22

AU XVe ET AU DÉBUT DU XVIe SIÈCLE - xv.kikirpa.bexv.kikirpa.be/uploads/tx_news/REPT_05_-_preview_-_NORD_PAS_DE... · Collections du Nord-Pas-de-Calais La peinture de Flandre et

Embed Size (px)

Citation preview

C o l l e c t io n s d u N o r d -P a s -d e -C a l a is

LA PEINTURE DE FLANDRE ET DE FRANCE DU NORD

AU XVe ET AU DÉBUT DU XVIe SIÈCLE

Répertoire des peintures flamandes des quinzième et seizième siècles

5

C e n t r e d ’é t u d e d e l a p e i n t u r e d u q u i n z i è m e s i è c l e

d a n s l e s P a y s - B a s m é r i d i o n a u x e t l a P r i n c i p a u t é d e L iè g e

S t u d i e c e n t r u m v o o r d e v i j f t i e n d e - e e u w s e S c h i l d e r k u n s t

i n d e Z u i d e l i j k e N e d e r l a n d e n e n h e t P r i n s b i s d o m L u i k

Sous les auspices de l ’Acaclém ie royale des Sciences, des Lettres et des B eaux-A rts de B elg iqu e et de la K o n in k lijk e Vlaam se A cadem ie van B elg ië voor W etenschappen en K unsten

Publications :I. Corpus

II. Répertoire Hl. C ontribution s

Président: Pierre Colman Vice-président: Henri Pauwels

Directeur (faisant fonction): M yriam Serck-Dewaide Membres du Comité:

Membres représentant l'Académie royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique:Pierre Colm an, Jean-Marie Duvosquel, Paul Philippot, Philippe Roberts-Jones, Jacques Stiennon

Membres représentant la Koninklijke Vlaamse Academie van België voor Wetenschappen en Kunsten :Frans Baudouin, Antoine De Schryver, Elisabeth Dhanens, Henri Pauwels, Jan Karel Steppe,

Hans V lieghe Conseil scientifique :

Anne-M arie Bonenfant-Feytmans, Christina Ceulemans, M icheline Com blen-Sonkes, D irk De Vos, Jacqueline Folie, N icole Goetghebeur, Liliane M asschelein-Kleiner, Cyriel Stroo, Roger Van Schoute,

N icole Veronee-Verhaegen Secrétariat scientifique:

Bart Fransen, Hélène Mund

C o llec tio n s d u N o r d -P a s -d e -C a l a is

La p e in t u r e d e F l a n d r e e t d e F r a n c e d u N o r d

AU XVe ET AU DÉBUT DU XVIe SIÈCLE

I

C h r is t ia n H eck

avec la collaboration de H ervé B o ë d e c , D e l p h in e A dam s e t A st r id B o llu t

et le concours du Centre de Recherches en Histoire de l’Art pour l’Europe du Nord — ARTES

(Université Charles de Gaulle — Lille 3) et de l’institut royal du Patrimoine artistique

(Bruxelles)

B r u x e l l e s

20 05

T O U S d r o i t s r é s e r v é s

© 2005 C entre d ’é tu d e de la pein tu re du q u in z ièm e siècle

dans les P ays-B as m érid ionaux et la P rincipauté de L iège

© 2005 S tu d iecentrum voor de v ijftien d e-eeu w se Sch ilderk un st

in de Z u id elijk e N ederlan den en het P rinsb isd om Luik

ISBN 2-87033-0 12 -x

Couverture: Jean B e lleg a m b e, Retable Pottier (d éta il), D o u a i, M usée de la C hartreuse

Table des matières

volume I

Avant-propos 9

Introduction 13

Abréviations 21

1. Jean Bellegambe, Triptyque du Bain mystique 252. Jean Bellegam be, Sainte Anne concevant la Vierge 413. Jean Bellegambe, Polyptyque d ’Anchin . 494. Jean Bellegambe, Triptyque de la Trinité de Marchiennes 875. Jean Bellegambe, Triptyque de l'immaculée Conception (volets du Retable Pottier) 976. Jean Bellegambe, Le martyre de Sainte Barbe 1197. Jean Bellegambe, Triptyque de VAdoration de l ’Enfant 1278. Jean Bellegambe, Triptyque des Apprêts de la Crucifixion 1419. Jean Bellegam be (d’après?), Vierge des Litanies 15310. Martin Bellegam be ( ?), Saint Pierre rencontre le Christ portant sa Croix 16011. Jérôme Bosch (d’après), Adoration des Mages 16312. Jérôme Bosch (suiveur de), Saint Jacques et Hermogène et Prieuré antonin (revers) 16713. Hue de Boulogne, Ecu de Jean de Villiers 17914. Albrecht Bouts (d’après?), Tête de Christ couronné d ’épines {Salvator Coronatus) 18315. Joos van Cleve (atelier de), Saint Jean à Patmos 18716. Joos van Cleve (copie d ’après), Vierge à l'Enfant endormi 19017. Joos van Cleve (d’après), Vierge allaitant l'Enfant 19318. Pieter Coecke (collaborateur de ?), Triptyque de l ’Adoration des Mages 19619. Pieter Coecke (atelier de), Triptyque de l'Adoration des Mages 20120. Pieter Coecke (suiveur de), Sainte Famille 20521. Pierre Coustain, Ecu de Charles de Bourgogne 20922. Pierre Coustain, Ecu de Simon de Lalaing 21323. Michiel Coxcie (entourage de), Portement de Croix 21624. H ugo van der Goes (copie d ’après), La Vierge, saint Jean et les trois Maries 21825. H ugo van der Goes (copie tardive d ’après), Déploration 22026. Jan Gossaert (d’après), Vierge au voile 22327. Jan Gossaert (d’après), Vierge au voile 22628. Jan Sanders van Hemessen, Vanité 231

5

2Ç). Jan Sanders van Hemessen, Sainte Famille 23730. Jan Mandyn, Les épreuves de Job 24031. Jan Mandyn, Tentation de saint Antoine 24932 . Quentin Metsys (d’après), Saint Jérôme méditant 25233. Joachim Patenier (suiveur de), Paysage avec Diane et Actéon 25534. Joachim Patenier (suiveur de), Paysage avec Fuite en Égypte 25935. Jan Provost (entourage de ?), Chanoine présenté par saint Jean-Baptiste

et Transi (revers) 26436. Marinus van Reymerswaele, Saint Jerôme méditant 27237. Marinus van Reymerswaele (d’après), Banquier et sa femme 27938. Jan Cornelisz Vermeyen, Adoration des Mages 28639. Rogier van der W eyden (copie d ’après), Descente de Croix 290

volume II

Maîtres à nom conventionnel

40. Maître de l ’Adoration von Groote, Déploration du Christ 2974 1. Maître de l ’Adoration Khanenko, Triptyque de l'Adoration des Mages 30042. Maître de l ’Adoration de Lille, Adoration des Bergers 30943. M aître de l ’Ecce Homo de Douai, Ecce Homo 31744. Maître du Fils prodigue, Vierge au voile 32545. Maître du Fils prodigue, Les Œuvres de Miséricorde 32946. Maître du Fils prodigue, Le vieillard amoureux (Amour inégal) 33347. Maître de Flémalle (copie d ’après), Vierge de l'immaculée Conception 33848. Maître de Francfort, Nativité 34749. Maître aux Madones joufflues, Sainte Fa?nille et un ange 35550. Maître de la Manne, Récolte de la Manne et Sainte Barbe (revers).

Crucifixion 35951. Maître de la Prédication de Lille, Prédication de saint Jean-Baptiste 37552. Maître du Saint-Sang (d’après), Sainte Famille 381

Anonymes

53. Artois ou Flandre gallicante, Triptyque de Jean Thorion 38554. France du Nord, Retable de saint Crépin et saint Crépinien 39155. France du Nord, Le Christ devant Pilate. Le Christ aux limbes

et Annonciation (revers) 40156. France du Nord, vers 1500: Le Repas chez Simon 40557. Pays-Bas méridionaux (Anvers), début du X V Iesiècle:

Saint Jérôme pénitent 40958. Pays-Bas méridionaux (Anvers), Triptyque de la Nativité 413

6

59- Pays-Bas méridionaux (Anvers), Adoration des Mages 4 1760. Pays-Bas méridionaux (Anvers), Triptyque de l'Adoration des Mages 4226 1. Pays-Bas méridionaux (Anvers?), Sainte Catherine et Sainte Barbe 42762. Pays-Bas méridionaux (Anvers), Baptême du Christ 43163. Pays-Bas méridionaux (Anvers), Tarquin et Lucrèce 43364. Pays-Bas méridionaux (Arras?), Portrait de Marie d ’Autriche 43865. Pays-Bas méridionaux (Arras?), Portrait de Jean sans Peur 44066. Pays-Bas méridionaux (Arras?), Portrait de Philippe le Beau 44367. Pays-Bas méridionaux (Arras?), Portrait de Philippe le Bon 44568. Pays-Bas méridionaux (Douai ?), Marie du Gardin présentée par saint Bernard 44869. Pays-Bas méridionaux (Douai), Vierge des Cisterciens et Jugement dernier (revers) 45770. Pays-Bas méridionaux (Valenciennes ?), Adoration des Bergers. La Mort de la Vierge 4637 1 . Pays-Bas méridionaux, Triptyque de la Vierge à l 'Enfant et un Couple de donateurs 4 7172. Pays-Bas méridionaux ou France du Nord, Messe de saint Grégoire 47773 . Pays-Bas méridionaux, Annonciation, Pentecôte, Couronnement de la Vierge 48374. Pays-Bas méridionaux, Le Christ bénissant la Vierge 48975 . Pays-Bas méridionaux, Christ au jardin des Oliviers, Vertus crucifiant le Christ,

Christ Fontaine de Vie, Mise au tombeau 49476. Pays-Bas méridionaux, Couronnement de la Vierge 4997 7 . Pays-Bas méridionaux, Crucifixion 50378. Pays-Bas méridionaux, Légende de sainte JJrsule et des onze mille Vierges 50679. Pays-Bas méridionaux, Vierge à l'Enfant et sainte Anne * 50980. Pays-Bas méridionaux, Vierge à l'Enfant 5128 1. Pays-Bas méridionaux, Présentation de Marie au Temple. Mariage de la Vierge

et Vierge à l'Enfant (revers) 51582. Pays-Bas méridionaux, Crucifixion de saint Pierre 52183. Pays-Bas méridionaux, Christ au Mont des Oliviers. Portement de Croix

(deux panneaux de retable) 52684. Pays-Bas méridionaux, Déposition 52985. Pays-Bas méridionaux, Nativité et Scènes bibliques, 53186. Pays-Bas méridionaux, Sainte Marie-Madeleine 53587. Pays-Bas méridionaux, Saint Sébastien et Sainte Catherine 54088. Pays-Bas méridionaux, Tête de Christ 54289. Pays-Bas méridionaux, Vie de la Vierge et Vie de saint Jean-Baptiste 54590. Pays-Bas méridionaux, Triptyque de la Déploration 5529 1. Pays-Bas méridionaux ( ?), Salvator Mundi 55592. Pays-Bas méridionaux, Triptyque de Nicaise Ladam (volets de retable) 55993. Pays-Bas méridionaux, Christ en Croix et donateur. Résurrection et donatrice 56694. Pays-Bas méridionaux, Diptyque de Jean de le Cambe 569

Index des œuvres 573Index des noms de personnes 597C rédit photographique 603

7

___ _ ______ _____ __________________

Avant-propos

Du Retable des saints Crépin et Crépinien, vers 14 10 -1420 , témoin rare de l ’art pré-eyckien, à de nombreux panneaux anonymes de la fin du X V e et du début du X V Ie siècle, à un ensemble exceptionnel d ’œuvres de Jean Bellegam be, aux maniéristes du second quart du X V Ie siècle, et à la Vanité de Jan van Hemessen, sept musées des actuels départements du Nord et du Pas-de-Calais - Arras, Calais, Douai, Dunkerque, Lille, Valenciennes, Saint-Om er - conservent plus d ’une centaine de peintures de Flandre et de France du nord, réalisées à la fin du Moyen A ge et au début de la Renaissance. Les quatre-vingt-quatorze œuvres étudiées dans ce volum e représentent la totalité de ces fonds — à l ’exception d ’une vingtaine de peintures flamandes du X V e siècle du Musée de Lille, qui feront prochainement l ’objet d ’un Corpus spécifique —, et constituent la première publication scientifique de cet ensemble. A côté d ’œuvres majeures, un grand nombre de panneaux très peu connus, voire totalement inédits, sont inclus dans ce catalogue.

Com m e toute entreprise de longue haleine, ce volume a une histoire. Il est d ’abord le résultat d ’une collaboration fructueuse, amorcée à l ’automne 2000, entre une équipe d ’historiens de l ’art de l ’Université Charles de G aulle - Lille III, et le Centre d ’étude de la peinture du quinzièm e siècle dans les Pays-Bas méridionaux et la Principauté de Liège (ancien Centre des Prim itifs Flamands), à Bruxelles. Ce Centre n’a pas été un simple éditeur du volum e, mais a assuré tout au long de ces années un vrai partenariat dans la recherche, en une relation privilégiée sans laquelle ce travail n’aurait pu aboutir.

Mais cet ouvrage est aussi le prolongement de l’exposition virtuelle La peinture nordique de 1400 à 1550, organisée par l ’Association des conservateurs des musées du Nord-Pas-de-Calais, en collaboration avec le Centre de Recherches en Histoire de l’Art pour l ’Europe du Nord - A R TE S de l’Université de Lille III, et inaugurée en mars 2001. Dans le cadre de Musenor, une base de données informatique librement accessible et qui se constitue sous la responsabilité d ’Anne-Sophie Legrand, chef de projet, ces musées ont présenté sur internet (www.musenor.com ) une exposition d ’œuvres dont la fragilité excluait le déplacement. Le commissariat scientifique a été assuré par Françoise Baligand, conservateur en chef du musée de Douai, et nous- même. L ’exposition a réuni la reproduction de quelque cent-soixante-et-dix peintures de France du nord, des anciens Pays-Bas, et de l ’Europe germanique et centrale, des débuts du X V e au milieu du X V Ie siècle, soixante-et-dix faisant l’objet d ’une notice, une centaine d ’autres étant présentées de façon succincte.

9

AVANT-PROPOS

Le catalogue publié aujourd’hui est cependant bien différent de celui réalisé pour le site Musenor, d ’abord dans le contenu même du matériau réuni. Pour être en conformité avec les séries dans lequel il s’inscrit, nous avons bien entendu, pour ce volum e, exclu la peinture de l ’Europe germ anique et centrale. Nous n ’avons pas intégré les peintures flamandes du X V e siècle du Musée de Lille, puisqu’elles font l ’objet des recherches d ’Albert Châtelet, à paraître prochainement dans une série parallèle, celle du Corpus. Et nous avons aussi écarté les œuvres qui rompent résolument les liens avec la tradition du X V e siècle et s’ouvrent largement aux influences de la pleine Renaissance. Nous avons par contre maintenu les peintures de la France du nord. La frontière entre le royaume de France et les anciens Pays-Bas méridionaux a été mouvante des siècles durant, on n’y insistera jamais assez. Jean Bellegam be compte parmi les «Prim itifs flamands», la géographie historique de nos régions oblige à en convenir. Enfin, nous avons pu inclure des peintures qui ne figuraient pas dans l ’exposition de Musenor, d ’une part grâce à de nouvelles recherches dans les fonds des musées, d ’autre part en obtenant des établissements la restauration a minima d ’un certain nombre de panneaux. Ce catalogue a été en effet l ’occasion de susciter des campagnes supplémentaires qui ont permis de refaire apparaître des œuvres qui restaient invisibles sous le papier japon qui les protégeait. Mais ce travail diffère aussi de l ’exposition sur le site Musenor dans ses directions, ses méthodes et ses perspectives. Une recherche inscrite dans une plus longue durée a permis d ’approfondir tant l ’analyse des œuvres que la collecte documentaire et bibliographique, pour aboutir à des notices d ’une ampleur totalement renouvelée. Plusieurs campagnes de prises de vues ont permis de réaliser pour un grand nombre de peintures une couverture photogra­phique spécifique. Et au cœur de ces années qui ont permis de m ultiples visites dans les salles et les réserves des musées, un séminaire co llectif d ’une semaine, en avril 2002, et qui a réuni tant les chercheurs lillois que nos partenaires bruxellois, nous a permis de confronter devant les œuvres les regards et les opinions.

Nos remerciements s’adressent donc d ’abord aux collègues et aux chercheurs des deux équipes qui ont travaillé à ce projet commun. A Bruxelles, le Centre d ’étude de la peinture du quinzièm e siècle dans les Pays-Bas méridionaux et la Principauté de Liège a vigoureusem ent porté ce partenariat avec l ’université française, et nous en remercions vivem ent ses présidents successifs, Henri Pauwels et Pierre Colm an, ainsi que les autres membres du Com ité. Les secrétaires scientifiques ont réalisé, bien au-delà d ’une tâche d ’édition, un vrai travail de collaboration. En ce sens, les connaissances et les suggestions de Cyriel Stroo, puis l ’apport de Bart Fransen, ont été essentiels. Mais notre dette est particulière envers Hélène M und, qui a porté ce projet avec toute sa compétence, mais aussi avec enthousiasme et détermination. Nous lui savons gré d ’avoir partagé avec les chercheurs lillois l ’excellence de ses exigences scientifiques, dans une relation d ’une qualité jamais démentie.

L ’Institut royal du Patrimoine artistique a de son côté chaleureusement soutenu le projet, en particulier pour les campagnes photographiques, et nous en remercions Liliane Masschelein-Kleiner, directrice, ainsi que Myriam Serck-Dewaide, qui lui a succédé comme directrice faisant fonction. Dominique Vanwijnsberghe a été un de nos guides dans cette maison si accueillante. L’examen matériel des œuvres doit beaucoup aux remarques essentielles de Nicole Goetghebeur, conservateur-

10

AVANT-PROPOS

restaurateur et chef d ’atelier honoraire de l ’IR P A , et nous lui savons infinim ent gré pour sa participation active à notre séminaire collectif dans les musées.

Nous exprimons enfin nos remerciements les plus vifs à Christiane Van den Bergen-Pantens, conservateur à la Bibliothèque royale de Belgique, qui a bien voulu effectuer un lourd travail de description et d ’identification de l ’héraldique, en reprenant nos tentatives bien modestes en ces domaines.

Notre gratitude s’adresse également aux trois jeunes chercheurs qui, au sein du Centre de Recherches en Histoire de l ’Art pour l ’Europe du Nord — A R TE S de notre université, ont fourni un travail considérable pour ce catalogue. Delphine Adams et Astrid B ollut avaient déjà eu l ’occasion d ’être intégrées dans un des par­tenariats noués par Artes avec des organismes extérieurs, puisqu’elles avaient par­ticipé, pour les manuscrits de la Bibliothèque de Douai, à l ’inventaire des enlum i­nures médiévales dont l ’institut de Recherche et d ’Histoire des Textes (C.N .R .S.) nous a confié la réalisation pour le Nord-Pas de Calais. Le travail efficace q u ’elles ont effectué pour le volum e publié ici leur a fait cette fois creuser d ’autres champs majeurs de l ’histoire de la peinture, et a par ailleurs constitué leur D .E .A . d ’histoi­re de l ’art (Diplôm e d ’Etudes Approfondies, intitulé depuis 2004 Master Recherche). Hervé Boëdec est quand à lui plus avancé dans la recherche, puisqu’il prépare une thèse de doctorat consacrée à Jean Bellegam be. Par la rigueur de sa démarche, tant dans la réunion de la documentation que dans l ’établissement des états de la question, par son exigence dans la finesse des analyses stylistiques aussi bien q u ’iconographiques, sa contribution à notre volume a été essentielle. Ses recherches personnelles en cours constitueront un apport notable à -nos connais­sances sur l’art de la fin du Moyen A ge et du début de la Renaissance.

Au-delà des deux équipes qui ont porté quotidiennem ent ce projet, nous remer­cions aussi très chaleureusement les directeurs et conservateurs des sept musées concernés qui nous ont accueillis en facilitant notre démarche:— au Musée des Beaux-Arts d ’Arras, Hélène Portiglia, conservateur en chef— au Musée des Beaux-Arts de Calais, les deux responsables successifs, Frédéric

M athieu, attaché de conservation, et Geneviève Becquart, conservateur en chef— au Musée de la Chartreuse de Douai, Françoise Baligand, conservateur en chef— au Musée des Beaux-Arts de Dunkerque, Aude Cordonnier, conservateur en

chef, Patrick Descamps, qui y a été adjoint du conservateur, Sophie W arlop, attachée de conservation

— au Musée des Beaux-Arts de Lille, les deux directeurs successifs, Arnaud Brejon de Lavergnée, conservateur général du patrimoine, et Alain Tapié, conservateur en chef du patrim oine; Alexis D onetzkoff et Florence Gom bert, conservateurs du patrimoine

— au Musée des Beaux-Arts de Valenciennes, les deux conservateurs en chef successifs, Patrick Ramade et Emmanuelle Delapierre

— au Musée de l ’Hôtel Sandelin à Saint-Om er, Yves Bourel, conservateur, et Célia Fleury, attachée territoriale.Nous exprimons enfin nos remerciements à toutes les personnes qui ont fourni

une aide à l ’une ou l ’autre des m ultiples étapes de ce projet. Collègues universi­taires et chercheurs, documentalistes, bibliothécaires, archivistes, photographes, responsables de l ’administration et du secrétariat des centres de recherches, que

AVANT-PROPOS

tous trouvent ici l ’expression de notre gratitude. N ous pensons en particulier à Marie-Françoise Bouttem y, Sylvie Brismalin, Nicolas Buchaniec, Cédric Colson, Jacques Declercq, A leide Decroos, Bruno Delorm e, D om inique D ustin, Jean-Luc Elias, V irginie Frelin, Marc G il, José Gom ez, Marc Goutierre, Jean-Pierre Jupilet, Jean-Baptiste Lebigue, Marie Lecoeur, Ingrid Lemainque, Hélène Loyau, Ludovic N ys, Catherine Rénaux, Karine Renmans, Laurent Sauvage, O liver Thadée, Isabelle Turpin, Katrien Van Acker et Patrick W intrebert.

Au moment où cette entreprise s’achève, il nous reste à souhaiter que cet ouvrage remplisse pleinem ent son triple rôle: présenter un pan majeur de notre patrimoine pour la peinture de la fin du Moyen A ge et de la Renaissance, fournir à la communauté des chercheurs des analyses et un matériau neufs ou profondé­ment renouvelés, et susciter sur la base de cet apport de nouvelles enquêtes.

Christian Heck.Professeur à l'Université de Lille III

Directeur du Centre de Recherches en Histoire de l'Art pour l'Europe du Nord - A R T E S

La rédaction a été achevée le 30 septembre 2004.

12

IntroductionFour une histoire des collections

Il semble naturel au visiteur du X X Ie siècle de voir dans les musées du Nord et du Pas-de-Calais de nombreuses peintures du monde flamand et de la France du nord. Mais il ne faut pas oublier que ce que l ’on peut considérer aujourd’hui comme de véritables séries est en fait le résultat, pour l ’essentiel, non du simple transfert dans des institutions publiques de collections déjà constituées avant la Révolution, mais d ’une lente et progressive construction, de l ’extrême fin du X V IIIe siècle à nos jours, et qui a été le fruit des efforts d ’hommes et de femmes passionnés, q u ’ils soient amateurs, érudits, membres de sociétés savantes, collec­tionneurs, donateurs, conservateurs, élus et responsables des institutions du patri­moine.

Les œuvres réunies dans ce volume — près d ’une centaine — constituent un ensemble de première importance, mais l ’étude de leur répartition dans les sept musées concernés, et de l ’histoire de cette partie de leurs collections,1 fait bien entendu apparaître de fortes différences entre les établissements. Par l ’importance et l ’ampleur des fonds, Lille, avec vingt-sept œuvres,2 et Douai, avec vingt-quatre, forment un premier groupe; on peut réunir ensuite les musées de Valenciennes, présent ici avec quinze peintures, et Arras et Saint-Om er, avec douze dans les deux cas; Calais et Dunkerque n’étant chacun présent, dans ce volum e, que par deux œuvres. Ce comptage comporte une part d ’arbitraire, puisqu’il est fondé sur la césure du m ilieu du X V Ie siècle que nous avons choisie comme terminus ante quern, et que cette borne dans le temps s’applique à des créations qu ’il est difficile de dater avec précision. Mais il tém oigne cependant bien de l ’importance respective de ces collections pour la peinture de la fin du M oyen A ge et de la Renaissance dans la France du nord et les anciens Pays-Bas.

L ’histoire de ces fonds révèle de son côté que l ’ intérêt pour ces créations s’est manifesté très tôt au sein des musées, et qu ’il n ’a pas cessé, comme le montrent les dernières décennies. O n connaît peu de choses sur la présence de ces œuvres dans des collections particulières avant la fin du X V IIIe siècle.3 Deux panneaux du musée de Valenciennes, Saint Jacques et Hermogène, d ’un suiveur de Bosch (cat. 12), et Le banquier et sa femme, d ’après Marinus van Reymerswaele (cat. 37), font partie jusqu’à la Révolution de la collection du duc Anne-Em m anuel de Croÿ, prince de Solre (1743-180 3), au château de l ’H erm itage à Condé-sur-l’Escaut, qui compte plusieurs centaines de tableaux, estampes, sculptures, porcelaines et objets précieux.4 A Douai, le Saint Jérôme méditant, de Van Reymerswaele (cat. 36), de la

13

INTRODUCTION

collection du Docteur Escallier, dont nous reparlerons, proviendrait de la collec­tion du marquis d ’Aoust vendue à l ’encan après la mort du fils du marquis, en 1794.

C ’est à cette période que les saisies révolutionnaires, comme pour d ’autres ensembles de Prim itifs de nos musées de province,5 jouent un rôle essentiel dans la réunion de ce patrimoine. Elles sont à l ’origine de l’arrivée dans les musées des deux œuvres de la collection de Croÿ, citées plus haut; ou, entre autres, des volets du Retable Pottier, de Jean Bellegam be (cat. 5), peints pour le triptyque qui ornait la chapelle de l ’imm aculée Conception construite entre 1522 et 1526 dans le couvent des Récollets-W allons de D ouai; et des Epreuves de Job, de Jan Mandyn (cat. 30), du couvent des Trinitaires de Douai.

Mais on serait tenté de dire que ces saisies arrivent, paradoxalement, un peu tôt dans l ’histoire du goût. L ’intérêt véritable pour la peinture septentrionale du X V e et du début du X V Ie siècle ne se développe que lentement, et reste bien hésitant avant le second quart puis le m ilieu du X IX e siècle. Le contraste est saisissant entre l ’ampleur des œuvres réunies par les révolutionnaires, et la lenteur avec lequel on prend conscience de leur intérêt véritable. Ainsi à Douai — qui, sur ce point, n’est pas un cas isolé - l’appréciation de ces fonds reste très inégale. Dans cette ville,6 tous les tableaux enlevés dans les églises et les établissements religieux de Douai et des environs avaient été mis en dépôt en mars 1792 dans l’église des dominicains. Chargé d ’inspecter ce dépôt et de faire la distinction entre les tableaux qui mériteraient d etre conservés et ceux q u ’il conviendrait de vendre, le peintre Charles-Alexandre Caullet ne retient que cent cinquante-huit peintures sur un peu moins de trois cents. Même si cette proposition n ’est pas suivie d ’effet, le mouvement de protection reste bien hasardeux, de nombreuses œuvres peintes sur bois étant transformées, dans les années qui suivent, en matériau de menuiserie pour réaliser des caisses ou des étagères. Les années 1807 et 1808 voient se mettre en place l’installation d ’un véritable musée de peinture à Douai, mais cette collec­tion est brutalement amputée les I er, 2 et 3 décembre 1818 par la vente aux enchères publique d ’un grand nombre d ’œuvres «de rebut, hors d ’état d ’être conservées». Cette notion de rebut reçoit alors une interprétation bien subjective, puisque des panneaux du Polyptyque d ’Anchin, de Bellegam be (cat. 3), sont ainsi vendus, et seront sauvés par la passion de collectionneurs, pour ne revenir au musée qu ’après 1918. De la même manière, les Epreuves de Job, de Mandyn, citées plus haut, sont également vendues en 1818, passant alors dans la collection Bigaut, pour n’entrer au musée de Douai qu ’en 1860, à la vente de cette collection. Les volets du Retable Pottier échappent de peu à un sort analogue, car c ’est parce q u ’ils restent invendus en 1818 que leur place dans les collections du musée est acquise à cette date.

Les années 1830 marquent par contre un véritable tournant dans la constitution de ce patrimoine. A Calais, la Messe de saint Grégoire, du début du X V Ie siècle (cat. 72), et qui provient de l ’ancienne collection privée Delalande, est acquise par la ville en vente publique en 1835, alors que l’on s’apprête à créer le musée, qui ouvre le 22 mars 18 37.7 A Saint-Om er, XAdoration des Mages, d ’après Jérôme Bosch (cat. 11), est achetée par la ville dès 1834, pour le musée fondé en 1829.8 A Lille, le début de l ’institution connaît des hésitations tout à fait parallèles à ce que nous

14

INTRODUCTION

avons décrit pour Douai. La création d ’un musée à Lille, à partir des œuvres saisies dans les églises, est proposée dès 1792 par le peintre Louis W atteau, et le musée ouvre en 1803, dans l ’ancien couvent des Récollets, enrichi d ’un apport des collections nationales car il fait partie des quinze villes retenues pour être le siège d ’un musée provincial.9 La revente de trois cent cinquante-quatre tableaux, en 18 13, est significative de la faible conscience que l ’on a encore de ce patrimoine dans le premier quart du X IX e siècle. Les décennies suivantes seront plus heureuses, et le Triptyque de l'Adoration des Mages, création anversoise des années 1510 -15 3 0 (cat. 60), est acquis par le musée en 1840. A Valenciennes, où le musée est ouvert dès 18 0 1,10 le Chanoine présenté par Jean-Baptiste, de l ’entourage de Jan Provost (cat. 35), est acheté en 1846.

C ’est le dernier tiers du X IX e siècle qui voit le grand mouvement d ’achats d ’œuvres par les musées de la région. La série de quatre portraits provenant sans doute du Conseil d ’Artois (cat. 64 à 67), est achetée par Arras en 18 68.11 La Vierge au voile, d ’après Gossaert (cat. 27) est acquise par Douai en 1869. Le musée de Lille est entré dans une phase très active avec le recrutement de Louis Reynart qui, après avoir été conservateur adjoint, est conservateur du musée de 1841 à 1879, années qui restent comme une des plus brillantes périodes de cet établissem ent.12 L ’élan alors donné est décisif, et le musée continue, après la mort de Reynart, à opérer une impressionnante série d ’acquisitions: en 1881 ou 1882, l ’important Triptyque de la Trinité de Marchiennes, de Jean Bellegam be (cat. 4), effort notable qui fait revenir dans la région une œuvre qui y était restée en collection privée avant d ’être happée par le commerce d ’art parisien; en 1882, une autre œuvre insigne de Bellegam be, le Triptyque du Bain mystique (cat. 1), elle aussi de provenance régionale avant de partir au loin, dans la collection Théodore Ducluzel dans les Pyrénées, et de revenir par son rachat en vente publique à Paris; la même année, le Repas chez Simon, beau panneau anonyme du Nord de la France (cat. 56); la même année encore, la Sainte Marie-Madeleine, rare Tüchlein des Pays-Bas méridionaux (cat. 86); en 1883, la Prédication de saint Jean-Baptiste, du Maître de la Prédication de Lille (cat. 51), et le panneau narratif et allégorique centré sur la Passion (cat. 75); en 1889 les grands volets de retable consacrés à la Vie de la Vierge et à la Vie de

Jean-Baptiste (cat. 89), dont nous montrons dans la notice q u ’ils peuvent venir de l ’ancienne église Saint-Jean de Gand, actuellem ent Saint-Bavon; et en 1891 les deux panneaux du Christ au Mont des Oliviers et du Portement de Croix (cat. 83).

15

INTRODUCTION

L’histoire des donations et des legs se développe tout à fait parallèlement à celle des achats. Une première série se réalise dans les années 1840, ainsi à Calais, pour les deux panneaux de la Présentation de Marie au Temple et du Mariage de la Vierge (cat. 81), qui proviendraient de l ’abbaye de Clairmarais à Saint-Om er, et qui font partie du don de la collection Teneur à la ville dès 1837 ; ou à Saint-Om er, lorsque les trois importants écus de Charles de Bourgogne, de Simon de Lalaing et de Jean de Villiers (cat. 21-22 et 13), qui proviennent de l ’abbaye Saint-Bertin, sont donnés par A uguste Deschamps de Pas en 1842 ; ou lorsque le même musée reçoit en 1850, du Président Quenson, les deux volets de retable représentant Saint Sébastien et Sainte Catherine (cat. 87).

Et c ’est aussi dans la seconde m oitié du X IX e siècle, avec quelques prolonge­ments dans la première m oitié du X X e siècle, que les dons et legs prennent une ampleur inégalée. Ce mouvement s’inscrit dans un double courant d ’intérêt qui va à la fois vers le patrimoine artistique en général, mais aussi vers l ’histoire et les traditions régionales. C ’est précisément vers 1860 que les travaux savants prennent rapidement une ampleur nouvelle, en une production dont la densité ne se ralentira pas avant le début de la première guerre mondiale. Les articles, fascicules, ouvrages de Cahier, Deshaines, W auters, Asselin, pour ne citer que quelques noms, tissent autour des œuvres de Bellegam be, comme d ’autres artistes ou anonymes de la peinture du X V e et du X V Ie siècle, un dense réseau d ’analyses, d ’études histo­riques, de publications de sources, qui constituent une véritable redécouverte de ces chapitres de l ’histoire de la peinture. La grande Exposition rétrospective des Arts et Monuments du Pas-de-Calais, au musée d ’Arras, en 1896, est un exemple des manifestations qui présentent à un nouveau public le bilan de cette reconstitution du patrimoine.

Tous les collectionneurs ne sont pas des érudits, mais ce n’est pas un hasard si les liens sont particulièrement étroits entre amateurs, érudits locaux, collection­neurs et donateurs. L ’époque est d ’abord celle de m ultiples donations ponctuelles. N om bre de ces bienfaiteurs des collections des musées, entre 1850 et 19 14 , ne peuvent être cités que brièvement. Leur rôle a cependant été capital, car il a permis la constitution rapide de séries. Même si ces donations étaient souvent des actes isolés, le parallélisme des intérêts a fait aboutir dans les musées des œuvres qui permettaient rapidement des confrontations, des rapprochements, et l ’établis­sement de séries. Evoquons ainsi la veuve du collectionneur M arcotte-Labitte qui donne à D unkerque,13 la Tête de Christ, anonyme (cat. 88), en 1891 ; à Saint-Om er, le legs Dupuis de 1889 qui fait entrer le Saint Jérôme méditant, d ’après Metsys (cat. 32), et la Déposition anonyme (cat. 84), puis Caroline Legrand, qui lègue au m usée, en 190 5, le rarissim e Retable de saint Crépin et saint Crépinien (cat. 54). Asselin achète vers 1860 les volets du Triptyque de Nicaise Ladam (cat. 92), et ce connaisseur sait certainement dès ce moment q u ’il les offrira peu après, en 1863, au musée de Douai. Dans cette même ville, le volet qui représente Marie du Gardin présentée par saint Bernard (cat. 68) est offert par le général Liégeard en 1883 ; le rare Vieillard amoureux, du M aître du Fils prodigue (cat. 46) fait partie de la collection Estabel léguée en 1895 ; et la très belle Sainte Anne concevant la Vierge, de Jean Bellegam be (cat. 2) passe après 1860 dans trois collections privées succes­sives, avant de faire l ’objet, en 190 1, du legs René Rém y de Campeau de Gennes.

16

INTRODUCTION

A Valenciennes, il faut citer l ’architecte Canu qui offre vers 1870 la Sainte Famille, d ’un suiveur de Pieter Coecke (cat. 20), et le legs de la collection A . Courtin qui fait entrer en 1879 le Fortement de Croix de l ’entourage de M ichel Coxcie (cat. 23); et à Lille les donations Léonard Danel, en 1883, pour un Triptyque de la Nativité (cat. 58), Asseman, en 1888, pour un Saint Jérôme pénitent (cat. 57), et Blondeau- Herlin, en 18 91, pour la Sainte Famille d ’après le Maître du Saint-Sang (cat. 52).

Certains legs ou donations se distinguent particulièrement. C ’est le cas, dans la seconde m oitié du X IX e siècle, de la collection personnelle de François N icolle, directeur du musée de Valenciennes, qui est offerte au musée en 1888 par ses héritiers, Madame V uillem ot et A lbert D uflot. Son importance est essentielle, et on y trouve ainsi les volets de XAdoration des Bergers et de la Mort de la Vierge (cat. 70), autrefois attribués à Simon M armion, le Triptyque de XAdoration des Mages, d ’un collaborateur de Pieter Coecke (cat. 18), la Nativité du Maître de Francfort (cat. 48), et XAdoration des Mages, de Jan Cornelisz Vermeyen (cat. 38). A Dunkerque, le legs de la collection Alexis Joffroy, en 1898, ne fait entrer q u ’une œuvre du domaine qui nous occupe, la Tête de Christ, d ’après Albrecht Bouts (cat. 14), mais il est sign ificatif que ce panneau vienne d ’un ensemble très éclectique, qui tém oigne bien des goûts très ouverts de cet am ateur.'4 A Saint- Om er, le don de la baronne Joseph du Teil Chaix d ’Est-Ange est nettement plus tardif, en 19 2 1, mais il fait entrer, à côté d ’une copie tardive d ’après Van der Goes (cat. 24), et d ’une Vierge à l'Enfant anonyme (cat. 80), des œuvres essentielles, dont la Sainte Famille et un ange, du Maître aux Madones joufflues (cat. 49), et le Triptyque de l'Adoration des Mages, du Maître de l ’Adoration Khanenko (cat. 4 1 ) .15

A Douai, le docteur Enée Escallier joue un rôle majeur dans la préservation et la réunion du patrim oine artistique. Son legs au musée, qui se réalise à sa mort en 1857, constitue un apport de tout premier plan pour les collections, avec près de cent quatre-vingt tableaux. L ’ensemble réuni par cet amateur passionné est aussi important en qualité q u ’en quantité. Et il sait aussi bien effectuer des achats dans des directions diverses, que regrouper patiemment des œuvres provenant des églises et des établissements religieux de la région. Citons ainsi trois exemples majeurs: la Crucifixion de saint Pierre, des Pays-Bas méridionaux, vers 1520 (cat. 82), qui provenait de l ’abbaye de Maroilles et que le docteur Escallier a acheté dans une collection particulière; la très importante Vierge de l'immaculée Conception, copie ancienne d ’après le Maître de Flémalle (cat. 47), provenant de l ’abbaye de Saint-Bertin à Saint-Om er, et qui montre, avec l ’achat de la Descente de Croix, copie du X V e siècle d ’après Van der W eyden (cat. 39), l ’intérêt que notre amateur sait accorder aux périodes les plus anciennes de l ’histoire des Prim itifs flamands; et la Vierge des Cisterciens (cat. 69) qui proviendrait de l ’abbaye de Flines. Le docteur Escallier constitue, par des achats réguliers, de véritables séries, dans lesquelles se cotoient inévitablem ent des œuvres significatives comme bien d ’autres très secondaires (cat. 10, 36, 59, 7 1 , 77 , 79, 93). Et il reste soucieux de la fonction des œuvres, et de l ’importance de leur présence dans les églises, donnant à N otre-Dam e de Douai deux œuvres qui finiront bien plus tard par tout de même arriver au musée: le Polyptyque d'Anchin (cat. 3), que notre amateur a réussi à reconstituer après 1832 en en achetant les éléments dans deux collections diffé­rentes, et la Vierge des Litanies (cat. 9).

17

INTRODUCTION

Le musée de Lille bénéficie de son côté d ’une série de grands donateurs, dont la générosité a su être encouragée par l ’action passionnée de Reynart, le conservateur déjà cité.

Alexandre Leleux, propriétaire du journal L'écho du Nord, fait bénéficier Lille d ’un legs majeur, en 18 7 3 ,16 et nous y trouvons la très belle Adoration des Bergers, du Maître de l ’Adoration de Lille (cat. 42), la Vierge allaitant l'Enfant Jésus, d ’après Van Cleve (cat. 17) et le Paysage avec Diane et Actéon, d ’un suiveur de Patenier (cat. 33). Jules de Vicq, très actif membre de la Comm ission adm inistrative du Musée d ’archéologie, est le type même de l ’amateur délicat: «A u goût que j ’ai pour les livres est venu se joindre celui de collectionner des objets de toutes sortes; tableaux, ivoires, émaux, etc. Com bien d ’heures délicieuses j ’ai passées dans mon cabinet à classer toutes ces ch oses...» .17 Parmi les quatre cent cinquante œuvres données par sa veuve en 1881, se touvent le petit retable dom estique sculpté dont les deux volets peints, peut-être anversois, représentent sainte Catherine et sainte Barbe (cat. 61), et la Vierge à l'Enfant endormi, d ’après Van Cleve (cat. 16). Antoine Brasseur est un autre lillois mais d ’un destin tout différent. Enfant trouvé des hospices de la ville, né en 18 19 , et qui sait à force de volonté se construire une carrière dans le commerce et la restauratation des tableaux, il est installé à Cologne où Reynart, alerté par le souhait d ’une donation, lui rend visite en 1873. Les dona­tions successives d ’Antoine Brasseur, de 1878 à 1885, sont complétées, en 1887, par le legs de toute sa collection et de sa fortune à sa ville natale.18 De cet apport capital au musée de Lille, notre catalogue inclut la Vierge au voile, du Maître du Fils prodigue (cat. 44); le Paysage avec Fuite en Egypte, d ’un suiveur de Patenier (cat. 34); le très beau et rare Tarquin et Lucrèce, d ’un anversois du m ilieu du X V Ie siècle (cat. 63); et le petit Salvator Mundi (cat. 91).

A travers cette patiente et obstinée constitution de collections, une profonde cohérence des fonds se dessine. Elle vient par nature de la provenance régionale d ’une partie des œuvres. Nous avons déjà cité les portraits historiques acquis par Arras et provenant du Conseil d ’Artois, ou les écus de Saint-Bertin donnés à Saint-Om er en 1842. Les tableaux qui viennent des églises et des établissements religieux proches sont naturellement nombreux tant dans les collections privées - dont beaucoup rejoignent peu à peu les institutions patrimoniales — que dans les saisies révolutionnaires, puis les achats des musées. Mais ce m ouvement est également nourri par l ’effort de l ’Eglise elle-m ême, et le cas d ’Arras est exem plai­re à cet égard. Professeur d ’histoire, l ’abbé Jean Lestocquoy met son érudition au service du patrimoine, et publie à partir de 1935 les Notes pour servir à l'histoire de l'art en Artois. Ses efforts parallèles aboutissent à la création à Arras, dès 1934, du musée diocésain, inauguré en novembre 1935, qui se fonde sur le regroupement d ’œuvres inutilisées dans les églises ou les couvents. Les triptyques de Bellegam be (cat. 7 et 8) sont un tém oignage de l ’extrême qualité de certaines des créations ainsi réunies. Si les décennies qui suivent imm édiatement l ’après-guerre, marquées par d ’autres priorités, ne voient pas le succès de ce musée auprès des visiteurs, elles sont par contre le temps d ’une coordination supplémentaire avec les efforts de l ’Etat, Jean Lestocquoy étant nommé en 1955 conservateur départemental des antiquités et objets d ’art. Ce qui devient alors officiellem ent le Trésor de la cathédrale d ’Arras s’enrichit d ’autres panneaux de la fin du Moyen A ge ou de la Renaissance, comme

18

INTRODUCTION

les ensembles provenant des deux chartreuses de Gosnay, celle du Val-Saint-Esprit (cat. 73 et 78), et celle du M ont-Sainte-M arie (cat. 76 et 85). Une rénovation des salles dans les années 1980, et la coordination qui a permis l ’exposition des plus importantes des pièces du Trésor dans les bâtiments du musée des Beaux-Arts, a donné un nouveau souffle à cet effort.

La cohérence des fonds de Prim itifs des musées est encore accrue par l ’orienta­tion des dépôts, q u ’ils soient d ’origine régionale ou nationale. Pour les premiers, citons le Diptyque de Jean de le Cambe (cat. 94), qui provient de l ’Hospice Gantois et a été déposé au musée de l ’Hospice Comtesse par l ’Adm inistration des Hospices de Lille; ou les Œuvres de Miséricorde, du Maître du Fils prodigue (cat. 45), de l ’ancienne collection Julien Dècle, et entré au musée de Valenciennes comme dépôt de l ’administration des Hospices de cette ville en 1909. Pour les dépôts d ’origine extérieure à la région, il faut saluer l ’effort du Louvre et des musées nationaux. Le Louvre dépose ainsi en 1876, à Douai, l’important panneau du Maître de la Manne (cat. 50); puis en 1896, à Arras, le Triptyque de la Déploration (cat. 90); et le très beau Christ bénissant la Vierge (cat. 74), acheté à l ’Hôtel Drouot le 27 juin 1946 et inscrit à l ’inventaire du Louvre, entre au musée de Lille comme dépôt de l ’État dès décembre 1946. Le même musée reçoit en 1953 la Déploration du Christ, du Maître de l ’Adoration Von Groote (cat. 40), œuvre qui fait partie du Fonds français de la récupération artistique en Allem agne après 1945, avant d ’être attribuée au Louvre par l’O ffice des biens privés en 1950, puis d ’être déposée à Lille.

Cette cohérence des collections est enfin accentuée par une politique d ’acquisi­tion active dans la seconde m oitié du X X e siècle. A Valenciennes, la Tentation de saint Antoine, de Jan Mandyn (cat. 31), est acquise sur le marché de l ’art parisien en 1965, et le musée y achète ensuite, en 1979, la Sainte Famille de Van Hemessen (cat. 29). Douai mène également une politique d ’achats qui lui permet de compléter intelligem m ent les fonds existants: en 1966, avec le très bel Ecce Homo, du Maître de l ’Ecce Homo de Douai (cat. 43); en 1972, pour le Triptyque de l 'Adoration des Mages de l ’atelier de Pieter Coecke (cat. 19); et avec deux achats qui s’intégrent de manière encore plus exemplaire dans les collections en place, d ’une part pour la Crucifixion du Maître de la Manne (cat. 50), en 1987, qui rejoint le panneau du même retable déposé par le Louvre en 1876, d ’autre part pour le non moins superbe Martyre de sainte Barbe, de Jean Bellegam be (cat. 6), acheté en 1989 sur le marché de l ’art bruxellois. Pour Lille, il suffira, pour la force de l ’engagem ent dans ces domaines de la peinture, de rappeler l’effort exceptionnel fait en 1993 pour l ’achat de la Vanité, de Jan van Hemessen (cat. 28), œuvre à la fois majeure et totalement inédite.

L’histoire récente montre ainsi que les collections de peinture flamande et de France du nord dans les musées du Nord et du Pas-de-Calais ne constituent pas des séries figées, mais un ensemble dont le développement ne cesse pas, et qui peut réserver des surprises d ’une extrême qualité.

T9

INTRODUCTION

N ot es

1 II n’est pas possible de dresser dans ces quelques pages une histoire complète de ces musées et de leurs collections, ni de reprendre la bibliographie détaillée des catalogues successifs, que l’on trouvera pour chacune des peintures à la fin des notices qui leur sont consacrées.

2 Sans compter la vingtaine d'œuvres qui font l’objet du Corpus en préparation par Albert Châtelet.

1 Des éléments essentiels sur la commande et la possession d’œuvres d ’art dans le Nord de la France et les Flandres à la fin du Moyen Age sont désormais fournis par les recherches de Marc Gil. Voir ainsi M. GlI et L. N ys,Saint-Orner gothique. Les arts figuratifs à Saint- Omer à la fin du Moyen Age, / 250- 1550 . pein­ture- vitrail -sculpture-arts du livre, Valenciennes, 2 0 0 4 , en particulier les chap. V et VI. Même s’il concerne plus la peinture des XVIIe et XVIIIe siècles, voir aussi les Actes du col­loque Collectionner dans les Flandres et la France du Nord au XVIIIe siècle (Lille, 13-14 mars 2 0 0 3 ), sous la clir. de S. R a u x , sous presse.

4 Sur les collections de la famille de Croÿ, voir Les saisies révolutionnaires au musée de Valenciennes, cat. expo, Valenciennes,Musée des Beaux-Arts, 1989-1990, p. 83.

5 Pour le Musée d ’Unterlinden, voirC. H e c k , « De l ’antique au gothique: redé­couverte et sauvegarde de l’art médiéval en Haute-Alsace à la suite de la Révolution « Annuaire de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Colmar, X X X V I, 1988-1989 (Colmar et la Révolution), p. 159-170.

6 Pour ce qui suit, voir A. C a h i e r , Essai sur les Musées de Douai, leurs origines, leurs progrès, leurs bienfaiteurs, dans Mémoires SI AS A, 9 (1866-1867), 1868, p. 653-674, repris dans, du même auteur, Catalogue des ouvrages de peinture, sculpture, dessin, gravure et lithographie exposés dam les galeries du musée de Douai, Douai, 1869, p. III-XIX. Sur l’histoire du musée de Douai et de ses collections, voir aussi F. B a l i g a n d , Le Musée de la Chartreuse, Douai, Paris, 1999, p. 7-15.

7 Sur l ’histoire du musée de Calais, voir M . RéROLLE, Le musée de Calais. Guide du visiteur, fascicule 1 : l'histoire locale, Calais, 1970, p. 48-50.

* Sur l ’histoire du musée, voir G. B l a z y ,

Catalogue des peintures. Saint-Omer, Musée de l'Hôtel Sandelin, Saint-Omer, 1981, p. 7; et Y. B o u r e l , Chefs-d'œuvre du musée de l'hôtel Sandelin, Saint-Omer, sous presse (octobre 2004).

9 Sur l ’histoire du m usée de L ille, voir J . Lenglart, Catalogue des tableaux du musée

de Lille précédé d'une notice historique, L ille, 1893, p V -X X V 1 ; A. C hâtelet, Cent chefs-d’œuvre du musée de Lille, L ille, 1970, p. 6-10; H . O ursel, Le musée des Beaux-Arts de Lille, Paris, 1984, p. 5-12; Un Palais pour un musée. Exposition réalisée à l'occasion du centenaire de la construction du Palais des Beaux-Arts de Lille, cat. expo., L ille, 1985 ; pour l’histoire des inventaires et des catalogues des co llection s de peinture, voir l ’étude d'A . D onetzkoff dans A. B rejon de Lavergnée et A. Scottez-D e WAMBRECHIES, A ., Musée des Beaux-Arts de Lille. Catalogue sommaire illustré des peintures.I, Écoles étrangères, Paris, 1999, p. 36-43.

10 Sur l’histoire du musée, voir Catalogue illustré et annoté des œuvres exposées au Palais des Beaux-Arts de Valenciennes, I, Valenciennes, 1931, p. 6 -2 3 ; P. R a m a d e ,

Musée des Beaux-Arts de Valenciennes, Guide des collections, Paris, 1998, p. 7-15.

11 Sur l ’histoire du musée d'Arras,voir H. OlJRSEL, Guide du musée d'Arras, Arras, 1969, p. 5-13, et A . N o t t e r

et G. A m b r o is e , Le Al usée des Beaux-Arts d'Arras, Paris, 1998, p. 9-17.

12 Pour le domaine qui nous intéresse, qu'il nous suffise de citer une œuvre exception­nelle qui sera incluse dans le volume à paraître d ’A. Châtelet: le Chemin du ciel ou Y Ascension des élus, de Dirk Bouts, que Reynart réussit à faire acquérir par Lille en 1873, et que son pendant, la Chute des réprouvés, rejoindra en 1956, par dépôtdu Louvre.

13 Sur l ’histoire du musée, ouvert en 1841, voir Musée des Beaux-Arts, Dunkerque,1 8 4 1 - 1 9 9 1 , 1 50e anniversaire, cat. expo., Dunkerque, 1991.

14 La Passion d'un amateur. La collection Alexis Joffroy, de Lucas Giordano à Alfred Stevens, cat. expo., Dunkerque, musée de Beaux-Arts, 2 0 0 1-2002 , p. 10-16.

15 A. D e z a r r o i s , J. F e r a i , et J. M a n n h e i m ,

Musée de Saint-Omer. La collection du Teil Chaix d'Est-Ange. Peintures, objets d ’arts, ameublement, M â c o n , 1925, p. V-XLI.

16 Voir Grands noms, grandes figures du musée de Lille, I. La collection d'Alexandre Le/eux,cat. expo., Lille, Musée des Beaux-Arts, 1974, p.9-12.

17 A. OZENFANT, Catalogue de la collection d'objet d ’art et de curiosités composant le musée Jules de Vicq, LlLLE, 1887, p. IV.

18 Voir Grands noms, grandes figures du musée de Lille, II, Donation d ’Antoine Brasseur,cat. expo., Lille, Musée des Beaux-Arts, 1981, p. 9-17.

2 0