24
La Fonction de la Pause Dans l’Enoncé Oral en Turc Selim Yılmaz (Marmara University) Résumé Une analyse sur l’oral exige la prise en compte des deux registres complémentaires de la langue, à savoir le segmental (morphosyntaxe) et le suprasegmental (prosodie) qui ont donc une relation de dépendance. La structure suprasegmentale des énoncés produits de l’oral, représente le registre fondamental, voire indispensable de la langue parlée. A ce titre, toutes les marques suprasegmentales ont une valeur énonciative précise au moment de la parole. Pour pouvoir bien interpréter la structuration d’un énoncé, il faut analyser cas par cas la position et la fonction de telle ou telle marque suprasegmentale, et ce en rapport avec la structure segmentale de l’énoncé en question. Il faut également faire l’analyse prosodique des segments d’énoncé à travers les tracés mélodiques. Cet article a pour objectif d’analyser la fonction de la pause à l’oral avec cette méthode qui consiste à étudier conjointement les éléments segmentaux et suprasegmentaux dans le cadre de la théorie de l’énonciation. Introduction Au niveau de l’organisation structurale du dialogue oral, il est reconnu qu’un énoncé se compose de deux types de structure de nature différente : Le segmental et le suprasegmental. 1 Alors que le segmental constitue la structure morphosyntaxique, le suprasegmental compose la structure prosodique de la parole. Autrement dit, il y a d’une part, la forme accompagnée de sens, et d’autre part, ce que l’on appelle la musique ou la musicalité de la parole et son harmonie. Il faudrait noter tout particulièrement que ces deux registres de la langue orale sont complémentaires, et par conséquent, présentent une relation de dépendance dans la chaîne parlée. La structuration suprasegmentale du dialogue oral se constitue des éléments prosodiques suivants : a) l’intonation 1 Il faut dire que les recherches sur l’oral ne sont pas très répandues dans les universités turques. Ceux qui existent concernent, pour la plupart, la structure segmentale du turc oral et de ses dialectes. Par ailleurs, un certain nombre limité d’études concernant le suprasegmental ont été réalisés par les chercheurs du Département de Linguistique de l’Université d’Ankara, mais là encore, ces études rentrent plutôt dans le cadre théorique et méthodologique de la linguistique anglophone et/ou américaine.

AúBnB·B BtB. nB(B . . G ( # $å TAû:w:¥:Æ: …cblle.tufs.ac.jp/assets/files/publications/working_papers_03/... · (Marmara University) Résumé ... question dans les pages qui

Embed Size (px)

Citation preview

La Fonction de la Pause Dans l’Enoncé Oral en Turc

Selim Yılmaz (Marmara University)

RésuméUne analyse sur l’oral exige la prise en compte des deux registres complémentaires de la

langue, à savoir le segmental (morphosyntaxe) et le suprasegmental (prosodie) qui ont donc une relation de dépendance. La structure suprasegmentale des énoncés produits de l’oral, représente le registre fondamental, voire indispensable de la langue parlée. A ce titre, toutes les marques suprasegmentales ont une valeur énonciative précise au moment de la parole. Pour pouvoir bien interpréter la structuration d’un énoncé, il faut analyser cas par cas la position et la fonction de telle ou telle marque suprasegmentale, et ce en rapport avec la structure segmentale de l’énoncé en question. Il faut également faire l’analyse prosodique des segments d’énoncé à travers les tracés mélodiques. Cet article a pour objectif d’analyser la fonction de la pause à l’oral avec cette méthode qui consiste à étudier conjointement les éléments segmentaux et suprasegmentaux dans le cadre de la théorie de l’énonciation.

Introduction Au niveau de l’organisation structurale du dialogue oral, il est reconnu qu’un énoncé se

compose de deux types de structure de nature différente : Le segmental et le suprasegmental.1

Alors que le segmental constitue la structure morphosyntaxique, le suprasegmental compose la structure prosodique de la parole. Autrement dit, il y a d’une part, la forme accompagnée de sens, et d’autre part, ce que l’on appelle la musique ou la musicalité de la parole et son harmonie. Il faudrait noter tout particulièrement que ces deux registres de la langue orale sont complémentaires, et par conséquent, présentent une relation de dépendance dans la chaîne parlée. La structuration suprasegmentale du dialogue oral se constitue des éléments prosodiques suivants : a) l’intonation

1 Il faut dire que les recherches sur l’oral ne sont pas très répandues dans les universités turques. Ceux qui existent concernent, pour la plupart, la structure segmentale du turc oral et de ses dialectes. Par ailleurs, un certain nombre limité d’études concernant le suprasegmental ont été réalisés par les chercheurs du Département de Linguistique de l’Université d’Ankara, mais là encore, ces études rentrent plutôt dans le cadre théorique et méthodologique de la linguistique anglophone et/ou américaine.

(F0), b) l’intensité (I), c) la pause2 {cs}, d) la durée (cs), e) l’allongement (:::).

DIALOGUE ORAL (Enchaînement d’énoncés)

Le Segmental (Morphosyntaxe)

Le Suprasegmental (Prosodie)

Composition en 3 parties principales : 1. Partie thématique 2. Partie rhématique 3. Partie post-rhématique 3.1. Postrhème 3.2. Incise finale

Composition en 5 éléments analysables : 1. Intonation (F0) 2. Intensité 3. Pause (silence) 4. Durée 5. Allongement

Cette recherche vise à analyser la place et le rôle de la pause dans le dialogue oral spontané en turc contemporain de Turquie. Notons d’emblée qu’il est ici question du turc que l’on qualifie de standard et qui est parlé notamment dans les grandes villes modernes et cosmopolites comme Istanbul, Ankara et Izmir. L’objectif principal de cette recherche sera de mettre en lumière cette notion de pause en turc oral en apportant des explications quant à sa fonction dans deux registres différents : la morphosyntaxe et l’énonciation. Pour cela, il faudra faire des réflexions à partir des exemples illustrant les différentes positions de la pause dans l’énoncé à l’aide des tracés mélodiques (voir annexe). Les questions qui seront évoquées dans cette étude et auxquelles nous essaierons d’apporter une réponse claire, sont les suivantes : a) Pour quelle(s) raison(s) fait-on une pause lorsque l’on parle en dialogue ? b) A quel moment de la parole la pause survient-elle et pour quelle fin énonciative ? c) La pause est-elle un simple silence et une rupture dans l’enchaînement du discours ?

Tout d’abord, notons que le meilleur moyen de constituer une catégorie idéale des pauses, serait de prendre compte en premier lieu leurs positions précises dans l’énoncé oral par rapport aux constituants segmentaux. Cette première démarche de “catégorisation” pourrait nous permettre de rapprocher à un modèle de classification des pauses dans l’énoncé oral spontané. En deuxième lieu, il serait possible, voire plus facile de former des sous-catégories en tenant compte de la durée des pauses qui est très considérable tant au niveau de la structuration de l’énoncé qu’au niveau de l’interaction énonciative entre le sujet parlant et son interlocuteur au moment de l’échange discursif.

Ainsi, cet article qui ne prétend pas à être exhaustif, pourrait franchir un premier pas pour (re)définir la pause en turc oral3 et apporter un soutien afin de combler ce manque de recherche sur les marques suprasegmentales et en particulier la pause en linguistique turque. Il serait donc 2 La durée des pauses (ainsi que celle des allongements vocaliques) sera mesurée et notée en centiseconde (cs) à partir des tracés mélodiques récupérés du logiciel “Anaproz” conçu et développé par Bernard Colombo. 3 Selon nos recherches bibliographiques dans la linguistique du turc, nous n’avons pas trouvé un travail qui puisse traiter uniquement la pause en profondeur. Par contre, ce constituant figure comme une présentation dans une partie limitée d’ouvrage sur la linguistique du turc contemporain. Il faut dire que quelques pages consacrées à un constituant très important du parler comme la pause, ne pourraient en aucun cas être suffisantes.

question dans les pages qui suivent d’une étude de cas puisque cette recherche se fonde uniquement sur un seul corpus d’étude. La méthode et la théorie adoptées dans ce travail seront principalement celles de Morel et Danon-Boileau dont l’ouvrage essentiel est intitulé « Grammaire de l’intonation» (voir bibliographie).

1. Corpus d’étude Cette présente recherche étant une étude des pauses sur corpus, il nous a fallu avant tout

choisir un corpus qui puisse nous fournir suffisamment de pause ayant des durées très variées; c’est-à-dire un corpus assez riche au niveau des pauses. C’est pour cette raison que nous avons choisi comme corpus d’étude celui que nous avions élaboré dans notre thèse de doctorat. Il s’agit d’un corpus assez long et dont le thème est la « Chasse et Nature ». Tout le travail que nécessite un corpus, à savoir l’enregistrement, la transcription, le découpage morphologique et la traduction, a été réalisé par l’auteur même de cet article. Dans la traduction en français des exemples, nous avons essayé de rapprocher aussi fidèlement que possible à l’original des énoncés turcs, afin de pouvoir illustrer dans la mesure du possible les faits linguistiques liés à l’usage de la langue parlée du sujet parlant dans une situation d’énonciation. Une liste des abréviations utilisées dans le découpage morphologique des énoncés, se trouve à la fin de l’article. En ce qui concerne la notation morphologique des morphèmes grammaticaux, la terminologie utilisée appartient à Bazin et Dor. On trouvera également les codes de transcription et un petit glossaire des termes de linguistique énonciative avant la Bibliographie. Donnons maintenant pour information la fiche de présentation de notre corpus d’étude :

Corpus d’oral « Chasse et Nature » Durée de l’enregistrement Environ 2 heures Nombre de locuteur 3 hommes turcs ayant la cinquantaine Transcription 200 pages, 75.000 mots Nombre d’énoncé Environ 1000 Morphologie Découpage et notation Traduction En français

2. Qu’est-ce que la pause ? Avant d’aborder les catégories de pause et leur fonctionnement dans l’énoncé oral, il convient

de donner quelques définitions de cette marque suprasegmentale dans le cadre théorique de la linguistique française.

Morel et Danon-Boileau (1998 : 10) utilisent les termes « pause-silence » et « pause silencieuse » et prétendent globalement que cet indice permet, sur la base d’une attention supposée partagée, d’homogénéiser ce qui précède et de rhématiser ce qui va suivre. D’autre part, ces deux

linguistes (1998 : 13) explicitent la définition de la pause en soulignant sa fonction : « La pause silencieuse indique un tournant au sein d’un cadre déjà constitué. Sur la base d’une attention accordée, elle met en relief le discours qui va suivre, et permet d’homogénéiser ce qui a précédé ou d’annuler une opération qui a pu être ébauchée. Ils distinguent en général trois catégories principales (1998 : 15) : 1) Pause-respiration (20cs), 2) Pause d’homogénéisation (40-60cs), 3) Pause d’annulation (> 40cs).

Il est clair que cette définition met en cause les deux zones syntaxiques de l’énoncé par rapport à la pause : ce qui précède et ce qui suit la pause en question. Cette approche que nous rejoignons, nous permet de parler d’une double fonction de la pause qui consiste à anaphoriser et à cataphoriser les parties gauche et droite; autrement dit, comme nous venons de le dire, ce qui précède et ce qui suit la pause.

En ce concerne la méthode de classification des pauses, il est important de souligner que les catégories ont été déterminées en fonction de leurs positions dans la structure syntaxique de l’énoncé, alors que les sous-catégories ont été établies selon leurs durées. Ainsi, lorsque la durée d’une pause est inférieure à 50cs, nous l’avons considérée comme une « pause courte », et donc il s’agira d’une « pause longue » lorsqu’elle dépasse 50cs. De ce fait, notre repère pour déterminer les sous-catégories en vue de classer et de qualifier une pause selon sa longueur est la durée moyenne de 50cs.

Les énoncés qui seront analysés dans cet article sont divisés en deux parties générales, avec toutefois une troisième partie possible dans certains énoncés. Les trois parties générales4 d’un énoncé sont les suivantes :

a) La partie thématique b) La parie rhématique c) La partie post-rhématique.

Le découpage morphosyntaxique afin de délimiter les parties segmentales, ainsi que la division des constituants segmentaux dans l’énoncé se réalisent à l’aide des repères aussi bien segmentaux, c’est-à-dire morphosyntaxiques, que suprasegmentaux ou bien prosodiques. En d’autres termes, dans un travail qui traite le turc comme celui-ci5, il est indispensable de prendre en compte en même temps ces deux types de repère qui sont de nature différente :

1) Repère segmental (marque morphosyntaxique) 2) Repère suprasegmental (marque prosodique).

4 Pour le français oral, Morel et Danon-Boileau (1998 : 21) définissent ces trois parties par la dénomination de “préambule/ rhème/postrhème”. Nous avons emprunté à ces linguistes la terminologie des constituants de l’énoncé (sauf le “préambule”) que nous avons donc utilisée dans nos analyses énonciatives. A la place du terme de “préambule”, nous préfèrons utiliser la notion de “partie thématique” (en rapport avec la partie rhématique), vu qu’en turc les opérations de thématisation et de prédication présentent une structuration syntaxique plus différente et plus complexe à l’égard du français.5 En raison de la structure agglutinante et du système de suffixation du turc en général, mais notamment du fait qu’en particulier, la structure du turc parlé présente un mécanisme structural à forte tendance morphologique avec beaucoup de diversités et de variations syntaxiques (à savoir les combinaisons de suffixes et de mots, ainsi que certains aspects phonétiques propre à l’oral).

3. Pause intérieure (dans l’énoncé) Dans le dialogue oral en turc, les pauses intérieures pouvant exister dans un énoncé sont

réparties dans 4 groupes en fonction de leurs positions précises dans l’énoncé même. L’ordre catégorique suivant a été établi selon la fréquence de positionnement de la pause par rapport à un point syntaxique fixe à l’intérieur de l’énoncé :

a) Entre les parties thématique et rhématique, b) Dans la partie thématique, c) Dans la partie rhématique, d) Entre les parties rhématique et post-rhématique

3.1. Entre le thème et le rhème Entre les parties thématique et rhématique d’un énoncé, il est tout à fait possible d’avoir une

pause courte ou longue dont la durée est inférieure ou postérieure à 50 centiseconde; cette durée étant considérée comme celle d’une pause moyenne selon le comptage général des pauses réalisé dans notre corpus d’étude.

3.1.1. Pause courte (moins de 50 cs) Dans ce premier énoncé ci-dessous, apparaît une combinaison de deux pauses (P) avec un « e

» d’hésitation allongé : « P1 {30} + ‘e’ allongé (60) + P2 {40} ». Cette structuration au-delà du segmental, nous donne une idée sur le degré d’importance du travail de formulation du locuteur à ce moment précis de l’énonciation; c’est-à-dire entre les parties thématique et rhématique, mais surtout « avant » la formation et la prononciation du rhème. Le fait que cette combinaison de pauses se situe avant le rhème, indique bien que le travail de formulation est au niveau de l’argumentation du propos avancé préalablement dans la partie thématique. Le « e » d’hésitation allongé de 60cs justifie bien que l’énonciateur se prépare pour l’explicitation syntaxique de sa pensée : il s’agit ici d’une appréciation subjective avec l’expression qualificative « iyi durumda » (est en bonne situation). La pause finale de 60cs marque la fin de l’énoncé : L’interlocuteur pouvant intervenir à ce stade de l’interaction, la continuité discursive n’est donc pas obligatoire par le même locuteur. En parlant tout particulièrement d’un fusil de chasse, le locuteur dit :

[1] Um12-- o -(n)lar - ın iç - i - (n) - de {30cs} e : : : (60cs) {40cs} ce +Pl+Gén intérieur+Dét+Loc <…………..thème……………> 2- 2- 2 iyi durum - da6 {60cs}bien situation+Loc <…..rhème…..> 2+ 1/2

6 Le prédicat verbal ou nominal sera souligné pour l’indiquer plus explicitement.

(Um12, E591)7

il a une bonne situation parmi ceux-là (les autres fusils),

3.1.2. Pause longue (plus de 50 cs) Comme le démontre bien l’exemple suivant, il est possible d’avoir en turc, une pause longue

entre le thème et le rhème. Cette pause dont la durée est plus d’une seconde (150cs) pourrait provenir de la valeur sémantique et de la structure morphologique du dernier élément de la partie thématique : la forme nominale du verbe « vur-mak » (abattre) qui est « vur-ma » (abattage)8. En principe, la structure nominale est « vur-ma becerisi » qui veut dire « le talent d’abattre ». Il est ici question d’une expression ironique que le locuteur veut souligner pour y attirer l’attention de l’autre, en introduisant une pause entre les deux éléments de cette structure nominale. Cette expression figurée explique la position et la longue durée de la pause. L’énoncé présente un schéma intonatif classique avec « Thème montant (F0+) et Rhème descendant (F0-) ». Le locuteur critique l’interlocuteur, son compagnon de chasse, pour avoir abattu une quarantaine de canards en une journée :

[2] Beh-- kırk - bir tane ördek vur - ma {150cs} quarante+un pièce canard battre+Nom. <…………………thème……………….> 2+ 3 2- 2- 2- 3- beceri -(s)i -(n)i göster - ebil - di talent+Pos+ Acc montrer+Psb+Psé <………………..rhème……...……..> 2+ 3- 2+ 2-

(Beh8, E195) il a pu montrer le talent d’abattre quarante et un canards,

3.2. Dans la partie thématique 3.2.1. Pause courte (moins de 50 cs)

L’énoncé [3] ci-dessous comprend trois courtes pauses de moins de 50cs dans la partie thématique : a) P1 {30} après le ligateur, b) P2 {40} après le premier cadre thématique, c) P3 {40} après le deuxième cadre thématique. Ces trois pauses postposées aux trois constituants thématiques, ont pour fonction commune la mise en valeur de l’opération de cadrage thématique. L’enchaînement de trois pauses et le schéma plat au niveau 2- de la partie thématique, démontrent que l’énonciateur est en position de “travail de thématisation” avec l’intention d’adresser son propos le plus clair possible dans le cadre d’un échange colocutif.

7 Indications montrant dans l’ordre, les initiales du sujet parlant avec le tour de parole (Beh1, Um2, Mev3, Sel4,...) et la position de l’énoncé numéroté (E1, E2, E3,...) dans le corpus. Les tracés mélodiques des énoncés se trouvent en annexe à la fin de l’article.8 Cette structure nominale du verbe apparaît chez L. Bazin (1994 : 114-115) sous la catégorie des “Noms verbaux d’action” comme “Nom d’action général en –me”. Alors que B. Golstein (1999 : 162-163), de son côté, reprend les termes de “Noms verbaux d’action” et de “Nom verbal général” tout en considérant ces structures comme des formes figées.

Le locuteur dit que si le chasseur marche des heures et des heures dans les montagnes, c’est parce qu’il a un fusil en main :

[3] yani {30cs} gün - de be saat {40cs} on saat {40cs} c.à.d. jour+Loc cinq heure dix heure <lig.> <……..cadre1……...> <cadre2> ø 2- 2- 2- 2- da -lar -da gez - me - z {80cs} montagne+Pl+Loc marcher+Nég+Aor <…………….….rhème……..……….> 1/2 2 2+ 2-

(Mev2, E1040) c’est-à-dire qu’il ne marcherait pas dans les montagnes, cinq à dix heures par jour,

3.2.2. Pause longue (plus de 50 cs) Dans l’exemple suivant, la pause dont la durée est de 90cs se situe après le marqueur de point

de vue (PDV) « bence » (à mon avis). Avec cette structure « PDV + pause », l’énonciateur marque sa position personnelle et souligne ainsi qu’il va engager son jugement personnel, lequel sera suivi et renforcé par une modalité assertive marquée par « tabii ki » (bien sûr que). Cette position assertive dans le cadre de la subjectivité est inférieure au niveau 2 qui est le niveau de la co-locution. L’intonation descend progressivement jusqu’au niveau 1 à la fin de l’énoncé (la finale du postrhème) : ce qui est le niveau de la prise en charge égocentrée. Cette appréciation subjective est de plus soulignée par la modalité appréciative renforcée au superlatif « en iyi » (le meilleur). La finale de l’énoncé est marquée par une autre pause de 50cs après le postrhème : Cette pause a pour fonction de délimiter l’énoncé tout en marquant tout simplement la fin de l’énoncé. Pour donner son point de vue positif sur un fusil de chasse, le locuteur dit :

[4] Um-- ben - ce {90cs} e tabii ki piyasa - da bul - (u) - n - an en iyi moi+Pdv bien sûr Conj marché+Loc trouver+Réfl+Part le mieux <MPdv> <...modus...> <…………………………………….. 1/2 2- 3- 2- 2+ 2- 2- 2- 2- tüfek - ler - den bir - i ° uan - da° {50cs} fusil + Pl + Abl un+Dét ce moment+Loc …………. RHÈME……> <postrhème>

2- 2 2+ 2- 1+ (Um20, E911)

à mon avis, bien sûr que c’est l’un des meilleurs fusils du marché, °en ce moment°,

Il nous a paru intéressant, voire inévitable, de fournir ce deuxième exemple, étant donné qu’il présente une pause assez longue dont la durée est presque 2 secondes (190cs). Cette pause silencieuse est d’autant plus localisée après un ligateur qui est fortement marquée par sa valeur sémantique. En effet, le ligateur « ancak » (seulement), souligne une condition à valeur restrictive par rapport à ce qui a été dit précédemment, c’est-à-dire dans l’énoncé d’avant ayant été prononcé

toujours par le même locuteur. La valeur sémantique de ce ligateur est donc mise en relief avec cette pause très explicite qui, en même temps, annonce la position de consensualité coénonciative de l’énonciateur, puisque le ligateur est montant au niveau 3-. A la finale de l’énoncé, on constate une longue pause-silence de 160cs : Cette pause qui autonomise l’énoncé par rapport à la suite, est en quelque sorte une “invitation à l’autre de prendre la parole” et de s’exprimer sur le contenu de la pensée énoncée. Le locuteur évoque la bonne utilisation du fusil par son propriétaire qui est le chasseur :

[5] Beh-- ancak {190cs} av - cı - (n)ın da bu arac - ı {50cs} seulement chasse+N.ag+Gén aussi ce moyen+Acc <ligateur> <support disjoint> <…...cadre…..> 2 3- 2- 2+ 2+ 2- 2/3 iyi kullan - ma -(s)-ı -(n)ı bil - me -(s)- i gerek -(i)r, {160cs} bien utiliser+Nom+Dét+Acc savoir+Nom+3Ps falloir+Aor <……………………………..RHÈME………………………..> 2- 2 1/2 2- 2- 1/2 1/2 1+

(Beh3, E31) seulement, il faut aussi que le chasseur aussi sache bien utiliser ce matériel,

3.3. Dans la partie rhématique Dans un énoncé en turc oral, une pause peut aussi survenir à l’intérieur de la partie rhématique.

En prenant comme base la durée de 50cs, nous pouvons classer ces pauses dans deux catégories : Pause courte (moins de 50 cs) et Pause longue (plus de 50 cs).

3.3.1. Pause courte (moins de 50 cs) Dans l’énoncé ci-dessous, il se trouve une pause de 30cs juste après le ligateur (LIG) « yani »

(c’est-à-dire) qui introduit ici une explication supplémentaire à propos de l’objet du discours. La structure « LIG + pause » marque le soulignement de la valeur sémantique du ligateur en question : L’énonciateur attire donc l’attention de l’autre sur le fait qu’il va enchaîner avec une explication sur l’OD. A noter que le ligateur est ici non-marqué par l’intonation (F0 : ø). Le locuteur fait ici une remarque sur une marque de fusil de chasse :

[6] e yani {30cs} olumsuz yan - lar - ı var ideal bi(r) tüfek de il °ama°, c.à.d. négatif côté+Pl+Pos Préd.ex. idéal un fusil Préd.nég. mais

<lig> <…...…...rhème1…...…> <.…. . .rhème2…. . .> <postrh.> ø 2- 2+ 2- 2- 2- 2- 1/2 3+

(Um12, E612) e c’est-à-dire qu’il a des côtés négatifs, ce n’est pas un fusil idéal, °mais°,

3.3.2. Pause longue (plus de 50 cs) L’énoncé ci-dessous est intéressant au niveau de l’accumulation des pauses. Nous y retrouvons

7 pauses avec différentes durées et dans diverses positions syntaxiques qui sont les quivantes : P1

{160} : après le LIG1, P2 {70} : fin du thème, P3 {60} : entre deux rhèmes, P4 {80} : fin du rhème2, P5 {50} : après le LIG2, P6 {80} : après le cadre, P7 {30} : fin du dernier rhème, et donc de l’énoncé. La pause la plus longue est la première, celle qui figure au début de l’énoncé, postposée au ligateur. Alors que la pause la plus courte, moins de 50cs, est celle qui finalise l’énoncé. La pause qui nous intéresse ici est celle qui se situe entre les deux premiers rhèmes qui se succèdent et forment la partie rhématique de l’énoncé. Elle dure 60cs et établit une relation non seulement syntaxique, mais aussi sémantique entre les deux rhèmes; d’où la répétition du mot « do ayı » (la nature) et la structure morphologique semblable des deux prédicats verbaux « eser-ir-ler » (ils gardent) et « koru-r-lar » (ils protègent). Les prédicats verbaux contiennent la combinaison de l’aoriste avec le suffixe de la 3e personne du pluriel (RV + Aor + 3PPl). Le locuteur parle de la relation entre le chasseur et la nature :

[7] Beh-- o yüz - den e::: {160cs} gerçek - ten av - cı - lar {70cs} ce face+Abl vrai + Abl chasse+N.ag+Pl

<…ligateur…> <mod. épist.> <support disjoint> 2 2 2- 2- 1/2 do a - (y)ı eser - ir - ler {60cs} do a -(y)ı koru - r - lar {80cs} nature+Acc garder+Aor+3Ppl nature+Acc protéger+Aor+3Ppl <………..rhème 1…………> <…………..rhème 2…………> 2- 2- 2 ø e : ve o -(n)a {50cs} büyük saygı {80cs} duy - mak zorunda - dır - lar {30cs} et lui+Dir grand respect sentir+Inf obligé + Ass + 3Ppl <ligateur2> <…..cadre.....> < ….............rhème 3……….> 2- 2- 1+ 1/2 1/2

(Um17, E804) c’est pourquoi, en réalité, les chasseurs gardent bien la nature, ils la protègent, et ils

sont forcés de la respecter,

3.4. Entre le rhème et l’incise finale Dans un énoncé qui contient une incise finale, nous pouvons aussi avoir une pause entre la

partie rhématique et l’incise finale. Nous ne pouvons classer cette pause que dans la catégorie des pauses longues (plus de 50cs), étant donné que dans notre corpus, nous n’avons pas trouvé de pause courte (moins de 50cs) entre ces deux constituants segmentaux.

3.4.1. Pause courte (moins de 50 cs) Notre corpus d’étude ne présente pas de pause courte entre le rhème et l’incise finale. Par

contre, il faudrait vérifier cela dans d’autres types de corpus constitués avec d’autres locuteurs.

3.4.2. Pause longue (plus de 50 cs) L’énoncé suivant nous présente 4 pauses différentes avec leur durée et leur position dans

l’énoncé : P1 {50} : début d’énoncé, P2 {140} : fin du rhème, P3 {40} : après le mot introducteur

de l’incise finale, P4 {190} : fin d’énoncé. Il est question ici d’un énoncé hypothétique dont la structure est inversée. La pause qui se trouve entre le rhème et l’incise finale et dont la durée est plus d’une seconde (140cs), est fortement marquée par sa position syntaxique. En effet, sa longue durée dépend étroitement de sa position postposée au prédicat nominal « mümkün-dür » (c’est possible). Autrement dit, c’est bien le fait que cette pause marque la finale du prédicat et donc du rhème, qui fait en sorte que sa durée est assez longue. Ce qui revient à dire que dans cet énoncé, l’incise finale ne fait qu’apporter une explication supplémentaire qui va venir compléter le contenusémantique du rhème. Si le locuteur introduit une longue pause dans une position finale, c’est qu’il juge que le constituant qui va suivre, ici étant l’incise finale, n’est pas indispensable quant à la compréhension du contexte par l’interlocuteur. Du reste, c’est ce sentiment de l’énonciateur qui ressent que l’auditeur pourrait non seulement comprendre le contexte, mais aussi l’apprécier, du moins le partager, qui nécessite à la fin de l’énoncé une autre pause plus longue se rapprochant à 2 secondes. Dans ce type d’interaction énonciative avec une pause dont la durée est plus d’une seconde, il est fort probable que l’énonciateur réussisse à convaincre l’autre dans le but d’établir une consensualité coénonciative. Selon le locuteur, un chasseur peut dépasser les limites, même avec un fusil à canon simple :

[8] {50cs} e bir tek tüfek - le bile mümkün - dür {140cs} e er {40cs} o un seul fusil+Mun même possible+Ass si jamais ce <………………….rhème…………….> <………………..… 3/4 3 2- 2- 2/3 2- bilinc - e var - ma - z - sa {190cs} conscience+Dir arriver+Nég+Aor+Hyp …………….incise finale……………> 2- 4 1+

(Beh8, E196) c’est même possible avec un fusil simple, s’il n’arrive pas à avoir cette conscience,

4. Pause finale (en fin d’énoncé) La pause finale, celle qui se place en fin d’énoncé est la plus fréquente en turc oral. Elle a pour

fonction de finaliser l’énoncé comme “repère suprasegmental” déterminant la position syntaxique finale avec le prédicat. La structure « PRED + pause » peut marquer aussi bien la fin d’un discours que contrairement la continuité discursive en fonction de la durée de la pause en relation avec le contexte énonciatif. La fin du discours sera marquée par une longue pause (> 100cs) pouvant être comprise par l’interlocuteur comme un appel à prendre la parole, alors que la continuité discursive marquée par une pause moyenne (entre 50 et 100cs) peut être considérée comme une intention à maintenir la parole. Dans les deux cas, il y a un message à valeur énonciative, adressé par

l’énonciateur à son interlocuteur étant en position d’écoute9 au moment de la parole. La durée de ces pauses est assez variable et nous pouvons les catégoriser dans deux groupes en prenant comme repère la durée moyenne de 50cs : a) Pause courte en dessous de 50cs, b) Pause longue au dessus de 50cs.

4.1. Pause courte (moins de 50 cs) Dans l’énoncé [9], on constate déjà une première pause de 60cs qui se situe entre la partie

thématique et la partie rhématique. Cette pause nous permet d’abord de distinguer ce qui est thématisé (partie gauche de la pause) de ce qui va être rhématisé (partie droite de la pause). Autrement dit, l’opération de thématisation se réalise jusqu’à la pause qui va par la suite permettre d’introduire la deuxième opération qui sera bien entendu la rhématisation. Nous pouvons gloser ce fait linguistique du côté de l’énonciateur comme : « Je thématise jusque là où je fais une pause et maintenant je vais rhématiser. » Une pause de 40cs termine l’énoncé, mais ne met pas forcément le point au discours car le locuteur montre ainsi, avec une pause courte, son intention de maintenir la parole afin de poursuivre son discours. L’enregistreur du corpus veut orienter le débat vers l’autre locuteur qui était jusque là plus en position d’interlocuteur/auditeur :

[9] imdi izin ver - (i)r - se - niz {60cs} maintenant permission donner+Aor+Hyp+2Ppl

<ligateur> <………….……cadre……………..> 2- 2- 2- 2+ sayın Ümit hoca - m - la ba la - mak isti - yor - um cher N.p. prof+Pos.(1Ps)+Add commencer+ Inf vouloir+Prog+1Ps <……………..….…………rhème………………………………> 2- 2- 2- 1/2 1/2 ø °iki - (n)ci yarı - da° {40cs}deux+Nb.ord partie+Loc

<……...postrhème………>

ø

(Sel2, E500) maintenant, si vous le permettez, je voudrais commencer avec Monsieur le Professeur

Ümit, °dans la deuxième partie°,

4.2. Pause longue (plus de 50 cs) Cet exemple d’énoncé représente un cas particulier du fait qu’il englobe d’une part une pause

très longue de 3 seconde (300cs) en fin d’énoncé, et d’autre part une autre pause ayant la même durée (300cs) et qui se localise entre la partie thématique et la partie rhématique. Ce qui est encore

9 L’interlocuteur en position d’écoute au moment de l’énonciation (T0) est aussi appelé « auditeur » ou « écouteur » en linguistique française d’énonciation.

plus intéressant, c’est que l’auditeur/interlocuteur n’a pas tenté d’intervenir pendant la première longue pause avant l’introduction de la partie rhématique. Nous pensons que cela est dû à la structure syntaxique de la partie thématique qui est ici une proposition subordonnée marquant la concession. En effet, l’auditeur s’est senti dans l’obligation de garder le silence vu que le locuteur devait préparer la construction de la proposition principale afin de terminer l’énoncé. En revanche, la deuxième pause qui finalise l’énoncé doit forcément exiger l’intervention de l’autre qui sera cette fois dans l’obligation de prendre la parole et de s’introduire dans le discours. Selon le locuteur, le chasseur doit savoir comment utiliser son fusil de chasse :

[10] e bi(r) kere <h> {100cs} el - de - ki tüfek Une fois main+Loc+Qlf fusil

<ligateur> <……..cadre 1………> 3 2+ 3- 2- 2+ 2- hangi teknoloji -(s)i -(n)in ürün - ü ol - (u)r - sa ol - sun (h) {300cs} quel technologie+Pos+Gén produit+Pos être+Aor+Hyp être+Opt. (3ps) <…………………………………..cadre 2…………….…………………….> 2 2 2- 2+ 2- 2- 2/3 sa : hib - i - (n)in (em(i)r - i -(n)- de - dir)10 {300cs} possesseur+Pos+Gén ordre+Pos.(3Ps)+Loc+Ass <………………………RHÈME…………………> 2 3- 2 ø

(Beh14, E71) avant tout, quelle que soit la technologie du fusil qu’on a entre les mains, il est aux

ordres de son possesseur (de celui que le possède),

5. Combinaison de la pause avec une autre marque En turc oral, la pause peut former une combinaison avec une marque de travail de formulation

qui est souvent la marque d’hésitation « e » pouvant être allongé ou pas. Cette marque peut se localiser avant ou après la pause qui sera généralement au-delà de 50cs. Autrement dit, la pause peut très bien se préposer ou se postposer à la marque d’hésitation le plus souvent allongée. L’importance du travail de formulation peut être soulignée par trois marquages de nature suprasegmentale : a) L’allongement du « e » d’hésitation, b) La durée de la pause au dessus de 50cs, c) Le « e » d’hésitation encadré de pauses (P1 + e + P2).

5.1. « e » d’hésitation + Pause (Postposition) Dans ce type de combinaison où la pause est postposée à la marque d’hésitation qui est

d’autant plus allongée, le travail de formulation est plutôt au niveau de l’opération de thématisation. En d’autres termes, cette combinaison se retrouve, dans la plupart des cas, dans la partie thématique

10 Le segment entre parenthèses est peu audible; c’est pourquoi la courbe médique n’est pas visuelle sur ce constituant dans le tracé mélodique.

comme dans l’énoncé [11] où le travail de formulation est fortement marqué au niveau du cadrage thématique : un « e » d’hésitation allongé de 50cs et suivi d’une pause de 70cs. Le locuteur parle sur l’importance du fusil pour un chasseur :

[11] av - cı - (n)ın {80cs} her ne kadar böyle e : : : (50cs) {70cs} can - sız chasse+N.ag+Gén tout quoi autant ainsi vie + Priv <support disjoint> <…..intr. de cadre…..> <………… 3/4 2- 3 2 2+ 2- 2- 2- 2+ 3- bir madde -(y)se de tüfe - i - (n)i sev - me - (s)i de gerek -(i)r {210cs} un produit + Hyp même fusil+Pos+Acc aimer+Nom.+3Ps même falloir+Aor ……….cadre………> <………………………..rhème…………………> 2 2 2+ 3/4 3 2+ 2+ 2/3 2/3 2-

(Beh14, E476) le chasseur, il faut qu’il aime son fusil, quel qu’il soit, même s’il s’agit d’un objet

inanimé,

5.2. Pause + « e » d’hésitation (+ Pause) L’exemple [12] qui suit, démontre premièrement que la pause peut également être préposée à

la marque d’hésitation. Le « e » allongé de 40cs est précédé d’une pause de plus d’une seconde (140cs) et suivi d’une autre pause dont la durée est presque la moitié (60cs) de celle de la première pause. Cette combinaison est explicitement marquée par trois indices suprasegmentaux : a) Présence de deux pauses, b) Durée des pauses au dessus de 50cs, b) Allongement du « e » d’hésitation (= soulignement suprasegmental). Ce triple marquage suprasegmental a pour fonction de mettre en relief la relation tant au plan sémantique qu’au plan énonciatif entre les deux structures rhématiques. D’autre part, cette relation sémantico-énonciative est avant tout soulignée au niveau morphosyntaxique par le prédicat nominal renforcé au superlatif « çok önemli » (c’est très important). (= soulignement segmental). Le même locuteur poursuit son discours en évoquant le lien entre le chasseur et son matériel :

[12] aksesuar bi(r) av - cı için çok önem - li {140cs} e : : (40cs) {60cs} accessoire un chasse+N.ag pour bcp importance+Car. <……………………….rhème 1………………………> 2- 3+ 2- 2 3+ 3- 3+ 3+ 1/2 sev - me -(s)- i ısın - ma - (s) - ı lâzım °o-(n)u° {40cs} aimer+Nom.+3Ps s’habituer+Nom.+3Ps nécessaire ce+Acc <…………………….rhème 2…………………> <postrh.> 2 3- 2- 2+ 3 2/3 3+ 2- ø

(Beh14, E476) le matériel est très important pour un chasseur, il faut qu’il l’aime, qu’il s’y habitue, °à

cet objet°,

Abréviations de suffixes Suffixe et appellation

Abl : AblatifAcc : Accusatif Add : Addition Aor : Aoriste Ass : Assertif Car : Caractérisation Dér : Dérivation Dét : Déterminatif Dir : Directif Fac : Factitif Gén : Génitif Hyp : Hypothétique Inf : Infinitif Int : Intentif Loc : Locatif Mun : Munitif N.ag : Nom d'agent N.ét : Nom d'état

Nb.ord : Nombre ordinal Nég : Négation Nom : NominalisationOpt : OptatifPart : Participe Pl : Pluriel (pluralité) Pos : Possessif Ppl : Personne du pluriel Priv : Privatif Prog : Progressif Ps : Personne du singulier Psb : Possibilitatif Psé : Passé Psf : Passif Qlf : Qualificatif Réfl : Réfléchi S.adv : Suffixe adverbial

Autres abréviations c.à.d. : c’est-à-direConj : conjonctionCs : centiseconde E : Enoncé F0 : Fondamental I : Intensité Intr : Introducteur Lig : Ligateur N.P. : Nom propre Mod.épist. : Modalité épistémique

P : Pause P1 : Proposition subordonnée P2 : Proposition principale Pdv : Point de vue Postrh. : Postrhème PRED : Prédicat Préd.ex : Prédicat d'existence Préd.nég : Prédicat de négation PROP : Proposition RV : Racine verbale

Conventions de transcription (Paris III) SIGNE FONCTION

AB1, CD1, AB2, CD2,... Initiales des locuteurs avec tour de parole numéroté. -- Marque le début d’un énoncé MAJ Segment intoné différemment de ce qui précède ou de ce qui suit {....} Durée de la pause en centiseconde (cs)x: /x::: Allongement de la syllabe (la voyelle finale) e / e::: Indique le "euh" d'hésitation (allongé)(h) Inspiration audible<h> Expiration audible°....° Constituant post-rhématique : Postrhème ou incise finale§.....§ Recouvrement de voix (chevauchement de parole)(x) Voyelle ou consonne de liaison (à l'intérieur d'un mot) (....) Elément non prononcé (en général la consonne /r/ finale en turc) [....] Fait non linguistique (extra-linguistique) , (virgule) Marque la continuité du discours (en fin d'énoncé) <............> Constituant segmental de l’énoncé

Autres signes utilisés SIGNE FONCTION

F0 + Intonation haute et/ou montante F0 - Intonation basse et/ou descendante x/y Entre deux niveaux intonatifs ø Absence de marque (supra)segmentale -> Traduction en français des énoncés turcs

En guise de conclusion Cette recherche, qui ne prétend pas à être exhaustif, peut être considérée comme une

introduction à une étude plus approfondie sur la valeur et la fonction de la pause dans le dialogue oral et plus précisément dans l’énoncé oral en turc contemporain de Turquie.

Au terme de cette étude de cas sur les pauses à travers un corpus assez long, il nous semble évident de noter premièrement que la pause n’a pas de position précise dans l’énoncé oral en turc; elle peut donc survenir dans n’importe quel moment de la parole et cela quelle que soit sa durée. En deuxième lieu, nous pouvons dire que la pause n’est pas marquée par une fréquence de durée ; autrement dit, la durée des pauses en turc est très variable (moins ou plus de 50cs). En troisième lieu, il arrive que la pause se combine avec le « e » d’hésitation; ceci est un fait linguistique qui n’est pas fréquent, mais qui est assez considérable au niveau de la valeur sémantique et énonciative de ce qui précède avec ce qui suit la combinaison en question. C’est la seule combinaison possible avec une marque explicite ayant une fonction de travail de formulation.

Une pause au delà de 50cs qui se trouve à l’intérieur d’un énoncé, notamment entre le thème et le rhème, a pour fonction non seulement d’établir une relation syntaxique et sémantique entre les constituants ou les segments, mais aussi de marquer la position (co)énonciative du sujet parlant au moment de l’échange discursif.

Dans une interaction énonciative où l’on perçoit une pause dont la durée est plus d’une seconde, il est fort probable que l’énonciateur réussisse à convaincre l’autre dans le but d’établir une consensualité dans le cadre de la coénonciation et en fonction de l’orientation de l’échange conversationnel.

La fréquence de la pause est plus importante au niveau de sa position syntaxique entre les parties thématique et rhématique. Cette pause dont la durée est en général plus de 50cs, détient une fonction considérable : Outre le fait de marquer la fin du thème et le début du rhème, elle permet au sujet parlant au moment de l’énonciation, de se positionner au niveau de la coénonciation; c’est-à-dire de se préparer non seulement sur le plan morphosyntaxique, mais aussi et surtout sur le plan énonciatif, pour pouvoir établir la consensualité dans son interaction avec l’autre. Par ailleurs, le turc oral présente des cas assez fréquents où la pause suit soit un ligateur comme « çünkü » (parce que), « ama » (mais), « yani » (donc), soit un marqueur de point de vue qui est le plus souvent « ben(ce) » (moi, à mon avis). Ces deux structures à combinaison segmentale et

suprasegmentale « LIG +pause » et « PDV + pause » ont globalement une fonction essentielle d’introduire la structure syntaxique de la partie thématique tout en faisant démarrer l’énoncé et en établissant une relation syntaxico-sémantique et énonciative avec ce qui précède, c’est-à-dire l’énoncé précédent. Ces pauses sont dans la plupart des cas plus de 50cs, mais cela ne dénie pas, même s’il est question de cas peu fréquent, la possibilité d’avoir une pause courte moins de 50cs après un ligateur ou un marqueur de point de vue en début d’énoncé.

Pour terminer, il ne nous reste qu’à évoquer une autre position saillante de la pause qui est la fin des énoncés. Cette position finale de la pause, certes, marque la fin de l’énoncé, mais pas forcément la fin du discours lorsqu’elle n’est pas suffisamment longue (durée inférieure à 100cs). La pause, loin de représenter une marque de rupture discursive, peut donc néanmoins avoir comme fonction la “continuité discursive” lorsqu’elle est entre 50 et 100cs. C’est comme un indice suprasegmental qui indique que l’énonciateur a plutôt l’intention de garder la parole en vue de poursuivre son discours (= maintien de parole du sujet parlant). Au-delà d’une seconde il est clair que la présence d’une pause silencieuse en fin d’énoncé ne peut être considérée par l’interlocuteur qu’une invitation à prendre la parole pour intervenir sur ce que le locuteur vient d’énoncer. De toute évidence, cette longue durée de la pause, dépassant 100cs est un indice suprasegmental, qui indique le fait que l’énonciateur est sur le point de céder la parole à l’autre (= cession de parole et intervention éventuelle de l’autre).

Pour mettre le point final, il serait cependant utile de souligner le fait d’approfondir ultérieurement cette étude sur la pause en turc, dans différents types de corpus avec d’autres locuteurs afin de pouvoir recueillir des données plus statistiques et générales dans le cadre de la communication verbale.

Glossaire11

- Cadre : Ce constituant circonscrit une zone de sens, il délimite l’horizon de discours de la prédication réalisée dans le rhème qui suit.

- Co-énonciation : La façon dont celui qui parle (le parleur) envisage la réception de son discours par celui auquel il s’adresse (l’écouteur) est explicitée par les variations de hauteur mélodique. L’articulation à la pensée prêtée à l’autre et l’anticipation de ses réactions relèvent de la coénonciation. (BM 13).

- Co-locution : La prise en compte du droit à la parole de chacune des parties prenantes du dialogue et l’anticipation d’une éventuelle prise de parole du colocuteur (écouteur) sont gérées par les variations d’intensité. […] Le colocuteur n’est pas la personne physique à qui l’on parle, mais la façon dont on envisage son droit à parler. (BM 12).

11 Cette liste de définition qui constituent le glossaire est empruntée à M.-A. Morel. GI : M.-A. Morel et L. Danon-Boileau, Grammaire de l’intonation, Paris-Gap, Ophrys, 1998. BM : D. Bouvet et M.-A. Morel, Le ballet et la musique de la parole, Paris-Gap, Ophrys, 2002.

- Ligateur : Placé à l’initiale du préambule, le ligateur sert à assurer le lien entre les constituants discursifs ou à expliciter la position coénonciative du parleur.

- Modus dissocié : Le modus dans le préambule relève de la modalité épistémique (degré de certitude) ou appréciative. Le déontique est toujours inclus dans le rhème.

- Point de vue : Ce constituant explicite le support du jugement différencié énoncé dans le rhème. - Rhème : C’est le constituant où le parleur tient à marquer une position différenciée en fonction

des attentes qu’il prête à l’écouteur. Le rhème peut être terminé par un ponctuant qui vient spécifier a posteriori l’état de la coénonciation. (GI 45, 100-103).

- Support lexical disjoint : Placé immédiatement avant le rhème, il construit un objet de discours qui sert de base à la prédication différenciée énoncée dans le rhème. Il peut revêtir deux formes morphosyntaxiques : 1) structure à présentatif existentiel « il y a X qui », ou 2) disjonction avec reprise pronominale dans le rhème. (X … pro). (GI 37-38)12.

Bibliographie Bazin, L. (1987) Introduction à l'étude pratique de la langue turque, Paris, Librairie d'Amérique et

d'Orient, Adrien Maisonneuve. Blanche-Benveniste, Cl. (1997) Approche de la langue parlée en français, Ophrys, Paris. Bouvet, D. et M.-A. Morel. (2002) Le ballet et la musique de la parole, Paris-Gap, Ophrys. Culioli, A., 1990, Pour une linguistique de l’énonciation. Opérations et représentations, Paris,

Ophrys. Candea, M. (2000) Contribution à l’étude des pauses silencieuses et des phénomènes dits

d’«hésitation» en français oral spontané. Etude sur un corpus de récits en classe de français,Thèse de Doctorat, sous la direction de M.-A. Morel, Université de Paris 3 – Sorbonne Nouvelle.

Dor, R. (1993) Linguistique turque, Support de cours, Paris, Service de Reprographie de l’Inalco. Golstein B. (1997) Grammaire du turc, L'Harmattan, Paris. Kawaguchi Y., Susumi Z., Toshihiri T. (2006) Spoken language corpus and linguistic informatics,

Usage-Based Linguistic Infirmatics 5, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins. Kawaguchi Y. Fonàgy I, Moriguchi T. (2006) Prosody and syntax, Usage-Based Linguistic

Informatics 3, Amsterdam/Philadelphia, John Benjamins. Kerbrat-Orecchioni, C. (1999) L’Enonciation, Paris, Armand Colin. Lewis, G. L. (1967) Turkish Grammar, Oxford University Press. Morel, M.-A. et L. Danon-Boileau. (1998) Grammaire de l’intonation. L’exemple du français, Paris,

Ophrys. Nash, R. (1973) Turkish intonation, Paris, Edition Mouton.

12 La position syntaxique “disjointe” de ce constituant est discutable pour le turc dans la mesure où nous estimons qu’il détient plutôt une position contrastive “non-disjointe”, c’est-à-dire plus proche, voire même associée au rhème (partie rhématique).

Sarıca, M. (ed.) (2005) Sözlü Dil Yapısı: Yeni Dilbilim Kuramları I ı ında, Ouvrage collectif, Istanbul, Multilingual.

Uras Yılmaz A., Yılmaz S., Morel M.-A. (eds.) (2004) Vers une grammaire linguistique du turc, Ouvrage collectif, Istanbul, Multilingual.

Yılmaz, S. (ed.) (2006) Faits de langue en français et en turc modernes, Ouvrage collectif, München, Lincom-Europa.

__________ (2005) “Sözlü Türkiye Türkçesi Derlemi (STTD)” in Usage-Based Linguistic Informatics (UBLI), The 21st Century COE Program at the Graduate School of Area and Culture Studies, Resp.: Kawaguchi, Y. Tokyo University of Foreign Studies (TUFS), cf. http://www.coelang.tufs.ac.jp/turkish/index.html

__________ (2000) Le système hypothétique en turc de la morphosyntaxe à l'énonciation, Thèse de Doctorat, Université de Paris III - Sorbonne Nouvelle, publiée en 2001 par ANRT, Septentrion, Lille.

Annexe : Tracés mélodiquesEnoncé [1]

Enoncé [3]

Enoncé [6]

Enoncé [8]

Enoncé [8] (suite)

Enoncé [9]

Enoncé [11-12]

Enoncé [12] (suite)