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Chabalance Pas Mal A Paris ! Chabalance Pas Mal A Paris ! J’aurais tout aussi bien pu donner à cet aventure des titres comme : “Des invalides au SDF”, “Deux armoricains à Paris”, “Mal rasé, la Motte-Picquet”… mais vous savez que l’auteur d’un livre est rarement l’auteur du titre. Des raisons bassement commerciales l’emportent le plus souvent sur les qualités littéraires. Hélas, trois fois hélas ! On ne fait pas s’qu’on veut ma brave dame ! Bon c’est pas tout mais y a un train à prendre. En route… par Michel Geffroy

Aventure parisienne

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Tribulations de ruraux en capitale de la France

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J’aurais tout aussi bien pu donner à cet aventure des titres comme : “Des invalides au SDF”, “Deux armoricains à Paris”, “Mal rasé, la Motte-Picquet”… mais vous savez que l’auteur d’un livre est rarement l’auteur du titre. Des raisons bassement commerciales l’emportent le plus souvent sur les qualités littéraires. Hélas, trois fois hélas ! On ne fait pas s’qu’on veut ma brave dame !

Bon c’est pas tout mais y a un train à prendre. En route…

par

Michel Geffroy

Sommaire

1 Quelle aventure, ou la gaité parisienne.............................................................................................2

2 Montparnasse, gare à toi ou la traversée de Paris..............................................................................4

3 Hum, Chabal ou en forme Ulain........................................................................................................8

4 Troisième mi-temps ou t'as pas du feu ?..........................................................................................11

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Quelle aventure, ou la gaité parisienne

1 Quelle aventure, ou la gaité parisienne

Samedi matin ! Le sac est prêt : rechange et brosse à dents. Le ticket d’entrée au Stade de France est dans la poche intérieure, les billets de train également. Paré pour Paris. Le TGV numéro 80625 en provenance de Brest et à destination de Paris-Montparnasse quittera Morlaix à 9h10. Pas question d’être en retard, évidemment. Je dois passer prendre Alain vers 8h30. Il caille un peu mais c’est supportable. Au quart de tour la Renault 5, let’s go. Petit café chez le petit frère. Check liste en sa compagnie : brosse à dents, OK ! Billets de train, OK ! Entrée au stade, OK ! Le reste étant superflu, nous décollâmes de Plougoulm à l’heure dite. Plus beaucoup d’essence dans la caisse mais cela suffira jusqu’à Saint-Martin on the Fieds. Une place pas trop éloignée de la gare sur le parking. Sortie de voiture. Re check liste. Pas de risques inutiles. Trop con de laisser un billet de train ou pire, le sésame du stade sur la banquette arrière.

A la station, je repère une tête connue. Mais d’où ? Je suis incapable de remettre un nom sur ce visage. Alain, cela ne lui dit rien. Pourtant, je case cette figure du côté de la musique. Bretonne ? Je crois mais j’ai un doute. Putain qu’c'est énervant. « Eh ! Jean-Louis, pour Paris il faut prendre le tunnel. » Jean-Louis ! Jean-Louis ! Bon sang mais c’est bien sur. Jean-Louis Murat qui après son concert à Langolvas a décidé de rentrer sur Paris dans le même TGV que le notre. C’est dingue. Nous n’avons pas encore quitté Morlaix que déjà les célébrités affluent. Ach ! Paris ! Parissss !

Alain me fait redescendre en m’indiquant que nous ne devons pas oublier d’amender la terre avec notre ticket. Hein ??? Ben oui, de composter. Purée, si le petit se met à vanner comme le grand, je sens que le voyage va être long.

Chic, notre voiture jouxte celle de la compagnie des wagons-lits. Pas besoin de trop bouger pour un café.

Lecture de l’Equipe. La liste des joueurs est fixée dans le porte-revue, face à nous et à hauteur d’yeux. Exercice de mémorisation et test à brûle pourpoint. Numéro 2 ? Schwarzesky, facile. Je ne

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Quelle aventure, ou la gaité parisienne

m’en sors pas trop mal même si je reconnais la nette supériorité de mon voisin. Je bute toujours sur le numéro 9 : Tillous-Borde.

Plouaret, Guingamp, Saint Brieuc, Lamballe, Rennes. Nos amis quimpérois nous rejoignent et se collent à nous. Cinq minutes d’arrêt pour que la SNCF accroche les deux TGV. C’est notre chauffeur qui continue jusqu’à Paris, celui de Quimper va pouvoir piquer un roupillon sans se soucier de l’itinéraire. Je suppose que le retour c’est lui qui le fait. Je ne sais pas. Faudra se renseigner.

Pour la troisième fois depuis le départ de Morlaix, je viens de voir passer le contrôleur. Toujours le même, toujours dans le même sens. Il arrive dans mon dos, il passe dans l’allée en direction du bar puis il arrive de nouveau dans mon dos, il repasse dans l’allée en direction du bar et ainsi de suite. Jamais il ne revient. Les hypothèses les plus farfelues encombrent ma céphalée. Je sais que la SNCF est une grande famille mais de là à ce qu’ils soient tous frères, jumeaux qui plus est…

“Je suis seul dans la voiture, je me déchausse et j’escalade le fauteuil de devant, le mauve. Pour ne pas être géné par le porte-bagage, je lance élégamment mon pied droit sur la place de droite, de l’autre côté de l’allée centrale. Me voila chevauchant, dans un petit grand écart, le passage des contrôleurs, l’oreille collée au plafond, à l’indienne mais à l’envers, guettant le moindre bruit susceptible de trahir le passage de l’agent SNCF dans un espace secret dissimulé dans un faux plafond qui permettrait de remonter le train à l’insu des voyageurs. « Que faites-vous là Monsieur ? Heu ! Je cherche mon bon de transport qui a du glisser de la poche de ma veste. »

Il vient de surgir derrière moi, dans son uniforme gris, marqué Christian Lacroix. Classe ! Moi, la honte !

- Excusez-moi Monsieur, mais à plusieurs reprises je vous ai vu passer et jamais revenir. Comment faites-vous cela ?

Il aurait pu se la péter, la jouer Gérard Majax. Vous savez, nous sommes tous un peu magiciens à la SNCF. Mais non. Son sourire en coin me fait déjà regretter ma question. Comme par hasard, tout le monde est revenu à sa place dans le wagon. Ils me dévisagent avec le même rictus que l’homme gris à casquette. J’ai la désagréable impression que je ne devrais pas tarder à passer pour un con.

- A chaque arrêt, nous descendons et je remonte le quai en m’assurant que la montée des voyageurs se déroule correctement.

Au moment où la voiture numéro 11 éclate de rire à mes dépens j’entends un…”

- Billets sioux plait !- Je vous prie de m’excuser, je m’étais assoupi. Tenez, le voici.- Merci !Tchac, tchac- Bonne journée !

C’est bien de dormir dans le train. Cela le fait avancer plus vite. Après Laval, Le Mans et un petit café au bar où la SNCF a greffé des ailes à ses prix pour qu’ils puissent s’envoler. Défilé d’agents élégants qui un par un s’en vont serrer la main de Jean-Louis Murat, confortablement installé quelques places plus loin. Mon costume n’étant pas estampillé grand couturier, je n’ose pas faire comme eux.

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Montparnasse, gare à toi ou la traversée de Paris

2 Montparnasse, gare à toi ou la traversée de Paris

Résumé de l’épisode précédent : Après avoir voyagé sans encombre en compagnie de célébrités, Alain et Michel arrivent enfin à Paris, gare des bretons.

Gare Montparnasse, terminus du train et heureusement, sinon le TGV défonçait la tour de 200 mètres qui culmine la capitale, pas celle en fer, celle en verre fumé style lunettes de Sarkozy. Nous nous posons sur un banc pour notre pique-nique. Premiers contacts avec l’insécurité des grandes métropoles. Une horde de pigeons nous assaille et essaie de nous voler nos casse-dalle. Nous luttons farouchement à coup de pieds dans les plumes et obtenons l’instant de répit qui nous autorise à avaler une bouchée et à planquer notre pain jambon avant une nouvelle attaque ailée. Struggle for life, stourm evit bevañ. C’est vraiment de la merde ces colombins.

“Paris est tout petit pour des gens qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour” disait Arletty dans “Les enfants du Paradis”, paradis que l’on nomme également, dans certains théâtres, le pigeonnier, on en sort pas. François Pot et son fils nous interpellent (pour ceux qui ne connaissent pas, c’est un plounevezien, voisin de PAG). Eux sont arrivés en avion et ont rendez-vous à la gare avec un cousin qui doit les conduire au Zénith pour assister au concert de Slipknot un groupe de néo metal originaire de Des Moines dans l’Iowa. Après une tentative de corruption bien naïve de la part de François pour échanger sa place contre les nôtres, nous parlons du pays. Nostalgie d’expatriés. Nous prenons congé à l’arrivée de leur parenté.

Il n’est que 14h30, nous avons du temps devant nous et entrons dans Paris par la rue du Départ. Ils savent recevoir. Cela me fait penser à ces paillassons que l’on trouve dans les bazars de type “Mill’choses” qui indique bienvenue d’un coté et bon débarras de l’autre. A propos de Bienvenüe, il a son buste sur le fronton de la station. Il fut l’ingénieur qui élabora le métro parisien et son prénom c’est Fulgence. Alain me fait remarquer que Ouedraogo, le troisième ligne de l’équipe de France se prénomme également Fulgence. Bien joué Alain. Ne perdons pas de vue le pourquoi nous sommes ici en nous égarant sur des anecdotes pseudo-historiques.

Nous longeons le jardin du Luxembourg sur la pointe des pieds, sans bruit. Le palais est tout proche et nous ne voudrions pas perturber le sommeil du juste des sénateurs oubliés pour le week-end dans les travées de l’hémicycle. Saint Sulpice nous impressionne par son architecture et sa taille mais bon, on va pas non plus en faire un fromage. C’est surtout qu’on s’était dit que près de l’église on avait

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Montparnasse, gare à toi ou la traversée deParis

une chance supplémentaire de trouver un troquet. Parce que cela ne court pas les rues les bistrots à Paris mais nous en reparlerons. Près du boulevard Saint Germain, nous optâmes pour le Café Mabillon et une Grimbergen. Au moment de régler l’addition, nous prîmes conscience d’avoir changé de monde. A 5,20 euros la bière, cela fait cher le kilo de houblon. Je ne pense pas que nous y reviendrons après le match, même s’ils affichent le résultat des autres équipes. De toute façon, il n’y a ni flipper, ni baby foot et encore moins de juke-box. Ciao !

Et si nous prenions le métro ? Quelle bonne idée que de changer de quartier. Après quelques hésitations sur le fonctionnement du distributeur automatique de tickets direction l’île de la Cité, Alain ne connaît pas Notre Dame à part celle de Kerizinen, deuxième route à droite en sortant du Chuben.

– Deuxième, t’es sur ?

– Ben oui !

Mentalement, je m’imagine sortant du Chuben, je laisse la route du cimetière sur ma droite et je file vers la banlieue, traversant Pont Ar Rest et… Merde, ça m’énerve quand il a raison.

Pour l’église de Quasimodo, nous nous contenterons d’une vision externe. La file d’attente pour y entrer dépasse allègrement la distance de deux terrains de rugby mis bout à bout. Petite flânerie en bord de Seine et coup d’œil sur les étals des bouquinistes : vieilleries, incunables, curiosité comme ce livre d’une seule page écrit par Raymond Poulidor “Mes maillots jaunes” et sur l’unique feuillet cette suite de mot comme nada, bernique, des nèfles, peau de bique, fifrelin, des clous, peau de zébi, oualou, que dalle, merde à Anquetil, merde à Merckx… Des affiches du poulbot qui m’évoque une illustration similaire dans une des chambres de Pen Ar Groas. Mais qui donc avait pu rapporter ce souvenir parisien ? Des noms, on veut des noms.

Toujours à l’allure d’un pensionnaire du palais du Luxembourg, nous optons pour la direction de Saint-Denis et de son célèbre stade qui mélancolique regarde en cet été 1998 la France s’illuminée. Poser nos sacs à l’hôtel, prendre une douche, manger un brin, bref, se mettre en condition. Nous nous réengouffrons dans la bouche de métro nommée “Cité” et direction le nord. Pas celui des ch’ti mais une petite laine risque d’être plus que nécessaire. Un changement est prévu à la gare de l’Est.

En descendant, nous croisons une dame qui nous questionne sur la proximité d’un bureau d’information. Elle vient de se faire voler son argent et ses papiers, directement dans son sac à main qui pourtant était fermé et comment est-ce possible, je vous le demande ? N’étant ni l’un ni l’autre des spécialistes de la cambriole même si nous avions l’impression, en quittant le Mabillon, de nous être fait racketter, nous nous contentons de lui indiquer le guichet de la ratépé en haut des marches et compatissons à son malheur en prenant congé. Ma main réflexivement se pose sur ma veste, à l’endroit du cœur et accessoirement du portefeuille. Il semble être toujours en place, le maroquin pas

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Montparnasse, gare à toi ou la traversée de Paris

le myocarde qui me paraît plus compliqué à chourer. N’est pas le professeur Cabrol qui veut. Le reste du trajet sera hanté par la disparition du précieux ticket gagnant, l’ouvre-stade.

Bon, ce n’est pas tout cela mais nous ne sommes pas encore arrivé et cette fois, je le crains, nous sommes complètement paumés dans les abysses parisiennes. Nous arrivons à l’entrée du RER et après interrogation d’un agent aussi aimable qu’un président de la république au salon de l’agriculture, nous apprenons que l’unique voie du stade passe par un tortillard de banlieue, celui de la Courneuve qui plus est. La Courneuve, images d’émeutes, de voitures brulées, de bruits et d’odeurs, de provinciaux égarés égorgés dans les caves nauséabondes… nous n’en menons pas large. Alain est persuadé que lors d’une précédente excursion rugbystique il avait effectué la totalité du trajet à la rame. Demi-tour. L’heure tourne mais ça va. Pour la cinquantième fois nous nous posons devant un plan du métro et essayons de comprendre. Indifférents à notre errance, les gens vont et viennent dans ces tunnels à l’air rance et aux odeurs nauséabondes. Ça pue chez Fulgence Bienvenüe.

Le sourire qui illumine soudainement le visage du frangin est semblable à celui de Champollion qui après des mois de labeur sur sa Pierre de Rosette relève la tête satisfait d’avoir enfin déchiffré les hiéroglyphes, ou celui d’Archimède qui après avoir pété dans son bain est ravi de voir les bulles.

– On reprend la ligne 4 direction Porte de Clignancourt, à Barbes, la ligne 2 et on descend place de Clichy et là, fastoche, on prend le 13 en faisant attention à La Fourche et on arrive tranquillement à Saint Denis. Tu me suis ?

– Non mais oui.

– ?

– Je ne comprends rien à ce que tu racontes mais oui, je te suis.

A la station Guy Mocquet, nous n’oublions pas que Bernard Laporte, alors sélectionneur du Quinze du coq, avait lu, à la demande de son copain Casstoipovcon, la lettre éponyme à ses joueurs avant le début de la coupe du monde ; pour plomber l’ambiance…

Alors que se pointe la Porte de Saint Ouen, l’évocation de Laporte fait rebondir (boing, boing) notre conversation sur la crainte de voir, d’entendre, notre hymne national sifflé et le stade évacué. Tout ce chemin pour rien. Hors de question. A l’instar des preux chevaliers, qui tout en demeurant courtois, pouvait bouter n’importe quel houspilleur hors de France et brouter n’importe quelle… -oups, pardon, je m’égare- nous jurons, croix bois, croix de fer, de botter le fondement du premier qui s’essaierait à striduler. Fiers et enhardis par cette courageuse résolution nous poursuivons notre cheminement intra-terros.

Sortie du métro à 18h00, la nuit est tombé pendant que nous lombriquions mais nous le voyons enfin, notre Eldorado, notre Graal, notre treizième mois, notre retraite à cinquante-cinq ans. Le SDF

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Montparnasse, gare à toi ou la traversée deParis

est là, majestueux. Tels des Don Quichotte à l’assaut des moulins, nous dévalons la venelle de l’Ecluse. Taïaut, sus aux kangourous.

A suivre… Alain et Michel trouveront-ils leur hôtel afin de prendre un léger repos bien mérité, le match sera-t’il reporté pour cause de neige, Sarkozy sera-t-il encore président pour la prochaine coupe du monde en Afrique du Sud ? Vous le saurez en lisant le prochain épisode de cette épique et picaresque épopée.

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Montparnasse, gare à toi ou la traversée de Paris

3 Hum, Chabal ou en forme Ulain

Résumé de l’épisode précédent : Après avoir échappé à un vol de pigeons, à une tentative de corruption, une arnaque houblonnière, à des essais d’égarement fomenté par Fulgence Bienvenuë nos deux héros arrivent enfin au bout de leur quête.

L’heure est venue pour nous, ainsi que pour nos bagages, de se poser quelques temps avant l’heure H. Alain a tout prévu, plan du stade, plan et adresse de l’hôtel qui nous accueille. Cinq cent mètres dans la direction opposée au Formule 1, erreur d’appréciation liée à un plan lu à l’envers et nous voici de nouveau dans le droit chemin qui nous amène à contourner le complexe par la droite. Les stadiers sont en place, les buvettes également et bien rangés dans leurs boîtes de polystyrène, les merguez attendent les hordes de supporters affamés, elles frissonnent légèrement sans que nous puissions définir s’il s’agit d’un tremblement lié à la fraicheur de la température extérieure, mais cela normalement elles sont habituées, aux vibrations du plancher sur lequel elles reposent ou la hantise de se faire dévorer par des australiens qui les badigeonneraient de mayotchup ou de ketnaise en baragouinant un english uniquement compréhensible des descendants de bagnards. M’enfin elles tremblent. Les tarifs affichés sont bien moins agressifs qu’à Saint Germain ; mieux vaut se sustenter dans les travées du SDF que de boire un banné dans les quartiers du PSG.

Notre hôtel est situé à moins de 500 mètres de l’édifice à vocation sportive et artistique (si on peut parler d’art en évoquant Johnny et Bigard, deux habitués des lieux). Bien joué Patricia*. Malgré la faim qui nous tenaille, nous ignorons superbement le mac do qui fait coin et rejoignons d’une traite le complexe hôtelier dont l’entrée jouxte l’accès au drive-in du distributeur d’hambeurker sus-cité. Alain gère avec l’hôtesse d’accueil les formalités administratives nécessaires à notre admission. Escalier ou ascenseur ? Un couple avec enfant s’engage dans la boîte de 300 kg maxi et ne nous permet pas de tergiverser plus longuement. 5 étages au pas de course, Alain crache ses poumons au troisième. Mon entraînement dominical commence à payer, j’attends le cinquième pour expulser les miens. Allongé sur la moquette du palier, je pique un petit roupillon en attendant que le frérot ne me rejoigne, c’est lui qui a le code. Bip, bip (6 fois), la porte s’ouvre. Un grand lit 2 personnes surplombé d’une mezzanine à belle échelle métallique blanche trône au milieu de la pièce. Un lavabo, une table, une chaise, un téléviseur. Je retrouve l’austérité des chambres des frères de Ploermel, jaccuzzi en moins.

Une dizaine de cintres, alignés comme un régiment d’infanterie de la garde républicaine, coulissent comme des pieds sur une patère scellée entre le mur et la rampe d’accès au lit du haut. Le classique crochet du portemanteau est ici remplacé par un anneau qui, s’il permet le va et vient sur la tringle de

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Hum, Chabal ou en forme Ulain

bois, empêche l’enlèvement par des personnes mal intentionnées. Il ne manque que le plombage EDF qui protégeait, à Pen Ar Groas et ailleurs, le compteur électrique qui surplombait la 8ème marche de l’escalier, celle précédant celle qui grinçait à réveiller une mère lors de rentrées noctambules. A moins de venir avec son égoïne et sa colle à bois masque-larcin, impossible de rapporter un souvenir parisien. Souhaitons que les serviettes ne soient pas fixées par des élastiques… ou des chaînes.

19 heures approchant tranquillement, nous décidâmes de descendre manger. Tirage à la courte paille pour le choix du restaurant. Le Courtepaille l’emporte. De toute façon, c’était ça ou le clown du fast food. Autant dire que nous n’avions pas le choix. Viande, frites, coup de rouge… cela vous retape un supporter. De plus, ici c’est ambiance famille et rugby. Beaucoup de tenues aux couleurs de l’équipe de France, quelques maillots All Black, mais pas d’australien hormis le cuistot dans une tenue VRP d’un jaune éclatant. Il prépare ses viandes sur son grill, dans une grande cheminée, au vu et au su des convives. Une absence prolongée de l’homme à toque provoquera l’hilarité générale de la salle quand sa viande s’enflammera et qu’un feu de la hauteur d’un poteau de rugby finira sa cuisson. Bien dans l’ambiance, nous rions de concert. Nos voisins de table, arrivés peu après nous, ont plutôt le rictus couleur chemise du maître queux : ils viennent de reconnaître leur commande en proie aux flammes. Nous quittons la salle avant l’arrivée des pompiers de Paris.

Nous sommes chauds. Direction le stade, 19h30, nous avons le temps de nous en jeter un. Le débit de boisson repéré à l’aller fera l’affaire. La température extérieure avoisine le zéro et le verre de bière commence à se coller à la paume de la main. Il n’est pas rare de voir, sur les godets plastiques jonchant le sol, quelques morceaux d’épidermes. Ne peuvent comprendre la rudesse de la vie de supporter que les personnes ayant assisté à un match de foot, en plein mois de décembre, au stade de Bellevue (Plounevez Lochrist), un bock de Kronenbourg à la main.

Nouveau fou rire général lorsque le jeune serveur nous offre un magnifique salto arrière, totalement improvisé et légèrement provoqué par une flaque d’huile. Nous apprécions à sa juste valeur la solidarité des garçons de café ; en effet, son collègue au look chabalesque, tellement mort de rire, s’éloigne précipitemment pour ce que nous supposons être une tentative d’évitement d’accident nycturique.

Après avoir demandé au frangin de bien vouloir me dépalucher de mon verre, après avoir soulagé nos vessies en compagnie d’australiens qui raillent notre “hot summer”, nous nous approchons des chatouilleurs. Les chatouilleurs sont des personnes, que l’on retrouve à l’entrée des stades, des concerts… dont le boulot consiste à vous palper de la tête au pied. Non, pas les pieds, ils sont sensibles aux papouilles ! Bien sur, il existe également des chatouilleuses pour dame, qui ont bien du mérite à supporter les railleries de ces mâles : “He pourquoi je pourrais pas passer avec ces dames puisqu’elles n’ont personnes”, “J’ai caché un truc, saurez-vous le trouver ?”. Tiens donc, le supporter serait-il donc parfois légèrement bof ?

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Hum, Chabal ou en forme Ulain

Rien à déclarer, nous grimpons l’escalier qui mène au sommet du monument où se trouvent nos places. Je suis Al Pacino escaladant les marches de Cannes. Au sommet, le choc. Devant moi, un gigantesque amphithéâtre, des écrans si géants, des couleurs de toutes les couleurs et tout en bas, une pelouse verte à faire brouter une vache anorexique, des lignes si blanches et des poteaux si droits et si parallèles. Tout est beau ! Même Alain que j’embrasserais bien volontiers s’il n’y avait pas tant de monde. Pudibond !

- Mais si Monsieur vous verrez il reste des places mais ce ne sont pas des bancs mais des sièges individuels numérotés.

Celui qui s’adresse à moi, regardant mon ticket, est un placier. Il à le même rôle que l’ouvreuse au cinéma, la lampe poche et le panier de cahuètes grillées en moins, le gilet, fluobligatoire à portée de main pas dans le coffre avec le triangle, en plus. Il nous indique gentiment nos places. Merci. Oh on est bien reçu, ça on peut pas dire.

On s’installe. Ça caille vraiment même si l’architecture du bâtiment nous épargne le vent. Nous sommes vraiment tout en haut, au moins cinquante mètres, et à gauche de l’en but. Tout en bas, je reconnais Galthié qui prépare la retransmission. Eh oui, nous allons passer à la télévision. OUH, OUH, Fabien ! Même pas un regard. Il a pécho la grosse tête depuis qu’il bosse à France Télévision ou quoi ? Les joueurs français entrent sur le terrain pour s’échauffer. Skrela bottent la baballe sur les poteaux. Mauvais présage ? J’aperçois Chabal qui percute de gros matelas soutenus par ses coéquipiers. Le stade commence à se remplir. L’ambiance grimpe de quelques degrés, pas la température.

L’école de musique de la gendarmerie mobile fait son entrée sur la pelouse avec des tralala zim boum hue. Les équipes entrent à leurs tours. Grandiose. L’hymne national australien est repris en cœur par une poignée de partisans mais leurs voix ne couvrent pas la grosse caisse du gendarme. Pour la Marseillaise, alors là, c’est le délire. Le stade est debout, enfin, les supporters qui s’époumonent mettant au défi, n’importe quel mélomane y compris Frédéric L’Odéon, de repérer une fausse note dans la musique des archers du Roy qui, une fois leur boulot pour quoi ils sont payés terminé, s’en vont dans le même ordre qu’ils sont arrivés. C’est là que nous voyons arriver le gag qui va faire s’esclaffer la foule chauffée à blanc. Disciplinés, en rang par quatre, ils traversent le terrain pour sortir par une brèche prévue à cet effet dans la main courante. De là où nous sommes, nous voyons bien que ça ne passe pas et nous attendons impatiemment la dislocation de la fanfare. Peine perdue. Dans un mouvement de petit pas que n’aurait pas renié Maurice Béjart, ils se resserrent les uns contre les autres et passent allègrement. Le oooooh de déception émanant des banquettes doit faire sourire les pandores. On se console en se disant que pour une fois que c’est eux qui soufflaient dans le pipeau…

Le coup d’envoi est donné par David Skrela. C’est parti. Nous y sommes.

A suivre…

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Hum, Chabal ou en forme Ulain

*Patricia s’est occupée des réservations dès le mois de juin et de Plougoulm, trouver un lieu d’hébergement autre que la tente 3 secondes des Don Quichotte et de tomber à moins de 500 mètres du lieu des débats est une vraie performance.

4 Troisième mi-temps ou t'as pas du feu ?

Pas de résumé cette fois. Pour ceux qui prennent en cours, il va falloir se coltiner les 3 épisodes précédents.

Comme je le disais précédemment, le match est parti ponctuer par les hou gutturaux de la foule à chaque prise de balle de Sébastien Chabal. Y a pas à dire, il plaît. Sauf peut-être à mon voisin de droite qui lancé dans une grande discussion sur les choix du sélectionneur nous targue d'un magnifique "Chabal, le sélectionneur ne le choisit que pour faire fantasmer les ménagères".

Coup de sifflet. C’est la mi-temps. Ruée vers les toilettes. Assez prompt, nous arrivons dans les premiers mais il nous faut quand même patienter. Les vespasiennes ont la forme d’un U, U comme urinoirs, le sommet de la lettre étant l’entrée. Des petits jets d’eau ruissellent sur la paroi du mur, se jettent dans une rigole au pied d’une vingtaine de personnes au garde à vous, la tête en bas, concentrés, ne souhaitant sans doute pas rater le passage d’une truite, pour d’autres, allergiques à la pèche ou plus distraits c’est tête en l’air et les yeux dans le toit et au milieu de cette marée humaine, d’autres hommes attendent impatient, trépignant, qu’une place se libère. Lorsque nous sortons, la file d’attente est impressionnante et les 10 minutes de pause ne seront pas de trop pour la contourner. Petite clope et retour à nos places. Les joueurs n’ont pas eu à faire la queue car ils reviennent assez vite sur le terrain.

Le match est un vrai combat d'avants. Skrela en tirant chaque fois à coté des poteaux commence à nous les briser menu-menu. Fin du match, 18-13 pour les marsupiaux de l'hémisphère sud. Les gens quittent rapidement le stade, nous restons encore un moment comme si nous voulions que cela ne s'arrête pas. Puis le froid nous engourdissant, nous quittons les lieux pour un café chaud. Pour sortir du stade, c'est un peu compliqué, il y a du monde partout, cela bouchonne. Toujours pas pressé, nous contournons, les yeux grands ouverts pour profiter de tout et surtout pour voir s'il n'y aurait pas un bistrot genre « Café des sports » ou nous pourrions boire un verre au chaud. Ras le bol des buvettes glacées.

Près du stade, une rue avec 4 ou 5 troquets, tous bondés. Ils ont sorti les buvettes et les futs pour pouvoir répondre à la demande. Peu enclin à jouer des coudes pour pouvoir les poser sur un comptoir, nous optons pour un verre à l’air libre. Libre ? Façon de parler. Si l’air avait eu son mot à dire, il aurait préféré quelques degrés supplémentaires. Mais bon ! Une bande de rugbymen bretons en goguette parade en chanson devant des kangourettes glacées. Deux groupes s’interpellent en chantant de plus en plus fort, de plus en plus faux d’un bout à l’autre du comptoir : « C’est à Dinard

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Troisième mi-temps ou t'as pas du feu ?

qu’on gueule qu’on gueule » braille la chorale un peu Rance. J’interroge Alain sur l’origine géographique de l’autre ensemble vocal car je n’arrive pas à comprendre le nom de la ville. «Qu’est-ce qu’on t’a appris au service militaire ? C’est pas Dinard qu’ils disent mais tribord et les autres répondent que non, c’est à bâbord qu’on gueule les plus forts.» Une de fois de plus, je passais pour un crétin auprès du frangin. Facile pour lui, il a fait son service dans la marine. Dans l’aviation, à Loperhet, il n’y avait ni bâbord, ni tribord, les militaires marchent au radar et pour se repérer on parle du troquet de droite et du zinc de gauche. De toute façon, ils étaient trop saouls pour chanter et si les chants de marins sont une institution, qui connaît des chansons de l’aérospatiale ? Franchement, quelle gueule ça aurait une chanson de l’armée de l’air ? Hein, je vous le demande ?

Loperhet des airs, Loperhet des airs Tu regardes s’envoler les derniers vrais pilotesLoperhet des airs, au fond d’ton aéroportS’entassent les carlingues des avions déjà mort

Changeons de râtelier. Nous entreprenons une tournée dans Saint-Denis pour trouver un lieu plus convivial et moins garni. On longe le périphérique, l’endroit est désert, on repique vers le canal, pas un chat, on revient vers le stade, les derniers flics font leur bagage, les stadiers ont commencé le nettoyage. Nous venons de parcourir près de deux kilomètres dans le bourg et pas une auberge. C’est donc au cri de « Montjoie Saint-Denis » que nous repartons à l’assaut des estaminets sus-nommés, rue Jules Rimet. Nous changeons de crémerie mais le résultat est le même et nous nous retrouvons en terrasse. Boulba aurait dit les cosaques qui supportent mieux le froid que nous. Direction rue de la Cokerie où sied notre maison d’étape. Il est temps de mettre un terme à cette longue journée.

Le droit d’ainesse, vous connaissez ? Et bien sachez que vous pouvez vous asseoir dessus. La déontologie, les codes et traditions, bref, tout ce qui fait qu’un ancien est respecté par un jeunot, la jeune génération n’en a plus rien à faire. Alain s’octroie d’emblée le grand lit à deux places et sa position allongée de haut en bas et de gauche à droite ne laisse planer aucun doute sur son intention de m’accorder un droit d’usage. Mes jérémiades sur la raréfaction de l’oxygène en altitude, mon mal de l’air récurent le laisse de marbre. Va pour la mezzanine. Je ne devrais pas être sujet au vertige n’ayant pas l’intention de me pencher au dessus de la balustrade pour admirer quoi, je vous le demande ? Les pieds de mon frère. Non merci. De là haut je pourrais le narguer en lui narrant le point de vue.

Brossage des dents, mise en tenue de sommeil, j’entreprends l’escalade de la fameuse échelle, seule voie d’accès à mon camp de base. Le premier barreau est glacé et mon pied nu rechigne à s’y poser. Sentiment désagréable mais je passe outre. On en a vu d’autres, dans la journée, question disgrâce calorifique. Pour grimper, il me faut maintenant intimer à mon pied gauche l’ordre de quitter le sol. Une douleur fulgurante s’empare

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alors de ma jambe droite rebondissant de nerfs en nerfs jusqu’au sommet de mon crâne, jusqu’à la pointe des cheveux et faute de pouvoir aller plus haut, redescend par le même chemin. Le barreau s’est incrusté dans la chair de mon porte-orteils. Marche arrière, juron. La planche du fakir est un Epéda multi-spires comparé à ce maudit monte-pieu. Ah, si j’étais Javier Sotomayor, trois pas d’élan et je fosburyrais en un clin d’œil dans ce maudit plumard. J’essaie alors d’élever mes 86 kilos (Ah, quand même ! Ouais, bon ! Passons !) à la force des poignets comme lorsqu’au lycée nous devions atteindre le sommet de la salle omnisports en nous hissant sur cette grosse corde qui vous niquait les mains et que nous les garçons, on n’avait pas de nœuds pour poser nos pieds et qu’on faisait des nouages compliquées pour soulager nos biceps qui devaient nous envoyer toujours plus haut, jusqu’au crochet. Mais le poids des âges est passé par-là et très vite les muscles en ceps déclarent forfaits et réclament à mes arpions un coup de main. Ayant quitté le sol de quelques centimètres, je ne peux tout lâcher au risque de me briser le col du fémur. C’est donc au deuxième barreau que revient l’honneur d’accueillir mes pieds et tout ce qu’il y a au-dessus. Mon cerveau est pris au dépourvu, une fois n’est pas coutume, et ne pense pas à sécréter l’endorphine qui aurait atténué la souffrance : « Sois sage ô ma douleur, et tiens-toi plus tranquille ». Entre terre et ciel, je dois poursuivre mon chemin de crois, algique dans les pieds (fleurissent, fleurissent), jusqu’à l’hallali, la haut le lit. Alain lit, peinard, insensible à ce crucifiant élancement qui laboure ma voûte plantaire. L’Annapurna fut pour Maurice Herzog un chemin de pétales de roses face à cet escabeau formulesque. J’y suis. Le front ruisselant, les panards zébrés, les mains lacérées, je m’allonge enfin tel un membre du FLN entre deux rencontres avec gégène, l’ami de Bigeard. Sous les draps, la chaleur m’envahit, la douleur s’estompe remplacé par une sensation bien plus insidieuse.

J’ai envie de faire pipi.

« Tu ronfles » me dit Alain au réveil. « C’est l’altitude » lui réponds-je du tac au tac. Ambiance habituelle d’une matinée où les belligérants n’ont pas encore déjeuné. Direction le rez-de-chaussée, la salle commune et le buffet à volonté : « J’ai plus d’appétit qu’un barracuda, barracuda… » Cependant, cela démarre mal, pas la moindre feuille de chou, pas un Ouest-France, pas un Parisien ou un l’Equipe. Même pas un petit Métro ou un Le Gratuit à se mettre sous les yeux. En désespoir de cause, j’attrape un prospectus vantant les mérites d’une cure de sommeil à la Basilique Saint-Denis. Sans culottes et sans têtes y dorment depuis des siècles dans des caves de Bourbons à vous endormir un écossais pur malt. C’est vous dire la qualité léthargique des lieux. Je n’ai pas encore fini mon premier bol de café que le dépliant est lu sous toutes ses coutures. Je pourrais même vous donner les horaires d’ouverture en espagnol de la basilique dédiée à Saint-Denis, maririzado por los romanos en el siglo III. Je fais part de mes réflexions au frangin qui vient de me rejoindre dans la salle de restauration : « Saleté de ritals » ponctue t’il en fin connaisseur des ennemis de la France. Notre repas achevé, nous songeons à quitter la cité des rois morts pour Paris. En spécialiste des droits royaux et des octrois divers et variés nous n’oublions pas de régler la gabelle par un dépôt de selles conséquent. Je vous prie, gardez tout. Grands seigneurs.

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Re métro, direction les Invalides. Ne craignez rien, mes pieds vont mieux et cette destination est plus liée au hasard qu’à mon état. Alain s’extasie sur le pont Alexandre III, un des derniers tsars de Russie. Il est vrai que cette passerelle sur la Seine, dédiée au combat, à la guerre, à l’agriculture et aux arts à de la gueule. Sur les piliers, des sculptures dorées que même les pigeons n’osent pas venir se poser dessus. Un ramier c’est con mais ça a le sens de la hiérarchie. Ils prenaient moins de gants avec nous, gare Montparnasse, qu’avec l’empereur de toutes les Russies. « Attendez que les bolcheviques reviennent et vous allez voir ce que vous allez voir, bande d’emplumés ».

Nous déambulons dans une rue piétonne, un quartier plutôt bourgeois au vu des bermudas, des socquettes et des pulls bleu-marine des gamins tirés par leurs parents. Remarque, il faut un œil expert pour deviner qu’il s’agit d’un pantalon court car le bleu du tissu se confond avec la couleur des jambes nues de l’enfant. Le thermomètre est passé sous le zéro et des flocons de neige commencent à tomber. Après l’achat de l’Equipe, un chacun pour qu’il n’y ait pas de bagarres, nous nous installons confortablement à la devanture d’un café. Cette fois, c’est couvert et chauffé. On y est tellement bien qu’on se croie à l’intérieur et qu’on ne pense pas à allumer un clope. Un clochard fait la manche devant les rôtissoires à poulet. Notre barman sort un instant pour discuter avec lui et lui offrir ce qu’il me semble être un croissant. Je pense à un reportage de Daniel Mermet sur France Inter, Ballade au Sarkozystan, dans lequel le journaliste interrogeait une dame de Neuilly qui d'une voix de crécelle que seule une habitante des hauts-quartiers de Sarko peut émettre : «Autrefois, nous avions nos clochards, nous avions Alfred qui habitait, je sais pas trop bien où… qui était aimé, habillé, nourri par les gens du quartier… qui promenait sa poussette…»

Nous poursuivons notre promenade matutinale et dominicale en direction de la tour Eiffel. Partout, des gens courent, pour le plaisir cette fois et non pas pour attraper un bus ou un rendez-vous. Nous assistons à une rencontre au sommet entre deux équipes de quartier. Le match se déroule dans le parc du Champ de Mars, un sac de sport, un arbre, voilà pour les buts, maillots dépareillés, rangés d’arbres pour les lignes de touche, de 15 à 60 ans pour les joueurs.

Cela sent bon la joie de vivre.

Notre TGV est à 14h00 et des poussières, nous reprenons la direction de la grande tour, celle de Bienvenüe. Les flocons de neige se sont transformés en gouttes de pluie, une maman file une fessée à son fils désobéissant, les velibs sont cadenassés et nous passons près de l’hôpital Necker, enfants malades, assistance public. Le moral est en baisse, il est temps de rentrer. A la gare, finit la fête, des militaires arpentent les allées, fusil en bandoulière, des messages avertissent de ne pas laisser ses bagages seuls, ils seraient immédiatement détruit. J’ai envie d’essayer mais j’ai un bouquin de Pouy et le Ouest-France Morlaix que je n’ai pas encore lu dans mon sac ados (j’ai piqué celui de Julien). Je me ravise. Je peux enfin sortir ma science face au petit frère en lui racontant que les armes des soldats kakis sont des FAMAS, Fusil d’Assaut de la Manufacture des Armes de Saint-Etienne. Grand sponsor devant l’éternel de nos Verts à nous, les Curkovik, Janvion, Lopez (la première lame coupe la patte, la deuxième empêche de repasser), Larqué, Bathenay et bien sûr, l’inarrétable

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Dominique Rocheteau. Nous avions même au stade de Bellevue, à Plounevez Lochrist, un fidèle parmi les fidèles, qui chaque dimanche arborait fièrement le maillot vert estampillé Manufrance, d’où son surnom. Je pense qu’en cas de guerre on ne serait pas mieux loti qu’en quatorze et leurs pantalons rouges. Le temps que le chef donne l’ordre à ses troupes de prendre le fusil d’assaut de la manufacture des armes de Saint-Etienne et qu’en plus, con comme il est, il va se tromper de ville et devoir tout reprendre à zéro, les bolcheviques se baigneront à Keremma et les goélands fermeront leurs gueules à leur tour.

Après un repas frugal chez Monsieur Rapide (pas d’anglicismes ici), nous sortons de la gare pour fumer un clope. En bas de l’escalier, un sans-abri essaie de nous refiler son journal, un jeune homme avachi sur les marches, une bouteille de bière entamée à ses pieds et un autre jeune. La discussion s’envenime. Occupés avec notre clope, nous ne faisons guère attention au drame qui se joue. Soudain, le buveur de houblon se lève en déclarant «Tu me fous trop les boules !» et remonte sans quitter l’autre jeunot des yeux. Ce dernier vient de sortir un flingue d’on ne sait trop où et le brandit vers l’ex-avachi qui remonte vers l’intérieur de la gare. L’homme armé se retourne ensuite vers nous, son pétard toujours en main mais dirigé vers le bas et nous informe que si nous causons, il nous bute. Je laisse à Alain le soin de lui dire que nous n’avions aucunement l’intention de parler et je m’éloigne discrètement par l’escalator. Je vois qu’Alain remonte également par l’escalier central. Nous apercevons le type qui s’éloigne dans la rue. Bizarrement, la peur est rétroactive. J’ai la chanson de Julien Doré qui me trotte dans la tête : “Je vais quitter Paris.”

Nous retrouvons François Pot et son fils dans la salle des pas perdus de la gare. Nous leur narrons notre périple et surtout, le récit du match. Ils nous parlent du concert, du bruit, des boules quies, du groupe déjanté, de la foule… et que c’est à voir. Bof ! Tant que mes enfants supporteront Adamo et ses filles du bord de mer, j’aime autant les amener à Carhaix. Dans le train, nous rencontrons encore un plounevezien, un des responsables de l’association Vie Libre, encore un voisin de PAG. Voyage du retour sans histoire, je ne regarde même plus les contrôleurs, je suis anéanti. Morlaix. Petit signe à François qui va jusqu’à Brest. Nous voilà sur les quais. J’ai l’impression d’être parti dix ans. Ma voiture nous attend, fidèle parmi les fidèles. Tu as bien mérité que je t’abreuve. Direction la grande surface pour un plein de super. Images de désolation. Les abris à caddies sont par terre. Je ne sais quel pack d’avant a pu faire ce travail mais je pense que le sélectionneur du Quinze de France ferait bien de venir recruter en Bretagne. Quelle mêlée ! L’Ouest-France nous apprend qu’en guise d’avants, ce sont les agriculteurs qui ont fait une opération ramassage de caddies dans les différentes enseignes de la région pour les déposer chez le député du coin. Mais Jacques a dit «même pas mal, je ne porterais pas plainte». Son nouveau surnom lui va comme un gant ne trouvez-vous pas ? Jacques a dit.

Enfin bref, tout cela pour vous dire qu’on s’absente deux jours et vous trouvez le moyen de foutre le souk. On s’absente deux jours et je trouve le moyen d’écrire une dizaine de pages… Je pense que si quelqu’un avait l’idée de m’offrir un tour du monde, j’écrirais un roman.

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