7
Date : 09/09/2015 Heure : 13:29:05 Journaliste : F. K www.e-adrenaline.fr Pays : France Dynamisme : 11 Page 1/7 Visualiser l'article Tous droits réservés à l'éditeur NORTH2 256532687 Trail - Moi, Florian, j'ai couru mon premier ultra-trail autour du Mont-Blanc Qu'est-ce qu'un ultra -trail sinon une belle aventure, suivie d'un solide coup de boost à l'égo une fois franchie la ligne d'arrivée ? La TDS – Sur les Traces des Ducs de Savoie – est une de ces courses d'ultra endurance au profil étourdissant. Qu'est-ce qu'on y vit ? Que vient-on y chercher ? J'ai testé ça pour vous ! J'ai couru mon premier ultra- trail, la TDS autour du Mont-Blanc. Je vous raconte. - Crédit : ©Nastasia Deleville Mercredi 26 août 2015. Courmayeur. 5h58 du matin. Le speaker italien promet au 1700 coureurs “de la joie dans les coeurs et des émotions dans les yeux”. Et une chose est sûre : modeste participant parmi les centaines d'anonymes de ce grand rendez-vous de la semaine de l'Ultra Trail du Mont-Blanc, je ne suis pas le seul à accuser ce matin un réveil difficile. 5h59. L'hymne officiel de la course retenti. Le thème de Pirate des Caraïbes – ni plus ni moins – offre ses premières mesures. La tension monte : on y est. Un an de préparation, 1650 kilomètres d'entrainement, 75 000 mètres de dénivelé pour en arriver à cette minute, à cet... "...et des jambes, des jambes qui vous porteront en haut, sur les plus beaux sommets, et de la joie..." Mais il va se taire celui-là ! Il est à nous ce moment ok ? Quitte à courir 30 heures, laisse-nous nous complaire 5 minutes dans l'autosatisfaction. Laisse nous nous imaginer que nous sommes des êtres exceptionnels. Que nous incarnons les guerriers des temps modernes. "Mieux, que nous sommes des explorateurs promis à une arrivée triomphante à Chamonix. Que nous vogueront seuls face au vent, en dépit des éléments, vers un salut lointain et peut-être inatteignable. Tintintin. Que nous avancerons "par monts et par vaux", à la seule force de nos jambes, de nos bâtons ultra light à 130€ et de quelques litres de breuvage isotonique." Pardon, je m'emballe. Ça doit être la musique.

autour du Mont-Blanc Trail - Moi, Florian, j'ai couru mon

  • Upload
    others

  • View
    1

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

Page 1: autour du Mont-Blanc Trail - Moi, Florian, j'ai couru mon

Date : 09/09/2015Heure : 13:29:05Journaliste : F. K

www.e-adrenaline.frPays : FranceDynamisme : 11

Page 1/7

Visualiser l'article

Tous droits réservés à l'éditeur NORTH2 256532687

Trail - Moi, Florian, j'ai couru mon premier ultra-trailautour du Mont-BlancQu'est-ce qu'un ultra-trail sinon une belle aventure, suivie d'un solide coup de boostà l'égo une fois franchie la ligne d'arrivée ? La TDS – Sur les Traces des Ducs deSavoie – est une de ces courses d'ultra endurance au profil étourdissant. Qu'est-cequ'on y vit ? Que vient-on y chercher ? J'ai testé ça pour vous !

J'ai couru mon premier ultra- trail, la TDS autour du Mont-Blanc. Je vous raconte.- Crédit : ©Nastasia Deleville

Mercredi 26 août 2015. Courmayeur. 5h58 du matin. Le speaker italien promet au1700 coureurs “de la joie dans les coeurs et des émotions dans les yeux”. Et unechose est sûre : modeste participant parmi les centaines d'anonymes de ce grandrendez-vous de la semaine de l'Ultra Trail du Mont-Blanc, je ne suis pas le seul àaccuser ce matin un réveil difficile.

5h59. L'hymne officiel de la course retenti. Le thème de Pirate des Caraïbes – niplus ni moins – offre ses premières mesures. La tension monte : on y est. Un ande préparation, 1650 kilomètres d'entrainement, 75 000 mètres de dénivelé pour enarriver à cette minute, à cet...

"...et des jambes, des jambes qui vous porteront en haut, sur les plus beauxsommets, et de la joie..." Mais il va se taire celui-là ! Il est à nous cemoment ok ? Quitte à courir 30 heures, laisse-nous nous complaire 5 minutesdans l'autosatisfaction. Laisse nous nous imaginer que nous sommes des êtresexceptionnels. Que nous incarnons les guerriers des temps modernes.

"Mieux, que nous sommes des explorateurs promis à une arrivée triomphante àChamonix. Que nous vogueront seuls face au vent, en dépit des éléments, vers unsalut lointain et peut-être inatteignable. Tintintin. Que nous avancerons "par montset par vaux", à la seule force de nos jambes, de nos bâtons ultra light à 130€ etde quelques litres de breuvage isotonique." Pardon, je m'emballe. Ça doit être lamusique.

Page 2: autour du Mont-Blanc Trail - Moi, Florian, j'ai couru mon

Date : 09/09/2015Heure : 13:29:05Journaliste : F. K

www.e-adrenaline.frPays : FranceDynamisme : 11

Page 2/7

Visualiser l'article

Tous droits réservés à l'éditeur NORTH2 256532687

Ceci dit, la pression monte sur la ligne de départ. Le décompte est lancé. "Adieumortels insignifiants, nous nous en allons gravir l'Olympe. Oh Captain, my..." Promisj'arrête ! 3...2...1... La TDS 2015 vient de commencer.

Video :http://www.dailymotion.com/embed/video/x35s2bsL'ambiance au départ de la TDS par adrenaline

6h : heure 0 (km 0/119 - Cumul D+ 0m/7300m) : c'est parti, la fleur au fusil !Enfin presque. Parce que les artifices d'un air "va-t-en guerre" et lesapplaudissements des habitants de Courmayeur laissent rapidement place à ce quisera la réalité des premières heures de cette folie. Une réalité qui est le résultatd'une équation très simple : 1700 coureurs qui partent en même temps, pour allerau même endroit, ça fait beaucoup de monde sur les sentiers. Des embouteillagessur la route de l'Olympe ? L'ego en prend un coup.

On revient sur terre. Trop habillé. Il fait presque jour, la lampe frontale ne sert à rien.Il faut vite enlever tout ça. Sans décélérer. En évitant de trébucher sur le bâton duconcurrent 7589. En manquant de percuter le coureur 4563, qui semble avoir uneurgence pipi. Bref, tout le monde est un peu nerveux.

Etrange instant que nous offrent ces grands départs de course : en quelquesminutes le fantasme de la grande aventure autour du Mont-Blanc s'évaporepour laisser place à l'insoutenable réalité : dans quoi nous sommes-nous encoreembarqués ?

8h : heure 2 (km 11/119 - Cumul D+ 1300m/7300m) : Mon dieu, qu'avons-nous fait ?Qu'est-ce que la TDS ? C'est le Tour des Ducs de Savoie. Merci, ça nous fait unebelle jambe... C'est 119km et 7300m de dénivelé positif de Courmayeur à Chamonix,à parcourir à pied en moins de 33 heures. Très bien. Mais encore ? Pour un coureurdu peloton, disons que cela se résume à 7 randonnées intenses mises bout à bout.C'est de la marche alors ? Allez, accordons nous au moins ce mérite, on court unpeu dans les descentes et sur le plat. Mais que chaque ultra-traileur en puissancerassure ses proches : pour le commun des mortels, le rythme y est beaucoup plusproche de la sortie dominicale en montagne que d'une allure marathon.

Mais cela n'empêche pas les jambes de ressentir très vite les premiers petitspicotements. Alors que la fin de la première bosse pointe encore quelques centainesde mètres plus haut. On se prend alors la réalité en pleine face : mais quelle foliem'a fait prendre ce départ ? Et est-ce déjà la fin de "l'état de grâce" ? Lorsquel'on s'apprête à crapahuter 30 heures en montagne, ne sommes-nous pas en droitd'espérer quelques heures de répit avant de rentrer dans la logique infernale des"cycles de l'effort" ?

Faisons ici une parenthèse pour vous proposer une petite analyse très personnelle(et donc subjective) de ce type d'effort. Quel est le principal défi dans une coursed'ultra endurance ? De s'alimenter. Ok. Quel est le deuxième défi alors ? De biengérer l'alternance des sensations liées à l'effort, qui - tel un programme de machine

Page 3: autour du Mont-Blanc Trail - Moi, Florian, j'ai couru mon

Date : 09/09/2015Heure : 13:29:05Journaliste : F. K

www.e-adrenaline.frPays : FranceDynamisme : 11

Page 3/7

Visualiser l'article

Tous droits réservés à l'éditeur NORTH2 256532687

à laver - finissent toujours (ou presque) par passer de "l'horrible" au "mieux". A quoidoit-on ces "mieux" ? Ce salut temporaire ? Aux sécrétions d'endorphine qui - aprèsun ravitaillement ou un passage roulant – offrent ce légendaire "second souffle" aucoureur.

Et même pas 4 heures après le départ, force est de constater qu'il est déjà attenduce second souffle. Pour tout dire, les sensations sont très mauvaises ce matin.Probablement trop mauvaises pour aller au bout. Car on a beau être optimiste,lorsque l'on subit avant 10h du matin sur la TDS, on ne peut s'empêcher de doutersérieusement sur ses chances de tenir le rythme jusqu'au lendemain midi.

TDS - Sur les Traces des Ducs de Savoie - Florian / ©Flashsport

10h : heure 4 (km 19/119 – D+ 1900m/7300m) : ne pas trop y penser et serrer lesdentsVoilà la résolution de cette fin de première matinée de course : arrêtez de penser àla suite et serrer les dents. Faire le bilan des forces et des faiblesses en permanenceest tentant. On cherche sans arrêt à se rassurer. Mais c'est se projeter sur une ligned'arrivée qui n'est pour le moment qu'un mirage. C'est tout simplement courir à saperte.

La bonne stratégie ? Prendre chaque section de cette grande aventure comme ellese présente. Cloisonner son avenir ici-bas au chemin qu'il y a à parcourir jusqu'auprochain col, jusqu'au prochain hameau. Jusqu'à la prochaine pause. Et essayer derésister à la tentation permanente de l'introspection.

Page 4: autour du Mont-Blanc Trail - Moi, Florian, j'ai couru mon

Date : 09/09/2015Heure : 13:29:05Journaliste : F. K

www.e-adrenaline.frPays : FranceDynamisme : 11

Page 4/7

Visualiser l'article

Tous droits réservés à l'éditeur NORTH2 256532687

TDS - Ça fait encore loin l'arrivée, non ? / ©Nastasia Deleville

D'autant que la montagne nous donne de quoi nous évader. Cette première partiede course, de Courmayeur au Col du Petit Saint-Bernard, est tout simplementmagnifique. Au petit matin, la face sud du Mont-Blanc, un monstre de roche et deneige, s'illumine petit à petit. On aperçoit l'arrête effilée de Bionassay. La silhouettetranchante des Dômes de Miage. Qu'il est sauvage ce versant italien ! C'estl'extrémité du massif du Mont-Blanc. Et nous nous apprêtons – après un léger détourdu côté de la Savoie – à le contourner jusqu'à Chamonix.

TDS - Sur les Traces des Ducs de Savoie - Florian / ©Flashsport

13h : heure 7 (km 36/119 – D+ 2500m/7300m) : enfin entrer dans la courseLe Col du Petit Saint-Bernard marque le retour en France. Et le début d'une trèslongue descente jusqu'à Bourg Saint-Maurice. Les sensations sont au plus bas àl'arrivée au col. Mais un ravitaillement, un début de descente tranquille et un peu

Page 5: autour du Mont-Blanc Trail - Moi, Florian, j'ai couru mon

Date : 09/09/2015Heure : 13:29:05Journaliste : F. K

www.e-adrenaline.frPays : FranceDynamisme : 11

Page 5/7

Visualiser l'article

Tous droits réservés à l'éditeur NORTH2 256532687

de camaraderie offrent le premier vrai "mieux" de ce début de course. Il est 13h30.Nous sommes partis depuis 7 heures déjà. Et le sourire revient.

Bourg Saint-Maurice. Pour qui a un peu étudié le profil de la course, c'est le premierpoint clé. Le défi ? Y arriver avec assez de jambe, d'avance sur la barrière horaire etde courage pour affronter la principale difficulté du parcours : la terrible ascension– 1900 mètres de dénivelé positif d'une traite - jusqu'au Passeur de Pralognan. Unobjectif qui résonne comme une odyssée de la mythologie égyptienne : aurons-nousla force d'aller monnayer notre salut ? D'aller soudoyer le Passeur ?

Car de l'autre côté, c'est le Cormet de Roseland. C'est le repos. Le repas chaud.Les affaires de rechange. Et c'est surtout une bonne option de prise sur une arrivéeà Chamonix.

16h : heure 10 (km 50/119 – D+ 2600m/7300m) : cette ascension a-t-elle une fin ?Si l'arrivée dans la chaleur étouffante de la petite ville de plaine de Bourg Saint-Maurice n'est pas des plus agréables, le ravitaillement lui arrive à point nommé. Lanausée passe, et quelques verres de soda plus tard, le corps peut à nouveau puiserdu sucre rapide. La machine va repartir.

C'est le moment de vérité : la longue - très longue - ascension va commencer.Une résolution ? Choisir un rythme, le garder et ne s'arrêter qu'aux deux points depassage de l'organisation. Pour mieux saisir cet instant, il est temps de faire lesprésentations. Je participais à ce premier ultra-trail avec un ami coureur, rencontréquelques années auparavant. Si la vie a mis un océan entre nos vies, les heurespassées à courir ensemble ont fait perdurer une belle camaraderie.

C'est donc à deux que nous attaquons la côte. Sans jamais – ou presque - arrêterde bavarder. Les discussions dans un moment aussi fatidique ? La vie, l'amour,les choix diététiques d'un coureur d'ultra endurance et l'inconsistance de certainsprogrammes télé. Bref, tout ce qui peut vous faire oublier qu'à la moitié de la montée,on entre déjà dans le dur.

Une problématique ? Continuer à s'alimenter quand le corps est tellementchambouler par l'effort qu'il propose l'appétence d'un toxico en pleine crise demanque. La clé ? Trouver cet aliment qui "passe". Que le corps semble assimiler.Pour moi, un paquet de bonbon fera office de "Fontaine de jouvence" : ça commenceà aller mieux.

Pour lui, c'est plus compliqué. Plus "sec", il semble avoir moins de marge demanœuvre quant à duper son système digestif en piteux état. Alors qu'il ne resteque 350m de verticalité à affronter, la pâleur de son visage - et le silence dans lequelil s'est muré - le trahissent : il ne va pas bien. Lui qui m'a porté de son enthousiasmetout ce début de course, parait pour la première fois montrer de sérieux signes defaiblesse.

Notre rythme ralentit sérieusement. Mais le sommet finit par arriver. Après près de5 heures de montée. Le diagnostic là-haut est sans appel : je survis tant bien que

Page 6: autour du Mont-Blanc Trail - Moi, Florian, j'ai couru mon

Date : 09/09/2015Heure : 13:29:05Journaliste : F. K

www.e-adrenaline.frPays : FranceDynamisme : 11

Page 6/7

Visualiser l'article

Tous droits réservés à l'éditeur NORTH2 256532687

mal et il ne va pas fort. La descente très technique qui nous sépare encore duravitaillement entérinera sa décision : il jette l'éponge, victime de l'impossibilité des'alimenter. Lui qui en avait encore largement sous le pied.

Après 14h d'effort, c'est la mi-course pour moi. C'est aussi l'heure de l'arrivée duvainqueur, l'Espagnol Pau Bartolo / ©Ultra-Trail du Mont-Blanc®

23h : heure 17 (km 67/119 – D+ 4588m/7300m) : seul dans la nuitLe constat pourrait être bien effrayant : je repars seul du Cormet de Roseland,"affronter" la nuit sur les sentiers de montagne. Mais il n'en est rien. Car un petitmiracle s'est produit une heure plus tôt : le vrai second souffle est finalement arrivé.Et avec lui une aisance surprenante à m'alimenter et même une paire de jambestoutes neuves. Un miracle.

Une nouvelle course commence. Dans une bulle, avec comme seule perspectiveles quelques mètres de chemin illuminés par le halo de la frontale. Les kilomètrespassent, les heures tournent et le moral est au plus haut : c'est la première fois quel'hypothèse d'être finisher au matin devient plausible.Bien sûr, la route est encore longue, mais il ne fait plus de doute de parvenir auxpremières lueurs du jour aux Contamines-Montjoie. Et après ça ? Comment ne pasrepartir se mesurer à la dernière bosse du parcours ?L'ambiance est surréaliste. Les coureurs se suivent, se dépassent, sans un mot.Tels des zombies coincés dans une dérive post-apocalyptique vers un eldoradoinatteignable. D'ailleurs le chemin vers ce salut lointain est tout tracé. Là-bas, surl'autre versant, une succession de frontales zèbrent la montagne. Voilà la prochainebosse.

Seul le sommeil finira par avoir raison de mon rythme lent, mais régulier : une siesteexpresse (15 minutes) en bordure de sentier mettra un terme à ma narcolepsie :oui, comme on peut tourner de l'œil au volant, on peut s'endormir en marchant.

7h : heure 25 (km 95/119 – D+ 5900m/7300m) : ne pas vendre la peau de l'ours...

Page 7: autour du Mont-Blanc Trail - Moi, Florian, j'ai couru mon

Date : 09/09/2015Heure : 13:29:05Journaliste : F. K

www.e-adrenaline.frPays : FranceDynamisme : 11

Page 7/7

Visualiser l'article

Tous droits réservés à l'éditeur NORTH2 256532687

L'arrivée aux Contamines aux premières lueurs du jour confirme les sensations dela nuit : sauf accident, ça va aller au bout ! Mais c'est un jeu dangereux que de seprojeter trop tôt sur la ligne d'arrivée. On se met à penser à un lit. A un bon repas. Al'intrigue du prochain épisode de Narcos. On s'imagine surtout un "après", alors unevéritable utopie qui se résumerait en un point capital : il n'y serait plus obligatoirede mettre un pied devant l'autre.

Le ravitaillement est rapide : tout maintenant sent l'écurie. Il faut aller vite. Il faut queça se termine. On vous voit venir avec vos gros sabots : "pourquoi tant de haine ?",vous demandez-vous. Pourquoi sciemment s'infliger ces souffrances ? Pour moi,par simple goût de l'aventure. Est-ce une forme de masochisme ? Probablement.Un dicton russe - cité par Sylvain Tesson dans Berezina - dit en substance ceci : quin'a pas connu la noirceur de la mine ne peut apprécier à sa juste valeur la chaleurdu soleil.

Certains trouveront cette considération bien triviale, mais il y a bien là une réalitétout ce qu'il y a de plus perceptible : après 30 heures à courir en montagne, le simplefait de s'arrêter d'avancer est une bénédiction. Un lit, une douche, un repas que l'onpuisse avaler sans peine a un petit goût de paradis.

Et la beauté de la montagne dans tout ça ? La contemplation ? 30 heures, ça laissele temps de jeter au paysage. Mais revenons à la course. La dernière côte – leCol du Tricot - est ignoble : on retrouve "le mal". La dernière descente casse lesjambes : le cerveau s'est un peu emballé en annonçant au corps qu'on était sur lafin. Mais maintenant plus de doute, dans moins de 2 heures, on sabre le champagneà Chamonix.

Heure 31 (km 119/119 – D+ 7300m/7300m): c'est bon pour l'égo ! Voilà qui pourraitêtre la conclusion de tout ça : un ultra- trail, c'est plusieurs dizaines d'heuresd'aventure, souvent en troupeau – et parfois seul - sur les sentiers. Et après la ligned'arrivée ? C'est un sacré coup de boost à l'égo. Car vous n'aurez pas besoin d'êtreun bon conteur pour briller en société : citer les chiffres suffit – en général - à souleverdes élans d'admiration ingénue. Bien sûr que c'est agréable et que c'est aussi pourça que ces formats de course "généreux" connaissent une telle affluence. Sinoncomment expliquer ces dizaines de gilets "finisher" dans les rues caniculaires deChamonix ? Un t-shirt n'eut-il pas suffi ?

Le mien, je le porterai une semaine durant. Au risque d'agacer certaines personnesde mon entourage. Parce qu'en réalité, l'aventure a beau paraître disproportionnée,sur les sentiers de la TDS comme ailleurs, on n'est finalement peu de chose.