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AU NOM DE LA SCIENCE Mohamed Larbi Bouguerra SCIENCE, ISLAM, ISLAMISME 101 bjectivée, neutre, la science est glorifiée sinon élevée au rang de mythe; synonyme de progrès, elle est la preuve patente de la conquête par l'homme de l'inconnu et des secrets de l'univers; elle est la valeur sûre qui signifie la modernité. L'islam, dès l'origine, a porté la science aux nues car, écrit Jacques Berque, « il a une propension originelle à la raison », Tout bambin qui en terre d'islam apprend à lire ou à écrire le fait tout naturellement à travers le Coran qui l'interpelle ainsi : « Lis! Au nom de ton Seigneur qui créa Créa l'homme d'une adhérence Lis! de par ton Seigneur tout générosité Lui qui enseigna par le calame, enseigna à l'homme ce que l'homme ne savait pas. » (Sourate XCVI, traduction de Jacques Berque) 90 REVUE DES DEUX MONDES FEVRIER 1995

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AU NOM DE LA SCIENCE

Mohamed Larbi Bouguerra

SCIENCE,ISLAM,

ISLAMISME

101 bjectivée, neutre, la science est glorifiée sinon élevée aurang de mythe; synonyme de progrès, elle est la preuvepatente de la conquête par l'homme de l'inconnu et des

secrets de l'univers; elle est la valeur sûre qui signifie la modernité.L'islam, dès l'origine, a porté la science aux nues car, écrit

Jacques Berque, « il a une propension originelle à la raison », Toutbambin qui en terre d'islam apprend à lire ou à écrire le fait toutnaturellement à travers le Coran qui l'interpelle ainsi :

« Lis! Au nom de ton Seigneur qui créaCréa l'homme d'une adhérenceLis! de par ton Seigneur tout générosité

Lui qui enseigna par le calame, enseigna à l'homme ce que l'hommene savait pas. »

(Sourate XCVI, traduction de Jacques Berque)

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Il s'agit là de la toute première sourate révélée au prophèteMohamed par l'archange Gabriel.

L'exégèse traditionnelle y a toujours vu une incitation, quedis-je, un ordre divin à tout musulman pour qu'il acquière scienceet connaissance (1). Un autre traducteur du Coran, MohammedHamidullah, écrit à ce propos : (( Les cinq premiers versets avec sonéloge de la plume comme instrument de la science humaine voirede la civilisation et de la culture de l'homme constituent la toutepremière révélation de Mohamed. »

La tradition du Prophète n'est pas en reste, et nombreux sontles hadiths (paroles authentiques du Prophète) de la même veinetels: (( L'encre de l'étudiant est plus sacrée que le sang du martyr(ou du combattant) )) ; (( Qui abandonne son foyer pour se mettreen quête du savoir suit la voie de Dieu )) ; (( L'étude de la sciencea la valeur du jeûne, l'enseignement de la science celle d'uneprière )); (( Demande la science, fût-ce en Chine )); etc.

Quant à Al-Gazali (1058-1111), il rapporte dans sa Lettre audisciple (2) ce hadith : (( Le pire supplice, au jour de larésurrection, sera celui du savant à qui Dieu n'aura pas permisde profiter de sa science. )) Les préceptes coraniques et les hadithsont été exécutés au pied de la lettre dès le début de la conquêtearabe. On vit alors des peuples divers, des savants d'obédiencesreligieuses différentes « produire de la science » exclusivementdans une seule langue, l'arabe, (( un vecteur particulièrementflexible et approprié pour l'expression des concepts scientifiques )),note Colin A. Ronan dans sa fameuse Histoire mondiale desSciences (3). Quant à Sigrid Hunke (4), elle écrit: (( Tout musulmanapprend et comprend l'arabe. Tout citoyen de l'empire jouissantdes droits civils et politiques obtient l'accès aux "merveilles dela science'; qui n'est donc pas réservée à un petit cercle d'éruditsisolés du peuple )) comme en Occident, à la même époque, oùle latin reste la langue du savoir par excellence. C'est pourquoil'attitude actuelle de certains fondamentalistes détruisant écoles etfacultés ou empêchant les femmes d'accéder à l'instruction paraîttotalement étrangère à l'islam (5). Etrangers aussi à l'islam sontles assassinats de penseurs et d'écrivains comme cela ne se voitmalheureusement que trop souvent en Egypte ou en Algérie. Amoins que, assoiffés de pouvoir, les intégristes ne soient des émules

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d'Yeyasu Tokugawa, fondateur d'un grand et célèbre shogunat,qui recommandait : « Maintenez le peuple dans la dépendanceet l'ignorance (6). »

Un grand sens de la rationalité

Le professeur Ali Kettani, spécialiste internationalementreconnu en énergie solaire et directeur de la Fondation islamiquepour la science, la technologie et le développement de Djedda,déclarait récemment : (( La recherche de la connaissance est undevoir en islam, et je pense que nous devons encourager cettequête dans tous les domaines sans interférence », et il insiste surle fait que l'umma (ensemble de tous les musulmans de la terre)a besoin d'une politique scientifique appropriée et qu'elle doitlaisser de côté les inquiétudes inutiles à propos de valeur etd'idéologie en science. D'autant que, ajoute Kettani, en islam,l'épistémologie (théorie de la connaissance) reconnaît, outre laconnaissance révélée aux prophètes, le savoir non révélé issu dela raison, de l'observation, de l'expérimentation... En un mot, larecherche de la connaissance est un devoir pour le musulmanet la musulmane. (( Maudite soit la Science qui n'est pas utile )),dit un hadith célèbre. Utile à l'homme et à l'humanité. Et Al-Gazalide conseiller à son disciple: (( Mon fils! Ne soispas avare d'actesvertueux ni d'états mystiques, et sois sûr que la science théoriquen'apporte aucune aide. ))

L'histoire de la science islamique montre qu'en plein MoyenAge les savants rationalistes arabes (7), comme Ibn Rochd, ontmaîtrisé avec brio la logique, car les merveilles de la scienceprouvent la puissance divine, Ibn Rochd insistant sur le fait quel'esprit humain est le (( réceptacle des formes intelligibles )) quel'on peut abstraire des choses. Au Xe siècle, le géographeAl Massaoudi, qui voyage aussi bien à travers tout le mondemusulman qu'en Inde et en Afrique de l'Est, refuse de faire deLa Mecque le centre de l'univers et de plier la géographie auxconcepts coraniques ..., sans subir le malheureux sort auquel Galiléeet Giordano Bruno feront face quelques siècles plus tard. Déjà,

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au IXe siècle, les théologiens mutazalistes avaient un grand sensde la rationalité de la religion, et l'importante secte secrète desFrères de la pureté (Akhwan Es Safa), qui avait une conceptionésotérique du Coran, enseignait que la lumière provient d'abordde l'étude de la nature, d'où un intérêt et des observationsremarquables pour l'époque en botanique et en zoologienotamment. « Qui aspire au savoir adore Dieu », dit le hadith.A la même époque, à en croire Sigrid Hunke, saint Paul écrivait :«Je veux anéantir la sagesse des sages. » Et Sigrid Hunke d'ajouter:« Aucun livre d'histoire n'omet de déclarer que la victoire deCharles Martel a sauvé le christianisme, la civilisation occidentaleou l'Occident, qu'elle a préservé la civilisation occidentale del'asphyxie et de la mort. » L'exemple de l'Espagne montre quedeux cents ans de domination arabe suffirent à placer un paysappauvri, livré à l'abandon et asservi, à la tête de l'Europe et dumonde occidental, cela grâce à l'éducation de toutes les couchesde la société, grâce à l'essor des sciences et des arts. Or, cetteprimauté, l'Espagne la conservera cinq siècles durant, jusqu'à ceque les Arabes en fussent chassés en 1492. C'est ainsi qu'Al-Razi(Rhazès), le fameux médecin du Xe siècle, avait, en science, uneattitude critique rationnelle radicale et niait toute autorité dans ledomaine scientifique, osant douter même des préceptes de Galien,et c'est pour l'influence de son enseignement - qui ne dura pasmoins de sept siècles - qu'Al-Razi trône aux côtés d'Ibn Sina(Avicenne) à l'Ecole de médecine de Paris. Il faut rappeler, ici,que c'est à Tolède, ce grand foyer de culture du Moyen Age, qu'IbnDaoud (le fils de David), Juif arabophone, a traduit en latinAvicenne, assurant le passage du castillan au latin. Traduction d'uneimportance capitale pour l'Occident et l'Europe, qui vont ainsise mettre à la philosophie d'Aristote. Le Qanun Ettib (le canonde la médecine) d'Abu Bakr Ar-Razi figurera au programme dela faculté de médecine de Leipzig, de sa fondation en 1409 jusqu'àla fin du XVIe siècle. Edwy Plenel écrit dans le Monde du 4-5 aôut1991 : « La chute de Grenade après dix ans de guerre marquela fin d'un islam d'Occident enraciné sur cette terre depuis huitsiècles, tolérant et brillant, pont intellectuel par lequel transiterontclassiques grecs et latins, redécouverts grâce aux traducteurstolédans. L'expulsion d'Espagne est pour les Juifs l'ultime rejet

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par une Europe où l'expulsion avait déjà frappé partout ailleurs(1290 en Angleterre, 1306 en France). L'expulsion d'Espagne,signée le 31 mars 1492, l'abandon d'une patrie millénaire qui,dans un déplacement d'Occident en Orient donnera naissanceaux communautés sépharades d'Afrique du Nord et de Turquie. ))On voit donc combien sont étrangers à l'islam ceux qui égorgentles étrangers en Algérie et ceux qui, dans ce pays martyr, tirentà l'arme automatique sur des lycéennes dont le « crime », commedit Kant, est d'« oser savoir )) tsapere aude)!

« Superbe héritage »

Et c'est ainsi que les savants de l'islam introduisirent l'algèbreet la trigonométrie et firent profiter l'Occident, en mathématiques,d'un (( superbe héritage », reconnaît Colin A. Ronan. Ce n'est pasle lieu de faire, ici, tout le détail de ce qu'ils apportèrent à l'humanitéen médecine, en pharmacie, en optique, en chimie, ou dans lafabrication des pièces d'artillerie qu'ils utilisèrent pour la premièrefois àAlicante en 1325... , ce qui donna des idées aux Anglais, lesquelsen firent l'usage que l'on sait à Crécy en 1346! Leur fiévreuse quêtescientifique se manifesta même dans le domaine de la diplomatie.Après sa victoire sur l'empereur byzantin Michel III, le calife ElMaamoun (786-833)exigea, en guise de réparation, tous les ouvragesgrecs anciens de sa bibliothèque non encore traduits en arabe, etc'est ainsi que les Eléments de géométrie d'Euclide furent traduitsen 813. Abderrahman III d'Andalousie obtint aussi de la même façonde Constantin VII nombre de manuscrits, dont la Pharmacologie deDiscoride.

Certains, cependant, ont essayé de nier l'apport des Arabes,et Ernest Renan a pu écrire après des considérations négativessur la race sémitique : (( Quant à la science arabe, elle est unreflet de la Grèce, combiné avec des influences de la Perse etde l'Inde )), ce qui fait dire à un historien des mathématiques,Rochdi Rachèd, directeur de recherche au CNRS : (( Pour Renan,la science arabe est un relief aryen [00'] de plus, dépendantétroitement de la science grecque, les savants de cette période

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se trouvent finalement relégués au rôle de gardiens consciencieuxdu musée hellénistique. » Et Rochdi Rachèd de conclure : « Lessciences classiques sont en fait le produit de la Méditerranée nonpas comme telle mais comme foyer d'échanges de toutes lescivilisations au centre et à la périphérie de l'Ancien Monde. »

Et Michel Serres d'ajouter: « La science arabe ne doit pas êtreconsidérée comme un relais mais comme un temps dans l'histoired'une science euro-asiatique. [...] La science transmise par lesArabes à l'Occident a son identité propre, profondément originalepar rapport à ses initiatrices grecque ou indienne, comme seradifférente la science de l'Occident médiéval. » La chute de Bagdaden 1258 allait sonner le glas de la puissance temporelle de l'islamet amorcer le déclin progressif de ses activités scientifiques, mêmesi l'astronomie continuera à briller d'un certain éclat et même sil'Empire ottoman insufflera quelques siècles plus tard un peu devie (8). Emergera aussitôt un « culte » néfaste : la contemplationquasi obsessionnelle de la gloire passée dans un univers dominépar « la fin d'el Ijtihad », c'est-à-dire la mort de l'esprit libre etla sclérose de la pensée... , jusqu'à l'expédition d'Egypte. MahmoudHussein écrit que « certains intellectuels égyptiens se mirent àexprimer le respect que leur avaient inspiré les savants français,l'admiration qu'ils avaient ressentie en les écoutant expliquerleurs découvertes et leurs inventions » et que la venue deBonaparte fut considérée comme « un appel à passer d'un universdominé par les vérités révélées et intangibles dans un universouvert au doute, à l'expérience, à la liberté, où la conscienceguidée par la raison pouvait explorer un champ illimité depossibles. Des écoles se créent, où la mémorisation, la récitationpar cœur, cèdent le pas à l'expérimentation et au raisonnement ».

« L'onde de choc de l'équation technicienne qui a couronné leprocessus de modernisation de l'Occident» fera, en un quart desiècle, de l'Egypte une importante puissance régionale qui galvaniseles peuples arabes et ne laisse pas insensible la pensée religieuseelle-même, puisque c'est pour relever le défi de l'Occident queles réformateurs, tels Mohamed Abdah ou El Afghani, appellentà une nahda (renaissance) qui est à leurs yeux à la fois retouraux sources du message divin et intégration sélective de certainsapports de la société européenne. Las! Londres et Paris vont faire

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en sorte que l'Egypte de Mohamed Ali ne puisse décoller, et bientôtseront colonisés d'autres pays et d'autres peuples. Qu'en est-ilaujourd'hui? Evoquant la situation de l'enseignement supérieuralgérien face à la montée des islamistes, Rachid Mimouni écrit :« Les sciences humaines restent globalement suspectes [...] et sonttransformées en cours de propagande islamique. Les étudiants[...] n'entendent jamais parler de Darwin, Freud, Auguste Comteet encore moins de Marx [...]. Ibn Khaldoun lui-même ny est guèreen odeur de sainteté. La biologie, la médecine et surtout lachirurgie suscitent des réticences [pour leur matérialisme]. Restentles sciences exactes supposées neutres. L'informatique est trèsprisée. Lorsqu'ils voient sur l'écran de l'ordinateur s'inscrire noslettres arabes, ils sont convaincus que la langue du Coran estentrée dans la modernité, ignorant que ce n'est que l'effet dulogiciel conçu aux Etats-Unis avec la collaboration d'émigréslibanais. )) Puis Mimouni évoque la sanction des études : « Danscertaines facultés, les islamistes sont assurés de leur réussite auxexamens quelles que soient les notes obtenues. Tout enseignantqui s'aviserait de les recaler se verrait aussitôt taxé de mécréant,car il aurait fait prévaloir les calculs de résistance des matériauxsur l'omnipotence divine qui peut faire tenir un immeuble dontles piliers ont été sous-dimensionnés ou provoquer l'écroulementd'un pont construit selon les normes requises. )) Et notre auteurde conclure : « La religion a ainsi fini par investir tous les lieuxde l'espace social, du culturel au scientifique. En ce cas, la barbarien'est jamais loin. Ni l'Inquisition et les bûchers. Les hommes deculture auront été les premières victimes de ces soufflesravageurs. )) Mohamed Arkoun renchérit de son côté :« L'avènement d'une "raison" des Lumières demeure jusqu'à nosjours l'impensé de la pensée islamique. )) On est, hélas! loin del'avènement d'une raison des Lumières! La revue égyptienneLittérature et critique rapporte, dans un article signé du Dr ChablBadran, paru dans son no 80 d'avril 1992, les tribulations de lathèse d'un chercheur, Saïd El Chérihi, de la faculté de langue arabede l'université Om El Khoura en Arabie Saoudite. Ce travail portaitsur le Renouveau linguistique de la poésie à l'époque abbasside.Il était dirigé par le Pr Lotfi Abd-El-Badi considéré comme unchercheur « coupable d'utiliser des méthodologies structuralistes

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o La Réforme constitutionnellejanvier1992

o Le théâtre en quête d'auteursfévrier 1992

o Ethique: à la recherche du "sens"mars 1992

o Autour du mémoire du père de Lubacavri11992

o Environnement: notre terre en périlmai/juin 1992

o Les Etats-Unis sont-ils sur la mauvaise pente?juillet 1992

o La dangereuse dérive de notre enseignementseptembre 1992

o Montherlant revisitéoctobre 1992

o L'art contemporain, pour qui?novembre 1992

o Les Balkansdécembre 1992

o Le goût françaisjanvier 1993

o L'actualité du nouveau catéchismeavri11993

o Mai 68, vingt-cinq ans déjà...mai 1993

o Guy de Maupassantjuin 1993

o Cocteau ou le Paganini du violon d'Ingresjuillet 1993

o Politique économique: bon ou mauvais choix?et La guerre de Vendéeseptembre 1993

o Au-delà de l'écologieoctobre 1993

o Les chemins de la poésienovembre 1993

o Jacques Maritain, le philosophe dans la citédécembre 1993

o L'accord israélo-palestinienjanvier 1994

o Ruralité et avenir de l'agriculturefévrier 1994

o Georges Pompidoumars 1994

o Voltaire, au secours !avri11994

o L'X ou le label demai 1994

o La constructioneuropéennejuin 1994

DEa nouvelle, c'est l'urgencejuillet/août 1994

o Révolution de I'informatiqüeseptembre 1994

o Allemagne : an IVoctobre 1994

o La culture aujourd'huinovembre 1994

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et réalistes )), ce qui, aux yeux du rapporteur de la thèse, constituait(( un danger autrement plus grave, pour l'islam, que le marxisme,le communisme et la laïcité )), comme il l'a déclaré à diversjournaux saoudiens. La thèse dut être profondément remaniée. Lacommission des thèses (jury) donna son aval après soutenanceet discussion. Ensuite, le Conseil de la faculté de langue arabeémit un avis favorable à la collation du grade de docteur à SaïdEl Chérihi. Mais le Conseil de l'université repoussa, pour la secondefois, ce travail et publia une Décision (nv 5 en date du 16 chaouèl1409 hégirien, c'est-à-dire en 1989) dans laquelle on relève cetattendu : (( La thèse contient des idées et des expressions obscures,non conformes aux principes et à l'enseignement de la religionmusulmane. De plus, elle reflète des conceptions et desméthodologies occidentales étrangères à notre religion, notremilieu et notre société islamiques. )) Après s'être étonné que l'onpuisse affirmer que (( des idées obscures sont conformes ou nonà la religion )), le Dr Chabl Badran de s'exclamer: (( Y a-t-il uneméthode scientifique musulmane et une autre chrétienne ou juiveou bouddhiste ou américaine? )) El Chérihi n'obtint pas son titrede docteur, mais, magnanime, le Conseil de l'université lui demandade (( faire amende honorable et de revenir à Dieu )) et lui accorda,à titre exceptionnel, le droit d'aborder une nouvelle recherche(( avec un directeur dont les idées, les méthodes et la science sontconformes aux principes islamiques de notre université )). Commeon le voit, le Moyen Age se porte à merveille dans certainesuniversités du monde islamique! Du reste, signale le Dr Badran,la même institution saoudienne renvoya, en 1987, un professeurqui estimait que le fait de chanter ou le fait de ne pas porterle voile, pour les femmes, n'étaient pas contraires à la religioncomme elle rompit le contrat d'un enseignant égyptien, lePr Mahmoud Abou Zeid, coupable d'avoir traduit le livre de PauloFreire Pédagogie des opprimés. Qui donc encourage l'irrationnelet la mort de l'intelligence? Qui renvoie des professeurs pour avoirfondé un comité « contre l'oppression et l'injustice »? Le grandpenseur Chakib Arsalan, s'interrogeant sur les raisons de ladécadence, écrivait en 1933 : (( L'un des grands facteurs de ladécadence des musulmans, c'est principalement le mauvaiscomportement de leurs gouvernants, qui sont persuadés [...] que

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la Nation a été crééepour eux, et qu'en conséquence ilspouvaientfaire d'elle ce qu'ils voulaient" cette conviction est tellement ancréedans leur esprit que, si quelqu'un s'avisait de leur indiquer ledroit chemin, ils le massacreraient pour qu'il serve d'exemple. ii

Dans le même registre, on notera que, dans un pays d'Afriquedu Nord, au cours d'un colloque littéraire tenu en 1992, on dutretirer une communication portant sur l'œuvre d'un poètecontemporain parce que celui-ci était l'ami intime d'un ancienPremier ministre tombé en disgrâce!

H irohito écrivait dans une lettre du 9 septembre 1945à son fils Akihito, l'actuel empereur du Japon : « Que

je vous explique la raison de la défaite du japon: lepeuple japonaisattendait trop du japon impérial et sous-estimait les Etats-Unis etla Grande-Bretagne, nos militaires ont attaché trop d'importanceau courage, en négligeant l'aspect scientifique des choses. »

Paraphrasant ce monarque féru de biologie marine et qui s'est faitinhumer avec son microscope, on pourrait dire que les Arabesnégligent eux aussi l'aspect scientifique des choses. L'Allemagne aconstruit sa puissance sur la chimie, dérivée de son charbon et deson lignite. Le monde arabe ne fait que vendre l'or noir, et ce nesont pas quelques tardives réalisations en Arabie ou dans le Golfequi donneront le change! Ah! si les Arabes s'étaient inspirés del'exemple allemand!

Jacques Berque, examinant les problèmes que posent àl'islam les progrès matériels et techniques issus de la sciencecontemporaine, pense que leurs « corollaires épistémologiques etsociaux sont tenus par de trop nombreux théologiens pourincompatibles avec lesfondements religieux », mais que son grandproblème est « le divorce entre les positions de la doctrine etla marche du monde, voire du monde musulman lui-même !!.

Et il conclut : « L'islam cherche un recours du côté de ses"principes" (uçul). Mais faute de soumettre ceux-ci à une critiquehistorique et à une transposition dans leprésent, il ne leur restituepas leur puissance germinale. Or, le vrai dhikr est celui quiretourne le souvenir en avenir. Opération créatrice, s'il en fut,conjuguant modernité et authenticité, elle apparaît comme

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indispensable devant ces renouvellements auxquels tout systèmedans le monde actuel se doit de proposer des solutions plausibles.Quels renouvellements? La révolution technique et scientifique,qui franchit désormais des stades inédits. ))

Mohamed Larbi Bouguerra

1. A Tunis, une école privée d'électronique n'hésite pas à mettre dans son emblèmeet sa publicité le « Lis! » de cette sourate.2. Commission libanaise pour la traduction des chefs-d'œuvre, Beyrouth, 1969.3. The Cambridge Illustrated History of the World's Science, 1983, Newnes Books,Twickenham, Middlesex. Traduction française 1988.4. Le soleil d'Allah brille sur l'Occident, éditions Albin Michel, Paris, 1963.5. Le Monde daté du 1er décembre rapporte que le Parlement koweïtien interditla mixité dans les universités.6. Mohamed Iarbi Bouguerra, la Recherche contre le tiers-monde, éditions PUF,Paris, 1993.7. Dans de nombreux pays musulmans, toute association rationaliste est interdite.Dans le même temps, on prétend combattre l'intégrisme et le fanatisme. Comprennequi pourra.8. Suite à l'ambassade de Mehmed Efendi (1719-20) en France, son fils Saïdintroduisit l'imprimerie en caractères arabes dans l'Empire ottoman en 1727 avecinterdiction, par fatwa, d'imprimer le Coran. Cette imprimerie dut fermer en 1742sous la pression de ses adversaires et ne put rouvrir qu'en 1784.

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