeech perception in children after cochlear implantation. Lancet 2000;356:466-8.

[87] Dauman R, Arthaud P. Appareillage auditif de la personne âgée. In:Morgon AH, editor. Suppléance instrumentale de la surdité : les aidesauditives. Paris: La société française d’oto-rhino-laryngologie et depathologie cervico-faciale; 1998. p. 223-34.

[88] Jerger J, Alford B, Lew H, Rivera V, Chmiel R. Dichotic listening,event-related potentials, and interhemispheric transfer in the elderly.Ear Hear 1995;16:482-98.

[89] Gold M, Lightfood LA, Hnath-Chisolm T. Hearing los in a Memorydsorders clinic. A specially vulnerable population. Arch Neurol 1996;53:922-8.

[90] Palmer CV, Adams SW, Durrant JD, Bourgeois M, Rossi M. Managinghearing loss in a patient with Alzheimer disease. J Am Acad Audiol1998;9:275-84.

[91] Sinha UK, Hollen KM, Rodriguez R, Miller CA.Auditory degenerationin Alzheimer’s disease. Neurology 1993;43:779-85.

[92] Uhlmann RF, Teri L, Rees TS, Mozlowski KJ, Larson EB. Impact ofmild to moderate hearing loss on mental status testing. Comparabilityof standard and written Mini-Mental State Examinations. J Am GeriatrSoc 1989;37:223-8.

[93] Saunders GH, Haggard MP. The clinical assessment of obscureauditory dysfunction. Ear Hear 1989;10:200-8.

[94] Zhao F, Stephens D. Audioscan testing in patients with king-kopetskysyndrome. Acta Otolaryngol 1999;119:306-10.

[95] Meyer Bisch C. Audioscan : a high definition technique based onconstant-level frequency sweeps. A new method with new hearingindicators. Audiology 1996;35:63-72.

[96] Musiek FE, Lee WW. Neuroanatomical correlates to central deafness.Scand Audiol [suppl] 1998;49:18-25.

[97] Godefroy O, Leys D, Furby A, De Reuck J, Daems C, Rondepierre P,et al. Psychoacoustical deficits related to bilateral subcorticalhemorrhages. A case with apperceptive auditory agnosia. Cortex 1995;31:149-59.

[98] Nedelec-Ciceri CL, Anguenot A, Rosier MP, Joseph PA, Vincent D,Branchu C, et al. Aphasie croisée révélée par un trouble central del’audition. Rev Neurol 1996;152:700-3.

[99] Bankaitis AE, Schountz T. HIV-related ototoxicity. Semin Hear 1998;19:155-63.

[100] Lalwani AK, Sooy CD. Otologics and neurologic manifestation ofacquired immunodeficiency syndrome. Otolaryngol Clin North Am1992;25:1183-98.

[101] Tobias E, Mann C, Bone I, De Silva R, Ironside J.Acase of Creutzfeldt-Jakob disease with cortical deafness. J Neurol Neurosurg Psychiatry1994;57:872-3.

[102] Gazzaniga MS, Risse G, Springer S, Clark E, Wilson DH.Psychological and neurological conséquences of partial and completecommissurotomy. Neurology 1975;25:10-5.

[103] Musiek FE, Kibbe K, Baran JA. Neuroaudiological results from split-brain patients. Semin Hear 1984;5:249-59.

[104] Franklin DJ, Cocker NJ, Jenkins HA. Sensorineural hearing loss as apresentation of multiple sclerosis. Arch Otolaryngol Head Neck Surg1989;115:41-5.

T. Mom, Oto-rhino-laryngologiste, professeur des Universités ([email protected]).A. Bascoul, Interne des Hôpitaux.L. Gilain, Oto-rhino-laryngologiste, professeur des Universités, chef de service.Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale, CHU Hôpital Gabriel Montpied, 30, place Henri-Dunant, 63000 Clermont-Ferrand, France.

P. Avan, Biophysicien, directeur de laboratoire.Laboratoire de biophysique sensorielle, EA 2667, Faculté de Médecine, Université Clermont I, 28, place Henri-Dunant, 63000 Clermont-Ferrand, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Mom T., Bascoul A., Gilain L., Avan P. Atteintes centrales de l’audition. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),Oto-rhino-laryngologie, 20-184-A-10, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com

Arbresdécisionnels

Iconographiessupplémentaires

Vidéos /Animations

Documentslégaux

Informationau patient

Informationssupplémentaires

Auto-évaluations

Casclinique

20-184-A-10 ¶ Atteintes centrales de l’audition

14 Oto-rhino-laryngologie

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)

Page 15: Atteintes Centrales de l'Audition

Cet article comporte également le contenu multimédia suivant, accessible en ligne sur em-consulte.com et

em-premium.com :

1 autoévaluation

Cliquez ici

© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 09/05/2014 par CHR Metz-Thionville - (566092)