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Aux premiers temps des photographes Roanne, cité modèle (1840-1940)

Aux premiers temps des photographes

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Aux premiers temps des photographes relate ( 1840-1940 ) l'histoire et la vie des hommes par le truchement des objectifs

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Aux premiers temps des photographes

Roanne, cité modèle (1840-1940)

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PréfaceAux premiers temps des photographes (1840-1940) relate l’histoire et la vie des hommes par le truchement d’un objectif. C’est l’oeil avisé du photographe qui va, par la médiation de son appareil photo, immortaliser les temps d’une vie. Des temps de bonheur qui cèderont le pas aux larmes, aux cris, aux malheurs et aux réjouissances. L’image ne trompe pas. Elle restitue l’instantané dans sa totalité. Pas d’artifice narratif, de digression, de style épuré ou ampoulé, la photographie donne à voir ce qui est, ce qui se montre, ce qui s’affiche dans toute la grâce et la cruauté des temps de la vie. Et, là réside l’intérêt de cet ouvrage. Outre qu’il permet de faire passer de l’om-bre à la lumière des photographes roannais connus du seul cercle des initiés, il exhume des pans entiers de tranches de vie, d’histoires de vie des hommes et des femmes d’ici et de là-bas. La photographie devient dès lors témoin de la vie sociale et publique. Elle révèle et fixe une ethnographie d’un temps passé si pré-cieux pour comprendre le temps présent.La médiathèque de Roanne, une nouvelle fois, s’illustre. En mettant en valeur ces photographes Roanais, elle rappelle que les collections photographiques consti-tuent indéniablement un véritable gisement documentaire. Et, l’occasion de la publication de cet ouvrage, a permis un travail de restauration et de conservation préventive de collections roannaises d’intérêt national comme le fonds Stéphane Geoffray (1827-1895) constitué de 1600 tirages, ou celui de Claude Dethève (1867-1936) composé de 271 photographies et 502 cartes postales réunies lors de ses missions en Afrique et en Asie lorsqu’il était médecin dans le corps de santé des troupes coloniales.

Roanne possède un patrimoine écrit et graphique de premier plan conservé à la médiathèque et à la Bibliothèque du musée J. Déchelette. Cette richesse et l’engagement de la Ville de Roanne depuis de nombreuses années dans la valorisation de ce patrimoine sont largement reconnus et lui ont permis d’être retenu parmi les bibliothèques intégrées au catalogue collectif de France. De plus depuis fin 2006, le portail des villes centre Lectura donne une visibilité accrue à ces collections et à l’investissement de la Ville de Roanne dans ce domaine.La publication de cet ouvrage est une autre façon de valoriser cet exceptionnel patrimoine écrit et graphique. En racontant, l’histoire de photographes Roannais célèbres ou anonymes c’est l’histoire d’une ville et de ses habitants qui est racon-tée. De 1840 à 1940 ce sont plus de 150 photographes professionnels ou ama-teurs qui ont été recensés sur cette période. La médiathèque de Roanne a choisi de braquer son zoom sur quelques-uns d’entre eux, importants du fait de leur activité, des collections encore présentes ou du fait qu’ils étaient représentatifs de l’évolution et de l’histoire de la photographie. Le résultat est probant et heureux. Dans un monde qui ne sait pas toujours où il va, il est essentiel de se remémorer d’où l’on vient. Se remémorer des racines communes de notre vivre ensemble d’hier pour inventer notre vivre ensemble d’aujourd’hui. Les auteurs de cet ouvra-ge Aux premiers temps des photographes – Roanne : cité modèle (1840-1940) apportent une contribution décisive à cette nécessaire connaissance de l’histoire de notre cité. Cité modèle hier comme ils l’écrivent, postulons que les historiens de demain qualifieront l’aujourd’hui de Roanne de la même façon.

Laure Déroche, maire de Roanne Septembre 2008.

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SommaireAux premiers temps des photographes1. Dans l’atelier du photographe • Le portrait : du daguerréotype à l’explosion de la photo-carte • maria Chambefort : le premier studio de photographie roannais • Dessendier père et fils : la Grande galerie roannaise • Antonin-marius Vergiat : le portrait comme identité sociale

2. La photographie documentaire • La photographie témoin de la vie sociale et publique - Album • Stéphane Geoffray : l’inventaire urbain • La diffusion de l’image photographique : Stéphane Geoffray et le cas du Forez illustré Victor Thomassot et l’édition de cartes postales • Photographier pour témoigner : la guerre et l’image photographique Raoul martin : images de la Grande Guerre La photographie « exotique » : l’exemple du médecin Claude Dethève

3. La photographie d’amateur à Roanne : un photo-club exemplaire Quelques figures du photo-club Roannais : Emile Roustan, Paul Forest, Auguste Tachon, Robert Forest, Daniel Chevalier, les frères monot, émile Noirot

4. Dictionnaire des photographes roannais5. Bibliographie6. Remerciements

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La photographie est une véritable mémoire de la deuxième moitié du XIXe siècle. Les informations concernant ceux qui ont permis cette immense production iconographique sont primordiales pour appréhender et éclairer cette période de notre histoire. La conservation des photographies permet de garder une trace de la quasi-totalité des photographes de cette époque. Pérenniser les noms des praticiens et leur production est essentielle pour apprécier l’évolution de cette nouvelle profession.

Avant l’avènement de la photographie, la multiplication des portraits n’est rendue possible que par le développement de la production de miniatures et de physionotraces2. Ces por-traitistes sont condamnés à une existence modeste durant la-quelle ils tentent d’obtenir le prestige artistique des peintres traditionnels. La production annuelle d’un miniaturiste peut atteindre trente à cinquante portraits. La totale prédominance de la main interdit tout accroissement supplémentaire de pro-ductivité et, par conséquent, tout abaissement des coûts.

“La photographie est fille adoptive des sciences et des arts. Aux unes elle emprunte ses procédés, aux autres elle offre ses applications. mais il ne faut pas craindre de le dire, la photographie est liée intimement avec l’industrie et le commerce.Elle a créé pour eux des éléments nouveaux de développement et elle attend de leurs ressources de légitimes profits.“ 1

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Louis-Jacques mandé-Daguerre naît en 1787 à Cormeilles-en-Parisis. Véritable passionné de peinture, il s’y livre avec ardeur et produit quelques toiles aussi magnifiques qu’extra-ordinaires, dévoilant un talent certain pour le traitement des volumes et des perspectives. Il invente le Diorama3 qui assoit sa réputation et sa fortune.

à cette époque, Nicéphore Niépce s’acharne à fixer l’image de la chambre noire. En 1816, il obtient une image négative. Il lui faut attendre 1822 pour inverser le procédé et obtenir une image positive. Une association Niépce/ Daguerre permet l’avancement et la mise au point de cette découverte.

François Arago, ami de Daguerre, présente à l’Académie des Sciences l’invention de Nicéphore Niépce perfectionnée par Daguerre : la photographie. L’état français l’achète le 19 août 1839 pour en faire don au monde. Cette nouvelle rendue publique se répand comme une traînée de poudre.

Ils furent innombrables à se tourner vers la photographie,

Mutation d’une activité professionnelle :de la peinture à la photographie

1 Ernest Lacan, La photographie et le commerce, comptoir international de la photographie, Le moniteur de la photographie, N°7, 15 juin 1862, p. 52.

Notes :2 Inventé en 1784 par Gilles-Louis Chrétien, le physionotrace est une machine à dessiner permettant de reproduire les silhouettes, en modifiant leurs échelles, afin de les graver.3 Le Diorama se compose de grandes toiles translucides peintes en trompe-l’œil, animées par l’ouverture et la fermeture de volets, donnant des effets d’éclairage variés. Cela donne aux spectateurs une véritable illusion de réalité. Selon l’éclairage, la scène présentée sur la toile passe du jour à la nuit.

Notes :

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de Gustave Le Gray peintre confirmé à Félix Tournachon (Nadar) et étienne Carjat, dessinateurs émérites et caricaturis-tes de renom. Ils abandonnèrent comme beaucoup d’autres les pinceaux et les crayons pour l’appareil photographique. Tous les artistes ont alors un avis sur cette photographie naissante et s’en préoccupent. La photographie est dans l’air du temps.

L’avènement de la photographie vers la fin des années 1840 ouvre la voie à une nouvelle activité professionnelle : photographe, souvent dénommé “Peintre au daguerréotype“, comme le daguerréotypiste roannais Planchard qui officie dès 1843, au 70 de la rue Royale [actuelle rue Jean Jaurès], en notant aux dos de ses photographies : Portrait au daguer-réotype. Immédiatement, ce procédé aux applications mul-tiples rencontre un succès considérable, aussi bien à Paris qu’en province et à l’étranger. L’apparition dans les années 1850 de la photo en série et la profusion des photographes permet de regarder cette histoire sous l’angle industriel.

Le portrait au daguerréotype se substitue en 1845 aux portraits peints miniatures. Devenue cet “article parisien“ très prisé des provinciaux et des étrangers, l’image sur plaque de cuivre continue sa progression. Durant l’été 1852, Louis Napoléon fait appel à Gustave Le Gray pour prendre le premier portrait photographique d’un président de la République. Ce portrait est largement diffusé et exposé dans toutes les administrations.

L’engouement pour les portraits photographiques touche alors les couches aisées de la population. Victor Hugo se passionne pour la photographie dès 1852 et sa fille Adèle notera en janvier 1853 dans son journal “le daguerréotype fait fureur, tout le monde s’y met, maintenant on va apprendre la photographie.“4

Prix des portraits au daguerréotypeLe début de l’ère du daguerréotype permet à la petite et moyenne bourgeoisie d’accéder au portrait. Le prix de son image sur une plaque de cuivre polie est ac-cessible car bien inférieur à celui d’une peinture. La somme demandée reste encore trop élevée pour les gens de condition modeste. Dans l’industrie en général, pour une journée de travail de 13 à 15 heu-res, les hommes gagnent 2,50 francs et les femmes 1,50 franc. En 1842, un portrait daguerréotypé coûte environ de 15 à 30 francs à Paris. à titre compara-tif, le prix du kilo de viande de bœuf est alors de 35 centimes et le pain de seigle coûte 7 centimes au kilo. Un ouvrier travaillant dans le bâtiment gagne 3,58 francs, celui des mines du Nord 2,50 francs et la rémunération quotidienne dans l’agriculture est de 1,82 franc5 .Dix années plus tard, à Paris, un portrait daguerréo-typé ne coûte plus que de 2 à 15 francs, selon le format demandé, soit jusqu’à 7 fois moins cher.

5 Jean-Claude Lemagny & André Rouillé, Histoire de la photographie, Paris, Bordas, 1986, p. 41.

Notes :

La très grande majorité des photographes s’installant jusqu’en 1870 sont des peintres. Les notables voient dans la photographie des économies importantes sur la peinture et les peintres y voient un nouvel emploi rémunérateur qui com-pense une activité picturale en perte de vitesse.

Les codes de pose et composition des peintres sont utilisés par tous les photographes. Les peintres devenant photogra-phes connaissent et pratiquent déjà les techniques de pose et d’éclairage d’un modèle. Ils forment ensuite leurs apprentis à ces méthodes, les faisant ainsi perpétuer des gestes dont ces jeunes apprentis ignorent souvent d’où ils viennent.

La technique des peintres migre donc et s’adapte aux besoins de l’atelier du photographe. émile Dessendier annonce, uniquement pour sa succursale de Paris, Atelier de peinture & de Photographie, comme Grégoire Salza pour son atelier de la place Saint-étienne à Roanne. La photographie est également une aide à la peinture et beaucoup de peintres, comme le roannais Emile Noirot, la pratiquent régulièrement.

Les ouvrages les plus récents s’accordent sur le fait frappant que l’âge d’or de la photographie correspond à sa première décennie, qui va précéder son industrialisation. Réservée durant les premières années de son développement à une frange réduite de la population, la photographie va connaître grâce aux portraits carte de visite une évolution fulgurante.

4 Patrick Besnier, l’ABCdaire de Victor Hugo, Paris, Flammarion, 2002, p. 91.

Notes :

Ci-contre, haut de page : Annonce extraite de « l’Echo de la Loire »,

dimanche 17 mai 1846.

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Coûts et tarifs d’un marché en pleine expansionEn 1852, Disdéri propose 25 copies de deux po-ses pour 30 francs, 60 copies de trois poses pour 50 francs et 100 copies de quatre poses pour 100 francs7 . Pour le prix d’un seul portrait grandeur na-ture, le client emporte donc cent cartes de visite de quatre poses différentes lui permettant de distribuer généreusement son image. Pierre Petit, ancien élève de Disdéri, propose en 1862 le portrait traditionnel non coloré de 25 à 150 francs selon le format. Le tarif pour ses cartes de visite est de 15 francs les douze et de 70 francs la centaine8. La grande nouveauté réside dans les possibilités d’échanges qu’offrent les nombreux tirages issus du même négatif.

Les photographes sont si nombreux à la fin du XIXe siècle que dans son dictionnaire des professions, Edouard Charton présente cette profession comme le type même des professions émergentes9.

La photo-carte de visite est à la fois un objet technique, une représentation sociale et un nouveau moyen de faire fortune. Produit de consommation, elle participe à la création d’un incontestable lien social dans toute la population. La nou-velle activité professionnelle de photographe crée une vérita-ble économie, de nombreux emplois dans les ateliers et une multitude de professions annexes.

De plus, la photographie encourage des échanges entre les personnes, fait circuler l’image de l’élite de la société comme celle du collégien ou du militaire de rang, permet-tant une promotion valorisante de l’individu.

Les photographes durant cette période ont eu une produc-tion considérable majoritairement centrée sur la photo-carte de visite. Produite en plusieurs dizaines de millions d’exem-plaires, la photo-carte de visite permet de voir la naissance puis d’appréhender l’évolution de cette profession.

Elle nous apporte toutes les informations sur les hommes qui pratiquent cette activité, de l’atelier artisanal à l’entreprise aux nombreux salariés.

L’engouement qui suivit l’apparition de la photo-carte de vi-site a engendré un mouvement irréversible qui fût la source d’événements techniques, historiques et esthétiques. Comment expliquer que le regard porté aujourd’hui sur un objet d’appa-rence anodine, ait autant de variations ?

Une profession très attiranteUne véritable histoire sociale de la profession de photo-graphe découle de l’analyse des versos des photo-cartes, montrant les mutations de la société, l’évolution de l’acti-vité professionnelle et la mobilité des hommes vivant de la photographie. Débutant à Paris, la profession se diffuse sur l’ensemble du territoire national durant la deuxième moitié du XIXe siècle.

En 1860, selon les statistiques de la Chambre de Commerce de Paris, les photographes établis à Paris, Lyon et Marseille se divisent en trois classes :

Photo-carte de la société Dessendier. (Collection privée).

6 Félix Tournachon, Quand j’étais photographe, Ed. Jean de Bonnot, Paris, 1989, p. 175.7 Pierre-Jean Amar, La photographie, histoire d’un art, Aix-en-Provence, Edisud, 1993, p. 60.8 Jean-Claude Lemagny & André Rouillé, Histoire de la photographie, Paris, Bordas, 1986, p. 40.9 Félix Tournachon, Quand j’étais photographe, Ed. Jean de Bonnot, Paris, 1989 p. 175.

Notes :

Durant la deuxième moitié du XIXe, la recherche d’industria-lisation et de rentabilité est dans tous les esprits. Cette voie industrielle est sans ambiguïté : augmenter la production et les profits. La dimension sociale est alors prépondérante.

Multiplication des portraits : passage du grand au petit formatDe 1854 à 1862, la photographie arrive à une maturité remarquable. Peu de domaines peuvent se vanter d’avoir eu une évolution aussi rapide. Le caractère purement technique prééminent de 1839 à 1849 change de façon radicale à partir de 1851 avec l’apparition des possibilités de repro-duction (négatif-positif, impression aux encres grasses, etc). Ces procédés concurrencent alors le daguerréotype jusqu’à le faire totalement disparaître en France vers 1855 (alors que la technique du daguerréotype dure encore une dizaine d’années aux états-unis).

Les chambres photographiques de studio étant généralement de grandes tailles, les tirages par contact qui en découlent le sont également. Personne n’envisage alors de faire des portraits de petites tailles. Seuls un ou deux photographes le pratiquent, mais ils sont considérés comme des originaux.

Cette idée est reprise, perfectionnée et déposée par Eugène Disderi en octobre 1854. Nadar dira plus tard de Disderi “qu’il a fait durant plus d’un quart de siècle plus de tinta-marre que celui d’un général d’armée “6.

Eugène Disderi rompt fin 1854 avec l’habituel grand format et propose donc la photographie au format réduit de 53 x 85 mm.

Il obtient ce format avec des chambres utilisant des plaques de 21,5 x 16,5 cm, en réalisant deux prises de vues don-nant chacune quatre images grâce à quatre objectifs. Ce nouveau type de photographies prend le nom de photo-carte de visite, ou portrait carte de visite. Lors de la prise de vues, plusieurs portraits sont juxtaposés sur la même plaque de verre négative, constituant une mosaïque comparable à l’image finale d’un photomaton. Quatre, six ou huit photo-graphies sont impressionnées sur la plaque négative. Ces petites photographies sont ensuite tirées par contact puis vendues en plusieurs exemplaires aux clients.

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12 Felix Tournachon, op.cit., p.164.13 Jean-Claude Lemagny & André Rouillé, Histoire de la photographie, Paris, Bordas, 1986, p. 41.

Notes :

L’arrivée de la photographie à Roanne fut particulièrement ra-pide. Dès 1843, des photographes itinérants annoncent leur passage dans la presse locale. Est-ce la situation de cette ville sur un axe routier important ou la proximité de Lyon qui valent aux Roannais de connaître rapidement cette découverte ?

L’engouement pour la photographie prend une telle ampleur que le simple fait d’ouvrir un atelier photographique à la fin des années 1860 apporte une abondante clientèle et une grande aisance financière. Le résultat n’est pas toujours voire rarement d’une qualité irréprochable et les recherches artistique et esthéti-que sont généralement inexistantes. La rentabilité est souvent la seule et unique motivation de ces nouveaux praticiens.

Les studios sont installés sans aucune recherche ni origina-lité et les poses restent figées selon un rituel immuable. Les opérateurs eux-mêmes seraient bien souvent incapables de modifier un quelconque préréglage. Les nombreux ouvrages, comme le manuel Roret, proposent des techniques opéra-toires et adaptent certains ouvrages de peintres proposant des éclairages pour les poses, permettant aux plus ignares et aux plus cupides de s’installer et de produire aussitôt des photographies qui rentabilisent aisément leur atelier. Comme Baudelaire parlait dans son pamphlet contre le daguerréo-type de “l’homme qui alla se ruer vers sa triviale image gravée sur le métal“, Nadar présenta un discours sans am-biguïté contre cette affluence de candidats à la profession de photographe qui lui paraissait dévaloriser une activité qu’il considérait comme artistique. En 1900, il s’exprime ainsi dans ses mémoires : “Aussi tout un chacun déclassé ou à classer, s’installait photographe, clerc d’étude qui avait un peu négligé de rentrer à l’heure un jour de recette, ténor de café-concert ayant perdu sa note, concierge atteint de la nostalgie artistique, ils s’intitulaient tous : artistique…“12.

L’explosion de cette profession naissante connaît une muta-tion permanente, particulièrement marquée durant la décen-nie de 1870. La densité de la population des photographes professionnels augmente à l’intérieur des villes, mais égale-ment dans toute la France citadine et rurale.

Les photographes qui s’installent ensuite sont fréquemment les anciens assistants de photographes. Le photographe Lavallée Ainé s’installant en 1866 au 30 rue Impériale [actuelle rue Jean Jaurès] à Roanne, est un ancien opérateur de Pierre Petit à Paris. La pratique de l’apprentissage est très courante. Ceux qui s’installent à leur compte rachètent souvent un atelier existant ; l’aura des compétences et une partie de la clientèle de l’ancien photographe bénéficiant au nouveau propriétaire (qui n’hésite d’ailleurs pas à faire figurer au dos de ses propres photos-cartes de visite le nom, les médailles et les décorations de son prédécesseur).

Les changements de propriétaires des studios photographi-ques sont la conséquence de l’arrêt de l’activité de l’ancien propriétaire ou d’un déménagement pour s’approcher du centre ville, s’agrandir ou partir dans une autre ville. L’aban-don d’une succursale par un photographe ne correspond que très rarement à sa fermeture. à Roanne, le photographe Louis Armand Gaumont installé en 1870 cèda son atelier à Georges Salles en 1885. Ce déménagement fût simple car il se contenta de traverser la rue, passant du N° 33 au N° 32 de la rue Nationale [actuelle rue Jean Jaurès].

La production exploseDe 1860 à 1870, le nombre d’ateliers double et les em-ployés voient leur nombre tripler. En 1860, 3 300 personnes vivent de l’industrie de la photographie dans la capitale fran-çaise, directement ou indirectement13.

1. Les grandes maisons qui pratiquent le portrait sur place, dit “en terrasse“10, employant des opérateurs à l’extérieur, des retoucheurs, des coloristes et parfois des préparateurs de plaques. Le nombre d’employés est souvent important, pouvant aller jusqu’à 90 personnes pour les plus grandes maisons, comme celle de Disderi.

2. Les photographes qui ne cherchent pas à faire autre chose que des “portraits en terrasse“. Ils font souvent appel à des artistes retoucheurs, mais les utilisent ponctuellement et ne les salarient jamais.

3. La troisième catégorie concerne, en nombre de studios, la majorité des photographes professionnels. Ces photographes d’ateliers opèrent toujours eux-mêmes et se déplacent réguliè-rement pour officier dans les foires et fêtes des villes et villages avoisinants. Les photographes itinérants et les photographes forains (pratiquant la ferrotypie11) font partie de cette catégorie.

La photographie : source intarissable de renseignements

Le verso des photos-cartes apporte donc une foule de renseignements. Les photographes y indiquent leur adresse, changement d’adresse ou modification du nom de leur rue. Ils font évoluer les dos de leurs photos-cartes au fil du temps. Outre ces modifications éviden-tes, quelques particularités nationales se dégagent.

Ainsi, en juin 1880, on voit apparaître sur certains dos, après leur rattachement à la France, Nice et le Duché de Savoie.

Les informations proposées sont donc aussi multiples que variées. Les dos précisent les Expositions Universel-les et Industrielles auxquelles le photographe participe, les médailles et récompenses qu’il y a reçues, l’appari-tion du téléphone et du métropolitain, parfois les diffé-rentes activités professionnelles des opérateurs.

Notes :10 Les studios de prises de vues, dotés de verrières, à la manière des ateliers de peintre, sont souvent installés à cette époque au dernier étage des immeubles ou sur les terrasses et balcons.11 Le ferrotype est une petite photographie positive (comme l’ambrotype) réalisée sur un support métallique, puis collé sur un carton fin au format de la photo-carte de visite (cf. encart ferrotype, p. 27).

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Pas moins de sept photographes sont installés sur le boulevard des Italiens à Paris, dont Disderi au numéro 8 en 1854 et Mayer & Pierson au numéro 5 en 1855.

La photographie devient à partir de 1860 un véritable phénomène de société. Sa mise en œuvre induit une divi-sion du travail et une structure quasiment industrielle des ate-liers. Une organisation rigoureuse est alors établie. Disderi emploie jusqu’à 90 employés en 1867, Mayer & Pierson en déclarent 60, tandis que Nadar fait travailler 36 personnes dans son atelier.

Le journal La Lumière annonce en : “En 1861, plus de quarante mille familles françaises vivent de l’industrie photo-graphique.”

Deux approches de la photographie apparaissent alors : l’approche artistique et l’approche commerciale. Dans ses différents ateliers, Disdéri “débite“ en 1867 jusqu’à 2 400 cartes de visite par jour.14

Son choix est fait depuis longtemps, l’exigence de quantité gère et structure ses studios de prise de vue. Cette diffusion extraordinaire lui offre une grande notoriété et lui permet de bâtir une fortune considérable grâce à des images “sans grande valeur artistique, aux poses stéréotypées, mais que tout le monde collectionne dans des albums “15.

Cette constatation rappelle une évidence : un tel débit ne peut s’obtenir qu’en gagnant du temps sur la réflexion esthétique et au mépris de toute recherche artistique. La propagation des portraits est un privilège fructueux pour les ateliers photographi-ques. Entre 1864 et 1866, il est vendu dans le monde près de 400 millions de photos-cartes par an. En 1867, le portrait carte de visite représentant la princesse de Galles portant sa

fille dans ses bras est vendu à 300 000 exemplaires et, à la mort du prince Albert, 70 000 photos-cartes de son portrait sont vendues en une semaine. Les photographes proposent des photos-cartes de visite de célébrités à choisir dans des catalogues pour la somme de 1,50 franc l’unité.

Ce nouveau support est utilisé comme un véritable outil de propagande par un grand nombre de personnalités en vue à l’époque. Napoléon III, la reine Victoria et le président Lincoln contribuent énormément à ce phénomène. Ils se rendent régulièrement chez les photographes pour se faire tirer le portrait. Ils donnent au passage les autorisations de vente aux photographes et s’assurent ainsi une diffusion très importante.

Après 1880, les prises de vues ne se font presque plus en pied ; ce sont généralement des plans dits “américains“ ou des groupes. Dorénavant moins figés, les bustes sont souvent proposés en dégradé sur des fonds blancs. Sur le cartonna-ge de la carte de visite, un décor de fleurs, de guirlandes ou

14 Tous tirages confondus : portraits de commandes, portrait de personnalités au catalogue et images pour stéréoscopes.15 Pierre-Jean Amar, La photographie, histoire d’un art, Aix-en-Provence, Edisud, 1993, p. 41.

Notes :

Photo-carte de visite : portrait du duc de Persigny par Disdéri.

Photo-carte de visite : portrait avec décor.

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de branches entoure parfois le personnage. Les images de-viennent plus romantiques et les décors se diversifient. Dans les studios apparaissent des rochers en carton, des barrières et objets donnant des perspectives à l’image. Un stock d’ac-cessoires et d’objets aussi divers qu’hétéroclites meuble de plus en plus l’arrière salle des ateliers photographiques.

Les appareils deviennent portatifs et une nouvelle vague de photographes s’installe maintenant dans toutes les villes moyennes. La photo-carte de visite s’impose et se répand jus-qu’en Australie, aux états-Unis et au Japon. Son exportation, débutant vers la fin des années 1860 en Europe, est planétaire dès les années 1880.

Entre 1843 et 1950, ont été recensés 115 photo-graphes s’étant installés à Roanne et 11 ayant eu une succursale. Avec 53 installations entre 1843 et 1900, l’évolution est régulière et correspond à la moyenne nationale.

C’est Planchard qui proposait pour quelques semaines seule-ment le premier daguerréotype aux Roannais en 1843, au 70 rue Royale [actuelle rue Jean Jaurès]. Il précède le serrurier Legros qui élargit son activité à la photographie sur la place du marché Sainte-élisabeth [actuelle place du Marché]. C’est vers 1852 que maria Chambefort ouvre le premier studio permanent. La multiplication des studios photographiques

continue sur la ville de Roanne, concentrée en centre ville, avec un rythme soutenu jusqu’en 1946, avec l’ouverture cette année-là de six nouveaux studios : ce sont les photographes mme Denise Perrin et mm. marcel Arnoux, André Buisson, Etienne Marius Dubuis, Jean Picard fils et André Valentin.

Un engouement très critiquéNadar et quelques autres considèrent que, pour appréhen-der l’âme et l’intimité d’une personne, il faut prendre le temps. Cette façon de faire est à l’opposé de la pratique courante des photographes qui produisent à la va-vite, cherchant la quantité bien plus que la qualité.

Nadar les décrit de la façon suivante en 1857 :

“Je me fais fort d’apprendre en quelques séances la photogra-

Chambre de voyage,datant de la fin du XIXe.(Collection privée).

Quelques chiffres de 1840 à 1945

La France compte 492 photographes professionnels en 1841, moins de deux ans après la divulgation du procédé daguerrien. Six années plus tard, 181 ateliers supplémentaires ont vu le jour. En 1851, ils sont 1013 à vivre de la photographie, puis 1440 en 1856. Le nombre de photographes double en 1861 pour ensuite presque doubler une nouvelle fois en 1866 avec 4 218 photographes.

On compte 5 576 photographes professionnels en 1871. Quinze ans plus tard, ils sont plus de 10 000 et plus de 4 800 personnes travaillent dans plus 1000 ateliers photographiques uniquement à Paris.

Cette progression diminue après 1900 sur le territoi-re français, mais elle ne semble pas fléchir à Roanne avant 1945.

phie à un cocher sans fiacre, à un peintre raté ou à un ténor sans engagement. Ce qui ne s’apprend pas, c’est le sentiment de la lumière,… Ce qui s’apprend encore beaucoup moins, c’est l’intelligence morale de votre sujet, c’est ce tact rapide qui vous met en communion avec votre modèle, vous le fait juger et diriger vers ses habitudes, dans ses idées, selon son caractère, et vous permet de donner, non pas banalement et au hasard, une indif-férente reproduction plastique à la portée du dernier servant de laboratoire, mais la ressemblance la plus familière et la plus favo-rable, la ressemblance intime.“16 Il s’élève contre les nouveaux photographes qui ouvrent des ateliers uniquement par appât du gain, mais se plie à son tour à la photo-carte de visite et en livrera une production importante.17

De nombreuses personnalités prennent la plume pour expri-mer ce même sentiment. C’est la pérennité de la notion d’art dans le portrait qui est véritablement ici mise en cause. L’en-gouement pour la photographie à cette époque est tel que n’importe qui peut devenir photographe en étant sûr de bien gagner sa vie.

Charles Baudelaire parle de “la patience des ânes“ néces-saire pour faire de la photographie. Opposé aux tendan-ces démocratiques de l’époque qui voulait mettre l’art, et donc la photographie, à la portée de tous18, Baudelaire écrit le pamphlet suivant à l’occasion du Salon de 1859 : “ … Comme l’industrie photographique était le refuge de tous les peintres manqués, trop mal doués ou trop paresseux pour achever leurs études, cet universel engouement portait non seule-ment le caractère de l’aveuglement et de l’imbécillité, mais avait aussi la couleur d’une vengeance… La poésie et le progrès sont deux ambitieux qui se haïssent d’une haine instinctive, et, quand ils se rencontrent dans le même chemin, il faut que l’un des deux

serve l’autre. S’il est permis à la photographie de suppléer l’art dans quelques-unes de ses fonctions, elle l’aura bientôt supplanté ou corrompu tout à fait, grâce à l’alliance natu-relle qu’elle trouvera dans la sottise de la multitude. Il faut donc qu’elle rentre dans son véritable devoir, qui est d’être la servante des sciences et des arts… “19. Baudelaire s’in-surge autant contre la niaiserie de tous ceux qui se font tirer le portrait sans comprendre la portée de cet acte, que contre cette majorité de photographes de “coins de rue“, opérateurs sans talent ni passion, qui officient en systématisant leurs prises de vues sans âme et sans originalité.

Après 1900, institutionnalisation de l’activitéLe métier se transforme avec les perfectionnements du ma-tériel et l’évolution de la société. La demande de photogra-phies mute vers le reportage alors que les portraits représen-taient plus de 90% de la production jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Le photographe devient petit à petit un témoin privilégié de l’espace familial et de moments particuliers marquant la vie des femmes et des hommes de toute la société (mariage, baptême, service militaire, etc).

La commande de portraits n’est plus la demande majeure et toutes les couches de la population suivent ce mouvement.

L’évolution du matériel de prise de vues et des produits photographiques permettant une vulgarisation et une démo-cratisation du portrait, l’amateur produit lui-même un grand nombre d’images. Kodak avec son invention du film souple

16 Philippe Néagu, Nadar tome 1, Quand j’étais photographe, mémoire du tribunal de Paris, 1857, Paris, Arthur Hubschmid, 1979, p. 35.17 Jean-Claude Lemagny & André Rouillé, Histoire de la photographie, op. cit., p. 42. La collection recense à ce jour près de 450 000 photographies.18 Gisèle Freund, Photographie et société, Paris, Seuil, 1974, p. 80.19 Charles Baudelaire, Salon de 1859 in Oeuvres complètes, Gallimard, La Pleïade, 1976, p. 618.

Notes :

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en bobine20, de ses appareils très simples d’utilisation et la diminution des coûts autorisent aisément la pratique de la photographie aux couches les plus simples de la population.

L’apparition de la carte postale et la mise au point du photo-maton achèvent de diminuer les commandes traditionnelles des professionnels.

évolution des demandeset des pratiquesLes ouvertures d’ateliers continuent alors que les commandes évoluent. Le déclin des portraits carte de visite débute dans les années 1900. Le format de la photo-carte se maintient cependant chez quelques photographes jusqu’aux années 1920. Après cette date, il est totalement abandonné pour des formats plus grands.

En 1910, le Catalogue de manufacture Française d’Armes et Cycles de Saint-étienne débute le chapitre consacré à la vente de matériel photographique par ce petit texte : “La photographie est aujourd’hui la science populaire par excel-lence, et il y a bien peu de personnes qui n’aient jamais fait connaissance avec l’objectif. Il faut bien dire que, depuis quelques années, tout ce qui touche à la photographie, ap-pareils, produits, accessoires, etc, a été tellement simplifié et perfectionné, qu’on y voit généralement plus qu’une distrac-tion facile, agréable et quoi qu’on en dise, peu coûteuse.“

L’état des lieux de l’espace photographique du début du XXe siècle y est parfaitement exposé.

L’avènement d’une photographie d’amateur à la fin du XIXe siècle est intimement induite par l’évolution de la technique. Vers 1870-1880, le développement de l’industrie des pla-ques gélatino-bromure correspond à l’essor du mouvement

Notes :20 Kodak invente la pellicule celluloïd en 1888.

Petite fille en tenue de baptême - Photo E.Feugère.

Carte postale de Thomassot.

1950. Sa particularité n’est pas le rythme des installations légèrement supérieur à la moyenne nationale, mais bien la qualité des opérateurs roannais qui ont souvent laissé des images aussi belles techniquement qu’esthétiquement.

Ces femmes et ces hommes nous laissent ainsi une bien belle mémoire du temps.

La diffusion et le développement de la photographie à Roan-ne peuvent être considérés comme un modèle intéressant et exemplaire du point de vue de l’expansion de cette inven-tion, de l’évolution de la profession, des usages et pratiques aux premiers temps des photographes.

François BoisjolyAuteur de La photo-carte, portrait de la France au XIXe siècle, Lyon, édition Lieux Dits, 2006.

associatif dans le domaine de la photographie. Ce mouve-ment touche surtout une classe aisée, qui a du temps et des moyens et qui se passionne pour la technique. Le lancement du Kodak à la fin du siècle ouvrira la voie à un amateurisme plus large, qui exerce la photographie de façon plus indivi-duelle ou familiale.

Le photographe du début du XXe siècle commence à perdre son aura de magicien de la chambre noire. Le professionnel peut être considéré comme un artiste ou comme un simple prestatai-re de services. Le portrait de studio est toujours proposé, mais il ne représente plus la majorité des prises de vues et l’implication du photographe est devenue souvent indispensable. Ce sera une évolution constante jusqu’à la fin des années 1950, date à laquelle le matériel connaîtra une nouvelle mutation.

Comme la majorité des villes moyennes situées sur des grands axes de circulation, Roanne a connu un rythme sou-tenu d’installations de studios photographiques de 1843 à

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dans l’atelier du photographe

Détail de l’intérieur du Studio Thomassot-Giraud, près du théâtre - Fonds Monot.

© Ville de Chalon-sur-Saône, France.Musée Nicéphore Niépce

n° Inv. MNN 19�8-88-409.

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Dès son apparition la photographie s’est centrée sur le portrait, engageant inévitablement une rivalité avec le portrait peint, qui jusqu’alors assurait la représentation de l’individu avec une certaine codification, voire idéalisation. En effet, la photographie assure « l’incontestable perfec-tion et la fidèle ressemblance »1 de façon beaucoup moins onéreuse et se positionne nettement dans la concurrence, accélérant la chute des portraitistes et miniaturistes. La peinture, par son coût, s’adresse exclusivement aux classes sociales privilégiées.

Les publicités de l’époque insistent volontiers sur l’aspect moins dispendieux de la photogra-phie, tout en proposant une ressemblance du modèle jamais égalée. Les premiers photogra-phes daguerréotypistes affirment haut et fort les nouveaux atouts de la photographie, comme en témoigne une publicité de maria Chambefort (vers 1850 ?) : « les nouveaux perfection-nements apportés à l’exécution de son travail offrent maintenant tous les avantages que l’on désirait depuis longtemps, c’est-à-dire le modelé et le coloris de la miniature et de l’aquarelle unis à la vérité si exacte de la photographie, ce que la peinture ne pouvait obtenir que très rarement, et encore à des prix élevés. »

L’invention de Daguerre se diffuse rapidement, des ateliers ouvrent dans les grandes villes, des opérateurs itinérants viennent régulièrement opérer à Roanne. Comme partout ailleurs, le por-trait sera à Roanne l’usage majeur de la photographie.

Dès 1843, un certain Planchard réalise des portraits au daguerréotype ; Lombard de Paris intervient chez Brun, lithographe rue Bourrassières [actuelle rue Charles de Gaulle]. La photo-graphie est alors très dépendante de l’ensoleillement, on opère dans des galeries vitrées, pour réduire le temps de pose encore fort long.

Le portrait : du daguerréotypeà l’explosion de la photo-carte

Notes :

1 Publicité de maria Chambefort, vers 1850.

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Le daguerréotype (1839-1860)

Le 6 janvier 1839 la Gazette de France annonce la découverte, par Louis-Jacques mandé-Daguerre (1787-1851) du « moyen de fixer les images qui viennent se peindre sur le fond d’une chambre obscure, de telle sorte que ces images ne sont plus le reflet passager des objets mais leur empreinte fixe et durable, pouvant se transporter hors de la présence de ces objets comme un tableau ou une estampe ». La photographie est née.

Procédé sur plaque de cuivre recouverte d’une couche d’argent rendue sensible à la lumière par de l’iodure d’argent. On place la plaque dans une chambre obscure : le temps de pose, de plusieurs dizaines de minutes en 1839, se réduira à quelques secondes en 1841. On obtient alors une image « latente » (invisible). Il faut la développer grâce aux vapeurs de mercure pour obtenir une image visible. Puis on stabilise l’image au chlorure de sodium (sel de cuisine). En 1840, Hippolyte-Louis Fizeau réduit la fragilité de l’image obtenue en utilisant le « fixage à l’or » (solution de chlorure d’or).

Le daguerréotype est à la fois positif et négatif : seul l’angle de vue différencie les deux aspects de cette image unique et non reproductible.

La pose est convenue, le modèle est assis, le cadrage descend jusqu’au genou, les éléments de décor sont rares, le costume est très présent. Le cadre, en géné-ral en bois noir ouvragé, renforce la solennité du por-trait destiné avant tout à trôner dans un intérieur bour-geois. Les premiers portraits daguerréotypes roannais connus sortent de l’atelier de maria Chambefort, réalisés sans doute vers 1850. Coûtant de 10 à 20 francs, le daguerréotype ne reste accessible qu’à une classe bourgeoi-se relativement fortunée. Pour exemple, à Roanne un ouvrier tisseur en coton perçoit un salaire quotidien entre 2,5 et 3 francs en 1858.

Portraits de famille, portraits pour camées, épinglettes, por-traits après décès sont les commandes les plus courantes. La pratique des portraits post-mortem faits à domicile se répand rapidement, la photographie permettant de garder le souvenir d’un proche décédé : le plan est rapproché et on évite toute référence funéraire, pour livrer un souvenir au plus près du vivant.

Une avancée déterminante pour la photographie va être faite au milieu du siècle avec l’apparition du collodion humide qui va permettre la production d’un négatif sur pla-que de verre et ouvrir l’ère du tirage multiple.

Issus directement de cette évolution technique, vont apparaî-tre ensuite divers procédés mettant en œuvre des négatifs sur verre, sur papier voire sur métal, la ferrotypie. Cette dernière, particulièrement bon marché, va faire le succès de la prati-que photographique ambulante qui va envahir les foires et les marchés pour proposer des portraits accessibles au plus grand nombre. La photographie constitue alors une attrac-tion à part entière. De nombreux photographes ambulants vont sillonner les campagnes : était-ce le cas d’un certain Philibert Lambert signalé dans le recensement de Roanne de 1876 comme photographe ambulant « en roulotte » ?

Deux portraits post-mortem, photographies Dessendier. (Collection privée).

Daguerréotype de Maria Chambefort, ca 1850. (Collection privée).

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Le procédé au collodion humide (1851-1885)

Scott Archer (1813-1857), met au point en 1851, en Angleterre, le procédé dit au collodion humide. Ce mélange de coton-poudre ou nitrate de cellulose, d’alcool et d’éther sulfurique additionné d’iodure de potassium forme une émulsion que l’on dépose sur une plaque de verre sensibilisée dans un bain d’ar-gent pour la rendre photosensible à la lumière.

Le photographe doit rapidement développer sa prise de vue au sulfate de fer avant que le collodion ne sè-che, rendant son utilisation particulièrement délicate en extérieur mais idéale pour le studio. Puis il fixe l’image ainsi obtenue avec du cyanure de potas-sium, produit particulièrement dangereux qui abrège souvent la vie des photographes. Ainsi maria Cham-befort décède-t-elle à 57 ans et sa fille, à 53 ans.

Ce procédé se base donc sur la production d’un négatif sur verre servant de matrice et permettant de multiplier rapidement des tirages positifs, sur papier, retrouvant ainsi la souplesse de la production des gravures.

Ferrotype (1853 – 1930)Ce procédé, présenté par Adolphe Alexandre Martin en 1853, est dérivé de l’ambrotype. Il s’agit d’une épreuve positive sur une feuille de métal noircie. Une image positive est obtenue en exposant dans une cham-bre noire une fine plaque de fer recouverte d’un vernis noir ou brun au collodion. D’un prix réduit, cette tech-nique était très utilisée par les photographes ambulants sur les foires et marchés. Produit parfois en série dans un format très réduit, les portraits « ferrotypes » étaient présentés sur des cartons décorés ou même montés en bijou, bouton, …

(Collection privée).

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La pose du modèle est très codifiée : cadrage à hauteur de buste ou portrait en pied, fond neutre ou décor peint avec ses immuables plissés ou balustrades, une main en appui sur une chaise, une table ou un livre. Parfois quelques éléments sup-plémentaires apportent une variation : instruments de musique, vélo, jouets, … L’attention se porte alors plutôt sur la toilette, le costume ou la coiffure. Cette standardisation contribue à traduire sa condition et son appartenance à la bourgeoisie.

à la fin du siècle la production de la photo-carte décline sous l’effet de plusieurs facteurs : la banalisation de l’image, la démocratisation et la simplification de la technique photo-graphique et l’essor de la photographie amateur.

L’apparition d’appareils à main, remplaçant les chambres à soufflet sur pied, verra l’élan et le développement à la fin du XIXe siècle de la photographie amateur qui reste tout de même l’apanage d’une classe aisée. Il faudra attendre les années 1930, avec la baisse du prix des appareils et surtout la généralisation de la pellicule, pour une véritable vulgarisa-tion de la pratique photographique. Le portrait sort du studio, devient moins conventionnel, se pratique en famille, l’entou-rage sert de modèle et les portraits sont plutôt des tranches de vie, saisies au vol lors d’évènements familiaux et intimes.

On a tout de même encore recours au professionnalisme du photographe, pour la photographie de circonstance ou de cérémonie, activité courante du studio Vergiat, ou encore les portraits d’identification juridique.

L’invention de la photo-carte de visite mise au point par Disdéri en 1854 va transformer fondamentalement la pro-duction du portrait photographique et générer l’ouverture de nombreux ateliers à partir de 1860. La diminution des coûts de production, les améliorations techniques pour une production quasi industrielle, l’émergence d’une politique commerciale incisive vont être autant de facteurs qui assure-ront un succès indéniable à ce support jusqu’aux débuts du XXe siècle. Disdéri a l’idée de lancer la diffusion de photos-cartes à l’effigie d’hommes illustres, collectionnées, échan-gées, offrant aux personnalités de l’époque la possibilité de diffuser leur image et de se faire connaître du plus grand nombre. Cette large diffusion touche le Roannais, comme en témoigne une publicité pour la vente par correspondance de séries de célébrités contemporaines, insérée dans l’Echo du Roannais du 7 juin 1863. Familiarisé avec ce médium et la facilité de sa circulation, chacun souhaitera son portrait, pour un usage privé ou public.

La photo-carte de visite va devenir un véritable phénomène de société, répondant aux besoins de reconnaissance sociale d’une petite et moyenne bourgeoisie portée par l’essor industriel. De nombreux ateliers ouvrent entre 1870 et 1890 à Roanne. Certains, comme La Grande Photographie Générale Dessendier, au 82 rue Nationale [actuelle rue Jean Jaurès), ont une production importante et une organisation du travail quasi industrielle, employant plusieurs ouvriers au début du XXe siècle. Le succès touche l’ensemble de la population, les tarifs sont attractifs.

Le portrait change de place : décroché du mur, il s’échange entre les membres de la famille ou les amis, et se collection-ne dans des albums réalisés spécialement pour les recevoir, constituant ainsi une généalogie à laquelle seule la noblesse avait jusqu’alors accès. Le rapport, au moins visuel, entre les générations est enfin établi. Dès lors, les principales étapes de la vie se trouvent véritablement consignées comme autant de « rites de passage » sociaux : naissance, communion, service militaire, mariage, décès.

Portraits marquant les différentes étapes de la vie :1. Militaire, photo Feugère. 2. Communiant, photo Boffety & Gouttebaron.3. Communiantes, photo Dubuis.4. Mariage, photo Dubuis.5. Bébé, photo Thomassot. (Collections privées).

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Née Jeanne-Marie Perraud, fille de François Perraud et de marie Lavenir, maria Chambefort voit le jour le 15 octobre 1818 à Mâcon.

De ses années de formation, nous ne savons rien. Qui a initié cette jeune femme, recensée comme lingère, fille d’un aubergiste de Mâcon, à la pratique du daguerréo-type ? Celle-ci nécessite des connaissances techniques, notamment dans le domaine de la chimie relevant d’un savoir scientifique généralement interdit aux femmes à cette époque. Les femmes photographes au milieu du XIXe siècle sont rares. Si des études sur ce sujet existent en Etats-Unis, en France, elles restent à faire ! Un certain François Perraud, est installé comme daguerréotypiste 8 rue Constantine à Lyon en 1849 : est-il de sa famille ? On sait qu’il proposait des leçons pour « toutes les méthodes du papier et de la plaque ». Elle-même se présente comme « artiste-photographe, élève des premiers praticiens de Paris et de Lyon ».

Le 1er juin 1837, elle se marie avec Jean Louis Chambefort, terrassier, dont elle aura deux enfants : marie, née le 8 jan-vier 1840, et François, né le 14 novembre 1850.

Vers 1850-1852, on trouve traces de ses premiers daguer-réotypes : elle prend le nom de Maria Chambefort et com-mence à sillonner la région comme photographe itinérante. Il semblerait qu’elle quitte alors la Saône-et-Loire au profit de

Le premier studio de photographie roannais

Maria Chambefort (1818-18�5)

la Loire, et plus particulièrement de Roanne. Elle s’y installe en décembre 1858 ou janvier 1859, rue Impériale [actuelle rue Jean Jaurès] : « maison Petit » au n° 32 jusqu’en mars, puis « maison Roux » au n° 9 en avril, puis « maison Ville-min » au n°1 en octobre. Ces déménagements successifs semblent indiquer une activité semi-itinérante.

Enchâssé dans son cadre de bois noir ou de plâtre sculpté et peint, le daguerréotype se prête particulièrement au portrait et remplace avantageusement la miniature alors à la mode, ou le portrait peint. Il en reprend d’ailleurs sa forme ovale caractéristique avant de privilégier la forme rectangulaire.

Le parallèle avec la peinture de portrait est favorable à la photographie : le photographe de studio, avec ses portraits retouchés à l’huile ou à l’aquarelle « exigeant une semaine de travail », va détrôner le peintre de portrait.

Vers 1859, tout en continuant ses nombreuses « miniatures daguerriennes pour écrin, camée, porte-monnaie, porte-ci-gares, bracelet, cassolette », maria Chambefort propose à sa clientèle des photographies d’un nouveau genre : les photos-cartes de la dimension d’une carte de visite, qui font fureur à Paris dès leur invention en 1854.

Il semble qu’elle s’installe enfin définitivement place d’Armes vers 1860, aidée de sa fille Marie et de son fils François.

1. Publicité de Maria Chambefort figurant au verso d’un daguerréotype. (Collection privée).2. Daguerréotype de Maria Chambefort avant 1850.3. Verso (détail) d’une photo-carte de Maria Chambefort.

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Son atelier, tout à fait professionnel, comprend toutes les commodités « Les dames auront à leur disposition salons et cabinets pour leur toilette. La salle de pose est chauffée et renferme tout le confortable nécessaire pour rivaliser avec les plus grands établissements. De nombreux accessoires per-mettent d’obtenir des poses gracieuses et variées ». Nous ne sommes plus à l’époque où l’on opérait en plein soleil. Les temps de pose se sont réduits (entre 3 et 30 secondes) et maria Chambefort « opère avec le même succès par temps sombre et pluvieux, que par les jours de soleil ».

Elle conserve sans doute dans des registres tous les clichés-cartes pour d’éventuels retirages et propose un choix d’enca-drements du « meilleur goût ».

Le papier albuminé (1850-1900)

Dès 1850, Louis Désiré Blanquart-Evrard (1802-1872), conçoit un procédé sur papier enduit de blanc d’œuf salé et rendu sensible par du nitrate d’argent : le papier albuminé. Après séchage, le tirage s’effectue par noircissement direct dans un châssis.

Ce procédé se base donc sur la production d’un négatif, servant de matrice, permettant de multiplier rapidement des tirages positifs, sur papier, retrouvant ainsi la souplesse de la production des gravures. Son utilisation plus aisée et son faible coût de production permettent son industrialisation. Les premiè-res cartes de visite sont réalisées avec ce procédé.

La photo-carte de visite (1854-1920)

Le 27 novembre 1854, un photographe parisien, Eugène Disdéri (1819-1889) dépose un brevet permettant d’obtenir, avec un appareil muni de six à huit objectifs, des photogra-phies de 6,3 x 9,5 cm en une seule prise de vue, divisant du même coup le prix par huit. La mode de la « carte de visite » est née.

1868 verra le jour d’un nouveau format « la carte-album » ou « carte-cabinet » de 10,7 x 7,5 cm.

La carte de visite est émaillée puis bombée à la presse entre 1875 et 1890.

Les ateliers de photographies, répandus rapidement dans toute l’Europe, suivent de près les évolutions techniques et rivalisent quant à la modernité des procédés proposés à leur clientèle. La carte de visite bénéficie ainsi des nouvelles améliorations techniques : papier albuminé, collodion au charbon puis plati-notypes et enfin aristotypes au collodion ou à la gélatine.

Studio de Maria Chambefort, place d’Armes à Roanne - Cliché Stéphane Geoffray, circa 1860.

Ci-contre : Photos-cartes, Marie Chambefort.

Photos-cartes, Maria Chambefort. (Collection privée).

Marie Chambefort (1840-1893)Vers 1872, marie Chambefort succède à sa mère, aidée de son frère François et de sa mère, pendant quelques années. Elle poursuit son activité sous la même enseigne : (melle) maria Chambefort, place d’Armes.

Elle s’était mariée à Roanne le 20 juillet 1870 avec Jacques Léon Chanteloube, négociant et fabricant de coton, demeu-rant Impasse de la Sous-Préfecture.

En 1874, elle prend avec elle un employé de 28 ans, Joseph Séthig.

Au recensement de 1876, soit un an après le décès de sa mère, on la trouve rue de la Côte : les photos-cartes portent au verso le n° 8 et/ou 10 rue de la Côte [actuelle rue Alsace-Lorraine].

On ignore la date de cessation d’activité, vraisemblablement à sa mort, à 53 ans, le 1er mai 1893. Le studio ne semble pas avoir eu de successeur ni de repreneur immédiat.

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Dessendier père et fils La Grande galerie roannaise

Combien de Roannais ont dans leurs albums de famille des photographies Dessendier ?

Le plus important studio de photographie de Roanne est bien celui des Dessendier qui fut en activité à Roanne de 1886 à 1931. Au-delà de l’intérêt pour cette enseigne roannaise prestigieuse et productive, c’est avant tout un exemple significatif de l’essor de la photographie et des hommes qui firent avancer sa production.

émile Dessendier, sa femme et ses cinq enfants.Cliché émile Dessendier, circa 1903. (Collection privée).

Publicité Dessendier dans un annuaire de Roanne .

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émile Dessendier naît le 16 mars 1855 dans la Loire à Croix-Pellussin, d’un père négociant en vin et d’une mère commerçante assez fortunée. Il étudie chez les Lazaristes et fait preuve très tôt de qualités scientifiques, en particu-lier en chimie, domaine d’élection d’un futur photographe. à 17 ans il est déjà passionné par la photographie et son avenir professionnel semble bien déterminé. Incorporé en 1875 pour son service militaire, il est déjà photographe. Il quitte l’armée en 1883 et installe un premier commerce en Avignon « Grande photographie générale » atelier où il pratique la photographie et la peinture. La majorité des photographes avaient alors souvent recours à la peinture pour des opérations de retouches.

En 1884, il élargit son activité et ouvre un deuxième commerce à Paris au 235 boulevard Voltaire, toujours dédié à la photographie et à la peinture, puisqu’il assure égale-ment la restauration de tableaux.

Son activité étant en plein essor, il fonde cette même année sa fabrique d’autotypie. Son activité roannaise semble débuter dans ces mêmes années où il opère d’abord dans un atelier de voyage, pratique courante à cette époque dans les villes de province : « malgré le court séjour que doit faire le personnel de la Grande Photographie Générale à Roanne, le directeur n’a pas hésité à faire construire un atelier de pose et trois salons d’attente », indique une publi-cité de l’époque.

En 1886, il se fixe définitivement à Roanne, au 82 rue Nationale. Il est alors âgé de 30 ans et a déjà trois en-fants (il en aura cinq). Ces années sont également marquées par les nombreuses recherches techniques qu’il engage pour améliorer sa production. Déjà en germe depuis quelques années, il peut enfin à Roanne envisager la réalisation des dispositifs techniques qu’il a conçus et passer du stade du projet au prototype. Emile Dessendier appartient à cette famille de photographes inventeurs, en recherche constante d’améliorations techniques.

émile Dessendier (1855-1912)

Autoportrait d’émile Dessendier,circa 1903, collection privée.

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Après s’être adressé à divers ingénieurs et diverses maisons de construction en France et à l’étranger, sans résultat, il se voit dans l’obligation de construire lui-même ses appareils chez lui, avec le concours dévoué d’un employé. Début 1889 ses machines sont enfin prêtes : un photomètre enregistreur et une machine pour le tirage automatique des épreuves photographiques au charbon intégrant le photo-mètre. Cette dernière découverte technique est basée sur le principe chimique suivant : si l’on soumet à la lumière un mélange de volumes égaux d’hydrogène et de chlore, il se produit une quantité d’acide chlorhydrique proportionnelle à la quantité de lumière reçue, principe dont il se sert pour mettre au point ce dispositif permettant de mesurer l’intensité de la lumière.

Il les présente d’abord à un petit comité roannais composé de deux ingénieurs, d’un professeur de physique-chimie du Collège de Roanne et de deux industriels dont m. Fortier-Beaulieu. mais le grand rendez-vous qu’il attend est celui de l’Exposition Universelle de 1889 qui se déroule à Paris du 6 mai au 31 octobre et dont l’attraction principale est la Tour Eiffel. Il y présente donc ces deux inventions, récompensées par une médaille de bronze et une mention très honorable.

Les récompenses qu’il reçoit l’incitent à multiplier les brevets de ses inventions et à les déposer dans de nombreux pays :Allemagne, Autriche, Etats-Unis, Russie, Angleterre, Belgi-que et Luxembourg. Il mène de front l’essor de son activité commerciale et ses recherches techniques, en véritable entre-preneur. En effet l’activité est florissante au tournant du siècle dans ce studio, le plus important de Roanne, qui emploie plusieurs ouvriers, et qui devient une véritable entreprise familiale.

Vers 1910, il confie à son gendre Emile Guérin, tout juste marié avec sa fille Pauline, l’exploitation commerciale de l’appareil stéréoscopique, « le Stéréo-panoramique Leroy », dont il vient de racheter les droits de distribution.

Le tirage au charbon « inaltérable » (1855-1930)

Grande spécialité de la maison Dessendier, le tirage au charbon est un procédé photographique breveté en 1855 par Louis Alphonse Poitevin (1819-1882), qui fait partie des procédés pigmentaires aux bichromates alcalins. Son nom provient du carbone utilisé comme pigment dans le collodion. Il produit une image avec une importante profondeur des noirs et une certaine richesse des demi-teintes. La mention « inaltérable » ou « charbon inaltérable » est toujours estampillée sur le recto du carton qui sert de support à l’épreuve : ceci afin d’éviter les nombreuses contrefaçons.

Un tirage au charbon est le procédé photographique le plus stable à la lumière du jour.

Emile Dessendier dépose en 1886 un brevet pour un procédé de tirage permettant d’obtenir et de changer simulta-nément les épreuves photographiques quelque soit le nombre des clichés et leur différence d’intensité. Là encore, par un système de mesure d’intensité lumineuse, il cherche à uniformiser la procédure de tirage des épreuves dites «au charbon», selon la lumière qui leur est nécessaire, en continu.

Ces mêmes années, Emile laisse petit à petit l’entreprise à ses deux fils, pour se consacrer à ses recherches, en parti-culier sur les courants induits, dans le désir d’améliorer son photomètre, et reprend certains travaux de Faraday.

Il n’aura pas le temps d’aboutir, la mort l’emportant le 3 mai 1912, à l’âge de 57 ans.

Machine à chassis pour le tirage automatique des épreuves photographiques au charbon.

(Collection privée).

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La Grande Photographie Générale Dessendier est alors en plein essor, produisant presque exclusivement des portraits, de la simple photo-carte au portrait grandeur nature large-ment retouché. Son succès est indéniablement lié au déve-loppement et à la démocratisation du portrait photographi-que, sous forme de photo-carte.

Emile Dessendier semble être le photographe de ces classes sociales aisées : industriels, commerçants ; de cette notabi-lité roannaise liée à l’essor de l’industrie, en recherche de reconnaissance.

Portraits de la bourgeoisie locale, photos-cartes E.Dessendier. (Collection privée).

L’actuelle salle des présidents de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Roannaisdécorée des portraits réalisés par Dessendier en 1908.

Portraits des donnateurs de l’hôpital : Flandres, Brochard, Cherpin, Dépierre.

C’est à lui que l’on commande les galeries de portraits officiels, telle celle des donateurs de l’Hôpital de Roanne ou des dif-férents présidents de la Chambre de commerce de Roanne en 1908. C’est chez lui que l’on vient aussi pour fixer les moments forts du temps social (service militaire, mariage, naissance, …) ou faire un portrait convenu qui participera à son affirmation sociale.

Sa production, quasi industrielle, constitue aujourd’hui une véri-table galerie des Roannais sous la IIIe République.

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Album - photos E.Dessendier

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Dès 1910, Jean Dessendier prend en main, développe et diversifie l’activité commerciale de la « Galerie Dessendier » : des portraits bien entendu à tous les prix et pour toutes les occasions, mais également une exposition permanente des réalisations photographiques de la maison, des appareils et produits pour amateurs, les actualités journalières et bientôt une salle de cinéma, qui perdurera, devenant par la suite le Rex. Jean Dessendier meurt dans un accident de voiture en 1931 et avec lui s’arrêtera l’activité de cette illustre maison.

Son frère Louis, semble avoir quitté Roanne vers1910-11 pour s’installer en région parisienne à Bois-Colom-bes où il exerce la profession de reporter-photographe.

Pendant la Première Guerre, il réalise un grand nom-bre de photographies, notamment de Salonique, dont il fait un album.

En 1918, il ouvre un studio de photographie à Villefranche-sur-Saône. Dès 1912, il avait en effet racheté le studio de photographie de Durey-Fafour-noux, au 28 rue de la Gare. Il y exerce jusqu’en 1923.

Il s’installe à Paris et propose ses services de reporter-photographe à Sartony : il « couvre » ainsi les grands reportages tels que la traversée de l’Atlantique Nord par Nungesser et Coli en 1927 ou l’assassinat du Prési-dent Paul Doumer en 1932.

Les papiers aristotypes (1860-1940)

Il en existe de deux sortes : l’aristotype au collodion (ou papier cel-loïdine) et l’aristotype à la gélatine (ou papier citrate).Ce sont les premiers papiers fabriqués industriellement, prêts à l’emploi. Ils se caractérisent par la présence d’une fine couche de pigment blanc, le sulfate de baryum, étalée sur le papier sous la couche sensible au collodion ou à la gélatine. Ce sont les derniers papiers à noircissement direct. Leur facilité d’emploi rencontre un grand succès commercial auprès des professionnels comme des amateurs entre 1890 et 1940.

Le platinotype (1873-1930)

Procédé de tirage aux sels de platine breveté en 1873 par William Willis (1841-1923). On obtient alors une épreuve aux nuances subti-les depuis le gris au noir profond lui donnant un caractère esthétique se rapprochant de la gravure. C’est un procédé très utilisé pour la carte de visite ou la carte-album qui portent alors la mention « platino » sur le recto de leur carton.

Les fils DessendierLouis (1881-1933) et Jean (1884-1931)

Photos-cartes Jean Dessendier. (Collection privée).Carte postale : Galerie Dessendier -à côté de la Banque de France- qui deviendra le cinéma Rex. Ci-contre : publicité Jean Dessendier. (Collection privée).

(Collection privée).

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Connu pour son travail de photographe ethnographique, en particulier en Oubangui, on oublie souvent qu’il exerça de nombreuses années comme photographe de studio à Roanne dans la seconde partie de sa vie.

En 1937, il reprend le studio de Joseph Tronchet, ancienne photographie Hornet, au 5 rue Jean Jaurès. Il y exerce jusqu’à sa mobilisation en 1939, puis de juillet 40 jusqu’en 1950, date à laquelle il le cède à Revon.

Antonin marius Vergiat naît le 23 août 1900 à Villemontais. Il s’engage dans l’armée après son service militaire. Officier navigant de l’Aviation coloniale et breveté observateur photographe, il devient chef de section de photo aérienne de l’Armée de l’air. Il assure plusieurs missions en Afrique du Nord, avant d’être affecté en 1928 au Centre d’Etudes aéronautiques à Versailles.

Une première mission le mène à Madagascar, puis au Congo belge et enfin en Oubangui. Dans ce dernier pays il participe à des missions anthropologi-ques chez les Pygmées. à son retour il publiera Les rites secrets des primitifs de l’Oubangui chez Payot en 1936.

Antonin-Marius VERGIAT (1900 – 1983)

Le portrait comme identité sociale

Ancien studio Vergiat, 5 rue Jean Jaurès, repris par Revon en 1950.

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Où apprit-il la photo ? Sans doute au sein de l’armée. Il semble également qu’entre ses missions il assure une activité de photographe, comme en témoigne le recensement de Roanne en 1926, où il est alors photographe chez Dessendier. Ces mêmes années il participe à de nombreux concours photographiques où il est souvent récompensé

Les archives du studio Vergiat sont constituées d’environ 3 500 plaques de verre, por-traits de roannais anonymes, communions, mariages, artistes de cabaret, accordéonis-tes en tournée à Roanne. Cet art du portrait, il le met également à profit pour réaliser des portraits plus travaillés de plusieurs célébrités roannaises : Pierre Etaix, Jean Puy, le verrier Hanssen ou encore des portraits plus officiels.

Antonin-Marius Vergiat - cliché Jean-François Claustre. (Collection privée).

Portrait de Jean Puy - cliché Antonin-Marius Vergiat. (Collection privée).

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Shangaï, pêche sur le Wangpou, photographie extraite de l’album de Claude Dethève.

La photographie documentaire

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Lors de l’acte de naissance de la photographie, dans son rapport à la Chambre des Députés du 3 juillet 1839 à Paris, Louis Arago présente cette invention comme un instrument au service de l’art et du savoir. Il faudra attendre encore de nombreuses années pour que l’usage documentaire de la photographie s’impose. Pendant toute la première période, les contraintes techniques – appareillage volumineux, temps de pose longs, développement techniquement complexe – concentrent la photographie sur une activité de studio, qui réduit son application. L’avènement du collodion affirme sa dimension documentaire et très vite, elle s’impose comme un médium universel, démonstratif, qui constitue un témoignage irremplaçable. Documenter, témoigner, fixer, diffuser, identifier, raconter, autant d’usages qui la place inévitablement au service de l’archéologie, de la découverte, de l’information, des voyages, de la science, de la justice, …

Si la presse utilise très tôt la photographie, c’est que cette dernière permet de fournir une image objective, servant de modèle aux graveurs pour produire lithographie ou gravure sur bois « d’après photographie » comme l’indique souvent la légende. La diffusion de la photographie à travers l’édition et la presse reste longtemps limitée à des éditions de luxe ou à des expériences ponctuelles où une ou quelques épreuves sont collées dans chaque numéro. Le Forez illustré, publié en 1874-75, est tout à fait représentatif de ce type de diffusion.

à la fin du XIXe et surtout entre les deux guerres, les procédés d’impression évoluant, la photo trouve progressivement sa place dans l’édition et surtout la presse. Elle s’intègre complètement dans la chaîne d’impression. Le photoreportage fait son apparition. La photographie devient le médium évident pour couvrir l’actualité, l’évènement ou l’his-toire en marche. La guerre de 14-18 constitua un tournant et nombre d’amateurs revin-rent témoignant du carnage avec des clichés. Les photographes locaux sont souvent sollicités pour couvrir les évènements festifs, sportifs, culturels et politiques qui émaillent la vie publique locale.

La photographie documentaire

Chambre de voyage, circa 1900. (Collection privée).

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Dans le domaine du tourisme naissant, la photographie supplante vite la gravure et offre un catalogue de vues, monuments et paysages reprenant souvent les compositions classiques des graveurs. Un certain nombre de photogra-phes se spécialisent dans cette production dans les pays tra-ditionnels du Grand Tour (Italie, Grèce, …) mais également vers des destinations plus exotiques (Egypte, Turquie, Asie). à partir de 1870, de grands ateliers commerciaux appa-raissent comme par exemple la maison Bonfils fondée en 1867 à Beyrouth, qui se spécialise sur le Moyen Orient, et constitue un catalogue impressionnant. Claude Dethève réa-lise au cours de ses différentes affectations, comme médecin dans le corps de santé des troupes coloniales, un album avec nombre de ces clichés. De nombreux voyageurs, ar-chéologues, peintres, écrivains achètent ces tirages directe-ment chez le photographe, mais également dans les hôtels, chez les marchands d’estampes et constituent des albums ou bien préfèrent les vues stéréoscopiques pour mieux ap-précier les paysages. La seconde moitié du XIXe siècle est également marquée par l’essor des voyages d’exploration vers des contrées peu connues sous l’égide par exemple de la Société française de géographie. La photographie consti-tue alors un témoignage de premier ordre à la rencontre de l’autre, au pouvoir évocateur incontestable, qui jouera un rôle fondamental dans l’accès visuel au monde.

Très tôt au service de l’archéologie et du patrimoine archi-tectural, la photographie va s’inscrire dans une démarche de recensement indéniable, témoignant d’un patrimoine en plei-ne reconnaissance. Elle contribuera également à construire un nouveau regard sur un paysage urbain en transforma-tion. Elle accompagne la mutation que connaissent les villes dans la seconde moitié du XIXe. Son caractère sériel, sa restitution du réel en font un outil privilégié de l’inventaire urbain, immortalisant à la fois les quartiers amenés à dispa-raître ou à se transformer sous la pression d’une croissance pas toujours contrôlée, ou fixant les nouvelles réalisations

publiques, signes d’une nouvelle expansion. Cette démar-che, présente dans de nombreuses grandes villes, est bien celle qui conduisit Stéphane Geoffray à réaliser de nom-breuses prises de vue de Charlieu, puis de Roanne dans les années 1860.

Dans le domaine scientifique, la photographie s’impose en-core au détriment cette fois du dessin et du croquis et sa prise directe avec le réel, son caractère multiple la désignent tout naturellement comme témoin objectif, comme outil de description et instrument d’identification. Les médecins alié-nistes, comme Charcot, ont recours assez tôt à la photogra-phie, permettant de dresser des typologies. Son utilisation à des fins d’identification prend toute sa dimension dans le domaine judiciaire avec le système anthropométrique mis au point par Bertillon dans les années 1880 pour la police.

La mise au point des rayons X par Röntgen en 1895 permet de franchir une étape majeure vers l’observation de l’invisi-ble. Cette invention fascine et s’invite dans de nombreux sa-lons. En mars 1896, Edouard Fortier-Beaulieu présente lors d’une séance hebdomadaire du photo-club « une épreuve obtenue par le procédé Roetgen : une main dont les doigts avaient été pénétrés par les rayons X ».

La photographie documentaire recouvre une diversité de pra-tiques et d’objectifs, en appui de nombreux domaines de l’activité humaine. La foi dans l’image présente aux premiers temps des photographes, la positionne avec force dans un souci de restitution du réel et une volonté de transmettre un savoir utile. Cette revendication sera vite ébranlée après la Grand Guerre, confrontée à la complexité de ce médium à la fois représentation du réel, création subjective, mettant en œuvre des processus techniques.

Course Roanne-Vendranges, cliché anonyme.

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Ville de Roanne, 1908 - Banquet populaire organisé par le Comité républicain en l’honneur de ses

candidats aux élections municipales de 1908.Cliché E. Dessendier.

La photographie témoin de la vie sociale et publique

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XXe « Fête de la fédération française féminine de gymnastique et éducation physique ». Roanne - 21-24 juillet 1939. Photo-Club de Roanne.

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L’avion « Ville de Roanne » et son pilote le lieutenant Escot - 1912.Photographie Jean Dessendier.

Pierre Bonnaud, maire de Roanne, prenant le baptême de l’air avec Champel. Meeting aérien de 1912 [23 septembre] au champ d’aviation, [hippodrome de Matel]. Photo Jean Dessendier.

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Union des jouteurs et sauveteurs du bassin - 1926.Photographie Jean Dessendier. (Collection privée).

Classe 1910 - Banquet du 2 février 1930Photographie Jean Dessendier. (Collection privée).

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Deux classes du Lycée de Roanne, Année scolaire 1895 - 1896.

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Stéphane Geoffray(182� – après1895)L’inventaire urbain

Le 17 avril 1827 naît Etienne Geoffray, fils d’Antoine Geoffray, confiseur à Roanne, et de son épouse Claudine Julie Chavallard. Il prendra plus tard le prénom de Stéphane.

De ses années d’apprentissage, nous ne savons rien. Il sera avocat et banquier à Roanne et à Charlieu.

Il est le type même de ces érudits du XIXe siècle passionné d’histoire, d’histoire de l’art, et plus particulièrement d’histoire locale donc d’archéologie, de sigillographie, d’héraldique.

Il est chimiste à ses heures et s’intéresse à toutes les nouvelles inventions qui permettent de porter témoignage, d’invento-rier, de collectionner, comme à celles qui peuvent transmet-tre à autrui le travail de recherche.

Vraisemblablement autodidacte, il est passionné par les travaux de Gustave Le Gray, inventeur du procédé sur papier ciré sec mis au point en 1850. Dès 1852, Stéphane Geoffray étudie la cire et plus particulièrement l’un de ses constituants, la céroléine, qui a la propriété de rendre le papier particulièrement translucide : ce sont alors ses premiers essais en photographie.

Le 24 mars 1854, il envoie un article dans la revue de

photographie Cosmos : Nouvelle méthode pour papier humide ou sec. Le Gray reconnaît l’intérêt du procédé dans l’article du 24 juin de la revue La Lumière, et en mai 1855, Geoffray publie son Traité pratique pour l’emploi des pa-piers de commerce en photographie. Une deuxième partie Traité pratique pour l’emploi des solutions de céroléine et de cire à la benzine en photographie est annoncée, mais vrai-semblablement jamais parue. Ses autres travaux porteront sur l’emploi du cyanure d’iode comme sensibilisateur du col-lodion (1855) et l’adaptation de celui-ci au papier (1856).

Le 20 avril 1855, il devient membre de la Société Française de Photographie. Il participe à l’Exposition Universelle du 1er août au 15 novembre 1855 et reçoit une médaille. Puis il collabore au premier salon de la SFP. En 1856, il expose à Bruxelles 4 épreuves obtenues par le procédé à la céro-léine : il obtient une mention honorable.

Il épouse Marie, fille de Jacques-Félix Virotte de Garat, propriétaire du château Gadin à Servilly (Allier) en 1859 et le 22 août, naît son fils unique Jacques Félix (l’acte de naissance précise que Stéphane Geoffray est alors banquier à Charlieu).

Autoportrait présumé de Stéphane Geoffrayd’après un calotype (retouché). (Collection BnF).

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Le calotype (1840-1860)Le daguerréotype avait comme inconvénient majeur de proposer une image non reproducti-ble. C’est à l’anglais Henry Fox Talbot (1800-1877) que l’on doit l’invention du procédé négatif sur papier dont il déposera le brevet en 1841. Il s’agit du calotype, simple feuille de papier sur laquelle on étale d’une part une solution d’iodure d’argent puis, d’autre part, après séchage, une solution composée de nitrate d’argent, d’acide gallique et d’acide acétique. La feuille est alors placée dans une chambre photographique : le temps de pose au soleil (1 à 2 minutes) est plus long que celui exigé par le daguerréotype : c’est pourquoi le calotype sera réservé pour photographier les paysages ou les monuments. Après cette prise de vue, la feuille est développée avec la même solution puis lavée et fixée au bromure de potassium.

Le papier salé (1840-1860)Il s’agit d’une épreuve positive sur papier ob-tenue par contact direct avec un calotype. La feuille de papier est enduite d’un mélange de chlorure et de nitrate d’argent qui la rend sensible à la lumière. Le principe de la photo-graphie moderne, reposant sur l’obtention de plusieurs épreuves positives d’après un cliché négatif, est né. Dès lors, Henry Fox Talbot pourra créer une « imprimerie photographique » et pu-blier en 1844 le premier ouvrage illustré de photographies The Pencil of Nature.

La « mission héliographique » de GeoffrayVers 1855-1860, il entreprend de photographier la ville de Charlieu. L’ombre de la mission héliographique, auquel son ami Le Gray participe, plane sur le travail de Geoffray. Son intention est résolument documentaire : tous les monuments, toutes les rues de Charlieu sont ainsi systématiquement pho-tographiées. Il entreprend des prises de vues du haut de la Tour Philippe-Auguste (on peut imaginer la difficulté quand il fallait hisser une chambre photographique en haut d’une tour ) et s’essaie ainsi à un nouveau genre photographique, le panorama.

Il réitère l’expérience avec la petite commune de Vougy avant de se consacrer à Roanne. Cette fois, c’est au sommet du clocher de l’église Saint-Etienne qu’il installe son matériel pour photographier la ville « vue des toits ». Puis ce sont, comme à Charlieu, toutes les rues qui sont alors véritable-ment inventoriées, quartier par quartier.

Geoffray réalise des calotypes mais son emploi du temps chargé ne lui permet pas d’en faire des images positives. Il écrit ainsi à martin Laulerie, secrétaire général de la Société Française de Photographie, le 29 avril 1857, dans une lettre adressée de Charlieu : « … je vous prie seulement de me conserver les négatifs avec soin car ils reproduisent tous des sujets détruits et auxquels se rattachent soit des souvenirs par-ticuliers soit des souvenirs historiques. Ils font d’ailleurs partie d’une collection que je veux compléter […] Je voudrais bien vous envoyer des positives, mais vraiment le temps me man-que pour m’occuper d’une manière suffisante des travaux pratiques ; les affaires me préoccupent assez pour m’obliger à laisser mon laboratoire. mes loisirs sont très courts et je les emploie à augmenter le nombre de mes négatifs ».

On ne peut malheureusement identifier l’auteur des tirages

positifs sur papier albuminé réalisés vers 1870. L’ensemble de ce corpus conservé à la médiathèque de Roanne, don de m. Varinard des Côtes en 1957, ne compte pas moins de 33 tirages sur Vougy, 741 tirages sur Charlieu et 758 tirages sur Roanne. De qualité moyenne, ils offrent néan-moins un témoignage exceptionnel de ces villes qui bientôt se transformeront pour les besoins liés à l’essor industriel du Second Empire

Geoffray, souhaitant vraisemblablement commercialiser ses clichés, fait paraître une petite annonce dans le Forez illustré du 19 avril 1874 : « Nous annonçons avec plaisir un grand choix de vues photographiques du département de la Loire, de tous formats, à 1 fr et au-dessus. Iconographie complète [sic] de Roanne, Charlieu, Renaison, Perreux, La Bâtie, Vougy, Boisy, etc., etc. Vues d’ensemble et de détail, pittoresques et archéologiques. S’adresser à l’Imprimerie Roannaise ou chez Monsieur Goeffray, rue des Bourrassières à Roanne ».

Outre les collections privées, ses négatifs sont présents dans les collections du Musée d’Orsay, de la Bibliothèque Natio-nale de France, de la Société Française de Photographie et du musée Nicéphore Niépce de Chalon-sur-Saône.

Le papier ciré sec (1841-1860)Le principe est sensiblement le même que le calotype. mais, pour augmenter la transparence de la feuille de pa-pier, Gustave Le Gray (1820-1882) a l’idée de l’enduire de cire fondue avant l’immersion dans un bain d’iodure et de bromure de potassium. Il en dépose le brevet en 1851. La « querelle » entre Le Gray et Geoffray repose sur l’utilisation de cette cire, le photographe roannais privi-légiant l’un de ses composants : la céroléine.

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Couvent de Charlieu - Négatif au collodion [ou calotype], circa 1865. Tirage positif sur papier salé à partir du document précédent. (Tirage moderne).

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La mission héliographique (1851)

La monumentale édition des Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France du baron Taylor et de Charles Nodier publiée en 21 volumes de 1821 à 1878 bénéficiait du nouveau procédé d’impression importé d’Allemagne par Engelmann, la lithographie. Premier ouvrage d’importance consacré aux monuments du patrimoine architectural français, il permit la prise de conscience de la nécessité de le préserver.

La Commission des Monuments historique est créée en 1837 au Ministère de l’Intérieur. Confiée à Prosper mérimée, celui-ci décide de dresser un inventaire de la France monumentale. Pour ce faire, il privilégie le nouveau médium qui offre une restitution d’une fidélité jamais égalée : la photographie.

En 1851, la Société héliographique [l’héliographie est le nom donné par les français à la photographie naissante] voit le jour. Parmi ses membres fondateurs, on trouve Léon de Laborde qui participe aussi à la Commission des Monuments historiques. Celle-ci confie à cinq photographes, Gustave Le Gray, Mestral, Edouard Baldus, Hippolyte Bayard et Henri Le Secq, la mission de photographier tous les édifices d’une certaine importance historique. La Lumière, première revue consacrée à la photographie, dont le premier numéro paraît le 9 février 1851, se fait l’écho de cette « mission héliographique ».

Rue Sainte-élisabeth, actuelle rue Maréchal Foch.

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Place du Château en 1866, avec le bâtiment de la Bourse du Travail, détruit en 1963. Le quai de l’Île. Les maisons existent toujours, elles ont accueillis une auberge.

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Deux vues de la place des Promenades Populle.

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Le couvent des Capucins dominait la rue Impériale [actuelle rue Jean-Jaurès]. Sur son emplace-ment, seront construits l’hôtel de ville (en 1865) puis le théâtre (en 1885). Au premier plan à droite on distingue la place de la Paix avec le café qui deviendra la Taverne Alsacienne.

Page de doite : la rue de Mably [actuelle rue Alexandre Roche].

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Cour intérieur Lycée Jean Puy.Page de gauche : l’arrière du Lycée Jean Puy.

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La rue du Marais - quartier de la gare.

à l’été 1875, Geoffray s’installe à Paris avec sa femme et son fils (qui travaillera un temps avec lui). Il écrit le 17 septem-bre une lettre au Ministère de l’Intérieur « […] j’ai l’honneur de vous informer que j’ai acquis pour les établir chez moi rue d’Enfer 40 à Paris deux presses à satiner les épreuves photographiques et une presse lithographique petit modèle pour étudier la photo-lithographie ». Pour la première fois, la signature de sa lettre s’accompagne de la mention « ama-teur photographe ». Geoffray a donc bien abandonné défi-nitivement ses professions d’avocat et de banquier, mais ne se considère pas pour autant photographe professionnel.

Une « Société iconographique » est créée constituée de Stéphane Geoffray, alors 92 boulevard Port-Royal, associé à Fleury-Hermagis, opticien 18 rue Rambuteau, et à Firmin Julien Delangle, artiste peintre 86 rue Notre-Dame-des-Vic-toires. mais l’entente ne se fait pas et la société est dissoute le 23 mars 1878.

De 1879 à 1881 il publie Iconographie des départements (Loire) sous la signature « Geoffray et Cie, 15 rue Campa-gne Première » (certaines planches sont signées F. Geoffray : pour Félix, son fils ?), et en 1880 Les maîtres graveurs, pein-tres, sculpteurs de tous les pays, de toutes les époques.

Il n’abandonne pas pour autant la photographie et en 1880, il collabore à une éphémère revue, (elle n’aura que 4 numé-ros) Le monde des sciences appliquées aux arts et à l’indus-trie : il s’occupe des rubriques « revue photographique » et « mouvement scientifique en province ». Le 14 décembre 1881, il est accepté comme membre de la Chambre syndi-cale de la Photographie.

Puis il envisage à nouveau la formation d’une autre société, constituée des mêmes membres, pour l’édition de L’œuvre complète de Rembrandt, en héliogravure. L’association n’a

pas plus de succès que la première tentative, elle est fina-lement dissoute. En 1891, il publie Répertoire des sceaux des villes françaises et en 1894 s’associe à l’imprimeur Le Vasseur pour publier le Répertoire des procès-verbaux des preuves de la noblesse des jeunes gentilshommes admis aux écoles militaires royale 1751-1797.

Le 15 novembre 1895 son fils décède, au domicile de ses parents 71 rue Cardinal Lemoine. Il est indiqué sur l’acte de décès « employé à la préfecture de police ».

Après la mort prématurée de son unique enfant, nous per-dons la trace de Stéphane Geoffray, l’un des grands maîtres du négatif sur papier, qui n’a pas encore trouvé sa vraie place dans l’histoire de la photographie.

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«

L’image photographique reste longtemps difficile à diffuser dans la presse et dans l’édition en général. Vers 1860-70, il est encore impossible de reproduire des pho-tographies dans des magazines illustrés, on se contente alors de coller des tirages originaux ou de faire réaliser des gravures « d’après photographie ». Les solutions semblent venir petit à petit grâce à des procédés photomécaniques.

La diffusion de l’image photographique

Stéphane Geoffray Le cas du Forez illustré

Le Forez illustré voit le jour dès le début de l’année 1874.

La revue paraît d’abord, le jeudi et le dimanche, sous le titre Roanne spectacle, du 15 février 1874 (n°1) au 12 mars 1874 (n° 7).

Chaque numéro présente le portrait d’un artiste, accompagné d’une épreuve sur papier albuminé, de petit format, en première page : elle est toujours signée « phot. Geoffray ». Ce seront ses seuls portraits connus.

Puis la revue, sous l’égide de son rédacteur en chef A. de martonne, prend le nom de Forez illustré : revue pittoresque et archéologique et s’oriente résolument vers l’histoire locale, l’archéologie et les beaux-arts de la région, agrémentée de biographies de personnages célèbres et de bibliographies. Il paraît le dimanche, du 22 mars 1874 au 26 décembre 1875.

Pour certains numéros, Geoffray rédige une courte notice historique, commentaire de la photographie, dans une rubrique intitulée « Notre photographie ». Plus rarement, il collabore à l’écriture d’articles, comme, par exemple, celui qu’il consacre à l’inau-guration de l’Hôtel de Ville de Roanne en 1875, ou à l’école d’Horticulture. Il est intéressant de noter qu’il n’hésite pas à réaliser spécialement des photographies pour ces articles. Pour l’intégrer à la page imprimée, il n’y a alors pas d’autres solutions que de découper l’épreuve photographique et de la contre-coller sur la feuille, et ceci pour chaque exemplaire. C’est la raison pour laquelle sur certains exemplaires d’un même numéro, les dimensions et le découpage de l’épreuve sont différents. Parfois, c’est la prise de vue qui est différente d’un exemplaire à l’autre.

Ces difficultés, en temps et en coûts, orientent tout naturellement Geoffray vers un procédé d’impression photomécanique combinant la netteté et la véracité du cliché photographique à la facilité d’impression par encrage de la gravure. à partir du 7e numéro de 1875, Geoffray remplace la photographie par l’héliotypie, ou phototypie, procédé mis au point par Poitevin en 1855.

« Roanne spectacle », n° 1, 15 février 1874.

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La collaboration de Stéphane Geoffray à la revue Forez illustré est capitale. Cette expérience confirme en effet son intérêt pour l’histoire et la nécessité de diffuser ses recherches. La photographie, alliée à l’imprimerie, lui apparaît comme le meilleur moyen de diffusion. Il décide de s’établir à Paris et de se consacrer à l’édition et à l’impression photomécanique.

L’héliotypie ou phototypie (1855-1930)Breveté en 1855 par Louis-Alphonse Poitevin (1819-1882), le procédé consiste à enduire une pierre lithographique d’une couche de gélatine bichromatée photosensible. La gélatine est expo-sée à la lumière en contact avec le négatif photographique à imprimer. Le bichromate s’oxyde et durcit la couche de gélatine en proportion de la lumière reçue : dans les parties insolées au maximum (blancs du négatif = noirs de l’épreuve sur papier), la couche de gélatine devient im-perméable et laissera l’encre s’attacher au tirage ; à l’inverse, dans les parties peu insolées (noirs du négatif = blancs de l’épreuve sur papier), la couche de gélatine reste perméable et repoussera l’encre au tirage. Après l’avoir lavée et séchée, on encre la pierre. L’impression se fait sur papier humide, sur une presse lithographique ; c’est le procédé photomécanique le plus utilisé jusqu’en 1930 pour l’illustration à grand tirage, par exemple les cartes postales. La photo-lithographie est un procédé très voisin.

Deux épreuves différentes pour un même numéro.

Le « Forez illustré » : sur cette photo contre-collée, le nouvel hôtel de ville jouxte encore l’ancien couvent des Capucins.

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Victor Thomassot (1869-1930 ?) et l’édition de cartes postales

Né à Coutouvre en 1869, Victor Thomassot vient à Roanne en 1896. Il travaille avec Félix Longère avant de reprendre son studio de photographie de la place de l’Hôtel de Ville, près du Théâtre, en 1897.

Il s’associe ensuite avec un certain Giraud pour y implanter la « Photographie moderne ». Puis il crée un nouveau studio, « Photographie des Arts », au 52 rue Nationale [actuelle rue Jean Jaurès] vers 1911, toujours avec Giraud.

Il est répertorié dans les annuaires de Roanne comme « ven-deur d’appareils de photographie » de 1910 à 1915.

Photographe à « l’atelier de construction » (c’est-à-dire à l’Arsenal) à partir de 1921 et en 1926, il est aussi reconnu pour ses travaux photographiques destinés à l’éditeur de cartes postales roannais Lafay-Besacier.

Habile portraitiste, il n’en dédaigne pas pour autant la prise de vue de paysages et couvre la vie publique roannaise. Il participe volontiers aux expositions organisées à Roanne, notamment à l’Exposition internationale d’art photographi-que et concours du 10 au 27 juin 1897 où il expose six portraits, ou à l’Exposition nationale de photographie du 28 mai au 9 juin 1930. Il est membre du bureau de la section photographie du Photo-Radio-Club roannais.

On ne connaît pas à ce jour la date exacte de son décès, après 1930.

à gauche : l’atelier de Thomassot. Carte postale éditée à partir d’une photographie de Bouléry.

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La carte postale (à partir de 1873…)

Officiellement créée en 1869 en Autriche-Hongrie, il faut attendre 1873 pour que la « carte-poste » voit le jour en France, même s’il existait déjà des cartes « semi-officielles » émises notamment par la Croix-Rouge dès 1870.

La carte postale documentaire a son âge d’or entre 1900 et 1918. Avant 1904, le verso est en-tièrement réservé à l’adresse : seul le recto reçoit la correspondance et l’illustration, le plus souvent en lithographie ou en phototypie.

Si celle-ci perdure, on voit apparaître l’utilisation de la photographie grâce au papier à dévelop-pement chimique par bain de révélateur lié au procédé gélatino-argentique.

Ces papiers barytés, photosensibles prêts à l’emploi, peuvent être pré-imprimés au dos : les parti-culiers, notamment les commerçants, produisent dès lors leurs propres cartes, à usage publicitaire. mais le seuil de rentabilité, passé après la guerre de 1918 de 300 à 3 000 exemplaires, in-terdit de plus en plus la création de cartes postales liées à un événement local. Il faut désormais éditer des documents susceptibles d’être vendus sur un large territoire. De plus, l’usage de plus en plus répandu du téléphone et une presse locale illustrée mettent à mal l’édition locale des cartes postales : on éditera, dans les villes moyennes, 10 fois moins de cartes entre 1918 et 1975 qu’entre 1900 et 1918.

à Roanne, le plus grand éditeur de cartes postales est Lafay-Besacier, dont la librairie se situe au 21 de la rue de la Sous-Préfecture ; après sa mort vers 1910, sa veuve poursuivra ses activités. Parmi les photographes, outre Thomassot & Giraud, on relève le plus couramment les noms de Bonin, Boffety, Mme Bouléry, Fargeton et Henry. Jean Dessendier ne dédaigne pas non plus la carte postale.

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La photographie va bouleverser la représentation même de la guerre dans l’inconscient col-lectif. La « vérité des images » n’épargne rien ni personne et rend compte de la crudité de la mort violente, de « la terrible réalité de la guerre », faisant table rase des clichés de « guerre en dentelles ». Le pouvoir de la presse s’affermit avec la photographie à tel point que la reine Victoria, interdira la représentation de soldats morts pendant la guerre de Crimée (1854), premières photographies du genre. Le premier reportage de guerre est couvert par le photo-graphe américain Brady, autorisé à suivre les troupes engagées lors de la Guerre de Séces-sion (1861-1865). En France, 1870 voit la création du premier service photographique de la préfecture de police de Paris, dix ans avant le système anthropométrique mis au point par Bertillon. La propagande s’emparera rapidement du « phénomène » photographique : les portraits des gardes nationaux tués pendant la Commune de Paris en 1871 circuleront sous forme de photo-carte de visite.

Pendant la Grande Guerre, la diffusion de clichés des conflits est strictement encadrée. Seuls les opérateurs des services photographiques de l’armée peuvent réaliser des prises de vue. Or, la presse illustrée en plein essor réclame des images, qu’elle n’obtient bien souvent qu’auprès de ces amateurs.

De nombreux soldats, tels Raoul martin, avaient glissé un appareil photo dans leur barda, attentifs à fixer une histoire en marche ou tout simplement témoigner.

Photographier pour témoignerLa guerre et l’image photographique

Maisons bombardées - plaque en verre non légendée (sans lieu ni date), cliché Raoul Martin. (Collection privée).

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Raoul Martin (186�-1933)

Le poilu Raoul Martin. (Collection privée).

Fils d’Auguste-Gustave Martin créateur d’une filature hydrau-lique de cretonnes à Riorges vers 1860, puis directeur de l’usine de tissage de cotonnades Déchelette, au Coteau, en 1870, Raoul Auguste naît à Roanne le 23 août 1886. Il fait ses études au lycée de Roanne puis à Saint-Etienne. Il est flûtiste à la Société Philharmonique de Roanne avant d’en devenir le trésorier puis le président vers 1929.

Il est mobilisé dès le début de la guerre : il a 28 ans et servira comme infirmier au 298e Régiment d’Infanterie. Le 298e R.I. est formé de deux bataillons du 98e R.I. stationnés à Roanne. Il fait partie de la 63e division de réserve, ratta-chée au 7e corps d’Armée. Le 11 août 1914, Raoul martin quitte Roanne pour les fronts d’Alsace, puis de la marne (septembre). Parmi ses campagnes : Les Eparges (meuse, septembre 1914-avril 1915), Verdun (février-octobre1916) et le Fort de Vaux (juin), La Chapelotte (Vosges 1917 : gaz de combat, lance-flammes, électrification des barbelés), puis batailles de la Somme, Argonne (septembre-novembre 1917) Soissons (avril 1918). A la fin de la guerre, le 298e a perdu 1200 hommes sur 2000.

Le reportage de ses campagnes est riche de 300 plaques de verre en négatif, vues stéréoscopiques de petit format (4, 5 x 10, 5 cm.) réparties dans 28 boîtes d’origine. Certaines vues sont « soigneusement » conservées dans leur papier cris-tal sur lequel sont « minutieusement » inscrits à l’encre, de sa

main, un certain nombre d’indications sur leurs conditions de prise de vue (le lieu, la date de la prise de vue, des indications techniques comme l’état du ciel, le temps de pose …). Ces précisions les rendent plus précieuses encore, et outre leur in-déniable intérêt documentaire, elles créent un lien d’intimité avec le photographe nous faisant partager sa douloureuse expérience. On relève ainsi par exemple : « La Chapelotte – Un des postes d’écoute établi à 30 m. des Boches où le jour seulement deux hommes accroupis assument la garde de toute la ligne – 6 Juin [1917] – 13 h. - Ciel A – F : 20 – Pose : 1/10’’ »

Raoul martin est cité à l’ordre de la Division en juin 1916 et à l’ordre du Régiment en 1918 pour sa bravoure :

« Infirmier d’un dévouement à toute épreuve, a prodigué ses soins à ses camarades intoxiqués par les gaz, jusqu’à ce qu’il fut devenu lui-même complètement aveugle par œdème des paupières ». Cette cécité est heureusement passagère.

De retour à Roanne, il devient représentant en produits chimi-ques pour l’agriculture avant de diriger une agence de la com-pagnie d’assurance, L’Union, au 59 de la rue Jean-Jaurès.

Il décèdera à Roanne le 14 février 1933.

En haut :Demi-vue stéréoscopique :

Verdun - Côte du Poivre Camp Nicolas,

8 janvier [sans date] - 10 H En bas :

Demi-vue stéréoscopique : non légendée,

sans lieu, ni date.(Collection privée).

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Vues stéréoscopiques (1850-1930)

Ce sont les premières diapositives destinées à être vues par transparence ou pro-jetées. Sur verre puis sur carton de différents formats, elles nécessitent une vision-neuse, le stéréoscope, ou un appareil de projection stéréoscopique. Désespérant d’intéresser des opticiens ou des photographes de son pays, l’écossais David Brewster (1781-1868) vient à Paris et le fait fabriquer par les opticiens Soleil [sic] et Duboscq en 1851. De retour à Londres, il le présente à l’Exposition Universelle où l’intérêt de la reine Victoria elle-même lui assure un formidable succès.Son principe repose sur l’utilisation de deux objectifs sur un même appareil de prise de vues se déclenchant à quelques secondes de décalage. On obtient ainsi une image à deux vues (une vue droite et une vue gauche). Par illusion d’optique, l’œil lit cette double image en relief.

Maisons bombardées - vue stéréoscopique. (Collection privée).

Demi-vues stéréoscopiques : non légendée, sans lieu, ni date.

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Claude Dethève (186�-1936)

La photographie exotique

La médiathèque de Roanne conserve dans ses collections iconographiques un album de 271 photographies et 502 cartes postales rassemblées lors des différentes missions en Afrique et en Asie de Claude Dethève, médecin dans le corps de santé des troupes coloniales.

Celui-ci naît à Roanne en 1867.

En 1889, il a alors 22 ans, il intègre l’école de médecine Navale de Toulon en tant qu’élève du Service de santé de la marine. Il passe sa thèse de médecine à Bordeaux le 5 janvier 1894.

Commence alors sa carrière dans les colonies : de 1894 à 1898, il part en campagne à Obock (territoire de Djibouti), puis à madagascar et au Tonkin, premier contact avec l’Extrême-Orient. En effet, en 1898, il est envoyé en Chine en tant que médecin de la légation française en rem-placement du docteur matignon.

Le18 octobre de cette même année, il est appelé au chevet de l’empereur Kuang-Hsu, alors sous la surveillance de sa tante l’Impératrice douairière Ci Xi, pour un examen médi-cal : il relate à sa mère le 22 octobre le « cérémonial im-posant […] un européen n’avait jamais encore touché un Empereur […] Une grande difficulté a été l’auscultation : l’Empereur n’étant touché que par des eunuques ».

Boite de rangement de diapositives stéréoscopiques.

Stéréoscope « Mexicain », permettant de visionner des cartes.

Stéréoscope de table Educa.

Stéréoscope portable pour diapositives.

Matériel stéréoscopique des années 1900-1930.(Collection privée).

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Sans grande illusion mais avec une grande lucidité, il pour-suit par ce commentaire :

« L’Empereur voudra-t-il user de médicaments j’en doute beaucoup, je crois plus que cette démarche a été faite par l’Impératrice pour montrer que l’Empereur était bien vivant et contredire les journaux anglais qui annonçaient sa mort ou son empoisonnement ».

Cette entrevue fera la réputation du docteur Dethève dans les différentes légations et en France au sein du ministère de la guerre. Elle lui vaudra le grade de chevalier de la Légion d’honneur.

En 1899, le docteur matignon reprend son poste. Dethève est alors détaché à Changxindian, près de Pékin, sur le chantier de construction de la ligne de chemin de fer Pékin-Hankou : il y reste jusqu’en 1906.En juin 1906, retour en Afrique où il est détaché à l’hôpital de Dakar.

En juillet 1911, il rejoint l’hôpital de Hanoï, et en 1912, il rentre en métropole et participe à la Première Guerre mondiale, sur le front de l’Est jusqu’en 1917.

Il revient définitivement à Roanne en 1921 et meurt en 1936.

Le docteur Dethève en pousse-pousse à Haïphong, en 1897, (photo du haut)

et en filanzane à Madagascar en 1896, (photo du bas).

Page de droite : « Un touriste et ses trois guides à l’ascension », photographie de l’atelier Bonfils.

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Ci dessus : « Un harem ».Ci-contre : « Port-Saïd, femme arabe ».

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Son album de photographies se compose de tirages posi-tifs sur papier albuminé contrecollés, de tirages de petites dimensions (60 x 80 mm) faits par Dethève lui-même ou de photographies de studio (220 x 280 mm) achetées sur pla-ce. On retrouve en effet, les noms d’ateliers célèbres comme Bonfils ou Langaki, ou des idéogrammes de photographes chinois ou japonais travaillant en Chine estampés au verso des tirages. On y trouve aussi une photographie aquarellée « dans le genre Felice Beato ».

Ces clichés privilégient souvent le côté pittoresque (temples, petits métiers de rue, processions, exécutions publiques, portraits de femmes aux « petits pieds », geishas, femmes africaines aux seins nus) qui semble exercer sur l’imaginaire occidental masculin une certaine fascination, comme un écho des témoignages de ces voyageurs du XIXe siècle, militaires, journalistes, écrivains, diplomates, qui ne manquent pas de souligner le retard et le repli de la Chine ou de l’Afrique.

Ci-dessus : « Pékin, perruquier en plein vent ».Ci- contre : « Pékin sous la neige ».Page de droite : « Femme chinoise et son enfant ».

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Félix Bonfils (1831-1885)

Il apprend la photographie avec le neveu de Niépce, Niépce de Saint-Victor. Il s’installe en 1867 à Beyrouth et parcourt le Moyen-Orient (Egypte, Palestine, Syrie). Il propose aux voya-geurs occidentaux un fonds de photo-graphies riche de 15 000 tirages et 9 000 plaques stéréoscopiques Il pu-blie en 1872 un album de 100 pho-tographies du Proche-Orient, vendu dans le monde entier, et en 1876, une série de cinq albums Souvenirs d’Orient : albums pittoresques des si-tes, villes et ruines les plus remarqua-bles. Son fils Adrien (1861-1929) lui succède. mais en 1880, la carte pos-tale fait son apparition. L’atelier ferme définitivement en 1938.

Felice Beato (1834-1903)

Ce célèbre photographe anglais d’origine vénitienne introduit en 1863 les techniques photographiques au Ja-pon. Il installe un studio à Yokohama, associé au dessinateur Charles Wirg-man, qui l’initie à la pratique de la photographie coloriée à la main.

Page de gauche : « Tamatave, femme Betsimisaraka ».Ci- contre : photographie coloriée à la main.

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La photographie d’amateur

« Le canotage » cliché Paul Forest. (Collection privée).

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La pratique de la photographie amateur apparaît très tôt. Toutefois elle reste réduite à une classe bourgeoise aisée. Qui a en effet les moyens de s’acheter le matériel nécessaire aux prises de vue et surtout la place d’installer un véritable studio ? Il faut attendre les années 1880-90 pour voir une augmenta-tion significative de la pratique amateur, liée à une évolution déterminante de la photographie.

En effet, l’arrivée des émulsions au gélatino-bromure d’argent, plus commodes et plus rapides, constituera dans les années 80 un véritable tournant dans la pratique mais surtout dans la fabrication qui passera à un stade industriel, en témoigne l’essor des Industries Lumière, spécialistes de la plaque sè-che. Simultanément, les appareils se réduisent en taille et en poids ; les studios de photographie élargissent leur acti-vité à la vente de ce matériel. C’est une évolution complète du processus photographique : de la prise de vue jusqu’au développement. Ces facteurs permettent d’envisager la pho-tographie quelque peu libérée des contraintes du studio, elle devient plus attirante et s’attache à aborder de nouveaux terrains : paysages, monuments, …

L’amateur de cette fin du XIXe siècle n’est pas encore le « photo-graphe du dimanche » qui s’attache à fixer les petits et grands moments de la vie familiale. L’amateur a du temps, des moyens, issu de cette bourgeoisie libérale, et surtout un esprit instruit et curieux des changements de l’activité photographique ; c’est souvent un technicien compétent et exigeant. Il pratique sa pas-sion bien souvent au sein d’un club. à partir de 1880, on assiste à la multiplication des sociétés de photographie.

Au nombre de trente sept en 1892, elles dépassent large-ment la centaine vers 1905. à ce titre le photo-club de Roanne semble presque exemplaire de cette activité socié-taire qui se développe alors autour de la photographie.

Le Photo-Club roannais, « société d’amateurs de photogra-phie » fut fondé en 1895 ; son premier président est Paul Roustan et son siège est installé rue du Phénix dans l’immeu-ble de marc Verrière. Son objectif est de « rapprocher les amateurs de photographie de la région et de leur fournir tous les moyens spéciaux -instruments, local approprié- qui ne sont accessibles qu’aux collectivités ». Dès la création, un laboratoire et un atelier sont mis à la disposition des membres. La présidence passe ensuite au docteur Bertrand, avec Paul Forest comme secrétaire. Dès 1896, Roustan pu-blie un album pour les membres du photo-club rassemblant douze photographies grand format représentant les sites et monuments les plus intéressants de Roanne et des cantons voisins. L’événement principal demeure l’organisation d’un grand concours ou d’une exposition.

En 1897, le Photo-Club roannais se lance dans l’organisa-tion d’une grande manifestation rassemblant une exposition internationale d’art photographique, un concours ouvert à tous les photographes amateurs et professionnels, une expo-sition de peinture, une section réservée aux reproductions industrielles (photolithographie, héliogravure, …), une expo-sition de nouveaux matériels photographiques.

La fête en l’honneur de la photographie ne serait pas com-plète sans la programmation de conférences, projections et

La photographie d’amateur à RoanneUn photo-club exemplaire

Le gélatino-bromure d’argent (1878-1940)

Découvert dès 1871 par Richard Leach maddox, ce procédé met fin, à partir des années 1880, à la do-mination de la technique du collodion et constitue un progrès considérable par sa rapidité d’exécution et sa facilité d’utilisation. La plaque de verre est enduite de tous les ingrédients nécessaires (gélatine, bromure de potassium et nitrate d’argent) et la sensibilité s’en trouve accrue. Elle s’utilise sèche, d’où son nom de « plaque sèche ». Les émulsions sont préparées indus-triellement et vendues prêtes à l’emploi. Les temps de pose permettent de faire de la photographie « instan-tanée ». Cette technique va révolutionner l’industrie de la photographie et surtout la pratique amateur qui va toucher un très large public.

activités récréatives, du type vues stéréoscopiques, ombres chinoises, rayons Roentgen.

En 1904 m. muron banquier est alors président, et le photo-club déménage à la Chambre de commerce où un vaste local et un laboratoire complet lui sont dédiés. Son activité va cesser avec l’arrivée de la Grande Guerre, ses locaux sont affectés à d’autres usages et le matériel est confié à la Société des Amis des Arts.Ce n’est qu’en 1925 que quelques amateurs se donnent la tâche de reconstituer le photo-club. Les passionnés de photographie alors fort nombreux vinrent rapidement grossir ses rangs. Très vite la société comptera plus de 130 mem-bres sous la présidence du docteur Chevalier. Les activités sont multiples : réunions hebdomadaires les jeudis soir, excursions, projections, conférences diverses et variées (découvertes patrimoniales, découvertes et vertus des avan-cées techniques, histoire, voyages…).

L’association fait l’acquisition d’un appareil de projection et d’un grand écran de 9 m2 dédiés aux conférences et aux projections de clichés de tous les coins de France et du monde entier réalisés par ses membres.

Détail de la couverture de l’Album publié par le Photo-Club en 1896.

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Les abbés monot donnent régulièrement des conférences historiques avec projections. Des invités plus prestigieux sont également conviés comme, par exemple, Alexandra David-Néel en janvier 1926 sur « le Tibet interdit ».

à partir des années 30, une bibliothèque est également mise à disposition des membres et des cours pratiques de photographie sont donnés régulièrement pour les néophytes.

Les sujets sont variés : le développement, le tirage sur papier, l’agrandissement, les appareils, la photographie en couleur, les autochromes. Les membres assurent également des repor-tages lors de manifestations, comme lors de la Fête fédérale de la fédération française de gymnastique en 1939.

Sorties des membres du photo-club en 1930 à Yseron et au Pilat .

Une section radio est créée ces mêmes années, et la société prend alors le nom de Photo-Radio-Club. On parle égale-ment de la formation prochaine d’une section consacrée au cinématographe.

L’activité est foisonnante et l’organisation d’expositions et de concours reprend :

- Une première exposition en 1928, au siège de l’associa-tion à la Chambre de commerce et l’Exposition nationale de photographie en 1930, avec la participation de sociétés photographiques venues de toute la France, qui se déroulera dans la salle des fêtes de l’hôtel de Ville.

Exposition de 1930.

Catalogue de l’exposition internationale organisée par le Photo-Club en 1897.

- le Salon d’art photographique en 1933, avec des parti-cipations étrangères, une exposition rétrospective roannaise « avec des clichés de plus de 25 ans », une exposition de photographies criminelles et d’anthropométrie, démontrant l’intérêt de la photographie, en particulier pour l’identification

(tatouages, empreintes digitales). La qualité de cette exposi-tion est largement soulignée par la presse

- le 3e Salon d’art photographique en 1937, avec des clichés envoyés du monde entier.

Ces années sont également marquées par un essor impor-tant de la photographie amateur en dehors des cercles as-sociatifs. Des photographes sans connaissances techniques particulières apparaissent, dont la pratique s’exerce au sein du cercle familial, ou à la recherche de l’occasionnel. Le dé-veloppement du tourisme accompagne cette évolution. Des commerces spécialisés uniquement dans la vente d’appareils photographiques ouvrent à Roanne au début du siècle et se développent dans les années 30. La photographie se répand largement, devient à la portée de tous et l’activité des clubs amateurs périclite. Cette photographie prend vraiment son es-sor avec la révolution apportée par Kodak avec sa devise explicite « pressez sur le bouton, nous faisons le reste », qui permet une production photographique de masse à un faible coût.

Le Photo-Club roannais connaîtra une nouvelle reprise dans les années 50 avec la création d’une section ciné-club. Il est toujours en activité en 2008.

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L’autochrome (1907-1935)

Première diapositive en couleurs sur pla-que de verre inventée par Louis Lumière en 1904, industrialisée et commercialisée dès 1907. Son principe repose sur l’emploi de particules de fécule de pomme de terre co-lorées en orange, violet et vert déposées en une seule couche sur la plaque de verre re-couverte d’abord par une couche de vernis puis par une émulsion sensible. Après déve-loppement, l’autochrome peut être visionné par projection sur un écran.

La fécule de pomme de terre était fabriquée, à Juré, près de Roanne, à la féculerie de Francisque Demure. 2 à 3 % de sa produc-tion étaient ainsi réservés pour la fabrication des autochromes puis acheminés, par la gare de Saint-Turnin, jusqu’aux usines Lumiè-re, quartier Montplaisir à Lyon.

« L’Angelus pendant les fenaisons dans le Roannais », Melle Laurence Boyer, Exposition Photographique Internationale, du 10 au 27 juin 1897.

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Série d’autochromes anonymes par le Photo-Club Roannais.

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Sortie du Photo-Club à la Bastie d’Urfé, cliché Paul Forest. (Collection privée). Cueillette des cerises, cliché Chevalier.

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Défilé de la Loire à Saint-Jean-Saint-Maurice. (Collection privée). Jeune femme et enfant lisant sur le balcon, cours de la République, cliché Paul Forest. (Collection privée).

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Paul-Emile Roustan (1851–1916)Né le 25 juin 1851 à Avignon, il part au Cambodge vers 1870 pour échapper à la conscription. Il devient très vite conseiller du roi du Cambodge, Norodom, pour lequel il sert d’intermédiaire pour l’installation d’entreprises. Il rentre en France en 1878 à la faveur d’une amnistie. Il s’installe à Roanne, dont sa mère était originaire, et fonde associé avec Ferlay vers 1885 une imprimerie : La Grande Imprimerie forézienne. Il imprime Le Forez illustré et se spécialise dans l’impression des catalogues pour les grands magasins parisiens. Il fonde en 1902 L’Indépendant de Roanne, publié jusqu’en 1910. Collaborateur de la revue Le Roannais illustré, ce sont surtout ses héliographies et ses photolithographies qui illustrent la plupart des numéros, comme ceux de 1884 à 1885 et de 1895 à 1903.

Portail de l’ancienne sous-préfecture, rue de Cadore, démoli en 1884 [ancien Hôtel Saint-Polgues].

Le château de Fontval, propriété de Paul Roustan,jouxtait l’imprimerie (cf. gravure ci-contre).

La photographie est donc au centre de son activité et c’est tout naturellement qu’il devient le pre-mier président du Photo-club roannais.

Il préside le comité organisateur de l’Exposition internationale d’art photographique et concours du 10 au 27 juin 1897, organisé par le Photo-club, dont il est membre du jury d’admission en tant que directeur du Roannais illustré, exposant lui-même des agrandissements de portraits et une scène de chasse

Paul Roustan est également connu dans le Roannais pour la construction du Château de La Roche à Saint-Priest faite sur les ruines d’une ancienne ferme fortifiée.

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Auguste Tachon (1888–1954)Né le 28 mai 1888, pharmacien installé rue Brison, Auguste Tachon est un fidèle du Photo-Club de Roanne. D’abord président de la section photo dès 1930, il prend la présidence du Photo-Club en 1933. Investi dans la vie publique de sa ville, il est aussi président du Cercle Saint-Louis et président du Syndicat d’initia-tive. Il décède le 27 novembre 1954.

Paul Forest (1863–1911)Il est secrétaire général du Photo-club de Roanne dès sa fondation par Paul Roustan. Industriel, il dirige la maison Forest-Deschamps, située rue Saint-Alban, in-dustrie de tissage spécialisée dans la fabrication de cotonnades et zéphirs. Son activité au sein de l’asso-ciation est importante et soutenue lors de l’organisa-tion des expositions et concours, assistant Paul Rous-tan, puis dès 1896 le nouveau président le docteur Bertrand. Il expose une série de paysages lors de l’exposition internationale de photographie en 1897.

Sortie du Photo-Club de Roanne - 1900 - photographie Paul Forest. (Collection privée).

Robert Forest (1902–19��)Fils de Paul Forest, Robert Forest rejoint très tôt le Photo-Radio-Club Roannais, dans la section radio d’abord, puis il devient en 1933 vice-président de la section photo, avant d’être bibliothécaire de l’association. Il participe dans les années 30 à de nombreux concours à Roanne, dans toute la France et même à l’étranger.

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Ci-dessus : verso d’une épreuve de Robert Forest, portant des mentions d’expositions.

Ci-contre : « Coin de cirque », 1932, cliché Robert Forest. (Collection privée).

Page de gauche : « Contre-jour, Bassin de Roanne », ca 1930. Cliché Robert Forest.(Collection privée).

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Marché, place Saint-étienne, cliché Paul Forest. (Collection privée). Page de droite : Le pont de la Loire,

l’abbaye de Charlieu, La place des Promenades Populle à Roanne. Clichés Photo-Club de Roanne.

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Daniel Chevalier (188�-1934)Né en 1886, docteur en médecine, radiologue à Roanne il est fortement impli-qué auprès des associations d’entraides catholiques telles que Les Brancardiers de Lourdes du Roannais. Actif de 1914 à 1934, passionné de photographie, il est membre du Photo-Club. Début août 1914, il part comme médecin auxiliaire au 98e d’Infanterie. Il réalise quelque 300 clichés lors de la guerre de 1914-1918, photographies de combats en Artois, dans la Somme, dans les monts de Champagne, en Argonne ou à Verdun, des fronts italien et belge, et aussi de l’Armée d’Orient.Mais ses sujets de prédilection sont la photographie de paysages qu’il rapporte de ses nombreux voyages en France, du Mont-Saint-Michel, de Bretagne, du Val de Loire, de Paris et de Versailles comme de marseille, de la Côte d’azur, sans oublier le Sud-Ouest et plus précisément Lourdes où ses activités charitables le conduisent. Il ne délaisse pas pour autant les régions qui lui sont familières comme la Saône-et-Loire et le Beaujolais et, bien sûr, Roanne et le Roannais. Passionné par la vie sportive locale, il laisse des témoignages photographiques précieux sur les meetings aériens, les concours de gymnastique et les courses automobiles, comme celle du Circuit du Rhône aux Echarmeaux en 1914. Il décède le 13 mai 1934.

Cabinet de radiologie du docteur Chevalier.

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Les abbés Monot (Pierre 1882–19�� et Henri 1886-1969)

Il est difficile de dissocier le tandem des frères Monot, Pierre (1882-1977) professeur de sciences et Henri (1886-1969) professeur d’histoire, tant ils sont complémentaires et associés dans de nombreuses activités. Ils enseignent tous deux à Saint-Gildas (Charlieu), puis à Saint-Joseph (Roanne) ; collaborent aux Amis des Arts de Charlieu, à la Diana et à la Société Linnéenne. Ils pratiquent la photographie amateur à visées pédagogiques et instructives, mais également s’adonnent à des recherches techniques qui aboutissent à la mise au point de positifs sur verre qui illustrent les conférences qu’ils donnent régulièrement au Photo-Club roannais : Pierre prend en charge les images et Henri, érudit, passionné d’art roman, le commentaire. Henri monot publie en 1934 un livre sur Charlieu et de nombreux articles d’art et d’archéologie. Pierre monot est vice-président du Photo-Radio-Club de 1930 à 1937. Le musée Nicéphore Niépce (Chalon-sur-Saône) conserve aujourd’hui un ensem-ble de plus de 3 800 plaques des frères monot et de leur ami Victor Thomassot, photographe installé place de l’Hôtel de Ville et lui aussi membre du Photo-Club.

(Collection privée).

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émile Noirot (1853–1924)

émile Noirot est né le 6 juin 1853 à Roanne. Artiste peintre hors-concours, élève de son père, de Français et de Frémiet, il enseigne au collège de Roanne avant de se consacrer exclusivement à la peinture.

Il est exposant du salon des Champs-Elysées, mem-bre de la société des artistes français hors-concours, officier d’Académie.

En 1897, il est président du jury d’admission, en tant qu’artiste peintre, de l’Exposition internationale d’art photographique et concours, il est également cité comme exposant.

Pratiquant la photographie dans le cadre de son activité picturale, mais aussi en tant que collabo-rateur du Roannais illustré, il est un des témoins privilégiés de l’évolution de Roanne au début du XXe siècle.

Il a réalisé une exposition de ses œuvres (compor-tant des photos ?) et de celles du sculpteur C.-L. Picaud en juin 1906, salle Noirot, 15 rue Bayard.

En 1920 émile Noirot quitte Roanne pour Bourzat (Allier), où il décèdera le 5 juin1924.

Portrait d’émile Noirot, photo-carte Dessendier. Le bassin du canal.

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Ci-dessus : la gare de Roanne.

Page de gauche : la rue Charles de Gaulle.

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Ce dictionnaire recense les photographes professionnels, ayant un studio à Roanne, sur la période 1840 à 1940. Il est composé de deux parties : un dictionnaire imagé des photographes dont nous avons trouvé des clichés et une liste complémentaire de photographes pour lesquels nous n’avons pas trouvé pour l’instant d’épreuves.Il est le résultat d’un travail de recensement mené à partir des photos-cartes elles-mêmes, de diverses sources d’ar-chives, de la presse locale. Il n’a pas la prétention d’être exhaustif ; c’est un premier état établi à partir des collec-tions auxquelles nous avons pu avoir accès et qui nous l’espérons sera complété par des recherches ultérieures. Les dates données pour certains photographes sont donc à prendre avec précaution ; toutefois nous avons tenté de faire le maximum de recoupements et de faire figurer à chaque fois une à plusieurs photographies sorties de chaque atelier.

dictionnaire imagé

Page 78: Aux premiers temps des photographes

augagneur (1841-?)

Léon Augagneur, place de la Loire, près le Pont [quai Cdt L’Herminier].Présent dans les annuaires de 18�6 et 1885.

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augagneur et chabaut

Photographie moderne, 5 rue Nationale [rue Jean Jaurès].

berger

Berger Jean, photographe. petite rue Sainte-Elisabeth.Jean-Constant Berger est né en 1854.

en activité en 1882.Membre du comité d’organisation du Deuxième Salon International

d’Art Photographique du � mai 1933.

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bernay (1866-?)

A. Bernay, Roanne, successeur d’Antonin Dubuis.Auguste Bernay est né en 1866 à Coutouvre, marié à émilie, née à Roanne en 18�9, lingère.

Il est recensé en 1911 comme photographe professionnel salarié chez Dessendier.

boffety (1874-?)

F.Boffety, 5 rue Jules Janin.François (Francisque) Boffety, né à Roanne le 12 novembre 18�4,

fils de Jean-Claude Boffety, confiseur. Travaille chez émile Dessendier de 1906 à 1912 (ou 1921 ?).

Inscrit comme employeur au recensement de 1921, au 5 de la rue Jules Janin, s’associe à Jean Gouttebaron (date incertaine) et cède son atelier à Georges Picard en 1928.

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Page 81: Aux premiers temps des photographes

boffety et gouttebaron

Photographie artistique Boffety & Gouttebaron, 15 rue émile Zola.Médailles à Roanne en 189�, à Paris en 1912.

Figure dans l’annuaire de 1928.

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Page 82: Aux premiers temps des photographes

Médaille d’argent à l’exposition universelle de Lyon en 18�3.

Un atelier à Charlieu et une succursale à Thizy (en même temps ou avant Roanne ?).

Vernisse

A. Vernisse, Place d’Armes [place de la Paix].En activité de 1868 à 18�3.

Achard, Thoinon né en 1852 à Nîmes, actif en 1900 ; adresse atelier : 3� rue Poisson

Arnoux, Marcel né en 1914, actif en 1946 ; adresse atelier : 13 rue Jules Janin

Balamain, Arlin né en 1901, actif en 1935 ; adresse atelier : 10 rue du Président Wilson

Beaufty, Francisque actif en 1890

Beaune, Blanche née en 1904, active en 1920 ; travaille chez Hornet

Bérard, Jean actif en 18�5

Bigoureau, Adolphe né en 18�8 à Saint-Etienne, actif en 1920 ; adresse atelier : 112 rue Hoche

Buffard, Paul né en 18�8 à Paris, actif en 1925 ; travaille chez Hornet

Buisson, André né en 1925, actif en 1946 ; adresse atelier : 18 rue Victor Basch

Chamaraud, Claude né en 18�2 à Paray-le-Monial, actif en 1910 ; adresse atelier : 3� rue Arago

Chamaraud, Louis né en 1901 à Marcigny, actif en 1924 ; adresse atelier : rue Jacquard [employé chez Fejat, au Coteau, en 1931]

Chargnon actif en 1860 ; [portraits au collodion humide]Collas, Claudius né en 1882 à Neulise, actif en 1900, travaille chez Dessendier, puis en 1921 chez Boffety

Cortier, Jeannine né en 1919 à Ambierle, active en 1935 ; adresse atelier : 3 rue Petit Bravard [rue Bravard ?]

Cosme de Cossio actif en 18�0

photographes professionnels liste complémentaire

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Page 83: Aux premiers temps des photographes

Couturier, Marcel né en 188� à Bourg de Thizy, actif en 1925 ; travaille en 1926 chez Jean Dessendier, puis en 1936 chez Tronchet

Demontex actif en 1930 ; adresse atelier : rue Bellevue ; associé à Malaval ? participe à l’Exposition internationale d’art photographique du � mai 1933

Dubuis, Etienne-Marius né le 18 décembre 1911, fils d’Antonin Dubuis, actif en 1936 ; mort le 15 avril 1993 à Mably

Epinat, Louis né en 1850, actif en 1900 ; adresse atelier : 31 rue Lachambaudie

Faure actif en 189� à 1903 ; adresse atelier : 12 rue des Arts

Faure, Henry né en 1835, actif en 18�0

Giacomini, Antoine né en 1907 à Saint-Romain-le-Puy, fils de Robert Giacomini, marié avec Rollande Innocenti née en 1913 à Lyon actif en 1936 ; adresse atelier : 10 avenue de Paris

Guyenot adresse atelier : rue Alexandre Roche

Haney actif en 1909

Henry, Emile né en 1866, actif en 189� ; travaille beaucoup pour les éditeurs de cartes postales

Jourdier, Augustine née en 18�3, active en 1895

Labrosses, Claudius né en 1864 ; actif en 1880 ; adresse atelier : rue Saint-Jean

Langier, Charles né en 189� à Monaco, actif en 1920 ; adresse atelier : 2 place des Promenades

Laurent, François né en 18�5, actif en 1895

Mairet (ou Meret), Léon Jean-Baptiste né en 1850, actif en 1900 ; adresse atelier 48 rue du Lycée ; cité sur les annuaires de 1900 à 1909 à « Appareils de photographie ».

Malaval actif en 1930 ; adresse atelier : rue Bellevue ; associé à Demontex ? participe à l’Exposition internationale d’art photographique du 7 mai 1933

Martin, Joannès né en 18�� à Dancé, actif en 1905 ; adresse atelier : 3 rue Hoche

Mugner actif en 1860 ; portraits au collodion humide

Nazoyan, Hampartzoum né en 190� à Harpet (Turquie), actif en 1930, travaille chez Robert Lucas comme opérateur photographe en 1931

Orange, Charles-Claudius né à Lyon en 1893 ; actif en 1921 ; travaille chez Hornet ; se met à son compte en 1928 ; adresse de l’atelier : 33 rue du Commerce

Perrin, Denise née le 26 juillet 1926 à Roanne, active en 1946 ; adresse atelier : 2� rue de Villemontais

Persigny, Barthélémy né en 1882 à Saint-Paul-de-Vézelin, actif en 1920 ; adresse atelier : �8 rue de la Livatte

Petit, Antoine né en 1830, actif en 1880 ; adresse atelier : 21 rue Bel Air

Praneuf, Etienne né en 18�0, actif en 1900 ; adresse atelier : 4 rue des Cerisiers

Revon actif en 1950, successeur d’Antonin Marius Vergiat ; adresse atelier : 5 rue Jean Jaurès

Roustan, Henri né en 1876, fils de Paul-Emile Roustan, actif en 1896 ; habite impasse Fontval

Thevenin, A. opticien et photographe ; adresse atelier : 64 rue Nationale

Thoral, Jean Raymond né le 19 janvier 1904 à Roanne, actif en 1920 ; travaille chez Boffety comme opérateur photographe en 1921

Valentin, Andrée née en 1916, active en 1946

Veluire actif en 1860 ; portraits au collodion humide

Villeneuve, Gaspard actif en 1880

Vincent, Jean né le 30 avril 1869 à Roanne, actif en 1906 ; adresse atelier : 4 rue des Minimes

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Page 84: Aux premiers temps des photographes

Histoire et techniques de la photographie Dictionnaire mondial de la photographie : des origines à nos jours. Paris, Larousse, 1994.

L’Art de la photographie des origines à nos jours par André Gunther et michel Poivert. Paris : Citadelles & Mazenod, 2007.

Répertoire des photographes de France au dix-neuvième siècle par J.-m. Voignier. Le-Pont-de-Pierre, chez l’auteur, 1993.

L’Image révélée : l’invention de la photographie par Quentin Bajac. Paris : Gallimard : Réunion des musées nationaux, 2001 (Découvertes Gallimard).

La Photographie : l’époque moderne 1880-1960 par Quentin Bajac. Paris : Gallimard, 2005. (Découvertes Gallimard).

Figures et portraits par le Musée d’Orsay. Paris: Musée d’Orsay, Milan : 5 continents, 2006. (La photographie au musée d’Orsay). Ouvrage réalisé dans le cadre de l’exposition « Figures et portraits » présentée au musée d’Orsay du 7 mars au 4 juin 2005.

[Re]Connaître et conserver les photographies anciennes par Bertrand Lavédrine, avec la collaboration de Jean-Paul Gandolfo et de Sibylle Monod, préface de Michel Frizot. Paris, Editions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2007.

Le Daguerréotype français : un objet photographique par le Musée d’Orsay, le Metropolitan Museum of Art de New York, la Réunion des musées nationaux. Quentin Bajac et Dominique de Font-Réaulx, directeurs de publication. Paris : Edition de la Réunion des musées nationaux, 2003. Catalogue de l’exposition présentée par le Musée d’Orsay, Paris, 13 mai-17 août 2003, The metropolitan museum of Art, New York, 22 septembre 2003-4 janvier 2004...

La Photo-carte : portrait de la France du XIXe siècle par François Boisjoly. Lyon : Edition Lieux Dits, 2006.La Photographie stéréoscopique sous le Second Empire par Denis Pellerin. Paris, Bibliothèque nationale de France, 1995.Catalogue de l’exposition présentée par la Bibliothèque nationale de France, Paris, 13 avril -27 mai 1995.

Stéphane GeoffrayLes Calotypes du fonds d’Iray : Stéphane Goeffray, Julien Vallou de Villeneuve, Louis Adolphe Humbert de molard. Catalogue de l’exposition présentée par le musée Nicéphore Niépce, Chalon-sur-Saône, 1982.Stéphane Geoffray photographe (1827-après 1895) par Anne Alligoridès. mémoire : Histoire de l’art : Paris X-Nanterre, 1991.Stéphane Geoffray : Charlieu et ses environs en 1850-1860 : collection intégrale d’un fonds de négatifs-papier par Pierre marc Richard, in Catalogue de Vente, Paris, Drouot-Richelieu, 29 mars 1994.Le Papier ciré sec de Gustave Le Gray : recherche d’une formulation contemporaine par Nicolas Le Guern. mémoire : Photographie : Traitement des images : Ecole nationale supérieure Louis Lumière, mai 2000.

Mission héliographiqueLa mission héliographique : cinq photographes parcourent la France en 1851 par Anne de mondenard. Paris : monum : Editions du Patrimoine, 2002.

Antonin VergiatTraditions et magie d’Oubangui : donation photographique d’Antonin marius Vergiat. Catalogue de l’exposition présentée par le musée Déchelette, Roanne, 30 novembre 1997-1er mars 1998.

Orientation bibliographique

Page 85: Aux premiers temps des photographes

Remerciements

Institutions :Bibliothèque nationale de France Laboratoire de Recherche Historique Rhône-Alpes (LARHRA) Ville de Chalon-sur-Saône, France - musée Nicéphore Niépce musée des Beaux Arts et d’archéologie Joseph Déchelette, en particulier la Bibliothèque Déchelette et les collections de l’Ecomusée du Roannais – Ville de Roanne

Associations :Association des Amis de la médiathèque et du musée de Roanne (A2mR) Association Le Coteau d’Hier et de Demain Association des Amis des Arts de Charlieu Association des Amis du château de La Roche Photo-Club de Roanne

Collections privées :m. Bassereau, m. Bigard, m. Cabotse, mme Collin, m. Claustre, m. Dechavannes, m. Demure, Mme & M. Dessendier, Mme. & M. Durand, M. Forest, Mme Héry, M. Paratcha, M. Trévarin.

Et aussi …

MM. Boisjoly, Collet, Grosbellet, Mme Hugueny, M. Lorton, Mme Pigat.

AvertissementLes légendes mentionnent des informations sur l’origine du document ou de la photographie représentés. Celles qui ne comportent pas de références induisent que les documents proviennent des collections de la médiathèque ou de la Bibliothèque du musée de Roanne.

Cet ouvrage a été publié à l’occasion de l’exposition :

Aux premiers temps des photographes – Roanne : cité modèle (1840-1940) présentée à la médiathèque de Roanne du 11 octobre au 29 novembre 2008.

Commissariat : Isabelle Suchel mercier, conservateur en chef des bibliothèques, directrice de la médiathèque de Roanne et Christine Henry, assistante qualifiée du patrimoine, responsable des fonds patrimoniaux.

Rédaction : Christine Henry et Isabelle Suchel Mercier.

Recherches documentaires : Audrey Duchamp et Patrick Allamel.

Préparation des documents : Isabelle Rollet – Usaï.

Mise en page : Julien Perey et Jean-Luc Rocher.

Avec le soutien de la Ville de Roanne

et de la Direction régionale des affaires culturelles de Rhône-Alpes.

Page 86: Aux premiers temps des photographes

Directeur de collection Jean-Luc Rocher

Thoba’s éditions14, rue Brison

42300 - RoanneTel : 04 77 72 49 88

[email protected]

ISBN 2-916393-24-2

Achevé d’imprimer au 3e trimestre 2008 sur les presses de l’imprimerie Chirat

42540 Saint-Just-la-PendueImprimé en France

Dépot légal N°